1De l’autre côté de l’Himalaya, au nord-ouest de l’Inde dans l’État de l’Himachal Pradesh, se trouve Dolma Ling, un monastère et institut d’études supérieures bouddhiques (rigs lam slob gnyer khang) pour femmes. Ouvert depuis 1993, il accueille principalement des nonnes bouddhistes réfugiées du Tibet, mais des religieuses indiennes-pour la plupart originaires de régions tibétanisées-peuvent également y suivre des enseignements. L’institut propose une éducation religieuse et séculière complète comportant, entre autres, un cursus d’études scolastiques similaire à celui des grandes universités monastiques gélugpa. L’un des buts que se sont donné les fondatrices de Dolma Ling est de préparer les nonnes à l’examen du diplôme de géshe, « docteur en philosophie traditionnelle bouddhique », titre qui était réservé aux moines dans le passé.

2Situé dans le village de Sidhpur, à huit kilomètres de Dharamsala où se trouve le siège du gouvernement tibétain en exil, Dolma Ling est installé dans la vallée de Kangra, au sud de la chaîne de montagnes du Dhauladar. Les villages des alentours sont majoritairement peuplés par des hindous dont beaucoup sont des Gaddi, une population pastorale qui a migré de l’ancien royaume de Chamba au milieu du xix^e siècle. Il existe aussi une petite communauté tibétaine dans le village, formée en grande partie par les employés et les étudiants de l’institut culturel Norbulingka (d’après le nom du palais d’été des Dalaïlamas à Lhasa). Plus récemment, un couple de docteurs de l’Institut de médecine et d’astrologie tibétaines Mentsikhang (Sman rtsis khang) y a ouvert un cabinet médical privé, et une école tibétaine pour enfants handicapés s’y est également installée. Dolma Ling reste cependant relativement isolé : au bout d’une petite route en terre qui longe le Norbulingka, le monastère est entouré par des champs de riz et de blé qui appartiennent aux paysans indiens. De loin, le complexe de bâtiments fait plutôt penser à une école et même à un pensionnat britannique pour jeunes filles, comme me le fit remarquer une amie anglaise. Plusieurs rangées de bâtiments à deux étages, disposées symétriquement, entourent le temple, le réfectoire, la cuisine, les bureaux, ainsi que les classes qui en constituent le centre. Les nonnes y sont logées dans des chambres qu’elles partagent à deux-pour les aînées-ou à trois-pour les nouvelles. Le monastère leur prête le lit et quelques meubles de rangement, leurs affaires personnelles se réduisant à quelques vêtements, des livres et objets religieux pour installer leur autel individuel. Les enseignants et le personnel administratif habitent également sur place, dans des bâtiments qui leur sont réservés à l’écart des habitations des nonnes.

3Bien que Dolma Ling et Tashi Gönsar soient considérés au même titre comme des monastères gönpa, leurs profils et leurs raisons d’être diffèrent significativement. Pour comprendre pourquoi et comment, il est nécessaire de rappeler d’abord le contexte général des nonnes en exil. Il apparaît ainsi que la fondation de Dolma Ling est en quelque sorte l’apogée d’un effort continu pour améliorer les conditions de vie et de pratique des nonnes tibétaines, mais aussi la réponse à une série de faits et de changements survenus dans la communauté d’expatriés tibétains.