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Le travail associatif

 | 
Matthieu Hély
, 
Maud Simonet

« L’entreprise associative » au service de « l’entreprise citoyenne » ?

Les générosités obligées. Mutations des politiques sociales et mécénat des entreprises dans la France des années 1990

Sabine Rozier

Texte intégral

  • 1 Rey Frédéric, « diplômés. État des lieux : galère totale », in Le Monde Campus, 14 mai 1993.
  • 2 Enquête EPSY 1993 (sur la base de la passation de 350 questionnaires dans des établissements de plu (...)
  • 3 Propos d’Édouard Balladur, cité par Lebaube Alain, « pour l’emploi », in Le Monde, 18 septembre 199 (...)
  • 4 Le début des privatisations date des années 1986-1987. Voir Les Privatisations en France, en Allema (...)

1Au début des années 1990, apparaissent, pour la première fois u depuis 1975, les signes d’une récession économique. Les dirigeants des grandes entreprises françaises en viennent de plus en plus à être associés, dans l’esprit du public, à l’image de stratégies industrielles hasardeuses, de délocalisations d’activités et de suppressions d’emplois massives. Les années 1980 ont été celles de la célébration de la « réconciliation » de la société et des entreprises. La décennie qui s’annonce est placée sous un jour moins favorable. La confiance envers les entreprises s’érode sensiblement au sein de la population. Les jeunes diplômés disent « la galère » de la recherche d’emploi, et leur crainte de devoir accepter des postes sousqualifiés1. Les cadres, désillusionnés, nourrissent moins d’espoirs de promotion et doutent de la pertinence des méthodes managériales2. L’annonce d’une cascade de licenciements suscite la réprobation du Premier ministre qui en appelle à des pratiques de gestion de l’emploi plus « humaines3 ». Les dirigeants politiques, qui ont pourtant largement soutenu la mutation du capitalisme français-en privatisant des entreprises4, en donnant leur aval au démaillage des participations croisées entre grands groupes et en mettant en place des conditions favorables à l’arrivée des fonds de pension dans le capital de ces derniers-sont en train de se rendre compte que les libertés nouvelles dont jouissent les grandes entreprises jouent contre l’intérêt national, en alimentant les risques de tensions sociales.

2Comment apaiser, dans un tel contexte, la colère et l’inquiétude de la population ? Même si les avertissements lancés en direction des dirigeants d’entreprise ont un ton parfois véhément, nul, du côté des pouvoirs publics, n’envisage réellement l’adoption de mesures coercitives. La façon d’exercer le pouvoir étatique a en effet changé. Les responsables gouvernementaux se sont entre-temps convertis au libéralisme économique-en y adhérant plus ou moins fortement selon leur positionnement politique. Aux méthodes planificatrices d’hier, mises en ouvre par un État conçu comme une instance de coordination des forces vives de la nation et placé au service d’un projet global visant à la fois l’efficacité et la justice sociale, ont succédé, à partir des années 1980, des formes de contrôle beaucoup plus polycentrées et incitatives, articulées à l’idée d’une nécessaire généralisation de la concurrence à la plupart des sphères d’activités sociales. L’État s’est mis au service du marché et du renforcement de la compétitivité des biens, du capital et du travail. Même si les réductions des effectifs salariés inquiètent en haut lieu, elles sont vues comme un mal nécessaire : un moyen d’améliorer la capacité des entreprises à résister à la concurrence, et de doper, au niveau national, la création de richesses. Il n’est pas question, dans ces conditions, d’obliger les grandes entreprises à renoncer à une stratégie qui constitue une promesse de recettes fiscales accrues et de croissance retrouvée, mais plutôt de l’accompagner-au besoin, de la réguler -, en veillant notamment à ce que l’aggravation de la situation de l’emploi ne génère pas d’instabilité sociale.

  • 5 Boltanski Luc, Chiapello Ève, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, « essais », 2000. (...)
  • 6 Le mécénat est ici défini comme un engagement (versement d’argent, aide en nature, apport de savoir (...)
  • 7 Sur ce point, voir Foucault Michel, Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Éditions du Seui (...)

3C’est dans ce contexte que les dirigeants de grandes entreprises françaises, pressés par pouvoirs publics de montrer qu’ils ne sont pas indifférents aux difficultés sociales du moment, vont prendre des mesures en ce sens. L’exploration des transformations de la littérature et des pratiques managériales au cours du xxe siècle, a montré combien le capitalisme, pourtant détaché de toute exigence morale ou politique, pouvait s’appuyer avec succès sur les critiques et les oppositions qu’il suscite pour se les approprier et les retourner à son profit5. C’est précisément à un mouvement de ce type qu’on assiste, dans les années 1990, avec l’engagement de nombreuses grandes entreprises (exerçant notamment des activités situées dans le giron des pouvoirs publics ou dans leur voisinage, ou spécialisées dans la distribution de biens de grande consommation) dans des actions de mécénat de « solidarité ». Mais l’hypothèse que nous défendons ici est que ces actions ne sont pas uniquement le produit de l’initiative d’entreprises en quête de légitimité, mais qu’elles constituent une réponse aux sollicitations de pouvoirs publics désireux de voir les acteurs économiques contribuer à la mise en place de dispositifs assistantiels au sein du système de protection sociale français. Ces actions de mécénat6 seraient ainsi moins l’expression de stratégies entrepreneuriales volontaires que des « générosités obligées » envers les victimes de la compétition économique au moment où, précisément, la concurrence est érigée en nouvel art de gouvernement par les pouvoirs publics7. Après avoir analysé comment la transformation des politiques sociales et les incitations des responsables gouvernementaux, au tournant des années 1980-1990, ont pu constituer un creuset favorable à l’émergence de ces actions de mécénat, on s’interrogera sur l’existence d’éventuelles affinités entre leur mode opératoire et les conditions de prise en charge des « exclus » par les pouvoirs publics et on se demandera si ce mécénat « solidaire » ne constitue pas, précisément, un adjuvant des nouvelles politiques assistantielles des années 1990.

Un nouveau référentiel des politiques sociales

  • 8 Desrosières Alain, La Politique des grands nombres, Paris, La Découverte, 1993, p. 407.
  • 9 Le taux de chômage atteindra un niveau record de 12 % de la population active en 1997-niveau doublé (...)
  • 10 Une grande entreprise sur deux de plus de 500 salariés (soit environ 3 600) a fait l’objet d’une re (...)
  • 11 La France en mutation. 1975-2005, Culpepper Pepper, Hall Peter, Palier Bruno (dir.), Paris, Presses (...)
  • 12 Pour une relecture du modèle de Gosta Esping-Andersen (Les Trois mondes de l’État-providence) à l’a (...)

4À la fin des années 1980, en effet, s’impose une nouvelle représentation de la société, dominée par la notion d’« exclusion ». Elle a partie liée avec la transformation du mode de régulation des rapports sociaux, « fait de connexions stabilisées, d’équivalences routinisées et de mots pour les qualifier8 », mis en place dans les années 1950 et qui a commencé à être défait au milieu des années 1980, quand l’État a commencé à soutenir l’ouverture du pays à la concurrence et aux mécanismes de marché. L’aggravation du chômage9, consécutif aux restructurations (affectant plus d’une grande entreprise sur deux dans les années 198010), a mis au jour la fragilité du système de protection sociale français, dont l’universalité est fonction de la capacité de la société à assurer le plein-emploi. L’écart entre, d’un côté, les assurés (ayant un emploi et bénéficiant, avec leurs proches, des droits qui y sont attachés) et, de l’autre, les non-assurés (éloignés durablement de l’emploi) s’est ainsi creusé. Une vision duale de la société, articulée autour du couple inclus-exclus, s’est, dans le même temps, imposée. Plutôt que de réformer en profondeur le système, le choix est fait, au début des années 1990, de le consolider11 tout en développant, parallèlement, des politiques assistantielles offrant aux plus démunis un filet de protection minimale, remédiant à leur isolement et luttant contre les effets présumés désincitatifs des prestations sociales. L’idée générale est de rendre le système de protection sociale plus favorable à l’emploi et d’échapper aux écueils de l’assistanat. C’est dans ce contexte que se développent les politiques dites d’insertion et d’activation des dépenses sociales12 - l’octroi de ces dernières étant désormais soumis à l’exigence préalable de contreparties. Les besoins de financement des acteurs associatifs et des ONG auxquels est déléguée cette mission d’insertion allant croissant, les pouvoirs publics incitent, ce faisant, d’autres bailleurs de fonds à leur apporter leur concours : les particuliers dont la générosité est encouragée ; les donateurs fortunés pour lesquels sont envisagées de nouvelles possibilités de défiscalisation ; et surtout les entreprises, invitées à se saisir des possibilités qu’offre le mécénat. Comme l’explique un journaliste,

  • 13 Lebaube Alain, « un rapport remis à M. Delebarre M me Aubry appelle les entreprises à la rescousse (...)

face aux banlieues défavorisées et aux jeunes en difficulté, l’intervention de l’État ne suffit plus et la « solidarité nationale » qui doit s’expri- mer englobe l’intervention de tous les acteurs, jusques et y compris des entreprises, grands groupes ou PME-PMI13.

L’appel des pouvoirs publics à l’esprit « citoyen » des entreprises

  • 14 En 1993, le montant des versements alloués par les entreprises mécènes à la culture s’élève ainsi à (...)
  • 15 Voir Rozier Sabine, L’Entreprise-providence. Mécénat des entreprises et transformations de l’action (...)
  • 16 Voir Bouchard Julie, Comment le retard vient aux Français. Analyse d’un discours sur la recherche, (...)

5L’intervention des entreprises dans une sphère d’activités (l’assistance envers les plus démunis) à l’écart de laquelle elles s’étaient jusqu’à présent tenues devient alors imaginable. L’engagement au service de causes d’intérêt général ne leur était pourtant pas étranger. Nombreuses étaient celles (notamment dans le secteur public, au sein du pôle privé dépendant des pouvoirs publics ou dans les secteurs dépendant de la consommation de masse), qui s’étaient engagées, dans les années 1980, en faveur de la « culture », en apportant par exemple leur soutien à des opérations de restauration du patrimoine, en finançant la programmation de certains établissements culturels, en soutenant des événements artistiques ou en apportant leur aide aux projets de jeunes créateurs14. Mais la « culture », priorité des pouvoirs publics dans les années 1980, subit au début des années 1990 le contrecoup des critiques adressées à l’action des pouvoirs publics (échec de l’objectif de démocratisation, usages mondains de l’art, dé-hiérarchisation des valeurs). Le mécénat culturel est de plus en plus considéré comme une dépense superfétatoire et élitiste, profitant surtout aux équipes dirigeantes et à leurs proches collaborateurs15. D’autres problèmes sociaux, comme la « lutte contre l’exclusion » et le renforcement du « lien social », jugés plus urgents à résoudre, sont inscrits sur l’agenda des pouvoirs publics. Les entreprises qui pratiquaient un mécénat exclusivement culturel se lancent alors dans des dispositifs de mécénat « croisé » (conjuguant le soutien à la culture et des programmes à caractère assistantiel). Et les nouvelles venues dans le mécénat privilégient désormais les causes à caractère social. Elles y sont encouragées par l’adoption de mesures juridiques et fiscales récentes (renforcement des gratifications fiscales offertes aux entreprises, création du statut de « fondation d’entreprise » en 1990) et par les appels réitérés des responsables publics au développement du mécénat privé-la France étant jugée, dans ce domaine comme dans bien d’autres, particulièrement « retardataire16 ».

  • 17 « reconstruction du lien social : un chantier pour les fondations », in Les Rencontres de la Fondat (...)
  • 18 Voir l’annexe « un engagement collectif pour l’emploi », in La France de l’an 2000…, op. cit., p. 2 (...)
  • 19 Jean-Baptiste de Foucauld cité par Alain Minc dans La France de l’an 2000., op. cit., p. 3.
  • 20 Lemaître Frédéric, « patrons européens adoptent un manifeste contre l’exclusion », in Le Monde, 11 (...)
  • 21 L’ensemble des citations qui suivent sont issues de : Lemaître Frédéric, Lepar-mentier Arnaud, « ap (...)

6Les pouvoirs publics, par la voix de leurs représentants, exhortent en effet les dirigeants d’entreprise à l’adoption d’un comportement plus « citoyen ». Le commissaire au Plan Jean-Baptiste de Foucauld, énarque, théoricien d’une triple crise de la société (« crise de l’emploi, crise du lien social et crise du sens17 »), parvient ainsi à obtenir les signatures de 150 chefs d’entreprise, puis de 300, quelques mois plus tard, au bas d’un texte intitulé « Manifeste entreprises contre l’exclusion ». Il estime que le risque est grand que « plus personne ne se sente responsable de l’emploi, au moment même où il conviendrait au contraire que chacun se sente concerné et agisse en conséquence18 » et appelle à « une implication éthique forte » des entreprises19. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, dont l’association Échange et projets s’est associée à l’initiative impulsée par Jean-Baptiste de Foucauld, invite à son tour, en 1995, les dirigeants de grandes entreprises européennes à « relever le défi de l’exclusion » et fait paraître, au mois de janvier, un « Manifeste européen des entreprises contre l’exclusion20 » pourvu d’une centaine de signatures. Des membres du gouvernement français, cette même année, appellent également les entreprises à l’adoption d’un comportement plus « citoyen21 ». Le ministre du Travail, Jacques Barrot, met en garde les entreprises contre la tentation des licenciements faciles. Le Premier ministre, Alain Juppé, en vient même à suggérer la création d’un « label d’entreprises citoyennes ». Le président de la République, Jacques Chirac, stigmatise le comportement de certains dirigeants d’entreprise et affirme : « Il y a là une révolution culturelle à obtenir dans le patronat français. C’est ce qu’on appelle l’entreprise citoyenne. » S’impose peu à peu, dans le débat public, une nouvelle catégorie, celle d’« entreprise citoyenne » qui est d’autant plus volontiers mobilisée que son flou autorise toutes sortes d’interprétations et d’usages.

Le sursaut « moral » des patrons

  • 22 Cjde (Centre des jeunes dirigeants d’entreprise), L’Entreprise au xxie siècle. Lettre ouverte aux d (...)
  • 23 Ibid., p. 105-106.
  • 24 Leseul Gérard, « bilan sociétal », in Entreprise éthique, n°10, avril 1999, p. 106-107.

7Des organisations patronales décident d’agir. Si celles qui parlent au nom des petites et des moyennes entreprises affichent leur plus grande indifférence à l’égard de ce qu’elles considèrent comme la nouvelle lubie du patronat technocratique (en soulignant que la richesse et l’emploi qu’elles contribuent à créer sont leur manière à elles de participer à la vie de la cité), à l’inverse, celles qui représentent les dirigeants des grandes entreprises et les jeunes chefs d’entreprise, ainsi que celles qui représentent le secteur de l’économie sociale ou se réclament d’une sensibilité chrétienne, sont beaucoup plus sensibles aux invitations pressantes des pouvoirs publics. Jean Gandois, qui accède en 1994 à la présidence du Conseil national du patronat français (CNPF), n’a de cesse d’inviter les entreprises à faire preuve de leur sens des responsabilités sociales. Archétype du grand patron d’État, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, il a effectué une bonne partie de sa carrière dans l’industrie lourde et est réputé être un patron « social », attentif au dialogue avec les syndicats. Les responsables du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJDE) et du Centre des jeunes dirigeants de l’économie sociale (CJDES) appellent également de leurs voux la venue d’une entreprise plus « citoyenne ». Les premiers, animés par « la conviction que l’économie doit être au service de l’homme et que la finalité économique de l’entreprise est indissociable de sa finalité humaine22 », préconisent d’« inverser l’équation de base de l’entreprise » en la conduisant à privilégier « le développement des hommes » sur « la rémunération du capital23 ». Les seconds suggèrent de substituer aux indicateurs gestionnaires et comptables, censés donner une vision tronquée de l’entreprise, d’autres indicateurs relatifs à sa « responsabilité humaine » et à sa « responsabilité sociétale24 ».

  • 25 Elle sera ultérieurement appelée « Institut du mécénat humanitaire » puis « Institut du mécénat de (...)
  • 26 « Ils [les salariés] sont fiers d’appartenir à leur entreprise et font leur travail avec beaucoup p (...)
  • 27 Francès Philippe, La Lettre du mécénat, n°52, février-mars 1993, p. 1 du Cahier du mécénat solidari (...)

8Certains dirigeants de société, entrevoyant le bénéfice qu’ils peuvent tirer d’un positionnement plus « éthique », décident de montrer l’exemple. C’est le cas du Pdg de la compagnie d’assurances Axa (Claude Bébéar), polytechnicien à la carrière atypique (non issu d’un grand corps), qui a choisi de faire carrière dans la finance plutôt que dans l’industrie et entend exercer un rôle plus prééminent dans l’espace patronal. L’association qu’il a fondée en 1987, baptisée « fondation du mécénat humanitaire25 », dispense des conseils en matière de montage de programmes de mécénat, et a la particularité de promouvoir la participation des salariés à la conception et à la mise en ouvre des actions (choix des causes soutenues, sélection des bénéficiaires, co-financement des actions aidées par l’entreprise). Soucieux de parler aux financiers un langage qu’ils comprennent, il présente moins le mécénat comme un acte de citoyenneté que comme un levier d’accroissement de la motivation et de la productivité des salariés26. Le Pdg de l’enseigne de distribution de produits électroménagers Darty (Philippe Francès), dont l’entreprise est en passe d’être intégrée dans un groupe européen beaucoup plus puissant, voit quant à lui dans le mécénat un moyen de « corriger les exclusions engendrées par [le] progrès27 » et de réduire, dans le même temps, les risques auxquels s’exposent les multinationales. Il parvient ainsi à convaincre des entreprises publiques (comme la SNCF, la Caisse des dépôts et consignations, Renault), d’autres enseignes de la grande distribution (L’Oréal et Auchan) ou des sociétés partenaires de se joindre à la création, en 1993, d’une Association nationale des entreprises pour l’insertion (ANEI, dite aussi « Fondation pour l’insertion ») qui entend « donner la possibilité aux exclus de réintégrer le monde du travail » en encourageant les entreprises à recourir plus systématiquement aux actions de « traitement social » du chômage mises en place par l’État.

Lutte contre l’exclusion et aide à l’insertion

  • 28 Douroux Philippe, « patron multiple et absolu », in Libération, 7 novembre 1994.

9Les grandes entreprises, invitées de toutes parts à contribuer à « la lutte contre l’exclusion », se lancent dans diverses actions, dont beaucoup débouchent sur des politiques de mécénat à moyen et long termes. Patrons de sociétés récemment privatisées issus du pôle politico-administratif, managers modernistes en quête d’innovations nouvelles et responsables d’affaires familiales à tradition paternaliste se découvrent un intérêt commun pour le mécénat. Les actions qu’ils promeuvent entretiennent toutes un étrange « air de famille » avec les programmes que les pouvoirs publics soutiennent de leur côté. Et pour cause : le mécénat s’apparente souvent-comme c’est le cas dans d’autres domaines-à une forme externalisée d’action publique. Les entreprises mécènes jouissent d’une indéniable autonomie dans le choix des causes auxquelles elles apportent leur aide et des projets qu’elles soutiennent, mais la dimension prescriptive du cadre dans lequel elles évoluent, balisé par l’action des pouvoirs publics, contraint fortement leur action. Leur solidarité, lorsqu’elle s’exprime en direction de populations proches (elle peut aussi s’exporter au-delà des frontières nationales), vise principalement les « exclus », comme c’est le cas de la « Fondation agir contre l’exclusion28 » créée par Martine Aubry (ancienne ministre socialiste du Travail) alors qu’elle vient d’être recrutée au sein de la direction du groupe Pechiney (présidée par Jean Gandois) :

  • 29 Propos de Martine Aubry, recueillis par Germain Isabelle, « allers et retours réflexion-terrain », (...)

Les chefs d’entreprise ont pris conscience de la gravité du problème de l’exclusion, se réjouit-elle alors, il est dans leur intérêt et dans l’intérêt de tous d’enrayer la dégradation du climat social. Chacun doit se mobiliser. Au lieu de pleurer tous les matins sur les chiffres du chômage, il faut se dire que tout le monde peut faire quelque chose29.

  • 30 Propos de Sylvie Guichard, responsable des programmes « insertion » à la Fondation de France, recue (...)
  • 31 Comme le suggèrent les travaux de John Rawls auxquels se réfèrent volontiers les promoteurs du libé (...)

10La fondation « Agir pour l’emploi » créée en février 1995 à l’initiative de la direction d’EDF-GDF et de trois organisations syndicales, entend également « contribuer au développement de l’emploi et de favoriser l’insertion, notamment en luttant contre l’exclusion et en participant au développement local ». La Fondation de France, la plus grande fondation française, qui héberge environ 450 fondations (plus d’une fondation française sur deux, dont un dixième environ a été créé par des entreprises), finance des actions destinées à lutter contre tous types d’exclusion (« socio-économique, liée à l’âge, liée au handicap ou à toute autre situation difficile30 »). Le mécénat entérine, ce faisant, la vision d’une société déconflictualisée dont la santé se mesurerait moins à sa capacité à réduire les inégalités sociales (désormais tenues pour inévitables31) qu’à sa capacité à renforcer les liens interpersonnels et à offrir à tous la possibilité de participer à la compétition pour l’accès à des ressources individuelles. Il ne fait, de ce point de vue, que reprendre à son compte la nouvelle grille de lecture des « problèmes sociaux » que les pouvoirs publics ont contribué à forger. Les principes qui sous-tendent l’engagement des entreprises mécènes, tout comme les conditions de sélection des candidats au mécénat et les modes d’action qu’elles privilégient semblent par ailleurs calqués sur les conditions d’intervention des pouvoirs publics.

Égalité des chances, mérite et participation

  • 32 de La Mure Christophe, « Fondation de France, actrice au cour de la générosité ? », op. cit.
  • 33 Propos de Martine Aubry à l’émission La Marche du siècle (« Exclus, s’en sortir quand même »), FR3, (...)

11Sur le plan des principes, les actions des entreprises mécènes sont soustendues par l’idée que les « exclus », à l’instar des autres individus, sont pourvus de qualités singulières (mais peu reconnues) qu’il s’agit de valo- riser, afin de faciliter leur insertion sociale. « Toute personne [.], estiment les responsables de la Fondation de France, possède des ressources et des compétences qu’elle peut mobiliser32 ». La présidente de la fondation « Agir contre l’exclusion » estime quant à elle qu’il existe « une énergie fabuleuse », sous-exploitée, dans les « quartiers difficiles33 ». L’action des entreprises mécènes est à l’image de cette nouvelle conception de la justice sociale, dite de « cohésion sociale », articulée autour de l’idée qu’il faut donner à chacun des chances égales, en situation de concurrence, d’exprimer ses potentialités-y compris lorsqu’il s’agit d’accéder à des ressources aussi fondamentales qu’un revenu minimal, un logement ou des soins. Les difficultés auxquelles les « exclus » sont confrontés seraient moins imputables à des décisions, prises en haut lieu, ayant conduit à les écarter de l’accès à des biens rares qu’à des causes extrêmement générales (la « crise », la « mondialisation ») sur lesquelles il serait difficile d’avoir prise. Plus encore, la perpétuation de ces difficultés tiendrait à la méconnaissance, par les « exclus », de leurs propres capacités et à une insuffisante estime de soi. Les associations ou les fondations les prenant en charge ont ainsi pour mission de les aider à identifier leurs compétences, de leur redonner confiance et de leur apprendre à maîtriser les codes sociaux de la présentation de soi. La fondation « Agir contre l’exclusion » (FACE) rivalise ainsi d’imagination pour donner à des jeunes sans qualification la possibilité de prouver ce dont ils sont capables : offres d’emploi dans le domaine du tri des déchets, création de « boutiques de services » (aide domestique, jardinage, etc.) à proximité de certains hypermarchés, ou financement de « Fast-food poulet ». Enfin, il s’agit de lutter contre l’isolement social des « exclus », en aidant les intéressés à retisser des liens avec leur entourage (familial, amical, de voisinage, professionnel). La reconstruction du « lien social », gage d’affermissement de la « cohésion sociale », est un objectif crucial des entreprises mécènes. L’Union des assurances de Paris (UAP) crée ainsi une fondation destinée à faciliter l’insertion sociale des malades atteints du Sida, Butagaz apporte son aide aux personnes sans-domicile fixe et l’entreprise de restauration rapide McDonald’s se lance dans la création de « maisons de parents » pour les familles d’enfants hospitalisés.

12Sur le plan des conditions de sélection des candidats à une aide, l’idée n’est pas de retenir ceux qui sont porteurs des besoins les plus cruciaux et les plus urgents à satisfaire mais de privilégier les porteurs de besoins les plus méritants. Le mérite se mesure à l’intensité des efforts accomplis par le demandeur pour s’extraire de la situation dans laquelle il se trouve. Les intéressés ne peuvent prétendre à l’obtention d’une aide sans avoir préalablement donné des gages de leur volonté de rompre avec leur condition présente et de leur engagement personnel. Les associations que privilégient ainsi les entreprises mécènes sont celles qui exigent des demandeurs la satisfaction préalable d’un certain nombre de conditions, souvent consignées dans un « contrat d’insertion » : bilan de compétences, suivi d’une formation, élaboration d’un projet personnel, engagement éventuel dans une démarche de création d’entreprise. Il s’agit d’être sûr que l’aide accordée sera utilisée à bon escient et sera profitable aux intéressés plutôt que de se contenter de verser une aide risquant d’entretenir son bénéficiaire dans une situation de dépendance jugée nuisible. Les jeunes handicapés à la suite d’un accident, qui candidatent à une aide des Mutuelles du Mans, doivent ainsi monter un « projet » prouvant ce dont ils sont capables. La fondation de la Générale des eaux (qui deviendra Vivendi) accompagne quant à elle les chômeurs dans des projets de création d’entreprise. L’assistance ne doit pas sombrer dans les écueils de l’assistanat. L’exigence de « professionnalisme » des entreprises mécènes à l’égard des associations caritatives fait directement écho au projet d’« activation », par les pouvoirs publics, des dépenses sociales, destiné à transformer « l’État-passif » providence, comme le dit Jean-Baptiste de Foucauld, en un État social « actif », jugé plus favorable à l’emploi.

  • 34 Ibid.

13Sur le plan des modes d’action privilégiés par les entreprises, là aussi, la comparaison avec ceux des pouvoirs publics est troublante. Tout d’abord, les entreprises entendent associer les bénéficiaires des actions à la définition de leurs besoins plutôt que d’en imposer une définition préalable. Le mécénat s’accompagne ainsi d’un discours célébrant les vertus démocratiques de la « participation » des « exclus »-qui a pour effet indirect de valoriser la parole de ceux qui s’expriment en leur nom (comme l’Abbé Pierre) au détriment de ceux qui défendent une autre conception de la justice sociale. Ensuite, les « exclus » sont invités à se prendre en charge eux-mêmes, à faire preuve d’esprit d’autonomie et de responsabilité, en s’engageant dans des projets à la mise en ouvre desquels ils sont étroitement associés. Ainsi, les responsables de la Fondation de France, qui héberge nombre de fondations créées par des entreprises, travaillent-ils, avec leurs partenaires associatifs, à « mobiliser les personnes dans le besoin pour qu’elles résolvent ensemble les problèmes concrets auxquelles elles sont confrontées34 ». Enfin, il s’agit de renforcer les relations entre « inclus » et « exclus ». Les pouvoirs publics encouragent, de leur côté, le recrutement, par de grandes entreprises et des PME, d’« exclus » aux profils divers (travailleurs handicapés, jeunes salariés, chômeurs de longue durée). Les entreprises mécènes y travaillent également de leur côté. La fondation de la Générale des Eaux subordonne ainsi l’acceptation des demandes d’aide au parrainage préalable d’un salarié du groupe. L’Institut du mécénat humanitaire, fondé par le président du groupe d’assurances Axa, encourage quant à lui ses entreprises adhérentes à proposer à leurs salariés de présenter eux-mêmes la candidature des projets susceptibles d’être soutenus, de choisir (via des sondages internes) ceux qui méritent d’être aidés et surtout d’abonder, s’ils le souhaitent, les versements de l’entreprise en affectant une partie de leur intéressement au financement des opérations aidées.

Conclusion

  • 35 Pour un aperçu des effets de cette professionnalisation sur le secteur à but non lucratif américain (...)

14Le mécénat de « solidarité », à l’instar des nouvelles politiques sociales des années 1990, contribue à changer le regard porté sur les laisséscomptepourcompte de la société : d’individus à l’égard desquels la collectivité aurait contracté une dette et se devrait de leur apporter secours (comme dans le pacte républicain, alliant citoyenneté politique et citoyenneté sociale), ils deviennent de simples individus éligibles à une aide, sommés de prouver qu’ils la méritent et qu’ils sont aptes à se prendre en charge. Le plus remarquable, dans ces opérations, c’est que le « mérite » des intéressés n’est pas uniquement évalué à l’aune des efforts accomplis par ces derniers pour obtenir le soutien attendu mais également à l’aune de leur capacité à soutenir la comparaison avec ceux avec lesquels ils sont en concurrence pour l’obtention de ce soutien. Les critères sur la base desquels ils sont sélectionnés par les services de mécénat sont ceux-là mêmes sur la base desquels ils ont été précédemment évincés de la course à l’obtention d’autres biens rares (éducation, emploi, revenu, logement, soins, etc.) Les apparences sont ainsi sauves : les grandes entreprises montrent qu’elles ne sont pas indifférentes au sort des plus faibles et sont capables d’agir concrètement en leur faveur, mais elles ne renoncent nullement, dans le même temps, aux logiques inflexibles de la concurrence et du marché-d’autant que le mécénat, en se professionnalisant, se révèle plus intéressé35. Quant aux pouvoirs publics, qui tentent d’atténuer la violence exercée contre les salariés en mettant en place des dispositifs assistantiels auxquels ils invitent les grandes entreprises à s’associer, ils avalisent l’externalisation des coûts de gestion de la maind’ouvre auprès de la collectivité, et légitiment, par là même, leur conversion en agent de régulation du capitalisme financier.

Notes

1 Rey Frédéric, « diplômés. État des lieux : galère totale », in Le Monde Campus, 14 mai 1993.

2 Enquête EPSY 1993 (sur la base de la passation de 350 questionnaires dans des établissements de plus de 50 salariés).

3 Propos d’Édouard Balladur, cité par Lebaube Alain, « pour l’emploi », in Le Monde, 18 septembre 1993.

4 Le début des privatisations date des années 1986-1987. Voir Les Privatisations en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie, Dion Fabrice (dir.), Paris, La Documentation française, « Notes et Études documentaires », 1995.

5 Boltanski Luc, Chiapello Ève, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, « essais », 2000. Dans cette même perspective (l’usage de la philanthropie à des fins de légitimation de fortunes constituées grâce aux marchés financiers) : Guilhot Nicolas, Financiers, philanthropes. Vocations éthiques et reproduction du capital à Wall Street depuis 1970, Paris, Éditions du Seuil/Raisons d’Agir, 2004.

6 Le mécénat est ici défini comme un engagement (versement d’argent, aide en nature, apport de savoir-faire, etc.) au service d’un tiers, assortie d’une contrepartie indirecte et différée dans le temps.

7 Sur ce point, voir Foucault Michel, Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Éditions du Seuil, 2004.

8 Desrosières Alain, La Politique des grands nombres, Paris, La Découverte, 1993, p. 407.

9 Le taux de chômage atteindra un niveau record de 12 % de la population active en 1997-niveau doublé au sein de certaines catégories de la population (jeunes, salariés sans qualification, femmes, travailleurs les plus âgés).

10 Une grande entreprise sur deux de plus de 500 salariés (soit environ 3 600) a fait l’objet d’une restructuration (fusion-absorption, scission ou apport) entre 1979 et 1991 (source Insee, mai 1994).

11 La France en mutation. 1975-2005, Culpepper Pepper, Hall Peter, Palier Bruno (dir.), Paris, Presses de Science po, 2006.

12 Pour une relecture du modèle de Gosta Esping-Andersen (Les Trois mondes de l’État-providence) à l’aune des conditions d’émergence et de développement des politiques d’activation des dépenses sociales au sein des pays de l’OCDE, voir Powell Martin, Barrientos Armando, « regimes and the welfare mix », in European Journal of Political Research, 43, (1), 2004, p. 83-105.

13 Lebaube Alain, « un rapport remis à M. Delebarre M me Aubry appelle les entreprises à la rescousse dans les banlieues », in Le Monde, 5 juillet 1991.

14 En 1993, le montant des versements alloués par les entreprises mécènes à la culture s’élève ainsi à 650 millions de francs-un peu moins de 100 millions d’euros.

15 Voir Rozier Sabine, L’Entreprise-providence. Mécénat des entreprises et transformations de l’action publique dans la France des années 1960-2000, thèse de doctorat, science politique, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2001.

16 Voir Bouchard Julie, Comment le retard vient aux Français. Analyse d’un discours sur la recherche, l’innovation et la compétitivité. 1940-1970, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008.

17 « reconstruction du lien social : un chantier pour les fondations », in Les Rencontres de la Fondation de France. Synthèse des débats du colloque « et pratique des fondations au service de l’intérêt général », 28 avril 1994, p. 3. L’auteur explique plus amplement ce qu’il entend par ces trois « crises » dans une annexe jointe au rapport : Commissariat général du Plan, La France de l’an 2000, rapport au Premier ministre, présidé par Alain Minc, Paris, Éditions Odile Jacob/La Documentation française, 1994.

18 Voir l’annexe « un engagement collectif pour l’emploi », in La France de l’an 2000…, op. cit., p. 298.

19 Jean-Baptiste de Foucauld cité par Alain Minc dans La France de l’an 2000., op. cit., p. 3.

20 Lemaître Frédéric, « patrons européens adoptent un manifeste contre l’exclusion », in Le Monde, 11 novembre 1995.

21 L’ensemble des citations qui suivent sont issues de : Lemaître Frédéric, Lepar-mentier Arnaud, « appels de M. Chirac à l’entreprise citoyenne ne séduisent pas les patrons », in Le Monde, 20 juillet 1995.

22 Cjde (Centre des jeunes dirigeants d’entreprise), L’Entreprise au xxie siècle. Lettre ouverte aux dirigeants pour réconcilier l’entreprise et la société, Paris, Flammarion, 1996, quatrième de couverture.

23 Ibid., p. 105-106.

24 Leseul Gérard, « bilan sociétal », in Entreprise éthique, n°10, avril 1999, p. 106-107.

25 Elle sera ultérieurement appelée « Institut du mécénat humanitaire » puis « Institut du mécénat de solidarité », IMS (puis IMS-Entreprendre pour la cité quand l’usage du terme « mécénat », souvent associé à des pratiques de prestige ou gratuites-sans intérêt pour l’entreprise -, sera devenu plus problématique à l’égard des actionnaires).

26 « Ils [les salariés] sont fiers d’appartenir à leur entreprise et font leur travail avec beaucoup plus de conscience professionnelle et beaucoup plus de joie et ils le font mieux […] L’entreprise est gagnante », interview de Claude Bébéar, Inter- actualitéactualités 7h, France Inter, 12 avril 1987. Archives INAthèque.

27 Francès Philippe, La Lettre du mécénat, n°52, février-mars 1993, p. 1 du Cahier du mécénat solidarité.

28 Douroux Philippe, « patron multiple et absolu », in Libération, 7 novembre 1994.

29 Propos de Martine Aubry, recueillis par Germain Isabelle, « allers et retours réflexion-terrain », in La Lettre du mécénat, n°56, novembre-décembre 1993, p. 5.

30 Propos de Sylvie Guichard, responsable des programmes « insertion » à la Fondation de France, recueillis par Christophe de La Mure, « Fondation de France, actrice au cœur de la générosité ? », in Lien social, n°513, 6 janvier 2000.

31 Comme le suggèrent les travaux de John Rawls auxquels se réfèrent volontiers les promoteurs du libéralisme économique.

32 de La Mure Christophe, « Fondation de France, actrice au cour de la générosité ? », op. cit.

33 Propos de Martine Aubry à l’émission La Marche du siècle (« Exclus, s’en sortir quand même »), FR3, 5 octobre 1994. Archives INAthèque.

34 Ibid.

35 Pour un aperçu des effets de cette professionnalisation sur le secteur à but non lucratif américain : Hwang Hokyu, Powell Walter W., « Rationalization of Charity : The Influences of Professionalism in the Nonprofit Sector », in Adminis- trativtrative Science Quarterly, 54, (2), 1 er juin 2009, p. 268-298.

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