La séparation des enfants anormaux
p. 335-358
Texte intégral
Je me suis fait un serment ; entre toutes les nécessités du temps présent, entre tous les problèmes, j’en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j’ai d’intelligence, tout ce que j’ai d’âme et de cœur, de puissance physique et morale, c’est le problème de l’éducation du peuple.
Jules Ferry, De l’égalité d’éducation, conférence, Paris, avril 1870.
1La question de l’assistance obligatoire aux enfants idiots est largement débattue dans les années 1900. Mais par un retournement singulier, les attentions vont se porter sur les seuls enfants arriérés scolaires. Bourneville qui avait lancé le mouvement de création des classes de perfectionnement, va être victime de son investissement. L’orientation prise alors amène à un déplacement de la prise en charge médico-pédagogique (de l’asile et de l’éducation de l’enfant malade) vers une orientation psycho-pédagogique (de l’école et du comportement scolaire). Le développement de la psychologie à travers l’action de ses promoteurs, permet d’opérer une distinction entre pathologie mentale (idiotie) et anomalie mentale (débilité). Ces derniers vont fournir les critères scientifiques du repérage des états inférieurs des enfants anormaux sous la forme d’un instrument de mesure de l’intelligence par le biais de tests de type scolaire. C’est dans ce contexte que les travaux de la commission Bourgeois aboutissent au vote de la loi de 1909 relative à la création de classes et d’écoles de perfectionnement. À partir de cette date, seuls les enfants dits arriérés présentant un retard scolaire pourront bénéficier d’une prise en charge scolaire dans ces classes et écoles de perfectionnement de la République. Suite à cette décision, les enfants idiots vont être délaissés et le modèle médico-pédagogique asilaire va progressivement disparaître au profit d’une prise en charge essentiellement médicale et d’assistance. Ce modèle médico-pédagogique réapparaîtra sous une nouvelle forme avec l’institutionnalisation progressive (à partir de 1943) d’un champ de l’enfance inadaptée.
Du médico-pédagogique au psycho-pédagogique
2Comme nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage, la prise en charge éducative et scolaire des enfants idiots dans le premier quart du xixe siècle est à l’initiative d’un groupe d’aliénistes réformateurs. Bourneville, en tête de ce mouvement, poursuit et intensifie cet engagement et, à partir des années 1882, il est le premier à agir en faveur de la création de classes spéciales1. Il s’agit alors pour ce médecin d’élargir le mouvement d’institutionnalisation médico-pédagogique. Il attribue aux classes spéciales les mêmes fonctions que l’asile-école et souhaite pour ces nouvelles structures l’emploi des méthodes médico-pédagogiques. Seule différence, les classes spéciales seraient hors des murs de l’asile. À la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, sa demande est reprise par des médecins, par des instituteurs spéciaux en charge des enfants sourds, aveugles ou idiots, l’administration de l’Instruction publique et finalement les pouvoirs publics à travers la commission Bourgeois. La campagne qui se développe alors procède d’un investissement de l’école par les spécialistes : enquêtes sur les anormaux des écoles, faites ou demandées par des médecins ; vœux des grandes associations philanthropiques ou scientifiques (sur la demande des médecins ou des enseignants spécialisés)2. À partir des années 1898-1900, l’axe de l’argumentation se déplace désormais sur le terrain de la scolarité. La référence n’est plus l’asile mais l’école. Dès lors, les initiatives se multiplient. En 1899, M. Faillet, conseiller général de la Seine, propose la création « d’un internat pour les enfants débiles et irréguliers », c’est-à-dire « les enfants venus dans des conditions physiques et intellectuelles incomplètes, mal équilibrés et vivant dans un milieu familial défavorable. Dans certaines de nos écoles ils sont vingt pour cent3 ! » En 1900, Louis Bédorez, directeur de l’enseignement primaire de la Seine (futur membre de la commission Bourgeois), envisage la création d’un internat pour les enfants atteints de dégénérescence partielle et encore susceptibles de guérison. Il propose également « un projet et un programme » qui « conclut à l’établissement d’un nouvel institut consacré à l’éducation des enfants anormaux, débiles de l’intelligence ou de la volonté, c’est-à-dire à ce qu’on appelle, en pédagogie, les arriérés et les instables4 ». À la même époque, s’intéressant aux anormaux scolarisés, certains médecins prennent le comportement scolaire pour point de départ de leurs descriptions. Ils appliquent à ce comportement l’approche médico-légale qui analyse certaines conduites (vagabondage, crime) comme symptômes de maladie. De nouveaux termes apparaissent : écoliers anormaux, arriérés, instables, arriérés scolaires, etc. Un courant se développe qui tend à isoler le comportement scolaire comme critère d’anormalité. Binet et Simon s’inscrivent dans ce mouvement, lorsqu’ils distinguent anormaux d’asile ou d’hospice et anormaux d’école primaire5. Jean Philippe (1862-1931), chef des travaux au laboratoire de psychologie physiologique dirigé par Henry Beaunis (1830-1921)6 et Guy Paul-Boncour7, médecin interne de Bourneville, donnent les premières descriptions d’anormaux dont la « difficulté d’adaptation à l’école » est le symptôme principal8. Pour eux, l’école sert de réactif et de révélateur aux anomalies mentales9. Ils analysent certaines conduites comme symptômes de maladies et créent de nouveaux termes : on ne parle plus d’enfants, mais d’élèves ou d’écoliers anormaux (arriérés, instables), arriérés scolaires. Ils ouvrent en 1902, à la mairie du Ve arrondissement de Paris (le même arrondissement où Bourneville était député jusqu’en 1895), une « clinique médico-pédagogique » pour l’examen des « écoliers mentalement anormaux » dont ils présentent leurs travaux à la société de psychologie de l’enfant. Paul-Boncour et Philippe, dans leur livre publié en 1905, inscrivent leur démarche dans un ensemble de questions plus vastes autour du vagabondage, de la morale et de la criminalité juvénile : « L’étude des anomalies mentales chez les écoliers intéresse à la fois, quoique à différents titres, le médecin, l’éducateur et le criminaliste. » Un courant qui va prendre de l’ampleur en psychiatrie infantile après la Première Guerre mondiale10. Comme nous l’avons indiqué, au milieu du xixe siècle, certains aliénistes avaient développé des théories similaires en associant enfants idiots et criminels de bagnes. Félix Voisin, avait mené des recherches sur ce sujet en phrénologie pour tenter de trouver des similitudes concernant les stigmates encéphaliques11. La théorie de Morel sur les dégénérescences reprend ce discours et on trouve à la fin du xixe siècle de nombreux ouvrages qui associent différentes populations : « dégénérescence et goitre », « dégénérescence et neurasthénie », « dégénérescence et prison », « dégénérescence et criminalité », « dégénérescence et génie », etc.12
3Les spécialistes en psychologie de l’enfant se regroupent autour de Ferdinand Buisson dans cette société, la SLEPE (créée en 1899). Les membres de cette dernière sont alors préoccupés par des problèmes de pédagogie rencontrés par les enseignants dans le cadre de l’Instruction publique et essentiellement du point de vue de l’indiscipline scolaire13. Ils s’intéressent aux enfants indisciplinés ou vicieux et à la moralité à l’école. Philippe propose à la société de s’interroger sur les enfants « devenus subitement indisciplinés pour cause le plus souvent d’ordre physiologique ». Le portrait de l’instable14 condense l’ensemble des défauts évoqués dans les enquêtes, d’où le côté insupportable de sa présence dans les écoles. Dans l’espace scolaire, l’enfant arriéré est plutôt jugé sympathique, « sa morale n’est que de surface », « toute verbale » et « autant qu’il soit possible de juger la moralité dans les natures dont le niveau intellectuel est si inférieur15 ». L’enfant instable et l’enfant arriéré, chacun avec ses spécificités, mettent en échec le processus d’inculcation de la morale diffusée par l’école. Toutefois, les instituteurs distinguent les enfants arriérés des autres, essentiellement au vu de leurs mauvais résultats scolaires. Ils ne les considèrent pas comme des anormaux16. De son côté, à la même époque, Bourneville décrit peu de traits comportementaux qui peuvent apparaître comme des symptômes pathologiques. L’enfant arriéré présente alors la forme la plus atténuée et la moins globale de la pathologie qui se réduit, lorsque celui-ci ne présente pas de troubles associés, à la seule déficience des fonctions intellectuelles17. Il s’agit d’un glissement de la notion d’arriération vers des enfants de moins en moins malades voire pas du tout malades. On assiste au passage de l’enfant arriéré du champ médical vers le champ scolaire.
4Lorsque la commission Bourgeois est créée en 1904, la séparation des anormaux est déjà faite : « M. le ministre de l’Instruction publique, par décision du 4 octobre 1904, nomma une commission interministérielle chargée de rechercher les conditions dans lesquelles l’instruction primaire et l’enseignement professionnel pourraient être assurés aux arriérés et instables perfectibles, les enfants trop atteints dits anormaux médicaux devant rester dans les asiles hospitaliers dépendant de l’Assistance publique18. » Baguer, membre acteur des deux sous-commissions (enquête et projet pédagogique) indique que l’école « ne peut être obligatoire qu’à la condition de ne recevoir que les enfants normaux, sains de corps et d’esprit, pouvant acquérir une suffisante moyenne d’instruction primaire en suivant les programmes de tous, sans entraver ni retarder le développement intellectuel de leurs condisciples19 ». L’un des rapports de la sous-commission pédagogique va proposer « tout un plan d’organisation scolaire » qui va porter sur les seuls enfants arriérés et instables : « Nous éliminerons également ici les idiots20. » Cet arriéré, aux franges de la normale, qu’aucun comportement ne désigne de façon évidente comme pathologique, est la préfiguration de ce pseudo-malade que vont inventer Philippe et Paul-Boncour et à qui Binet et Simon vont accorder une place majeure, sous le nom d’arriérés d’école. Le xxe siècle est alors marqué par le développement d’un processus psycho-pédagogique scolaire des enfants anormaux. Ce processus se développera particulièrement, dans les années 1960, autour de la question de l’échec scolaire.
La mesure de l’intelligence scolaire comme indicateur de séparation
5En 1904, les membres de la commission Bourgeois décident de commencer le travail par une statistique des enfants arriérés et anormaux qui existent actuellement en France21. Lors des différentes réunions, Binet souligne « la nécessité de méthodes scientifiques pour reconnaître les anormaux22 ». Lorsque l’enquête est mise en place en 1905, l’objectif est clair : il faut aboutir à des mesures scolaires. D’abord, il s’agit de séparer les enfants qui peuvent bénéficier de l’obligation scolaire sans aménagement de leur scolarité de ceux qui nécessitent des mesures spéciales dont on veut évaluer l’ampleur. Sont exclus de cette approche les individus sourds et aveugles et certains enfants qualifiés d’anormaux médicaux dont le handicap est clairement connu. En 1908, à la chambre des députés, Fernand Rabier affirme que « sous la dénomination d’anormaux médicaux », la commission a « précisément repoussé » les enfants « pour lesquels l’hospice doit remplacer l’école ». Selon Baguer, la commission « décida tout d’abord de laisser aux asiles de l’Assistance publique […] les sujets trop profondément atteints pour que la médico-pédagogie puisse les rendre jamais à l’utilisation sociale23 ». Ce discours est repris par l’inspecteur général de l’Instruction publique, Marcel Charlot :
Sans doute, notre commission avait surtout à se préoccuper des arriérés, des instables, des enfants atteints de cécité ou de surdité-mutité, de ceux en un mot qu’une pédagogie spéciale peut amener au niveau commun, ou du moins en rapprocher. Mais les catégories inférieures sur lesquelles je viens de jeter un coup d’œil, et dont une de nos sous-commissions s’occupe d’ailleurs tout particulièrement, nous ont singulièrement émus et troublés24.
6L’instruction des enfants idiots dans le champ scolaire est donc écartée. C’est Binet et Simon qui vont mettre en place l’instrument de sélection entre les anormaux de l’asile et ceux de l’école. Ce sujet est mis à l’ordre du jour de la commission des anormaux de la SLEPE en 1904 par Binet : « La question de savoir par quels signes on peut distinguer les enfants normaux et les enfants anormaux25. » Ce sont tout d’abord Philippe et le médecin Paul-Boncour qui s’attachent à faire une distinction entre ceux qui relèvent de l’école et ceux qui relèvent de l’asile26. Ces derniers cherchent avant tout à caractériser par une analyse médico-pédagogique, Les anomalies mentales chez les écoliers, titre de leur livre paru en 1905. Ils distinguent ceux qui le sont à la suite d’une infirmité de certains centres nerveux. Ces derniers présentent des troubles du développement intellectuel ou moral qui les rendent incapables de s’adapter au milieu dans lequel ils doivent vivre régulièrement27. Les auteurs appuient leurs travaux sur la classification (idiots, arriérés et instables) élaborée par Bourneville en 1896, en distinguant deux groupes :
Les idiots et les imbéciles | Les arriérés |
Ils présentent des anomalies (radicales et irrémédiables) incurables ou difficilement curables qui rendent impossible leur vie sociale hors tutelle. Ils ne peuvent pas appartenir de près ou de loin aux cadres scolaires normaux. Leur prise en charge relève du médecin. | Ils présentent des anomalies curables (mineures) permettant la vie sociale en liberté, à condition que l’éducation physique et morale soit dirigée de façon à compenser ou à pallier les défectuosités, à rétablir un équilibre compromis mais non impossible. |
7Binet et Simon s’inscrivent dans ce courant, lorsqu’en 1907 ils distinguent les enfants des hôpitaux, des hospices et des asiles de ceux des écoles primaires28. Rappelons que cette distinction était déjà présente en 1904, dans le recensement des enfants anormaux, proposé par la commission Bourgeois. Les deux chercheurs vont plus loin, ils élaborent une position originale, en réaction aux approches médicales courantes, en séparant la notion d’anomalie de celle de pathologie : « Les variations d’un individu par rapport à une espèce ne sont pathologiques que lorsqu’elles portent atteinte à sa santé ou à celle de sa descendance…29» Plus précisément, ils distinguent les enfants anormaux d’écoles primaires atteints de débilité mentale en difficulté et rebelles au régime éducatif ordinaire dont l’école ordinaire et l’hôpital ne veulent pas, des autres enfants idiots qui exigent un traitement médical.
8Au départ, lorsque Binet s’intéresse aux enfants anormaux30, c’est afin d’établir des relations entre développement de l’intelligence et conformation de la tête31. Il mène alors ses expériences auprès d’enfants d’écoles primaires de Paris et grâce à Simon auprès d’enfants et d’adultes de la colonie de Perray-Vaucluse et de l’asile de Sainte-Anne32. Binet porte également une critique sur la démarche qui sous-tend les rares expériences de psychologie expérimentale. Il propose alors de fonder cette dernière sur l’étude des processus supérieurs et voit dans la méthode de classement utilisée par les enseignants une manière de réaliser un ordonnancement des facultés intellectuelles : appliquer la mesure aux fonctions supérieures33. Toutefois, cette mesure de l’intelligence va être formulée par le détour du diagnostic de la débilité mentale. Déjà les médecins Blin en 1902, et Damaye en 1903, avaient expérimenté une méthode diagnostique empruntée à la psychologie expérimentale. Pour ces médecins, il s’agissait « de serrer de plus près la question du diagnostic des débilités mentales » par une exploration intellectuelle qui consistait à poser à l’enfant une série de questions élémentaires ordonnées selon leurs difficultés croissantes34. Dès 1904, Binet se consacre aux enfants anormaux non plus comme sujets d’expérimentation, mais désormais en tant qu’objets spécifiques de recherche. Entre 1904 et 1905, Binet et Simon produisent une première ébauche de l’échelle métrique de l’intelligence (puis en 1908 et en 1911, année du décès de Binet). En 1907, les deux chercheurs publient un Guide pour l’admission des enfants anormaux dans les classes de perfectionnement35. Dans cet ouvrage, ils indiquent que bientôt les nouveaux projets de loi sur l’organisation de l’enseignement des anormaux seront votés. Pour eux, il importe donc d’avoir des instruments qui permettent de trier les anormaux parmi les enfants normaux36. Ils précisent que des pédagogues, des médecins et des psychologues sont nécessaires pour faire le choix des anormaux. Les directeurs et instituteurs d’écoles primaires sont donc invités dans un premier temps à détecter les enfants suspects d’arriération sur la base d’un retard scolaire de 3 ans (pour une présence régulière à l’école). Binet et Simon indiquent que le contrôle du degré d’instruction doit être réalisé par un inspecteur, à partir d’un barème comprenant 5 degrés de connaissances relatives à des exercices de lecture, de calcul et d’orthographe37. Ce contrôle est complété par un examen psychologique sous la forme de questions dont les réponses attendues correspondent à des niveaux d’âges d’enfants ordinaires.
9D’après eux trois catégories d’enfants peuvent être identifiées :
Les arriérés | Les imbéciles | Les idiots |
Ceux justifiant après un examen attentif, d’un retard scolaire de trois ans. | Ceux qui n’arrivent pas à communiquer par écrit et lire. | Ceux qui n’arrivent pas à communiquer par la parole, ni à s’exprimer, ni à comprendre la pensée verbalement exprimée. |
Ils doivent alors bénéficier d’une instruction scolaire dans des classes de perfectionnement. | Leur place est à l’atelier, voire à l’asile. | Ils relèvent de l’hospice : essentiellement pour les dresser à manger proprement, à marcher, à ne pas gâter, etc.) |
10Dans leur guide, Binet et Simon analysent le rendement scolaire et social des écoles et classes d’anormaux avec une critique violente sur les asiles-écoles de Bicêtre et de la Salpêtrière. Ils s’attaquent de façon virulente aux travaux et à la place des médecins-aliénistes et des précurseurs38 tels que Séguin et Bourneville. La polémique apparaît comme une lutte pour s’attribuer la légitimité d’un sous-champ scolaire de l’enfance anormale. Ils précisent ainsi que « dépenser près d’un demi million avec cet effet utile de rendre deux enfants capables d’exercer un métier, cela paraît vraiment un peu disproportionné, à moins que l’amélioration des inutilisables ait été assez grande pour justifier pareille charge ». La « généreuse philanthropie des siècles précédents » est « quelques peu démodée ». Il faut « comme tout bon commerçant », établir rigoureusement le « rendement » des élèves des écoles d’anormaux. Les asiles-écoles sont des gouffres où l’argent est « follement gaspillé », aux bénéfices de « non-valeurs sociales absolues39 ». Certains médecins aliénistes vont suivre cette position. Le futur remplaçant de Bourneville à Bicêtre, Jacques Roubinovitch, tient un discours assez semblable : « C’est ainsi que l’idiot profond, incurable, n’a besoin que d’être gardé proprement dans un local […]. Quand on réfléchit au nombre total d’enfants passés à l’asile pendant ce laps de temps et aux sommes considérables qui ont été dépensées pour cette école en vingt-quatre ans, le résultat apparaît plutôt maigre40. » L’auteur indique également que du point de vue du rendement économique et social, les 40 000 anormaux se divisent en deux grands groupes : « les perfectibles et utilisables et les non perfectibles et non utilisables41 ».
11Le rapport de 1905, au nom de la sous-commission Bourgeois, entérine la création et les conditions d’admission dans les classes et écoles de perfectionnement aux seuls enfants arriérés et instables éliminés des écoles publiques ordinaires après examen. Avec le xxe siècle, la prise en charge des enfants idiots, imbéciles, arriérés et instables va être conditionnée par des niveaux d’instruction et d’éducabilité dans des structures séparées des autres enfants. Les tests de Binet seront peu utilisés dans la première moitié du xxe siècle. Mais le discours véhiculé sur cette nouvelle conception de l’enfant anormal va précipiter la disparition du modèle médico-pédagogique asilaire.
La création des classes de perfectionnement
12Les travaux de la Commission Bourgeois sont publiés en 1906, dans le Bulletin de la SLEPE42. Les propositions sont en grande partie reprises et elles aboutissent au vote de la loi du 15 avril 1909 relative à la création de classes de perfectionnement43 annexées aux écoles élémentaires publiques et d’écoles autonomes de perfectionnement pour les enfants arriérés44. Cette loi entérine la scolarisation seulement pour les enfants dits « arriérés des deux sexes » (formulation de l’article premier) au terme de la loi d’obligation scolaire de 188245. Les enfants instables ne sont pas repris dans cette loi comme le proposaient les deux rapports de la commission46. Par ailleurs, dans son premier article, la loi rend facultative l’ouverture de classes et écoles de perfectionnement et laisse leur création à l’initiative des autorités départementales et communales qui en ont la charge. Pour les militants de l’enfance anormale, la loi constitue un progrès, mais elle ne modifie pas radicalement les obligations des pouvoirs publics. Elle permet la possibilité de créer des classes et écoles de perfectionnement et légalise celles déjà créées. En effet, plusieurs classes avaient été ouvertes bien avant la parution de la loi. Une première ouvre en novembre 1906 à Paris rue Lecomte, à l’initiative de plusieurs personnes47. Binet obtient également du directeur de l’enseignement de la Seine, Louis Bédorez, l’autorisation d’ouvrir trois classes de perfectionnement. La première est créée en janvier 1907 à Paris dans le quartier des Batignolles et elle accueille 19 garçons « arriérés » et « instables ». La deuxième ouvre rue de Belzunce48, à partir du 9 avril 1907 et elle accueille 17 filles. La troisième classe est créée rue des Écluses et elle rassemble 19 écoliers49. La loi de 1909 prévoit deux types de structures au titre de l’enseignement primaire public :
- Des classes de perfectionnement annexées50 aux écoles élémentaires publiques pour des enfants de 6 à 13 ans ;
- Des écoles autonomes de perfectionnement qui pourront comprendre un demi-pensionnat et un internat. Pour ces dernières, la scolarité peut être prolongée jusqu’à 16 ans, avec un enseignement professionnel.
13Un des rapports de la commission Bourgeois, indique que la création d’internats doit être exceptionnelle. Il dépasse les obligations que la loi scolaire impose. Il doit être réservé à « ceux qui sont gravement atteints dans leurs fonctions intellectuelles et morales et qui ont besoin d’une éducation et d’un dressage continués sans aucune interruption51 ». Les modalités de recrutement des élèves sont au cœur du débat entre les médecins et les autres professionnels (psychologues et personnels enseignants). Dans les deux rapports, des points de vue consensuels sont exposés : reconnaissance du rôle du médecin-aliéniste, possibilité d’admettre des élèves des asiles-écoles qui se trouvent suffisamment améliorés pour mériter un transfert. En 1907, Binet inscrit l’examen psychologique comme une sous-rubrique de l’examen pédagogique des anormaux d’école et cette épreuve est confiée à l’inspecteur primaire52. Les conclusions de la sous-commission et de la commission plénière pas plus que le texte de loi de 1909 ne précisent les modalités à employer pour cet examen médico-pédagogique53. « Elles laissent toute liberté, tant aux partisans des approches médicales classiques, qu’aux partisans des méthodes standardisées de Binet et Simon54. » Le guide de ces derniers n’est pas cité et leurs travaux ne s’imposeront véritablement qu’après la Seconde Guerre mondiale. Des divergences significatives apparaissent concernant les modalités de recrutement. Encore une fois, la loi ne tranche pas sur ces divergences. Toutefois, toute référence à l’asile-école disparaît et l’article 12 de la loi stipule seulement qu’une « commission, composée de l’inspecteur primaire, d’un directeur ou maître d’une école de perfectionnement et d’un médecin, déterminera quels sont les enfants qui ne peuvent être admis ou maintenus dans les écoles primaires publiques […]. Un représentant de la famille sera toujours invité à assister à l’examen de l’enfant ».
14Bourneville meurt en mai 1909. Avec cette loi et la disparition du médecin, le combat pour l’institutionnalisation de classes pour tous les enfants idiots est désormais perdu. Les écoles de perfectionnement sont rangées parmi les écoles primaires publiques et les enseignants qui exercent dans ces établissements sont des fonctionnaires. Pour ces derniers, il est prévu une « préparation spéciale » par une formation théorique suivie d’un stage en école de perfectionnement, en asile-écoles, en écoles d’aveugles et en écoles de sourds-muets. L’article 7 de la loi précise que « les instituteurs et institutrices chargés de classe sont proposés par l’inspecteur d’académie et nommés par le préfet ; ils doivent être choisis de préférence parmi les candidats pourvus du diplôme spécial [… ]55. Ceux qui justifieront du diplôme créé pour l’enseignement des arriérés recevront un supplément de traitement de trois cents francs […] ». Avant 1909, diverses initiatives avaient été lancées pour organiser une formation professionnelle de ces enseignants. Mais dans les faits, la plupart de ces formations sont autodidactes56 et, faute de financement, le décret du 14 août 1909 ne peut entrer en application. En 1913, le ministère autorisera à se présenter au CEEA des candidats dont l’expérience est réduite à un stage d’une matinée par semaine dans un établissement spécialisé57. Il faudra attendre 1937 pour qu’une véritable formation voit le jour.
15Avec la mise en place de ces classes et la formation de ces enseignants, certains promoteurs comme Binet cherchent à faire « table rase » du travail mené dans les asiles-écoles et notamment dans celui de Bicêtre. Ils cherchent à mettre en place une véritable rupture qui s’installe entre l’enseignement scolaire dans les classes de perfectionnement et le traitement médico-pédagogique dans les asiles-écoles. Les responsables de l’Éducation nationale s’appuient exclusivement sur les travaux menés par Binet. Pour l’encadrement de ces classes, comme le soulignait Bourneville, la supériorité pédagogique des femmes est reconnue, y compris par Binet. Toutefois, la loi ne mentionne rien à ce sujet. À la différence des asiles-écoles (2 ans), le recrutement des élèves arriérés ne se fait qu’à partir de 6 ans. Les écoles maternelles sont donc exclues de l’enseignement spécial. Compte tenu de la faible déficience des élèves (arriérés scolaires), il est probable que le contenu pédagogique des écoles maternelles est approprié à tous les élèves58. Pour ce qui est de la limite supérieure en dehors des classes de perfectionnement jusqu’à treize ans, la loi mentionne que les écoles autonomes pourront continuer la scolarité jusqu’à 16 ans, pour donner à la fois l’instruction primaire et l’enseignement professionnel. Dans ces classes, le nombre des élèves est normalement de 15, mais il peut aller jusqu’à 20 jeunes, sans que ce chiffre puisse être dépassé59. L’enseignement est donné tous les jours, sauf le dimanche et la demi-journée du jeudi. Les classes et écoles sont ouvertes pendant une durée de trois heures et demie le matin et trois heures et demie l’après-midi. Les heures de classe sont remplies par des exercices de travail intellectuel (chaque exercice ne doit pas dépasser la demi-heure) et par des travaux manuels60. Malgré tout, les matières enseignées semblent identiques à celles de l’asile-école et le rapport indique que ces activités doivent avoir un développement particulier : chant, musique, cours d’orthophonie, gymnastique, jeux scolaires, travail manuel, leçons de vie pratique et enseignement professionnel pour les plus de 13 ans. Les leçons de vie (éducation élémentaire pour l’asile-école) s’adressent plus particulièrement aux élèves les plus jeunes et consistent à leur apprendre à se laver, à s’habiller seuls, à manger proprement, etc. Ce n’est pas Binet comme l’écrit Avanzini, qui a introduit ce genre d’exercices le premier61. Cette pratique a été initiée par Itard et Séguin62, puis développée par Bourneville à Bicêtre. Pour les élèves les plus âgés, il s’agit d’apprendre à se présenter, à écrire une lettre, à voyager, à compter, à économiser, etc. Il s’agit également d’acquérir des notions d’hygiène et des règles morales. Il est précisé dans le rapport de la commission Bourgeois que « la matière de l’enseignement sera celle de l’école ordinaire, avec les simplifications qui seront jugées nécessaires ; on fera l’emploi le plus large des exercices concrets qui parlent aux sens, qui éveillent le jugement63 ». L’enseignement est fondé sur une pédagogie du concret et le recours à la méthode de la leçon de choses64, une méthode déjà appliquée dans les écoles de la République et dans l’asile. Pour l’enseignement professionnel auprès des filles, de la même manière que dans l’asile-école, la moitié du temps est consacré à l’éducation ménagère (nettoyage des appartements, savonnage, repassage, cuisine, etc.) et à des travaux d’aiguille. Comme l’indique Mlle Stupuy65, la réinsertion des filles dans la société ne passe pas par une formation professionnelle comme pour les garçons, mais par l’acquisition des habitudes domestiques supposées nécessaires pour tenir un foyer. Le destin de la femme est au foyer, l’identité de la femme passe par le travail domestique. Cet enseignement vise également à permettre à ces futures jeunes femmes de trouver un emploi de domestique. Cette position est dans le droit fil des discours de cette époque concernant l’éducation des filles en général. Au début du siècle, tous les niveaux d’études auxquels accèdent les filles sont investies par l’enseignement ménager et l’économie domestique en vigueur dans l’enseignement primaire66. Pour les garçons, l’enseignement professionnel dans les écoles de perfectionnement comme dans les asiles-écoles, doit leur permettre d’apprendre un métier pour ne pas être à la charge de la société et par conséquence devenir des hommes utiles67. C’est ce discours qu’utilise Binet dans le rapport68 de 1905, mais c’est également celui de Séguin en 184669. L’enseignement sera plus centré sur le travail pratique que théorique. Il s’agit de permettre à l’élève de fixer son attention, de perfectionner ses facultés d’imitation, puis d’observation. Baguer souligne que « l’enseignement se fera du concret à l’abstrait, de la chose au mot, du fait à l’idée ». Une maxime qui n’est pas sans rappeler celle de Séguin70. De manière générale, le programme proposé dans les classes et écoles de perfectionnement apparaît peu différent de celui des asiles-écoles. Pour ces deux types de structures, le programme s’appuie, avec toutes les adaptations nécessaires, sur celui en vigueur dans les écoles publiques. Ces deux systèmes, outre un rééquilibrage et une réinterprétation des disciplines traditionnelles, développent de nouvelles disciplines. Là encore, l’asile-école avait été précurseur de ces nouvelles matières : les leçons de vie pratique ou d’éducation élémentaire, le travail manuel et les exercices spéciaux. Ces derniers sont désignés par Binet exercices d’orthopédie mentale qui consistent à redresser, à cultiver, à fortifier l’attention, la mémoire, la perception, le jugement, la volonté par des exercices d’immobilité, de pression au dynamomètre, d’habiletés motrices (transporter des gamelles pleines d’eau, etc.) et autres leçons de volonté. Plusieurs auteurs (Avanzini71, Gardou72) nous indiquent que Binet est l’initiateur de ces pratiques. Tous ces exercices ont déjà été mis en place par Itard, puis Séguin en 1846, dans ses différents enseignements et notamment en gymnastique73. Tissié, à travers sa théorie de la psycho-dynamie74, développe également cette théorie : « En maîtrisant ses mouvements, le malade discipline sa raison75. » Il apparaît que l’asile-école et la classe de perfectionnement présentent des similitudes dans le sens où les programmes sont assez proches de ceux en vigueur dans les écoles primaires. Néanmoins, de nombreux procédés pédagogiques ne sont pas repris (ou complètement occultés) dans ce nouveau modèle. Par exemple, les exercices de leçons de choses qui consistent à identifier des figures géométriques à partir d’un aménagement extérieur d’un jardin. La théorie de l’orthopédie mentale développée par Binet ne prend pas en compte les travaux de Séguin et notamment ceux précisés dans son ouvrage, de 1846, dans sa troisième partie (éducation des idiots)76. C’est également le cas des exercices de vie pratique pourtant si nombreux dans l’asile-école de Bicêtre. Ainsi, après avoir séparé et relégué les idiots dans l’asile, on tente progressivement l’effacement du procédé médico-pédagogique.
16Au début du xxe siècle, la mise en place des classes et écoles de perfectionnement officialise le développement de deux formes de prise en charge des enfants anormaux « intellectuels » dans deux champs distincts : les asiles-écoles (qui vont bientôt disparaître) avec le traitement médico-pédagogique, réservés aux enfants anormaux médicaux (malades) ; les classes et écoles de perfectionnement avec une instruction primaire et un enseignement professionnel dans le champ scolaire, réservés aux seuls enfants arriérés. Malgré tout, cette loi77 de 1909 va rester longtemps inopérante pour plusieurs raisons : la création des classes est facultative et à l’initiative des communes ; la commission médico-pédagogique tripartite est rarement mise en place ; certains instituteurs indiquent que ces classes sont des lieux de relégation ; les classes sont répertoriées dans la catégorie « établissement d’enseignement primaire public » et à ce titre aucun crédit spécial ne sera ouvert ; la guerre de 1914-1918 va détruire en partie cette organisation naissante (en 1913, seuls 38 instituteurs possèdent leur CAEEA)78. En 1914, un rapport de Baguer dénombre seulement 49 classes spéciales dans 15 villes79. La France ne possède aucune école autonome pour anormaux psychiques, alors qu’il en existait, en 1911, 613 en Allemagne, regroupant 1 544 classes spéciales et 35 196 élèves80. La politique scolaire des classes de perfectionnement sera un échec jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 1944, le nombre de classes et écoles de perfectionnement sera d’environ 274 et il passera à 4 000 en 196381. Enfin, du côté des asiles, cette conjoncture aboutit dans la première moitié du xxe siècle à la disparition progressive des asiles-écoles.
L’éducation physique des enfants arriérés
17À la fin du xixe siècle, avant même les lois sur instruction publique de 1882, l’éducation physique est déjà obligatoire pour les garçons82 (1880), dans tous les établissements scolaires83. À la même période, le ministre de l’Instruction publique Jules Ferry, confie aux recteurs la charge de veiller à ce que les manuels de gymnastique de 1880 et de 1881 deviennent l’unique document de référence de l’enseignement de cette discipline84. Dans ces deux ouvrages, la gymnastique reste principalement orientée vers la préparation militaire des enfants (gymnastique sans appareil, et exercices militaires).
18En 1891, un nouveau manuel paraît. Il fait suite à la parution de l’arrêté du 8 août 1890 (signé par Léon Bourgeois) qui fixe les nouveaux programmes de l’enseignement de la gymnastique dans les établissements scolaires85. Jacques Gleyse indique qu’il s’agit d’un manuel essentiellement composé d’exercices destinés aux adultes et qu’il correspond à la période dite des « bataillons scolaires » et à la défaite militaire de la France en 1870 à Sedan86. Il fait également suite aux travaux d’une commission nommée le 18 octobre 1887. Cette dernière avait été présidée par Étienne-Jules Marey et le rapporteur est Georges Demenÿ (tous deux spécialistes de physiologie). À sa création, elle comprend, entre autres, le directeur de l’enseignement primaire, Ferdinand Buisson et le médecin Fernand Lagrange. Après les lois scolaires de 1882, cette commission s’inscrit dans un contexte où les débats sur l’enseignement portent sur le modèle éducatif développé au cours des décennies précédentes. Critiques des mœurs scolaires, réforme pédagogique et refonte des programmes sont à l’ordre du jour à partir de deux axes principaux : la question du surmenage intellectuel87 et l’intérêt des jeux88. Sur cette question du surmenage, Alfred Binet examine la fatigue qui se produit à l’école et qui, d’après lui, résulte des travaux intellectuels imposés aux élèves par les programmes d’enseignement et d’examen. Il étudie notamment l’étendue des programmes, la limite d’âge pour les admissions, la réglementation du travail dans les écoles, la distribution des heures de classe, de récréation, de gymnastique et de sommeil, etc. Il publie ses résultats en 1898, dans un ouvrage intitulé La Fatigue intellectuelle89.
19Dans le nouveau Manuel d’exercices de gymnastique et de jeux scolaires de 1891, les rédacteurs attribuent quatre grandes fonctions à l’éducation physique : l’éducation militaire, la compensation au travail intellectuel, l’éducation générale et la discipline90. Cette éducation physique qui s’appelle aussi gymnastique a pour but « le perfectionnement physique de l’homme » par « l’éducation du mouvement91 ». Elle comprend une gymnastique de développement92 de tradition militaire empruntée au colonel Amoros. Toutefois, les séances au cours desquelles les élèves « exécutent au commandement des mouvements rythmés et monotones, le plus souvent sans entrain ni bonne volonté » sont à proscrire. Elle comprend également une gymnastique d’application93, selon le modèle physiologique prôné par Marey et Démenÿ. Cette gymnastique est complétée par des jeux variés, des jeux d’origine française94, mais également des « promenades » (au cours supérieur), des jeux « athlétiques » populaires (boxe française, bâton à côté de la canne déjà en vigueur), de la « danse » pour les filles, etc. L’intérêt des jeux fait suite à la critique des bataillons scolaires et à la gymnastique en force d’origine amorosienne. D’après Lagrange, l’éducation physique à l’école doit tenir compte du reste de l’éducation. « L’écolier a besoin de faire diversion au travail intellectuel qu’on accuse à tort ou à raison d’être excessif, et cette diversion ne peut avoir lieu que par le plaisir, par la récréation95. » La pratique doit être hygiénique et récréative. L’éducation physique scolaire devient un enjeu important pour les promoteurs d’exercices physiques et le mouvement en faveur des jeux entraîne la création de nouvelles institutions96. Les sports anglais ne sont pas retenus. Pierre de Coubertin, malgré son désir, n’est pas intégré dans la commission, pas plus que le médecin Philippe Tissié97. Toutefois, la commission introduit différentes sortes de sports dans les deux formes de gymnastique (de développement et d’application) tels que « le canotage, l’escrime, la natation, et d’autres plus à la portée des élèves des écoles primaires, tels que la boxe, le bâton et la canne98 ». En réalité, il ne s’agit pas d’une nouveauté, le bâton et la canne sont déjà présents dans les manuels précédents. Enfin, le programme en référence à l’arrêté du 8 août 1890, se différencie en fonction du sexe et de l’âge : 2 à 4 ans ; 4 à 6 ans ; 6 à 8 ans ; cours élémentaire, moyen et supérieur.
20L’éducation physique voit s’affronter plusieurs courants. Celui de Démenÿ, un partisan de « l’école française », une méthode éclectique et sous influence suédoise après son voyage en Suède en 189099. À partir de 1905, ce dernier dénonce la rigidité de la méthode suédoise et de son défenseur Tissié qui, lui aussi, après voyage en Suède en 1898, importe et tente de développer la méthode100. Tissié s’oppose alors à « la formule grecque olympique, sportive et combative ». Il précise qu’elle « constitue une erreur physiologique101 ». Il est également contre la notion de compétition et il réfute la pratique du sport. Avec Pierre de Coubertin, c’est un courant qui est à l’opposé de Tissié. Il prône la compétition et c’est un militant des sports anglais. Enfin, le courant de Georges Hébert qui propose une nouvelle méthode qui prend, à partir des années 1911-1913, le nom de « méthode naturelle102 ». Elle vise à développer un homme en harmonie avec la nature. Pour ce qui est de la formation des enseignants, celle-ci est sanctionnée par le certificat d’aptitude à l’enseignement de la gymnastique (créé en mars 1869) qui est obligatoire seulement pour les professeurs (environ 250) des lycées et collèges103.
21Dans ce contexte de « guerre des méthodes », en 1904, une commission interministérielle est créée. Elle est chargée d’unifier les pratiques dans les écoles, les gymnases et le régiment. Elle est rattachée au ministère de la Guerre et elle est présidée par un général. Elle comprend quatre représentants des sociétés de gymnastique, cinq membres de l’Instruction publique dont Démenÿ. Mais, la commission ne réussit pas à s’entendre sur une harmonisation. Le ministère de l’Instruction publique décide alors de créer sa propre commission. Les travaux se concrétisent par la parution, en 1907, d’un nouveau Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, rédigé sous la direction de Démenÿ. Dans cet ouvrage apparaissent neuf vœux, dont le premier : « L’éducation physique fait partie de l’enseignement104. » La mission de l’école ne consiste plus à former des soldats, mais à donner une préparation physique de base à toute la jeunesse105. Par ailleurs, c’est la caution médicale au nom de la « dégénérescence » fatale à la race, qui relègue les finalités militaires106. Toutefois, l’empreinte de l’armée reste perceptible (commandement et surveillance). Le but de « l’éducation physique a pour objet de perfectionner l’homme et de l’améliorer par la pratique d’exercices méthodiques de jeux et de sports107 ». Chaque séance quotidienne doit produire un effet hygiénique. Pour la première fois, les exercices doivent produire un effet correctif (attitudes actives de redressement, mouvements déterminés, etc.) qui vise à lutter contre les mauvaises attitudes scolaires ou professionnelles. Le manuel propose un plan de leçon et un programme avec des répartitions d’exercices en fonction de l’âge : écoles maternelles de 4 à 6 ans, écoles primaires de 6 à 9 ans, de 9 à 11 ans et de 11 à 13 ans, exercices pour les adolescents de 13 à 16 ans pour les garçons et de 13 à 15 ans pour les filles, jeunes gens de 16 ans et au-dessus108. D’après Andrieu, les exercices proposés par le nouveau manuel restent très analytiques, très construits, très rythmés et collectifs, au sein desquels les jeux ne trouvent pas encore une réelle intégration109. Pour réaliser une leçon, il suffit de prendre deux ou plusieurs exercices dans chacune des 7 séries110, le maître démontre l’exercice, en commande et en surveille l’exécution, prévoit les accidents et les évite. La cadence est le nombre des mouvements réalisés en une minute. Les mouvements de gymnastique sont exécutés au commandement du gymnaste. Le manuel indique que la leçon doit être quotidienne et le temps proportionnel à l’âge des élèves. L’intensité des exercices croît du commencement jusqu’aux deux tiers de la leçon environ, pour diminuer progressivement jusqu’à la fin. Le contrôle des résultats est réalisé par des fiches morphologiques et des relevés de performances en course et en saut qui visent à objectiver des transformations sur le plan de la morphologie, de la physiologie et de la performance111. « La natation, les grands jeux et les sports, les grandes courses avec ou sans obstacles, la boxe, la canne, la lutte, l’escrime, etc., font l’objet de séances spéciales. Ces séances pourront exceptionnellement remplacer la leçon, mais celle-ci doit toujours rester la base de l’enseignement, surtout pour les enfants et les adolescents112. » Ces activités spécifiques sont plus particulièrement réservées aux adolescents de plus de 13 ans : grands jeux de plein air, natation, bicyclette, tir, et promenades de 10 à 20 km. Pour les plus de 16 ans, il s’agit des courses de fond (maximum 5 minutes), sauts à la perche, assauts de boxe, de canne, escrime, équitation, canotage, patinage et cross-country113.
22L’éducation physique qui se met en place en ce début de xxe siècle est instituée par le décret du 22 décembre 1904. Les contenus et programmes vont perdurer à travers les différentes rééditions du Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires de 1907, jusqu’aux nouvelles instructions de 1923 publiées par deux arrêtés114. La discipline est tournée vers les plus faibles : « Tout enseignement visant à faire des virtuoses avec les jeunes gens les mieux doués doit être proscrit, car il ne saurait être donné qu’au détriment des faibles qui ont le plus besoin de se développer115. » Elle se compose d’une gymnastique d’exercices de développement, de jeux divers d’origine française et de grands jeux de plein air. Les pratiques sportives sont encore peu pratiquées dans les écoles primaires. Elles sont plutôt réservées aux jeunes de plus de 16 ans.
23L’éducation physique devient de plus en plus scientifique et le ministre de l’Instruction publique crée à Paris, en juin 1903, un cours supérieur d’éducation physique dirigé par Démenÿ. En 1907, ce cours amène à la transformation du certificat d’aptitude à l’enseignement de la gymnastique en deux degrés : le degré élémentaire et le degré supérieur. En 1908, ce diplôme est exigible seulement pour être nommé professeur de gymnastique en lycée ou collège. Malgré une nette avancée, l’éducation physique est encore peu développée à la veille de la guerre de 1914. « Dans les 30 000 communes de France, à part l’exception des grandes villes, il n’est fait aucun enseignement physique dans les écoles communales116. »
24Lors de la création des classes et écoles de perfectionnement, la sous-commission Bourgeois indique différentes matières qui doivent être particulièrement développées, dont la gymnastique117. Les instructions générales de 1909 pour ces classes spéciales reprennent les conclusions de la sous-commission : « La gymnastique simple et rationnelle, expurgée de tout exercice d’athlétisme avec, s’il se peut, accompagnement de musique pour rythmer les mouvements. Les jeux scolaires de course et d’adresse, organisés et dirigés par les maîtres qui veilleront à ce que les élèves apathiques et rétifs ne s’isolent pas de leurs camarades118. » L’éducation physique qui se met en place pour ces enfants arriérés est peu différente de celle proposée dans les différents manuels pour les élèves d’écoles primaires. Seule restriction, émise par Binet, les exercices d’athlétisme. Ce dernier s’oppose aux idées de Pierre de Coubertin et du sport de compétition119. Il fustige la pratique du sport dans les « Écoles nouvelles120 » et mentionne que les collèges et les lycées qui s’adonnent à cette pratique ont un niveau d’étude en baisse. Il ajoute que « les excès de sport ne sont point, comme on l’avait cru naïvement, toujours favorables à la santé, bien au contraire121 ». Il milite pour une gymnastique adaptée aux forces des écoliers. C’est dans ce cadre qu’il exclut l’athlétisme qu’il juge trop sportif et néfaste à la santé des élèves. Pour le reste, les maîtres s’appuient sur le manuel de 1907 et ses rééditions pour mettre en place une gymnastique en alternance avec les matières qui demandent un effort sérieux d’attention. « La matière de l’enseignement sera celle de l’école ordinaire, avec les simplifications qui seront jugées nécessaires, on fera l’emploi le plus large possible des exercices concrets qui parlent aux sens et éveillent le jugement122. » Avec la création des classes et écoles de perfectionnement pour les enfants arriérés, c’est donc une gymnastique scolaire expurgée de certaines activités considérées comme dangereuses.
Notes de bas de page
1 « C’est certainement au succès des méthodes inaugurées ou appliquées en France par Itard, Séguin et Bourneville que les écoliers mentalement anormaux (encore si mal connus) doivent de voir aujourd’hui se poser pour eux ces questions de classes spéciales et d’éducation spéciale, posées déjà il y a cinquante ans, au profit des anormaux inférieurs », d’après Philippe Jean et Paul-Boncour Georges, Les Anomalies mentales chez les écoliers, Paris, Félix Alcan, 1905, p. 147.
2 Vial Monique, « La débilité mentale selon Binet et Simon et la scolarisation des enfants anormaux », in Cahiers de la recherche sur le travail social, n° 19, 1990, p. 79.
3 Bulletin officiel municipal de la ville de Paris du 25 octobre 1899, p. 3249.
4 Manuel général de l’instruction primaire (partie générale), 1900, p. 215. Cité par Vial Monique, Plaisance Jacques et Stiker Henri-Jacques, op. cit., 2000, p. 42.
5 Vial Monique, op. cit., 1990, p. 81.
6 Henry Beaunis, directeur du premier laboratoire de psychologie physiologique, créé en 1889 à la Sorbonne, recrute des chercheurs dont les premiers furent Jean Philippe, Jules Courtier et Alfred Binet. Ce dernier est d’abord préparateur, puis très vite devient directeur adjoint en 1892 à 35 ans. Philippe est préparateur dès la fondation du laboratoire et devient chef de travaux en 1893 à l’âge de 31 ans. Faute d’un traitement suffisant, il exerce en parallèle la fonction d’enseignant dans une école primaire de Paris. D’après Nicolas Serge, op. cit., 2002.
7 Médecin, interne de Bourneville, il est chargé à l’école Théophile Roussel de la surveillance médicale et de la sélection médicale à l’entrée. Cette école est une ancienne maison pénitentiaire, dite Le Peletier de Saint-Fargeau, créée en 1895 dans le département de la Seine, sur le principe de la colonie de Mettray. Elle devient, en 1902, école de préservation et de redressement moral. Elle accueille des enfants « indisciplinés » des écoles primaires du département et de l’Assistance publique et plus seulement les enfants condamnés. Entre 1902 et 1940, l’école reçoit 3000 enfants.
8 Vial Monique, op. cit., 1990, p. 76.
9 Philippe Jean et Paul-Boncour Georges, op. cit., 1905, p. 30.
10 Voir à ce sujet Heuyer Georges, Introduction à la psychiatrie infantile, Paris, PUF, 1966.
11 Voisin Félix, op. cit., 1843.
12 Coffin Jean-Christophe, op. cit., 2003, p. 217.
13 Vial Monique, op. cit., 1990, p. 86.
14 C’est autour des années 1900 que de nombreux auteurs ont commencé à décrire l’instabilité et il est intéressant de constater que très rapidement se sont posées les questions qui nous préoccupent encore de nos jours. Plusieurs terminologies qui se sont succédé : « psychopathes instables » de Kraeplin, 1899, « écolier instable » de Philippe et Paul-Boncour (1905), « enfant turbulent » de Wallon (1925), « hyperkinésie » (Eisenberg, 1957) ; « syndrome hyperkinétique » des auteurs anglais, « instabilité psychomotrice » (Heuyer, 1914) en France, et enfin hyperactivité. D’après Pionnié Nancy, « Hyperactivité et trouble de l’attention chez l’enfant », in Médecine thérapeutique, Vol. 8, n° 1, janvier-février 2005, p. 18.
15 Pinell Patrice et Zafiropoulos Markos, op. cit., 1983, p. 36.
16 Vial Monique, op. cit., 1990, p. 86.
17 « Je crois devoir insister en note sur cette question très importante. Beaucoup d’enfants arriérés ne présentent qu’un seul symptôme appréciable, l’arriération de l’intelligence », Binet Alfred, in Bulletin de la SLEPE, n° 16, 1904, p. 178. Cité par Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 92.
18 Baguer Gustave, « Rapport à Monsieur le Préfet de la Seine », 27 janvier 1919, in Archives Asnières, cité par Vial Monique et Hugon Marie-Anne op. cit., 1998, p. 22.
19 Baguer Gustave, « Internat de perfectionnement pour les arriérés et les instables », in Rapport présenté à monsieur Bédorez, le directeur de l’enseignement primaire du département de la Seine, Asnières, Brochure, 20 juillet 1898, p. 3.
20 Binet Alfred et Simon Théodore, op. cit., 1978, p. 6-10.
21 Binet Alfred, « Commission interministérielle des anormaux », in Bulletin de la SLEPE, n° 22, mars-avril 1905, p. 616.
22 Binet Alfred, « L’éducation des enfants anormaux », in L’Enfant, novembre 1907. p. 761. Cité par Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 15.
23 Baguer Gustave, « L’enfance anormale et l’internat », in L’Enfance, n° 8, août 1913, p. 562. Cité par Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 21.
24 Charlot Marcel, « L’éducation des enfants anormaux », in Annuaire de l’enseignement primaire, Martel Félix, Paris, Armand Colin, 1906, p. 481-482.
25 Bulletin de la SLEPE, n° 16, 1904.
26 Le médecin, psychologue, Belge, d’origine française, Ovide Decroly (1871-1932), fonde en 1901 l’institut pour les aliénés mentaux et s’intéresse aux méthodes d’éducation nouvelles. Il devient en 1930, le président de la section nationale de la ligue internationale pour l’éducation nouvelle. Dans un rapport au congrès international d’assistance des aliénés, à Anvers en 1903, il énumère les anormaux par déficit physique (manchots, etc.), déficit sensoriel (aveugles, etc.), déficit intellectuel (idiots et arriérés, etc.), déficit des facultés affectives (fous moraux, etc.), convulsivants (épileptiques), déformés par le milieu (soumis à des influences diverses). D’après Philippe Jean et Paul-Boncour Georges, op. cit., 1905, p. 16-17.
27 Philippe Jean et Paul-Boncour Georges, op. cit., 1905, p. 19.
28 Binet Alfred et Simon Théodore, Les Enfants anormaux. Guide pour l’admission des enfants anormaux dans les classes de perfectionnement, Paris, Armand Colin, 1907.
29 Ibid., p. 6.
30 Binet noue son premier contact avec Théodore Simon en 1892, sur l’initiative de celui-ci qui vient d’être affecté comme interne de psychiatrie à la colonie de Perray-Vaucluse. D’après Zazzo René, « Alfred Binet », in Perspectives, vol. XXIII, n° 162, 1993, Paris, Unesco, p. 101-112.
31 Binet s’initie à la céphalométrie, une méthode de mesure médicale héritière de la phrénologie et que beaucoup d’aliénistes continuent à utiliser, y compris Bourneville. Binet publie entre 1901 et 1902 six articles de « recherche en céphalométrie » sur des enfants d’intelligence inégales (enfants d’élite et arriérés), sur les aveugles et les sourds-muets. Ses propres collaborateurs, l’aliéniste Simon (expériences sur le développement des corps et sur la dimension de la tête faites sur 200 enfants internés à Perray-Vaucluse, en 1901) et le chercheur Philipe (examen anthropologique et mental des écoliers anormaux, en 1903) s’essaient aussi à cette méthode. D’après Pinell Patrice et Zafiropoulos Markos, op. cit., 1983, p. 48.
32 Le Sonn Loïg, « Les déboires d’enquête d’Afred Binet auprès des enfants des écoles primaires de Paris (1897-1905) », in Communication au colloque de Limoges, Association française de sociologie, avril 2007.
33 Pinell Patrice et Zafiropoulos Markos, op. cit., 1983, p. 48.
34 Nicolas Serge et Andrieu, Bernard, op. cit., 2005, p. 27.
35 Binet Alfred et Simon Théodore, op. cit., 1907.
36 Ibid., p. 53.
37 Ibid., p. 79.
38 « Il est d’usage de citer avec respect les noms des précurseurs, et Séguin est mis avec juste raison dans cette sorte de galerie d’ancêtres. Masi il ne faut pas regarder de trop près l’œuvre de Séguin. Ceux qui la vantent ne l’ont certainement pas lue… Séguin nous fait l’effet d’un empirique, doué d’un grand talent personnel, qu’il n’a pas réussi à rendre clair et communicable dans ses livres ; ceux-ci contiennent quelques pages de bon sens et beaucoup d’obscurités, et surtout beaucoup d’absurdités. Nous renvoyons le lecteur curieux à son ouvrage principal paru en 1846 sous ce titre : Traitement moral, hygiène et éducation des idiots et des autres enfants arriérés. On pourrait faire maintes critiques à l’œuvre écrite des aliénistes. Mais à quoi bon ? Nous dirions volontiers de ces précurseurs ce qu’Ingres disait à ses élèves, quand il passait, au Louvre, dans la galerie des Rubens : “Saluez, mais ne regardez pas !” » in Binet Alfred et Simon Théodore, op. cit., 1907, p. 4-5.
39 Binet Alfred et Simon Théodore, op. cit., 1978, p. 170-211 et notamment certaines notes de bas de page telle à la p. 186.
40 Roubinovitch Jacques, Aliénés et anormaux, Paris, Alcan, 1910, p. 155.
41 Ibid., p. 156.
42 « Travaux de la commission ministérielle pour les enfants anormaux (Conclusion adoptées par la commission plénière en vue d’assurer l’instruction des arriérés et des instables) », in Bulletin de la SLEPE, n° 28, p. 57-61.
43 D’après Vial, le terme de « perfectionnement », se situe dans la lignée des Lumières et de la « foi nouvelle » en l’humanité, on parle, au xixe siècle, du « perfectionnement moral et intellectuel » de l’humanité. En ce sens, de même qu’on emploie le mot perfectionnement pour désigner l’enseignement complémentaire destiné aux adolescents, on parle de perfectionner les arriérés. Baguer oppose l’internat de perfectionnement à l’éducation correctionnelle ou disciplinaire. Binet trouve très heureux le nom de classe de perfectionnement. Mais certains estiment que « ce nom un peu voilé » a été choisi pour « ménager les susceptibilités ». Vial Monique, op. cit., 1990, p. 28.
44 « En langage scolaire, que faut-il entendre par arriérés ? Ce sont les écoliers qui, pour une cause quelconque, se trouvent notablement en retard, dans leurs études, sur leurs camarades de même âge. […]. L’hospice attend les idiots, les épileptiques, tous les anormaux incurables ou d’une amélioration douteuse. Des asiles-écoles sont ouverts aux aveugles, aux sourds-muets, qui, par leur infirmité même, exigent une éducation spéciale. Que doit-on faire des arriérés ? […]. Les élèves encombrants dont il s’agit peuvent être groupés sous deux rubriques : 1° les déficients intellectuels, dont les facultés sont plus ou moins engourdies, atrophiées, déséquilibrées ; 2° les instables, chez qui le tempérament inquiet, la susceptibilité nerveuse, le constant besoin d’agitation, s’accommodent fort mal du travail et de la discipline. Déficients et instables sont inconnus dans les cours supérieurs de nos écoles primaires, leur tare les ayant empêchés d’y parvenir. On les rencontre dans le cours moyen, mais surtout au cours élémentaire, qu’ils peuvent rarement dépasser. Ils forment toute une série de transitions entre l’enfant normal et le client désigné de l’hospice ou de l’asile ; mais, pour la période scolaire, la distance qui sépare les deux degrés extrêmes d’arriération n’est pas très considérable : de six ou sept, les étapes du développement intellectuel se réduisent à trois au plus, et c’est une considération que doivent faire entrer en ligne de compte toutes les tentatives d’organisation visant les arriérés. […]. Belot Auguste, « Les arriérés (écoles et classes d’arriérés) », in Buisson Ferdinad (dir.), op. cit., 1911, p. 2092.
45 Le recensement de l’enquête de 1905, impulsée par le ministère de l’Instruction publique, indique, entre autres, un chiffre de 14200 arriérés (8336 garçons et 5864 filles) sur une population de 5015416 enfants.
46 Rapport au nom de la sous-commission chargée d’étudier les solutions à proposer en faveur des arriérés et des instables présenté par M. Binet, directeur du laboratoire de psychologie physiologique à la Sorbonne, 1905, Musée national de l’éducation, Dossier 3.7.01/79 (A)/1905 et conclusions citées ci-avant.
47 Cette classe est semble-t-il, à l’initiative de Binet, Baguer, Charlot (inspecteur général de l’Éducation nationale), Jeannot (inspecteur primaire), et Ferrand directeur de l’école. D’après Barthélémy Michel, op. cit., 1996, p. 125.
48 Le choix de cette école permet de par sa double entrée (rue Belzunce et rue Bossuet) et par la présence d’un préau séparé, de ne pas mélanger, selon le vœu des autorités, les jeunes filles normales des jeunes filles anormales avec des heures et des entrées distinctes. Les enfants sont recrutés pour la classe spéciale, dans les écoles d’arrondissement voisines. Le médecin aliéniste n’approuve pas cette façon de faire et commente les effets dévastateurs de cette barrière. Simon Théodore (dir.), Cinq nouvelles conférences sur la pédagogie des enfants arriérés, Groupe d’étude Bellan-Binet, Cahors, A. Coueslant, 1937, p. 39. Cité par Le Sonn Loïg, op. cit., 2007, p. 3.
49 Le Sonn Loïg, op. cit., 2007, p. 2.
50 Binet est hostile à une ségrégation entre enfants normaux et arriérés et soutient le principe d’une solidarité à développer entre les différents élèves. Il donne l’exemple des essais de tutorat dans une école parisienne. D’après Binet Alfred, « Les nouvelles classes de perfectionnement », in Bulletin de la SLEPE, n° 41, 1907, p. 170-183.
51 Rapport au nom de la sous-commission…, op. cit., 1905.
52 Binet Alfred et Simon Théodore, op. cit., 1907, p. 74.
53 Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 276.
54 Ibid., p. 276.
55 Le Certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants arriérés (CAEEA) est créé par le décret du 14 août 1909. Il va devenir en 1963 le Certificat d’aptitude à l’éducation des enfants et adolescents déficients ou inadaptés (CAEI), puis, en 1987, le Certificat d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d’adaptation et d’intégration scolaires (Caapsais) et en 2004, le Certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (Capa-SH) avec des options en fonction du handicap (l’option D pour les enseignants chargés des élèves présentant des troubles importants des fonctions cognitives). Depuis 2017, un nouveau dispositif de formation prépare les enseignants au Certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive (Cappéi).
56 « En décembre 1908, M. et Mme Berloquin entreprennent, avant de prendre leur poste, une formation éclectique débutant par un stage de quinze jours dans deux classes de perfectionnement parisiennes (rue Belzunce et rue des Écluses-Saint-Martin). Le stage est complété par une visite d’une journée et demie à l’institut des sourds-muets et sourdes-muettes d’Asnières et par un entretien avec Binet à la Sorbonne. Ce dernier leur fait rencontrer Vaney qui les initie à la mesure de l’intelligence. La visite se termine par une visite de la classe de la rue Lecomte », in Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 283.
57 Voir La lettre autographe du 7 mars 1913, signée Steeg, reproduite in Hugon Marie-Anne, Les Instituteurs des classes de perfectionnement (1903-1963), thèse de 3e cycle, non publiée, université Paris V, 1981, tome 1, p. 91.
58 Rarement aujourd’hui sont exclus du système scolaire les élèves avant 6 ans.
59 Article 1, arrêté du 17 août 1909 relatif aux écoles et classes de perfectionnement pour enfants arriérés.
60 Binet Alfred, op. cit., avril 1905.
61 Avanzini Guy, Alfret Binet et la pédagogie scientifique, Paris, Vrin, 1969, p. 176.
62 Voir le chapitre « Éducation appliquée », in Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 363- 380. Voir également, Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898. p. III -XVI.
63 Titre IV, in Binet Alfred, op. cit., avril 1905.
64 « L’expression de leçons de choses n’est entrée dans notre langage pédagogique que depuis quelques années. Elle a été popularisée par Mme Pape-Carpantier, qui l’employa officiellement dans ses conférences aux instituteurs réunis à l’occasion de l’exposition de 1867. On désigne sous le nom de leçons de choses un procédé d’enseignement, une des applications de la méthode intuitive. » Voir Buisson Ferdinand (dir.), « Leçon de choses », in Nouveau dictionnaire de pédagogie… Paris, Hachette et Cie, 1911, p. 3034.
65 Mlle Stupuy, directrice d’école enfantine, est membre de la commission Bourgeois. À ce titre, elle a été mandatée pour produire une Étude sur l’éducation manuelle et l’enseignement professionnel des filles arriérées ou instables. Cette étude a été diffusée en juin 1905 et présentée à la commission. Musée national de l’éducation, Dossier 3.7.03/79 (A).
66 « Nous voulons qu’à la sortie de l’école, la jeune fille connaisse tout ce qui se rapporte au rôle qu’elle doit jouer, qu’elle soit préparée à bien remplir sa fonction de ménagère, de maîtresse de maison, d’épouse et de mère », Manuel général de l’instruction primaire (partie générale), Paris, Hachette et Cie, 1908, in Revue des bulletins départementaux de l’enseignement primaire, Haute-Loire, p. 232. Cité par Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 219.
67 Baguer Gustave, Étude sur l’éducation manuelle et l’enseignement professionnel des arriérés et des instables, Musée national de l’éducation, dossier 3.7.01/79 (A)/1905, cité par Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 227-231.
68 Binet Alfred, op. cit., avril 1905.
69 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 259.
70 « Conduire l’enfant, comme par la main, de l’éducation du système musculaire à celle du système nerveux et aux sens, de celle des sens aux notions, des notions aux idées, des idées à la moralité », Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 6.
71 Avanzini Guy, op. cit., 1969, p. 176.
72 Gardou Charles, « Alfred Binet : explorer l’éducabilité », in Reliance, n° 20, 2006, p. 118.
73 « […] l’immobilité est le passage nécessaire d’une action désordonnée à une action convenue entre le système musculaire et l’intellect », in Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 268.
74 Voir sur ce sujet le chapitre de la deuxième partie sur la gymnastique médico-psychologique des malades mentaux (vers 1885).
75 Fauché Serge, op. cit., 1993, p. 9.
76 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 243-517.
77 En 1929, un projet de loi, à l’initiative du vice président de la commission Bourgeois, Paul Strauss, viendra conforter le rôle du médecin et notamment du psychiatre, mais ce texte soutenu par les médecins, les instituteurs et les politiques entre les deux guerres et à la Libération, ne sera jamais voté. D’après Roca Jacqueline, De la ségrégation à l’intégration. L’éducation des enfants inadaptés de 1909 à 1975, Vanves, CTNERHI, 1992, p. 37.
78 Ibid., p. 33
79 Hugon Marie-Anne, Gateaux-Mennecier Jacqueline et Vial Monique, « Les enfants des classes de perfectionnement, 1907-1950 », in Intégration ou marginalisation, Cresas, Paris, L’Harmattan, 1984, p. 80.
80 Allemandou Bernard, op. cit., 2001, p. 123.
81 Hugon Marie-Anne, op. cit., 1981.
82 La gymnastique pour les filles est rendue obligatoire par le décret du 18 janvier 1882.
83 Loi du 27 janvier 1880, dite loi Georges, rendant la gymnastique « obligatoire dans tous les établissements d’instruction publique de garçons dépendant de l’État, des départements et des communes ». Une circulaire du 20 mai 1880 précise que « dans les lycées, collèges et écoles normales, les exercices de gymnastique doivent se faire au moins quatre fois par semaine, à raison d’une demi-heure par séance ». La circulaire du 20 décembre 1882 institue deux leçons d’une heure par semaine pour des groupes de 30 élèves. L’arrêté du 8 août 1890, préconise à l’école primaire au moins une demi-heure par jour de gymnastique pour les enfants au-dessous de 10 ans et au moins trois quarts d’heure pour ceux de plus de 10 ans.
84 Loudcher Jean-François et Vivier Christian, « Les manuels de gymnastique et d’éducation physique officiels et officialisés (1869-1931) », in L’Identité de l’éducation physique scolaire au xxe siècle, Clément Jean-Paul, Herr Michel et Boyer Paul (dir.), Clermond-Ferrand, Édit. AFRAPS, 1993, p. 327.
85 Cet arrêté de 1890 remplace celui du 27 juillet 1882 et fixe officiellement les contenus de la gymnastique jusqu’aux instructions officielles de 1923.
86 Gleyse Jacques, « Les manuels en EPS. Images des rapports de la chair et du verbe, 1880-1935 », in Cerfee, Montpellier, Université, 2005.
87 « En 1886 et en 1887, l’académie de médecine de Paris fut saisie par un de ses membres, le médecin Lagneau, d’une question qui à cette époque provoquait une vive discussion dans la presse : la question du surmenage intellectuel. […] La commission fit un rapport et les conclusions de ce rapport, après avoir été discutées et votées, furent envoyées au ministre de l’Instruction publique », d’après Binet Alfred et Henri Victor, La Fatigue intellectuelle, Paris, Schleicher frères, 1898, p. 7.
88 Travaillot Yves et Tabory Marc, Histoire de l’éducation physique. Genèse d’une discipline scolaire, Pau, Myt2, 2001, p. 58.
89 Binet Alfred et Henri Victor, op. cit., 1898.
90 Nérin Jean-Yves, Les Instructions officielles et l’EPS au xxe siècle, Centre universitaire de recherche en activités physiques et sportives, université de la Réunion, Dossier n° 44, réédition, Paris, Éditions Revue EPS, 2003, p. 17.
91 Manuel d’exercices gymnastiques et de jeux scolaires, ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Paris, Imprimerie nationale, 1891, p. 6.
92 La gymnastique de développement : exercices de formation (prise de distance, etc.), exercices d’ordre, marche, évolutions, mouvements d’ensemble les mains libres, sautillés, équilibres, exercices préparatoires à la natation, mouvements d’ensemble avec instruments portatifs, boxe française, bâton, canne, mouvements avec appareils de suspension et d’appui.
93 La gymnastique d’application : les allures normales, marche, course, saut, saut à la perche, franchissements d’obstacles, grimper, exercices de sauvetage, escrime, promenades et excursions.
94 Les jeux scolaires comprennent les jeux récréatifs : le cache-tampon, les osselets, les billes, la main chaude, la toupie, le palet, les quilles, la balançoire, le chat-perché, etc. ; les jeux gymnastiques différents en fonction de l’âge ; les jeux de plein air, etc., Manuel d’exercices gymnastiques et de jeux scolaires, op. cit., 1891, p. 229-233.
95 Lagrange Fernand, « La gymnastique des écoles primaires », in Travaux de la Commission de gymnastique, Paris, Imprimerie nationale, 1889, p. 120, cité par Andrieu Gilbert, Enjeux et débats en EP (1886-1966), Les cahiers Actio, Paris, Actio, 1998, p. 20.
96 Union des sociétés françaises de course à pied en 1887 ; Ligue nationale de l’éducation physique en 1888 ; Ligue girondine de l’éducation physique en 1888, etc.
97 Nérin Jean-Yves, op. cit., 2003, p. 18.
98 Manuels d’exercices gymnastiques et de jeux scolaires, Paris, Delagrave, 1893, p. 5.
99 Démenÿ Georges, L’École française, Paris 1909.
100 Collinet Cécile, Les Grands Courants d’éducation physique en France, Paris, PUF, 2000, p. 74.
101 Tissié Philippe, op. cit., 1919.
102 Defrance Jacques, « La labellisation de la méthode naturelle. Entre mythe des origines et fascination de l’Amérique », in À l’école de l’aventure. Pratiques sportives de plein air et idéologie de la conquête du monde, 1890-1940, Pociello Christian et Denis Daniel (dir.), Voiron, PUS, 2000, p. 97.
103 Ibid., p. 21.
104 Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, ministère de l’Instruction publique, Paris, Hachette, 5e édition, 1914, p. XIV-XVI.
105 Loudcher Jean-François et Vivier Christian, op. cit., 1993, p. 333.
106 Ibid., p. 334.
107 Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, op. cit., 1914, p. 1.
108 Ibid., p. 16-18.
109 Andrieu Gilbert, op. cit., 1998, p. 33.
110 Exemples des séries pour les élèves de 6 à 13 ans. Série 1 : marches, évolutions, exercices d’ordre, etc. ; série 2 : mouvements des membres y compris les exercices correctifs et d’assouplissement, équilibre, lancers, lutte boxe, etc. ; série 3 : suspensions par les mains, appuis, balancements, etc. ; série 4 : courses, sautillements, danses, jeux impliquant l’action de courir, etc. série 5 : mouvements du tronc avec ou sans engin, etc. série 6 : sauts variés, jeux gymnastiques impliquant le saut, etc. ; série 7 : exercices respiratoires, marches lentes, etc., in Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, op. cit., 1914, p. 269-270.
111 Ibid., p. 265.
112 Ibid., p. 8-9.
113 Ibid., p. 18.
114 Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, ministère de l’Instruction publique, Paris, Hachette, 9e édition, 1919 ; 11e édition en 1922.
115 Ibid., p. 12.
116 Rouyer Henri, Quelques considérations sur les exercices physiques de la jeunesse des écoles, thèse de médecine, 1910, publiée, Paris, G. Steinheil, 1910, p. 104.
117 Binet Alfred, op. cit., avril 1905, titre IV, Organisation intérieure des écoles. Méthodes pédagogiques, matières de l’enseignement.
118 Annexe de l’arrêté du 18 août 1909 relatif au programme d’enseignement des classes d’enfants arriérés.
119 Andrieu Bernard, Alfred Binet (1857-1911). Sa vie, son œuvre, vol. 1., t. 1, Saint-Pierre du Mont, J. et S. éditeur, Européenne d’édition numérique, 2001.
120 L’école des Roches, fondée en 1899 par le sociologue Edmond Demolins, apparaît comme le prototype de l’école nouvelle en France. Il s’agit de former de futures élites, des individus qui ont une mentalité particulière au sein d’un pays à formation communautaire. D’après Duval Nathalie (dir.), « L’école des Roches, un creuset d’éducation nouvelle », in Les Études sociales, n° 127-128, 1998. L’école s’appuie sur le libéralisme anglo-saxon et prône la pratique du sport (rugby, football, cross-country, cricket, tennis, escrime, canne, etc.) comme moyen de développement du caractère et des valeurs morales de l’individu. Le rôle social des sports est de participer à l’émergence, dans le cadre de ce projet éducatif, d’une élite d’entreprise, de capitaines d’industries, etc. L’école va accueillir la première troupe française de scouts en 1911. D’après De Reyke Régis, « L’éducation physique et le sport à l’école des Roches : Usages et fonctions… », in À quoi sert l’éducation physique et sportive, René Bernard Xavier (dir.), CRUISE, dossier EPS, n° 29, Paris, Revue EPS, p. 308-311.
121 Binet Alfred, Les Idées modernes sur les enfants, Paris, Flammarion, 1909, p. 50.
122 « Conclusions des travaux de la commission ministérielle pour les enfants anormaux », in Bulletin de la SLEPE, n° 28, 1906, p. 59.
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