Précédent Suivant

« À quoi bon les Ambulants quand on a Kodak ? » : la peinture ou la photographie ?

p. 295-318


Texte intégral

« Si tu as au mur l’Olympia de Manet, jette cette image d’Épinal fadasse, et mets à la place une photographie, œuvre d’art humaine qui éveille les sentiments les plus forts, les émotions les plus élevées [...]. »
Lev Mejeritcher, 19301.

1Le désir de remplacer définitivement la peinture par la photographie tarauda momentanément une partie de l’intelligentsia soviétique angoissée par l’avenir de l’art dans une société qui, après avoir fait une révolution politique, risquait d’en faire une autre : celle du goût. Le territoire esthétique était à prendre, et pour la première fois de son histoire, la photographie avait ses chances. Elle seule pouvait se targuer du privilège d’aller à la rencontre de ceux qui étaient restés jusqu’alors aux portes des musées. Si les photographes dans leur ensemble avaient été d’accord pour « prendre le pouvoir » esthétique, ils auraient réussi, l’époque s’y prêtait, mais justement ils ne l’étaient pas, et cela ne s’est pas produit. Des partisans de la photographie furent saisis d’une fièvre aussi brève que violente destinée à combattre ce mal souverain que représentaient à leurs yeux les formes traditionnelles de la peinture. Cet épisode très bien connu parce qu’il fut orchestré par des artistes qui savaient écrire ou qui étaient soutenus par des critiques qui exposaient leurs théories, éclipse toutefois la majorité des photographes soviétiques, les artisans de la vieille école, mais aussi beaucoup d’autres formés sur le tas, qui eux n’avaient rien contre la peinture, et restèrent en dehors d’un débat qui n’était pas le leur.

La peinture comme modèle de la photographie ?

2Nous avons vu que l’univers révélé par le journal Fotograf ne se démarquait guère de celui des peintres. Les thèmes choisis, la technique très soignée, les effets de lumière, les flous, la composition, évoquaient les tableaux peints. Le discours confirmait d’ailleurs que l’ambition sincère de ces photographes était de se hisser au niveau des peintres. En 1928, E. Tchebotaev, photographe très traditionnel, auteur de portraits et de paysages, le disait sans détours :

Nous devons absolument étudier les travaux des artistes du pinceau d’après des reproductions dans des livres et journaux spécialisés ainsi que les originaux dans les musées ; nous devons comparer les sujets, la composition, la conception de la lumière, le rendu des traits psychologiques et l’expression de la personnalité de l’auteur avec les oeuvres photographiques courantes, et comparer celles-ci à leur tour avec les travaux des meilleurs photographes. Cela nous montrera ce vers quoi nous devons tendre. Je suis sûr que beaucoup d’entre nous, impatients d’avoir des résultats, seront abattus et diront : “Eux, les artistes du pinceau, peuvent faire cela, leur pinceau est docile, nous, nous avons une machine.” Je ne suis pas d’accord. Notre machine doit être aussi soumise que le pinceau dans les mains du peintre. Nos images doivent faire aussi bien que les copies monotones de leurs tableaux, et certains maîtres de la photographie s’en approchent déjà. Leurs travaux montrent qu’ils ont étudié la voie tracée par les maîtres du pinceau. Dans le milieu des photographes, nous avons déjà nos Greuze, nos Carrière, nos Gainsborough et autres2.

3Au même moment, le journal Sovetskoe Foto qui ne s’adressait pas du tout au même public puisqu’il était théoriquement destiné aux amateurs chargés de rendre compte du nouveau style de vie, ouvrait aussi ses colonnes à un discours favorable à la peinture. Ce n’était sans doute pas le hasard si les conseils techniques destinés aux jeunes photographes étaient prodigués par un peintre, Nikolaï Trochine. Celui-ci enseignait les lois de la composition, de la lumière, et affirmait que « les intérêts du photographe se recoupent avec ceux du peintre, à savoir : produire une image et rendre le grain du dessin pour se rapprocher d’un produit artistique3 ». Il ne prônait pas une copie servile de la peinture, et à la différence de Tchebotaev, il n’abordait pas la question en termes de concurrence, mais il estimait que l’art photographique ne surgirait pas ex-nihilo, qu’il fallait tenir compte des œuvres des grands maîtres et apprendre d’eux.

Pour commencer, notre jeunesse devra faire tout d’abord un travail sur elle-même, sur son parcours artistique, se familiariser avec tout ce qui a été réalisé en arts plastiques, connaître l’histoire de l’art en général, au moins superficiellement, à partir de reproductions, elle devra étudier la manière dont les maîtres de la peinture, anciens et modernes, ont représenté la lumière, l’espace. [...] Jeunes gens et photographes amateurs ! [...] Étudiez et observez la nature ! Regardez comment les peintres et les peuples de tous les temps l’ont représentée. Étudiez les bases de la composition dans les tableaux des bons peintres, tout cela vous aidera à créer vos images photographiques4.

4Nikolaï Trochine allait jusqu’à penser que c’était seulement après avoir pris connaissance des techniques de composition dans la peinture occidentale, orientale et dans les icônes, et après les avoir analysées, que le photographe pouvait espérer innover dans son domaine, à l’instar du cinéma qui avait apporté un souffle nouveau dans l’art dramatique. Ces considérations ne faisaient pas l’unanimité. Des voix fortes et déterminées s’élevèrent pour affirmer l’identité de la photographie, l’originalité de son style et son indépendance à l’égard de la peinture. On alla même jusqu’à penser que cette dernière était vouée à une mort certaine et qu’elle laisserait le champ libre à des formes plus modernes de représentation du monde.

La photographie comme nouveau modèle ?

5L’idée fut sérieusement envisagée par une frange de partisans de la photographie qui répétaient qu’avec un nouveau médium, ils allaient révolutionner la manière de voir. Dans le sillage de l’avant-garde, l’héritage de la peinture était ressenti comme un handicap, comme un fardeau.

6Alexandre Rodtchenko se sentait encombré de cette lourde hérédité : « Lorsque j’ai commencé à faire de la photo après avoir abandonné la peinture, je ne savais pas alors que celle-ci avait posé sur elle sa lourde patte », écrivait-il à Boris Kouchner le 18 août 19285. Leonid Volkov-Lannit tenait des propos d’une violence plus grande encore. Il assimilait la peinture à une maladie honteuse qu’il fallait vaincre, et empruntait au vocabulaire médical des expressions brutales pour convaincre ses lecteurs : « Les journaux Sovetskoe Foto et Fotograf sont des pépinières de l’esthétisme. Il faut lutter pour détruire les foyers de contagion6 », et lorsqu’il évoquait les photographes prêts à s’inspirer des peintres, il n’hésitait pas à dire : « C’est une race de parasites esthétiques qui n’est pas encore éteinte7 », et se plaignait de voir « des photographies à la Rembrandt dans les salons8. » La peinture pouvait à la rigueur exister en tant que telle, mais à condition de reposer en paix dans des musées, de se fossiliser. Elle devenait dangereuse à partir du moment où les photographes cherchaient à l’imiter.

7Ossip Brik intitula un de ses articles « Du tableau à la photo9 » dans lequel il reprochait lui aussi aux photoportraitistes de singer les peintres, il poursuivait l’idée que le photographe reste esclave des poncifs de la peinture, n’arrive absolument pas à comprendre cette mission contemporaine et ne se sert de son appareil que pour imiter les tableaux10. » Pourtant ajoutait-il, « La mission du photographe contemporain n’est pas de rapprocher ses photos des tableaux, mais de créer une nouvelle méthode et de la développer jusqu’à obtenir un résultat optimum11 » ; il terminait sur un constat peu encourageant :

Nos photographes et nos cinéastes se trouvent encore tellement sous le charme des modèles de la peinture qu’ils apprécient précisément les images les moins intéressantes d’un point de vue photographique. Cela se voit déjà dans les expositions qu’ils organisent et les photos qu’ils envoient aux cinéastes pour qu’ils les publient dans leurs journaux. Ils ont tous un rêve : ne pas faire moins bien que les peintres. Mais justement ce n’est pas une qualité, c’est la faiblesse de l’art photographique12.

8Les comparaisons qui faisaient état de la supériorité de la peinture, agaçaient certains. Ainsi, le critique Lev Mejeritcher, fervent défenseur de la photographie, rappelait encore en 1930 dans son étude « À propos de l’art de notre époque », que si un photographe pouvait parfois s’enorgueillir d’être comparé à un peintre, l’inverse était presque une injure :

Le destin de la photographie est particulièrement triste, car jusqu’à ces derniers temps elle servait de mesure courante pour la représentation morte, sans vie. Encore maintenant, si nous entendons : cette photographie ressemble à un tableau… c’est un compliment pour la photographie, mais si l’on dit : « Ce tableau ressemble à une photo, cela veut dire qu’on le prend à partie13. »

9Que reprochaient-t-ils à la peinture ? Parmi les raisons invoquées pour justifier leur rejet de la peinture, celle qui apparaît en premier est son inutilité. Nous avons vu que l’ancien peintre Alexandre Rodtchenko ne craignait pas de considérer son passé d’un œil très critique :

Quand je regarde les montagnes de peinture que j’ai faites pendant ces dernières années, je me demande parfois ce que je vais en faire. Cela me fait de la peine de les brûler, j’ai travaillé dessus pendant dix ans. Mais elles sont devenues aussi inutiles qu’une église. Rien à en tirer14 !

10L’idée en vogue dans le Front gauche de l’art était que l’art devait être utile. Pour Volkov-Lannit, « S’il fallait définir une politique générale de la photographie au Lef, le premier objectif consisterait à la faire passer du champ esthétique à celui de l’utilitaire, de la production, et à dénoncer ce qui ferait d’elle un appendice des arts plastiques15. »

11Il apparaissait aux yeux de tous que la peinture de chevalet était le produit par excellence de la société bourgeoise et qu’elle perdait tout son sens en Union soviétique. Le théoricien Boris Arvatov, dans son ouvrage Le Marché de l’art contemporain et la peinture de chevalet16 montrait que, contrairement aux fresques et aux icônes intimement liées à la vie quotidienne des gens, la peinture de chevalet supposait un consommateur et donc une hiérarchie dans les revenus, elle ne pouvait logiquement survivre que dans le cadre d’une économie de type capitaliste. « L’histoire ne connaît pas de cas où les formes de production artistique contredisent les formes de consommation artistique17 », affirmait-il. Il soulignait que la période de la NEP avait vu refleurir la peinture de chevalet, alors que pendant la période du communisme de guerre, les artistes s’étaient tournés vers des formes d’art complètement différentes comme la création de meubles, d’affiches ou de vêtements. En 1927, il plaçait tous ses espoirs dans le cinéma et la photographie tout en constatant que ceux-ci n’avaient pas encore gagné la partie : « La classe ouvrière n’est pas encore arrivée au socialisme en art18. » Lev Mejeritcher soulignait lui aussi le caractère bourgeois de la peinture, « produit coté sur le marché capitaliste au même titre que les sardines, les rails, les livres, les emplois, le patriotisme et l’amour19 ».

12Les paroles d’Alexandre Rodtchenko n’étaient pas toujours en accord avec sa pratique. Lorsqu’il essayait de décrire l’histoire de la peinture, il évoquait l’une des voies empruntées par celle-ci qui fut « une compréhension individuelle et psychologique du monde. Léonard de Vinci, Rubens et d’autres ont toujours représenté le même type de façon différente. Pour Léonard de Vinci c’était Mona Lisa, pour Rubens c’était sa femme20. » Impossible de ne pas faire le parallèle entre la femme de Rubens et celle d’Alexandre Rodtchenko, Varvara Stepanova, photographiée sous tous les angles. Elle ne fut pas son seul modèle féminin, mais servit de base à l’expérimentation.

13Un autre argument en défaveur de la peinture était que celle-ci représentait un moyen limité, non reproductible, imparfait, qui ne répondait plus aux exigences d’une société en mutation dans laquelle l’art devait cesser d’appartenir à une minorité de connaisseurs. Il faut rappeler qu’en 1928 commençait le grand démarrage de l’industrialisation, et la peinture semblait bien inadaptée pour en rendre compte. Volkov-Lannit insistait sur le fait que le tableau « est construit pour durer longtemps et non pour être reproduit, il ne peut servir à des buts d’agitation de masse21 », et Ossip Brik déplorait que le photo-portraitiste s’inspirât des peintres, car ceux-ci isolaient leur modèle du reste du monde. Lev Mejeritcher considérait que la peinture était en désaccord avec le siècle de la machine, car elle demandait beaucoup trop de temps alors que le monde moderne allait très vite. Selon lui, elle ne pouvait suivre l’actualité. « Pendant qu’on peint un grand tableau, cinq gouvernements ont le temps de se succéder en Europe22. »

Peinture-mensonge et photographie-vérité

14En russe le verbe photographier snimat’ signifie d’abord « enlever ». Photographier c’est enlever une portion de réel pour l’enfermer dans une boîte noire avant de le transposer sur papier. Même si ce raisonnement est en grande partie illusoire puisque l’appareil est activé par une main humaine dirigée par un esprit qui ne peut être neutre, la photographie restait tout de même, dans l’inconscient du spectateur, plus vraie que n’importe quelle autre représentation. La peinture était l’illusion, la photographie était la vérité. Alexandre Rodtchenko devint un militant de cette vertu nouvellement découverte. « Ne mentez pas ! Photographiez et faites vous photographier ! » Nous avons vu que selon lui, seule la photographie était en mesure de produire de la vérité parce que la vérité est multiple. Ce n’est pas parce qu’elle nous restitue le réel qu’elle est intéressante, c’est parce qu’elle nous montre que la vérité ne veut rien dire, qu’elle n’est pas une acquisition définitive, mais mouvante. Il faut donc prendre plusieurs photographies de la même personne à des moments différents pour avoir une idée un peu plus juste sur elle. Le peintre nous en propose une, le photographe nous en propose plusieurs.

15Une des grandes idées qui circulait dans l’intelligentsia des années vingt était que l’art devait rendre compte de ce qui se passait, tout devait être comme dans la vie, tout devait pouvoir être vérifié par les masses, l’imagination synonyme de mensonge était à proscrire, toutes les forces vives devaient se mettre au service du reportage, du témoignage, du document, et le premier souci des artistes serait désormais d’enregistrer du réel. C’est ainsi que fut mise à l’honneur par Sergueï Eisenstein une forme de cinéma bien particulière : le film « non joué » nieigrovaïa fil’ma23 dans lequel les acteurs n’étaient pas des professionnels, mais des citoyens ordinaires, au théâtre, Meyerhold utilisa le même procédé. Par sa capacité à saisir directement des séquences de vie à l’état brut, la photographie offrait l’instrument idéal de construction d’une nouvelle esthétique fondée sur la notion de vérité. Cette idée était fréquemment reprise. Ossip Brik disait par exemple :

On a voulu obliger les artistes à inventer une nature humaine intéressante, à construire des maisons imaginaires, une nature qui n’existe pas. Entreprise désespérée. L’appareil photographique ne supporte pas les fausses apparences, il dénonce sans pitié tout décor de théâtre qu’on veut faire passer pour quelque chose de réel24.

16Dans un article sur la peinture de l’AKhRR, Alfred Kourella écrivait en 1929 dans le journal Daïoch :

Le visiteur curieux va de moins en moins aux expositions de peinture, il préfère d’autres procédés, notamment la photo et le cinéma. La photographie qui se perfectionne de plus en plus, donne beaucoup plus et beaucoup plus vite ce qu’on appelle le « reflet artistique ». En photographie, tout est comme dans la réalité, tandis que le peintre peut peut-être mentir sur certains points25.

17C’est guidés par ces considérations sur la « vérité » que certains commencèrent à bannir tous les procédés de retouche, tout ce qui pouvait déformer la réalité, dévoyer la photographie. On assista à une sorte de croisade destinée à éradiquer le mensonge. Leonid Volkov-Lannit était l’un des plus fervents défenseurs du « simple enregistrement documentaire » et prit des airs de tribun pour développer sa cause.

18« Photographes, arrachez le voile ! » était la conclusion d’un long article qui développait toute une argumentation sur ce thème. Le titre « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], n’avait sûrement pas été choisi au hasard. Écrit en 1928, il ne pouvait manquer de faire écho à un événement récent et capital que fut pour les femmes des républiques d’Asie centrale, l’autorisation d’apparaître publiquement à visage découvert pour la première fois de leur vie. La presse soviétique en fit un symbole de liberté, une victoire sur la pesanteur des traditions. C’était un peu l’esprit du texte de Volkov-Lannit qui pensait que la photographie devait montrer elle aussi son « vrai » visage, sans voile, sans fard. À propos du portrait par exemple :

Le photographe part non pas de considérations esthétiques ni du désir d’atténuer les défauts physiques du sujet, d’en faire quelqu’un de beau, mais de la demande du spectateur qui veut un document authentique sur une personne authentique et qui veut se repérer d’après les détails caractéristiques d’un visage connu26.

19Ou à propos de la photographie dite d’art :

Ce n’est qu’en réduisant la zone d’influence de la photographie d’art qu’on peut s’attendre à une diminution des récidives de l’esthétisme pur et renfermé sur lui-même, car tout croisement hybride de la photographie « d’art » avec la photographie de « reportage » particulièrement à la mode en ce moment, donne ce qu’on appelle « le reportage d’art » qui ressemble à un veau avec une tête d’ours. L’esthétisme c’est le voile de la photo, il faut lui enlever ce voile qui lui masque le visage, il faut se battre contre les esthètes de la photographie qui protestent contre le fameux aspect mécanique des processus photographiques.

20Toutefois, dans l’équipe de rédaction de la revue Novyj Lef, certains émettaient déjà des réserves sur cette attitude très radicale. Ainsi la direction, par la voix de Sergueï Tretiakov, écrivait en décembre 1928 écrivait : « Cette affirmation du fait brut, non mis en forme, non organisé, porte en elle le danger de voir apparaître une photographie en série et disqualifiée27. » Il expliquait notamment qu’une photographie de foule pouvait avoir plusieurs objectifs et que seule l’habileté et l’idée du photographe pouvait les faire ressortir. La crainte de voir le « mensonge » du tableau peint pervertir la photographie était très réelle, mais tout le monde ne partageait pas la même idée du mensonge et de la vérité.

21L’argument le plus fréquemment invoqué par Alexandre Rodtchenko était l’apport considérable de la photographie dans le bouleversement de la perspective. Voilà ce qui marquait, pour lui, la différence. Il chercha à démonter grâce à la technique photographique, une certaine notion de la perspective que la peinture avait voulu imposer. Les exemples sont nombreux.

Pendant des millénaires, on a exercé notre œil sur des tableaux variés, on nous a appris à voir selon les règles de la composition à la papa. Mais il faut révolutionner le regard des gens, leur apprendre à voir les choses sous tous les angles et sous divers éclairages. C’est très bien de partir en expédition dans le grand Nord ou en Afrique, de photographier des personnes et des choses nouvelles, une nature différente. Mais on photographie tout cela avec des yeux remplis de Corot et de Rembrandt, des yeux de musée, des yeux chargés de toute l’histoire de la peinture28.

22Dans sa lettre à Boris Kouchner, il évoqua encore cette question des angles nouveaux, ignorés en peinture.

Le moyen moderne de refléter le monde de façon rapide et juste, c’est la photographie. Compte tenu de toutes ses possibilités, elle devrait, semble-t-il, chercher à montrer le monde sous toutes ses faces, à éduquer la faculté de voir les choses sous tous les angles. Mais ici, la mentalité du « nombril » héritée de la peinture s’abat sur le photographe contemporain avec le poids de son autorité séculaire et l’éduque en publiant d’interminables articles dans les journaux comme Sovetskoe Foto en leur citant en exemple des peintures avec des saintes vierges et des comtesses29.

23Dans son article « Du dixième étage30 », très élogieux à l’égard d’Alexandre Rodtchenko photographe, le poète Nikolaï Asséev écrivait :

Il a simplement changé de matériau conformément au changement de la technique. À la place de la toile, il a pris une plaque de verre, à la place des couleurs et du pinceau, le soleil et l’ombre. Et la maison géante qu’aucune toile n’aurait pu contenir, n’importe quel chevalet se serait brisé sous le poids des lignes, sous la sévérité de sa taille, cette maison change ses contours sous l’œil tenace de l’objectif.

24À cette occasion, Asseev en dit plus long qu’il ne voudrait en dire. La plaque de verre vient à la place de la toile, c’est-à-dire qu’elle serait une toile plus ambitieuse encore, et nous avons justement l’impression d’avoir affaire à l’imagination du peintre lorsque nous regardons les photographies d’Alexandre Rodtchenko, bien qu’il dise tout le temps qu’on ne peut plus « voir » comme on voyait avant, et que son obsession consciente soit de changer le point de vue des gens sur les choses et sur le monde. Cette allusion laisse tout de même transparaître l’idée que pour lui la peinture c’était trop peu, l’espace de la toile était trop petit, la photographie serait finalement une super peinture.

25Alexandre Rodtchenko déplorait le fait que les photographes regardent le monde « avec des yeux remplis de Corot et de Rembrandt, des yeux de musée, des yeux chargé de toute l’histoire de la peinture31 », mais nous sommes troublés par la ressemblance entre les œuvres de peintres contemporains et sa photographie. « Paysage-maisons » peint par Alexandra Exter en 1911 en est un bon exemple. Des maisons bleues penchées en oblique sur la gauche font face à des maisons rouges penchées sur la droite, tandis qu’au milieu, des maisons violettes s’orientent tantôt à gauche, tantôt à droite autour d’une tache jaune, une rue peut-être. Ce coin de ville représente un monde en soi, un monde sans habitants qui n’existe que par ses contours. Un monde fantastique et chaotique. Personne ne pourrait dire sur quoi reposent les maisons même si les bosses rondes qui constituent la base du tableau pourraient peut-être servir de terre. Le spectateur se trouve privé de repères, car même l’horizon n’en est pas un. Quelques années plus tard, en 1917, cette « ville » devint d’ailleurs un tableau complètement abstrait intitulé « Composition ».

26« La Rue » d’Ivan Pouni, aquarelle datant de 1920, est un vrai Alexandre Rodtchenko. Le numéro d’une maison apparaît en gros plan comme un élément tout à fait important, un bout de balcon est vu par en dessous, l’immeuble en face est de travers, il y a des traces dans la rue. Une aquarelle sur papier d’Ivan Samokhvalov intitulée « Insomnie », réalisée en 1921, représente une maison jaune en gros plan, fortement inclinée en oblique sur le côté droit. Sur la terrasse se profile une silhouette humaine, toute petite, un peu perdue dans ce bâtiment massif, et sur le toit un chien immense et efflanqué au cou tendu vers le ciel, hurle à la mort. Le peintre a joué avec la perspective exactement comme le photographe, on pourrait dire que c’est une contre-plongée en peinture.

27Curieusement, Alexandre Rodtchenko ne mentionnait pas ces œuvres qu’il connaissait bien entendu puisqu’il était l’ami d’Alexandra Exter. Lorsqu’il parlait de la peinture et de ses méfaits dans le domaine de la perspective, il dénonçait en apparence une certaine forme de peinture. « Ce n’est même pas la peinture que nous combattons (de toute façon elle est en train de mourir), mais la photographie qui cherche à l’imiter, à s’en inspirer, la photographie dans le style de l’eau-forte, de la gravure, du dessin, de la sépia, de l’aquarelle32 », mais son discours restait ambigu. Il feignait d’ignorer que certains peintres travaillaient exactement dans le même sens. Nous avons bien compris que, selon ses conceptions, le sujet à photographier importait assez peu, du moins qu’il pouvait être très banal, et que tout se jouait dans la forme, dans la manière de photographier. Mais cette thèse était exactement celle que proposaient déjà les peintres d’avant-garde, il suffit de se reporter à la « Déclaration de la Société d’artistes 4 arts » : « Ce ne sont pas les sujets qui caractérisent notre œuvre, le sujet n’est qu’un prétexte à la transformation créatrice du matériau en forme artistique33. » Le problème de la perspective n’était pas l’exclusivité d’Alexandre Rodtchenko photographe, il était posé par toute l’avant-garde en peinture. Mais il est intéressant de comparer leurs discours respectifs. Alexandre Rodtchenko insista sur le fait que c’était une démarche indispensable pour rendre compte du changement dans la société, et pour créer ce changement, pour agir à un niveau très concret dans le processus révolutionnaire. Les peintres qui utilisaient des procédés identiques ne revendiquaient quant à eux aucun aspect politique. Malevitch, Tatline et Ioudine aux prises avec ce même problème de la perspective, inscrivaient leurs préoccupations dans un domaine beaucoup plus vaste que celui de la société. Il s’agissait d’une évolution de la conception du monde, d’une nouvelle approche de l’univers introduite par les théories du philosophe Nikolaï Fiodorov alors très en vogue en Russie34. Celui-ci développait l’idée qu’il fallait cesser de penser la terre comme le centre du monde et qu’il fallait situer l’humanité à l’échelle cosmique. Il pensait aussi que l’homme pourrait dominer la nature et réaliser la métamorphose du chaos de l’univers en cosmos35. Malevitch qui représenta bien avant l’heure la sortie de l’homme dans le cosmos, déclarait dans une lettre à Matiouchine de juin 1916 : « Ma nouvelle peinture n’appartient pas exclusivement à la terre. La terre est comme une maison rongée par les vrillettes36. » Kouzma Petrov-Vodkine s’intéressa lui aussi au problème de l’espace : « Nous défigurons la perception des choses par la géométrie euclidienne et la perspective européenne en les plaçant de façon frontale haut et bas37. » Nous percevons tout à fait dans les photographies d’Alexandre Rodtchenko une volonté de maîtriser le monde, de s’affranchir des limites, de s’orienter différemment dans l’espace. Les repères habituels manquent, les architectures s’égarent entre ciel et terre dans des dimensions inconnues et non sécurisantes. Comme dans le procédé de la caricature, ce n’est plus le modèle qui impose un espace à l’artiste, mais l’artiste qui impose son espace au modèle sur lequel il affirme ainsi sa maîtrise38.

28Présenter la photographie comme un procédé tout à fait différent de la peinture et tout à fait nouveau pour changer de point de vue sur le monde, est surprenant. Sur ce point précis, nous n’observons pas de solution de continuité entre les deux. Alexandre Rodtchenko laisse supposer qu’il s’attaque à la peinture en général pour affirmer la suprématie de la photographie. C’est ce désir de vouloir brusquement « remplacer » une technique par une autre qui nous interroge. Il déployait des trésors d’arguments pour affirmer sa différence, redoutant peut-être autant qu’il l’espérait, l’issue violente de ce combat incestueux. S’il est aisé de comprendre que l’ancien peintre se trouvait en situation de rupture avec sa famille d’origine, il est plus délicat d’en saisir les raisons objectives.

La peinture en tant que genre ou une certaine peinture ?

29Dans cette grande croisade contre la peinture, l’attention du lecteur est attirée par quelques cibles privilégiées. Corot et Rembrandt étaient particulièrement visés. Le rejet du paysage durant cette période pourrait expliquer les moqueries à l’encontre du premier, quant au second, il faisait partie du patrimoine national. En effet, la collection de l’Ermitage, constituée par Catherine II au xviiie siècle avec l’aide de Diderot, l’une des plus importantes au monde, fut à juste titre un objet de fierté pour l’intelligentsia russe. Nous savons à quel point ce peintre impressionna Kandinski par exemple, qui confessa dans Regards sur le passé en juin 1913 :

Les impressions ultérieures particulièrement fortes que j’ai connues quand j’étais étudiant et qui ont agi de façon décisive sur plusieurs années de ma vie furent Rembrandt à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, et mon voyage dans le gouvernement de Vologda39 [...].

30Varvara Stepanova nous révèle dans son journal daté du 16 mars 1920 que l’un des peintres préférés d’Alexandre Rodtchenko était… Rembrandt ! : « Il aime les Hollandais : Brueghel l’Ancien, Rembrandt, Vermeer40 ! » Une anecdote très significative circula en Occident juste après la révolution de 1917 sur le saccage du musée de l’Ermitage au cours duquel un « moujik de l’armée Rouge aurait tailladé une toile de Rembrandt pour rapiécer une paire de bottes41 ». Ce symbole fort devait à tout prix être effacé dans les esprits.

31Cependant, les attaques les plus fréquentes et les plus violentes visaient une association de peintres contemporains : l’Association des peintres de la Russie révolutionnaire [Associacia hudožnikov revolûcionnoï Rossii] connue sous le sigle AKhRR et c’était là le nœud du problème. Alexandre Rodtchenko ne perdait pas une occasion de les dénigrer : « On pourrait croire que c’est la fin de la peinture. Mais si, comme le pense l’AKhRR ce n’est pas le cas, elle ne se préoccupe pas du tout de ces problèmes42. » Dans ses propos sur le portrait, il glissa à nouveau une remarque perfide :

Ce n’était pas les intellectuels qu’on peignait, mais les riches et les puissants. On ne faisait même pas de portraits des savants. Et vous, messieurs et mesdames de l’intelligentsia, ne vous attendez pas, encore aujourd’hui, à ce que les artistes de l’AKhRR fassent le vôtre43 !

32Ossip Brik allait dans le même sens :

Chez nous, en Russie soviétique, on observe un phénomène artistique curieux : la tentative des peintres de reconquérir les positions qu’ils avaient cédées, et de s’occuper de restituer la réalité au même titre que la photographie. Nous en avons pour preuve ce qui se passe à l’AKhRR Sa tentative de ressusciter ce qu’on appelle le réalisme en peinture, est sans espoir44.

33Leonid Volkov-Lannit parlait avec mépris des « photographes frais émoulus de l’AKhRR qui trouvent le moyen de développer l’idée que la photographie ne servait qu’à transmettre une nouvelle variante du goût de l’artiste, à procurer un plaisir au spectateur, à susciter chez lui une sensation agréable45 ». Dans le programme de la section photographique de l’association Octobre publié en 1931, on pouvait lire : « Nous sommes contre la doctrine de l’AKhRR, les mièvreries et les sourires sans fin, le patriotisme de clocher en forme de cheminées fumantes, de travailleurs tous pareils avec faucille et marteau, de casques de l’armée Rouge, mais on les aura46 ! »

34Qui étaient donc ces peintres, et en quoi constituaient-ils une menace pour les membres des groupes Lef et Octobre ? Ils avaient pour ambition de poursuivre, en l’adaptant au goût du jour, l’œuvre réaliste et militante de la célèbre Société des Ambulants qui, depuis les années 1870 promenait ses toiles dans toutes les villes de l’empire en signe de protestation contre l’art académique officiel, confiné dans la capitale et accessible seulement à un tout petit nombre de connaisseurs. Lorsqu’après quelques années d’interruption ils reprirent leurs activités en organisant une exposition à Moscou en janvier 1922, l’événement suscita de grands débats. Pour survivre dans le nouvel environnement, le groupe devait procéder à une restructuration qui se traduisit au mois de mars de la même année par la formation de l’Association d’artistes étudiant le mode de vie révolutionnaire. Pour bien comprendre le discours tenu par les photographes, il est indispensable de connaître l’histoire de la formation de ce groupe. Animé par les peintres Pavel Radimov, Alexandre Grigoriev, Evgueni Katsman et Sergueï Malioutine, il convoqua sa première assemblée générale le 13 mai 1922. Tous les détails ont leur importance. En effet, cette assemblée se réunit dans l’appartement de Malioutine, mais elle était présidée par A. Skatchko, directeur du département des Arts plastiques au Comité principal politico-éducatif, le Glavpolitprosvet. Cette présence peut s’interpréter à la fois comme une volonté du pouvoir de diriger le courant réaliste sur une base idéologique unique, en même temps que comme la réponse à une demande de la part des artistes eux-mêmes. Ils pouvaient souhaiter cette caution qui leur assurerait une autorité dans la société. En tout cas, ils adressèrent eux-mêmes une lettre au comité central du Parti, afin de leur demander conseil. Cette lettre ne fut pas envoyée n’importe quand, mais juste après les débats houleux qui les opposèrent aux formalistes Ossip Brik et Chterenberg qui avaient essayé de leur démontrer que le prolétariat n’avait rien à faire de la peinture thématique, et qu’il lui fallait de l’art abstrait. La réponse fut la suivante : « Allez vers la masse travailleuse, étudiez-la, représentez-la, elle vous suggérera la direction de votre action. Allez dans les usines. » C’est ce qu’ils firent. Le journal Rabočij [L’Ouvrier], les encourageait et leur procura des laissez-passer pour entrer dans les usines Dinamo et Electrosila où ils réalisèrent des portraits d’ouvriers et des croquis des ateliers. Ils eurent tout de suite à cœur de soutenir les éléments enthousiastes de la société, d’honorer ceux qui avaient fait la guerre civile et ils voulurent créer le « réalisme héroïque ». Très vite, à la fin du mois de mai, le groupe décida de se baptiser Association des peintres de la Russie révolutionnaire ou AKhRR et le problème de la nouvelle thématique se posa. Tous semblaient d’accord pour représenter la vie de l’armée Rouge, des ouvriers, des paysans, des révolutionnaires, des héros du travail. Les membres de l’association étaient très présents, ils écrivaient beaucoup dans les journaux, ils participaient à des discussions, et leur popularité grandissait. Au premier novembre 1922, six mois après sa fondation, l’association comptait déjà cent cinquante adhérents, et créait des filiales dans différentes villes de province, attirant des étudiants des écoles des beaux-arts qui s’appelaient Vhoutemas [Ateliers supérieurs d’art et de technique], jusque là dirigés par des maîtres favorables à l’art dit « de gauche ». Ce dernier point est tout à fait important. Les enseignants étaient recrutés au sein de l’Institut de la culture artistique l’Inkhouk, successivement dirigé par Alexandre Rodtchenko, Ossip Brik et Boris Arvatov, après que son fondateur Kandinski eût renoncé à son idée de « synthèse de tous les arts sur la base de l’intuition » et quitté le pays. Ceux-ci, convaincus que le design était plus intéressant que la peinture de chevalet, projetaient de faire entrer l’art dans la production et s’efforçaient de transmettre leurs idées aux élèves des Vhoutmas. C’est à cette étape que nous voyons entrer en scène les membres de l’Association des peintres de la Russie révolutionnaire, et là, différentes interprétations sont possibles. Selon le spécialiste français Jean-Claude Marcadé, ceux-ci « intriguèrent auprès du Parti communiste (sans doute à son instigation) pour dénoncer les procédés d’organisation et les méthodes d’enseignement des Ateliers47 ». L’historienne de l’art soviétique Valentina Kniazeva, fait elle aussi état de la sympathie réciproque entre le courant réaliste et le Parti, elle parle même d’un « immense travail » en ce sens, mais elle relate le fait que l’arrivée de membres de l’AKhRR à Petrograd en 1924 provoqua une petite révolution. En effet, parmi les enseignants des Vhoutemas de cette ville, il y avait des professeurs enclins au réalisme et des partisans de l’art « de gauche », et selon elle, bon nombre d’étudiants qui ne voulaient pas étudier avec ces derniers, sollicitèrent le soutien de l’AKhRR48. Ces démarches aboutirent à la formation d’une section étudiante : l’Union de la jeunesse de l’association des peintres de la Russie révolutionnaire : l’OMAKhR (Ob"edinenie molodëži AHR).

35Un autre élément doit attirer notre attention. Malgré la politique générale des Vhoutemas de Moscou de diminuer le nombre d’élèves dans les sections de peinture et de sculpture au profit des disciplines directement liées à la production, les effectifs furent, à partir de 1923, nettement plus élévés dans ces disciplines que dans les autres. Les constructivistes n’étaient pas majoritaires, ils n’entraînaient pas derrière eux toute la jeunesse, et c’est un élément capital qui doit être pris en compte pour éclairer les débats théoriques sur la peinture et la photographie. Le critique d’art Yakov Tugendkhold parlait en 1926 d’un réel attrait populaire pour la peinture :

La théorie de l’inutilité de la peinture de chevalet pour le prolétariat est déjà en grande partie démentie par la vie elle-même. La Russie a beau s’américaniser, elle a encore besoin de la grande force émotionnelle de « l’illusion » peinte. Si l’intelligentsia est rassasiée de peinture, les larges masses non seulement ne l’ont pas dépassée comme une quelconque survivance, mais au contraire, c’est seulement maintenant qu’elles commencent à avoir la maturité suffisante pour l’atteindre. L’éveil de l’intérêt presque spontané pour l’art est admirablement confirmé par les énormes chiffres de fréquentation de la galerie Tretiakov et des autres musées, et à l’inverse, n’est-ce pas l’absence de peinture authentique dans nos clubs tellement surchargés de photomontages froids et de diagrammes, qui explique un certain désintérêt à leur égard49.

36L’AKHRR prenait une forme tentaculaire et empiétait visiblement sur le domaine des photographes. En 1925, ces peintres voyagèrent dans toute l’Union soviétique pour rapporter des documents en vue de l’exposition « Vie et mode de vie des peuples de l’URSS », ce qui pouvait être perçu par les reporters comme une forme de concurrence déloyale. Yakov Tugendhold, pourtant assez bienveillant à l’égard de ces peintres réalistes, le souligna, en ironisant un peu sur les propos de certains qui voyaient là le matériau destiné à la nouvelle galerie Tretiakov. « Le problème, c’est que ce matériau conviendrait mieux pour un musée ethnographique que pour un musée d’art50 ! » Et il pensait que la photographie eût peut-être été mieux adaptée à ce type de travail : « On ne peut s’empêcher de se poser la question : n’aurait-il pas mieux valu, à la place de ce pseudo-art, photographier l’URSS avec l’aide de nos reporters qui sont déjà assez expérimentés, avec notre ciné-œil51 ? »

37Les thèmes traités par les peintres de l’AKhRR et leur style étaient en effet souvent « volés » à la photographie. « Les transports s’organisent » de E.M. Tcheptsov, montrait des rails et des locomotives dans le style d’Alexandre Rodtchenko, « La séance de la cellule de village » du même auteur était peinte avec une perspective en contre-plongée, et la jeune étudiante komsomole de la faculté ouvrière représentée en 1925 par Nikolaï Kassatkine ressemblait étrangement au portrait de Varvara Stepanova photographiée par Alexandre Rodtchenko. « Le Dnieprostroï » de Dormidonov et « Le Kouznetstroï » de Kotov pourraient être cités, et beaucoup d’autres encore. L’exemple le plus extraordinaire étant peut-être le tableau d’Isaac Brodski intitulé « Discours de V.I. Lénine à l’usine Poutilov en mai 1917 » peint en 1929, un an après la publication du texte de Volkov-Lannit, montrant que les craintes de ce dernier étaient fondées. Si d’ordinaire les photographes ont cherché à faire aussi bien que les peintres, dans cet exemple précis, le peintre a sans aucun doute cherché à faire aussi bien qu’un photographe. En regardant les centaines de visages représentés avec une précision extrême, on ne peut manquer de se poser la question du sens de cette « peinture photographique ». Quel pouvait être l’intérêt pour un peintre de passer des heures à faire ce qu’un photographe pouvait réaliser en une seconde ? Quel pouvait être, pour le public, l’intérêt de contempler une telle peinture ? Le même probablement que celui qui nous pousse parfois à préférer un produit fait à la main à un produit fabriqué en série. D’autre part, ce travail patient, presque religieux, sacralisait la scène, la glorifiait, alors que la photographie n’avait fait que la saisir. La peinture « oublie » ce qui n’est pas indispensable, alors que la photographie capte des éléments imprévus.

Position du pouvoir face à l’Association des peintres de la Russie révolutionnaire (AKhRR)

38Il est tout à fait certain que cet art réaliste correspondait aux vœux du pouvoir. Lénine avait souvent montré qu’il était radicalement hostile aux expérimentations tapageuses de l’avant-garde, lui qui voulait « trouver des antifuturistes fiables52 » et ne reconnaissait que les formes d’art aisément compréhensibles. Anatoli Lounatcharski, beaucoup plus éclectique dans ses goûts, apporta tout de même son soutien aux peintres de l’AKhRR : « Il est plus important à l’heure actuelle de poser les problèmes généraux qui tourbillonnent autour de l’AKhRR que d’énumérer les tableaux et les peintres53 », et dans son discours à l’inauguration de l’exposition « Vie et mode de vie des peuples de l’URSS » il parla de « Fête populaire54 ». Des aides financières du gouvernement étaient allouées pour la préparation des expositions, et certains peintres furent honorés d’une reconnaissance officielle. Nikolaï Kassatkine reçut le titre d’artiste populaire de la république. Nous savons que le Conseil central de l’Union des syndicats acheta plusieurs de ses œuvres pour le musée du travail et celles-ci furent transférées plus tard au musée de la révolution.

39Le Glavpolitprosvet suggérait les thèmes d’exposition, comme « Vie quotidienne des travailleurs » en 1922 pour le cinquième congrès des syndicats, « L’armée Rouge » en 1923 où l’on put admirer « Le bolchevik » de Koustodiev, « Révolution, vie quotidienne et travail » en 1925, « Les dix ans de l’armée Rouge » en 1928, mais les peintres l’acceptaient et le public s’y pressait. Si les excursions organisées expliquent le très grand nombre de visiteurs (jusqu’à 65 000 selon Kniazeva pour « Révolution, vie et travail »), l’hypothèse que cette peinture qui mettait en scène la vie quotidienne, les intérieurs d’usine, les héros, ait trouvé un écho favorable dans la population reste plausible.

40L’AKhRR posait un vrai problème aux constructivistes du Front gauche de l’art, car non seulement sa peinture œuvrait sur le même terrain, mais elle étendit son champ d’action aux textiles, aux arts décoratifs, aux arts appliqués. En 1928, l’association changea de nom pour devenir Association des artistes de la révolution l’AHR qui dès 1929 publia un journal Iskusstvo v massy [L’Art vers les masses] ; elle subsista jusque en 1932 et applaudit à l’annonce du réalisme socialiste comme modèle de l’art. L’appui indéniable du pouvoir a fait dire à tout le monde que les artistes de l’AKhRR étaient à la botte du pouvoir. Ils l’étaient. Mais ils l’étaient de leur plein gré, et ce point essentiel gouverne l’esthétique de cette période.

Position des défenseurs de la photographie sur l’Association des peintres de la Russie révolutionnaire (AKhRR)

41À maintes occasions, les représentants de l’avant-garde ne ménagèrent pas leurs moqueries : « À quoi bon les Ambulants quand on a Kodak55 ? » disait Ossip Brik, et Vladimir Maïakovski ajoutait que « Pour donner l’alarme, on met une sirène dans une automobile, on n’y installe pas un sauvage antédiluvien pour qu’il hurle56 ». En 1930, Lev Mejeritcher s’obstinait à penser que la peinture n’avait aucun avenir, et que l’avenir appartenait à la photographie. Selon lui, l’art dit de gauche était révolutionnaire, mais pas prolétarien, le réalisme n’avait pas su attirer les masses, et l’AHR était un échec. « L’AHR s’épuise, elle n’a pas créé de style, elle a seulement prouvé qu’avec les moyens du réalisme primitif on ne peut pas refléter le matériau gigantesque de la période contemporaine57. » Aucun art ne pouvait être plus réaliste que la photographie. Il empruntait lui aussi des qualificatifs empruntés au vocabulaire médical : « Ce n’est pas une maladie infantile que traverse la peinture, c’est de la dépression sénile. Pour elle, la lutte pour le style est désespérée… la peinture va mourir58. » Il démontrait ensuite que les théories utilitaristes étaient déjà présentes chez Tchernychevski en des termes très clairs : « Le beau c’est la vie. » Ce fut sans doute un des derniers discours enflammés destinés à montrer de façon militante et passionnée, la supériorité de la photographie sur la peinture.

42Pourtant, à l’occasion de débats théoriques sur la photographie organisés à Leningrad en 1936, le problème de l’opposition à la peinture fut encore évoqué. I. Loukianov en fit état dans un compte-rendu publié dans le journal Sovetskoe Foto où il raconta qu’il avait été question des différences dans le processus de création chez le peintre, le dessinateur, et le photographe. Mitskevitch, un ancien élève de Malevitch, avait confessé son passé en ces termes : « Sous l’influence de mon maître Malevitch, je me suis passionné pendant un certain temps pour le cubisme formaliste. Mon travail à Soyouzfoto m’a aidé à guérir artistiquement59. » Mais les voix vengeresses à l’égard de la peinture s’apaisèrent, et il devint généralement admis que celle-ci pouvait servait de modèle à la photographie et non l’inverse.

Position des autres reporters soviétiques. Évolution du discours des photographes sur la peinture

43En dehors du cercle bruyant, mais assez restreint du Front gauche de l’art, les opinions sur la peinture étaient beaucoup plus nuancées. Semion Friedland, l’un des membres fondateurs de l’Association russe des photographes prolétariens, la ROPF, estimait qu’il ne fallait pas la rejeter en bloc. ÀAlexandre Rodtchenko qui se moquait du photographe Anatoli Skourikhine, fidèle visiteur de la galerie Tretiakov, il rétorquait :

On peut aussi apprendre des choses à la galerie Tretiakov. On peut y trouver autant que chez Rodtchenko. Et comment assimiler cette riche expérience de la peinture, ce qu’il faut en apprendre et ce qu’il faut en rejeter, voilà ce que Skourikhine et nous tous sommes en droit d’attendre d’Alexandre Mikhaïlovitch60.

44Dans une description des vitrines de studios photographiques à Moscou en 1934, Vladimir Grichanine glissait l’idée que l’incompétence d’un grand nombre de photographes était due au fait qu’ils n’avaient aucune connaissance des arts et notamment de la peinture.

La compétence artistique du photographe n’est guère plus élevée que celle du… coiffeur [...]. Des gens privés de la plus élémentaire formation artistique et qui n’ont pas vu ou ne connaissent ni la peinture ni les meilleurs travaux des maîtres de leur corporation [...]. Bien sûr, les lois de la peinture ne sauraient être transposées totalement en photographie, mais l’immense majorité des procédés de composition et de tons peut être reprise.

45Il poursuivait en précisant qu’il fallait organiser « des échanges d’expériences en étudiant la peinture, la sculpture et le reportage photographique61 ».

46Le photographe P. Lelioukhine rapporta dans les colonnes du journal Sovetskoe foto en 1938 une de ses conversations avec le peintre Ilya Répine au cours de laquelle celui-ci lui prodigua des conseils qu’il aurait très bien pu donner à un jeune peintre (il s’agissait d’une photographie un peu inhabituelle de la statue de Pierre le Grand prise du jardin Alexandrov) :

Regardez, me dit Ilya Efimovitch, que voyons-nous sur la photographie ? Des buissons au premier plan, mon œil distingue nettement chaque petite feuille et on peut compter toutes les nervures sur les feuilles. Nous voilà bien avancés ! Qu’est-ce qu’on voit dans la nature quand on regarde ce même paysage ? On ne voit qu’une tache verte d’où émerge la silhouette de Pierre sur son cheval. On ne voit pas de feuilles et encore moins les nervures. Les détails secondaires ont estompé le contenu essentiel de la photographie. En effet, il ne faut pas du tout photographier ce que voit l’objectif, mais ce que voit notre œil, ce que l’artiste a voulu exprimer62.

47Les lecteurs étaient invités à partager le bien-fondé de la critique d’Ilya Répine et il était tout à fait clair que le peintre avait tout à apprendre au photographe, que dans la hiérarchie des arts la peinture arrivait au premier rang. « J’ai commencé à faire un vrai travail sur moi-même pour mettre en pratique les préceptes du grand maître, d’autant plus qu’au fond de moi je les partageais63 » disait P. Lelioukhine pour conclure.

48En 1940 L. Kristi montra que le peintre I.N. Kramskoï avait beaucoup oeuvré pour donner à la photographie ses lettres de noblesse et que parmi les meilleurs portraits de Dostoïevski, il en avait retenu deux : celui du peintre Perov, et celui du photographe Panov. En pointant l’intérêt d’un peintre incontesté pour la photographie, l’auteur de l’article cherchait peut-être à donner une petite leçon aux peintres soviétiques, et c’est intéressant, car cela sous-entend que ceux-ci se croyaient en terrain conquis.

Il est difficile de méconnaître ces déclarations de I.N. Kramskoï à propos de la photographie, surtout si l’on a en mémoire le moment où cela a été écrit, ainsi que le fait que même de nos jours avec certains peintres on peut encore tomber sur une attitude seigneuriale méprisante à l’égard de la photographie qu’on considère comme un art de « troisième catégorie »64.

49Le peintre Igor Grabar en 1941 soulignait le même phénomène :

En général, nous les peintres, nous n’aimons pas assez la photographie. Je dirais même plus, nous nourrissons à son égard de mauvais sentiments qui se transforment parfois en haine. Mais il faut avouer honnêtement que la photographie en tant que telle n’en est pas responsable. Ce n’est pas de sa faute si certains peintres, obligés de se servir du matériau photographique pour leurs tableaux, ne savent pas en utiliser les aspects les plus précieux, et reproduisent dans leur art ses caractéristiques négatives.

50Il ajoutait qu’il n’y avait pas lieu d’opposer la photographie à la peinture, que chacune avait son style et sa fonction, et qu’il y avait des passages de l’une à l’autre.

La photographie a ses lois, et la peinture a les siennes. Ce qui est bien pour la photographie ne vaut rien en peinture et réciproquement. Le peintre qui dans son oeuvre imite la photographie cesse d’être un artiste, et le photographe qui essaie de remplacer la photographie par ce qui lui semble être de l’art, en suivant des directions trompeuses, n’obtient ni une bonne photographie professionnelle ni une œuvre authentiquement artistique imitée de la peinture65.

51Il faut souligner que même s’il reconnaissait la valeur de la photographie (et il l’a souvent montré), le ton était un peu condescendant.

52Bien qu’elle fît grand bruit, l’opposition entre la peinture et la photographie se résume à une brève parenthèse dans l’histoire de l’art soviétique. Nous observons aux alentours de 1928, une volonté de faire de la photographie un nouveau modèle de l’art, mais l’utopie fut de courte durée. La peinture continua d’occuper toute sa place. Il est vrai que la campagne de dénigrement dont elle était l’objet était orchestrée par d’anciens peintres. « Les anciens moines sont les anticléricaux les plus féroces » disait Ossip Brik en évoquant les positions d’Alexandre Rodtchenko. C’est une boutade qu’on peut parfaitement comprendre, mais il existait peut-être d’autres raisons moins amusantes. Le vocabulaire employé par les théoriciens de cette époque est très curieux, il évoque souvent la maladie, la mort. Les mots « contagion », « foyers d’infection », « fossoyeurs de pinceaux », trahissent une peur diffuse. Celle d’être classés parmi les parasites. Ossip Brik disait : « Le bottier fait des bottes, le menuisier fait des tables, l’artiste lui ne fait rien66. » D’autre part, dans les années qui ont immédiatement suivi la révolution, le marché de l’art était fortement compromis, et il est raisonnable de penser que certains aient imaginé une reconversion salvatrice.

53L’entretien accordé par Kandinski à C. A. Julien le 10 juillet 1921, est fort intéressant à cet égard, car il faisait allusion aux conditions matérielles difficiles, notamment l’obligation de travailler qui réduisait évidemment le temps consacré à la création :

Ce qui manque ici, ce sont les possibilités de produire. Nous sommes tous tenus à un travail officiel. Nous avons demandé à Kroupskaïa la possibilité de travailler dans notre profession. Nous faisons métier de professeur. Moi, pendant trois ans, j’ai travaillé à faire plus de trente musées de province. Ce qui est tout à fait pénible, c’est la paperasserie. Nous devons tenir des comptes en règle, justifier l’argent dont on a besoin.

54Le problème de la clientèle se posait réellement

Les tableaux : l’État en achète et aussi les particuliers, ceux-ci, surtout les peintres morts. On paie 300 000 roubles. On fixe la taxe d’après le nombre d’heures employées à la conception du tableau, son esquisse, son exécution. C’est la prime aux médiocres, on abaisse les grands. Un dessin pour une tasse se paie 30 000 roubles, quel qu’en soit l’auteur. La plupart des peintres font du travail pour vivre : affiches, etc. [...] Les gens qui se sont enrichis n’achètent pas des tableaux, mais des bas de soie, des bibelots.

55L’encadrement était contraignant : « L’Union professionnelle comprend tous les artistes de toutes catégories. C’est elle qui fixe les prix. Les grands peintres ne travaillent plus au présidium67. » Varvara Stepanova notait dans son journal intime le 11 janvier 1919, qu’Alexandre Rodtchenko avait provoqué Lentoulov en disant « l’art et les artistes se trouvent dans une situation catastrophique dans la RSFSR68 ». Elle poursuivait le 12 janvier en ajoutant : « Lorsqu’ils vendent leurs œuvres, les artistes ont peur de demander de l’argent, on a l’impression qu’ils les vendent en cachette, sous le manteau69 », et elle apportait une précision tout à fait intéressante :

Il faut rappeler que lorsque le Syndicat des artistes a fixé les prix des tableaux, son objectif n’était pas de savoir combien devait coûter une œuvre aujourd’hui, mais avait en vue le fait que le ministère allouait trois millions de roubles et qu’avec cette somme il fallait acheter au minimum deux cents œuvres70 !

56Étant passée, à la fin de cette même lettre, à des considérations théoriques sur l’esthétique, elle soulignait que Kandinski ne se renouvelait pas, contrairement à Alexandre Rodtchenko : « Anti imagine toujours quelque chose d’extraordinaire » et parmi ces choses extraordinaires, elle notait : « Il sait que la peinture de chevalet a fait son temps et que le moment est venu de trouver de nouveaux moyens d’expression en art, des moyens autres que la toile et les pinceaux. » Même s’il échappait totalement à Varvara Stepanova, comment ne pas voir le lien évident entre la première partie de la lettre et la deuxième ?

57Le rejet de la peinture était donc un phénomène complexe qui n’était pas motivé par la seule supériorité de la photographie, et le discours batailleur en faveur de celle-ci n’émanait pas comme nous pourrions le penser, des couches populaires, longtemps laissées à l’écart des questions artistiques, mais des gens du sérail. Leur révolte contre la peinture n’était sans doute pas aussi violente qu’ils le disaient ou l’écrivaient. En revanche, les critiques acerbes à l’encontre de l’AKhRR peuvent s’interpréter comme une peur face au déferlement du goût populaire. Il est par ailleurs assez troublant de constater que les discours théoriques sur la photographie atteignent leur apogée en 1928. Or, c’est en août 1928 que fut ratifié le décret sur les correspondants photographes, les Fotokors, qui allaient chacun sur leur lieu de travail ou dans leur village, mettre la vie en images. La photographie allait être mise entre les mains du peuple, c’était peut-être là le vrai danger, et il fallait d’urgence définir ce qu’était l’art photographique original.

Notes de bas de page

1 Mejeritcher Lev, « K voprosu ob iskusstve sovremennosti », [ « Le problème de l’art aujourd’hui »], in Sovetskij fotografičeskij al’manah, Moscou, Ogonëk, 1930, p. 85.

2 Tchebotaev, « Koe-čto o hudožestvennoj svetopisi » [ « Quelques mots sur la photographie d’art »], in Fotograf, 1928, no 1-2, p. 6.

3 Volkov-Lannit Leonid Filippovitch, « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], in Novyj Lef, no 11, 1928, p. 28-35.

4 Trochine Nikolaï, « O fotokul’ture » [ « La culture photographique »], in Sovetskoe Foto, no 12, 1927, p. 372-373.

5 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Puti sovremmenoj fotografii » [ « Les voies de la photographie contempraine »], in Novyj Lef, no 9, 1928, p. 31-39.

6 Volkov-Lannit Leonid Filippovitch, « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], op. cit.

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Brik Ossip Maximovitch, « Ot kartiny k foto » [ « Du tableau peint à la photo »], in Novyj Lef, no 3, 1928, p. 30.

10 Ibid.

11 Ibid.

12 Ibid.

13 Mejeritcher Lev, « K voprosu ob iskusstve sovremennosti » [ « Le problème de l’art aujourd’hui »], in Sovetskij fotografičeskij al’manah, Moscou, Ogonëk, 1930, p. 60.

14 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Zapisnaâ knižka » [ « Bloc-note »], in Novyj Lef, no 6, 1927, p. 3.

15 Volkov-Lannit Leonid Filippovitch, « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], op. cit.

16 Arvatov Boris, « Sovremennyj hudožestvennyj rynok i stankovaâ kartina » [ « Le marché de l’art contemporain et la peinture de chevalet »], in Novyj Lef, no 2, 1928, p. 7-11.

17 Ibid.

18 Arvatov Boris, « Počemu ne umerla stankovaâ kartina » [ « Pourquoi la peinture de chevalet n’est pas morte »], in Novyj Lef, no 1, 1927, p. 38-41.

19 Mejeritcher Lev, « K voprosu ob iskusstve sovremennosti » [ « Le problème de l’art aujourd’hui »], op. cit., p. 78.

20 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Puti sovremmenoj fotografii » [ « Les voies de la photographie contempraine »], op. cit.

21 Volkov-Lannit Leonid Filippovitch, « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], op. cit.

22 Mejeritcher Lev, « K voprosu ob iskusstve sovremennosti » [ « Le problème de l’art aujourd’hui »], op. cit., p. 78.

23 Chklovski V., « Sergej Eisenstein i neigrovaâ fil’ma » [ « Serge Eisenstein et le film non joué »], in Novyj Lef, no 4, 1927, p. 34-35.

24 Brik Ossip Maximovitch, « Čego ne vidit glaz » [ « Ce que l’oeil ne voit pas »], in Sovetskoe Kino, no 2, 1926, p. 22-23.

25 Kourella Alfred, « O vystavke AKHR, gde že obraz sovremennosti ? » [ « À propos de l’exposition de l’AKHR, où est la représentation de notre époque ? »], in Daëš, no 4, 1929, p. 24.

26 Volkov-Lannit Leonid Filippovitch, « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], op. cit., p. 28-36.

27 Novyj Lef, no 12, 1928, p. 41-42.

28 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Zapisnaâ knižka » [ « Bloc-note »], op. cit., p. 3-7.

29 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Puti sovremmenoj fotografii » [ « Les voies de la photographie contempraine »], op. cit.

30 Asseev Nikolaï, « S devâtogo etaža, o novom vzglâde na mir » [ « Le monde vu du neuvième étage, nouveau regard »], in Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, Stat’i, vospominaniâ, avtobiografičeskie zapiski, pis’ma [Articles, souvenirs, notes autobiographiques, lettres], Moscou, Sovetskij hudožnik, 1982, p. 129.

31 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Zapisnaâ knižka » [ « Bloc-note »], op. cit., p. 3-7.

32 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Predostereženie » [ « Avertissement »], in Novyj Lef, no 11, 1928.

33 Kovtoune Evgueni, L’Avant-garde russe dans les années 1920-1930, Bournemouth, Parkstone-Aurora, 1996, p. 152.

34 Nikolaï Fiodorov (1828-1903).

35 Marcadé Jean-Claude, L’Avant-garde russe, Paris, Flammarion, 1995, p. 354.

36 Kovtoune Evgueni, L’Avant-garde russe dans les années 1920-1930, op. cit., p. 14.

37 Ibid., p. 113.67

38 Kaufmann Pierre, L’Expérience émotionnelle de l’espace, Paris, J. Vrin, 1967 cité par Michel Melot, L’Œil qui rit, le pouvoir comique des images, Fribourg, Office du livre, 1975, p. 11.

39 Kandinski Vassili, Regards sur le passé et autres textes 1912-1922, édition établie et présentée par Jean-Paul Bouillon, Paris, Hermann, 1974, p. 101.

40 Stepanova Varvara, Čelovek ne možet zit’ bez čuda [L’Homme ne peut vivre sans miracle], Moscou, Sfera, 1994, p. 114.

41 Réau Louis, L’Art russe, Paris, H. Laurens, 1922 ; Verviers/Paris, Gérard et Cie/l’Inter, 1968 (rééd.), « t. III. Le classicisme, le romantisme, le xxe siècle », p. 222.

42 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Puti sovremmenoj fotografii » [ « Les voies de la photographie contempraine »], op. cit., p. 31-39.

43 Rodtchenko Alexandre Mikhaïlovitch, « Protiv summirovannogo portreta, za momental’nyj snimok » [ « Contre le portrait-type et pour la photographie instantanée »], in Novyj Lef, no 4, 1928, p. 14.

44 Brik Ossip, « Fotokadr protiv kartiny » [ « La photographie contre le tableau »], in Sovetskoe Foto, no 2, 1926, p. 40-42.

45 Volkov-Lannit Leonid Filippovitch, « Fata na foto » [ « Voile sur la photo »], op. cit.

46 Novitski Piotr Karlovitch, « Programme de la section photographique de l’association Octobre », in Izofront, Moscou/Leningrad, Ogiz/Izogiz, 1931, p. 149.

47 Ibid., p. 210.

48 Kniazeva Valentina Pavlovna, AKhRR, Leningrad, Hudožhnik RSFSR, 1967, p. 29.

49 Tougendkhold Yakov, « Dela hudožestvennye » [ « Affaires artistiques »], in Novyj Mir, no 4, 1926, p. 158.

50 Tugendholdyakov, « O sovremennoj živopisi (AHRR i OST) », in Novyj Mir, no 6, 1926, p. 167.

51 Ibid.

52 Bor’ba za realizm v izobrazitel’nom iskusstve dvadcatyh godov [La Lutte pour le réalisme dans les arts plastiques des années vingt], Moscou, Sovetskkij hudožnik, 1962, p. 6.

53 Ibid., p. 365, cité par Valentina Pavlovna Kniazeva, AKhRR, op. cit., p. 24.

54 Kniazeva Valentina, AKhRR, op. cit., p. 34.

55 Gorodetski Sergueï, « Hudožestvennaâ žizn’ Moskvy » [ « La vie artistique de Moscou »], in Novyj Mir, no 1, 1922, p. 174-185.

56 Ibid.

57 Mejeritcher Lev, « K voprosu ob iskusstve sovremennosti » [ « Le problème de l’art aujourd’hui »], op. cit., p. 47.

58 Ibid.

59 Loukianov I., « Discussions théoriques », in Sovetskoe Foto, no 8, 1936, p. 7.

60 Friedland Semion Ossipovitch, « Trevožnye signaly » [ « Signal d’alarme »], in Sovetskoe Foto, no 5-6, 1936, p. 26.

61 Grichanine Vladimir, « Potoki vul’garŝiny » [ « Des torrents de vulgarité »], in Sovetskoe Foto, no 2, 1934, p. 21-22.

62 Lelioukhine P., « I. E. Repin o fotografii kak iskusstve » [ « I. E. Répine et la photographie en tant qu’art »], in Sovetskoe Foto, no 14, 1938, p. 21.

63 Ibid.

64 Kristi L., « I. N. Kramskoj i fotografiâ » [ « I. N. Kramskoï et la photographie »], in Sovetskoe Foto, no 7, 1940, p. 14.

65 Grabar Igor, « Fotografiâ i živopis’ » [ « La photographie et la peinture »], in Sovetskoe Foto, no 4, 1941, p. 8.

66 Brik Ossip Maximovitch, Izobrazitel’noe iskusstvo, 1919.

67 Kandinski Vassili, Regards sur le passé et autres textes 1912-1922, op. cit., p. 235.

68 Stepanova Varvara, Čelovek ne možet zit’ bez čuda [L’Homme ne peut vivre sans miracle], op. cit., p. 93.

69 Ibid., p. 94.

70 Ibid.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.