1Les techniques décoratives distinguent les décors en surface et les décors en creux ou en relief. Ces différents décors peuvent être combinés sur un même vase.

2Comme leur nom l’indique, les techniques décoratives sont destinées à décorer les récipients. Toutefois, elles peuvent aussi avoir un rôle fonctionnel. Le déterminer implique de prendre en compte à la fois la technique et l’emplacement du décor sur le récipient. Par exemple, des décors incisés sur des fonds internes de récipients peuvent avoir une fonction de râpe (exemple en Amérique du Sud, en Europe et en Asie). Des décors en relief sur des parois externes peuvent correspondre à des éléments de renfort ou de préhension.

Les techniques de décors en surface

La peinture

3La peinture est la technique du décor en surface par excellence. Elle peut être faite soit à partir d’un mélange d’argile fine, d’oxydes ou de pigments, selon la même recette que les engobes, soit à partir d’un délayage direct des oxydes ou des pigments avec de l’eau. Les peintures sont appliquées avant ou après cuisson à l’aide d’outils (ex. pinceaux) selon des mouvements continus ou discontinus [figure 1.48]. Dans le cas d’une application avant cuisson, elles sont appliquées sur des surfaces brutes ou engobées ayant au préalable séché. Elles peuvent faire l’objet d’un brunissage une fois séchées.

4Le décor dit « de la réserve » ou « en négatif » consiste à préserver le décor de la pénétration du colorant (peinture ou carbone par enfumage) [figure 1.51 : d]. La préservation peut être faite selon différents procédés : soit il y a détourage du décor au moment de l’application de la peinture (avec ou sans l’aide d’un patron), soit il y a détourage du décor par grattage sur pâte sèche d’un matériau amovible (ex. engobe) passé sur l’ensemble ou sur une partie du récipient, soit il y a application d’un matériau amovible sur le décor qui est ainsi préservé lors du passage du colorant. Dans les deux premiers cas, si la cuisson est oxydante, le décor est de la couleur de la surface brute ou préalablement engobée. Dans le troisième cas, s’il n’y a qu’une seule cuisson réalisée en atmosphère oxydante, le décor est préservé du processus d’oxydation et est sombre ; s’il y a deux cuissons, la pose du matériau amovible sur le décor est réalisée après la première cuisson qui est suivie par un enfumage réalisé lors d’une seconde cuisson (voir exemple ci-dessous) ; le décor est alors préservé de l’enfumage et est clair.

Exemple de décor en réserve au Michoacan (Mexique, 2013). Les récipients subissent une première cuisson en atmosphère oxydante. Puis des décors sont dessinés avec des pinceaux imprégnés de matériau amovible (argile mélangée avec de la cire). Les récipients font alors l’objet d’une seconde cuisson beaucoup plus courte, l’objectif étant d’atteindre environ 500°C afin de fixer l’enfumage (3 heures environ) ; en fin de cuisson, les braises sont retirées, remplacées par des tisons afin d’environner de fumée les récipients. Retirées du four, les pièces ont pris une teinte plus sombre. Le matériau amovible est ensuite retiré avec une pointe en bois. Les décors apparaissent alors en couleur claire, contrastant avec l’aspect sombre du fond.
Lorsque a contrario ce sont les motifs qui apparaissent en sombre, le matériau amovible est enduit sur la zone que l’on veut préserver de l’enfumage. Après enfumage, les motifs apparaissent en sombre sur fond clair.

5Les pigments utilisés dans les peintures sont des substances colorantes qui se présentent sous forme de poudres avant d’être mélangées à un liquide. Ils sont d’origine minérale ou organique. Les premiers comprennent les oxydes de fer, qui permettent d’obtenir des couleurs qui vont du jaune (verdâtre à orangé) aux différentes nuances de brun-rouge, les oxydes de manganèse pour le noir, les roches métamorphiques comme le lapis lazuli pour le bleu, ou encore des roches comme la kaolinite pour le blanc. Les pigments d’origine organique sont extrêmement divers et varient selon les régions.

Par exemple, les pigments d’origine organique peuvent inclure des ossements pilés pour la couleur blanche comme au Sénégal où la peinture est appliquée après la cuisson du pot98 ; ou bien divers ingrédients d’origine végétale pour différentes couleurs, comme en Guyane, chez les potières Kali’na. Ces derniers comprennent des graines, des écorces, des feuilles d’un arbuste lianescent mélangées aux feuilles d’un euphorbiacé, des patates douces, du manioc. La peinture est appliquée, après la cuisson, à l’aide d’un pinceau fabriqué à partir d’un bâtonnet auquel sont fixées de longues plumes de héron agami99.

6Les oxydes ou les pigments peuvent provenir de très loin. D.E. Arnold signale des cas de figure où les distances peuvent s’élever jusqu’à 800 km (sur 36 cas, 11 cas révèlent des distances supérieures à 50 km100).

7Outils actifs : pinceaux fabriqués à partir de cheveux, poils, plumes, fibres végétales ; doigts.

Figure 1.48 Exemples de décor en surface :

Les techniques décoratives en creux et en relief

8Les techniques décoratives en creux et en relief sont classées en fonction des modalités physiques selon lesquelles les décors sont obtenus. Ces modalités comprennent le principe d’application des forces, les gestes, le degré d’hygrométrie du matériau argileux et les outils qui permettent de les mettre en œuvre et dont les propriétés géométriques joue directement sur l’effet décoratif.

Le principe d’application des forces

9Ce principe distingue cinq grandes familles de techniques décoratives : les techniques en creux qui comprennent le décor par impression, par incision et par excision, et les techniques en relief qui comprennent le décor par application d’éléments rapportés et par modelage de la surface.

Les gestes

10Les gestes sont décrits à partir des mouvements exercés pour mettre en œuvre les forces sur le matériau argileux. Ces mouvements dépendent de la façon dont l’outil est mis en mouvement :

• soit les mouvements sont exercés de manière discontinue, selon des mouvements successifs ponctuels ou basculés ;

• soit les mouvements sont exercés de manière continue, sans ou à l’aide d’une rotation du récipient.

Le degré d’hygrométrie

11Les décors peuvent être exécutés au cours des différents états de séchage et de transformation du matériau argileux : de humide à sec, en passant par les différents états de séchage dont l’état cuir.

Les outils

12Les outils utilisés pour mettre en œuvre les techniques décoratives en creux et en relief comprennent essentiellement des outils actifs de formes et de matériaux extrêmement divers (bois, métal, os, céramique, pierre, vannerie, etc.). Ils sont soit fabriqués comme, par exemple, les cylindres, roulettes, cordelettes, spatules, peignes, poinçons, tiges, battoirs sculptés, lames, soit naturels et trouvés dans le monde minéral ou végétal (coquillages, végétaux, graines, etc.).

13Les outils passifs sont principalement les moules utilisés pour l’impression estampée. Théoriquement, des outils passifs ont pu aussi exister pour d’autres types d’impression : ainsi l’impression roulée, en roulant le récipient sur un support, et non en roulant l’outil sur le récipient.

Les techniques de décor par impression

14L’impression consiste à obtenir un décor par pression d’un objet dur contre la pâte, ou par pression de la pâte contre un objet dur. Suivant la classification proposée sur le site de CerAfIm101 – site dont l’objectif est de promouvoir une standardisation de la description des techniques de décor –, elle peut être mise en œuvre selon différents mouvements. On distingue cinq techniques d’impression qui sont mises en œuvre sur pâte humide pour les quatre premières, et sur pâte à consistance cuir pour la dernière [figure 1.49].

Impression ponctuelle

15Elle consiste à appliquer un outil sur la pâte sans le déplacer. Elle est aussi appelée impression simple. Elle peut être perpendiculaire ou oblique selon l’angle d’inclinaison de l’outil. D’après CerAfIm, « l’impression simple peut être répétée pour produire des motifs en tache (arrangement d’éléments plus ou moins organisé sur une surface restreinte), des motifs en ligne (ligne, arc ou sinusoïde d’éléments) ou couvrir de plus larges surfaces (semis, etc.) ».

Impression basculée

16Elle consiste à faire basculer l’outil sur la pâte à partir de l’une ou l’autre de ses extrémités. Elle permet d’obtenir des motifs simples ou complexes selon la manière dont le basculement de l’outil est réalisé.

Impression roulée

17Elle consiste à imprimer un décor avec une matrice de forme cylindrique que l’on roule sur la surface à décorer102. Selon les roulettes utilisées et l’agencement des gestes, les impressions peuvent être extrêmement variables. L’Afrique donne de très nombreux exemples de ces impressions103.

Impression estampée

18Elle consiste à presser la pâte humide contre un support orné de motifs, que ce support soit une natte ou un moule décoré de motifs en creux. Dans le premier cas, les décors obtenus sont liés à une opération de façonnage. Par exemple, si l’ébauchage consiste en un martelage sur une natte tressée et si le préformage n’affecte pas la partie inférieure ou même la panse du récipient, celui-ci présentera un fond et des panses dont le décor, volontairement ou non conservé, aura été obtenu par impression estampée104.

Figure 1.49 Exemples de décor par impression :

Impression par battage

19Elle consiste à battre les surfaces externes de préformes à consistance cuir à l’aide de battoirs en bois sculptés ou autour desquels sont enroulés des cordes. Le mouvement répété du battoir sur la panse produit des impressions qui peuvent se développer sur l’ensemble du corps du récipient. Des jeux de superposition sont également possibles. Le Sud-Est asiatique et l’Océanie livrent de nombreux exemples d’impression par battage105.

Les techniques de décor par incision

20L’incision est l’action d’entailler la pâte pour dessiner des motifs106. Si l’on considère l’état de la pâte sur laquelle les incisions sont faites ainsi que les mouvements selon lesquels les incisions sont exécutées, on distingue quatre techniques d’incision, les trois premières sur pâte non cuite et la quatrième sur pâte cuite (CerAfIm).

21Les incisions de motifs sur pâte non cuite peuvent être faites avant ou après engobage et/ou peinture. Dans le premier cas, les incisions peuvent servir à délimiter des zones qui seront ensuite remplies de matière colorante. Lorsque des incisions sont réalisées sur pâte dont l’état est compris entre cuir et sec, des surplus de pâte sont dégagés qui sont ensuite enlevés à l’aide d’un outil souple (ex. chiffon). Dans le cas où il y a brunissage du récipient, les incisions qui ont été faites avant sont le plus souvent retracées, car le brunissage a tendance à refermer la pâte sur l’incision.

Incision ponctuelle

22Elle consiste à tracer une incision sur pâte humide/cuir/sèche selon un mouvement linéaire continu ou discontinu [figures 1.50 : a et 1.51 : a].

23Une série d’incisions concentriques parallèles exécutées selon un mouvement linéaire continu donne une surface « peignée » ou « cannelée ».

Incision pivotante

24Elle consiste à tracer une incision sur pâte humide/cuir/sèche selon un mouvement pivotant discontinu. Elle est réalisée avec un instrument qui présente au moins 2 dents : une extrémité sert de pivot tandis que la deuxième incise la pâte en arc de cercle, à l’instar d’un compas (CerAfIm).

Incision sur pâte sèche ou grattage

25Elle consiste à gratter la pâte sèche à l’aide d’un outil coupant ou d’un abrasif selon des mouvements linéaires discontinus, afin d’obtenir une surface rugueuse. Le grattage partiel d’une céramique préalablement engobée, polie ou peinte permet d’obtenir un effet décoratif.

Incision sur pâte cuite ou gravure

26Elle consiste à graver des décors sur une céramique cuite, selon des mouvements linéaires discontinus. La gravure d’une céramique préalablement engobée, polie ou peinte permet d’obtenir un effet décoratif.

Les techniques de décor par excision

27Le décor par excision consiste à entailler la pâte à consistance cuir pour retirer de la matière et façonner des décors en creux ou en relief [figure 1.51 : b]. Les creux obtenus par excision sont laissés bruts ou bien remplis d’éléments plastiques (terre différente) ou non plastiques (métal, bois, écorce, coquille, verre) [figure 1.50 : b]. On parle alors de décor par incrustation et de céramique incrustée.

28Lorsque l’épaisseur de la paroi est intégralement creusée, la céramique est dite « ajourée » [figures 1.50 : d et 1.51 : c].

Les techniques de décor par application d’éléments rapportés

29Le décor par application d’éléments rapportés se fait sur pâte humide ou ayant subi un premier séchage [figure 1.50 : c]. Les éléments sont appliqués sur la surface des récipients par des pressions discontinues digitales ou à l’aide de spatules. Ces éléments peuvent prendre des formes très différentes : cordon, pastille, bouton, mamelon, décor floral complexe. D’après les définitions de J. Cauliez107, le bouton se définit comme une protubérance de base plus ou moins circulaire, le cordon comme une bande de pâte en relief, le mamelon comme un petit élément en relief de base ovalaire et la pastille comme une petite protubérance de base circulaire, ovalaire ou rectangulaire aplatie. Le pastillage est l’action d’appliquer des séries d’éléments de petites dimensions généralement circulaires108.

Les techniques de décor par modelage

30Le décor par modelage consiste à pincer la pâte humide depuis la face externe ou bien à la repousser depuis la face interne pour créer un relief qui peut prendre différentes formes comme, par exemple, une pastille (on parle alors de pastillage au repoussé). Il inclut également les déformations volontaires comme les dépressions répétées pour créer une surface en relief.

Figure 1.50 Exemples de décor par incision, excision et par éléments rapportés :

Figure 1.51 Traitements de surface et décors :