Partie 3 : Espèce, individus, personnes

1À quelle échelle se placer pour obtenir de l’humain la vue la plus juste ? Est-ce celle de l’espèce, qui nous assure de l’universalité requise pour appréhender l’humain dans son concept ? C’est à cette échelle, en effet, que se place l’anthropologie philosophique, bien que celle-ci ne nous parle pas de l’humain comme Homo sapiens, mais comme créature déficiente, dans la perspective d’une anthropologie négative. Ou bien l’échelle la plus pertinente est-elle celle de l’individu ? On peut en effet considérer que l’humain n’a de sens que dans son existence singulière, subjectivement vécue. Traditionnellement, pourtant, l’individu est réputé échapper à la connaissance scientifique : à quelles conditions une anthropologie de l’individu est-elle possible ?

2On peut toutefois objecter que ni l’espèce, ni l’individu ne suffisent à appréhender l’humain dans ce qui le caractérise en propre : seul le concept de personne permettrait de reconnaître l’humain dans sa dignité, conformément à l’humanisme des Lumières porté par la philosophie de Kant. Ainsi, appréhender l’humain en tant qu’individu, c’est le reconnaître comme une personne. Mais alors, comment définir le concept de personne ? La narration de soi, c’est-à-dire la capacité de l’individu à raconter sa propre histoire, semble jouer ici un rôle majeur. Est-ce à dire qu’elle joue, pour chacun, un rôle constitutif dans ce que nous sommes ? Ou bien la narration permet-elle de nous reconnaître en tant qu’humains, c’est-à-dire non pas seulement comme des membres d’une même espèce biologique, mais en tant que véritables personnes ?