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Giuliano Sergio

Les années soixante-dix : photographie, un art sans marché

Mimmo Jodice : une dialectique entre art et photographie

Texte intégral

  • 1 Mimmo Jodice naît à Naples en 1934. Le photographe napolitain commence son activité en 1964-1965. À (...)
  • 2 Jodice collabore aussi à l’ouvrage d’Alessandro Petriccione, Mezzogiorno. Questione aperta, Bari, L (...)

1En ces années-là, cette sensibilité sociale et anthropologique, qui fut un élément central des premiers travaux de Cresci, est partagée par Mimmo Jodice1. Son engagement se manifeste dans une série de travaux qui contribuent au renouveau de la représentation de la réalité sociale en délaissant le langage néoréaliste de la génération précédente. Pour Jodice, la photographie permettait de contribuer à un engagement collectif, avec la collaboration d’historiens, d’architectes et d’économistes, pour dénoncer la situation de crise politique et économique à Naples et dans le sud de l’Italie. Dans la première moitié des années soixante-dix, Jodice collabore à plusieurs ouvrages. Avec Napoli una Vicenda (1974), il signe un essai photographique dont la vision sociale est neuve, riche d’une vitalité critique qui accompagne des études sur la transformation urbanistique de la ville et sa gestion. Un détail du monument à Garibaldi ouvre la série : le condottiere vainqueur salue la population comme un libérateur. La séquence d’images qui suit montre une analyse des carences infrastructurelles de Naples sans pour autant appuyer la dénonciation ni se limiter à une vision aseptisée des structures urbaines. La dégradation du paysage, l’absence d’espace ludique, les problèmes de circulation routière sont montrés, accompagnés d’une vision non stéréotypée des habitants2, à travers une sélection en contrepoint qui équilibre les sujets et les genres du panorama, de la photographie de rue et du reportage social. La dernière image revient au monument de Garibaldi montré dans le contexte des nouveaux bâtiments des années soixante : le contraste entre l’icône nationale et les bâtiments populaires de vingt étages donne la mesure de la distance entre le mythe du nouvel ordre unitaire et la réalité de la gestion urbaine qui a suivi.

2En dehors de sa collaboration avec les urbanistes, Jodice fait partie des photographes qui contribuent à la documentation ethnographique des traditions populaires du sud. Ferdinando Scianna, Luciano D’Alessandro, Enzo Sellerio, Giuseppe Leone, Marialba Russo, Lello Mazzacane, parmi d’autres, ont suivi l’exemple de Franco Pinna, célèbre photographe qui, dans les années cinquante, accompagnait l’anthropologue Ernesto De Martino dans ses voyages en Italie méridionale.

  • 3 La connaissance de la FSA en Italie date du début des années quarante. En 1941, l’écrivain sicilien (...)
  • 4 De Simone Roberto, Jodice Mimmo, Chi è devoto : feste popolari in Campania, Naples, Edizioni Scient (...)
  • 5 Voir Valtorta Roberta, « Una storia di lontananza e di appartenenza », op. cit.
  • 6 Les images avaient été montrées dans des articles comme Pomilio Mario, « Dedicato alla Madonna dell (...)
  • 7 La référence concerne Atget, découvert par Man Ray, et son influence sur la photographie américaine (...)
  • 8 La notion de « photo-conceptualisme » ou de photographie conceptuelle est une catégorie qui n’a jam (...)

3Si la plupart de ces recherches reprenaient l’esthétique néoréaliste ou la photographie sociale américaine de la Farm Security Administration3, Jodice, dans son travail pour Chi è devoto : feste popolari in Campania4, construit des mises en page qui dynamisent l’action dans la réitération de l’image avec des effets de télescopage et de répétitions rythmées traduisant les moments de tension des processions religieuses [ill. 171, ci-dessous]. Dans ce même livre, Jodice montre toute son habilité à construire un dialogue entre le sujet et l’environnement, en faisant surgir les éléments du paysage dans un espace photographique autonome qui dépasse l’enregistrement de l’événement pour atteindre une profondeur spatiale et temporelle qui donne corps à la narration5. Le livre, accompagné par un disque 33 tours de chants populaires – enregistrés par le musicologue Roberto De Simone, qui écrit aussi les textes – devient un objet multimédia et documente ces manifestations populaires en évitant le pathétique pour proposer le dramatique6. Les références de Jodice sont multiples : à la tradition du reportage et de la photographie ethnographique s’ajoute la passion du photographe pour des maîtres comme Bill Brandt et André Kertész, passion qui se révèle dans le recours à des tirages contrastés et dans la composition d’un espace inquiet, ce même espace qui se retrouve chez des photographes comme Robert Frank et Garry Winogrand, suivant un parcours qui va du surréalisme au documentaire7 ; mais Jodice, à cette époque, connaît aussi très bien les pratiques photo-conceptuelles8 des néo-avant-gardes, aspect qui influence la conception même de son travail de photographe.

  • 9 « La mia crescita coincideva in quel momento con un clima di rinnovamento e di contestazione che in (...)

À ce moment-là [1968], ma formation coïncidait avec un climat de renouvellement et de contestation qui envahissait […] les milieux que je fréquentais, en particulier ceux dont j’étais le plus proche, les arts figuratifs et le théâtre […]. C’est dans ce climat qu’ont mûri mes premières affirmations et mes premiers résultats professionnels9.

171. Mimmo Jodice, Fidèle, Madonna dell’Arco, in Chi è devoto : feste popolari in Campania, Naples, 1974.

171. Mimmo Jodice, Fidèle, Madonna dell’Arco, in Chi è devoto : feste popolari in Campania, Naples, 1974.

4 Au début des années soixante-dix, cette richesse de références conduit le photographe napolitain à développer deux discours parallèles à l’intérieur de sa recherche. Marina Miraglia souligne cet aspect en présentant le photographe :

  • 10 « Il suo duplice contributo alla fotografia come sociale e come linguaggio. Sull’uno e sull’altro fr (...)

[…] pour sa double contribution à la photographie, photographie comme reportage social et photographie comme langage. La créativité joue un rôle de premier plan sur l’un et l’autre fronts, qui sont les pôles entre lesquels se positionne la recherche photographique aujourd’hui : d’une part le document devient témoignage ; de l’autre, l’autoréflexion de la photographie sur elle-même, loin de toute description didactique, dévoile clairement la prétention à l’objectivité reproductive du médium, en se composant dans des images essentielles et esthétiquement accomplies10.

  • 11 Il faut aussi rappeler les autres lieux de l’avant-garde à Naples comme Lia Rumma, Giuseppe Morra, (...)
  • 12 Voir Jodice Mimmo, Avanguardie a Napoli, dalla contestazione al riflusso, Milan, Federico Motta Edit (...)

5En 1968, après une brève période où il avait été influencé par le climat informel, Jodice commence sa collaboration avec Lucio Amelio, un des galeristes les plus novateurs de Naples11. Ce travail, qui dure jusqu’en 1985, lui permet de rentrer en contact avec des artistes comme Joseph Kosuth, Hermann Nitsch, Joseph Beuys, Vito Acconci, Gina Pane et la plupart des protagonistes de l’arte povera12. Comme dans le cas d’autres photographes de sa génération, son rôle de créateur de documents pour les artistes le confronte à leur conception et à leur utilisation de médium photographique. Des images de Jodice ont été utilisées plusieurs fois par les artistes qui en faisaient leurs œuvres, comme le portrait de Joseph Beuys, signé par Andy Warhol ou l’image de l’action Il viaggio que Jannis Kounellis utilisera pour réaliser une série de lithographies vendues comme étant ses œuvres.

6Ces stratégies de détournement de l’image photographique conduisent Jodice à mener une recherche qui analyse la fonction et la valeur de l’image, sa nature de médium et d’œuvre d’art. Aux chimigrammes, aux solarisations, aux décompositions des nus et des portraits, se substituent dès 1970 des images qui impliquent des réflexions sur la nature du médium et sur sa fonction. La série, le support papier avec sa matérialité, la photographie de photographie sont les éléments utilisés par Jodice pour révéler la nature artificielle et codifiée du médium, et revendiquer sa dimension d’œuvre. Jodice accomplira avec ces recherches un parcours qui, sur certains aspects, est proche de celui d’Ugo Mulas : une « vérification » de son travail professionnel à travers la photographie.

Jodice et Cresci : la fonction de lexpérimentation photographique

7Au milieu des années soixante-dix, quand Mimmo Jodice rencontre Mario Cresci, les deux photographes partagent le même intérêt pour l’urbanisme et l’ethnographie, et connaissent tous deux le milieu de l’avant-garde, mais ils ont une approche différente de l’expérimentation photographique et du recours aux nouvelles stratégies conceptuelles. Cresci s’approprie l’iconographie des avant-gardes – avec ses détournements et ses mises en abîme – pour rechercher de nouvelles modalités d’analyse de ses sujets [ill. 172, page ci-contre] ; son travail conserve un esprit d’expérimentation du langage de l’image, héritage de la culture des avant-gardes historiques.

  • 13 Sur cet aspect, voir l’important essai de Filiberto Menna, « Tra occhio e sguardo », in Alario Gius (...)

8La recherche de Jodice se déroule, quant à elle, dans la perspective analytique d’une reconsidération de la photographie, de son histoire et de la définition de sa valeur13. En suivant la voie ouverte par les Verifiche de Mulas, les œuvres analytiques de Jodice ne visent pas une expérimentation de nouvelles solutions fonctionnelles à la description du réel, mais s’approprient le dispositif conceptuel pour le retourner contre « l’indifférence » à la photographie théorisée par les artistes et les critiques. C’est dans cette direction que les travaux de Jodice liés à l’urbanistique et au reportage sur les artistes trouvent une deuxième dimension conceptuelle.

  • 14 Petriccione Alessandro, Mezzogiorno. Questione aperta, op. cit. Le livre est une importante contrib (...)
  • 15 On pourrait dire la même chose de Contatto, un autre Strappo, pour la déchirure de la photographie (...)

9En 1966, Jodice reprenait certaines de ses images pour en réaliser des abstractions [ill. 173, pages suivantes] ; l’image était l’occasion d’une expérimentation visuelle réalisée en chambre noire, son sujet perdait de l’importance en étant transformé et rendu presque méconnaissable. Cette approche informelle changera à partir de 1970, quand l’utilisation des images pour ses Strappi (déchirures, 1970-1971 et 1977-1978) suivra une tout autre direction : ces mêmes photographies de paysage, utilisées dans ses livres d’urbanisme14, sont déchirées, recomposées et photographiées à nouveau [ill. 174-175, pages suivantes]. Dans cette opération, l’image ne change pas sa valeur documentaire : sa structure iconique n’est pas effacée par une manipulation ou une altération au laboratoire, mais la déchirure révèle sa projection sur un support papier, son caractère d’image interprétant le réel. Il n’est pas surprenant alors que Jodice travaille de la même façon, avec les documents-œuvres réalisés pour les artistes ; Il viaggio de Kounellis, publié, comme on l’a vu, dans l’article de Celant comme action de l’artiste [ill. 112, page 169 et ill. 176, pages suivantes], devient l’Orizzonte (1971) de Mimmo Jodice [ill. 177, pages suivantes]. L’opération souligne la force de l’image en la détruisant : la déchirure suit l’horizon et transforme la structure esthétique du document qui avait réussi à traduire l’action de l’artiste (traverser le golfe de Naples avec un bateau de pêche). Jodice, en déchirant la figure de Kounellis et le sillage du bateau, accomplit un geste quelque peu sacrilège15 qui révèle le rôle d’icône de son image et le libre arbitre de l’auteur de la photographie. Ces Strappi provoquent une prise de distance avec le sujet, sa représentation et l’utilisation qui en a été faite. Le geste nie le document pour nous ramener à la nature de la surface de l’image.

172. Mario Cresci, Sans titre, in Misurazioni, 1978.

172. Mario Cresci, Sans titre, in Misurazioni, 1978.

173. Mimmo Jodice, Paesaggio stroboscopico, 1966.

173. Mimmo Jodice, Paesaggio stroboscopico, 1966.
  • 16 L’exposition est introduite par le texte de Marina Miraglia, « Identificazione di Mimmo Jodice. Most (...)

10Le sens de ce travail s’éclaire encore plus si on le compare avec la série des Identificazioni, que le photographe réalise à partir du milieu des années soixante-dix. Dans ce travail, Jodice suit le parcours inverse par rapport aux Strappi : il ne revient pas sur son travail, sur les icônes qu’il a construites pour les artistes ou dans les quartiers populaires de Naples, mais il se penche sur les œuvres des grands photographes qui l’ont inspiré. L’opération de Jodice est de reproduire les images des maîtres comme Avedon, Evans, Kertész, Brandt ou Gibson et de les présenter avec ses images, dans l’exposition Identificazione à la Galleria Trisorio de Naples (1978)16. La reproductibilité technique de l’image, caractéristique qui a toujours dévalué la photographie par rapport à l’art, est détournée par Jodice. Au lieu d’être un instrument de massification des œuvres, la reproduction de Jodice rajoute une « aura » aux œuvres des maîtres, en permettant au photographe de construire son panthéon intime. Si avec les Strappi il y a un rejet du médium photographique comme simple reproduction ou résidu des actions, l’affirmation d’une valeur d’œuvre de la photographie trouve son couronnement dans la série des Identificazione, avec une volonté claire de Jodice de réaffirmer une tradition photographique à laquelle s’identifier.

174. Mimmo Jodice, Paesaggio interrotto, 1970.

174. Mimmo Jodice, Paesaggio interrotto, 1970.

175. Mimmo Jodice, Morano Calabro, 1967.

175. Mimmo Jodice, Morano Calabro, 1967.

176. Mimmo Jodice, Jannis Kounellis, Il viaggio, Pozzuoli, 1969.

176. Mimmo Jodice, Jannis Kounellis, Il viaggio, Pozzuoli, 1969.

177. Mimmo Jodice, Orizzonte, 1971.

177. Mimmo Jodice, Orizzonte, 1971.

11Il y a donc tout au long des années soixante-dix une recherche commune à une large partie des photographes qui, après Mulas, cherchent des axes pour structurer une nouvelle conscience linguistique et artistique de la photographie. Dans le cas de Jodice, cet aspect accompagne son travail de photographe engagé en montrant une direction double, partagée entre les images de reportage et sa production expérimentale :

  • 17 « È un’attrazione-repulsione che gioca quasi sempre nel mio lavoro : il dualismo tra realtà vera e (...)

Une attraction-répulsion joue presque toujours dans mon travail : le dualisme entre réalité vraie et réalité documentée. Les deux moments, le double plan qu’on retrouve dans plusieurs de mes images de reportage, on les retrouve aussi dans ce genre de photographie créative. Me fascine surtout la recherche de Magritte, l’alternance du sens et de la vision, l’espacement conceptuel qui nie toute valeur à une réalité unidimensionnelle. Évidemment, ce qui a joué aussi dans ces recherches est le mûrissement de tout ce que j’ai vécu avec l’avant-garde ici à Naples17.

12Cette référence à Magritte n’est pas seulement un renvoi à la « photographie analytique » telle qu’elle avait été théorisée en 1975 par Filiberto Menna. Chez Jodice, le surréalisme joue un rôle central aussi bien au niveau conceptuel qu’au niveau iconographique. Le pouvoir énigmatique de ses images [ill. 178, pages suivantes], leur valeur d’œuvre, en tant que nouvelle ouverture spatiale et temporelle de la réalité, dépasse l’illusion du pur document en autorisant une réflexion conceptuelle sur sa nature.

  • 18 À commencer par l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro en 1978.
  • 19 Voir Bonito Olivaachille, La Trans-avant-garde internationale, Milan, Politi, 1982.

13Après les séries des Identificazione, Sovrapposizione, et Strappi, conclues entre 1977 et 1978, Jodice recompose sa recherche en renonçant aux deux aspects de son travail mené jusque-là : le reportage social et la réflexion conceptuelle sur l’opération photographique. Les années quatre-vingt voient un changement du climat culturel et la fin de l’idéal de renouvellement de la société, dû aux manifestations les plus extrêmes du terrorisme18. C’est à ce moment-là, avec l’affirmation de la transavanguardia19, que s’éteint l’époque de la photographie analytique pour laisser la place à un retour à la peinture. Au début des années quatre-vingt, la dualité de la recherche de Jodice se recompose dans une nouvelle synthèse qui conduit à un paysage vide de présence humaine :

  • 20 « Questa militanza nel sociale si è esaurita un poco alla volta, dopo dieci anni è cambiato il pano (...)

Petit à petit cette militance dans le social s’est éteinte, après dix ans le panorama a changé […]. Avant, pendant cette sorte de catalogage du social, l’homme était l’élément central autour duquel se développait cette image inquiétante, cette image métaphysique. […] Progressivement cette réalité a changé, il semblait n’y avoir plus de sens à faire un travail si direct, si explicite, alors j’ai essayé de transformer cette sorte de dénonciation […] une inquiétude exprimée avec une vision intemporelle me semblait la plus juste20.

14Jodice sera l’un des adeptes du « paysage urbain », un objet privilégié de la photographie italienne contemporaine. Les photographes qui ont suivi de près cette vision artistique ont opposé les vérifications et les mesures aux analyses conceptuelles du médium et ont trouvé dans la photographie de paysage un moyen de pratiquer une photographie désormais enrichie par la conscience de la valeur conceptuelle et esthétique de l’image qui avait émergé dans les années soixante-dix.

178. Mimmo Jodice, 1974.

178. Mimmo Jodice, 1974.

Notes

1 Mimmo Jodice naît à Naples en 1934. Le photographe napolitain commence son activité en 1964-1965. À la fin des années soixante, il s’affirme progressivement en tant que photographe professionnel en développant parallèlement sa recherche personnelle. Jodice entre rapidement en contact avec le milieu intellectuel et artistique napolitain. Pour un essai biographique, voir Valtorta Roberta, « Una storia di lontananza e di appartenenza », in Mimmo Jodice. Retrospettiva 1965-2000, Castagnoli Pier Giovanni (dir.), cat. expo. (Galleria Civica d’Arte Moderna e Contemporanea di Torino, 19 mai-9 septembre 2001), Turin, 2001, p. 201-247.

2 Jodice collabore aussi à l’ouvrage d’Alessandro Petriccione, Mezzogiorno. Questione aperta, Bari, Laterza, 1975, un livre également coordonné par Cesare De Seta, spécialiste des études sur la situation socio-économique du sud de l’Italie. Dans les années quatre-vingt, De Seta et Jodice organisent ensemble des campagnes photographiques sur le paysage urbain, qui apporteront une contribution importante dans la promotion des recherches photographiques qui étaient en train de mûrir à ce moment-là.

3 La connaissance de la FSA en Italie date du début des années quarante. En 1941, l’écrivain sicilien Elio Vittorini publie Americana, une anthologie de la littérature étasunienne qui présente de nombreuses images tirées d’American Photographs de Walker Evans. Pour Antonio Arcari, spécialiste de la photographie italienne d’après-guerre, cette anthologie fut le premier exemple à intégrer textes et photographies dans l’édition italienne (voir Zannier Italo, Storia della fotografia italiana, Rome-Bari, Laterza, 1986, p. 298 ; concernant la diffusion en Italie du catalogue de Walker Evans, American Photographs, voir Taramelli Ennery, Viaggio nell’Italia del neorealismo, Turin, SEI, 1995, p. 65-69). En juin 1945, Vittorini fonde à Milan la revue Il Politecnico ; le périodique, politiquement engagé, est très attentif aux nouveaux modes de communication visuelle et à la recherche photographique proposée par la Farm Security Administration des États-Unis. La revue présente déjà en 1945 des racconti per immagini (contes en images) dans lesquels les photographies, mises en page par Albe Steiner (voir Foto-grafia : ricerca e progetto/Albe Steiner, Steiner Lica, Cresci Mario (dir.), Rome-Bari, Laterza, 1990), se libéraient de leur rôle d’illustration. Dans ces racconti per immagini apparaissent, entre autres, les images de Weegee et Werner Bischof. Parmi les photographes italiens présentés dans cette rubrique, il est important de rappeler Luigi Crocenzi, qui deviendra une figure centrale de la photographie italienne des années cinquante et qui commence alors une recherche sur la mise en page selon une dialectique visuelle évitant presque complètement l’utilisation des légendes. Luigi Crocenzi développe longuement sa recherche relative aux possibilités narratives de la photographie dans le cadre de la mise en page. En 1954, il fonde le CCF (Centro per la Cultura nella Fotografia) qui reçoit l’adhésion de plusieurs intellectuels italiens, entre autres Cesare Zavattini et Elio Vittorini. Le centre d’études s’impose à l’attention des revues spécialisées internationales et devient un référent pour plusieurs photographes italiens, de Giuseppe Cavalli à Paolo Monti en passant par les jeunes Mario Giacomelli, Ugo Mulas et Nino Migliori.

4 De Simone Roberto, Jodice Mimmo, Chi è devoto : feste popolari in Campania, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1974, réalisé avec l’ethnomusicologue Roberto De Simone, et introduit par Carlo Levi.

5 Voir Valtorta Roberta, « Una storia di lontananza e di appartenenza », op. cit.

6 Les images avaient été montrées dans des articles comme Pomilio Mario, « Dedicato alla Madonna dell’Arco », in Progresso fotografico, no 3, mars 1973. Au moment de la sortie du livre, des notes de lecture très favorables ont été publiées par Levi Carlo, « Tra Prometeo e Sant’Antonio », in Il giornale di Toronto, 24 janvier 1975, Causa Raffaello, « Chi è devoto », in La voce della Campania, no 7, 16 avril 1975 et Arcari Antonio « Mimmo Jodice. Chi è devoto » in Il diaframma - Fotografia italiana, no 296, août 1975.

7 La référence concerne Atget, découvert par Man Ray, et son influence sur la photographie américaine à travers l’œuvre de Berenice Abbott et de Walker Evans. Voir Lugon Olivier, Le Style documentaire. D’August Sander à Walker Evans : 1920-1945, Paris, Macula, 2001.

8 La notion de « photo-conceptualisme » ou de photographie conceptuelle est une catégorie qui n’a jamais existé en Italie dans les années soixante-dix, mais a été importée récemment en la récupérant du débat historique et critique de ces années (voir Altamira Adriano, La vera storia della fotografia concettuale, Milan, Area Imaging, 2007). À la place, comme on l’a vu, Filiberto Menna a théorisé en 1975 la notion de photographie analytique.

9 « La mia crescita coincideva in quel momento con un clima di rinnovamento e di contestazione che invadeva […] gli ambienti che frequentavo, in particolare quelli a me più vicini, le arti figurative e il teatro […] e in questo clima maturarono le mie prime affermazioni ed anche i primi risultati professionali. » Jodice Mimmo, « La Napoli di Mimmo Jodice », in Progresso fotografico, numéro monographique, no 1, janvier 1978, p. 66-67.

10 « Il suo duplice contributo alla fotografia come sociale e come linguaggio. Sull’uno e sull’altro fronte, che sono poi i poli fra cui si muove la fotografia oggi, la creatività fa da protagonista, il documento diventa testimonianza, l’autoriflessione della fotografia su sé stessa, lontana da ogni descrizionismo didascalico, minimizza chiaramente la pretesa oggettiva riproduttiva del mezzo, componendosi in immagini essenziali ed esteticamente compiute. » Miraglia Marina, « Mimmo Jodice », in Bolaffi arte, no 90, juillet 199, p. 31 (trad. de l’auteur).

11 Il faut aussi rappeler les autres lieux de l’avant-garde à Naples comme Lia Rumma, Giuseppe Morra, Pasquale Trisorio, galeries pour lesquelles Jodice a aussi travaillé.

12 Voir Jodice Mimmo, Avanguardie a Napoli, dalla contestazione al riflusso, Milan, Federico Motta Editore, 1996.

13 Sur cet aspect, voir l’important essai de Filiberto Menna, « Tra occhio e sguardo », in Alario Giuseppe, Menna Filiberto, Mimmo Jodice, Milan, Fabbri, « I grandi fotografi », 1983.

14 Petriccione Alessandro, Mezzogiorno. Questione aperta, op. cit. Le livre est une importante contribution interdisciplinaire qui analyse le Sud de l’Italie d’un point de vue social, architectonique, économique, urbanistique. L’ouvrage est illustré presque exclusivement par des images de Mimmo Jodice.

15 On pourrait dire la même chose de Contatto, un autre Strappo, pour la déchirure de la photographie d’une installation de Boltanski.

16 L’exposition est introduite par le texte de Marina Miraglia, « Identificazione di Mimmo Jodice. Mostra autobiografica di un fotografo » (Studio Trisorio, Naples, 1978).

17 « È un’attrazione-repulsione che gioca quasi sempre nel mio lavoro : il dualismo tra realtà vera e realtà documentata. I due momenti, i doppi piani che si trovano in molte mie fotografie di reportage, si ritrovano anche in questo genere di fotografia creativa. Mi affascina soprattutto la ricerca di Magritte, l’altalena del senso e della visione, lo spaziamento concettuale, che nega valore ad una realtà unidimensionale. Naturalmente in queste mie ricerche ha giocato anche la maturazione di tutto quanto ho vissuto con gli artisti d’avanguardia qui a Napoli » Jodice Mimmo, « Dichiarazione di Mimmo Jodice. » Progresso fotografico, no 5, mai 1980, p. 60, maintenant in Valtorta Roberta, « Una storia di lontananza e di appartenenza », op. cit., p. 211.

18 À commencer par l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro en 1978.

19 Voir Bonito Olivaachille, La Trans-avant-garde internationale, Milan, Politi, 1982.

20 « Questa militanza nel sociale si è esaurita un poco alla volta, dopo dieci anni è cambiato il panorama […] Prima in questa sorta di schedatura del sociale l’uomo era l’elemento centrale intorno al quale si sviluppava questa immagine inquietante, questa immagine metafisica […] Un po’ alla volta questa realtà è cambiata, sembrava non avesse più senso fare un lavoro così diretto, così esplicito, allora ho cercato di trasformare questa sorta di denuncia […]. » Mimmo Jodice in Quintavalle Arturo Carlo, Muri di carta : fotografia e paesaggio dopo le avanguardie, cat. expo. (XLV Biennale di Venezia, Padiglione Italia, 13 juin-10 octobre 1993), Milan, 1993, p. 161.

Table des illustrations

Titre 171. Mimmo Jodice, Fidèle, Madonna dell’Arco, in Chi è devoto : feste popolari in Campania, Naples, 1974.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-1.jpg
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Titre 172. Mario Cresci, Sans titre, in Misurazioni, 1978.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-2.jpg
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Titre 173. Mimmo Jodice, Paesaggio stroboscopico, 1966.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-3.jpg
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Titre 174. Mimmo Jodice, Paesaggio interrotto, 1970.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-4.jpg
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Titre 175. Mimmo Jodice, Morano Calabro, 1967.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-5.jpg
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Titre 176. Mimmo Jodice, Jannis Kounellis, Il viaggio, Pozzuoli, 1969.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
Titre 177. Mimmo Jodice, Orizzonte, 1971.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-7.jpg
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Titre 178. Mimmo Jodice, 1974.
URL http://books.openedition.org/pupo/docannexe/image/20735/img-8.jpg
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