Le 4^e mur et le volume alvéolaire 226 comme dispositifs spatiaux industrialisés pour l’habitat moderne

1En 1961, le développement du travail de Le Corbusier autour de la question de la fenêtre fait l’objet d’un livre intitulé De la fenêtre au pan de verre dans l’œuvre de Le Corbusier1. Il s’agit d’une étude de Jules Alazard et Jean-Pierre Hebert, conçue et rédigée avec l’accord de l’architecte. Cette publication propose un parcours qui relie les différentes réalisations de cet élément, en même temps inscrites comme une prolongation du passé. Issue d’une volonté pédagogique et avant tout, publicitaire, elle apporte un regard synthétique qui permet de comprendre le souci deww son créateur : la production en série d’un dispositif préfabriqué, modulaire et personnalisable sur demande à partir d’un catalogue complet d’éléments définis. Basé sur une expérience fondé sur une pratique, ce document répond à la nécessité de la construction d’une réflexion et d’un discours théorique. La proposition finale vise à mettre en jeu deux questions développées de façon indépendante par Le Corbusier : le 4^e mur, c’est-à-dire, le pan de verre aménagé, et le système constructif 226 x 226 x 226 cm, un système structurel léger à croissance illimitée. Pour ce qui touche le premier concept, la ligne de recherche plonge ses racines beaucoup plus avant, plus concrètement entre 1928 et 1935, les années de conception de la publication La Ville radieuse2. Ce dessin se trouve à la page 44 (fig. 1). La mise en page est bien énigmatique, car il n’y a aucune relation entre l’illustration et le texte. Le dessin est d’une grande précision, accompagné par le sous-titre « emploi du 4^e mur le pan de verre ». Il est très difficile de savoir à quel moment précis il a été produit, notamment par le fait qu’on ne peut qu’établir une fourchette en fonction des travaux préalables pour l’édition.

Fig. 1

2Il se peut qu’il soit basé sur une première expérience pratique lors de la conception de l’immeuble Wanner, conçu entre 1928 et 1930. Au cours d’une visite à la Colonie Weissenhöf, Edmond Wanner fera la connaissance de Le Corbusier. Troisième génération d’industriels, il veut transformer son entreprise familiale pour produire des bâtiments résidentiels entièrement standardisés (fig. 2). Le 18 juillet 1930, l’architecte travaille sur une solution de façade pour une chambre, décrite comme « utilisation du 4^e mur d’une chambre. Les fenêtres servent à éclairer. Des ventilateurs ou un autre système d’air en circuit intérieur, ventile ». Deux croquis dans la partie supérieure, ainsi que de concises explications nous permettent de comprendre le dispositif de contrôle d’éclairage de la pièce pendant le jour ou la nuit. La façade a été divisée en trois bandes parallèles, chacune avec une hauteur différente. Pour l’option de jour, il écrit : la plus haute, « verre clair, on voit le ciel ». Au milieu, deux éléments se juxtaposent, à droite un casier avec une petite bibliothèque, à gauche, nous lisons : « écran isolation : tôle + Celotex + contreplaqué cachant les deux écrans mobiles remplaçant les volets roulants ». Une table s’accroche à la façade en perpendiculaire. En bas, « verre armé + chauffage ». Pendant la nuit, l’écran supérieur se lève et l’inférieur s’abaisse. Le Corbusier remarque : « la chambre est entièrement close, une paroi de contreplaqué apparent à la place des fenêtres. Très joli. Plus besoin des rideaux ni de volets roulants. » Une coupe verticale à l’échelle 1/5 apporte les dimensions nécessaires. Voici alors un dispositif de façade capable d’intégrer et répondre à un ensemble de questions. D’abord, il propose plusieurs possibilités d’échange visuel avec l’extérieur : surfaces transparentes, translucides ou opaques. Elles sont réparties en bandes horizontales qui reprennent le concept de la fenêtre en longueur. Néanmoins, il joue ici avec plus de liberté, car la fente transparente n’est pas placée au milieu, comme c’est le cas de tous les projets précédents. L’indication « on voit le ciel » propose une autre relation avec la ville qui a disparu de notre perspective. Ensuite, le mobilier s’organise à côté de la fenêtre et par la suite, les activités et la vie sont convoquées autour de ce dispositif, qui devient un filtre, un diaphragme chargé. Il faut penser que c’est un élément répétitif, mais malgré les implications de ce dessin (fig. 3), nous ne retrouvons sa trace dans l’ensemble du bâtiment. Les tests de façade de l’immeuble n’offrent pas de pistes pour comprendre le rôle de ce module dans le fenêtrage, qui apporte une lecture très monotone suite à l’empilement mécanique et automatisé des modules du type Immeuble-Villa. En fait, Le Corbusier avait envisagé la possibilité d’utiliser les brevets pour la production à sec de ce projet. Après abandon, les recherches seront réutilisées dans l’immeuble Clarté à Genève. Il est fort possible que le dessin apparu dans la Ville Radieuse soit une réflexion a posteriori, profitant d’une absence de contraintes liées à une problématique programmatique spécifique.

3Conçu entre 1938 et 1939, le projet pour l’aménagement de la place de la mairie à Boulogne-sur-Seine fera l’objet d’une étude pour un ensemble de sept bâtiments tous réunis autour de la mairie de Tony Garnier. Dans le cadre de ce projet, il apporte deux nouveaux degrés de complexité et par la suite, une capacité plus grande de sensibilisation à la question de l’habitat. Sur le croquis FLC 1435 (fig. 4), nous trouvons une perspective avec une élévation générale superposée. Plusieurs éléments appartenant déjà à la solution de l’immeuble Wanner ont été incorporés : le casier à gauche, la table appuyée sur l’allège et les surfaces avec différents échelons de transparence (y compris des briques type Nevada comme celles qu’il a employées dans son appartement au 24, rue Nungesser et Coli). Néanmoins, deux nouvelles découvertes font avancer la recherche sur le 4^e mur. Il n’y a plus cette division horizontale : la partie pleine en bois prend toute la hauteur de la pièce, tout comme la surface remplie avec les briques Nevada, qui forment une « L », remettant ainsi en question l’idée de la fenêtre en longueur qui a disparu. Plus loin, si l’on voit le croquis FLC 1444 (fig. 5), même les planchers s’effacent dans la composition de l’ensemble. Des surfaces de briques de verre à contours libres vont se développer comme une sorte de peau modulée qui couvre tout le bâtiment comme un seul organisme, loin de l’empilement automatique que nous avions repéré dans l’immeuble Wanner. Le travail sur l’élévation FLC 1441 (fig. 6) montre à quel point la surface ne révèle plus l’échelle de chaque étage, mais beaucoup plus l’échelle de la figure humaine. Surtout, chaque propriétaire est libre de configurer son logement à son gré, la matérialisation sur l’ensemble étant capable de rendre lisible le caractère individuel de son appartement. Nous sommes ici en face d’une personnalisation sur la base d’une certaine standardisation encore à affiner.

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

4À partir de ces premières expériences, le texte Problèmes de l’ensoleillement. Le brise-soleil, publié en 1946 dans la revue Techniques et Architecture lui permet de formuler clairement une théorie sur les problèmes de l’ensoleillement et le rôle de la loggia comme une véritable extension de l’habitat. Ce texte sera repris dans le volume IV de l’Œuvre Complète. Avec ce concept du 4^e mur, il explique qu’« une conquête d’architecture sera faite : l’exploitation du quatrième mur de la chambre. […] L’habitant pourrait équiper de manière intéressante la grande surface de son pan de verre, le divisant en panneaux fixes, translucides ou transparents, de verre, de glace, avec parties de vitraux ou de briques de verre. Il pourra aussi faire glisser des écrans de bois coulissant les uns sur les autres et capables de diaphragmer à 30, 60, 100 % les surfaces de verre3 ». Il reprend alors la mobilité des dispositifs d’obscurcissement déjà énoncés dans l’immeuble Wanner mais non visibles dans la mairie qui, à volonté, permettent de contrôler la lumière naturelle. L’introduction de la loggia, apporte trois nouvelles variables. La première c’est le rapport entre la profondeur de la position du 4^e mur et la hauteur de cette pièce extérieure afin de protéger le pan de verre du soleil et de la pluie. La deuxième c’est la possibilité de nettoyer et entretenir (et modifier dans l’avenir) les éléments constituants. La troisième, la restitution d’un ordre et d’une hiérarchie qui sauvegarde l’image urbaine, car la loggia apporte une nouvelle façade qui joue la fonction d’écran entre les différentes configurations individualisées de chaque mur et la ville. Pour finir, la phrase suivante est catégorique en termes de rôle qu’il accorde à ce dispositif : « Le quatrième mur entre désormais dans la composition de l’intérieur de l’habitation. »

Fig. 5

Fig. 6

5C’est l’expérimentation en première personne qui lui permet de développer cette notion. En 1948, les façades de son appartement au 24, rue Nungesser et Coli feront l’objet des travaux d’après l’état de corrosion générale des menuiseries. C’est l’occasion pour tester une solution plus complexe et surtout, capable de formaliser de façon définitive un dispositif appelé à structurer l’habitat comme s’il s’agissait d’un aimant autour duquel les activités vont trouver leur place (fig. 7). Une image est assez parlante pour relever les nouvelles questions qui vont faire partie de cette expérience. Un souci technique apportera un autre matériel, loin des premières propositions basées sur l’acier et fortement débitrices aussi de la technique dominante. À la suite d’un accès très restreint au métal, le bois vient prendre sa place. C’est un changement non négligeable, car pour garantir la stabilité de l’œuvre, il faut utiliser des sections plus grandes, ce qui apporte une profondeur extra. Ainsi, le 4^e mur organise l’espace de son appartement de trois façons différentes. D’abord, des éléments « ajoutés », telles que la niche et une étagère, vont s’intégrer de façon automatique débordant l’épaisseur de la menuiserie. Dans ces « poches » associées aux lisses, quelques petits objets pourront se stocker. Ces objets font partie de notre vie domestique et par la suite, ils sont capables de charger les espaces de mémoire et de signification dans la construction d’un véritable foyer. Deuxièmement, des éléments qui sous la présence du 4^e mur viennent s’accrocher comme à l’intérieur de son champ magnétique. C’est le cas de la table mais aussi du fauteuil qui, placés à côté des livres, composent un espace de lecture intime. Troisièmement, la façade est au cœur d’un réseau de rapports visuels établis entre toutes les pièces du mobilier qui ne tient pas compte seulement des espaces intérieurs, mais aussi celui de la terrasse. Par exemple, il y une translation des hauteurs et dimensions, du fait que le rayon intermédiaire du pan de verre prend sa hauteur d’après les côtes du banc/garde-corps de la terrasse et de la table à l’intérieur.

6La composition à partir d’éléments modulés qui avait été légèrement traitée lors du projet pour l’immeuble de la mairie, viendra prendre ici une grande signification car trois ans avant, le brevet du système de mesures du Modulor a été déposé. L’usine Duval à Saint-Dié propose dans son Œuvre complète le premier aboutissement intégral de son application. Son appartement à 24NC, conçu entre 1931 et 1934, ne répondait pas aux mesures type Modulor. Néanmoins, Le Corbusier créera un système recalculé (nommé « le Modulor spécial ») en fonction des dimensions existantes qui ne suivent pas le canon établi. C’est crucial, car il faut comprendre ce que l’intégration de ces deux systèmes, l’un spatial, l’autre dimensionnel, apporte au quatrième mur par rapport aux expériences précédentes. En effet, la concordance de mesures entre tous les éléments multiplie les possibilités d’échanges entre eux. Si avant, nous parlions des constituants chacun avec sa propre identité dimensionnelle, maintenant ils vont tous partager la même. Désormais, « l’harmonie règne dans toute la pièce4 ». Dans le cas de son appartement, malgré cette dissonance avec le système « pur », la solution construite fait l’objet d’un texte dans Le Modulor 1, publié en 1951, accompagné par toute une série de différentes configurations qui démontrent la flexibilité et la capacité de réponse face à une construction industrialisée très présente dans le processus de conception, grâce aux Unités de Grande Conforme.

Fig. 7

7Deux ans plus tard, voici la naissance d’un autre brevet capital pour comprendre la suite dans ce parcours autour du 4^e mur : le système constructif 226 x 226 x 226, déposé le 15 décembre 1950. Les ensembles de Roc et Rob, à Cap Martin, apporteront un terrain d’expérimentation pour tester les possibilités spatiales (fig. 8). Les bases ont été énoncées dans le croquis ci-joint, où le volume habitable alvéolaire est composé par deux éléments. D’abord, une ossature résistante conformée par l’assemblage des profils en tôle d’aluminium pliée de dimensions identiques. Ensuite, nous allons intégrer un remplissage modulé des éléments de façade, cloisons et panneaux raidisseurs, mais aussi des équipements tels que cuisines, placards, bibliothèques, portes pivotantes ou escaliers. Une annotation rappelle la possibilité d’incorporer « des panneaux de fenêtres système Wanner », en fait, un système de façade légère en aluminium fabriquée par l’industriel qui fait partie de la première proposition ici évoquée. Tel que nous le voyons sur le document FLC 18961 (fig. 9), un volume « 226 x 226 » étalon Modulor sert à la base d’une étude d’un assemblage standard pour la juxtaposition d’éléments différents « bois et fer », soumis à la même logique du 4^e mur. L’Œuvre complète 1946-1952 sera l’opportunité pour publier les résultats de cette recherche sur le projet, tout aussi comme le brevet 226 x 226 x 226, sous la forme d’un schéma indiquant le principe.

8Suite à l’abandon du projet, c’est précisément une de ses Unités d’habitation qui apportera l’aboutissement de cette fusion. Nantes permet à Le Corbusier d’avancer dans les possibilités et la définition d’un puissant outil de conception et de construction industrialisée. La description du projet est claire sur les différences avec la précédente : « On a précieusement conservé de Marseille les dimensions, la forme et le proportionnement de la loggia type qui fait le succès de l’Unité Michelet. Mais le pan de verre a été fortement amélioré, il devient le 4^e mur de la pièce5. » Par rapport aux expériences précédentes, nous avons ici une réalisation déjà sous les dimensions du Modulor, mais surtout, un projet construit où façade, structure et alvéole coïncident en dimensions. Jusqu’ici, il y avait toujours un décalage, une sorte de « glissement » qui s’opérait entre ces trois questions, la façade étant toujours une enveloppe complètement libre par rapport à l’intérieur, la structure n’ayant aucun rôle dans la définition des cloisons. Ici, la figure de Charles Barberis6 est cruciale pour comprendre la réussite de cette logique. Menuisier basé Ajaccio, il a travaillé pour Le Corbusier dans le projet de Marseille, au 24 rue Nungesser et Coli et pour le Cabanon. Dans cette Unité, toutes les façades des appartements sont construites sur la combinaison de quatre modules types de standards différents (fig. 10).

Fig. 8

Fig. 9

Fig. 10

9À partir de la juxtaposition de deux éléments y compris sa version symétrique, cinq pans de verre ont été dessinés. Afin de contrôler parfaitement sa capacité technique, tous ont été testés en avance sur un échantillon vrai nature à Ajaccio (fig. 11). La première, complètement symétrique selon l’axe central, correspond à la chambre des enfants, tandis que les autres correspondent à la salle commune du rez-de-chaussée et à l’étage de la chambre de parents. Dans cette dernière, nous retrouvons la capacité du 4^e mur de rassembler d’autres pièces de mobilier autour de soi, enfin d’organiser les personnes. Une petite bibliothèque, un casier et une table qui pourraient bien se déployer à volonté, composent un nouveau foyer déjà testé dans l’immeuble Wanner des années 1920.

Fig. 11

Fig. 12

10Une conversation entre Jules Alazard et Le Corbusier lors d’une visite du chantier sera le point de départ de la prochaine mise au point théorique. Elle sera présentée à la page 192 du Modulor 2. Selon l’architecte, le 18 mai 1954, c’est son sous-traitant qui lui dira « quelle évolution minutieuse, méticuleuse, continue de la fenêtre, depuis vos articles de l’Esprit Nouveau de 1920 jusqu’à aujourd’hui7 ». En bas, une élévation intérieure vient fixer le passage du pan de verre au 4^e mur, où « certains panneaux sont opaques, des bibliothèques s’y accrochent, des tables s’y appuient, il joue son rôle en éclairant, aux points stratégiques, les murs latéraux, le plafond et le sol ». Pendant notre recherche dans les archives de la Fondation Le Corbusier, nous apprenons que le dessin provient du Carnet Nivola I (fig. 12) fait pendant un de ses voyages en Inde et daté le 27 novembre 1951. Si nous faisons la transcription complète : « Hier chez le maire d’Ahmedabad est apparue une vérité, une donnée architecturale nouvelle : le pan de verre = voleurs + difficulté obscurcir, etc. Alors : on fait des panneaux de bois plein, ouvrables de diverses manières et n’apportant de la lumière que lorsqu’ils sont ouverts, partiellement ou totalement. La ventilation est assurée par des fentes verticales sol-plafond anti-voleurs. De plus, un éclairage constant peut être fourni par des trous vitrés bien placés. La menuiserie ou charpenterie des panneaux devient alors une source d’inventions. Le principe c’est que les pluies (Ahmedabad ou partout ailleurs) n’atteignent pas les panneaux du bois.

1. Ventilation

2. Les panneaux inouvrables

3. Trous vitrés »

11En bas, au titre clair d’aboutissement, nous lisons « c’est d’un coup l’épanouissement du 4^e mur (qui remonte à 20 ans) ».

12Si nous revenons à la page 192 du Modulor, quelques lignes après, l’architecte continue la description de ce travail. Comme il avait déjà avancé dans le croquis original, une fois que la loggia est incorporée dans la composition en guise de brise-soleil, le bois reprend la place de l’acier. La nécessité de contrôler la flexion amène aux profils plus profonds. Le Corbusier explique qu’il s’agit « d’une nouvelle esthétique de la fenêtre. La fenêtre passe au rang du mobilier et elle peut être architecturée pour elle-même, dedans et dehors… (Les maisons Jaoul, à Neuilly, 1955) ».

13En effet, les maisons Jaoul confortent un maillon important dans cette chaîne évolutive. Trois murs de brique séparés, 226 cm et 366 cm, confortent chaque villa. Les fenêtres ont été dessinées en bois, ce qui d’ailleurs parle d’un attachement personnel à ce matériau. Si, en effet, dans le cas du 24 NC, il y avait un souci avec le prix et le manque d’acier, ici nous ne sommes plus dans la même situation. Tout comme annoncé dans le texte du Modulor 2, chaque fenêtre est conçue comme une vraie pièce de mobilier avec sa propre identité, toujours soumise à la rigueur du Modulor (fig. 13). Elles sont beaucoup plus profondes, cet espace pouvant être aménagé comme étagère ou comme placard. Cette dimension extra lui a permis d’incorporer des volets intégrés. Par la suite, en lieu des rideaux que nous avions trouvés à la chambre de parents de l’unité de Nantes ou des panneaux coulissants de l’immeuble Wanner de 1928, voici des panneaux que nous pouvons plier et déplier à volonté. Néanmoins, ça ne sera pas dans le but de contrôler la lumière qui entre dans la pièce, mais plutôt dans un souci du rapport visuelle d’intimité. En effet, les verres glacés des parties inférieures n’ont pas cette possibilité d’obturation, un point qui renforce cette réflexion (fig. 14). Finalement, et pour la première et dernière occasion, le 4^e mur fait le tour de 90° pour produire un coin, là où la ventilation viendra prendre sa place. La maison du Brésil, contemporaine de cette réflexion, fera l’objet d’une application conforme à ces critères, même si la matérialisation définitive ne retiendra qu’une partie. En effet, la perspective FLC 12811 montre un 4^e mur au fond d’une pièce qui mesure 226 x 226 et qui répond aux critères déjà énoncés.

Fig. 13

Fig. 14

Fig. 15

14Le 27 juillet 1957, Jules Alazard et Le Corbusier vont se retrouver à 24, rue Nungesser et Coli. C’est l’architecte qui sous la forme de quelques détails et annotations rédige une sorte de compte rendu (fig. 15). Le thème : « Le 4^e mur = Éléments types L-C à mettre en vente, l’unité Modulor est 226/2268. » Voici le début d’une idée pour fournir un produit standardisé et préfabriqué en usine capable de répondre à la plus vaste quantité de possibilités. Quatrième mur et système 226 x 226 vont s’intégrer ensemble. Trois solutions sont évoquées. D’abord, l’insertion dans un mur massif (que nous reconnaissons par l’allège et le jambage), ensuite l’incorporation à un système de façade poteaux-poutre avec une hauteur sous plafond de 3 m, y compris une allège d’environ 70 cm, et finalement, la conformation d’un écran de hauteur et longueur variable, où la façade et la structure de piliers sont complètement dissociés. Par la suite, une étude des panneaux types vient s’ajouter, toujours dans le cadre des expériences faites a priori. Comme nouveauté, Le Corbusier a envisagé de reprendre l’option déjà évoqué en 1928 avec l’immeuble Wanner, celle des écrans mobiles d’obscurcissement. Le brevet doit apporter une solution intégrée pour la protection du soleil, tout en absence d’une éventuelle loggia. L’extérieur semble la position la plus logique, car c’est plus efficace et il y a un meilleur rendement. Sur un caisson qui pourrait se placer à mi-hauteur ou dans la partie supérieure du module 226 x 226, plusieurs possibilités sont imaginées : soit les panneaux coulissants, soit des volets roulants, soit un store, soit des persiennes d’acajou.

15Toutes les recherches sur le 4^e mur et sur l’intégration avec le brevet 226 x 226 ont été basées sur un équilibre qui bascule entre la pratique de l’Atelier et les projets construits après lequel, une prise de position et une mise en valeur s’imposaient au moyen d’un énoncé théorique. Tester une première intuition, puis réfléchir pour construire un discours cohérent capable d’apporter un outil qui traverse l’ensemble de son œuvre. Au fur et à mesure que Le Corbusier est capable de vérifier sa validité et approfondir sa signification, il conçoit toute une série de manifestes qui, sous la forme de publications, vont conforter un discours en parallèle. Suite à une démarche pratique, une démarche théorique met en valeur sa découverte. Le livre que nous avons présenté tout au début de notre communication, De la fenêtre au pan de verre dans l’œuvre de Le Corbusier vient boucler cette démarche. Il y a trois idées fortes : se délivrer de tout esprit académique, mettre les techniques modernes au service d’une architecture vraiment humaine et rechercher l’harmonie avec le Modulor. Pour les principales étapes dans la recherche personnelle de l’architecte, la dernière, la dissociation des fonctions de la fenêtre, représente l’aboutissement. Le Corbusier remarque : apporter la lumière et la vue sur l’extérieur, aérer et filtrer, prolonger le logis, ventiler et nous ajoutons en guise de conclusion, la création d’un foyer, autour duquel la vie prend sa place.

16Images : toutes les images sont à la FLC sauf les 14 et 15 qui nous appartiennent.