Justice et injustices environnementales
| , ,Les compensations territoriales : entre équité environnementale et justice sociale ?
Texte intégral
- 1 Baumol W. et Oates W., The Theory of Environmental Policy, Cambridge University Press, Cambridge, 1 (...)
1La littérature existante sur le thème des compensations se compose essentiellement d’articles et d’ouvrages procédant d’une approche économique1. Celle-ci est d’ailleurs particulièrement nourrie car le concept de compensation et la théorie de justice qui lui est attenante constituent souvent des pierres d’achoppement entre les diverses théories. Si notre travail n’exclut pas cet angle de recherche, l’objectif est d’étudier cette pratique sous une optique socio-politique, de comprendre sous quelles conditions les compromis compensatoires peuvent être noués et de déterminer les formes qu’ils peuvent prendre en fonction du contexte juridique et national des pays observés.
- 2 Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un contrat CNRS-ADP, « Aéroport,, Environnement et Terri (...)
2L’internalisation des coûts environnementaux n’appelle donc pas ici une étude d’économie théorique mais une observation des formes de mise en œuvre du principe pollueur-payeur au travers de cet outil. Deux exemples empiriques offrent une illustration des différentes configurations que peut prendre la compensation territoriale : le Compensation Benefits Agreement conclu à l’occasion de la modernisation de l’aéroport international de Los Angeles2 et le Host Benefits plan négocié à Long Island en amont de la construction d’une centrale électrique.
3Cette étude nous conduit à analyser de quelle manière la compensation peut participer à la « révélation » et la remédiation des injustices spatiales et environnementales. De fait certains territoires ont à supporter une charge environnementale manifestement plus élevée que d’autres, alors même que leur profil socio-économique accuse déjà un cumul de vulnérabilités. L’institution d’une équité locale apparaît clairement comme un enjeu quand la compensation territoriale a pour ambition de corriger les inégalités environnementales créées ou accentuées par la présence de l’infrastructure.
- 3 Les deux sont exploitées dans la thèse de J. Gobert sur les compensations territoriales, menée à l’ (...)
4L’article qui suit, bien que nourri de deux études de cas menées aux États-Unis3, ambitionne d’abord d’élaborer un cadre théorique et d’interroger la capacité de cet outil socio-politique à satisfaire un but de justice spatiale et environnementale. Aussi dans un premier temps les compensations territoriales sont-elles définies au travers des autres instruments utilisés et des restructurations des réseaux d’acteurs qu’elles engendrent. Leur opérationnalité dans la lutte contre les inégalités environnementales sur un territoire « impacté » (qui subit les effets positifs et négatifs d’une infrastructure) est ensuite explorée pour être finalement questionnée. Entreprise de régulation des intérêts locaux, publics/privés, sont-elles vraiment efficaces et efficientes dans une perspective multiscalaire ?
La compensation territoriale : un contrat socioenvironnemental à l’échelle d’un territoire
- 4 Kunreuther H., « Hazard Compensation and incentive systems : an economic perspective », in Hazards (...)
5L’usage de la compensation territoriale ne constitue pas une nouveauté : la littérature notamment anglo-saxonne y fait référence dès la fin des années 19704. Néanmoins en raison des impératifs du développement durable qui allie justice sociale et équité environnementale et de l’émergence de la justice environnementale, cette pratique a évolué notamment aux États-Unis : la table des négociations s’est élargie à d’autres acteurs et il ne s’agit plus d’un geste unilatéral « gracieusement » consenti par l’aménageur, sans évaluation de son efficacité.
6Quelle définition faut-il donc aujourd’hui lui donner ?
À la recherche d’une définition
- 6 Les préoccupations concernent aussi bien la santé, les valeurs immobilières, la congestion des équi (...)
7Selon une distinction traditionnelle, il existe trois manières de lutter contre les effets environnementaux négatifs6 :
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la réduction des impacts qui passe par l’amélioration des performances environnementales à la source (nouvelles technologies pour diminuer le bruit des moteurs d’avions par exemple) ou par le déménagement de la source du trouble vers une autre localisation ;
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la mitigation qui se comprend comme la réduction des impacts qu’on ne peut éviter (isolation sonore) ;
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la compensation qui peut prendre la forme de paiements directs ou en nature (mise en place de service ou d’équipements utiles à la communauté impactée comme des parcs, des améliorations dans le réseau de transport…).
8La compensation ne soustrait pas le territoire « impacté » aux effets négatifs, elle tend à améliorer globalement la qualité de vie sur un espace donné et à résoudre les questions environnementales sur un mode transversal.
- 7 Ost F., « La responsabilité fil d’Ariane du droit de l’environnement », in Droit et Société, n° 30/ (...)
9Nous définirons ici la compensation territoriale comme un ensemble de mesures négociées et appliquées à un territoire pour améliorer l’acceptabilité des infrastructures et pour réallouer les effets positifs et négatifs plus équitablement. De fait alors que des équipements comme les aéroports ou les centrales nucléaires drainent des retombées positives à un niveau régional voire national, les coûts sociaux sont souvent localisés sur un plus petit territoire et supportés par les riverains et les collectivités locales. À cette aune, la compensation se veut un vecteur de redistribution et d’internalisation des externalités en application du principe pollueur-payeur et en vue de responsabiliser l’ensemble des acteurs. D’ailleurs si un financement partenarial des mesures peut aussi être envisagé dans un compromis compensatoire. Cette mouture correspondrait alors à un principe de « sociétaire-payeur7 ».
10La compensation territoriale se décline en actions diverses qui concernent un large éventail de domaines (et donc de compétences) : transports, environnement (création d’espaces verts, isolation acoustique), offres de services et d’équipements publics (construction de centres communautaires…), emploi et éducation (offres d’emplois concernant la construction et l’exploitation de l’équipement, adressées prioritairement à la population riveraine ; élaboration de formations pratiques pour répondre aux exigences des emplois offerts par l’infrastructure…), etc. La prise en compte d’un manque de connaissances territorialisées amène souvent à intégrer dans les accords de compensation des observatoires sur les évolutions territoriales et à lancer des études complémentaires (épidémiologiques entre autre).
11Dans sa forme la plus aboutie, elle s’apparente à un contrat social local, traitant transversalement de plusieurs de ces problématiques et négocié entre différents acteurs : le pôle de la riveraineté (associations de riverains, de protection de l’environnement, districts scolaires, syndicats...), le pôle des collectivités territoriales et le promoteur/exploitant souvent soutenu par l’État (au travers de ses agences) voire par les collectivités territoriales.
12L’adjectif « territorial » permet de souligner que ce compensation package revêt un caractère collectif, s’appliquant à un territoire, et non pas à quelques riverains qui auraient fait appel à la justice pour être indemnisés, même si un protocole d’indemnisation peut venir compléter le « contrat compensatoire ». L’indemnisation constitue fréquemment une réponse individualisée, où le bénéficiaire doit remplir quelques conditions préalables, relativement strictes. Elle dérive la plupart du temps soit d’un protocole (les agriculteurs pour le passage des lignes à haute tension par exemple) soit d’une décision judiciaire. Ce qui induit que le plaignant soit en capacité d’ester en justice et donc d’en avoir les moyens financiers mais aussi de posséder le capital socio-culturel qui lui permette de considérer la justice comme une option viable. Ce qui constitue un facteur d’exclusion à ne pas négliger. En outre, la situation de celui qui peut être bénéficiaire d’une indemnisation doit répondre à des critères techniques ou juridiques qui tendent à réifier les situations selon une vision techniciste ne prenant pas en compte la pluralité des effets négatifs. L’indemnisation n’est pas non plus nécessairement à la hauteur de l’impact subi et ressenti. À cette aune, des procédures de réparation plus directe peuvent mieux s’adapter à la situation (insonorisation et climatisation des locaux résidentiels ou accueillant du public à proximité d’un aéroport-ce qui constitue la forme la plus « commune » de réparation). Soulignons aussi que le niveau de l’indemnisation ne naît pas d’un échange partenarial et rarement d’une prise en compte des impacts non « évidents ». Elle désolidarise le pollueur/le groupe-cible de sa responsabilité puisqu’une fois l’indemnisation payée, il n’est plus impliqué et ne « participe » pas à un projet territorial, alors même que l’infrastructure peut marquer positivement autant que stigmatiser un territoire.
13La compensation peut venir en supplément de retombées fiscales, mais elle ne saurait se réduire à cette modalité souvent peu concertée. De fait une infrastructure génère des rentrées fiscales pour les collectivités (et les districts scolaires aux États-Unis) où elles sont sises ; cependant la perception des impôts ou redevances ne concerne pas, le plus souvent, l’ensemble du territoire qui subit les nuisances (bruit dans le cas des aéroports, pollution des sols et de l’air pour d’autres équipements). Ensuite elles sont rarement affectées à un but précis, comme celui de remédier directement à la gêne ressentie, même si les collectivités perceptrices ont comme objectif d’améliorer le bien-être de leur population.
- 8 Tous les acteurs n’ont pas nécessairement les mêmes attentes. Pour les exploitants ou les personnal (...)
- 9 Dans le cas des aéroports par exemple, la collectivité d’accueil peut tirer les fruits fiscaux de l (...)
14La compensation territoriale est donc un outil d’action publique et/ou privée visant principalement à améliorer les relations entre le territoire d’accueil et l’équipement « impactant » (aéroport, centrale électrique, centrale nucléaire, centre de stockage des déchets...), c’est-à-dire polluant et/ou dangereux8. Ainsi oblige-t-elle à reconsidérer l’aménagement urbain au regard des problématiques spécifiques territoriales induites par la présence de l’infrastructure. Elle augure souvent de l’émergence d’une forme de gouvernance locale, visant à transcender les compétitions entre territoires administratifs, alors qu’ils subissent les mêmes nuisances9.
15Institutionnalisation d’une forme renouvelée de dialogue et de gouvernance
16L’une de nos hypothèses pour reconnaître un dispositif de « compensation territoriale » repose sur le recours à la négociation préalable avec l’ensemble des acteurs, c’est-à-dire une négociation incluant au minimum les aménageurs ou exploitants et les collectivités territoriales qui peuvent jouer un rôle d’intermédiaire avec leurs populations. Le plus souvent elle comprend aussi la société civile, ce qui tend à accroître sa légitimité. Mais nous verrons au travers des deux exemples exposés que sa présence dans les négociations n’est pas un gage indispensable de réussite.
- 10 Il s’agit souvent de mesurer la perte de bien-être subie, la gêne visuelle, olfactive ou auditive, (...)
17L’intégration des publics aux différents stades du processus (diagnostic, décision, évaluation) s’avère nécessaire pour plusieurs raisons, même si elle ne se vérifie pas toujours : mise en évidence d’« effets orphelins » (connus mais non reconnus par les pouvoirs publics et les exploitants) et prise en compte de leur intensité en fonction du vécu des populations, évaluation de l’étendue des compensations10 et de la forme qu’elles prendront, contrôle de l’application des mesures, participation à l’évaluation afin de faire émerger des solutions alternatives suivant les résultats…
18Mais la négociation peut soit s’arrêter à la définition de la hauteur des montants, dont la destination fait l’objet d’une entente plus ou moins claire (création de fonds avec une vocation précise par exemple) soit couvrir aussi l’utilisation précise de ces fonds.
19Il est possible que les compensations ainsi élaborées n’entrent pas dans le champ de compétences des collectivités publiques/organismes privés, parties de l’accord. Leur mise en place requiert alors de formaliser les échanges par la création d’une instance spécifique de régulation locale, plus ou moins formelle, qui, sans se substituer aux structures pré-existantes, édicte les orientations sur son « périmètre de compétence ». Ainsi plutôt que de distribuer des aides aux collectivités locales sans visibilité sur leur utilisation et sur l’impact des politiques publiques mises en place (réduction des taxes locales ou amélioration des services rendus à la population), les choix sont effectués de manière partenariale.
20L’étendue et la forme des compensations résultent donc moins d’une évaluation scientifique du coût des externalités (monétarisées suivant des méthodes comme l’évaluation contingente ou les prix hédoniques), que de la confrontation des points de vue et des rationalités entre les parties. Elles ne correspondent donc ni à l’ampleur des effets négatifs ni au consentement à accepter des compensations. Contrairement aux thèses défendues par le racisme environnemental, elles ne varieraient pas non plus en fonction du profil ethnique ou socio-économique des ménages. Elles reflètent plus vraisemblablement les rapports de pouvoir existant entre les acteurs dans la négociation : ces derniers détiennent un bargaining power qu’ils peuvent améliorer en actionnant différents leviers et ressources, ainsi qu’en structurant leur organisation afin d’obtenir plus d’influence.
- 11 Nous ne postulons pas une linéarité dans le processus de décision.
- 12 Lemieux V., Les Coalitions. Liens, transactions et contrôles, Paris, PUF, « Sociologue », 1998 ; Po (...)
- 13 Il s’agit de la LAX Coalition. Une coalition de collectivités territoriales (dite « coalition histo (...)
21En effet pour que le promoteur/exploitant accepte l’idée de négociations sur des compensations, les riverains et/ou les collectivités locales doivent le plus souvent11 réussir à devenir une force structurée (formation d’une association voire d’une coalition avec des ressources propres : financières, expertise, soutien de dirigeants locaux…), capable de formuler clairement des propositions12. Le soutien des groupes contestataires par les représentants des pouvoirs locaux ou les élus nationaux permet également d’étendre l’espace de la controverse et d’élever le débat à d’autres échelles. L’intérêt général défendu par le promoteur, par les autorités publiques, au moment d’un projet d’implantation ne constitue plus un argument irréfutable méprisant les intérêts locaux. La domination d’un acteur sur l’autre (le promoteur bénéficie souvent du soutien des autorités publiques, d’une légitimité scientifique et technique) s’érode alors et l’établissement d’un dialogue constructif s’avère inévitable si l’exploitant ne souhaite pas que son projet échoue. Ce dialogue doit permettre de créer les bases d’une confiance réciproque et d’assurer l’interface entre expertise scientifique et savoirs profanes. Les figures 1 et 2 (page suivante) illustrent un tel processus sur l’aéroport de Los Angeles. De fait une coalition13 s’est formée à partir du regroupement d’associations et d’organismes divers (syndicats, districts scolaires, associations de justice environnementale...) afin qu’ils deviennent ensemble un acteur incontournable, force de propositions.
Figure 1. Champ d’acteurs au moment de la constitution de la LAX Coalition (2003-2004). Réalisés par J. Gobert
Figure 2. Structuration du champ d’acteurs permettant la mise en place du CBA (janvier 2006). Réalisés par J. Gobert
- 14 Si nous n’approfondissons pas ici les tenants et aboutissants du Community Benefits Agreement (CBA) (...)
22Nous avons particulièrement observé ce type de structuration et d’évolution du système d’acteurs dans le cadre de la négociation de Community Benefits Agreements14 dont l’accord conclu sur l’aéroport de Los Angeles n’est qu’un exemple parmi d’autres. Cependant pour ce qui concerne Long Island, on ne constate pas cette réorganisation du champ d’acteurs ; d’autres enjeux ont joué de manière prédominante : impacts environnementaux jugés minimes au regard des autres centrales existantes, utilisation d’une nouvelle technologie « propre » censée ne pas augmenter la pollution de l’air déjà très importante sur l’île, peu de revendications associatives. Néanmoins dans ce cas comme dans celui de Los Angeles, les porteurs du projet se trouvaient dans une impasse après plusieurs essais infructueux pour faire admettre l’extension ou la construction d’une infrastructure. Ils étaient par conséquent acculés à mettre sur pied une stratégie qui aille au-delà des exigences réglementaires contenues dans l’Environmental Impact Statement.
23Toutefois il reste à savoir comment les compromis compensatoires que nous avons dessinés à grands traits les contours peut-il ouvrer à la connaissance et à la correction des injustices spatiales, environnementales et sociales.
Les enjeux en termes d’équité territoriale et environnementale
24L’une des questions saillantes en ce qui concerne le recours aux compensations territoriales est de savoir si, en se consacrant à l’internalisation des effets négatifs générés par un équipement, effets qui touchent souvent des populations paupérisées, installées là où les prix des logements sont les plus attractifs et où des opportunités d’emplois existent, la compensation tend à instaurer une meilleure justice territoriale (meilleure allocation des impacts pour les espaces riverains).
Justice procédurale, distributive et égalité substantive
- 15 Hamilton J., Environmental equity and the siting of hazardous waste facilities in OECD Countries : (...)
- 16 Ghorra-Gobin C., « De la justice environnementale : réflexion prospective autour du principe de com (...)
25Aux États-Unis, la compensation relève davantage de la justice procédurale et substantive que de la justice distributive car rediriger les usines en dehors des aires actuellement dédiées aux industries pour des raisons d’équité n’en soulève pas moins le problème de la dégradation de où, devenue un problème public, elle a fait l’objet de réglementations et législations spécifiques (notamment en termes de respect de procédures). Le Presidential Order nouveaux espaces15. Cependant la compensation cherche à réallouer les impacts, à mieux distribuer les bénéfices tirés d’une infrastructure16 et répond donc aussi aux principes redistributifs.
- 17 Schlosberg D., Environmental Justice and the New Pluralism, New York, Oxford University Press, 1999 (...)
26La « justice environnementale » a largement influé la pratique des compensations territoriales dans la mesure 12898 adopté en 1994 oblige chaque agence fédérale à évaluer si ses activités et programmes n’ont pas d’impact environnemental disproportionné à l’égard des minorités et des ménages à faibles revenus et le cas échéant, à les réduire. Il est désormais nécessaire d’une part de s’assurer de la représentation et de la participation des groupes touchés au processus d’enquête publique, d’autre part d’estimer les impacts cumulés (exposition à plusieurs types de risques environnementaux17...).
- 18 Sen A., Repenser l’inégalité, Paris, Éditions du Seuil, « L’histoire immédiate », 2000.
- 19 Jouve B., « L’empowerment : entre mythes et réalités, entre espoir et désenchantement », in Géograp (...)
27Lutter contre les inégalités c’est en effet diminuer la vulnérabilité des populations ou des individus ayant une faible capacité de résilience selon Sen18. Or les compensations visent à améliorer la faculté des personnes ou des groupes vulnérables à transformer leurs dotations en fonctionnements réalisables et donc à remédier à leur vulnérabilité sociale et environnementale. Du fait de leur accès difficile à certaines stratégies d’évitement (déménagement, protection personnelle contre les nuisances...), l’objectif poursuivi est de les introduire dans la négociation. Des stratégies d’empowerment19 sont mises en place par les associations (environnementales, religieuses, etc...), dans l’objectif de favoriser l’estime de soi et d’encourager les bénéficiaires à prendre des initiatives et défendre leurs intérêts. L’autonomisation de l’individu se concrétise notamment par la formation aux questions environnementales (expertise profane étayée par des professionnels), par l’apprentissage de la prise de parole en public… (figure 3, page suivante).
- 20 Young P., Equity - In theory and Practice, Princeton, Princeton University Press, 1994.
28La justice environnementale constitue de fait un nouveau moyen de reconnaissance pour les minorités20. Elle permet à des catégories sociales ou ethniques de se réapproprier la rhétorique environnementaux. Elle infléchit aussi les thématiques propres à l’environnementalisme pour remettre la dimension humaine et sociale au cœur des préoccupations environnementales. C’est ainsi qu’elle dépasse la simple appréhension écologique qui appelle à des compensations écologiques (déplacement, reconstitution d’écosystèmes, financement de fonds de compensation...) utilisées couramment en Allemagne ou même aux États-Unis pour réparer des milieux dégradés. Son objectif est plus large : remédier aux atteintes environnementales. L’environnement est alors non plus compris comme la seule protection de la nature et des écosystèmes de manière indépendante aux usages et interactions avec les êtres humains, mais comme le constituant global du cadre de vie. La compensation territoriale tend donc à renforcer de manière non sectorisée le bien-être social, écologique et économique.
29La « justice environnementale », si elle tend de plus en plus à intéresser les chercheurs, les activistes et le personnel politique en Europe et ailleurs (Afrique du Sud), ne repose pas ici et là sur les mêmes référents sociétaux et nationaux. Aux États-Unis, elle est l’héritière du mouvement des Civil Rights et de la revendication par les Afro-américains d’une égalité des droits entre chaque citoyen. Cependant l’obtention des droits civiques et politiques dans les années 1960-1970 n’a pas effacé subitement des décennies de ségrégation. Aussi le recours à la discrimination positive s’est-il progressivement imposé, même s’il reste contesté. Celle-ci induit un traitement préférentiel de certains publics dans les politiques publiques (notamment dans l’accès à l’université, au marché de l’emploi...). Dans la pratique, la justice environnementale, comme la compensation territoriale, use de cette approche au travers du ciblage des récipiendaires selon des critères spatiaux et socio-économiques. Ce traitement différentié à l’échelle d’un territoire sur des questions comme l’accès à l’emploi et à la formation ne remet pas pour autant en cause le but de la compensation qui est d’améliorer la qualité environnementale et le bien-être de l’ensemble des populations qui y vivent.
Une justice « située »
30Le compensation package modèle et transposable d’un espace à l’autre n’existe pas, étant donné qu’il dépend des spécificités locales (ampleur des impacts négatifs, valeur que les gens octroient aux différents éléments de leur environnement...). Définir la valeur des biens environnementaux et ce qui détermine un cadre de vie normal relève non pas d’une évaluation a priori mais d’une analyse territoriale qui se fonde sur les usages de tous les acteurs. Aussi les modalités compensatoires sont-elles largement dépendantes du territoire.
31Le territoire d’application des mesures compensatoires ne peut pas non plus être d’emblée défini. Il est le résultat des négociations et de l’évaluation partagée des effets. Il est d’ailleurs possible que le périmètre diffère selon les actions mises en œuvre : pour le bruit, une approche en terme de proximité sera mise en place. Dans le cas de l’aéroport californien, les mesures d’insonorisation des équipements publics tels les écoles ou des résidences étaient financées à partir des courbes sonores-pratique la plus répandue, même si la prévalence de la mesure acoustique peut être infléchie lorsque sont privilégiés les programmes par blocs résidentiels. Au contraire pour l’emploi, le dispositif compensatoire peut se fonder sur une aire d’action plus large tout en se concentrant sur les populations en difficulté : pour Los Angeles, les offres d’emploi étaient adressées d’abord aux chômeurs vivant à proximité de l’infrastructure pendant un temps donné avant d’être proposées à l’échelle de la ville.
- 21 Walser M., Spheres of Justice: A defense of pluralism and Equality, New York, Basic Books, 1983.
- 22 Callon M., Lascoumes Pierre et al., Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique (...)
32Se pose aussi indéniablement la question de la légitimité des acteurs à être membres de la structure de gouvernance. Sur quels critères s’appuyer ? D’après les retours d’expérience, cette décision est prise par les acteurs eux-mêmes. De la même manière il n’existe pas un critère unique de justice21, mais une élaboration territoriale de la solution la plus juste possible : critère de proximité et de « concernement22 » (le fait « d’être concerné » par un projet peut s’expliquer par des critères subjectifs et objectifs) vis-à-vis de l’infrastructure et de ses impacts, représentativité (au sein d’une communauté ou d’une association, élection locale…).
- 23 Oberholzer-Gee F. et Kunreuther H., Social Pressure in Local Politics. A Case Study of Siting A Rad (...)
- 24 Frey B. et Eichenberger R., « The old lady visits your backyard : A tale of morals and markets », o (...)
33Le type d’infrastructure concerné joue un rôle non négligeable et ce, quel que soit le territoire d’implantation. La distribution de compensations monétaires apparaît accroître l’acceptabilité de l’implantation d’infrastructures comme les prisons ou les aéroports tandis qu’elle semble diminuer le soutien de projets lorsqu’ils concernent des infrastructures jugées plus risquées23. Pour les sites de stockage des déchets nucléaires, une étude suisse montre que le consentement diminue lorsque des compensations sont offertes, non parce que cette proposition agit comme un signal sur les risques, mais parce qu’elle grève le sentiment de remplir un devoir civique envers la nation. L’influence des principes moraux (rejet du « pot de vin » surtout quand la compensation est donnée en argent, affaiblissement du sentiment de participer au bien commun) est essentielle pour expliquer l’adhésion à l’installation d’un équipement et l’acceptation des mesures compensatoires, qui n’est donc pas dépendante en premier lieu du montant de « l’incitation économique », c’est-à-dire de la valeur globale des compensations24.
34Comment cet outil d’action publique/privée peut-il prétendre participer à la résorption des injustices environnementales et spatiales, alors même qu’il soulève des questions d’éthique et d’équité spatiale ?
Les lacunes et insuffisances de la compensation territoriale en termes de redistribution des bénéfices et des nuisances
35Établir une meilleure justice spatiale sur le plan socio-environnemental et économique passe par la révision des principes de localisation, l’application de dispositifs d’accompagnement lors de l’implantation, le changement de statut ou l’extension de l’infrastructure. Mais cela suffit-il vraiment ?
La difficile conciliation de la justice sociale et de l’efficacité environnementale
36Les compensations territoriales ne résolvent pas certains paradoxes : qu’en est-il des générations futures qui ne sont pas parties actuelles au contrat ? Les compensations peuvent en effet être limitées dans le temps et par là-même ne pas prendre en compte les évolutions du territoire. Le contrat social local ne mériterait-il pas d’être régulièrement revu ?
37Ce qui est équitable à l’échelle d’un territoire peut ne pas l’être à une autre, si des instances de contrôle ne sont pas mises en place. Instrument parmi d’autres de résolution des conflits concernant l’implantation ou l’extension de Locally Undesirable Land Uses, la compensation ne se suffit pas à elle-même et nécessite un encadrement réglementaire minimal. L’entremise de l’État ou d’une instance régulatrice est nécessaire pour inciter à la contractualisation d’accords territoriaux de ce type et pour adopter des garde-fous assurant le respect et la non-négociabilité de certaines exigences environnementales.
- 25 Dobson A., Justice and the Environment : Conceptions of Environmental Sustainability and Theories o (...)
38Selon Dobson25, tisser un compromis entre durabilité environnementale et justice sociale relève en effet d’un exercice d’équilibriste dans la mesure où les objectifs poursuivis ne sont pas toujours les mêmes. La mise en compatibilité relève souvent de l’empirisme et d’une démarche exploratoire. Dans le même temps, la substituabilité de certains biens n’est pas infinie (milieux fragiles). La compensation se heurte, selon les fondements de la durabilité forte, à l’absence de soutenabilité de certains transferts sur lesquels semblent reposer le principe de compensation. Comment justifier de sacrifier l’environnement, la santé et le bien-être pour quelques avantages économiques à un instant donné ? C’est ainsi que la compensation doit agir concomitamment sur tous les domaines sans négliger les questions écologiques ou sanitaires.
Une acceptabilité sous conditions
- 26 Dans le cas où la compensation intervient sur un équipement existant, les modalités de négociation (...)
39La compensation, quand elle est destinée à faciliter l’implantation d’une infrastructure26, sera considérée la plupart du temps comme acceptable si et seulement si les facteurs santé et sécurité restent des « objets non-négociables » et si le site potentiel se plie aux normes techniques exigées.
40Selon le modèle économique classique, le choix d’implantation d’un ouvrage polluant ou dangereux par une entreprise se base non seulement sur les caractéristiques physiques du territoire mais aussi sur la structure démographique du voisinage car ces dernières influencent le coût des externalités : nombre de personnes affectées, revenu moyen des riverains, valeurs immobilières, le consentement à accepter des indemnisations… Les entreprises prennent également en compte la capacité de mobilisation des riverains et la structuration ou non de leurs revendications car plus ces dernières seront étayées par des moyens financiers, scientifiques, politiques, plus l’aménageur pourra craindre que son projet échoue ou que l’offre compensatoire soit trop élevée. Mais le choix à l’heure des mouvements NIMBY, de justice environnementale, etc. ne dépend plus uniquement des calculs d’utilité d’un seul acteur, mais d’un processus territorial plus complexe.
- 27 Swallow S. et al., « Siting noxious facilities : an approach that integrates technical, economic an (...)
41Ainsi Swallow27, discerne trois étapes distinctes avant de fixer le choix définitif du site. Les compensations ne doivent pas être considérées comme un moyen de marchandage mais comme une négociation qui intervient à un moment donné précis, après des investigations et des échanges :
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technical suitability : le site doit satisfaire les exigences techniques minimales. Aussi toutes les éventuelles localisations doivent être étudiées sous l’angle de l’expertise scientifique et technique (excluant, le plus possible, toute subjectivité politique ou personnelle). Les experts fournissent sur cette base une liste de sites techniquement adéquats ;
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social suitability au plan régional : le site est ensuite passé sous le peigne de son utilité sociale afin de déterminer les coûts inhérents à la perte de qualité de vie (disparitions d’espaces de récréation...), à la dégradation de l’environnement (sonore, visuel, etc...), à l’évolution des prix fonciers et immobiliers. L’évaluation de ces biens n’est pas toujours aisée d’où le recours aux méthodes de préférences révélées ou déclarées ou à des listes de critères visant à départager les sites ;
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acceptation de la communauté locale et détermination du compensation package : dernier stade du processus, il s’agit d’estimer l’acceptabilité du projet et de négocier des compensations.
- 28 Skaburskis A., « Criteria for compensating for the impacts of large projects : the impacts of Briti (...)
42Un ensemble de critères semblent devoir être remplis pour éviter des comportements opportunistes (surenchère de certains acteurs) et les controverses éthiques. Skaburskis28 s’est prêté à cet exercice dans le contexte de la construction d’un barrage hydroélectrique en Colombie britannique (Canada). Il dénombre plusieurs critères d’efficacité économique (nous n’en reprenons que quelques-uns) :
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aucune compensation ne doit être accordée en raison de l’utilisation par les employés (nouveaux arrivants) de l’infrastructure des biens et des services publics, dans la mesure où celle-ci n’engendre pas une saturation de l’offre existante. « Only the impacts that affect a reduction in the local residents’well being should be compensated. The marginal costs should be paid for, not historic capital costs » ;
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les impacts qui peuvent être compensés doivent aussi être imputables. Il s’agit donc pour lui de faire ressortir clairement une responsabilité. Mais parfois la chaîne causale de l’effet à sa source est difficile à mettre à jour, en raison des incertitudes scientifiques : difficulté d’établir pour certains effets une relation dose/effet, de circonscrire la part d’un élément dans la pollution globale ou le risque cumulé, ou de définir une exposition limite. En outre, tous les effets ne sont pas connus au moment des négociations et peuvent apparaître plus tard. Or les exploitants/aménageurs arguent souvent de cette absence de preuve sur les relations de cause à effet pour se défausser. Dans la définition des compensations, il s’agit alors de se tourner vers le vécu des populations plutôt que de s’appuyer uniquement sur des critères techniques ;
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les compensations concernent les impacts significatifs (en termes de population touchée, de territoire impacté...) qui ont donc une dimension collective.
43L’auteur préconise aussi de compenser les individus, et non les organisations, qui pourraient détourner à leur profit les financements sans les redistribuer prioritairement vers les personnes touchées. Il ajoute que les autorités locales ne bénéficient pas de la flexibilité nécessaire pour se concentrer d’abord sur les personnes touchées. Au regard des deux cas étudiés, ce critère est trop restreint, il engendrerait un sentiment de victimisation et ne responsabiliserait qu’à la marge les acteurs autres que les promoteurs. L’enjeu demeure de fait de diminuer la conflictualité et les injustices spatiales sur un territoire sans renforcer les inégalités de fait. La redistribution compensatoire passe d’abord par une approche territoriale et collective des impacts, afin que le poids des externalités ne se porte pas sur les individus et dans le but de faire émerger des dynamiques collectives à l’échelle du territoire. Il y a tout de même une dimension individualisante dans le ciblage des populations dont la vulnérabilité sociale augmente avec l’exposition aux impacts négatifs, contre lesquels elles n’ont pas les moyens de se protéger seules.
Conclusion
44Si nous n’avons pu tracer un modèle exhaustif des conditions d’émergence et des formes de compensations territoriales, nous avons tenté de voir de quelle manière cet instrument, qui paraît assez flexible, peut concourir à la lutte contre les inégalités environnementales au niveau local.
- 29 Simard L., « Négocier l’action et l’utilité publiques. Les APC du transport de l’électricité en Fra (...)
45Les lignes qui précèdent se concentrent en effet sur les aspects normatifs de la démarche américaine. Cependant l’outil socio-politique que constitue la « compensation territoriale » est également utilisé sous d’autres latitudes, remplissant parfois d’autres fins que celles d’une meilleure justice spatiale et environnementale. La particularité des contextes juridiques, sociaux, culturels, etc. laisse présager des différences de justice environnementale et de mise en forme. Elle peut être moins axée sur une démarche de projets comme aux États-Unis et correspondre à des sommes globales censées être dépensées dans un cadre plus ou moins strict comme au Canada : Hydro-Québec, par exemple, mène une politique d’acceptabilité sociale par le milieu de ses infrastructures29. Ces compensations ont été d’abord formalisées par le Programme de mise en valeur environnementale (PMVE), qui est le Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) avant de subir de nouvelles modifications en raison de l’expérience et de l’assurance acquises par les acteurs.
- 30 L’implémentation d’une politique publique est sujette à quelques aléas connus comme les déficits de (...)
46En Allemagne, si la compensation écologique (Eigriffsregelung) fait l’objet d’une législation particulière relativement stricte, d’une part elle ne relève pas d’une procédure participative, mais de l’application d’une réglementation30, et d’autre part, certains aspects environnementaux et les dimensions sociales sont souvent absents.
47La compensation territoriale n’a pas partout la dimension de politique publique qui serait un nouveau maillon de l’État providence, prévenant des risques environnementaux et permettant d’instituer une solidarité territoriale dans le but de palier les inégalités environnementales.
48Le secteur privé en use comme d’un outil d’acceptabilité sociale des grands projets ; néanmoins il considère souvent que la tâche de redistribution des richesses (des bénéfices tirés de l’exploitation d’une infrastructure) ne devrait pas lui incomber.
- 31 Shanks G., Sharing in the benefits of resource developments—A study of First Nations Industry Impac (...)
49Une présence plus forte de la sphère publique pour harmoniser et sécuriser les contrats, mais aussi mieux les encadrer, est souvent désirée31. Mais l’État est parfois mal à l’aise avec cette « discrimination territoriale » sur la base des problématiques environnementales qui viennent le plus souvent se surajouter aux difficultés socio-économiques.
50Une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes aux différentes échelles serait donc à engager, ainsi que des retours d’expérience sur les différentes formes de commutnity benefits.
Notes
1 Baumol W. et Oates W., The Theory of Environmental Policy, Cambridge University Press, Cambridge, 1988 ; Frey B. et Eichenberger R., « The old lady visits your backyard : A tale of morals and markets », in Journal of Political Economy, vol. 104, n° 6, 1996, p. 1297-1313.
2 Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un contrat CNRS-ADP, « Aéroport,, Environnement et Territoires » où les dispositifs de concertation et d’intégration des problématiques environnementales ont été comparés sur neuf aéroports de rang international. Voir l’analyse de l’aéroport sur Los Angeles (J. Gobert dans Aéroports, Environnement et Territoires (AET) : quels indicateurs d’environnement pour quelles concertations avec les acteurs locaux et les riverains ? Retour d’expériences étrangères en matière de développement durable des sites et aires aéroportuaires, Faburel G. et al. (dir.), Rapport du Creteil pour le Cnrs et Aéroports de Paris, avril 2007).
3 Les deux sont exploitées dans la thèse de J. Gobert sur les compensations territoriales, menée à l’Institut d’urbanisme de Paris sous la direction de J. Dubois-Maury.
4 Kunreuther H., « Hazard Compensation and incentive systems : an economic perspective », in Hazards : Technology and Fairness, Washington, National Academy of Engineering/National Academy Press, 1986, p. 145-164 ; Renn O. et Webler T., « Procedural and substantive Fairness in Landfill siting : a swiss case study », in Risk, n° 7, 1996, p. 145.
5 Jobert A., « L’aménagement en politique ou ce que le syndrome NIMBY nous dit de l’intérêt général », in Politix, n° 42, 1998, p. 67-92.
6 Les préoccupations concernent aussi bien la santé, les valeurs immobilières, la congestion des équipements, la stigmatisation territoriale, la baisse de la qualité de vie et des aménités, la gêne visuelle et olfactive...
7 Ost F., « La responsabilité fil d’Ariane du droit de l’environnement », in Droit et Société, n° 30/31, 1995, p. 281-322.
8 Tous les acteurs n’ont pas nécessairement les mêmes attentes. Pour les exploitants ou les personnalités élues, l’objectif n’est pas seulement de compenser mais aussi de réhabiliter un territoire stigmatisé, de lancer un signal aux habitants. Aussi pour les questions relevant de la sûreté et de la santé exigeront-ils que la mesure compensatoire se matérialise sous la forme d’un service médical (aide à la construction d’un établissement de soin…). Kunreuther H. et al., « A Compensation Mechanism for Siting Noxious Facilities : Theory and Experimental Design », in Journal of Environmental Economics and Management, vol. 14, n° 4, 1987, p. 371-383.
9 Dans le cas des aéroports par exemple, la collectivité d’accueil peut tirer les fruits fiscaux de l’infrastructure et être assez peu ouverte à un partage de la ressource avec les collectivités environnantes, qui subissent pourtant autant de nuisances, voire plus. Il existe certains dispositifs de péréquation, notamment en France, mais ces derniers restaurent assez peu l’équité territoriale. La compensation pourrait être ainsi appréhendée comme un système de péréquation infraterritorial des ressources générées par l’infrastructure en nature et en argent. Ce qui interroge en retour sur sa capacité à réduire les inégalités environnementales entre territoires.
10 Il s’agit souvent de mesurer la perte de bien-être subie, la gêne visuelle, olfactive ou auditive, les potentielles conséquences sur les valeurs immobilières, etc. Or ces biens ou maux environnementaux ne se prêtent pas à un principe de marchandisation aisée, étant donné que leur prix n’est pas immédiatement accessible et relève de données essentiellement subjectives. Loomis J., « Economic values without prices : The Importance of Nonmarket values and Valuation for informing public policy debates », Choices, 3rd Quarter, n° 20 (3), 2005, p. 179-182.
11 Nous ne postulons pas une linéarité dans le processus de décision.
12 Lemieux V., Les Coalitions. Liens, transactions et contrôles, Paris, PUF, « Sociologue », 1998 ; Policy Change and Learning. An Advocacy Coalition Approach, Sabatier P. et Jenkins-Smith H. (dir.), Boulder, Westview Press, 1993.
13 Il s’agit de la LAX Coalition. Une coalition de collectivités territoriales (dite « coalition historique » dans le schéma) l’avait précédée dans ce rôle de contestation, mais avait adopté une attitude moins conciliatrice.
14 Si nous n’approfondissons pas ici les tenants et aboutissants du Community Benefits Agreement (CBA), étudiés dans notre recherche doctorale, l’utilisation de ce compromis territorial entre riverains d’une infrastructure future ou existante et les exploitants/promoteurs tend à s’étendre aux États-Unis et à attirer la sagacité des chercheurs (Baxamusa M., « Empowering Communities through Deliberation-the Model of community Benefits Agreements », in Journal of Planning Education and Research, n° 27, 2008, p. 261-276 ; Salkin P. et Lavine A., « Negotiating for social justice and the promis of community Benefits Agreements : Case studies of Current and Developing Agreements », in Journal of Affordable Housing, vol. 17, automne 2007/printemps 2008). Il s’agit vraisemblablement d’une des formalisations les plus poussées de la compensation territoriale, dans la mesure où la négociation intègre les périodes pré- et post-projet.
15 Hamilton J., Environmental equity and the siting of hazardous waste facilities in OECD Countries : Evidence and Policies, Workshop on « The distribution of benefits and costs of environmental policies : analysis, Evidence and Policy Issues », 2003.
16 Ghorra-Gobin C., « De la justice environnementale : réflexion prospective autour du principe de compensation », in Theys Jacques, L’Environnement du XXIe siècle. vol. III. Démocratie et politique de long terme, Paris, Germes, 2000, p. 153-159.
17 Schlosberg D., Environmental Justice and the New Pluralism, New York, Oxford University Press, 1999 ; Pellow D. N., Power, Justice, and the Environment : A Critical Appraisal of the Environmental Justice Movement, Cambridge (MA [u. a.]), MIT, 2005.
18 Sen A., Repenser l’inégalité, Paris, Éditions du Seuil, « L’histoire immédiate », 2000.
19 Jouve B., « L’empowerment : entre mythes et réalités, entre espoir et désenchantement », in Géographie, Economie et Société, édito du numéro spécial, vol. 8, janv. -mars 2006, p. 5-15.
20 Young P., Equity - In theory and Practice, Princeton, Princeton University Press, 1994.
21 Walser M., Spheres of Justice: A defense of pluralism and Equality, New York, Basic Books, 1983.
22 Callon M., Lascoumes Pierre et al., Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil, « La couleur des idées », 2001.
23 Oberholzer-Gee F. et Kunreuther H., Social Pressure in Local Politics. A Case Study of Siting A Radioactive Waste Repository in Pennsylvania, Philadelphia, Mimeo, Wharton School, University of Pennsylvania, 1999.
24 Frey B. et Eichenberger R., « The old lady visits your backyard : A tale of morals and markets », op. cit.
25 Dobson A., Justice and the Environment : Conceptions of Environmental Sustainability and Theories of Distributive Justice, Oxford, Oxford University Press, 1998.
26 Dans le cas où la compensation intervient sur un équipement existant, les modalités de négociation et de compensation s’insèrent différemment.
27 Swallow S. et al., « Siting noxious facilities : an approach that integrates technical, economic and political considerations », in Land Economics, n° 68 (3), 1992, p. 283-301.
28 Skaburskis A., « Criteria for compensating for the impacts of large projects : the impacts of British Columbia’s Revelstoke dam on Local Government services », in Journal of policy Analysis and management, vol. 7, 1988, p. 668-686.
29 Simard L., « Négocier l’action et l’utilité publiques. Les APC du transport de l’électricité en France et au Québec », in Négociations, no 2, 2006, p. 99-112.
30 L’implémentation d’une politique publique est sujette à quelques aléas connus comme les déficits de mise en œuvre (Environmental Policy Analyses. Learning from the Past for the Future—25 Years of Research, Knoepfel P. (dir.), Berlin, Springer, 2007). En outre, le système fédéral allemand laisse une marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre par les Länder.
31 Shanks G., Sharing in the benefits of resource developments—A study of First Nations Industry Impacts Benefits Agreements, Public policy Forum, 2005.
Table des illustrations
Légende | Figure 1. Champ d’acteurs au moment de la constitution de la LAX Coalition (2003-2004). Réalisés par J. Gobert |
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URL | http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/3415/img-1.jpg |
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Légende | Figure 2. Structuration du champ d’acteurs permettant la mise en place du CBA (janvier 2006). Réalisés par J. Gobert |
URL | http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/3415/img-2.jpg |
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Légende | Figure 3. Liens entre inégalités environnementales et compensations territoriales (J. Gobert) |
URL | http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/3415/img-3.jpg |
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