L’appropriation comme relation sociale
p. 47-64
Texte intégral
1L’appropriation privative peut être considérée comme un mode de prédation du bien commun parce qu’elle subordonne une ressource à la volonté et à l’intérêt de son seul détenteur. D’un autre côté, l’idée d’attribuer un contrôle absolu aux personnes sur les biens comme méthode pour garantir leur liberté ainsi que la justice peut sembler séduisante y compris pour défendre des politiques publiques en faveur de la justice sociale. Les salariés, par exemple, peuvent se proposer d’être propriétaires associés de leur entreprise pour pouvoir en conserver le contrôle, contrôle pour eux corrélatif de leur liberté1. Il peut également sembler particulièrement efficace pour garantir aux personnes l’accès à un ensemble de biens premiers de leur allouer un revenu de base, salaire à vie, allocation ou revenu universel2. En ce sens, la distribution de la propriété privée, entendue comme contrôle individuel sur des ressources, est, en première analyse, une méthode attrayante pour une théorie de la justice.
2Mais une telle approche qui assimile contrôle individuel sur les ressources et liberté, ne parvient pas à tenir complètement ses promesses si elle implique que la promotion du contrôle individuel est, en tant que telle, facteur de justice et d’émancipation. Elle doit, en effet, faire appel à un principe de justice d’ordre supérieur apte à promouvoir des formes de régulation étatique, parfois extrêmement fortes, visant, par exemple, à faciliter une distribution plus égalitaire des contrôles. La distribution des contrôles individuels sur les ressources ne serait pas juste en elle-même, puisque son caractère équitable dépendrait de considérations portant, plus fondamentalement, sur l’équité des relations sociales impliquée par cette distribution. Nous montrerons donc au cours de cet article que considérer sérieusement la propriété comme une capacité individuelle de contrôle est compatible avec une théorie de la justice à condition de considérer que la propriété est une relation sociale avant d’être un contrôle individuel.
3Nous justifierons d’abord pourquoi, dans le sillage des théories de la démocratie de propriétaire notamment3, le contrôle que les agents acquièrent sur des ressources n’est pas problématique en soi mais ne le devient qu’à partir du moment où celui-ci n’est pas distribué d’une façon suffisamment égalitaire pour éviter la domination ou l’injustice. Aussi quand les contrôles sur les ressources sont distribués d’une manière suffisamment égalitaire, l’appropriation privative peut elle-même permettre de promouvoir des formes d’émancipation compatibles avec les exigences de la justice et du bien commun.
4Mais nous montrerons dans un second temps que faire primer le paradigme du contrôle individuel sur les ressources comme solution à privilégier dans le cadre d’une théorie de la justice est insuffisant. En effet, défendre une théorie de la justice oblige à subordonner le contrôle que le propriétaire est censé avoir sur son bien à des considérations normatives portant sur les relations sociales, restreignant ce contrôle et contredisant, par là même, le principe d’une propriété d’abord pensée comme contrôle.
5Aussi il nous semble plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété comme une relation sociale prioritairement au fait de la penser comme un contrôle individuel sur les ressources. On évite alors la contradiction qui consiste à poser un contrôle absolu de l’individu pour le nier ensuite afin d’assurer sa conformité aux exigences de l’équité. Considérer la propriété prioritairement comme une relation sociale permet à la fois de lever la contradiction résultant de la subordination de la propriété-contrôle à une théorie de la justice autant que de faciliter l’articulation des différentes formes d’appropriation avec le bien commun.
Le contrôle individuel sur les ressources comme garantie de la liberté et de la justice
6Il existe, concernant le droit de propriété, un grand nombre d’arguments normatifs pour le théoriser comme un contrôle individuel plutôt que comme un ensemble de relations sociales4. Certains de ces arguments puisent leur source dans l’histoire de l’idéologie propriétaire qui fait de ce droit un des fondements de la garantie de la liberté individuelle notamment contre les excès du pouvoir politique.
Argument libertarien
7L’assimilation du domaine sur une chose à la souveraineté sur celle-ci est ancienne : dans le droit romain, le dominus est souverain sur son domaine et ceci est constitutif de son statut de citoyen libre. De fait, le contrôle sur les choses peut apparaître comme un aspect essentiel de la défense de la liberté individuelle. Cette idée est proche de celle soutenue par Kant dans la Doctrine du droit :
Si je suis détenteur d’une chose (si je suis donc physiquement lié à elle), celui qui lui porte atteinte contre mon consentement (par exemple, celui qui m’arrache la pomme des mains) porte atteinte au mien intérieur (ma liberté) et l’amoindrit5.
8Corrélativement, la propriété est une réalité juridique qui permet à la volonté du sujet de se déployer sans subir d’interférence : la garantie absolue du contrôle sur un bien ouvre à la volonté individuelle un champ où elle pourra s’étendre librement sans subir de restrictions. L’idée que la protection de la propriété est essentielle à la garantie de la liberté individuelle comprise comme indépendance à l’égard d’autrui, a été défendue de façon particulièrement éloquente au xviiie siècle par les physiocrates pour qui l’étendue du droit de propriété est, par conséquent, la même que celle de la liberté :
La liberté sociale peut être définie comme une indépendance des volontés étrangères, qui nous permet de faire valoir, le plus qu’il nous est possible, nos droits de propriété, et d’en retirer toutes les jouissances qui peuvent en résulter sans préjudicier aux droits de propriété des autres hommes. Cette définition nous fait comprendre combien est simple l’ordre essentiel des sociétés. Nous ne sommes plus embarrassés pour déterminer la portion de liberté dont chaque homme doit jouir ; la mesure de cette portion est évidente ; elle nous est naturellement donnée par le droit de propriété : telle est l’étendue du droit de propriété, telle est aussi l’étendue de la liberté6.
9Dans ce cadre, le droit de propriété peut légitimement apparaître comme un moyen décisif de garantir à l’individu une sphère objective d’exercice de son autonomie. Hegel formule, d’une façon frappante et ramassée cette thèse : « l’existence que la personne donne à sa liberté est la propriété7. »
10Sous cet angle, toute régulation étatique de la distribution des ressources, qui limiterait le contrôle de l’individu sur ce qui lui appartient, apparaît difficile à soutenir8.
11Dans la version la plus étroite de cet argument, on peut être conduit aux positions libertariennes de droite qui acceptent, comme justes, de très fortes inégalités de distribution, des privations de ressources essentielles pour les plus démunis ou certaines relations de domination impliquées par la garantie du contrôle individuel sur les ressources9. Pour eux, l’intervention de l’État sur la propriété et, pire encore, le prélèvement autoritaire d’une partie des biens privés, ne saurait recevoir de justification et constitue une violence (assimilable à une sorte de travail forcé). Le principe de la propriété conçue comme contrôle strict permet d’interdire les interactions non souhaitées : exactement de la même manière qu’un propriétaire terrien contrôle son terrain et a le droit d’en exclure quiconque par des clôtures, y compris l’État.
12Cela a deux effets sur la conception de l’instance régulatrice : (a) une définition plus claire de ses prérogatives : faire respecter la propriété ; (b) une restriction de celles-ci : l’État doit limiter son action à la protection de la propriété ; (c) une exclusion de toute prérogative sociale : l’État n’a pas vocation à redistribuer les ressources détenues privativement par les individus. Dans ce cadre, le principe de redistribution devient hautement problématique et, en tant qu’atteinte à l’intégrité de la personne-même, constitue une violence.
Argument social
13Mais refuser le point de vue libertarien n’implique pas nécessairement de renoncer à la propriété entendue comme promotion du contrôle individuel sur les ressources en tant que principe d’une théorie de la justice. On pourrait approfondir l’argument précédent en l’infléchissant dans le sens d’une conception non formelle mais substantielle de la liberté pour produire un argument en faveur de politiques sociales fortes. C’est ce que propose le sociologue Robert Castel dans un entretien avec Claudine Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi, qui dit se situer dans le sillage de la pensée lockéenne.
14Pour lui, en effet, la liberté n’est pas une capacité innée et métaphysique de l’individu mais une réalité sociologiquement conditionnée. Dans ce cadre, la propriété ne protège pas la liberté mais apparaît, dans certains cas, comme une condition sociale de possibilité de son existence. Pour lui, « l’individu n’existe pas comme une substance et […] pour exister comme individu il faut avoir des supports, et donc s’interroger sur ce qu’il y a « derrière » l’individu pour lui permettre d’exister comme tel10 ». La propriété peut donc être, sociologiquement, un support de la personne. Ainsi « c’est par la propriété privée, en devenant propriétaire, que l’homme peut accéder à la propriété de soi11 ».
15Castel renverse donc la thèse des libertariens en l’infléchissant dans un certain sens car il ne borne pas la question de la liberté à celle de l’indépendance ou de l’absence d’interférence arbitraire. Mais il considère la liberté comme réalité substantielle sociologiquement conditionnée et, dans ce cadre, la propriété de certains biens apparaît comme un élément essentiel à sa réalisation. L’idée qu’une vie humaine n’est pas complète sans la propriété de certains biens nécessaires à son accomplissement fait signe vers les situations de détresses que rencontrent, par exemple, ceux qui n’ont pas de toit ou ceux qui n’ont pas la possibilité de se vêtir ou de se laver. Dès lors la propriété doit être promue comme « capacité de disposer de réserves qui peuvent être de type relationnel, culturel, économique, etc. et qui sont des assises sur lesquelles peut s’appuyer la possibilité de développer des stratégies individuelles12 ».
16De ce point de vue, la thèse de Castel qui voit dans le droit de propriété un support essentiel à la vie individuelle, à partir d’une lecture républicaine de Locke, est éloquente. Aussi ne s’agit-il pas, pour lui, en défendant la généralisation de la distribution de la propriété, de promouvoir des formes prédatrices d’appropriation privative et de libéralisation marchande. L’État doit, au contraire, lutter contre la dépossession qui frappe les plus démunis et intervenir pour allouer à tous la dose de propriété socialement nécessaire, par une socialisation de la propriété sous la forme des services publics notamment. Ainsi, si l’on admet que la propriété est essentielle à l’individu, c’est alors la propriété sociale (c’est-à-dire les droits créances rendus possible par la redistribution) qui a vocation à pallier aux inégalités de distribution. L’idée est donc bien de généraliser la propriété par des formes extrêmement actives de redistribution soit par l’extension de la propriété privée soit par l’extension de la propriété sociale : « La propriété sociale pourrait-on dire permet aux non-propriétaires d’accéder à la propriété de soi, d’avoir cette capacité d’être propriétaires de leur personne13 ».
17Cette approche sociale n’a pas vocation, comme dans la version libertarienne de droite d’un Nozick, à protéger absolument la propriété au point de récuser les formes de redistribution14. Au contraire, dans la version sociale du paradigme du contrôle que nous exposons, il faut que l’État intervienne activement dans la distribution des contrôles afin de s’assurer que l’inégalité de leur distribution ne soit source d’injustices.
18Pour illustrer cela, il est possible de mobiliser un exemple de G.A. Cohen. Il fait référence au cas d’un SDF qui plante une tente dans la propriété de quelqu’un15. L’importance de la liberté et de la sphère privée est particulièrement cruciale pour ce qui est du domicile. Ce cas est intéressant car on peut dire : (a) qu’il est normal que le propriétaire ait le droit d’exclure le SDF de son jardin pour protéger sa vie privée ; (b) que le droit de propriété du propriétaire empêche le SDF de bénéficier d’une zone protégée pour sa vie privée. Et donc que (c) la solution doit résider dans le fait qu’il n’est pas utile de retirer au propriétaire du jardin la liberté d’en exclure quiconque, mais de donner au SDF son propre jardin où il pourra jouir du même genre de liberté que celui dont le propriétaire du jardin dispose. La solution est donc dans la distribution plus équitable des contrôles. On constate que des portions de propriété effectives sont nécessaires à l’existence d’une sphère d’autonomie et de vie privée et qu’il faut que ces portions soient distribuées au moins minimalement à tous.
Argument conséquentialiste
19Il existe également un argument conséquentialiste inspiré du point de vue des économistes libertariens en faveur de la priorité donnée au paradigme du contrôle. En effet, l’allocation aux individus de capacités de contrôle absolu sur leurs biens est le moyen le plus efficace pour s’assurer que les échanges conduisent à l’expression et à la satisfaction de leurs préférences. En ce sens, l’appropriation privative n’est pas contraire au bien commun mais est le moyen le plus sûr pour qu’il puisse se former librement au travers des échanges spontanés entre individus. Ainsi s’il n’existait pas de droit de contrôle individuel, sur quel principe pourrait-on allouer les ressources ? Il faudrait qu’une institution centrale se substitue au libre choix que les agents font sur le marché. Mais cette institution centrale serait-elle en mesure d’anticiper les préférences des agents ou bien ses décisions ne seraient-elles pas immanquablement très souvent contraires aux préférences des agents ?
20De ce point de vue, l’appropriation privative n’apparaît pas comme contraire à l’expression du bien commun ou comme sa privatisation, mais au contraire comme une des conditions de son expression16. Ainsi, le droit de propriété privée en donnant aux agents un contrôle absolu sur leurs biens peut apparaître comme le meilleur moyen d’assurer une distribution efficace qui corresponde aux attentes des agents dans un univers social complexe se développant de façon spontanée et imprévisible (pour reprendre l’idée d’Hayek17). Inversement, empêcher les individus de jouir d’un contrôle absolu sur ce qui leur appartient et permettre à l’État d’orienter l’économie aurait pour principale conséquence d’empêcher les particuliers d’orienter leurs choix de production et de consommation comme ils l’entendent, c’est-à-dire conformément à leurs préférences réelles. Ainsi, la priorité donnée au contrôle individuel apparaît comme une condition nécessaire de la performance économique et de la capacité des marchés à satisfaire les besoins des agents. Si le libre marché peut ne pas satisfaire toutes les attentes de tous les agents, c’est le prix à payer pour que tous aient la même chance d’espérer parvenir à accomplir librement leurs choix18.
21Défendre une telle thèse n’implique pas d’assumer une position opposée à la régulation. En effet, il ne s’agit pas de nier les biais produits par le marché, dans le cadre d’une théorie de la justice. On peut, en effet, admettre contre Hayek et Nozick que les effets ou les conséquences intentionnelles ou inintentionnelles d’un système d’échange libre ou d’un ensemble de règles semblant initialement justes suffisent à les remettre en cause. Par exemple, qu’une industrie pharmaceutique utilise un brevet sur des médicaments d’intérêt vital pour abuser d’une position de monopole en vendant ceux-ci à un prix exorbitant, peut apparaître comme une conséquence injuste d’un mécanisme de protection de la propriété industrielle dont on peut pourtant accepter la justice intrinsèque19. Il en va de même pour ce qui concerne les richesses acquises et transmises par héritage y compris si elles ont été acquises sans déroger aux lois : soit parce qu’un patrimoine démesuré donne un pouvoir disproportionné à celui qui le détient, soit parce que la position des plus défavorisés est telle que la coopération sociale à laquelle ils participent leur semble inéquitable. Mais si l’on reconnaît l’existence d’injustices résultant du libre marché, il ne s’agit pas, pour autant de contester que l’attribution aux individus de droits de contrôle absolu sur leurs biens est le meilleur moyen pour leur permettre de décider par eux-mêmes ce qui est utile à leur existence. Dans ce cas, l’État ne saurait remettre en cause la garantie du contrôle individuel sur les biens et le libre marché qui en résulte, il ne peut intervenir que dans un second temps pour limiter les effets néfastes du marché en ce qui concerne la justice, sur le modèle d’une économie sociale de marché.
22Admettant cela, il est, d’un point de vue normatif, nécessaire de défendre une thèse régulationniste permettant de corriger les biais de distribution résultant d’un marché libre fondé sur l’idée d’un contrôle absolu de leurs biens par les agents sans pour autant remettre en cause le principe de celui-ci. Dans la forme d’une économie sociale de marché, dont il est ici question, la régulation étatique n’a alors pas pour vocation de se substituer aux agents quant à la définition de leurs préférences mais d’allouer à tout individu ce que le libre marché permet de déterminer comme étant la dose de contrôle minimal sur des ressources permettant de mener une vie accomplie. Cette correction peut consister dans la mise en place de services publics ou d’allocations visant à attribuer des contrôles sur des ressources aux personnes qui en sont démunies par des droits créances (des droits d’accès aux ressources nécessaires ou bien au capital nécessaire pour acquérir librement les ressources nécessaires) sur le modèle d’une allocation universelle20 ou d’un accès gratuit à certains services de base, par exemple.
23Dans ce cadre, une conception de la justice recevable ne devrait pas remettre en cause la priorité donnée au paradigme du contrôle mais chercher à donner à tous un contrôle sur un ensemble de biens premiers nécessaires et à disperser les richesses de la façon la plus égalitaire à travers toute la société. C’est, par exemple, le point de vue défendu par Rawls à travers son modèle d’une démocratie de petit propriétaire qui fait irrésistiblement écho à certains versants de la pensée rousseauiste21.
Argument républicain
24Enfin, le droit de propriété apparaît comme un élément essentiel pour régler les rapports de pouvoir au sein d’une société : rapports de pouvoirs entre les individus et entre les individus et la puissance publique.
25Le droit de propriété, dans sa forme contemporaine, a été affirmé pour garantir la protection des paysans des abus de pouvoir des aristocrates à la fin de l’Ancien Régime. De ce point de vue, il est bien apparu comme un moyen d’investir les individus d’une capacité de se protéger durablement contre les personnes dotées sur eux d’une autorité. Ainsi, le droit de propriété en tant qu’il est exclusif (permet à l’individu d’exclure un tiers de ce qui lui appartient) et absolu (au sens où il est opposable à tous) est une méthode pour donner un statut aux personnes y compris les plus vulnérables. C’est pourquoi Harrington mettait en évidence le rapport entre l’équilibre des propriétés (en particulier foncières) et l’équilibre des pouvoirs22. Cela permet aussi de comprendre pourquoi l’amour de l’égalité en république tient aussi à la modération des patrimoines chez Montesquieu23. Ainsi, les équilibres de pouvoir au sein d’une société ne tiendraient pas tant à la suppression du contrôle des individus sur les choses qu’à la distribution équitable de ceux-ci.
26En effet, même si un pauvre n’est pas en tant que tel un esclave, sa pauvreté peut être telle qu’il doive se comporter comme un esclave et puisse se retrouver dans une situation de domination. C’est la raison pour laquelle, en termes de rapports entre les agents, la propriété est également un élément qui doit être correctement distribué pour éviter de conduire à des situations de domination. En outre, si la propriété est suffisamment bien distribuée, l’individu peut ne dépendre d’aucune personne en particulier et d’aucun pouvoir. Chacun peut alors décider qui peut l’employer et lui donner ce dont il a besoin. L’absence de monopole d’État, la distribution concurrentielle de la propriété accroît ainsi les choix et donc la sphère de liberté individuelle. Cass Sunstein développe cette idée :
La propriété devrait être vue comme un droit politique, un de ces droits qui réduit la dépendance vis-à-vis de l’État et crée le genre de sécurité qui est indispensable pour engendrer la citoyenneté dans une démocratie. Les droits de propriété ne sont pas contradictoires avec la démocratie ; par bien des aspects, ils aident à remplir les conditions initiales du gouvernement de soi24.
27Celle-ci est proche de celle défendue par Proudhon, dans la deuxième mouture de sa thèse portant sur la propriété, promouvant un régime de petits propriétaires indépendants en 186625. La distribution de la propriété-contrôle permet à la fois de protéger les individus du pouvoir d’État et de les protéger mutuellement des relations de pouvoir qu’ils peuvent entretenir entre eux.
28De ce point de vue, il s’agit certes de critiquer les formes de monopolisation du droit de propriété qui peuvent donner à certains un pouvoir exorbitant sur les autres. Mais cela ne doit pas conduire à la conclusion selon laquelle il faudrait remettre en cause le droit de propriété compris comme contrôle absolu des personnes sur leurs biens. Il faut, au contraire, distribuer correctement ces contrôles pour répartir les pouvoirs entre les agents conformément à une théorie de la justice. Quand il est réparti selon une certaine proportion, il peut investir tous les individus d’une dose de pouvoir et de contrôle sur leur propre existence leur permettant de mener une vie non-dominée. Ainsi, il s’agirait d’« égaliser les ressources dont disposent le dominant et le dominé, de sorte, idéalement, qu’une personne antérieurement dominée puisse parvenir à se défendre elle-même de toutes interférences engrangées par le dominant26 », une telle politique fondée sur la distribution ou la prédistribution des contrôles utiliserait alors celles-ci comme une méthode d’empowerment.
Priorité aux relations sociales
La thèse du contrôle individuel ne peut être qu’instrumentale, non principielle
29Pourtant, nous avons commencé à le montrer, le paradigme du contrôle individuel, pris isolément de toute considération pour les relations sociales est incomplet parce qu’il ne permet pas à lui seul de tenir ses promesses en termes de justice et d’émancipation. En effet, des principes de régulation justes doivent lui être adjoints pour déterminer la forme juste et émancipatrice de distribution des contrôles individuels.
30Cela tient au fait que, si l’on prend la notion de contrôle dans son sens fort, dans le cadre d’une théorie de la justice, elle est contradictoire. En effet, il est difficile de rendre compatible la thèse selon laquelle : (a) il faudrait garantir la propriété comme contrôle d’une personne sur sa chose et la thèse selon laquelle : (b) il faudrait limiter le contrôle que les plus nantis auraient sur les choses afin d’accroître le contrôle des moins nantis sur un ensemble de biens premiers nécessaire à leur accomplissement ou à leur vie digne.
31Il existe néanmoins une objection à notre assertion. Il faudrait, en effet, distinguer l’intervention de l’État pour maintenir la non-domination et la justice (cette intervention n’étant pas arbitraire) et l’interférence arbitraire d’un tiers qui viendrait soutirer une partie de ce qui nous appartient. De ce point de vue, la régulation étatique ne devrait pas pouvoir être assimilée à une restriction du contrôle des individus sur leurs ressources au même titre que l’interférence d’un tiers27.
32Or cette objection à l’objection est parfaitement légitime mais ne vient pas à bout de celle-ci. En effet elle confirme que la propriété, conçue comme un contrôle individuel, ne suffit pas d’elle-même à régler les rapports sociaux pour éviter qu’ils ne soient source de domination ou d’injustices mais peut, dans certains cas seulement, servir d’instrument à l’État pour éviter celles-ci. Cela confirme donc que le contrôle individuel est un instrument pour une théorie de la justice, instrument qui ne saurait donc être élevé au rang d’un principe prioritaire.
33La contradiction entre (a) et (b) n’est donc dépassée que par le recours à une théorie de la justice considérant les relations sociales impliquées par le phénomène de l’appropriation individuelle. Il apparaît donc clair que pour une théorie de la justice, la prise en compte des relations sociales quant aux choses est prioritaire par rapport à la question du contrôle individuel sur celles-ci. C’est pourquoi il semble plus vraisemblable de définir la propriété comme étant d’abord un ensemble de relations sociales portant sur les choses.
Arguments en faveur de la priorité de la propriété conçue comme relation sociale
34Ainsi, y compris pour un libertarien comme Nozick, il est nécessaire, pour assurer la légitimité du droit de propriété, d’introduire ce qu’il appelle une clause lockéenne qui a pour effet de restreindre les mécanismes d’appropriation afin de sauver la légitimité de la propriété. Cette clause établit qu’on ne peut acquérir de ressource si cette acquisition a pour effet de détériorer directement la vie des autres :
Un processus qui donne la propriété sur une chose antérieurement non possédée ne fonctionnera plus de la même façon si la position des autres qui ne sont plus libres d’utiliser cette chose est par là même détériorée28.
35Autrement dit, Nozick est contraint théoriquement de penser la propriété dans les relations sociales afin de garantir sa légitimité comme droit. Aussi définit-il l’extension du contrôle auquel chacun peut légitimement prétendre sur les choses à partir d’une approche relationnelle. Kant est également contraint d’admettre que l’existence de la propriété comme droit dépend d’une relation normative aux autres : « Quand je déclare (verbalement ou par un acte) : “je veux que quelque chose d’extérieur soit mien”, je déclare ainsi tout autre individu obligé de s’abstenir de l’objet de mon arbitre29. »
36Loin d’être seulement un contrôle sur la chose, la propriété peut aussi d’abord se présenter comme un pouvoir d’affecter la vie d’autrui ou, a minima, comme un pouvoir sur autrui : être propriétaire c’est avoir la capacité, notamment d’obliger autrui à ne pas attenter à ce qui nous appartient, pouvoir faire n’importe quel usage de notre bien y compris quand l’usage de ce bien aurait une incidence non négligeable sur la vie des autres. C’est la raison pour laquelle certains juristes ont pu critiquer le caractère absolutiste du droit de propriété dans son rapport avec les relations sociales dont il est l’origine. Pensons, par exemple, aux thèses de Duguit, très inspiré en cela de Durkheim30 :
Je ne crois point que l’appropriation individuelle, même celle des capitaux, doive disparaître de bien longtemps. Mais il n’est pas douteux que la conception de la propriété droit subjectif disparaît pour faire place à la conception de la propriété fonction sociale. Le détenteur d’une richesse n’a point de droit sur elle ; c’est une situation de fait qui l’astreint à une certaine fonction sociale, et son appropriation est protégée dans la mesure et seulement dans la mesure où il remplit une fonction sociale31.
37Par une autre voie, les juristes américains, Hohfeld et Honoré par exemple, ont pu également récuser le concept juridique de droit réel, qui désigne le rapport juridique entre une personne titulaire et la chose dont elle est titulaire, au nom du fait qu’il n’y a de relations juridiques qu’entre des personnes (et non entre une personne et des choses inertes)32. C’est la raison pour laquelle, selon eux, les droits que nous décrivons comme des droits sur les choses, sont, en réalité, des droits sur les autres quant aux choses. Par conséquent, le problème du droit de propriété, comme celui de tous les autres droits, ne tient pas tellement au fait qu’il caractérise la relation de contrôle d’une personne sur sa chose, mais qu’il contribue à structurer des relations normatives entre individus et que, de ce point de vue, les régimes d’appropriation juridiques sont des méthodes pour régler les relations sociales sur les choses.
38Or, les relations juridiques portant sur les biens supposent des réglages pour éviter qu’elles ne soient source de domination ou d’injustices. C’est la raison pour laquelle plus encore que distribuer le droit de propriété ou de démembrer en une série de contrôles comme peuvent le faire certains théoriciens du Bundle of rights comme Elinor Ostrom et Edella Schlager33, il semble beaucoup plus fructueux de « désabsolutiser » notre conception spontanée du contrôle individuel sur les choses afin de penser d’abord le réglage des relations sociales par les relations juridiques qui portent sur les biens. Si l’idée de pluraliser la propriété est importante, il est aussi capital de la penser comme un rapport social et de donner la priorité à cette perspective en comparaison avec celle du contrôle.
Argument en défaveur du tropisme propriétaire
39En outre, le paradigme du contrôle individuel (notamment autour de la catégorie de « biens premiers ») semble monopoliser le débat portant sur la justice distributive en philosophie normative, révélant, ce faisant, ce que l’on pourrait appeler un tropisme propriétaire même si la théorie des capabilités d’Amartya Sen, par exemple, a pu offrir une solution séduisante pour s’en départir34. Le contrôle individuel sur la ressource n’est pas la seule méthode pour garantir que les individus accèdent aux biens nécessaires à leur accomplissement35. Accéder, par exemple, à un environnement non-pollué ne saurait se faire par l’appropriation individuelle, car cette ressource essentielle ne saurait être protégée par l’attribution d’un contrôle absolu aux individus considérés comme propriétaires. Un tel bien commun global doit être assujetti à des régimes d’appropriation (ou d’inappropriabilité) et de gestion collectifs ou publics. Seule la régulation collective des actions individuelles quant à ce bien est susceptible de permettre à tous de continuer d’en jouir. Il est donc faux que le contrôle individuel sur les choses soit le seul moyen pour assurer l’accès des individus aux biens essentiels à leur accomplissement.
40Pourtant un des arguments principaux mobilisés pour favoriser la distribution la plus large des contrôles individuels sur les choses tient au fait que ce serait le seul bon moyen pour permettre aux plus défavorisés d’avoir accès aux ressources. C’est une conception trop étroite. Dans beaucoup de cas, en effet, il est possible d’accéder à la capacité d’accomplissement véhiculée par une chose à travers son partage et par l’organisation normative de ce partage. C’est le cas des ressources publiques comme l’éducation, la santé, le réseau d’eau… notamment. Il est donc nécessaire de considérer le contrôle individuel des ressources comme un des instruments pour permettre aux individus d’accéder aux biens d’accomplissement, sans qu’il soit, pour autant, le seul ni celui qui doit être privilégié dans tous les cas. Ainsi relativiser le primat du paradigme du contrôle d’un point de vue normatif permet de privilégier celui des relations sociales nécessaires pour garantir l’accès de tous aux conditions d’une vie pleinement accomplie.
Perspectives normatives : le cas des communs
41Le rapport aux choses enveloppe des rapports sociaux et c’est en ce sens qu’il est un objet qui intéresse une théorie de la justice. Il semble important de privilégier le paradigme relationnel pour traiter des modes d’appropriation justes. C’est la raison pour laquelle y compris pour un partisan d’une priorité donnée au contrôle, nous avons montré qu’une théorie de la justice consiste toujours à définir la nature et l’extension de ce contrôle en fonction des relations sociales qu’il induit ou au sein desquelles il est plongé. Il est donc toujours nécessaire normativement d’accompagner la distribution des contrôles d’une politique inclusive volontariste de redistribution des ressources, c’est-à-dire d’élargissement maximal de l’exercice réel du droit de propriété à tous (démocratie de propriétaire) ou d’un recours à l’État qui, d’un côté, limite les propriétés excessives (impôt sur la fortune, taxe somptuaire…) pour, de l’autre, assurer à tous l’accès à une propriété minimale, c’est-à-dire d’assumer le caractère intrinsèquement relationnel du droit de propriété (État providence).
42Cette approche, en plus de lever une difficulté théorique liée à la focalisation excessive sur le contrôle individuel plutôt que sur les relations sociales concernant la propriété, permet également, sur un plan heuristique, d’explorer de nouveaux régimes alternatifs d’appropriation ou de penser autrement l’appropriation.
43Ainsi, il est possible de retrouver, implicitement certes et d’une façon indirecte, cette alternative qui consiste à donner une priorité aux relations normatives aux autres (plutôt qu’au contrôle individuel sur le bien) dans le débat actuel sur les communs qui explore des formes collectives d’appropriation. L’approche d’Ostrom consiste à s’appuyer sur la conception de la propriété comme bundle of rights pour théoriser la distribution de différents types de droits sur des Common Pool Ressources (pêcheries, forêts, réseaux d’eau exploités en commun)36. Un commun est dans ce cadre une ressource partagée sur laquelle sont distribués des droits entre les différents utilisateurs soumis à une gouvernance collective. L’idée consiste donc à allouer non pas tant un droit de propriété sur la chose qui, précisément, est commune, mais des contrôles partiels sur les choses permettant de coordonner la cohabitation devant avoir lieu en leur sein. Ainsi il est possible de disposer d’un droit partiel sur une chose (comme un droit d’accès partagé, un droit de gouvernance, un droit de prélèvement, un droit d’exclusion…) sur laquelle d’autres peuvent également avoir des droits partiels, en sorte que l’on peut parler à la fois et de façon non abusive de droits d’appropriation et de choses communes. Ce paradigme interroge avec force la croyance selon laquelle la propriété serait, par excellence, un droit absolu de contrôle d’une personne sur un bien. À notre sens, il donne la priorité au paradigme de la relation sur le paradigme du contrôle. Il permet, en outre, de penser des régimes d’appropriation alternatifs permettant d’articuler avec plus d’harmonie les exigences de la vie sociale avec la protection des droits individuels interdisant, ce faisant, de rendre synonymes l’appropriation (de droits d’un certain type sur les choses) et la prédation du commun si, en effet, la distribution de contrôles précisément définis intervient pour organiser les relations sociales liées à l’usage ou à l’exploitation des choses.
44L’intuition qu’il doit exister une priorité donnée aux relations sociales sur les contrôles, se trouve également développée par Dardot et Laval37. Ils théorisent un usage des choses considérées comme fondamentalement inappropriables. Inspirés notamment par l’autogestion ouvrière, ils estiment qu’il n’y a aucune appropriation privative possible. Cela veut dire que c’est toujours la praxis collective qui est prioritaire sur l’allocation aux individus de contrôles absolus sur les choses. C’est au sein de cette praxis que des usages se constituent et se distribuent. Pour eux, il n’y a pas de contrôle absolu des individus isolés sur les choses qui ne soit, in fine, individualiste et source de rapports de domination entre titulaires et non-titulaires. C’est pourquoi ils défendent, selon leurs mots, « l’institution de l’inappropriable ». Mais au-delà de cette formulation frappante, ce qu’ils soutiennent, c’est que le droit de propriété, compris comme un pouvoir absolu détenu par l’individu isolé ne saurait être prioritaire par rapport à la manière dont une communauté règle en son sein les rapports sociaux que l’usage ou l’exploitation des choses implique.
Conclusion
45La priorité donnée au paradigme relationnel pour penser la propriété ne conteste pas qu’il puisse être nécessaire de distribuer aux individus des formes de contrôle sur les choses, mais que celles-ci doivent être pensées comme des pouvoirs, des droits ou des libertés en relation, non comme des pouvoirs, des droits ou des libertés absolus. Il s’agit donc de développer un point de vue centré sur les relations sociales c’est-à-dire de politiser les enjeux qui sont liés au droit de propriété en le réencastrant dans un questionnement régulationniste non-dogmatique. Le paradigme de la propriété-relation sociale permet donc de donner une priorité à la régulation des relations humaines qui s’opèrent en raison des choses ou quant à elles38 plutôt que sur la distribution d’immunités et de monopoles absolus souvent source de prédation contraire à la préservation du (des) bien(s) commun(s). De cette manière, il devient plus aisément possible de sortir de l’antagonisme entre appropriation et bien(s) commun(s) pour penser leur articulation.
Notes de bas de page
1 Voir le modèle des SCOP ou SCIC ainsi que le débat sur la démocratie dans l’entreprise (voir par exemple Hatchuel Armand et Segrestin Blanche, Refonder l’entreprise, Paris, Éditions du Seuil, 2012).
2 Voir par exemple Ferry Jean-Marc, L’Allocation universelle, Paris, Éditions du Cerf, 1995 ; Van Parijs Phillippe, Vanderborght Yannick, Basic Income, A radical Proposal for a Free Society and a Sane Economy, Harvard, Harvard University Press, 2017. Nous ne revenons pas ici sur les différentes versions de l’allocation universelle et les théories qui les sous-tendent, car ce n’est pas l’objet du présent article.
3 « Le contexte institutionnel de la démocratie de propriétaires travaille à disperser la propriété des richesses et du capital, et donc à empêcher qu’une partie infime de la société contrôle l’économie et indirectement la vie politique. » Rawls John, p. 192. Voir aussi Krouse Richard et McPherson Michael, « Capitalism, “Property-Owning Democracy” and the Welfare State », in Democracy and the Welfare State, Gutman Amy (dir.), Princeton University Press, Princeton, 1988.
4 On trouve un intéressant exemple de cet argumentaire dans l’article du juriste BEnjamin Barros D., « Property and Freedom », in New York University Journal of Law and Liberty, vol. 4, 2009.
5 Kant Immanuel, Doctrine du droit, in Métaphysique des mœurs, trad. A. Renaut, Paris, GF, § 6, 1994, vol. 2, p. 41.
6 Grivel Guillaume, « clôture », in Encyclopédie méthodique, Économie politique et diplomatique, Démeunier, J.-N. (dir.), Paris, chez Panckoucke, à Liège, chez Plompteux, 1788, volume III, p. 118.
7 Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques, Paris, Vrin, 2004, § 487.
8 Pour plus de détails, nous nous permettons de renvoyer à notre article « Violence d’État et propriété » (à paraître dans la revue Raison Publique) où certains arguments libertariens anti-régulationnistes sont exposés et discutés.
9 Nozick Robert, Anarchie, État et utopie, Paris, PUF, 2008 ; Rothbard Murray, For a New Liberty, the Libertarian Manifesto, New York, Libertarian Review Foundation, 1973.
10 Castel Robert et Haroche Claudine, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi, Paris, Fayard, 2001, p. 13.
11 Ibid., p. 16.
12 Ibid., p. 30.
13 Ibid., p. 106.
14 Nozick Robert, Anarchie, État et utopie, Paris, PUF, 2008, p. 52.
15 Cohen G. A., Self-ownership, freedom and equality, 1995, p. 326.
16 Hayek F., Droit, législation et liberté, Paris, PUF, 2007, p. 324 et suiv.
17 « L’idée que le pouvoir soit capable de déterminer ce qui est possible pour chacun, et plus spécialement qu’il soit capable de faire que ces possibilités soient égales pour tous, voilà qui est en conflit avec toute la logique fondamentale d’une société libre. » Ibid., p. 337.
18 Ibid., p. 574 et suiv.
19 Nous empruntons cet exemple à Nozick R., Anarchie, État et utopie, op. cit., p. 226 et suiv.
20 Voir Bourdeau Vincent, « Citoyenneté et propriété : une conception républicaine de la propriété privée », in Diacritica, 24/2, 2010 ; Guibet Lafaye Caroline, Justice sociale et éthique individuelle, Québec, Presses Universitaires de Laval, 2006.
21 Nous n’entrons pas ici dans le détail de la différence entre les différents régimes, selon Rawls, compatibles avec une théorie de la justice : socialisme libéral et démocratie de propriétaires, qui a finalement sa préférence (Rawls John, La Justice comme équité. Une reformulation de la Théorie de la justice, Paris, La Découverte, 2008, p. 187 et suiv.). Pour le rapprochement entre Rawls et Rousseau voir Neuhouser F., Rousseau’s Critique of Inequality : Reconstructing the Second Discourse, Cambridge University Press, 2014, p. 218.
22 Voir notamment Harrington au sujet de la propriété foncière dans Oceana : « Lands, or the parts and parcels of territory, are held by the proprietor or proprietors, lord or lords of it, in from proportion ; and such […] as is the proportion or balance of dominion or property in land, such is the nature of empire ».
23 Montesquieu, L’Esprit des lois, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1951, T. II, Livre III, chapitre 3, p. 251.
24 Sunstein Cass, Free market and social justice, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 204.
25 Proudhon P.-J., Théorie de la propriété, Paris, Librairie internationale, 1866.
26 Pettit Philip, Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, Paris, Gallimard, 2004, p. 95.
27 Voir Pettit Philip, Républicanisme…, op. cit.
28 Nozick, Anarchie, État et utopie, op. cit., p. 223.
29 Kant, Métaphysique des mœurs, op. cit., §6, p. 48.
30 « Les choses […] font partie de la société tout comme les personnes, et y jouent un rôle spécifique ; aussi est-il nécessaire que leurs rapports avec l’organisme social soient déterminés. On peut donc dire qu’il y a une solidarité des choses dont la nature est assez spéciale pour se traduire au dehors par des conséquences juridiques d’un caractère très particulier » (Durkheim Émile, De la division du travail social, Paris, PUF, 2004, p. 84).
31 Duguit Léon, Le Droit social, le droit individuel et la transformation de l’État, Paris, felix Alcan, 1922, p. 154. On trouve une thèse analogue défendue par Josserand Louis, De l’esprit des lois et de leur relativité, Paris, Dalloz, 2006.
32 Hohfeld W. N., « Some fundamental legal conceptions as applied in judicial reasoning », in The Yale Journal, n° 1, vol 23, 1913 ; Honoré, « Ownership », in Oxford Essays in Jurisprudence, Guest (ed.), Oxford University Press, Oxford, 1961 ; voir également Kelsen Hans, Théorie pure du droit, Paris, LGDJ, 1999 et Waldron, The right to private property, Oxford, Oxford University Press, 2002.
33 Schlager E et Ostrom E, « Property-Rights Regimes and Natural Resources : A Conceptual Analysis », in Land Economics, n° 3, août 1992, vol. 68, p. 249-262.
34 Sen A, « Equality of What ? », in Choice, Welfare and Measurement, Oxford, Blackwell, 1982, p. 368, qui renvoie dos à dos l’approche centrée sur les biens premiers et l’approche centrée sur l’utilité pour proposer la catégorie de capabilités : « Primary goods suffers from fetishist handicap in being concerned with goods, and even though the list of goods is specified in a broad and inclusive way, encompassing rights, liberties, opportunities, income, wealth, and the social basis of self-respect, it still is concerned with good things rather than with what these good things do to human beings. Utility, on the other hand, is concerned with what these things do to human beings, but uses a metric that focuses not on the person’s capabilities but on his mental reaction ».
35 Nous reprenons ici de façon succincte et synthétique une idée approfondie dans un précédent article. Crétois Pierre, « La propriété repensée par l’accès », in Revue internationale de droit économique, 2014/3, t. XXVIII, p. 319-334. Voir également le stimulant essai de Rifkin Jeremy, La Société de l’accès, Paris, La Découverte, 2004.
36 Ostrom et Schlager, « Property-Rights Regimes and Natural Resources : A Conceptual Analysis », in Land Economics, op. cit. ; Ostrom Elinor, La Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, trad. Laurent Baechler, Paris, Commission université palais, 2010.
37 Dardot Pierre et Laval Christian, Commun : Essai sur la révolution au xxie siècle, Paris, La Découverte, 2014.
38 Chazal Jean-Pierre, « La propriété : dogme ou instrument politique ? », in RTDciv : Revue trimestrielle de droit civil, 2015 ; Ackerman Bruce, Alstott Anne, The Stakeholder society, Yale University Press, 1999.
Auteur
Maître de conférences à l’université Bordeaux Montaigne, membre du SPH et du Sophiapol. Il travaille, sous un angle philosophique, sur l’histoire et l’actualité de la notion de propriété. Il a écrit plusieurs articles et a coédité plusieurs ouvrages ou numéros de revues sur la question. Il a récemment publié Le Renversement de l’individualisme possessif, de Hobbes à l’État social aux Classiques Garnier, 2015.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Ces villes-là
Actualité de Colette Pétonnet
Anne Raulin, Sepideh Parsapajouh et Marie-Claude Blanc-Chaléard (dir.)
2018
L’interdisciplinarité au travail
Du travail interdisciplinaire à la transformation du travail
Julien Bernard, Claire Edey Gamassou, Arnaud Mias et al. (dir.)
2020