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Présentation
p. 15-17
Texte intégral
1Au moment où se tenaient les Journées d’études dont le présent ouvrage est issu, la crise boursière d’octobre-novembre 2008 avait atteint son paroxysme. Il est alors difficile, même si la simultanéité des deux événements n’était pas préméditée, de ne pas relever l’actualité de la question traitée : l’articulation des droits de l’homme et des libertés économiques en tant qu’expression juridique de conflits de valeurs ou d’ordres de grandeurs1 plus généraux.
2L’initiative de mener une réflexion sur les relations qu’entretiennent, dans le droit positif, les libertés économiques et les droits de l’homme est née au sein du Centre de recherche et d’étude sur les droits fondamentaux (Credof) de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense en 2006. Trois raisons y ont principalement conduit : tout d’abord, l’affichage d’une attention croissante aux droits de l’homme ou à des préoccupations éthiques au sein d’organisations mues avant tout, habituellement, par le libre échange ou le développement de leurs activités économique (l’Union européenne, l’Organisation mondiale du commerce, les grandes entreprises) ; ensuite, le caractère ponctuel, diffus et très spécialisé des travaux des juristes sur le sujet ; enfin, la conviction que, comme l’avait affirmé Norberto Bobbio il y a plus de cinquante ans2, les conséquences de l’activité économique sont, avec les effets des innovations technologiques, l’un des principaux défis contemporains que doit affronter l’effectivité des droits de l’homme. Ces conséquences invitent à penser la garantie des droits de l’homme non plus seulement vis-à-vis des pouvoirs publics, comme on y est traditionnellement habitué, mais vis-à-vis de personnes privées, qu’elles soient des individus ou des personnes morales.
3 Il s’est donc agi pour le Credof de cerner, d’observer et d’analyser les différentes manifestations, dans les discours juridiques, de l’articulation des droits de l’homme et de libertés qui justifient le développement d’activités marchandes. Les Journées d’études qui se sont tenues à Nanterre les 6 et 7 novembre 2008 sur le thème « Droits de l’homme et libertés économiques » sont venues clore un cycle de près de deux années de conférences portant sur cette thématique : la notion d’économie de l’antiquité grecque à l’âge moderne (Jean-Pierre Baud), le « carnaval » de Turgot (Emmanuel Dockès), l’analyse économique des droits de l’homme (Christophe Le Berre), l’OMC et les droits de l’homme (Monique Chemillier-Gendreau), le droit des salariés face à la concurrence tel qu’il ressort de la confrontation du droit italien et du droit de l’Union européenne (Maria-Vittoria Ballestrero), les libertés économiques et la protection de l’environnement (Daniel Borrillo), l’éducation et l’OMC (Sophie Grosbon).
4Ces Journées s’inscrivaient par ailleurs dans le cadre du programme de la Chaire Unesco « Droits de l’homme et violence : gouvernement et gouvernance », dirigée par André-Jean Arnaud, que le Credof a rejoint en 2007. L’objectif scientifique de la Chaire est de promouvoir et de développer la recherche, la circulation de l’information et la formation dans le domaine des droits de l’homme. Elle vise également à proposer des améliorations des politiques publiques dans ce même domaine, en particulier sur les problèmes spécifiques rencontrés dans les États des universités partenaires. Dans cette perspective, deux colloques associant sociologues, économistes, anthropologues et juristes ont été organisés en 2006 et 2007 dans le cadre de la Chaire, à l’université Externado de Bogotà.
5Les Journées d’études de novembre 2008 organisées par l’université de Paris Ouest constituaient donc le troisième grand rendez-vous scientifique de la Chaire. Elles ont réuni des enseignants-chercheurs et des doctorants du Credof et du Centre de théorie et d’analyse du droit de l’université de Paris Ouest, le directeur de la Chaire, André-Jean Arnaud, ainsi que des représentants scientifiques des universités partenaires : l’université Externado de Colombia (Bogotà), l’université la Pontificia Catolica de Rio de Janeiro, l’université de Vale do Rio dos Sinos-Unisinos à São Leopoldo de Porto-Alegre, l’université Carlos III de Madrid et l’université de Camerino.
6L’ouvrage qui en est résulté, venant après Mutations de l’État et protection des droits de l’homme (2006), À la recherche de l’effectivité des droits de l’homme (2008), et Réflexions sur le pluralisme familial (2010) est donc le quatrième ouvrage publié par le Credof et édité par les Presses de Paris Ouest. Comme les précédents, il a la particularité d’associer des chercheurs confirmés, français ou étrangers, de jeunes docteurs et des doctorants.
7 L’originalité de l’ouvrage tient à ce qu’il analyse les relations entre les droits de l’homme et les libertés économiques à la fois sous un angle conceptuel et de façon concrète. Elle réside également dans la dimension comparative.
8La première partie de l’ouvrage est principalement théorique : il s’agit de s’interroger sur les fondements – idéologiques et historiques notamment – de la liberté économique et sur la nature des relations qu’elle entretient, conceptuellement et fonctionnellement, avec les droits de l’homme.
9La deuxième partie montre, à partir d’études de cas – la santé publique au Brésil, les violences sociales engendrées par les inégalités sociales dans les favelas dans ce même pays, le sort des peuples indigènes en Colombie, le droit au développement – comment la prépondérance accordée aux libertés économiques peut entraver la réalisation des droits sociaux et culturels.
10La troisième partie examine l’impact de la libéralisation des échanges – notamment dans le cadre de l’Union européenne et sous l’égide de l’OMC, mais aussi dans le cadre des rapports Nord-Sud – sur les droits fondamentaux.
11La quatrième partie s’intéresse plus particulièrement au rôle des juges – juge administratif ou judiciaire, juge constitutionnel, juges européens… – dans les articulations complexes qui relient droits de l’homme et libertés économiques.
12Dans sa conclusion en forme de synthèse, André-Jean Arnaud met en exergue les constantes qu’il repère à travers ces contributions très diverses : constantes conceptuelles renvoyant à des valeurs, comme la dignité ou la solidarité, préoccupations transversales tels que le rôle du juge ou l’importance de la politique et de l’idéologie, nécessairement sous-jacentes lorsqu’on aborde de telles questions.
Notes de bas de page
1 Au sens où l’entendent Luc Boltanski et Laurent Thévenot (De la justification. Les économies de la grandeurs », Paris, Gallimard, 1991).
2 Bobbio Norbert, « Per la difesa delle libertà democratiche nelle fabbriche », in Risorgimento, janvier 1958, n° 1, p. 19.
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Libertés économiques et droits de l’homme
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