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Libertés économiques et droits de l’homme

 | 
Véronique Champeil-Desplats
, 
Danièle Lochak

Troisième partie. Les droits fondamentaux à l’épreuve de la libéralisation des échanges

Subventions agricoles des pays développés et droit à l’alimentation dans les pays en développement

Emmanuel Guematcha

Texte intégral

  • 1 Roudard Laurence, « Les politiques agricoles et alimentaires au risque des négociations internation (...)

1« La réalisation du droit à l’alimentation ne fait pas partie du mandat de l’OMC. » C’est la conclusion que tire Laurence Roudard dans un article publié en 20051. Ce constat montre bien la fracture qui peut exister entre les droits de l’homme et le commerce entre pays, règlementé au niveau international par l’Organisation mondiale du commerce.

2Les subventions agricoles, l’une des pratiques commerciales ayant pourtant fait l’objet d’engagements de la part des États membres de l’Organisation mondiale du commerce, constituent à l’heure actuelle une véritable pomme de discorde entre États développés et États en développement dans le cadre des négociations au sein de cette organisation.

3Face à l’opposition croissante et soutenue des pays en développement à ces subventions, on peut s’interroger sur les effets ou les conséquences de cette pratique sur les droits de l’homme en général, mais aussi et surtout sur le droit à l’alimentation dans les pays du Sud.

  • 2 Voir l’article 1er de l’Accord sur les subventions et mesures compensatoires, 1994, résumé par Gour (...)

4Selon les textes de l’OMC, une pratique est appelée « subvention […] si un État, ou ses démembrements […] apporte une contribution financière, directe ou indirecte, à des entreprises et que celles-ci en tirent des avantages2 ». Les subventions agricoles sont celles qui interviennent dans le domaine de l’agriculture.

  • 3 Plusieurs États développés comme les États-Unis ou les États membres de la Communauté européenne «  (...)
  • 4 Notons tout de même que dans les années 1980, une guerre commerciale pour la conquête des marchés o (...)
  • 5 Ruiz Fabri Hélène et Sorel Jean Marc, « L’organisation du commerce international », in Droit du com (...)
  • 6 Ibid. Il convient de noter que l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC a déclaré non-co (...)

5D’emblée, il faut noter que, dans les accords du GATT de 1947, les questions relatives à l’agriculture n’étaient pas traitées. On parlait de « l’exception agricole3 ». Les États avaient alors dans ce domaine une véritable liberté. Mais en 1994, dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture du cycle de l’Uruguay, les États membres de l’OMC se sont engagés à ouvrir l’accès de leur marché, à réduire leur soutien interne à l’agriculture et à limiter leurs exportations subventionnées4. Si les États s’étaient engagés à ne pas contester leurs mesures de soutien interne jusqu’en 2004, « les subventions à l’exportation c’est-à-dire celles qui sont destinées à aider les agriculteurs à être plus compétitifs sur les marchés étrangers – sont en principe interdites et les États prennent l’engagement de les consolider et de les réduire progressivement5 ». C’est surtout sur la question de la poursuite de cette réduction des subventions que les négociations piétinent à l’OMC6.

  • 7 Carreau Dominique et Julliard Patrick, Droit international économique, Paris, Dalloz,3e éd., 2007, (...)
  • 8 Voir Doc NU, AG/SHC/3861, Département de l’information, 25 octobre 2006.
  • 9 Voir Leisinger Klaus M., « Sortir de la pauvreté et respecter les droits de l’homme : dix points qu (...)
  • 10 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, A/61/306, 1er se (...)

6Les problèmes relatifs aux subventions agricoles « brillent [certes] par leur complexité7 ». Mais il est possible, sans simplification exagérée, de les poser ainsi : les pays développés, au premier rang desquels les États-Unis et les pays de l’Union européenne, accordent des subventions aux entreprises agricoles de leurs États. Le montant total des subventions accordées est d’environ349 milliards de dollars8 dans les pays de l’OCDE. Certains n’hésitent pas à parler de subventions agricoles d’un milliard de dollars par jour9. Dans le même temps, les pays en développement n’accordent pas, ou plutôt, n’ont pas la possibilité d’accorder de telles subventions à leurs agriculteurs. Il en découle une inégalité, une distorsion au principe de libre concurrence. En effet, les agriculteurs du Nord peuvent, grâce aux subventions agricoles, vendre leurs produits sur les marchés des pays en développement à un prix inférieur au prix de revient10. Les agriculteurs des pays en développement ne peuvent donc pas entrer en concurrence avec ceux du Nord dans le cadre du commerce international, pourtant fondé sur le libre-échange. Alors que les pays du Sud réclament la suppression et l’élimination desdites subventions, ceux du Nord – principalement les États-Unis et l’Union européenne – acceptent le principe d’une réduction de ces subventions, mais pas leur élimination totale et immédiate.

7Une des critiques les plus importantes adressées à cette pratique des subventions agricoles est qu’elle compromettrait le droit à l’alimentation dans les pays en développement.

  • 11 Voir Haugen Hans Morten, The right to food and the TRIPS Agreement, Leiden-Boston, Martinus Nijhoff (...)
  • 12 Art. 11 §1 et 2 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.
  • 13 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 12, Le droit à une nou (...)
  • 14 Ibid., §15.
  • 15 Selon Asbjorn Eide, le « non-accès à l’alimentation est, dans la plupart des cas, lié à la pauvreté (...)
  • 16 Selon la FAO, « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, u (...)

8Le droit à l’alimentation a été mentionné pour la première fois au début des années 1940 par Franklin D. Roosevelt dans l’« Economic Bill of Rights11 ». Ce droit est consacré de manière formelle en droit international des droits de l’homme par l’article 11 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966. Ce texte dispose que les États parties reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture suffisante. Ces mêmes États reconnaissent le droit fondamental pour toute personne d’être à l’abri de la faim12. L’organe de surveillance du Pacte créé en 1985, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, apporte un éclairage singulier sur ce droit dans son Observation générale no 12 consacrée au droit à une nourriture suffisante. Selon le Comité, « le droit à une nourriture suffisante est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d’autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer13 ». Les États parties au Pacte ont, selon le Comité, l’obligation de respecter, de protéger et de donner effet à ce droit14. Ainsi défini, le droit à l’alimentation entretient une relation très étroite avec la pauvreté15 et la sécurité alimentaire, expression qui renvoie à la nécessité pour tous les êtres humains d’avoir accès à une nourriture suffisante16, de sorte que l’on ne saurait traiter du droit à l’alimentation sans faire simultanément référence à ces deux expressions.

9Dans ce contexte, la question est posée de savoir si les subventions agricoles distribuées par les gouvernements des pays développés constituent une entrave à la réalisation du droit à l’alimentation des pays en développement (I). Mais même si l’on apporte une réponse positive à cette question, il n’est pas certain que la suppression de ces subventions aurait des effets positifs sur la réalisation de ce droit (II).

I. Les subventions agricoles du Nord, entrave à la réalisation du droit à l’alimentation des pays du Sud

10De nombreuses analyses mettent en lumière les conséquences négatives des subventions agricoles qui entrainent la fragilisation des marchés locaux des pays du Sud et leur dépendance par rapport aux importations (A) – situation qui enfreint donc les obligations des États en matière de droit à l’alimentation (B).

A. Les retombées négatives des subventions accordées par les pays développés

La destruction des marchés locaux

11Les subventions agricoles accordées à leurs agriculteurs par les pays du Nord sont accusées de détruire les capacités locales de production des denrées alimentaires comme le riz, le sucre, la viande et des produits non alimentaires comme le coton dans les pays en développement. Cette fragilisation, cette destruction mises en exergue par de nombreuses études entrainent l’impossibilité pour les producteurs de ces pays de se nourrir de manière adéquate. Elle s’explique par plusieurs éléments étroitement liés : impossibilité de vendre, perte de revenus et impossibilité d’acheter de quoi se nourrir.

  • 17 Cette situation pose un problème de cohérence dans le cadre du libre échange. Voir Leisinger Klaus (...)
  • 18 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, A/63/278, (...)
  • 19 Ibid., §19.

12L’impossibilité de vendre leurs produits sur le marché local constitue l’une des premières causes de la violation du droit à l’alimentation des agriculteurs des pays en développement17. Sur les marchés locaux des pays en développement, les prix des produits subventionnés et importés sont moins élevés que ceux des produits agricoles mis à disposition par les agriculteurs de ces États. Olivier De Schutter, rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, dans un rapport adressé à l’Assemblée générale des Nations unies, souligne que dans les États d’Afrique subsaharienne, « l’agriculture a été sérieusement mise à mal, et parfois réduite à néant, par cette concurrence internationale18 ». D’autre part, il « est également devenu difficile pour ces producteurs de rester compétitifs sur leurs marchés nationaux, leur production étant achetée à des prix trop bas19 ».

  • 20 Sajo Andras, « Socioeconomic rights and the international economic order », New York Journal of Int (...)
  • 21 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, A/61/306, 1er se (...)
  • 22 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, E/CN.4/2006/44, (...)
  • 23 Mutume Gumisai, « Opposition croissante aux subventions agricoles du Nord. Les producteurs africain (...)
  • 24 Parmentier Bruno, Nourrir l’humanité. Les grands problèmes de l’agriculture mondiale au xxie siècle(...)
  • 25 Brunel Sylvie, La Faim dans le monde. Comprendre pour agir, Paris, PUF, p. 138-139.

13C’est là une situation préjudiciable au droit à l’alimentation. Andras Sajo affirme que les subventions agricoles des États développés ont une responsabilité dans la destruction du marché local et la violation du droit à l’alimentation des agriculteurs20. Jean Ziegler, l’ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, constate qu’à cause des subventions agricoles du Nord, plusieurs millions d’agriculteurs africains et latino-américains n’ont pas de débouchés pour leurs produits et ne peuvent gagner assez pour nourrir leurs familles21. Il précise que ces paysans voient leurs moyens de subsistance anéantis et qu’« ils n’auront pas les moyens d’acheter de la nourriture, même si elle est moins chère22 ». Dans le même ordre d’idées, un paysan malien, pointant les effets des subventions agricoles des États développés, affirme : « Les prix du coton sont trop bas pour que nous puissions continuer […] d’acheter de quoi manger23 ». Bruno Parmentier, quant à lui, montre qu’en Afrique la vente du coton constituait un rempart contre la pauvreté pour plus de trente millions de personnes. Il cite une étude de l’OMS qui constate qu’avant l’impact des subventions américaines, les ménages cultivant le coton en Afrique de l’Ouest avaient une meilleure nutrition24. Cette perte de revenus est d’autant plus condamnable qu’il apparaît aux yeux de certains auteurs que la meilleure façon de lutter contre la faim est de permettre à tous non seulement de produire de la nourriture, mais aussi et surtout d’en acheter25.

  • 26 Rapport cité par Ziegler Jean, Le Droit à l’alimentation, op. cit., p. 110. Cet auteur estime par a (...)

14La nécessité de protéger, de promouvoir et de viabiliser le marché local est pourtant l’une des solutions préconisée pour lutter contre la faim et mettre en œuvre le droit à alimentation. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations unies, et les différents rapporteurs sur le droit à l’alimentation soulignent l’importance de l’existence d’un marché local robuste dans le cadre de la réalisation du droit à l’alimentation. Dans son rapport de 2000, la FAO estime que la production à une échelle locale par de petits exploitants peut permettre la garantie de la sécurité alimentaire26.

  • 27 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Déclaration sur la crise alimentaire mondiale, (...)

15Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, tout en faisant référence il est vrai à l’aide alimentaire, souligne l’importance de veiller « à ce que les denrées soient achetées sur les marchés locaux si possible et à ce que la production locale ne soit pas découragée27 ». La présence massive de produits subventionnés coûtant moins cher que le prix de production est donc un facteur de destruction du marché local, portant ainsi atteinte au droit à l’alimentation dans les États en développement. Cette situation entraine une dépendance extérieure des pays en développement sur le plan alimentaire.

La dépendance alimentaire

16Le marché local atteint, les États en développement deviennent dépendants des importations au détriment des produits locaux. Il ne s’agit pas ici de s’opposer de manière radicale aux importations. Mais le fait de dépendre des importations entraîne une exposition des pays en développement à toute hausse des prix au niveau international, préjudiciable à la sécurité alimentaire donc au droit à l’alimentation.

  • 28 Cité par Eide Asbjorn, Le Droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l’homme, New Yor (...)
  • 29 Ibid.

17À ce sujet, le Pacte mondial de sécurité alimentaire adopté par la FAO en 1985 s’exprimait en ces termes : les « gouvernements des pays en développement […] doivent veiller à ce que les citadins n’acquièrent pas de préférence permanente pour des aliments de base importés qui ne peuvent être cultivés dans le pays28 ». Abjorn Eide remarquait alors que « si les produits alimentaires vendus sur les marchés urbains sont importés, il n’y a pas d’incitation suffisante à accroître la production agricole29 ».

  • 30 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, A/63/278, (...)
  • 31 Von Braun Joachim et al., « Hausse des prix alimentaires et actions stratégiques proposées : que fa (...)
  • 32 Ibid., p. 7.
  • 33 « Developing countries that had liberalised their agricultural sectors too quickly or too far, reel (...)

18Les importations massives entraînent des conséquences désastreuses pour le droit à l’alimentation. Le rapport d’Olivier De Schutter fait un constat alarmant : « Le soutien apporté par les pays industrialisés à leurs agriculteurs et l’absence de protection douanière dans les pays en développement ont nui considérablement aux producteurs de ces derniers pays, du fait notamment d’un accroissement des importations contre lequel ils étaient insuffisamment protégés30. » Une étude de l’Institut international de recherches sur les produits alimentaires note qu’« en tant qu’importateurs nets de céréales, la plupart des pays d’Afrique sont sérieusement touchés par la hausse des prix31 ». Les conséquences soulignées par cette étude permettent d’avoir une vue exacte des effets de cette situation sur le droit à l’alimentation. L’étude rapporte que dans des États comme la Zambie, le Malawi, le Bangladesh ou le Nigeria, on assiste à une dégradation de la situation alimentaire. Cette étude, précise que cette situation est à l’origine des émeutes de la faim qui ont touché au moins trente pays en 2008 et que, « si les prix continuent à grimper, les pauvres vont être confrontés à une détérioration de la qualité de leur régime alimentaire et de leur apport en micronutriments, et les plus pauvres verront en plus décroître leur apport calorique32 ». Une autre étude de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement montre comment la pratique des subventions agricoles dans les États développés a affaibli les capacités de production des agriculteurs du Sud, capacités pourtant nécessaires pour faire face à la crise alimentaire33, à la hausse vertigineuse des prix et assurer ainsi une réalisation du droit à l’alimentation dans les pays en développement.

B. La violation des obligations des États en matière de droit à l’alimentation

  • 34 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 12 sur le droit à une (...)
  • 35 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, A/HRC/7/5, 10 ja (...)

19Cette situation provoquée par la pratique des subventions agricoles dans les pays développés est contraire à la description des obligations des États que fait le Comité des droits économiques et sociaux dans le cadre de l’Observation générale no 12. Selon le Comité, les États parties « devraient prendre des mesures pour respecter l’exercice du droit à l’alimentation dans les autres pays, protéger ce droit34 ». Les États parties ont donc l’obligation de ne pas se comporter d’une manière qui serait préjudiciable à l’exercice du droit à l’alimentation dans des États tiers. Jean Ziegler en conclut que les États ont des obligations extraterritoriales dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’alimentation notamment lorsqu’ils prennent des décisions au sein de l’OMC35.

  • 36 Selon Ban Ki Moon, il « est temps que les pays les plus riches revoient leurs programmes obsolètes (...)
  • 37 Selon le PNUD, les subventions agricoles des pays industrialisés renforcent la pauvreté rurale des (...)
  • 38 L’Union africaine exprime sa « solidarité totale aux États membres touchés par les subventions sur (...)
  • 39 Communiqué de presse Oxfam international, « Les États-Unis doivent réformer leurs programmes de sub (...)
  • 40 Smaller Carine, « Les politiques de production et d’exportation du coton des USA et de l’UE et leur (...)
  • 41 Ziegler Jean, Le Droit à l’alimentation, op. cit., p. 120-121.

20Face à cette situation, on assiste à une mobilisation forte contre ces subventions. Le Secrétaire général des Nations unies36, le Programme des Nations unies pour le développement37, l’Union africaine38, les organisations non gouvernementales comme Oxfam international39 ou encore3D Trade Human rights Equitable Economy40 dénoncent la pratique des subventions agricoles des pays développés et les effets de cette pratique sur les droits de l’homme. Jean Ziegler quant à lui demande que les nouvelles négociations à l’OMC prennent en compte les propositions des pays en développement au rang desquelles figurent l’élimination des subventions à l’exportation et la nécessité de protéger le droit à l’alimentation41.

21En dépit de cette mobilisation contre les subventions agricoles des pays développés, un certain nombre d’études font apparaître les conséquences incertaines qu’aurait l’élimination de ces subventions agricoles sur le droit à l’alimentation.

II. Les conséquences incertaines de l’élimination des subventions agricoles sur le droit à l’alimentation

22Les effets positifs qu’aurait la suppression des subventions agricoles sur le droit à l’alimentation font l’objet de discussions (A) qui laissent ainsi entre-voir la difficulté d’assurer le droit à l’alimentation pour tous (B).

A. Des effets discutés

  • 42 Ibid., p. 113.
  • 43 Bolopion Philippe (Propos recueillis par), « M. De Schutter prédit “la fin de la nourriture à bas p (...)

23Les deux rapporteurs spéciaux sur le droit à l’alimentation apportent un certain nombre de nuances concernant les conséquences négatives entrainées par la pratique des subventions agricoles dans les pays en développement. Jean Ziegler affirme certes que « les subventions accordées par les pays développés ont eu un effet de désincitation sur la production agricole des pays en développement » mais il admet qu’« une réduction du soutien interne et des subventions à l’exportation… pourrait être préjudiciable aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires42 ». Pour sa part, tout en considérant que les subventions agricoles pratiquées par les pays du Nord sont « une honte », le nouveau rapporteur, Olivier De Schutter reconnaît que « si on supprime les subventions immédiatement, les pays en développement, qui importent ces produits, devront les payer plus cher ». Le nouveau rapporteur est pour une suppression non pas immédiate mais graduelle des subventions agricoles43.

  • 44 Parmentier Bruno, Nourrir l’humanité..., op. cit., p. 247.

24Mais à côté de ces nuances on relève aussi une contestation plus frontale. Cette contestation vient d’abord des États accusés. Les États-Unis et les États européens considèrent qu’une suppression de ces subventions ne faciliterait pas la réalisation du droit à l’alimentation et ne ferait que provoquer une hausse des prix. Le problème, avancent-ils, réside dans les « énormes différences de productivité44 ». En effet, il n’est pas sûr que les agriculteurs du sud disposent d’outils techniques et logistiques suffisants pour produire suffisamment et garantir la réalisation du droit à l’alimentation.

  • 45 Roudard Laurence, « Les politiques agricoles et alimentaires au risque des négociations internation (...)
  • 46 Parmentier Bruno, Nourrir l’humanité..., op. cit., p. 248.

25Laurence Roudard évoque plusieurs arguments pour expliquer la situation des États en développement : la concurrence qui existe entre les producteurs peu équipés et peu productifs des pays pauvres et les entreprises des pays développés souvent installées dans les pays en développement, les politiques pratiquées par les pays en voie de développement. Selon elle, ces arguments « ne permettent pas de conclure que la suppression de la protection et des subventions agricoles dans les pays développés serait suffisante pour relancer le développement agricole dans les pays pauvres45 ». Bruno Parmentier constate aussi l’existence avérée d’une part de responsabilité attribuable aux politiques nationales des pays en développement46. Si les dirigeants des pays en développement sont responsables au moins en partie de la violation du droit à l’alimentation, alors l’élimination des subventions ne suffirait pas à garantir la réalisation du droit l’alimentation.

  • 47 Butault Jean-Pierre, Guyomard Hervé, « Conclusion : les politiques agricoles de soutien ont-elles e (...)
  • 48 Bureau Jean-Christophe, Gozlan Estelle et Jean Sébastien, « La libéralisation du commerce agricole (...)

26Selon Jean-Pierre Bultault et Hervé Guyomard, on ne peut pas attribuer aux seules politiques agricoles des pays développés la responsabilité du sous-développement. De même, les « politiques agricoles ne peuvent pas, à elles seules, résoudre le problème de la faim dans le monde47 ». D’autres considèrent qu’il est « difficile de clarifier la responsabilité de ces subventions dans l’incapacité des agriculteurs locaux à dégager une production agricole suffisante48 », nécessaire à la réalisation du droit à une nourriture adéquate. Il y a là, de toute évidence, un scepticisme quant aux effets positifs de l’élimination des subventions agricoles dans les pays du Nord sur le droit à l’alimentation dans les pays du Sud.

B. La difficulté de réaliser le droit à l’alimentation pour tous

  • 49 Sajo Andras, « Socioeconomic rights and the international economic order », in New York Journal of (...)

27Dans le cadre du débat sur la question de la suppression des subventions agricoles américaines et européennes, Andras Sajo apporte un éclairage important sur ces contradictions, sur cette difficulté de réaliser le droit à l’alimentation pour tous. Cet auteur, dans un article publié certes en 2002, avant la crise alimentaire mondiale de 2008, semble suggérer une distinction entre le droit à l’alimentation des agriculteurs des pays pauvres et le droit à l’alimentation des autres populations de ces pays. Il remarque que, certes, il est prouvé que du fait de la pratique des subventions agricoles par les pays du Nord les agriculteurs des pays du Sud n’arrivent pas à se nourrir convenablement, mais que, dans le même temps, le reste de la population de ces pays peut avoir accès à des produits subventionnés du Nord qui sont bon marché49. Dans le premier cas, le droit à l’alimentation ne serait pas respecté, alors que dans le deuxième, il le serait.

  • 50 Ralf Peters, Roadblock to reform : the persistence of agricultural export subsidies, United Nations (...)

28Pour sa part, Peters Ralf, après avoir passé en revue tous les effets qu’aurait une élimination des subventions agricoles à l’exportation, conclut qu’en ce qui concerne la réduction et l’élimination des subventions agricoles, les pays qui importent des aliments doivent être conscients des effets qui pourraient en résulter. Cette réduction et cette suppression des subventions pourraient être favorables aux producteurs des pays en développement, mais auraient des conséquences négatives sur les pauvres qui vivent dans les villes50. Une élimination pure et simple ne permettrait pas d’assurer une réalisation du droit à une alimentation adéquate pour tous.

  • 51 Les Directives sur le droit à l’alimentation. Documents d’information et étude de cas, FAO, Rome, 2 (...)
  • 52 Ibid., p. 145, §13.

29Une étude sur les Directives de la FAO apporte elle aussi un éclairage sur cette situation. Elle relève que, selon un argument fréquemment utilisé, « ces distorsions [induites par les subventions agricoles] ne sont pas exemptes d’effets positifs sur la sécurité alimentaire car elles font baisser les cours des denrées sur les marchés mondiaux au bénéfice des plus démunis51 ». Cette étude remarque à ce titre que lorsqu’« une mesure de protection a des répercussions négatives sur les marchés locaux, cela peut signifier que le droit à l’alimentation est concrétisé pour certains alors que pour d’autres, ce droit, voire d’autres droits, en pâtissent52 ». C’est à ce niveau que la question de la suppression des subventions agricoles affiche toutes les incertitudes relatives au lien de cause à effet entre, d’une part, l’élimination des subventions et, d’autre part, la réalisation du droit à l’alimentation.

  • 53 Pasquier Caroline, « Sécurité alimentaire et liberté du commerce international », in La Sécurité al (...)

30Un autre argument aussi pertinent que déroutant est souvent mis en avant dans le cadre de ces contradictions. En éliminant les subventions agricoles dans les pays riches, il y a des risques que le droit à l’alimentation soit mis à mal dans ces États. Caroline Pasquier constate par exemple que, s’il est vrai que les subventions agricoles ne sont pas conformes aux règles du libre-échange adoptées au sein de l’OMC, il n’en demeure pas moins qu’elles permettent aux États développés d’assurer leur propre sécurité alimentaire, garantissant ainsi le droit à l’alimentation de leurs propres populations53. Il peut alors apparaître inapproprié de défendre l’élimination des subventions agricoles dans le Nord afin de garantir le droit à l’alimentation dans les pays pauvres, tout en violant dans le même temps le droit à une alimentation adéquate dans les pays du Nord. L’enjeu le plus important est, tout en réduisant et éliminant les subventions agricoles du Nord, de trouver le moyen de ne pas mettre en danger le droit à l’alimentation autant dans les pays en développement que dans les pays développés.

  • 54 Ralf Peters, Roadblock to reform..., op. cit., p. 33.

31Il faut dire avec Peters Ralf que le bénéfice de l’élimination des subventions agricoles, notamment au niveau de la facilitation de la réalisation du droit à l’alimentation, passe par une stratégie de développement cohérent54.

32Il apparaît donc que si les subventions agricoles des pays développés ont un effet négatif sur la réalisation du droit à l’alimentation dans les pays en développement, l’élimination de ces subventions ne suffira pas à elle seule à garantir la réalisation du droit à une alimentation adéquate pour tous. La réflexion aujourd’hui, dans la perspective d’une meilleure réalisation de ce droit, passe par la suppression de ces subventions accompagnée d’une politique de développement global, qui prenne en compte le droit pour tous à une nourriture suffisante. Les États mais aussi des organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce, dans le cadre des politiques agricoles qu’ils adoptent, peuvent y jouer un rôle décisif.

Notes

1 Roudard Laurence, « Les politiques agricoles et alimentaires au risque des négociations internationales », in La Fracture agricole et alimentaire mondiale. Nourrir l’humanité aujourd’hui et demain, Mazoyer Marcel et Roudard Laurence (dir.), Paris, Universalis, 2005, p. 59.

2 Voir l’article 1er de l’Accord sur les subventions et mesures compensatoires, 1994, résumé par Gourion Pierre-Alain, Peyrard Georges, Soubeyrand Nicolas, Droit du commerce international, Paris, LGDJ, 4e éd, 2008, p. 63.

3 Plusieurs États développés comme les États-Unis ou les États membres de la Communauté européenne « estimaient que l’agriculture était un secteur beaucoup trop stratégique pour qu’on le soumette à la libéralisation ». Voir Roudard Laurence, « Les politiques agricoles et alimentaires... », op. cit., p. 44.

4 Notons tout de même que dans les années 1980, une guerre commerciale pour la conquête des marchés oppose les États-Unis à la Communauté européenne. On assiste alors de part et d’autre à une augmentation systématique des subventions agricoles. Voir Roudard Laurence, « Les politiques agricoles et alimentaires... », op. cit., p. 45.

5 Ruiz Fabri Hélène et Sorel Jean Marc, « L’organisation du commerce international », in Droit du commerce international, Beguin Jacques et Menjuck Michel (dir.), Paris, Litec, 2005, p. 107.

6 Ibid. Il convient de noter que l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC a déclaré non-conforme au droit de l’OMC certaines subventions agricoles pratiquées par les États-Unis à l’occasion d’une plainte déposée par le Brésil. En effet le 3 mars 2005, dans le cadre de cette affaire, l’Organe a considéré que les États-Unis devaient retirer les subventions qui étaient prohibées et, pour celles qui ne l’étaient pas, mais qui causaient un préjudice grave, devaient soit les retirer, soit éliminer leurs effets défavorables. Pour un commentaire de la décision, voir Ruiz Fabri Hélène et Monnier Pierre, « Organisation mondiale du commerce. Chronique du règlement des différends 2004 », in Journal du droit international, no 3, 2005, p. 942-956. Le Bénin et le Tchad se sont portés tierce partie à la plainte du Brésil. D’autre part, des associations ouest-africaines ont demandé à leur gouvernement de porter plainte contre les États-Unis, mais il semble que, « étant donné les réalités du pouvoir politico financier, les pays africains sont très vulnérables à de possibles mesures de rétorsion en raison de leur dépendance vis-à-vis de l’aide et de l’allègement de la dette, ainsi que de la menace de retrait unilatéral des préférences commerciales ». Voir Watkins Kevin et Ui-Sul Jung, « Cultiver la pauvreté. L’impact des subventions américaines au coton sur l’Afrique », in Document de Briefing d’Oxfam international, septembre 2002, p. 4.

7 Carreau Dominique et Julliard Patrick, Droit international économique, Paris, Dalloz,3e éd., 2007, p. 154.

8 Voir Doc NU, AG/SHC/3861, Département de l’information, 25 octobre 2006.

9 Voir Leisinger Klaus M., « Sortir de la pauvreté et respecter les droits de l’homme : dix points qui méritent d’être pris au sérieux », in Revue internationale des sciences sociales, no 180, p. 353. Article également disponible sur : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RISS&ID_NUMPUBLIE=RISS_180&ID_ARTICLE=RISS_180_0349. Consulté le 05 novembre 2008.

10 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, A/61/306, 1er septembre 2006, §5.

11 Voir Haugen Hans Morten, The right to food and the TRIPS Agreement, Leiden-Boston, Martinus Nijhoff, 2007, p. 15.

12 Art. 11 §1 et 2 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.

13 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 12, Le droit à une nourriture suffisante (art. 11), Doc NU E/C.12/1999/5, 12 mai 1999, §6.

14 Ibid., §15.

15 Selon Asbjorn Eide, le « non-accès à l’alimentation est, dans la plupart des cas, lié à la pauvreté » : Le Droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l’homme, New York, Nations unies, 1989, p. 34. Dans l’observation générale no12, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels va dans le même sens, précité, voir §4.

16 Selon la FAO, « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale à l’occasion du sommet mondial sur l’alimentation du 13-17 novembre 1996, §1). Selon Jean Ziegler, la compréhension du droit à l’alimentation passe par celle de la sécurité alimentaire « c’est-à- dire quels sont les seuils en deçà desquels on considère que cette sécurité n’est plus assurée », in Le Droit à l’alimentation, op. cit., p. 66-67. Dans le même ordre d’idées, Éric Adam considère que la sécurité alimentaire est le « corollaire du droit à l’alimentation », in La Politique agricole face aux enjeux internationaux : la libéralisation conventionnelle du commerce international des produits agricoles, Thèse de doctorat, Université de Paris I, 13 octobre 2006, p. 416.

17 Cette situation pose un problème de cohérence dans le cadre du libre échange. Voir Leisinger Klaus M., « Sortir de la pauvreté et respecter les droits de l’homme... », op. cit., p. 353. Cet auteur se demande s’il est « cohérent de prêcher le “libre-échange” tout en prenant des mesures protectionnistes (contre les produits bon marché du Sud, ou par le biais de subventions agricoles pour la coquette somme d’un milliard de dollars par jour dans les pays de l’OCDE) ? » Au sujet des problèmes relatifs à cette situation voir aussi Galley Jean-Baptiste Kossi, « La mondialisation économique saisie par les droits de l’homme », in Revue trimestrielle des droits de l’homme, no 66, 2006, p. 448-449.

18 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, A/63/278, 21 octobre 2008, §18.

19 Ibid., §19.

20 Sajo Andras, « Socioeconomic rights and the international economic order », New York Journal of International law and politics, 2002, p. 237. Selon cet auteur : « The subsidized product is exported into less-developed countries (which were forced to open their markets), and local farming is destroyed because local producers cannot compete with the subsidized product. Thus, the local farmers’ right of access to adequate food suffers. » Il faut noter aussi que les agriculteurs des États en développement ont des difficultés à exporter à cause notamment des mesures protectionnistes mises en œuvre dans les pays développés.

21 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, A/61/306, 1er septembre 2006, §5.

22 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, E/CN.4/2006/44, 16 mars 2006, §35.

23 Mutume Gumisai, « Opposition croissante aux subventions agricoles du Nord. Les producteurs africains de coton ont du mal à survivre », in Afrique Relance ONU, vol. 17/1 (mai 2003), p. 18.

24 Parmentier Bruno, Nourrir l’humanité. Les grands problèmes de l’agriculture mondiale au xxie siècle, Paris, La Découverte, 2007, p. 248.

25 Brunel Sylvie, La Faim dans le monde. Comprendre pour agir, Paris, PUF, p. 138-139.

26 Rapport cité par Ziegler Jean, Le Droit à l’alimentation, op. cit., p. 110. Cet auteur estime par ailleurs que le « meilleur moyen de protéger la sécurité alimentaire est la pratique de l’agriculture à petite échelle ». Il est également « favorable aux principes de la sécurité alimentaire au niveau local » : voir p. 121.

27 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Déclaration sur la crise alimentaire mondiale, E/C.12/2008/1, 20 mai 2008, §11.

28 Cité par Eide Asbjorn, Le Droit à une alimentation suffisante en tant que droit de l’homme, New York, Nations unies, 1989, p. 52.

29 Ibid.

30 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, A/63/278, 21 octobre 2008, §19.

31 Von Braun Joachim et al., « Hausse des prix alimentaires et actions stratégiques proposées : que faire, par qui et comment ? », in IFPRI, Politiques alimentaires en perspectives, mai 2008, p. 6, disponible sur : http://www.ifpri.org/french/PUBS/ib/FoodPricesPolicyActionfr.pdf. Consulté le 05 novembre 2008.

32 Ibid., p. 7.

33 « Developing countries that had liberalised their agricultural sectors too quickly or too far, reeled under the pressure of dumping of low-price, subsidised food exports from developed countries. This undermined production for domestic markets and for exports, and now has the consequence of having retarded farmers’ capacities to generate the supply response that the current crisis calls for. » Cf. CNUCED, Addressing the global food crisis : Key trade, investment and commodity policies in ensuring sustainable food security and alleviating poverty, UNCTAD/OSG/2008/1,30 may 2008, p. 8.

34 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 12 sur le droit à une nourriture suffisante, précité, v. note 13, §36.

35 Doc NU, Rapport du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, A/HRC/7/5, 10 janvier 2008, §23.

36 Selon Ban Ki Moon, il « est temps que les pays les plus riches revoient leurs programmes obsolètes de subventions agricoles. Les économistes s’accordent à dire que ces programmes entravent les échanges commerciaux et pénalisent les pays les plus pauvres de façon disproportionnée, contribuant à la crise actuelle. Si nous ne pouvons nous débarrasser aujourd’hui de ces vestiges d’un autre temps, alors même que les prix sont élevés, quand le pourrons-nous ? » Voir l’allocution prononcée par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon, à l’occasion de la douzième session de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), à Accra, au Ghana, le 20 avril 2008, disponible sur : http://www.un.org/News/fr-press/docs/2008/SGSM11522.doc.htm. Consulté le 05 novembre 2008.

37 Selon le PNUD, les subventions agricoles des pays industrialisés renforcent la pauvreté rurale des pays démunis, voir PNUD, Rapport sur le développement humain, 2005, p. 139. Dans le même rapport, l’organisation préconise une « interdiction immédiate et définitive d’imposer toute subvention d’exportation directe, à mettre à exécution d’ici 2007 », p. 158.

38 L’Union africaine exprime sa « solidarité totale aux États membres touchés par les subventions sur le coton accordées par les pays développés » et appuie « fermement les actions initiées par certains d’entre eux auprès de l’OMC afin de faire face aux conséquences négatives de ces subventions qui touchent des millions de fermiers africains ». Voir Doc Union Africaine, Assembly/AU/Decl. 4 (II), Maputo, Mozambique, 10-12 juillet 2003, §4.

39 Communiqué de presse Oxfam international, « Les États-Unis doivent réformer leurs programmes de subventions agricoles »,31 août 2006, Disponible sur : http://www.oxfam.org/fr/news/2006/pr060901_wto_cotton_subsidies. Consulté le5 novembre 2008. Voir aussi Godfrey Claire, « Stop the dumping. How EU agricultural subsidies are damaging livelihoods in the developing world », in Oxfam briefing Paper, octobre 2002.

40 Smaller Carine, « Les politiques de production et d’exportation du coton des USA et de l’UE et leur impact sur les pays de l’Afrique de l’ouest et du centre. Prend en compte les obligations internationales relatives aux droits humains », publié par3D et EGI, mai 2004.

41 Ziegler Jean, Le Droit à l’alimentation, op. cit., p. 120-121.

42 Ibid., p. 113.

43 Bolopion Philippe (Propos recueillis par), « M. De Schutter prédit “la fin de la nourriture à bas prix” », in Le Monde,5 mai 2008, p. 4.

44 Parmentier Bruno, Nourrir l’humanité..., op. cit., p. 247.

45 Roudard Laurence, « Les politiques agricoles et alimentaires au risque des négociations internationales », in La Fracture agricole et alimentaire mondiale. Nourrir l’humanité aujourd’hui et demain, Mazoyer Marcel et Roudard Laurence (dir.), Paris, Universalis, 2005, p. 54.

46 Parmentier Bruno, Nourrir l’humanité..., op. cit., p. 248.

47 Butault Jean-Pierre, Guyomard Hervé, « Conclusion : les politiques agricoles de soutien ont-elles encore un avenir ? » in Les Soutiens à l’agriculture, Butault Jean-Pierre (dir.), Paris, INRA, 2004, p. 284.

48 Bureau Jean-Christophe, Gozlan Estelle et Jean Sébastien, « La libéralisation du commerce agricole et les pays en développement », in Rainellli Pierre, Les Politiques agricoles sont-elles condamnées par la mondialisation ?, Louvain-la-Neuve, Academia/Bruylant, 2005, p. 249. Mais les trois auteurs admettent qu’« il est indéniable qu’elles [les subventions] constituent une concurrence déloyale pour d’autres fournisseurs potentiels ».

49 Sajo Andras, « Socioeconomic rights and the international economic order », in New York Journal of International law and politics, 2002, p. 239. Mais son point de vue pose problème car la crise alimentaire que connaissent plusieurs pays pauvres actuellement à cause notamment de la hausse des prix des produits alimentaires touche autant les paysans que le reste de la population pauvre de ces pays. Cf. note31.

50 Ralf Peters, Roadblock to reform : the persistence of agricultural export subsidies, United Nations, New York-Genève, CNUCED, Policy issues in international trade and commodities, study series no 32, 2006, p. 33.

51 Les Directives sur le droit à l’alimentation. Documents d’information et étude de cas, FAO, Rome, 2006, p. 61, §19. Mais ces directives mentionnent tout de même que la volonté des pays en développement de faire réduire ces subventions « semble indiquer que le processus de réforme leur paraît profitable à terme » (ibid.).

52 Ibid., p. 145, §13.

53 Pasquier Caroline, « Sécurité alimentaire et liberté du commerce international », in La Sécurité alimentaire, Mahiou Ahmed et Snyder Francis (dir.), Boston, Martinus Nijhoff, 2006, p. 673.

54 Ralf Peters, Roadblock to reform..., op. cit., p. 33.

Auteur

ATER à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, Credof

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