La situation de l’enfance anormale à l’approche du xxe siècle
p. 283-308
Texte intégral
On se perd toujours dans l’enfance : les méthodes d’éducation, le rapport parents-enfant, l’enseignement, etc., tout cela donne un moi, mais un moi perdu.
Jean-Paul Sartre, Situations, 1976.
1Le début de la IIIe République (1870…) est marqué par la difficile conquête républicaine du pouvoir, jusqu’en 1877. L’instauration d’un modèle politique, social et culturel de démocratie libérale est souvent remise en question par les graves crises politiques et morales. La gouvernance du pays est également marquée par une instabilité ministérielle1. Durant cette période, le mouvement réformateur se caractérise par un activisme tous azimuts. Des individus et des groupes d’acteurs quasiment interchangeables, explorent et modifient une multitude de « chantiers en friches2 ». Ce mouvement se développe notamment autour de la protection de l’enfance sous toutes ses formes : anormaux, délinquants, criminels, en danger, indisciplinés, etc. À la même période, l’exercice physique prend un essor important. Des courants théoriques apparaissent et des pôles d’activités prennent forme. C’est dans ce contexte en ébullition qu’un champ des activités physiques et des sports s’élabore avec des poussées d’autonomie3. La médecine mentale, toujours en recherche de légitimité, développe également de nouveaux concepts. Les médecins aliénistes dans ce dernier quart du xixe siècle, sont plus intéressés par l’homme fou avec ses délires et ses symptômes, dont on cherche à trouver le plus vite possible les causes et notamment les causes physiologiques. L’enfant idiot présente peu d’intérêt pour la médecine mentale et les réformateurs de ce domaine doivent donc diversifier leurs actions. L’école en pleine mutation apparaît alors comme un champ à exploiter pour le mouvement médico-pédagogique dont la tentative d’institutionnalisation médicale reste limitée.
Le mouvement réformateur de la protection de l’enfance
2En France, entre la deuxième moitié du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle, les initiatives prises en direction de la protection de l’enfance sont multiples4 et plusieurs lois sont votées5. Les enfants sont alors l’objet de la sollicitude des pouvoirs publics. Plusieurs domaines et non de la moindre importance sont saisis : la justice, l’éducation, la médecine, le travail6. Ce sujet est alors un enjeu majeur des luttes qui opposent les républicains aux conservateurs entre les années 1880 et la Première Guerre mondiale7. La loi du 24 juillet 1889, sur « la protection des enfants abandonnés, délaissés ou maltraités », dont la principale disposition concerne la « déchéance paternelle », marque le point de départ de cette protection. Désormais aucune sphère de la société française sur ce sujet n’échappe à l’intervention de l’État. Les premières institutions qui apparaissent en France sont les comités de défense des enfants traduits en justice, dont celui de la Seine créé en 1890 par le juge Rollet et celui de Marseille créé par les avocats Wulfram Jauffret et Albert Vidal-Naquet. Puis viendront les comités de sauvegarde dont les plus anciens seraient l’union française pour la sauvegarde de l’enfance, présidée par Jules Simon et la société lyonnaise pour la sauvegarde de l’enfance. Les savants du monde entier et surtout européens, se réunissent alors dans des congrès internationaux pour discuter sur cette tranche d’âge. Une culture commune se construit autour du statut de l’enfant, de ses conditions de vie, ainsi que les améliorations à apporter au niveau national et international8. Les débats oscillent entre deux pôles. Un pôle juridique et théorique (droit des enfants) et un pôle pragmatique (conditions de vie, expériences menées). C’est ainsi que pendant cette période propice au développement du traitement médico-pédagogique se met en place dans la société la formation d’une culture commune autour de ces deux approches (1880-1920). La première, dite juridico-administrative, proche de la « police sanitaire », porte essentiellement sur le statut et la prise en charge des jeunes (enfants nés hors mariage, abandonnés, « sans famille », orphelins, etc.). Les porteurs de ce mouvement s’intéressent aux modes de placement de cette catégorie d’enfants et à leur prise en charge par l’administration publique. Plus précisément, ils examinent les « moyens pris ou à prendre pour assurer leur mise en valeur physique, intellectuelle et morale9 ». L’autre approche concerne l’action médico-hygiénique (hygiène, puériculture, etc.). Elle aboutit, en 1886, à la création d’une inspection médicale des écoles. Le médecin est alors chargé de « préserver la collectivité des maladies épidémiques, et surveiller le développement physique de chaque écolier pris individuellement10 ». De même, dans les années 1890, apparaît une puériculture médicalisée et contraignante, au moment même où les découvertes de Pasteur sur l’asepsie et l’antisepsie donnent aux médecins un pouvoir et une autorité incontestées11. Au xixe siècle, et plus encore au xxe siècle, l’enfance devient un investissement majeur, un enjeu et par conséquent un secteur d’interventions où les acteurs se multiplient12. Les médecins, dont la fonction d’expertise se développe dans toutes les directions publiques et privées, détiennent toujours la vedette. Ces derniers deviennent des protagonistes importants de la scène politique (députés, sénateurs, membres du conseil municipal)13.
3La justice des mineurs connaît également au tournant du xxe siècle une remarquable effervescence. Jamais, depuis les débats14 pénitentiaires des années 1830-1840, les spécialistes du sujet n’ont autant débattu des questions concernant les jeunes délinquants, les enfants assistés ou encore les mineurs en danger. C’est le code pénal de 1810 qui définit le régime juridique concernant la justice de l’enfant, dont la limite est fixée à 16 ans. On assiste à une tension entre deux approches : éduquer ou punir, moraliser ou rééduquer (pour prévenir). Au bout de cinquante ans, l’échec de cette politique répressive apparaît nettement aux yeux des pénalistes et des réformateurs. Le pénitencier (la prison carcérale des condamnés), la maison de réforme ou de correction (la prison aux champs des acquittés à moraliser), quel que soit son nom, n’a réussi à produire que des récidivistes15. Ce constat amène, dans le dernier quart du xixe siècle, un mouvement de réflexion beaucoup plus global, non seulement sur la délinquance juvénile, mais également sur l’enfance malheureuse et sur l’enfance en danger qu’il faut protéger plutôt que punir. La logique punitive cède devant un mouvement plus social, dans un contexte de crise économique et morale et de remise en cause du droit pénal. La situation politique est également marquée par l’entrée en scène des socialistes et l’émergence de la doctrine de la défense sociale. Pourtant, sous l’influence des législations étrangères, la loi du 22 juillet 1912 va instituer les tribunaux pour enfants.
4Des nouvelles catégories d’enfants en danger, d’enfants moralement abandonnés, incorrigibles, martyrs, sont discutées et adoptés dans les années 1890. Les catégories de mineurs susceptibles d’entrer dans le champ de la protection s’élargissent. L’enfance « malheureuse », l’enfance « en danger » s’étend désormais à toutes les catégories, depuis les jeunes travailleurs jusqu’aux nourrissons. Elle comprennent, par exemple, les petits vagabonds16 et les mendiants, les enfants négligés par leurs parents, les enfants martyrs victimes de l’exploitation et de l’immoralité de leur milieu, avec une attention spéciale pour la prostitution enfantine. Un nouveau secteur privé (patronages ouverts ou fermés) prend forme à partir de la loi de 1898 sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers cette population. Des liens de collaboration s’établissent entre les tribunaux et les sociétés de patronages17, mettant à mal les anciens pouvoirs de l’administration pénitentiaire. Cette dernière, à partir de 1900, se voit au nom de la « préservation » des jeunes détenus, dépossédée de la gestion de certaines colonies au profit de l’Assistance publique. Celle-ci reçoit en héritage les meilleures colonies privées de la pénitentiaire (Cîteaux, Bologne, la Couronne, etc.)18 Des sociétés de patronage se créent à l’exemple de celle d’Henri Rollet. Cette société, dite « Patronage de l’enfance et de l’adolescence » (1890), prend en charge, dans un premier temps, les enfants en danger moral, puis, plus tard, les délinquants mineurs19. C’est cette institution qui, à partir de 1923, servira de point d’ancrage à l’élaboration, par le médecin Georges Heuyer20 (1884-1977), de la psychiatrie infantile.
5La question de la criminalité est également centrale dans la réflexion aliéniste au xixe siècle, et notamment autour des questions médico-légales (les rapports entre juges et médecins). Il s’agit alors pour les médecins de distinguer le fou du criminel21. Au début du xxe siècle des théorisations se développent pour associer la délinquance juvénile et l’anormalité ou la maladie mentale autour des perversions instinctives22. La théorie de la dégénérescence, développée par l’aliéniste Morel, va être également utilisée dans des polémiques autour des rapports de la folie avec le génie et le crime. Elle sert également de concept générique pour rassembler une certaine catégorie de la population23. Le médecin Georges Heuyer cherchera dans la première moitié du xxe siècle à développer, par le dépistage précoce, une « prophylaxie des maladies mentales et de la criminalité ». On voit également surgir, à partir de cette notion de dégénérescence, des dérives racistes qui vont amener aux théories de l’eugénisme dans le premier quart du xxe siècle24. En 1926, Heuyer deviendra membre de la société française d’eugénisme25. À la fin du xixe siècle, le congrès d’anthropologie criminelle de Genève (1896) consacre l’opposition de deux « grandes écoles scientifiques » qui ancrent les racines du crime dans l’organisme individuel pour l’une, dans le milieu social pour l’autre26.
6Dans le champ scolaire, à la même période, l’éducation morale, sociale, civique, voire politique, et la discipline occupent en permanence la presse d’enseignement. Le développement de la scolarité amène les instituteurs à évoquer des problèmes de pédagogie à l’égard d’enfants « indisciplinés », « espiègles », « étourdis », « turbulents », « terribles », « têtus », etc.27 En 1887, la question de l’éducation disciplinaire est à l’ordre du jour à travers la création d’écoles de réformes (établissement pour enfants non condamnés, indisciplinés, etc.) Les termes d’enfants « difficiles » et d’enfants « vicieux » sont introduits dans la législation par la loi du 28 juin 1904, relative à l’éducation des pupilles de l’Assistance publique. Il s’agit de mineurs ne pouvant pas être confiés à des familles en raison de leur indiscipline ou de leurs « défauts de caractère ». Si celui qu’on désigne alors sous le terme de pupille commet « des actes d’immoralité, de violence ou de cruauté », il sera confié à l’administration pénitentiaire pour être orienté vers une maison pénitentiaire ou une colonie correctionnelle. En 1904, la société pédagogique des directeurs et directrices d’écoles publiques de Paris demande la création de sections pour les « anormaux moraux », « instables et viciés », dans des établissements spéciaux qui recevraient également des anormaux intellectuels. Au-delà de la conduite des classes, l’optique est celle de la moralité publique et de la criminalité, problème de la société qui dépasse l’école et qui s’exprime fortement, surtout après 1890, dans la presse de l’enseignement.
7Dans cette phase conjoncturelle, de nouvelles théories émergent. Elles s’accompagnent de remises en cause. L’arrivée de la sociologie d’Émile Durkheim (1858- 1917) opère une double rupture. Elle réfute l’évolutionnisme inégalitaire de la plupart des anthropologues et montre que l’espèce humaine est par essence sociale. L’homme est avant tout une conscience socialisée, un être dont le comportement est façonné par la société qui détermine en lui « […] des manières d’agir, de penser et de sentir28 […] » Appliqué à la criminalité, ce raisonnement conduit à voir dans le crime le résultat « normal » d’une société qui n’assure pas à chacun de ses membres les conditions d’une bonne socialisation donc d’une bonne moralisation29. Dans le même temps, la psychologie scientifique s’accélère à la fin du xixe siècle, avec la formation d’un nouveau groupe, vers les années 1870, qui atteint un développement rapide autour des années 1890. Ce groupe de « fondateurs » et de « continuateurs » comprend, entre 1850 et 1909, une dizaine de personnes, dont Alfred Binet30. Cette nouvelle science pénètre, à travers l’action de ce dernier, le champ scolaire et développe de nouveaux concepts à l’égard de l’enfance anormale. Autour de toutes ces questions de la protection de l’enfance, de l’éducation et de la scolarisation, les contours d’un champ de l’enfance anormale se dessinent. Il se construit à l’interface des institutions asilaires, judiciaires et scolaires, qui véhiculent des valeurs et des enjeux professionnels spécifiques.
8Au début du xxe siècle, un espace des positions de la protection de l’enfance se dessine autour de quatre systèmes institutionnels : l’institution asilaire en charge des soins à l’égard des malades mentaux et qui développe un traitement médico-pédagogique pour les enfants idiots ; l’institution scolaire qui met en place des classes et écoles autonomes de perfectionnement pour les enfants arriérés ; l’institution pénitentiaire qui prend en charge les détenus mineurs, dont la limite est fixée à 16 ans (18 ans en 1906), dans des colonies pénitentiaires, correctionnelles31 et maisons d’arrêts (l’effectif des mineurs en 1909 est de 5812 détenus)32 ; l’institution de l’Assistance publique qui, à la fin du xixe siècle, va prendre en charge ou placer (sur décision de l’inspecteur départemental de cette institution) dans des orphelinats correctionnels ou de préservation33, des pupilles (orphelins pauvres, enfants trouvés, enfants moralement abandonnés, enfants de parents déchus). Toutes ces institutions sont alors reliées par une idée commune : « Faire œuvre d’orthopédie morale34. » Dans toutes ces structures, l’activité de gymnastique trouve une large place autour d’un modèle assez proche de celui de l’école.
Le mouvement de l’éducation physique
9La fin du xixe siècle est marquée par une vague réformatrice politique et morale qui touche une multitude de chantiers, y compris tout ce qui concerne l’exercice du corps. C’est dans ce contexte que des pratiques d’éducation du corps se structurent en « domaine d’action réformatrice35 ». La mise en forme de ce champ d’intervention, avec ses objets et ses réseaux institutionnels propres plus ou moins perméables et faiblement définis, est une entreprise qui vise à la diffusion et à l’imposition de la « culture » physique sur une grande échelle. Ce champ de l’éducation physique prend forme entre 1875 et 1894. Il est marqué par l’apparition de discours politiques, de textes du ministère de la Guerre et de productions sur la gymnastique suédoise. L’écho obtenu par cette dernière va en s’élargissant et touche des cercles de plus en plus étendus36. Des promoteurs de la gymnastique, socialement très hétérogènes, se dotent d’institutions réformatrices et se rassemblent. Parmi eux on trouve un nombre important de médecins. Ces derniers pensaient déjà la gymnastique en termes d’hygiène et d’éducation et la voyaient supervisée par un médecin ou un éducateur de plein titre, comme, par exemple, les médecins Jean Verdier (1777) et Guillaume Daignan (1797). À l’approche du xxe siècle, les partisans de la gymnastique plaident pour l’emploi de celle-ci comme traitement thérapeutique des diverses maladies dans les différentes spécialités médicales : neurologie, orthopédie, tuberculose, maladie mentale, etc. Les gymnastes et autres praticiens expérimentent des procédés thérapeutiques que les médecins valident par la production de thèses et autres articles à caractère scientifique. Les médecins réformateurs s’intéressent également à l’organisation de l’éducation physique et des sports dans le milieu scolaire. Ce sont les promoteurs de la diffusion de la pratique et de sa légitimation. Dans le même temps, à partir des années 1880, une campagne des hygiénistes se développe. L’académie de médecine interpelle les pouvoirs publics sur la nécessité de modifier le régime des établissements scolaires, conformément aux lois de l’hygiène et aux exigences du développement physique des enfants et des adolescents.37 Se développe également en cette fin du xixe siècle, un intérêt marqué pour le jeu de plein air et les théories sur la physiologie des exercices physiques. Fernand Lagrange est l’un de ces médecins qui s’intéresse à ces sujets. Il est l’un des promoteurs de la gymnastique sur laquelle s’appuient les médecins en charge du traitement médico-pédagogique38. Progressivement, un marché des activités physiques et sportives se met en place, s’élargit et se complexifie : renouvellement du répertoire et individualisation des pratiques d’exercices, prémices d’une organisation professionnelle chez les professeurs de gymnastique, production théorique, multiplication des écoles privées, etc.39 L’Union des professeurs de gymnastique de France (UPGF) est créée en 1884. Bien que n’étant pas un syndicat, elle est marquée par le contexte de l’organisation du syndicalisme et des nouvelles relations que les pouvoirs publics républicains entendent nouer avec les citoyens. D’après Guilhem Vésiers, l’UPGF apparaît comme l’ancêtre du Syndicat national de l’éducation physique (SNEP)40.
10Tout au long du xixe siècle, les relations entre gymnastique et éducation patriotique (morale) sont étroites, avec des moments de réactivation intense. Pour ces militants, la pratique physique comme activité autonome n’a pas de sens. Au contraire, elle doit avoir une utilité sociale (finalités externes, morales, religieuses, politiques). C’est sur ce principe que se développe l’éducation physique médico-pédagogique. En 1882, dans les écoles de la République, une éducation militaire est instituée, sous la forme de « bataillons scolaires41 ». Elle vient en complément de l’éducation physique scolaire. Cette conception patriotique marque le courant de la gymnastique jusqu’au xxe siècle et se trouve représentée par diverses unions de préparation militaire, dont l’influence ne fléchira42 que dans les années 1930-1940. C’est le cas de l’Union des sociétés de gymnastique de France (USGF). Elle est créée en 1873 et elle est reconnue d’utilité publique en 1903. Cette association a pour objectif de coordonner les sociétés civiles de gymnastique (et de tir). L’union, dont Eugène Paz devient le premier président, se veut apolitique, mais son programme est implicitement républicain, teinté d’un patriotisme de nuances variables43. Un bulletin mensuel, Le gymnaste, sert d’organe de liaison. Le nombre d’associations affiliées passe entre 1870 et 1899, de 34 à 803 et culmine à la fin de la Grande guerre, autour de 180044. Dans ces sociétés se pratique une gymnastique collective (exaltation de la morale, du devoir, du service et de l’ordre) et de participation à des concours et fêtes « fédérales ». C’est le développement du civisme patriotique et du citoyen combattant, sur un principe de neutralité sociale et politique. La gymnastique médico-pédagogique développée à la section spéciale de Bicêtre s’inscrit dans ce mouvement. Dans la « Grande école » (13 à 17 ans et plus) de la section de Bicêtre, un « bataillon de gymnastique » est créé et prend part, dès 1888, aux différents concours45. Cette inscription s’appuie, d’une part, sur l’action radicale républicaine de Bourneville et, d’autre part, sur la mission déjà présente, à cette époque, d’intégration des enfants idiots. Cette forme patriotique de la gymnastique reçoit l’adhésion de multiples mouvements (ligue de l’enseignement, ligue des patriotes, milieux politiques divers, fractions du patronat).
11L’USGF met en place, pour la première fois, à partir de 1880, la formation des éducateurs physiques civils (la formation des gymnastes militaires existe depuis 1852 à l’école normale de gymnastique et d’escrime de Joinville-Le-Pont). À Paris, un « cours théorique et pratique de gymnastique » est créé, en 1888. Il est à l’initiative de l’union des sociétés de la Seine, agréé par la ville et sous le contrôle de l’inspecteur principal, Napoléon Laisné46. Monsieur Goy, maître de gymnastique à l’asile école de Bicêtre et à la Fondation Vallée, formé par Laisné, a probablement suivi ce cours. Cet enseignement devient, en 1903, le « Cours supérieur d’éducation physique » dit « de l’université47 ». Il va servir à la préparation des candidats admissibles aux épreuves orales et pratique du certificat d’aptitude à l’enseignement de la gymnastique « degré supérieur », institué par le décret du 30 juin 1907 (formation qui va disparaître en 1933). Enfin, l’USGF se transformera, en 1942, en fédération française de gymnastique, puis deviendra, en 1965, une discipline sportive48.
12À partir de 1895 et jusque dans les années 1940, et plus particulièrement entre les deux guerres, apparaît un nouveau pôle de l’activité physique d’orientation « sportive49 ». Il se développe par la multiplication des organisations qui viennent diriger et encadrer le sport au nom de convictions politiques et confessionnelles et qui lient étroitement gymnastique, sport, et morale. Ces organisations vont former de jeunes sportifs « ouvriers » révolutionnaires, sous l’égide du parti communiste, des sportifs « travaillistes », avec les socialistes, des sportifs « catholiques » ou « chrétiens », avec la fédération des patronages ou l’union chrétienne des jeunes gens, des sportifs « laïques », avec les œuvres laïques d’éducation physique50. L’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) est créée, en 1889, par Georges de Saint-Clair à partir de l’ancienne union des sociétés française de courses à pieds51. Elle va étendre son champ d’action auprès de la plupart des sports. Cette société, avec d’autres, comme le comité pour la propagation des exercices physiques de Pierre de Coubertin52, intervient en grande partie pour contrebalancer la domination de la gymnastique militaire et scolaire, surtout à partir de la phase des « bataillons scolaires53 ».
13Entre ces deux pôles réformateurs de l’exercice se met en place, en 1888, à l’initiative de Paschal Grousset (1844-1909), la ligue nationale de l’éducation physique. Pour ces militants réformateurs il s’agit d’engager une réflexion pédagogique sur la mise en place, à côté de la gymnastique classique, des jeux de plein air et des récréations actives54. La ligue institue la mise en place de concours (forme de jeux olympiques) qui marquent le début du sport scolaire avec la remise de médailles. L’un des premiers concours organisé, en 1889, comprend une douzaine d’épreuves : marche, course à pied, bicycle, saut, jet de disque, escrime, tir, boxe française, équitation, natation, etc. Ce mouvement donnera naissance au xxe siècle, à l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep). Dès son origine, la ligue compte, parmi ses membres, bon nombre de personnalités républicaines anti-versaillaises, d’anciens communards, quelques membres de l’internationale ouvrière et des francs-maçons. À sa tête Grousset est entouré de Marcellin Berthelot (futur ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, du 11 décembre 1886 au 17 mai 1887) et l’on voit parmi ses membres : Georges Clemenceau, Jean Macé (fondateur de la ligue de l’enseignement et franc-maçon), Alexandre Dumas, Michel Bréal (bras droit de Jules Ferry), Ferdinand Buisson (directeur de l’enseignement primaire au cabinet Jules Ferry et directeur du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire), Fernand Lagrange, Étienne-Jules Marey, Louis Pasteur, Alexandre Millerand, Octave Gréard (autre collaborateur proche de Jules Ferry et ancien ministre), Jules Verne, Jean Richepin, etc. Les membres adhérents sont pour la plupart des enseignants (961 membres) de l’union des instituteurs et institutrices de la Seine. À la même époque, Bourneville pénètre ces différents mouvements réformateurs. Il est président d’un « Cercle des parents éducateurs ». De 1881 et jusqu’en 1895 au moins, il est membre de la délégation cantonale du Ve arrondissement de Paris55. Il fait également partie de la commission d’enseignement du conseil municipal de Paris (conseiller municipal en 1876, à 1883).
14Sur le plan local, des ligues apparaissent, comme la ligue girondine d’éducation physique, créée en 1888, par un professeur d’anglais, James Addison et le médecin Philippe Tissié. Cette dernière s’émancipe de la ligue nationale et se dote d’un programme réformateur propre : lendits (rencontres physiques scolaires), cours d’éducation physique, commissions ministérielles, etc. Au début du xxe siècle, la ligue girondine oriente son action à partir des théories de l’hygiénisme et de l’eugénisme56. En 1906, elle s’associe à l’alliance d’hygiène sociale57 et l’intitulé de sa revue est complété pour former La revue des jeux scolaires et d’hygiène sociale. En 1907, elle devient la ligue française d’éducation physique et s’organise essentiellement sur une base régionale au sud-ouest de la France. Le comité directeur est composé de 8 médecins sur 11, avec des figures de la réforme sociale : Albert Calmette, Augustin Gilbert, Adolphe Pinard, Charles Richet, etc.58
15Pour compléter tout ce réseau des institutions réformatrices de l’activité physique, il faut signaler la création du cercle de gymnastique rationnelle de 1880 à 1886. Ce mouvement a le double caractère sportif et scientifique. Il oriente son action sur la promotion de la gymnastique comme moyen d’éducation morale et intellectuelle selon le modèle des sociétés positivistes d’obédience républicaine. Ses promoteurs, sous la présidence de l’ancien gymnaste-moniteur Georges Demenÿ (1850-1917), disciple d’Étienne Marey59, développent des cours publics et libres, subventionnés par la mairie, à l’attention des gymnastes et des instituteurs et élèves des écoles normales60.
16C’est dans ce contexte réformateur qu’un champ des activités physiques et des sports prend forme, vers les années 1875-1885, avec des poussées d’autonomie des commanditaires que sont l’école, la médecine et le spectacle. Néanmoins, ce champ demeure faiblement autonome dans un premier temps61. L’éducation physique qui se met en place, durant cette période, à la section spéciale de Bicêtre, sous la houlette du médecin républicain Bourneville, s’inscrit dans cet espace réformateur. C’est alors une éducation physique scolaire qui s’appuie sur une gymnastique d’inspiration militaire. Elle permet aux élèves de l’asile de participer aux concours et fêtes fédérales de gymnastique.
La délimitation du domaine de l’aliénation
17La fin du xixe siècle voit, en France, se développer une spécialisation de la médecine mentale. Les médecins aliénistes, développent deux orientations : une médecine sociale et morale avec le soin aux aliénés adultes et le traitement médico-pédagogique des enfants idiots et une médecine légale d’expertise criminologique. Ces nouvelles approches amènent au développement d’un processus de division aboutissant à la constitution de nouvelles spécialités instituées et reconnues comme légitimes, par les institutions dominant le champ62. Par exemple, l’action réformatrice de prise en charge spécifique des enfants idiots sera à la source d’une spécialisation qui apparaîtra dans la première moitié du xxe siècle sous le terme de psychiatrie infantile, avec une chaire en 1948. Le concept médico-philosophique d’aliénation mentale63 du début du xixe siècle comme maladie unique avec sa seule modalité thérapeutique, le traitement moral, fait progressivement place à un nouveau paradigme de « maladies mentales64 ». Les tentatives d’éducation des idiots et des épileptiques ont montré que ces enfants avaient de moins en moins de rapport avec l’aliénation mentale. Les techniques utilisées pour cette éducation spéciale n’ont rien de commun avec le traitement de la folie, tel que l’avait conçu Pinel. Avec ce nouveau paradigme, les médecins admettent désormais qu’il existe plusieurs affections mentales. C’est l’aliéniste Jean-Pierre Falret qui énumère, en 1864, quatre maladies mentales : la paralysie générale ou folie paralytique, la folie circulaire, la folie épileptique, le délire aigu. Malgré ces avancées, la médecine mentale est encore peu légitime : Léon Gambetta s’adressant au corps législatif, le 21 mars 1870, déclare une inquiétude publique au sujet du nombre croissant des fous hospitalisés et l’incapacité des médecins aliénistes à dominer la folie et d’affirmer que « la maladie mentale semble être la maladie du siècle65 ». À l’horizon des années 1900, un certain découragement s’empare des aliénistes. Ils constatent que les théories organicistes ont débouché sur un néant thérapeutique à peu près complet. En 1886, sur 61173 aliénés internés, 3192 (5,21 %) sont sortis guéris, 2 043 (3,33 %) se sont améliorés et 6 539 (10,68 %) sont décédés66. La communauté psychiatrique s’empresse d’adopter un modèle clinique de pathologie mentale apte à convaincre l’État et les autres médecins. Plutôt que de répondre à l’interrogation : Qu’est-ce que la folie ? un médecin aliéniste, Augustin Morel67, propose, en 1850, une théorie sur l’origine et le développement de la maladie : la dégénérescence. Cette dernière devient le modèle idéal et marque un progrès dans le processus de légitimation de la profession68. Le système de Morel est d’abord un modèle explicatif (étiologie) basé sur une folie héréditaire qui permet d’expliquer la cause essentielle de la maladie en l’absence d’altérations précises dans le cerveau. Selon cette théorie, certaines familles souffrent d’une détérioration héréditaire qui peut s’étendre sur plusieurs générations, avec des symptômes tels que la dépravation morale, la manie, l’arriération mentale, etc. Les médecins attribuent cette dégénérescence (le terme de dégénéré devient un concept psychiatrique), entre autres, à l’alcoolisme, à l’immoralité, à la nourriture, aux conditions de travail, à l’insalubrité des habitations, etc. Ce modèle explicatif rend difficile l’hypothèse de la cause organique. La proposition de Morel, faute d’un savoir accumulé et validé, disparaît dans un premier temps. Elle refait surface quelques dix ans plus tard, dans les années 1870. Elle est très populaire entre 1880 et 1890. Des médecins aliénistes utilisent alors le terme de dégénéré pour définir la catégorie des enfants malades ou infirmes. C’est ce que fait, par exemple, Emmanuel Régis, médecin à la maison de santé privée pour malades mentaux, au Bouscat en Gironde. Il présente, en 1895, au congrès international de protection de l’enfance de Bordeaux, une classification des enfants dégénérés69. Cette dernière (idiots, imbéciles, débiles, déséquilibrés) reprend sous une autre forme celle développée par Bourneville. Au début du xxe siècle, la notion de dégénérescence est devenue le nouveau paradigme de l’analyse sociale. Tous les phénomènes auxquels la société est confrontée sont désormais interrogés à l’aune de cette sombre perspective : baisse de natalité et dégradation biologique de la race humaine, augmentation du nombre d’alcooliques (égal une France dégénérée)70. Ce tableau noir se conjugue avec les travaux de la sociologie naissante de Durkheim sur les faits sociaux. La théorie de l’évolution des espèces de Darwin, publiée en 1859, participe également de ce mouvement : « C’est un fait désormais acquis et incontestable grâce aux admirables travaux de Darwin sur l’évolution que l’hérédité domine la vie humaine comme elle domine la biologie toute entière : la loi est implacable comme la nature même dont elle est l’expression abstraite71. » Avec la folie morale, les psychiatres donnent le net sentiment que la normalité ne se mesure pas selon des syndromes anatomo-cliniques, mais selon le caractère de danger que leurs patients représentent pour la collectivité. Désormais, on ne pense plus ou de moins en moins en termes de protection du malade contre ses propres dérives, mais en termes de protection de la société. Certains de ces médecins considèrent que du point de vue du traitement médical, il s’agit d’empêcher « par des sages conseils, les dégénérés, les syphilitiques, les alcooliques, les morphinisés, etc., de se marier et de donner fatalement naissance à des dégénérés de toutes catégories72 ». Ce discours fait écho aux actions et moyens socio-prophylactiques à mettre en œuvre pour empêcher la dégradation de l’espèce et à la propagation des « non-valeurs ». Le partisan du malthusianisme73, Paul Robin, propose l’euthanasie ou la stérilisation des dégénérés ou faibles d’esprit74. Il s’agit d’obtenir « à tout prix des inférieurs et dégénérés qu’ils soient les derniers de leur race ». Cette folie morale traduit également la fascination de l’aliénisme pour la figure du criminel, à l’exemple du médecin italien, César Lombroso (1835-1909) qui propose, en 1876, de lier dans un même type, criminalité, folie morale et épilepsie75. Malgré son terme polysémique, le dégénéré76, quel que soit le sens que lui donnent ceux qui le qualifient, est un incurable. Le pervers et l’idiot sont les deux figures qui se maintiennent conjointement au début du xxe siècle y compris après la Seconde Guerre mondiale dans le cadre de cette dégénérescence sans nom. Il faudra de longues années avant que les termes « enfant idiot » et « enfant dégénéré » ne soient déconnectés77. La corporation des médecins-aliénistes engagée dans un processus de professionnalisation va peu s’intéresser à la situation des enfants aliénés. C’est l’homme fou qui préoccupe les médecins, avec ses délires et ses symptômes dont on cherche à trouver le plus vite possible les causes et notamment celles qui sont physiologiques. Les enfants aliénés sont relativement peu nombreux par rapport aux adultes. Ils représentent, en 1894, environ 3,4 % des aliénés78. Considérés comme incurables, ils n’ont pas de délire que le médecin peut étudier. Les recherches sur ces enfants n’apparaissent pas comme fondamentales pour légitimer la profession. Les symptômes laissent apparaître un déficit d’éducation et certains vont jusqu’à demander une démédicalisation du traitement des idiots. Cette idée avait déjà été prônée, en 1852, par Henri Davenne, directeur de l’Assistance publique. La plupart des médecins, tel Jacques Moreau de Tours, ne reconnaissent pas la mise en place d’une éducation des idiots. Presque isolé, ce mouvement ne reçoit pas l’assentiment officiel de la corporation et de l’administration. Seul le caractère hypothétiquement dangereux pour la société et la perversion de ses instincts79 permet de faire jouer les conditions d’une assistance à ces enfants80. Pour beaucoup de médecins aliénistes, l’enfant anormal est un criminel en puissance. Une théorie qui pourtant n’est jamais soutenue par une statistique sérieuse. Il est alors probable que ce discours vise à appuyer la prise en charge de ces enfants par des médecins spécialisés que veulent être certains de ces aliénistes. C’est sur ces critères que Bourneville s’adosse pour développer sa structure spéciale de traitement des enfants idiots. Tout en réaffirmant l’inscription des enfants idiots dans l’aliénation mentale, Bourneville rappelle, en 1895, que dans le langage clinique ou la pratique médicale, on doit faire des distinctions. D’après lui, « il y a les idiots, les plus malades, les imbéciles, les moins malades, les arriérés qui se rapprochent, dans une certaine mesure, des enfants moyens au point de vue de l’intelligence. Puis, à côté, il y a une catégorie qui tourmente beaucoup de gens, les jurisconsultes, les médecins, ce sont les pervers, ces êtres que la prison et l’hôpital se disputent. En Angleterre, aux États-Unis, etc., on dit que ces malades sont atteints d’imbécillité morale81 ». Avec ce discours, le médecin établit de manière stratégique, semble-t-il, une relation entre les enfants anormaux, arriérés, pervers (voleurs, menteurs, etc.), criminels, vagabonds, etc. Pour ce dernier, le traitement médico-pédagogique doit s’appliquer à diverses catégories d’enfants qui relèvent de différentes institutions : asilaire, pénitentiaire, scolaire et de l’Assistance publique. Malgré tout, à la fin du xixe siècle l’enfant anormal s’éloigne progressivement de la maladie mentale pour s’inscrire alors dans une conjoncture pivot, autour de la scolarisation obligatoire, des mouvements nationaux et internationaux de protection de l’enfance (difficile, en danger, délinquante, etc.) et d’une politique sociale.
Le mouvement médico-pédagogique asilaire
18La prise en charge des enfants aliénés est marquée par le fait qu’en dehors de l’idiotisme, la maladie mentale est rarement perçue chez l’enfant au xixe siècle. Michel Foucault indique que les premiers enfants fous qui apparaissent, dans les dossiers de la psychiatrie, émergent vers les années 1880 dans le cadre des consultations privées82. Ils sont décrits comme des individus extrêmement dégradés sur le plan physique, physionomique et intellectuel83. Ils sont également présentés comme des personnes inhabiles à raisonner, seuls, isolés et détachés du reste du monde84. Les enfants atteints d’idiotisme sont donc les premiers enfants reconnus comme des malades mentaux.
19Dans la deuxième partie du xixe siècle, le mouvement médico-pédagogique est faible : quelques médecins aliénistes impliqués à des degrés divers, avec comme figure de proue, Bourneville. Ce dernier apparaît assez seul et doit faire face à l’inertie administrative de l’assistance publique85. Pourtant la question de la prise en charge des enfants idiots et dégénérés fait partie des préoccupations des médecins de la nouvelle société internationale pour l’étude des questions d’assistance publique (créée peu après 1889) qui se réunit chaque mois à Paris.
20Lorsque Bourneville prend la direction d’un des services de l’hospice des aliénés, en 1879, il entend imprimer un nouveau mouvement de réforme dans le champ asilaire86. Il souhaite institutionnaliser l’éducation et l’instruction médico-pédagogique pour tous les enfants et adolescents idiots, imbéciles et épileptiques, internés dans les asiles de France. Si l’éducation et l’instruction sont les axes de son traitement, elles s’inscrivent dans un cadre curatif qui implique la compétence médicale. Tous les enfants anormaux « à des titres divers, sont des malades ou des infirmes et ils relèvent de la science et de l’intervention médicales87 ». Bourneville tient cette position de réformes d’assistance jusque dans les années 1890. Le médecin ignore le ministère de l’Instruction publique et le ministère de son côté ne s’intéresse pas au sort des enfants idiots. Très vite l’aliéniste cherche à étendre le principe de l’asile-école qu’il met en place à Bicêtre. À la chambre des députés, il dépose, en 1889, un long rapport88 sur un projet de loi relatif à la révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés (projet jamais adopté). Dans ce projet il souligne la situation malheureuse des enfants idiots et épileptiques : « Dans beaucoup de départements, ils ne sont internés que s’ils présentent des dangers pour la sécurité publique89. » L’action menée par le médecin à Bicêtre est faiblement suivie en dehors de la région parisienne. En 1894 au congrès national de l’Assistance publique de Lyon, il dresse un tableau assez nuancé, voire négatif, sur le traitement médico-pédagogique dans les asiles départementaux. Le nombre d’asile-écoles est très faible. Bourneville effectue une enquête sur l’assistance des enfants idiots et épileptiques dans les départements (hors celui de la Seine) et les résultats montrent, pour cette année 1894, un effectif de 800 enfants hospitalisés dans les asiles publics et privés (sous contrôle de l’État) faisant fonction d’asile public90. En plus de ces asiles, les hôpitaux et les hospices de province renferment un petit nombre d’enfants idiots, imbéciles et épileptiques. Pour compléter, des asiles privés (non sous contrôle de l’État) se consacrent à la prise en charge de ces enfants, avec parfois des pensions assez élevées91. Un récapitulatif de la population des idiots et épileptiques des deux sexes hospitalisés dans le département de la Seine indique un effectif de 982 enfants au 1er février 189592. Bourneville précise qu’il ne possède pas de statistiques complètes. Toutefois, il mentionne que dans le dernier rapport des inspecteurs généraux93, il est fait état, à cette époque, d’une population d’idiots (enfants et adultes) évaluée à 36 000 pour la France. D’après lui ce chiffre est en dessous de la vérité et le nombre dépasserait 60 00094.
21Bourneville indique également, dans son rapport publié en 1895, que des formes d’organisations de type asile-école sont mises en place de façon aléatoire ici et là en dehors de la région parisienne. Il cite quelques exemples : dans un asile, une religieuse fait la classe aux enfants susceptibles d’acquérir quelque instruction ; dans un autre, un gardien est chargé de faire quelques essais d’éducation ; deux pensionnaires d’une maison donnent à ceux qui peuvent les recevoir avec quelque profit des leçons de lecture, d’écriture, de calcul ; des filles d’un asile font des travaux d’aiguille, etc. L’asile de l’Aisne accueille 20 garçons et 16 filles et deux pensionnaires leur donnent quelques cours scolaires. Les enfants de plus 15 ans (non comptés) travaillent dans les champs ou les ateliers, etc.95
22La transformation asilaire voulue par le médecin se heurte à la résistance des représentants de l’Assistance publique qui n’admettent pas ses théories sur l’éducabilité. Cette résistance est accentuée par le corps médical et le scepticisme de certains médecins aliénistes quant à la possibilité d’améliorer l’idiotie. La dynamique conflictuelle qui oppose Bourneville à l’Assistance publique s’appuie sur deux mobiles sous-jacents : des raisons politiques et idéologiques, en particulier l’anti-cléricalisme foncier du médecin décrit par ses amis, comme « phobie littérale de la cornette96 » ; des raisons économiques, l’Assistance publique considère que les enfants idiots sont des « non-valeurs » et qu’ils n’ont pas besoin d’un tel investissement97. À Paris, le renouveau de la prise en charge des enfants idiots, entrepris par le médecin, amène assez rapidement à l’encombrement des asiles et notamment celui de Bicêtre. Plusieurs raisons sont à l’origine de cet encombrement. Les nouvelles conditions d’assistance et de traitement à l’asile ont, semble-t-il, incité les familles à confier plus facilement leurs enfants aux soins des aliénistes. La réforme momentanée des modalités de placement (accessibilité aux placements volontaires, allégement et accélération des procédures) et la diminution des transferts en province ont contribué également à cette situation98. Très vite le seuil de la capacité d’accueil (400 enfants) de la section spéciale de Bicêtre est atteint et dépassé (plus de 500 enfants dans les années 1895). Bourneville fait connaître la situation à partir des comptes rendus annuels qu’il met en place dès 188099. Devant cette situation, à partir de 1890, Bourneville se résigne au transfert des enfants ayant atteints la majorité dans d’autres services adultes : « Puisque l’insuffisance de nos asiles nous contraint de recourir toujours à la pratique barbare des transferts100. » Par ailleurs, le médecin souhaite que l’hospitalisation des enfants soit imposée aux communes ou aux départements, afin que l’on puisse « de moins en moins craindre l’hospitalisation des enfants étrangers de la Seine ». Pour pallier au débordement de Bicêtre, il est contraint de mettre en place des stratégies d’évitement et de rupture parfois en opposition avec son action initiale : les transferts, le secours à domicile, etc. La tentative réformatrice des années 1890-1895 est grandement compromise. Le modèle médico-pédagogique asilaire reste marginal.
La situation de l’instruction scolaire dans les écoles de la République
23Le concept « d’éducation nationale » émerge à la fin du xviiie siècle101. Un enseignement secondaire et un primaire d’État sont institués au début du xixe siècle et consolidés sous la IIIe République par les lois qui instaurent l’école laïque gratuite et obligatoire. Elles mettent fin à un conflit qui a traversé le xixe siècle, opposant différentes forces sociales et politiques.
24Sous l’Ancien Régime, avant 1789, l’école était sous tutelle de l’Église. L’État intervenait très peu et laissait le clergé s’occuper de l’enseignement ou le surveiller (à l’exception des universités, relativement autonomes). C’est la Révolution qui ouvre une période de changement sur quatre grands problèmes : rompre avec la tutelle exclusive de l’Église, articuler enseignement primaire et secondaire, contrôler les institutions locales et instruire ou éduquer. Cette situation va aboutir au xixe siècle à une dualité entre l’enseignement public et l’enseignement privé. Les différents changements de régime vont être l’occasion de « guerres scolaires ».
25Durant le premier quart du xixe siècle, la France s’est relativement déscolarisée par comparaison avec la fin de l’Ancien Régime. Une situation qui est apparue avec le développement industriel (notamment les industries textiles) et l’utilisation d’une main-d’œuvre enfantine102. Pourtant, avec le Premier Empire (1804-1814) se développe un réseau d’État avec des lycées et des grandes écoles accessibles aux classes dominantes. L’Église a la charge de l’enseignement élémentaire où sont scolarisés une partie des enfants des classes populaires. Avec les lois Guizot de 1832 s’amorce la construction d’une école publique qui n’est ni obligatoire ni gratuite partout. L’État ne prend pas en charge les dépenses de l’école primaire : rémunération de l’instituteur, location des bâtiments, frais de fonctionnement. Toutes ces dépenses sont à la charge de la commune depuis la loi de 1802. En 1866, le budget de l’Instruction publique ne dépasse pas les sept millions sur un budget total d’environ deux milliards103. Si chaque commune ou presque a son école à la fin du Second Empire (1852-1870), les besoins ne sont pas tous satisfaits. Les écoles sont au nombre de 13368 en 1863, 16926 en 1891 et vont atteindre le chiffre de 17 660 en 1906104. La dualité privé-public se poursuit, avec la promulgation des lois Falloux le 15 mars 1850. Elles organisent l’enseignement primaire et secondaire qui se trouve désormais partagé entre l’enseignement public : les écoles dites « publiques » sont gérées par les communes, les départements et l’État ; les écoles dites « libres », sont gérées par des particuliers, des associations ou des congrégations. Les maîtres sont formés dans des écoles normales entretenues par les départements (qui peuvent les supprimer). Pour l’école « libre », les congrégationistes peuvent enseigner s’ils sont titulaires du baccalauréat ou ministres d’un culte ou s’ils justifient d’un certificat de stage. Pour les religieuses, une simple lettre d’obédience de l’évêque suffit. Dans l’enseignement secondaire, la liberté de l’enseignement est de mise. Un bachelier peut ouvrir une école et aucun titre n’est exigé des enseignants. Les lois Falloux imposent également aux communes de plus de 800 habitants d’entretenir une école de filles. Ce sont les écoles dirigées par les congrégations qui ont le monopole de l’enseignement féminin. En 1879, 76 % des garçons du primaire sont inscrits dans le public laïque et 36 % des filles ; 20 % des garçons et 56 % des filles sont éduqués par des congréganistes (dans le public ou le privé)105. Les lois Falloux consacrent sur le plan symbolique une dualité et une défiance qui vont nourrir de longs affrontements entre école publique et l’école privée. Après bien des atermoiements, le 30 janvier 1875, la IIIe République est définitivement instaurée. Jules Grévy (1807-1891) succède à Adolphe Thiers et Maurice de Mac-Mahon, comme troisième président de la IIIe République, de 1879 à 1887. Il instaure dans les faits une république laïque, démocratique et parlementaire. L’accession définitive au pouvoir des républicains, en 1877, marque une période d’intense activité législative et particulièrement dans le domaine scolaire. Bien que la scolarisation des Français et tout ce qui lui est lié connaisse un progrès incessant depuis une cinquantaine d’années, les lois républicaines apparaissent néanmoins comme un temps fondateur. Les républicains mènent un combat anticlérical pour l’affermissement de la république. Ils sont convaincus que « si les hommes font les lois, les femmes font les mœurs… et les fils des républicains ». La création prioritaire des écoles normales féminines est le corollaire obligé de cette priorité. « Il s’agit d’instituer l’esprit de corps de cet enseignement public d’État républicain, le plus fermement et le plus rapidement possible106. » Plusieurs lois sont votées à cet effet : la loi Paul Bert du 9 août 1879 qui rend obligatoire l’entretien par chaque département d’une école normale de filles, la loi Camille Sée du 20 décembre 1880 qui institue un enseignement secondaire public féminin, la loi du 16 juin 1881 qui stipule que le privilège de lettre d’obédience accordée aux congréganistes féminins est aboli, la loi René Goblet du 30 octobre 1886 qui organise le primaire et laïcise le personnel des écoles primaires publiques (les instituteurs congréganistes doivent être remplacés dans un délai de cinq ans par des maîtres laïques et les institutrices congréganistes au fur et à mesure que les postes deviennent vacants).
26Dans les années 1880, la croyance dans les bienfaits de l’école n’est plus seulement le fait d’un groupe de pédagogues, elle a pénétré profondément les couches sociales nouvelles qui font la République107. Divers mouvements concourent au développement de l’instruction publique obligatoire pour tous. La ligue de l’enseignement108 participe de ce mouvement en lançant une pétition en 1871 pour l’instruction gratuite, obligatoire et laïque. C’est Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, qui, en 1881 et 1882, rend l’instruction primaire obligatoire pour les garçons et filles âgés de 6 à 13 ans. L’école publique est gratuite. La loi scolaire établit également la laïcité de l’enseignement : l’instruction religieuse est supprimée des programmes pour être remplacée par l’instruction morale et civique. La France du xixe juxtapose deux écoles : « l’école des notables » et « l’école du peuple », l’école des « propriétaires » et l’école de « ceux qui travaillent ». Les lois promulguées entre 1880 et 1886 ne vont pas changer fondamentalement cette réalité109. Les classes élémentaires payantes des lycées sont réservées à la bourgeoisie, l’enseignement primaire supérieur ou les écoles professionnelles au peuple. Au cœur de cette citadelle qui se fortifie, Ferdinand Buisson110 prend une place importante concernant l’inspiration de la législation, de la réglementation et de l’administration de l’enseignement primaire111. De 1879 à 1896, il est appelé par Jules Ferry à la direction de l’enseignement primaire. Il supervise le travail d’écriture et de conception des lois sur la laïcité. L’éducation dispensée dans les lycées prend place dans un système de transmission culturelle où parents, élèves et professeurs partagent par leur position cet espace social. En revanche, l’éducation donnée dans les écoles primaires, par l’instituteur, tend à invalider ce système de relation pour lui substituer l’apprentissage d’un rapport respectueux et la culture légitime. C’est dans ce contexte de l’école primaire que la pédagogie trouve une place comme moyen d’harmoniser les règles de conduites, les comportements des « enfants du peuple », avec les références d’une culture morale et d’un idéal supérieur112. La pédagogie devient l’élément principal de la formation des instituteurs. Pour répondre à cette démarche, les responsables de l’école publique s’attachent à l’élaboration d’une doctrine pédagogique basée sur un savoir scientifique. C’est dans ce contexte qu’apparaissent les sciences de l’éducation, au premier rang desquelles la psychologie de l’enfant.
27L’action pédagogique poursuivie par Bourneville, à partir de 1879, s’inscrit bien dans ce contexte et dans les réseaux qu’il entretient. Il est un ardent défenseur de la laïcité et mène un combat pour permettre au personnel pédagogique de la section spéciale de Bicêtre d’obtenir les qualifications nécessaires. Républicain radical, il est franc-maçon au Grand Orient de France, dans la loge « La Clémente amitié », comme Jules Ferry, Emile Littré et Léon Bourgeois. Il est donc au plus près du pouvoir concernant toutes ces questions d’éducation et d’instruction qui sont au cœur des préoccupations des différents mouvements réformateurs de la fin du xixe siècle. Chacun de ces cercles rénovateurs tente d’imposer un modèle de prise en charge dans un domaine de l’enfance (les écoliers, les anormaux, les enfants en dangers…) dont il défend les intérêts. Ces mouvements de forces donnent lieu à des luttes entre individus, entre clans, où chacun cherche à tenir sa place, à se démarquer, à conquérir de nouvelles positions. Ces affrontements supposent une guerre sociale qui se mène aussi sur le plan symbolique. Des luttes vont s’engager d’abord à l’intérieur de la médecine mentale, puis entre la médecine mentale, l’institution scolaire et la psychologie expérimentale. Les lois scolaires vont apparaître comme un élément déterminant de la reconnaissance par les pouvoirs publics de l’instruction de tous les enfants de la république, y compris les enfants idiots.
Notes de bas de page
1 Le chef du gouvernement nommé par le président est rarement le représentant de la majorité parlementaire ce qui aboutit à une instabilité ministérielle : 46 ministères de 1879 à 1914. Trois phases gouvernementales apparaissent sous la IIIe République : de 1879 à 1885, la « République des opportunistes » avec Gambetta et Ferry, est attachée aux libertés publiques et à d’intangibles principes d’intégration sociale ; de 1885 à 1898, la « République des modérés » qui donne un gouvernement soucieux de rallier l’opinion catholique et de marginaliser la gauche et l’extrême gauche ; de 1898 à 1914, la « République des radicaux » qui promeut une timide politique de réformes sociales avec le bloc des gauches, dans le cadre d’une défense des institutions de 1875, de l’esprit laïque et d’une forme de patriotisme. D’après Vivier Nadine (dir.), Dictionnaire de la France du xixe siècle, Paris, Hachette, 2002, p. 218-219.
2 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 43.
3 Defrance Jacques, « L’autonomie du champ sportif. 1890-1970 », in Sociologie et sociétés, vol. XXVII, n° 1, 1995, p. 15-31.
4 Quincy-Lefèbvre Pascale, Familles, institutions et déviances. Une histoire d’enfance difficile (1880-fin des années trente), Paris, Economica, 1997, p. 183.
5 Loi du 16 décembre 1874, dite loi Théophile Roussel, sur la protection des enfants placés en nourrice ; la loi du 24 juillet 1889 de protection judiciaire des enfants maltraités ou moralement abandonnés ; la loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants ; la loi de 1904 sur les enfants assistés.
6 Roca Jacqueline, op. cit., 1994, p. 106.
7 Noiriel Gérard, « De l’enfance maltraitée à la maltraitance. Un nouvel enjeu pour la recherche historique », in Genèse, n° 60, 2005, p. 163.
8 Rollet Catherine, « La santé et la protection de l’enfant vue, à travers les congrès internationaux (1880-1920) », in Annales de démographie historique, n° 101, 2001, p. 97.
9 Rollet Catherine, op. cit., 2001, p. 100.
10 Dufestel Louis, « Médecin inspecteur », in Buisson Ferdinand (dir.), op. cit., 2007, p. 3153.
11 Morel Marie-France, « À propos de la bibliographie française récente sur l’histoire de l’enfance », in Revue du Cedias, mars-avril, 1990, p. 15.
12 Perrot Michel, « Préface », in Revue du Cedias, mars-avril, 1990, p. 7.
13 Ils représentent 10 % des membres à la Chambre des députés en 1877 et 12,5 % pour la législature de 1893-1898. Ils sont par ailleurs, majoritairement à gauche. D’après Poirier Jacques et Signoret Jean-Louis, op. cit., 1991, p. 15.
14 Dans les années 1840, deux modèles s’affrontent : « La prison, selon la formule de la Petite-Roquette à Paris (1835), ou la colonie agricole, selon le modèle de Mettray (1839). Avec cette nuance que la première doit être plutôt réservée aux enfants condamnés et la seconde aux enfants acquittés mais mis à la disposition du gouvernement pour être éduqués dans une maison de correction, en vertu des articles du code pénal de 1810 qui distingue les deux catégories selon une logique purement pénale fondée sur le critère du discernement », d’après Dupont-Bouchat Marie-Sylvie, « Le mouvement international en faveur de la protection de l’enfance (1880-1914) », in Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, n° 5, 2003, site internet, http://rhei.revues.org
15 Carlier Christian, La Prison aux champs. Les colonies d’enfants délinquants du nord de la France au xixe siècle, Paris, Édition de l’atelier, 1994.
16 Les tribunaux, les maisons de correction, les sociétés de patronage recueillent dans leurs filets les jeunes vagabonds : ceux qui, ayant plus de huit ans et moins de douze ans, fuient les huit heures d’usine quotidienne, ou les douze heures, s’ils ont moins de seize ans et ceux qui esquivent l’école. En 1889, 600 000 enfants (1/11e de la population scolarisable) échappent encore à l’obligation scolaire. D’après Meyer Philippe, L’Enfant et la raison d’État, Paris, Éditions du Seuil, 1977, p. 42.
17 À la fin du xixe et au début du xxe siècle, les patronages regroupent de nombreux enfants de milieux populaires. Le mouvement prend de l’ampleur à travers le pays, mais sans réelle coordination nationale. Il existe des patronages de filles et de garçons, qui sont laïques, privés, paroissiaux, municipaux, à l’initiative… Il existe encore aujourd’hui des patronages en France, qu’ils soient laïques ou religieux. À l’époque, ils répondent à plusieurs objectifs : apporter une aide matérielle et/ou morale à des enfants démunis, les éduquer, les former et les placer. Ces sociétés de patronage fonctionnent comme des centres de placement d’enfants, dans des familles rurales, quelquefois dans des ateliers urbains, plus fréquemment dans des établissements baptisés colonies agricoles, écoles de réforme ou de préservation. De telles institutions sont finalement peu différentes des colonies pénitentiaires de l’époque. Ce sont aussi des lieux de réflexion sur les questions pénitentiaires et de protection de l’enfance. D’après Quincy-Lefèbvre Pascale, « Entre monde judiciaire et philanthropie : la figure du juge-philanthrope au tournant des xixe siècle et xxe siècle », in Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, Hors-série, 2001, p. 136.
18 Reyre Gérard, « Punir et guérir. L’école Le Peletier de Saint-Fargeau », in Revue du Cedias, mars-avril, 1990, p. 95.
19 Binet Alfred, « La commission des anormaux », in Bulletin de la société libre pour l’étude psychologique de l’enfant, n° 16, 1904.
20 Georges Heuyer (1884-1977) est un psychiatre français. Il soutient sa thèse en 1914 sur « l’examen psychiatrique des écoliers ». Il est médecin à l’infirmerie des aliénés à la préfecture de police de Paris, professeur des maladies mentales à la faculté de médecine de Paris, en 1919, et médecin inspecteur des écoles de la Seine. Il occupe à sa création en 1948, la chaire de psychiatrie infantile. D’après le Dictionnaire historique des médecins, Paris, Larousse-Bordas, 1999, p. 326.
21 Coffin Jean-Christophe, « La folie morale, figure pathologique et entité miracle des hypothèses psychiatriques au xixe siècle », in Histoire de la criminologie française, Mucchielli Laurent (dir.), Paris, L’Harmattan, 1994, p. 89-106.
22 Lefaucheux Nadine, « Psychiatrie infantile et délinquance juvénile », in Mucchielli Laurent, op. cit., 1994, p. 315.
23 Les dégénérés inférieurs : idiots, imbéciles, crétins, etc. ; les dégénérés supérieurs : enfants et adolescents qui n’étant pas encore atteints de folie confirmée, n’en présentent pas moins un désordre considérable dans leurs fonctions intellectuelles (vagabonds, voleurs, délinquants, etc.). D’après Thulié Henri, op. cit., 1900.
24 « En France, l’eugénisme a trouvé sa légitimation avec la théorie de la dégénérescence formulée par Auguste Morel, en 1857, et reprise par Valentin Magnan, en 1895. L’action eugéniste française a été soutenue par le psychiatre, hygiéniste et journaliste Édouard Toulouse (1865-1947). Elle a fait l’objet d’une évolution inquiétante du fait de la position prise par deux prix Nobel français – Alexis Carrel et Charles Richet – qui ont publiquement encouragé la suppression des “tarés” et des “inutiles”. C’est peut-être cette attitude vis-à-vis des malades mentaux et des criminels qui a été à l’origine de la « mort douce » (en fait : mort de faim) de plus de 40000 sujets internés, entre 1940 et 1944 (thèse de Max Lafont, 1980) », d’après Koupernic Cyrille, « Eugénisme et psychiatrie », in Annales médico-psychologiques, n° 159, 2001, p. 14-18.
25 Lefaucheux Nadine, « Deux entreprises scientifico-sociales de promotion de l’eugénisme comme fondement des normes en matière de production et de socialisation des enfants : Adolphe Pinard (1844-1934) et Georges Heuyer (1884-1977) », in Revue du Cedias, mars-avril, 1990, p. 63.
26 Molaro Christian, « Éducation morale et éducation corporelle des jeunes des classes pauvres au xixe siècle. Entre conceptions théoriques et organisation sociale », in Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, n° 8, 2006.
27 Vial Monique, op. cit., 1990, p. 39.
28 Durkheim Émile, Les Règles de la méthode sociologique, 16e édition, Paris, PUF, 1967.
29 Muchielli Laurent. « Renouvellements et déplacements dans le champ criminologique au xxe siècle », in Mucchielli Laurent, op. cit., 1994, p. 240.
30 Ben-David Joseph, Éléments d’une sociologie historique des sciences, textes réunis et introduits par Gad Freudhental, trad. Michelle de Launay revue par Jean-Pierre Rothschild, Paris, PUF, 1997, p. 67-75.
31 Les colonies agricoles, « maisons de correction à la campagne », créées en vertu de la loi du 5 août 1850, accueillent les enfants coupables de vols, souvent alimentaires, les petits vagabonds et les petits mendiants. L’État prend en charge leur éducation, en les plaçant sous la tutelle de l’administration pénitentiaire, dans des colonies agricoles. Elle dispense une éducation morale, une instruction primaire et une formation professionnelle. Pour les insubordonnés des colonies agricoles, et pour les enfants de moins de 16 ans condamnés à des peines de plus de 2 ans, l’État met en place une structure plus répressive, appelée « Colonie correctionnelle ». Les colonies agricoles vont progressivement disparaître. Elles sont 22 en 1889, 20 en 1895, 18 en 1902, 15 en 1908, 8 en 1912. D’après Renouard Jean-Marie, « De l’enfant coupable à l’enfant inadapté. Le traitement social et politique de la déviance », in Archives aquitaines de recherche sociale, numéro spécial 1989-1990, p. 56.
32 Grimanelli Périclès, « Mineurs et délinquants », in Nouveau dictionnaire de pédagogie…, Buisson Ferdinand (dir.), Paris, Hachette et Cie, 1911, version électronique, INRP, 2007, p. 3192.
33 Les fondateurs de ces orphelinats relèvent de la bienfaisance publique laïque et confessionnelle.
34 Grimanelli Périclès, op. cit., 1911, p. 3192.
35 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 44.
36 Defrance Jacques, op. cit., 1987, p. 70.
37 Andrieu Gilbert, op. cit., 1999, p. 95.
38 Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 71.
39 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 51
40 Véziers Guilhem, Une histoire syndicale de l’éducation physique (1880-2002). La force du militantisme, Paris, Édition Syllepse, p. 29.
41 Les bataillons scolaires sont officiellement créés le 6 juillet 1882. Il s’agit de donner aux élèves volontaires de tous les établissements publics d’enseignement, à partir de 12 ans, les rudiments de l’école de compagnie et l’habitude des manœuvres collectives, auxquels s’ajoutent des exercices de tir.
42 Defrance Jacques, « L’autonomisation du champ sportif (1890-1970) », in Sociologie et sociétés, vol. XXVII, n° 1, 1995, p. 18.
43 Defrance Jacques, op. cit., 1897, p. 91.
44 Boigey Maurice, État de l’éducation physique en France, Archives de médecine et de pharmacie militaire, Paris, Charles-Lavauzelle, tome LXXVI, n° 2, 1922, p. 160. Cité par El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 53.
45 Premier concours de la ville de Vitry, Bicêtre obtient deux prix : une palme en vermeil pour les exercices d’ensemble et les mouvements individuels ; au deuxième concours organisé à Alfortville, un deuxième prix (médaille d’argent) pour les exercices d’ensemble ; un diplôme et une médaille en vermeil pour le premier prix d’ensemble du concours de Châtillon, d’après Bourneville Désiré Magloire, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, Compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l’année 1897, Paris, Progrès médical, Félix Alcan, 1898, p. XII.
46 Napoléon Laisné est inspecteur général de l’enseignement de la gymnastique dans les écoles de la ville de Paris de 1872 à 1892, d’après Demenÿ Georges, op. cit., 1909, p. 109.
47 Thibault Jacques, Sport et éducation physique, 1870-1970. L’influence du mouvement sportif sur l’évolution de l’éducation physique dans l’enseignement secondaire français. Étude historique et critique, Paris, Vrin, 3e édition 1997, p. 92.
48 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 57.
49 « Les sociétés de sports se créèrent ensuite à côté des sociétés de gymnastique, et rendirent les plus grands services en donnant le goût du plein air et de l’exercice naturel. Elles furent le résultat d’une campagne faite dans la presse par Paschal Grousset, dont le livre sur la vie de collège en Angleterre produisit un mouvement nouveau. Le baron Pierre de Coubertin publiait à la même époque son livre sur l’éducation physique en Angleterre, et ouvrait à la jeunesse l’horizon nouveau des jeux scolaires et des sports utilitaires. Diverses sociétés sportives : le Stade français, le Racing club, l’Union des sociétés de sports athlétiques, le Touring club de France, le club Alpin, l’Union vélocipédique, puis les sociétés d’instruction militaire, embrassent tous les jours un plus grand nombre d’adhérents et contribuent à l’éducation de la jeunesse. » D’après l’article « Gymnastique », in Buisson Ferdinand (dir.), op. cit., 1911, version électronique, INRP, 2007, p. 2842.
50 Defrance Jacques, op. cit., 1995, p. 18
51 Thibault Jacques, op. cit., 1997, p. 116.
52 « Le comité pour la propagation des exercices physiques dans l’éducation est constitué d’une bonne part de notables réactionnaires ou conservateurs et qui ont souvent soutenu Thiers. On y trouve bien sûr à sa tête Jules Simon, mais aussi Georges de Saint Clair, Godard directeur de l’école Monge (école privée catholique, dite libre), le prince Georges Bibesco, Le vicomte de Janzé, Marcel Labbé, qui publiera le traité d’EP de 1930 et sera un proche des croix de Feu et eugéniste notoire, les généraux Barbe, Thomassin et Lewal (ancien ministre de la Guerre), se trouvant au côté de Thiers au moment de la répression de la Commune, Georges Picot, de l’institut de sciences morales, Rieder directeur de l’école alsacienne (très conservateur)… », d’après Gleyse Jacques, Jorand Dominique et Garcia Céline, « Mystique de gauche et mystique de droite en éducation physique en France sous la IIIe République », publication en ligne, site internet CERFEE, novembre 2002.
53 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 61.
54 Lebecq Pierre-Alban, Paschal Grousset et la ligue nationale de l’éducation physique, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 123.
55 Archives de l’Assistance publique, liasse n° 646, manuscrits Bourneville. Les délégations cantonales étaient des assemblées de notables nommées par le conseil départemental et chargées de « veiller à la direction morale et intellectuelle des enfants ainsi qu’à la bonne installation matérielle des écoles du canton », d’après Vial Monique et Hugon Marie-Anne, op. cit., 1998, p. 95.
Vial Monique, op. cit., 1990, p. 54.
56 Tissié Philippe, L’Education physique et la race. Santé-Travail-Longévité, Paris, Flammarion, 1919. Sur le rendement de la vision hygiéniste dans le discours de Tissié, voir Defrance Jacques, « L’eugénisme et la culture scientifique dans le champ des activités physiques et des sports (1910-1950), in Entre le vital et le social. L’éducation physique et sportive sous tension (xviiie et xxe siècles), Pociello Christian (dir.), Grenoble, PUG, 2004, p. 143-144.
57 L’alliance d’hygiène sociale est créée en 1904 sous la présidence de Casimir Périer et présidée, en 1905 par Léon Bourgeois. Elle sert d’organe à toutes les institutions qui veulent coopérer à la santé publique. Elle vise notamment à s’opposer aux différents fléaux qui ruinent la société : alcoolisme, tuberculose, maladies vénériennes, etc.
58 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 71.
59 Étienne-Jules Marey (1830-1904) était professeur titulaire de la chaire d’histoire naturelle des corps organisés au collège de France. Il crée, à partir de la fin des années 1880, la station physiologique dans le bois de Boulogne qui va devenir un grand laboratoire de physiologie et de prise de vues, subventionné par l’État et notamment le ministère de la Guerre. Demeneÿ assiste Marey dans ses tâches administratives et devient rapidement le préparateur de Marey. Une collaboration qui va durer de 1882 à 1894.
60 El Boujjoufi Taïeb, op. cit., 2005, p. 75.
61 Defrance Jacques, op. cit., 1995, p. 19.
62 Pinell Patrice, op. cit., 2005, p. 7.
63 Le délire découle directement des sensations, en référence à Condillac et les Idéologues : « Un homme est en délire lorsque ses sensations ne sont point en rapport avec les objets extérieurs, lorsque ses idées ne sont point en rapport avec ses sensations, lorsque ses jugements et ses déterminations ne sont point en rapport avec ses idées, lorsque ses idées, ses jugements, ses déterminations sont indépendants de sa volonté », d’après Esquirol Étienne, op. cit., 1814, p. 251-259.
64 Lantéri-Laura Guy, op. cit., 1998, p. 109.
65 Roussel Théophile, « Notes et documents concernant la législation française et les législations étrangères sur les aliénés », in Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 1885 de la commission relative à la révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, 2 vol., Paris, P. Mouillot, 1884, cité par Dowbiggin Ian, op. cit., 1993, p. 13.
66 Statistique générale de France (service des aliénés), 1886, cité par Postel Jacques et Quétel Claude, op. cit., 2002, p. 324.
67 Augustin Morel (1809-1873) est un médecin aliéniste (franco-autrichien). Après des études religieuses, il devient l’élève de Jean-Pierre Falret et Charles Lasègue. Il est nommé médecin en chef de l’asile d’aliénés de Mareville à Laxou, près de Nancy, puis à l’asile de Saint-Yon (Seine-Inférieure). Il publie plusieurs ouvrages dont Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine, Paris, Baillière, 1857 et Traité des maladies mentales, Paris, Victor Masson, 1860.
68 Génil-Pérrin Georges, Histoire des origines et de l’évolution des idées de dégénérescence en médecine mentale, Paris, Leclerc, 1913, p. 11.
69 Rousseau Saint-Philippe Léon et Régis Emmanuel, « De la nécessité de créer une éducation spéciale et des maisons de refuge pour les enfants dégénérés, faibles d’esprit, imbéciles, idiots ou crétins », in Congrès international de la protection de l’enfance, Bordeaux, Bourlange, 1895, p. 181-185. Cité par Allemandou Bernard, op. cit., 2001, p. 90.
70 Coffin Jean-Christophe, La Transmission de la folie (1850-1914), Paris, L’Harmattan, 2003, p. 191.
71 Citation de Regnard Albert, Dictionnaire populaire de médecine usuelle, Paris, 1891. Ce médecin est inspecteur des asiles d’aliénés et des établissements de bienfaisance.
72 Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 92.
73 En France, les théories néo-malthusiennes furent d’abord introduites par Paul Robin et furent essentiellement portées par les anarchistes, qui leur donnèrent une orientation révolutionnaire. Il s’agit de proportionner les naissances aux subsistances. Toutefois, la chasteté est substituée par la sélection scientifique de la contraception, « la bonne naissance » : celle qui est désirée par des parents qui ont les moyens matériels et moraux d’assurer une subsistance et une éducation adéquate à leurs rejetons. Le mouvement néo-malthusianiste s’oriente graduellement par la suite vers l’eugénisme.
74 Gateaux-Mennecier Jacqueline, La Débilité légère. Une construction idéologique, Paris, CNRS, 2001, p. 34.
75 Coffin Jean-Christophe, op. cit., 1994, p. 89-104.
76 Le dégénéré apparaît au xive siècle avec comme sens littéral, « perdre les qualités naturelles de sa race ». À la fin du xviiie siècle, dégénération et dégénérescence prennent très rapidement un sens médical précis, spécifique de l’anatomopathologie (transformation d’un tissu). Les naturalistes comme J. Lamarck ou Buffon définissent la dégénérescence comme une « déviation naturelle de l’espèce » et Morel en fait une « déviation maladive de l’espèce », d’après Bing François, « Dégénérescence », in Grand dictionnaire de la psychologie, op. cit., 1999, p. 239-240.
77 Coffin Jean-Christophe, op. cit., 2003, p. 246 -247.
78 42 077 malades mentaux sont internés dans les asiles pour une population totale de 36448793 habitants, d’après Constans Augustin, Lunier Jules-Joseph et Dumesnil Octave, op. cit., 1878.
79 « Des enfants plus ou moins débiles au point de vue intellectuel, mais atteints de perversions des instincts : voleurs, menteurs, onanistes, pédérastes, incendiaires, destructeurs, homicides, empoisonneurs, etc. », d’après Bourneville Désiré Magloire, Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés, Rapport fait au congrès national d’Assistance publique, Lyon, juin 1894, Paris, Progrès médical, Bibliothèque de l’éducation spéciale, IV, 1895, p. 145.
80 Foucault Michel, op. cit., 2003, p. 218.
81 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 179.
82 Foucault Michel, op. cit., 2003, p. 200.
83 Sur ce sujet voir, par exemple, Victor Hugo, Notre-Dame de Paris ; Belhomme Jacques Étienne, op. cit., 1824 ; Dictionnaire Bichat, 2e édition, t. XVI, art. « Idiotisme », Calmeil, 1837, p. 211-229.
84 Esquirol Étienne, op. cit., 1818, p. 507-524.
85 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. 127.
86 Au 31 décembre 1860, il y avait 102 enfants idiots et épileptiques à Bicêtre. Durant la guerre, l’hospice de Bicêtre tout entier est évacué, de telle sorte que le 31 décembre 1871, il n’est rentré que 44 enfants. Lorsque Bourneville prend la direction du service, en décembre 1879, il y a 98 enfants plus 20 arriérés et épileptiques dits simples ou réputés non aliénés, soit 118 enfants. À la Salpêtrière, il y avait 83 enfants en 1870 ; 111 en 1880 et 107 en 1890, in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 4-5.
87 Hamon Du Fougeray Étienne et Couëtoux Louis, op. cit., 1896.
88 Ce rapport fait suite aux travaux de la commission chargée d’examiner la réforme de la loi sur les aliénés. Cette commission a été mise en place par le ministre de l’Intérieur, M. Constans, le 10 mars 1881.
89 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. 19.
90 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 52.
91 L’institut de démutisation à Villeneuve-Lès-Avignon (Vaucluse) dirigé par l’abbé Grimaud, accueille notamment des enfants arriérés, le prix de la pension est fixé à 1200 frs par an et pour ceux qui ont des besoins spéciaux, le prix est fixé avec les parents. Pour ceux qui sont placés par les départements ou par l’État, la pension est de 600 frs. D’après Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 55.
92 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 80.
93 Les inspecteurs généraux évaluent le nombre des idiots, en France, à 36000 et sur ceux qui sont hospitalisés, ils indiquent au 1er janvier 1874 que les asiles renfermeraient sans distinction d’âge, 5083 individus : 2626 hommes et 2457 femmes, affectés d’imbécillité proprement dite ou idiotie. Le nombre des crétins est de 89. D’après Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 164.
94 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 150.
95 Sur le détail des prises en charge dans les asiles des différents départements de France vers 1894, voir Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 14-82.
96 Loeper Maurice, Histoire d’un journal, Paris, Le progrès médical, 1922, p. 585-588.
97 Rapport de la commission chargée de l’examen du projet de travaux relatifs à la création d’un nouveau service pour les enfants idiots et épileptiques à l’hospice de Bicêtre, fait au Conseil de surveillance de l’administration de l’Assistance publique, par M. Ferry, président du conseil, (Goupy, Nast, Nicaise, F. Voisin), in Histoire de la section des enfants de Bicêtre (1879-1892), Bourneville Désiré Magloire, Paris, Le progrès médical, Bataille et Cie, 1892, p. 12.
98 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 222.
99 « Comptes rendus du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre », in Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, Bourneville Désiré Magloire, tome I à XXVII, Paris, Le progrès médical, Alcan, 1881 à 1907.
100 Conseil de surveillance des asiles d’aliénés de la Seine. Procès-verbal de la séance du 16 avril 1891, cité par Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 224.
101 Lelièvre Claude, Histoire des institutions scolaires (1789-1989), Paris, Nathan, 1999, p. 5.
102 Pinell Patrice et Zafiropoulos Markos, op. cit., 1983, p. 22.
103 Mayeur Françoise, op. cit., 2004, p. 378.
104 Ibid., p. 388.
105 Lelièvre Claude, op. cit., 1999, p. 92.
106 Ibid., p. 95.
107 Mayeur Françoise, op. cit., 2004, p. 581.
108 La ligue de l’enseignement est créée par Jean Macé (1815-1894), journaliste républicain, professeur et franc-maçon, le 15 novembre 1866. Cette ligue s’attache à promouvoir l’instruction et l’éducation comme moyen de formation du citoyen. Ses adhérents considèrent que « l’éducation au suffrage universel est indispensable ».
109 Vial Monique, op. cit., 1990, p. 25.
110 Ferdinand Buisson (1841-1932) est un philosophe (agrégé de philosophie), éducateur et homme politique français. Protestant, il fait partie d’une église libriste (non concordataire) dans le milieu des années 1860. Il est partisan de la séparation des églises et de l’État dès sa jeunesse. Opposant de Louis-Napoléon Bonaparte (Napoléon III) auquel il refuse de prêter serment, il est contraint de s’exiler en Suisse durant le Second Empire. De retour en France, il devient inspecteur général de l’instruction publique en 1878 et directeur de l’enseignement primaire de 1879 à 1896. Il est le maître d’œuvre d’un chantier éditorial remarquable : le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, pour la rédaction duquel il s’entoure de plus de 350 collaborateurs. La première édition est publiée par Hachette entre 1882 et 1887. Une nouvelle édition paraît en 1911. Son dictionnaire est considéré comme la « Bible » de l’école laïque et républicaine. En 1890, il devient professeur de pédagogie et titulaire en 1896, de la chaire de pédagogie à la Sorbonne. Partisan de la défense du capitaine Dreyfus, il participe à la création de la ligue française des droits de l’homme en 1898, dont il sera président de 1913 à 1926. Il est également un membre éminent de la ligue de l’enseignement, dont il préside les congrès de 1902 à 1906. En 1927, le prix Nobel de la paix lui est attribué conjointement avec Ludwig Quidde. Il devient président de l’association nationale des libres penseurs, célèbre pour son combat pour un enseignement gratuit et laïc à travers la ligue de l’enseignement, grand commis de l’État, député proche de Jules Ferry, il est l’inventeur du substantif « laïcité ».
111 Mayeur Françoise, op. cit., 2004, p. 605.
112 Pinell Patrice et Zafiropoulos Markos, op. cit., 1983, p. 27.
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