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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral L’entreprise politique de réforme en faveur des enfants « idiots » La section spéciale des enfants « idiots » de Bicêtre Le cursus médico-pédagogique de l’asile-école de Bicêtre L’apogée du modèle médico-pédagogique asilaire Notes de bas de page

    Une histoire de l’éducation physique dans les instituts médico-éducatifs 1838-1909

    Ce livre est recensé par

    • Julien Fuchs, Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », mis en ligne le 24 novembre 2020. URL : https://journals.openedition.org/rhei/5457 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhei.5457
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    Table des matières

    L’élaboration du modèle médico-pédagogique

    p. 227-251

    Texte intégral L’entreprise politique de réforme en faveur des enfants « idiots » La section spéciale des enfants « idiots » de Bicêtre Le cursus médico-pédagogique de l’asile-école de BicêtreLe service d’éducation élémentaireLa Petite école et la complémentaireLa Grande école L’enseignement professionnel est donné dans sept ateliers L’apogée du modèle médico-pédagogique asilaireLa prise en charge médicale ou l’éducation physiologiqueLa prise en charge médico-pédagogique Notes de bas de page

    Texte intégral

    L’observation scientifique exige du courage, car elle comporte des risques.
    Paul Mouy, Logique et philosophie des sciences, 1944.

    1À partir du milieu du xixe siècle, une éducation des enfants idiots se met progressivement en place. Toutefois, son développement demeure assez aléatoire et assez souvent dépendant du charisme de ceux qui s’y emploient. Le mouvement s’institutionnalise plus particulièrement en région parisienne : asile de Bicêtre, de la Salpêtrière, de Vaucluse, etc. Quelques quartiers d’enfants sont mis en place dans des asiles départementaux. Des initiatives privées sont développées par les congrégations religieuses en lutte sur ce « marché ». Alors qu’elle est à l’origine de cette prise en charge spécifique, la France apparaît en retard sur les actions entreprises à l’étranger auprès des enfants idiots. Mais vers les années 1878, une nouvelle politique de développement se met en place. Le réformateur médecin aliéniste Désiré Magloire Bourneville (1840-1909) installe à l’intérieur de la division des aliénés, pour la première fois, une section spéciale réservée aux seuls enfants et adolescents idiots. Cette nouveauté symbolise la mise en place d’une politique de développement d’asiles-écoles destinés aux enfants aliénés. Dans cette section spéciale, Bourneville va initier un traitement basé sur les travaux de Séguin : « La méthode et les procédés de Séguin, complétés ou perfectionnés sur différents points et, qu’on nous passe l’expression, davantage médicalisés1. » Le traitement médico-pédagogique est la nouvelle terminologie utilisée par ce réformateur pour désigner l’entreprise médicale de soins et d’éducation des enfants idiots et arriérés.

    L’entreprise politique de réforme en faveur des enfants « idiots »

    2La question du traitement des enfants idiots fait sans cesse l’objet de communications de la part des médecins, dans tous les congrès d’assistance et de bienfaisance, d’éducation sociale et de neurologie. Elle donne matière à toute une littérature médicale. Devant le succès des initiatives étrangères et face au petit groupe de médecins aliénistes réformateurs2, l’assistance publique va adopter, sans conviction réelle, le projet de la création d’une section spéciale pour enfants idiots à Bicêtre. En février 1878, le conseil général de la Seine3 demande à l’administration de l’Assistance publique de mettre fin à la situation déplorable dans laquelle vivent les enfants idiots4. Le département de la Seine et la ville de Paris hospitalisent et traitent vers 1879, près de 800 enfants idiots, arriérés et épileptiques des deux sexes, dont 120 filles à la Salpêtrière ; 380 garçons à Bicêtre ; 116 idiots à la colonie de Vaucluse5 et 60 filles à l’asile de Villejuif. Cette même année, le 12 septembre 1879, le médecin Désiré Magloire Bourneville est nommé au concours sur titre, titulaire de la 4e section des aliénés de l’hospice de Bicêtre. Jusqu’en 1888, les médecins-chefs et adjoints sont nommés par le ministre de l’Intérieur, sur proposition du préfet. Ce n’est qu’après cette date que s’institue un concours d’administration de médecin adjoint des asiles (puis de médecin-chef en 1907), d’abord régional puis national.

    3Dès sa nomination, il fait pression sur le conseil général de la Seine pour que l’administration de l’Assistance publique autorise la construction d’une section spéciale pour deux cents enfants6. Malgré une obstruction de l’Assistance publique, le projet est finalement adopté en mars 1880. La proposition de Bourneville ne se limite pas à ce seul projet. Dans le programme de réformes du conseil municipal dont il membre élu (depuis 1876), il fait adopter plusieurs vœux : l’agrandissement de la section des enfants idiotes et épileptiques de la Salpêtrière ; la création d’un institut pour les enfants aveugles des deux sexes ; la création de deux écoles-dispensaires pour les enfants rachitiques, etc. Certaines de ces propositions vont se concrétiser : l’école Braille pour les aveugles ; un service pour enfants difformes et incurables à l’hospice d’Ivry ; un institut départemental à Asnières pour les sourds-muets ; l’agrandissement de la fondation Vallée pour les filles idiotes. Cette dernière va représenter à la fin du xixe siècle le deuxième service de l’hospice de Bicêtre (Bourneville en assure la direction de 1890 à 1908). Bourneville donne alors un nouveau souffle pour la prise en charge des enfants idiots. Ce médecin avait effectué son internat dans le service du médecin aliéniste Delasiauve. Imprégné par les idées de son maître réformateur sur les traitements éducatifs à mettre en œuvre auprès des enfants, il reprend le flambeau par une action plus politique. Il entreprend des démarches officielles appuyées par de nombreux articles et rapports sur la situation indescriptible et sordide des enfants idiots dans les asiles7 (notamment à Bicêtre) et dénonce l’insuffisance des moyens. Grâce à l’appui du docteur Thulie, président de la commission de l’Assistance publique du conseil général, il parvient à faire reconstruire son service selon ses plans8. Bourneville mène une innovation culturelle de l’institution asilaire mais se heurte aux divergences idéologiques. Les responsables de l’Assistance publique n’admettent toujours pas les théories sur l’éducabilité des enfants idiots et les moyens financiers à engager pour ce type de population. L’ascendance de Bourneville et son exploit auprès des pouvoirs publics provoquent des antagonismes : « C’est ce qui a eu lieu, au vif déplaisir d’un des hauts fonctionnaires de l’Assistance publique » qui trouvaient que cette affaire avait été réglée, selon ses propres mots, « avec une rapidité scandaleuse9. » D’après Gateaux-Mennecier, il s’agit probablement d’Émile Ferry, président du conseil de surveillance de l’Assistance publique. Cet homme, dans ses rapports, va s’attacher à retarder les travaux et à dévaloriser Bourneville. Le renouveau de la prise en charge des enfants idiots, mené par ce médecin, recèle une nouvelle compétence jusqu’alors non utilisée par les autres réformateurs (médecins et pédagogues) : le pouvoir politique.

    4Bourneville est élu au conseil municipal du quartier Saint-Victor, dans le Ve arrondissement. Républicain-radical10, il est député de la 1re circonscription du Ve arrondissement de Paris en 1883, réélu en 1885, en remplacement de Louis Blanc. Il sera battu aux élections législatives de 1889 par le boulangiste Naquet11. Il est également franc-maçon dans la loge « la clémente amitié » du Grand-Orient de France12. À cette époque, les médecins interviennent en force dans la politique. De 1870 à 1914, ils représentent 8,6 % en moyenne des membres du conseil municipal de Paris13. À compter de 1878, Bourneville va s’appuyer sur ce groupe pour mener son action en faveur de la laïcisation des hôpitaux de Paris. Cette date se situe au lendemain de la victoire décisive des républicains, au plan national, aux élections d’octobre 1877. Pour toute la France, dans les années 1890, les médecins représentent entre 12 et 14 % des membres des conseils généraux (sur 12 000 environ au début de la décennie, 15 000 à la fin). Entre 1870 et 1914, les médecins-législateurs sont au nombre de 406 s’inscrivant au second rang des groupes professionnels au parlement après les avocats14. Ils sont massivement à gauche et approuvent, par exemple, les lois Ferry adoptées entre 1879 et 1882 ; l’interdiction de tout enseignement aux ordres religieux en 1904. Une grande partie de l’action de ces derniers concerne l’hygiène et l’assistance15. Ils sont le fer de lance de la loi sur l’assistance médicale gratuite de 1893, la loi de 1898 sur les accidents du travail et la loi de 1903 sur l’assistance des vieux.

    5La lutte acharnée notamment pour la réforme de la prise en charge des enfants idiots de Bicêtre se situe dans une période de changement politique. Si la IIIe République est proclamée le 4 septembre 1870, la France ne devient républicaine qu’après cinq années de luttes et de crises : guerre de 1870, gouvernement provisoire de défense nationale de Gambetta ; élections de 1871 à majorité monarchiste ; brève et sanglante expérience révolutionnaire de la Commune de Paris de mars à mai 1871 ; assemblée nationale à forte majorité monarchiste, élue au suffrage universel le 8 février 1871, etc.16 Les républicains victorieux en 1879, vont permettre l’installation d’une république modérée17 jusqu’à la fin du xixe siècle. Cette république va être marquée notamment par une politique sociale dominée, à partir à 1899, par l’assistance.

    6Dès que les travaux de la section spéciale commencent en 1883, Bourneville doit lutter contre la mauvaise volonté de l’administration. Face aux différents problèmes qui sont posés (arrêts des travaux, difficultés financières, aménagements divers, etc.), le médecin s’appuie sur des personnalités politiques. Par exemple, il s’appuie sur Léon Bourgeois qui, à cette période, est secrétaire général de la préfecture. Il entre également en contact avec des fonctionnaires départementaux qui l’introduisent auprès de Poubelle, préfet de la Seine, Guy Robinet, membre du conseil municipal, etc. Malgré des attaques nombreuses de l’Assistance publique, les travaux de la section spéciale sont définitivement terminés en 1892. Fruit d’une lutte incessante, d’efforts déployés pendant plus de cinq ans, le quartier spécial des enfants idiots de Bicêtre, service modèle, va voir affluer des visiteurs de toutes nationalités. Ces mêmes étrangers appliqueront dans leur pays ce modèle médico-pédagogique en faveur des anormaux, « déterminant ainsi un courant d’opinions bienfaisantes et portant jusqu’en Amérique du Sud ces principes nouveaux de solidarité18 ». Le projet du médecin-réformateur fait apparaître au grand jour des conflits et des divergences idéologiques. Par exemple, le conflit de pouvoir entre la médecine sociale de Bourneville et les hauts fonctionnaires de l’Assistance publique. Par ailleurs, le médecin lutte ouvertement contre les congrégations religieuses. Il dénonce les collusions dans la presse médicale : « Les amis cléricaux de H. Després qui nous reprochaient la création des écoles d’infirmières et la laïcisation des hôpitaux19. » Des mobiles économiques sont invoqués par l’administration au prétexte que les enfants idiots ne méritent pas un tel investissement. Émile Ferry écrit dans son rapport que ces malheureux enfants qui, à de rares exceptions près, doivent être considérés comme des « non-valeurs sociales absolues20 ». Nous sommes donc en présence d’une « pure question d’hospitalisation21 ». Gateaux-Mennecier précise que Ferry emploie au sujet des enfants idiots une terminologie qui interdit tout pronostic d’éducabilité : ce sont des « petits incurables », des « impotents », ou encore des « abrutis » qui ne justifient pas « le gros sacrifice de 3 500 000 F » demandé par Bourneville. L’action du médecin aliéniste apparaît bien comme un mouvement réformateur et comme tout mouvement réformateur, elle s’oppose à un certain conservatisme et à une forme d’obscurantisme.

    La section spéciale des enfants « idiots » de Bicêtre

    7Après une dizaine d’années de construction (travaux commencés en 1883 et terminé en 1892) le quartier spécial de la 4e section, des enfants idiots et épileptiques âgés de 2 ans à 20 ans, est désormais érigé. L’établissement n’est plus un abri, il devient un asile-école. Cette nouvelle structure séparée des autres aliénés adultes (1887) est distincte pour la première fois de l’aliénation mentale. Elle apparaît comme le symbole d’une rupture épistémologique22.

    8Bourneville va diriger pendant près de 30 ans (1879 à 1908) ce service d’enfants de l’hospice. Dans le même temps, le réformateur mène une vaste campagne de rénovations hospitalières. Au-delà de sa participation soutenue au mouvement de laïcisation des hôpitaux de Paris (les religieuses sont remplacées progressivement par un personnel laïque à partir de 1878) et à l’extension de la politique hospitalière, il va être le promoteur du corps professionnel des infirmiers et infirmières en France23. Il va être également l’initiateur de la protection maternelle et infantile, et l’artisan des premières spécialisations des médecins des hôpitaux, notamment en matière d’obstétrique et de pathologie infantile. Ce mouvement est adossé à une politique active d’enseignement à l’adresse des personnels hospitaliers, médicaux et paramédicaux. Dès sa nomination au service des aliénés de l’hospice de Bicêtre, Bourneville va donner une ampleur institutionnelle au mouvement vers l’intégration, esquissé par ses prédécesseurs. Il va susciter l’implication du corps médical, souvent réticent et même hostile sur cette difficile question. Grâce à une ténacité indéfectible, il réussit à sensibiliser les pouvoirs publics et à bousculer le conservatisme de l’Assistance publique24. Le budget alloué pour le fonctionnement de la section est fixé sous la forme d’un prix de journée de 2,20 F (vers 1890) par enfant, versé par le département à l’Assistance publique25. Ce prix de journée mis en œuvre dans les hôpitaux et dans les instituts médico-éducatifs a été peu à peu remplacé, à partir de 2002, par un Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).

    9Le premier acte de Bourneville à son arrivée dans le service est de réclamer des postes pour les enfants, jusque-là soumis au gardiennage d’un personnel non qualifié26. À l’origine, le travail de l’infirmier est avant tout un travail d’hôtellerie. Ce n’est que progressivement, vers la fin du xixe siècle, que les médecins vont leur déléguer des soins spécifiques auparavant effectués par les étudiants et internes en médecine. En 1891, se formule l’idée d’un examen d’admissibilité portant sur l’instruction primaire, pour tous les infirmiers candidats à l’embauche sur le premier des postes d’encadrement : suppléant (du surveillant). En cette fin de siècle, on assiste au développement de la spécialisation du statut d’infirmier. Progressivement, une distinction s’opère entre le travail des soins qui devient celui des infirmières et qui se technicise de plus en plus, du travail d’entretien et de maintenance, qui est celui des servants et des hommes de peine. Cette séparation des fonctions amène au développement d’une formation spécifique. Des cours primaires et des cours professionnels sont instaurés, complétés par une formation sur le terrain et un « enseignement mutuel27 ». C’est à partir de 1907 que la formation préalable à l’embauche s’installe avec un niveau scolaire au recrutement28. En 1888, le niveau d’instruction du personnel en fonction à Bicêtre est le suivant : un infirmier titulaire des baccalauréats es lettres et es sciences, deux du baccalauréat es lettres, deux autres du brevet élémentaire et sept du certificat d’études primaire. Chez les femmes, une surveillante est titulaire du certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles, une suppléante est titulaire du brevet supérieur, huit ont le certificat d’étude.

    10L’asile-école avec internat est formé de deux divisions scolaires et d’un service d’éducation primaire.

    • La première division est affectée aux enfants épileptiques, imbéciles et arriérés, c’est la Grande école. Elle comprend quatre classes séparées par des cloisons mobiles qui permettent le classement variable des enfants par classes. Sont annexés à cette grande école : une salle pour le dépôt des objets ou instrument servant soit au professeur de chant, soit au maître d’escrime et un musée scolaire où l’on dépose tous les objets d’enseignement, de la grande et de la petite école. Entre la Grande école et le réfectoire des grands, se suivent le service des bains et le service hydrothérapique.
    • La seconde division est réservée aux idiots valides, gâteux ou non. C’est la Petite école qui est divisée en une série de classes pour les leçons de choses ; la lecture ; les jeux destinés à exercer les mains et les yeux ; la gymnastique de Pichery pour apprendre à se servir de leurs mains et à exécuter une série de mouvements élémentaires, etc. Les actions qui sont menées dans ce service, s’apparentent, semble-t-il, à l’action scolaire et éducative donnée dans les écoles maternelles.
    • Entre cette Petite école et le réfectoire est installé un service d’éducation primaire, c’est le service de propreté où l’on traite le gâtisme29 et où l’on apprend, par exemple, à se laver, à s’habiller…

    11La section comprend également un service des bains et d’hydrothérapie. Dans la cour sont placés des cabinets d’aisance à l’anglaise, disposés de manière à faciliter le plus possible la surveillance. Le gymnase, les ateliers, les réfectoires, les classes, les bains et le service de propreté constituent le service de jour. Les écoles, les réfectoires et les ateliers constituent le service scolaire et d’enseignement professionnel. Le service de nuit comprend huit pavillons à dortoirs. La section est également dotée d’une infirmerie, d’un pavillon d’isolement pour les maladies contagieuses et de cellules. Ces différents bâtiments constituent en quelque sorte l’hôpital de la section. Tous les espaces compris entre les bâtiments ont été transformés en jardins et servent aux leçons de choses : jardin des figures géométriques (arbustes verts taillés en cônes, cubes…) ; jardin des surfaces (petites pelouses bordées de buis en forme de triangle, de carré…) ; jardin des fleurs ; jardin potager avec arbres fruitiers ; verger planté de cerisiers, pruniers, poiriers, pommiers, etc. ; champ de céréales et de plantes fourragères ; petit bois d’essences variées. Dans plusieurs sous-sols qui sont assez élevés en raison de la topographie du terrain, on a installé le service du perruquier et des bains de pieds, le magasin de chaussures des enfants où on leur apprend à les cirer.

    12La section des enfants et adolescents de Bicêtre comprend trois groupes30 :

    • Les enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non, mais invalides ;
    • Les enfants idiots gâteux ou non gâteux, épileptiques ou non, mais valides ; – Les enfants propres, valides, imbéciles, arriérés, épileptiques et hystériques ou non.

    13Le médecin complète en 1897 la définition de ce groupe en ajoutant les instables et les pervers31. Chose nouvelle pour l’époque, le médecin aliéniste s’intéresse de plus en plus aux enfants « les moins malades », ceux qui n’offrent qu’une diminution des facultés intellectuelles sans perversion des instincts et sans accident convulsif. C’est une nouvelle catégorie de débiles légers qui va prendre le nom, au début du xxe siècle, « d’arriérés scolaires et d’instables32 ».

    Le cursus médico-pédagogique de l’asile-école de Bicêtre

    14Pour Bourneville et en continuité des idées de Séguin, dès que les premiers signes de l’idiotie sont constatés, le traitement doit être entrepris : « Plus on attendra, moins les modifications de l’infirme seront faciles ; la première enfance a une souplesse organique et une malléabilité qui se perdent à mesure que l’âge avance33. » Il indique que pour pouvoir appliquer le traitement médico-pédagogique avec succès, les idiots doivent être absolument isolés. Il paraît indispensable que le maître ait toute autorité et que ses actes ne soient pas entravés ou même discutés devant l’enfant. Ces derniers lorsqu’ils sont admis, sont répartis entre le service d’éducation primaire (2 ans à 17 ans et plus) et les deux écoles (la Petite école de 2 ans à 13 ans et la Grande école de 13 ans à 17 ans et plus).

    Le service d’éducation élémentaire

    15Il est composé des enfants et adolescents idiots gâteux, épileptiques ou non, mais invalides. Ce service est installé dans le bâtiment dit « Séguin ». Il est subdivisé en deux catégories.

    16La première catégorie est composée d’enfants et d’adolescents idiots tout à fait incurables ou d’enfants atteints d’épilepsie ou de méningo-encéphalie et devenus déments et gâteux sous l’influence des accès ou des poussées congestives qui les compliquent. Ce sont les grabataires les plus touchés. Pour ces derniers, le traitement consiste essentiellement en des soins hygiéniques34. Parmi eux, on trouve des enfants parvenus tardivement dans le service (14, 15, 16 ans), dont l’état est désespéré au point de renoncer à une forme de traitement élaboré, mais pour lesquels on ne prononce pas d’emblée l’incurabilité : l’espoir persiste de les améliorer35.

    17La deuxième catégorie est composée d’enfants idiots complets, qui ne parlent pas et qui ne marchent pas. Néanmoins, ces enfants, pour la plupart, sont susceptibles d’amélioration. Pour ces jeunes, il s’agit d’acquérir l’autonomie primaire nécessaire aux actes simples de la vie quotidienne, avec notamment tous les exercices de la motricité de base, y compris avec matériel (marcher en se tenant, marcher à l’aide d’un chariot, etc.) Certains ne savent pas manger, les intervenants les aident à s’alimenter en introduisant de petits fragments de nourriture, tout en les initiant à mâcher par l’imitation. Dès qu’ils sont susceptibles de marcher, ils sont envoyés à la Petite école le matin, puis toute la journée. 203 enfants y ont été inscrits pendant l’année 1888. Tous ces enfants reçoivent des leçons de toilette : lavage de la figure, des mains, propreté de la chevelure, etc. Ils sont également exercés à la petite gymnastique (système Pichery). Au réfectoire, les enfants apprennent à se servir de la cuillère, de la fourchette et du couteau, sous la direction des infirmières qui les accompagnent partout. En 1888, 45 seulement se servaient de la cuillère ; 70 de la cuillère et de la fourchette ; 62 de la cuillère, de la fourchette et du couteau ; 172 exécutaient les mouvements de gymnastique plus ou moins bien ; 5 les exécutaient très bien et suivaient en outre les exercices de la grande gymnastique. Enfin, 7 enfants gâteux sont devenus propres, grâce au procédé employé qui consiste à les placer à des heures régulières sur les sièges d’aisance, au lever, au coucher et après chaque repas. Ce traitement est associé au traitement hydrothérapique : après chaque défécation, l’enfant est largement lavé, soit sur le bidet, soit dans le bain de siège, soit enfin dans la baignoire36. Une à deux fois par jour, des douches locales sont administrées sur les régions anales et vésicales pour tonifier les sphincters. Toujours en cette année 1888, 36 de ces enfants de la Petite école vont une demi-heure par jour aux ateliers de menuiserie (1), cordonnerie (6), rempaillage (3), vannerie (6), tailleur (20).

    18Les leçons de choses, les promenades avec interrogation, l’éducation des sens, forment, comme toujours, la base de l’enseignement37. L’éducation physique proprement dite comprend, outre la gymnastique, les jeux de tonneau, boules, passe-boules, croquets, quilles, etc. Ces jeux font acquérir aux jeunes enfants la dextérité de la main et la sûreté du coup d’œil. Un assez grand nombre d’enfants, affectés de défauts, de prononciation plus ou moins graves, ou même ne sachant pas encore parler sont l’objet d’une attention toute spéciale. Cette partie de l’enseignement qui constitue une gymnastique de la parole, est basée sur la méthode de Séguin, mise en action depuis 1879 dans le service du docteur Bourneville.

    La Petite école et la complémentaire

    19Jusqu’en 1880, il existait un « petit parloir » où les enfants les plus démunis, les moins valides, étaient gardés par des infirmiers. Dès sa nomination, Bourneville obtient de remplacer la plupart des infirmiers par des infirmières, suivant en cela les préceptes de Séguin, qui considérait qu’une éducation efficace ne pouvait être dispensée que par des femmes dévouées et aimantes. À partir de cette date, ce bâtiment est transformé en une petite école. Elle est réservée aux enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épileptiques ou non, mais valides. Cette école est composée d’une « Petite école » et d’une « École complémentaire » pour des élèves âgés de 4 à 13 ans. Ces deux services comme le précédent sont confiés exclusivement à des femmes (considérées les plus aptes à intervenir dans l’éducation). Cinq femmes travaillent dans cette école en 1888. À partir de 1891, elles sont rejointes par onze infirmières qui viennent aider les maîtresses d’école après avoir accompli leur service dans les dortoirs.

    • La Petite école avec un effectif de 187 élèves inscrits en 1897, est dirigée par deux infirmières-institutrices, Blanche Agnus38, titulaire depuis 1886 du certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles (diplôme créé en 1847) et Amandine Bohain (infirmière de 1re classe en 1883, suppléante, sous-surveillante en 1885 ; surveillante en 1894), titulaire d’un brevet de capacité39. Dans cette structure sont placés les plus jeunes enfants ou les plus arriérés (159 élèves en 1897) qui réclament des soins maternels particuliers40. Les activités menées sont le traitement du gâtisme41 ; les leçons de toilette ; les leçons d’habillage, de toilette, de table ; les exercices pour l’éducation des sens ; les leçons de la petite gymnastique et les leçons de choses ; des exercices relatifs à l’enseignement élémentaire y sont faits auprès de ceux qui peuvent en tirer profit.
    • L’École complémentaire (50 élèves en 1897) ouverte en 1892, est confiée à madame Bonnet, infirmière sans diplôme, initiée aux rudiments de la méthode médico-pédagogique par Blanche Agnus. Elle est aidée par deux surveillantes infirmières dont madame Cordonnier, deux surveillantes jeunes malades arriérées (en perfectionnement d’instruction) de la fondation Vallée. Mesdames Bonnet et Cordonnier obtiennent un brevet de capacité d’institutrices en 1896. Dans cette école complémentaire, les élèves poursuivent l’éducation primaire et apprennent à parler, à lire, à compter, etc. Ces deux écoles fonctionnent sur le même principe que les premières écoles maternelles (anciennes salles d’asiles). C’est en 1828 que des dames en majorité protestantes de l’aristocratie et de la bourgeoisie, bouleversées par la misère du peuple, prennent l’initiative d’ouvrir ces premières salles d’asile en France42. Ces structures sont financées par souscription publique grâce à un comité de dames bienfaisantes, les dames « patronnesses ». Ces établissements sont placés sous la tutelle des hospices et ils peuvent accueillir entre 150 et 200 enfants de 2 à 6 ans, parfois plus. L’objectif énoncé étant de sauver le petit enfant pauvre, de le mettre à l’abri des dangers physiques et moraux, de lui donner une éducation morale et religieuse, et de permettre en même temps aux mères ouvrières de travailler. À partir de 1836, le pouvoir universitaire se manifeste, les hospices sont dessaisis, les salles d’asile relèvent alors du ministère de l’Instruction publique. Ces dernières se développent surtout sous le Second Empire, grâce à l’action de Marie Pape-Carpantier43. Elles prennent le nom d’écoles maternelles en 1848 et officiellement en 1881, pendant la Troisième République (1870-1940), sous l’autorité de Pauline Kergomard44 qui en est la première inspectrice générale. Dans ces écoles maternelles, le programme de 1887 comprend : des jeux, des chants, des exercices manuels, une éducation morale, des connaissances usuelles (vêtements, alimentation, habitation, homme, animaux, plantes, couleurs, division du temps, points cardinaux, France et pays de la Terre), des travaux d’aiguille et tous ouvrages de main, des exercices de langage, dessin (combinaison de lignes, reproduction d’objets usuels), de la lecture, de l’écriture, du calcul, des récits ou contes…45

    La Grande école

    20Elle est réservée aux enfants propres et valides, imbéciles, arriérés, instables, pervers, épileptiques et hystériques ou non (183 élèves en 1897). À la différence de la petite école, les quatre instituteurs (Boutillier, Boyer, Ménard, Landosse) ne sont pas des personnels infirmiers ni des fonctionnaires. Ce sont des employés de l’Assistance publique. Au fur et à mesure de leur qualification et de leur capacité à appliquer la méthode médico-pédagogique, ils sont débauchés par Bourneville qui les emploie dans son établissement privé de Vitry-sur-Seine (189346). Ces intervenants se partagent l’enseignement des plus grands (propres et valides, imbéciles, arriérés, instables, épileptiques et hystériques ou non). Ils sont accompagnés dans leur travail par des « aides » et des « sous-employés ». Beaucoup de ces élèves ont un niveau qui peut approcher la moyenne des élèves des écoles primaires publiques. Cette Grande école se divise en quatre classes (68 ; 44 ; 36 ; 35 enfants). Les élèves vont à l’école47 par demi-journée et l’autre demi-journée est consacrée au travail dans les ateliers (un système régulièrement utilisé dans les IME jusque dans les années 2000). Seuls 25 élèves ayant leur certificat d’étude ne vont à l’école qu’une demi-journée par semaine, le reste du temps ils sont dans les ateliers. Ces élèves sont présentés à cet examen au chef-lieu du canton : Villejuif. Le rapport statistique de 1883 à 1899 donne un résultat de 54 qui ont passé l’épreuve avec succès48. L’enseignement scolaire de cette école a toujours pour base les leçons de choses dans la classe même, dans les jardins de la section, dans le champ des céréales, dans le champ des plantes fourragères et dans le bois ou, enfin, durant les promenades au dehors de l’hospice. Le matériel scolaire comprend une grande partie des objets employés à la petite école, mais un peu plus compliqués et ceux qui sont en usage dans les écoles primaires ordinaires. Pour l’enseignement de la géographie, Bourneville a réuni dans une salle spéciale les divers plans et cartes nécessaires à cette discipline. L’enfant apprend d’abord à reconnaître le plan de la classe et celui de l’école, successivement celui de la section et de l’hospice, puis la carte de la commune, celle du canton, de l’arrondissement du département, de la France, de l’Europe et du monde. L’enseignement de la musique est dirigé par un maître de chant. Un orphéon et une fanfare nouvellement créés existent dans la section. À la colonie de Vaucluse, la fanfare dispose de 24 instruments pour une population de 243 enfants.

    L’enseignement professionnel est donné dans sept ateliers49

    21L’élève idiot suit un enseignement professionnel, dès qu’il est parvenu « à marcher, à manger seul, à s’habiller sans aide, à faire des mouvements réguliers, dès qu’il peut comprendre les ordres du maître et qu’on a réussi à lui enseigner les premières notions de l’enseignement primaire ou, si son intelligence est trop obtuse, dès que l’esprit d’initiative est assez développé pour que le jeune infirme ait la faculté de reproduire les ouvrages simples qu’il voit exécuter devant lui50 ». Il s’agit d’un enseignement de la menuiserie, de la cordonnerie, de la couture, de la serrurerie, de la vannerie et du rempaillage, de la brosserie, de l’imprimerie (ouvert seulement en mai 1889). Les six maîtres sont payés à partir des travaux réalisés par les enfants. L’évaluation du travail des élèves est faite par un inspecteur du service d’architecture et, d’après le tarif de la ville, pour la menuiserie et la serrurerie ; par l’économe de l’hospice, d’après les tarifs du magasin central, pour la couture, la vannerie et le rempaillage de chaises et d’après le tarif de la société anonyme pour la cordonnerie. L’enseignement professionnel permet de donner à un certain nombre d’enfants un métier qui, à leur sortie, pourra leur permettre de gagner leur vie. Quelques-uns ont déjà quitté l’hospice et sont placés. À l’atelier de couture, 24 élèves sont hémiplégiques et la plupart sont condamnés à passer toute leur existence à l’hospice. Grâce à l’enseignement qu’ils reçoivent, à l’âge adulte, ils peuvent travailler à l’atelier commun de la maison et leur travail compense en partie, et pendant de longues années, les dépenses de leur entretien, en même temps qu’il leur fournit quelques ressources personnelles. Les jeunes travailleurs reçoivent tous les samedis des récompenses variant de 10 à 40 centimes dont ils disposent tous les jours de promenade. À cet effet, l’administration a mis chaque semaine une somme de 15 francs à la disposition des chefs d’ateliers (le pécule qui existe encore aujourd’hui dans certains établissements). Les enfants choisissent eux-mêmes le métier. Toutefois, les plus intelligents sont dirigés vers les ateliers de menuiserie et de serrurerie, les plus faibles vers l’atelier de vannerie et de rempaillage. Quant aux hémiplégiques, ils sont naturellement dirigés vers l’atelier de couture. Le plus souvent quand il s’agit des enfants idiots, les séances d’atelier ne dépassent pas une demi-heure au début. Puis, progressivement, la durée de leur travail manuel est augmentée51.

    22Différentes distractions sont proposées aux enfants durant l’année : une distribution de jouets à l’occasion du 1er janvier ; des déguisements le mardi-gras et à la mi-carême ; des séances de lanterne magique ; des projections ; un concert annuel ; la participation des enfants de la Grande école au défilé du bataillon scolaire de gymnastique ; des représentations théâtrales organisées par l’un des instituteurs, M. Boyer. Les visites sont nombreuses (8 268 en 1888). Les permissions de sortie et de congé sont autorisées aux enfants. « Ajoutés aux promenades et aux distractions, ils rendent le séjour de l’asile plus supportable aux malades et rapprochent, autant que possible, notre section d’un hôpital ou d’un pensionnat ordinaire52. » Les projets qui sont développés à l’asile-école s’appuient sur un groupe de réformateurs (médecins, infirmières, instituteurs) très impliqués dans le département de la Seine et qui semblent s’appuyer sur l’actualité du moment, à savoir une dynamique pédagogique. En 1880, le programme des conférences pédagogiques du département de la Seine comprend 23 présentations dont seulement 3 sont tournées vers les disciplines traditionnelles. Les autres correspondent aux activités inter-scolaires, aux caravanes scolaires53, aux voyages pédagogiques, aux promenades, aux enseignements scientifiques, etc54. Un travail serait à mener pour comprendre quel est l’investissement des spécialistes républicains du médico-pédagogique sur les programmes du ministère de l’Instruction publique.

    L’apogée du modèle médico-pédagogique asilaire

    23La fondation du quartier spécial pour les enfants idiots ou anormaux55 de Bicêtre marque la première institutionnalisation publique de l’action médico-pédagogique à l’égard des enfants idiots. Le mouvement de réforme engagé par Bourneville à partir des années 1880 va permettre le développement de l’éducation et de l’instruction des enfants idiots dans les asiles-écoles. L’efficacité de la section de Bicêtre va au-delà des attentes et va conduire rapidement à son encombrement. Le seuil de capacité d’accueil de la section (400 enfants) est frôlé en 1889, atteint et dépassé dès 1891 (434 enfants) et s’accentue dans l’année 1894-1895, avec un dépassement d’environ 120 places56. Le développement de ce type d’école apparaît de manière significative dans les asiles de la région parisienne57 : Bicêtre, la Salpêtrière, la colonie de Perray-Vaucluse (1873), asile de Villejuif (1888), la fondation Vallée (1890), l’institut médico-éducatif58 de Vitry (20 enfants en 1894) et plus ou moins dans quelques asiles départementaux59, ainsi que dans des établissements privés60. Par exemple, faisant suite à l’initiative de Bourneville, l’asile de Bordeaux ouvre une section spéciale de 25 à 30 lits pour les « jeunes idiots perfectibles », dont la construction est achevée en 189761. Le programme des activités est sensiblement similaire à ceux mis en place dans le département de la Seine. Avec ce mouvement, on assiste à l’émergence d’un champ de l’enfance anormale. Progressivement, l’enfant idiot est détaché du concept d’aliénation mentale. Déjà dans les années 1850 et bien avant encore (Esquirol), on avait remis en cause le fait que les enfants idiots soient reconnus comme des aliénés. Par ailleurs, on considérait déjà qu’ils ne relevaient pas d’un traitement médical, mais seulement d’une éducation spéciale62. La loi de 1882 qui institue l’enseignement primaire obligatoire en France, intervient comme un argument nouveau au point de vue de l’assistance du traitement et de l’éducation des enfants idiots63. La création de l’asile-école s’inscrit dans ce processus d’instruction scolaire pour tous. Désormais, l’enfant idiot va être comparé à l’élève scolarisé. Au fur et à mesure de la construction et de l’évolution du service spécial de Bicêtre, entre 1899 et 1902, les procédés qui constituent la méthode médico-pédagogoqique vont former un ensemble homogène. Cette méthode va être transmise par le biais d’une intensive formation interne et d’une modélisation des soins exportable dans ses grandes lignes vers d’autres services organisés en France et à l’étranger64. L’hétérogénéité de la population des enfants de Bicêtre va impliquer différentes modalités de la prise en charge : enfants et adolescents âgés de 2 ans à 20 ans, capacités intellectuelles variées, infirmités et syndromes pour certains (hémiplégie, méningite, hydrocéphalie, etc.), troubles neurologiques pour d’autres (épilepsie, hystérie, etc.), retard important du développement (gâtisme)65… Dans son compte rendu de 1902, Bourneville détaille les troubles des enfants idiots : « 122 étaient atteints de gâtisme ; 41 d’incontinence nocturne d’urine seulement ; 14 de cécité complète ; 7 de cécité incomplète ; 7 de surdi-mutité ; 6 de surdité ; 3 étaient bègues ; 12 présentaient du mutisme volontaire, etc.66 » La description des troubles est essentiellement centrée sur des symptômes d’ordre médical, mais aucune information n’est donnée sur le degré de gravité de l’idiotie et l’efficience de chacun à l’exception du langage67.

    La prise en charge médicale ou l’éducation physiologique68

    24La prise en charge « médicale », par opposition à la prise en charge scolaire, concerne tout ce qui touche principalement à l’hygiène du corps et à l’éducation primaire. Bourneville utilise le terme médicalisé, en reprenant la méthode de Séguin. Il s’agit pour le médecin de garder l’initiative et le contrôle du traitement dans le champ de la médecine. Ce dernier assure la conception, la programmation des différentes phases de l’application du modèle médico-pédagogique. L’exécution, l’observation et l’adaptation aux cas particuliers sont de la responsabilité des surveillantes et des infirmières-institutrices et autres personnels pédagogiques. Les actions pouvant être appréciées comme ayant un caractère « médical » apparaissent notamment auprès des enfants gâteux et invalides. Néanmoins, elles s’apparentent plus à des tâches de nursery et de maternage. Pour les médecins Fougeray et Couëtoux, le traitement médical69 concerne essentiellement le massage des enfants présentant une altération motrice (hémiplégie, etc.), la distribution des bromures pour notamment les épileptiques et quelques traitements spécifiques pour des maladies particulières (idiotie méningitique, myxoedémateuse, pneumonie, tuberculose, ictère, fracture, grippe, ongle incarné, angine, etc.), application de vésicatoires, de sangsues, de purgatifs, d’anti-scrofuleux, etc.70

    La prise en charge médico-pédagogique

    25Le haut niveau de spécialisation qui caractérise le traitement médico-pédagogique des enfants idiots, à la fin du xixe siècle, apparaît comme la résultante d’un processus de différenciation et de technicité des modalités de l’intervention. La première forme de traitement (moral) au début du xixe siècle visait « au rétablissement de l’ordre dans l’exercice des fonctions et dans celui des facultés71 ». Le traitement proposé était alors un mélange de technique de persuasion et d’activités corporelles occupationnelles pour atténuer et détruire les causes du délire. Le processus de division opéré auprès des différentes catégories d’aliénés conduit à mener des expériences spécifiques auprès des enfants. Le traitement moral initial s’étend à l’hygiène, les soins, l’alimentation, l’instruction, l’éducation physique72. Pour les enfants idiots, il devient alors une éducation spéciale73. Les interventions se spécialisent (un technicien pour chaque activité), des procédures et adaptations particulières se développent en fonction des pathologies et troubles intellectuels. La forme la plus aboutie du modèle s’appuie essentiellement sur l’état des connaissances du moment. On assiste au développement d’un processus de normalisation d’une éducation et d’une instruction (classes, tranches d’âges, examen du certificat d’étude, participations sociales, culturelles et « sportives », etc.) qui, toutefois, prend en compte les spécificités des individus. Les contenus et les agents qui les mettent en œuvre sont ceux en vigueur à l’époque : l’instituteur diplômé et les programmes scolaires (leçons de chose, lecture, écriture, certificat d’étude, etc.), le maître de gymnastique (gymnastique de Pichery, de plancher, etc.), l’infirmière et les soins spécifiques. D’après Jaeger et Wacjman, c’est en 1903 que la méthode médico-pédagogique présente la forme la plus complète74.

    26Le concept médico-pédagogique apparaît novateur dans ses finalités et dans l’agencement de ses modalités structurelles et techniques75. Du point de vue de ses finalités, il a pour objectif de permettre aux enfants d’acquérir des compétences et des savoirs (être autonome, lire compter, apprendre un métier, passer un diplôme, etc.) Sur le plan fonctionnel, l’établissement spécial de Bicêtre est une construction dont tous les espaces sont conçus à partir d’une progression dans les apprentissages : petite école, grande école, classes de niveau, salle de propreté, jardin conçu pour les leçons de chose, ateliers, services particuliers, etc.

    27Les procédés pédagogiques sont développés dans leur forme la plus épurée : une salle de propreté composée d’un alignement de cabinets d’aisance utilisée de manière régulière à heure fixe, les arbustes taillés en forme de figures géométriques, une éducation motrice avec l’élaboration d’un matériel adapté aux particularités (balançoire-tremplin, chariot, etc.), une petite gymnastique, une grande gymnastique, un mannequin pour apprendre à boutonner, le soulier pour le laçage, les achats en autonomie chez des fournisseurs avertis, etc. Des ateliers sont mis en place pour permettre le réinvestissement et l’application des connaissances et des savoirs (lire, compter, exercer sa motricité, etc.) et comme lieu de production rémunéré (mobiliers, vêtements, couture, etc.), le développement de sorties éducatives et sociales : promenades, visite de musées, participation aux concours de gymnastique, etc.

    28Sur le plan pédagogique, par le biais d’une formation interne, toutes les infirmières de Bicêtre sont formées à ces procédés76 : traitement du gâtisme (placement des enfants à des heures régulières sur les sièges d’aisance dont Bourneville invente et perfectionne le procédé), complété par tous les soins hydrothérapiques (lavement, douche, bains, etc.) ; leçons de toilette (se laver la figure et les mains, s’habiller, se déshabiller, se brosser, ranger ses vêtements, etc.) ; leçons de table (manger seul, se laver la bouche, se gargariser, etc.) ; exercices pour l’éducation de la main, des sens et de la parole ; exercices élémentaires relatifs à l’enseignement primaire77 ; leçons de choses78 à l’école, dans les jardins (avec un tableau roulant), au musée, dans les ateliers et lors des promenades ; leçons de gymnastique (gymnastique de Pichery) ; exercices d’observation et d’attention gradués en chambre noire à l’aide de projections effectuées à la lanterne magique ; activités de jardinage et de récolte des fruits et légumes qui rythment le temps de l’asile et permettent certains repères dans le temps. Bourneville stipule que les infirmières cadres, les « surveillantes-institutrices » et les instituteurs doivent lire les certificats médicaux qui accompagnent les enfants à l’entrée pour vérifier les dires. Chaque professionnel est spécialisé dans son domaine d’intervention : le médecin prescripteur et coordonnateur du projet, l’infirmière pour les soins et l’accompagnement éducatif (l’hygiène, l’alimentation, le soutien lors des activités scolaires, de gymnastique…), l’infirmière-institutrice chargée de l’instruction scolaire des moins de 14 ans, l’instituteur chargé de l’instruction scolaire des plus de 13 ans, le maître de la petite gymnastique, de la grande gymnastique, etc. Une programmation des activités est organisée de manière quotidienne (l’enfant est en permanence suivi). Chaque intervention est sous la responsabilité du spécialiste qui est aidé dans sa tâche par des infirmières, des infirmiers et d’anciens malades. Le principe théorique des apprentissages repose essentiellement sur l’imitation, la répétition et l’expérimentation au quotidien dans tous les espaces et dans toutes les activités. Ces apprentissages sont complétés par des innovations pédagogiques centrées sur la participation et les activités libres : promenades, distractions (jardins des plantes, jardin d’acclimatation, expositions, etc.), musée scolaire, etc. Une activité est mise en place pour son intérêt disciplinaire, mais également pour sa transversalité : la gymnastique de Pichery comme moyen d’apprentissage de la préhension, de la flexion, de l’extension, etc., et comme support d’utilisation de notions (en arrière, en avant, etc.) et de répétition par le langage. Les intervenants sont sollicités pour concevoir des méthodes spéciales : l’instituteur de la grande école, Joseph Boyer, inventeur d’une méthode spéciale de lecture à l’usage des enfants arriérés (méthode syllabique qui allie l’apprentissage concomitant de l’épellation des sons et de leur écriture)79. L’asile-école de cette fin de xixe siècle apparaît comme un modèle novateur d’une intervention éduco-médico-pédagogique spécifique et originale extrêmement élaborée en phase avec les conceptions du moment80. La dimension pédagogique apparaît comme l’élément central du modèle (accompagnement et enseignement à l’aide de procédures validées).

    Asile-école de Bicêtre : la salle des sièges d’aisance. Collection Musée d’histoire de la médecine, Paris.

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    Asile-école de Bicêtre : les jardins pédagogiques pour les leçons de choses. Collection Musée d’histoire de la médecine, Paris.

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    Asile-école de Bicêtre : la classe. Collection Musée d’histoire de la médecine, Paris.

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    Notes de bas de page

    1 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 78.

    2 Le groupe de réformateurs est composé de médecins-chef de service en charge d’idiots, épileptiques et imbéciles : Delasiauve, Voisin, Falret… Tous ces médecins n’ont de cesse de réclamer sans succès la transformation de leur service.

    3 Le département de Paris créé en 1790, devient département de la Seine en 1795. Il a été réparti entre quatre départements en 1968 : Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne.

    4 En février 1878, un an avant la prise de fonction du médecin Bourneville, la commission de l’Assistance publique du conseil général constata la situation déplorable de l’ancienne section des enfants de Bicêtre et de la Salpêtrière. À Bicêtre, les enfants « occupaient le 1er étage de la troisième section de la 5e division des aliénés. Le rez-de-chaussée et les étages supérieurs étaient affectés aux épileptiques adultes. L’infirmerie renfermait à la fois tous les enfants atteints de maladies aigües ordinaires, médicales et chirurgicales, les enfants affectés de maladies contagieuses aigües (diphtérie, rougeole, scarlatine…) ou chroniques comme la teigne et les enfants agités camisolés sur leurs lits ou sur des fauteuils ou bien encore attachés aux poteaux de soutènement du plafond. Un groupe d’une trentaine d’enfants gâteux étaient parqués dans une cour ou dans un local humide et absolument délaissés », d’après Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. 32.

    5 Le 27 novembre 1873, le conseil général met en place une colonie d’enfants dans l’ancien asile de Vaucluse. La colonie est ouverte le 5 août 1876 et reçoit 30 jeunes garçons de sept à seize ans non épileptiques et non gâteux, du quartier de Bicêtre. Un enseignement scolaire est mis en place par deux instituteurs (4 groupes suivant le degré d’instruction) et un surveillant. C’est un traitement médico-pédagogique identique à celui qui se développe à Bicêtre et la Salpêtrière.

    6 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 112.

    7 Bourneville Désiré Magloire et d’Olier Henri, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, Compte rendu de 1880, Paris, Progrès médical, Delahaye et Lecrosnier, 1881.

    8 Roca Jacqueline, « Médecins et instituteurs à la recherche d’une solution pour l’enfance anormale des écoles », in Les Cahiers de la recherche sur le travail social, n° 19, 1990, p. 67.

    9 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 118.

    10 Dans les années 1870, deux tendances républicaines se dessinent à l’assemblée : L’extrême gauche, dans laquelle on retrouve d’anciens quarante-huitards (Louis Blanc, Victor Schoelcher, Edgar Quinet, Victor Hugo, Esquiros…), recueille l’héritage très affaibli du socialisme ; les radicaux (Clemenceau, Camille Pelletan) qui luttent contre le Second Empire ; les modérés de l’union républicaine ; la gauche républicaine composée de Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon… ; les anciens orléanistes composés de Henri Germain, Léon Say, Dufaure, Casimir-Perier. D’après Démier Francis, La France du xixe siècle, 1814-1914, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 315.

    11 Le boulangisme est un mouvement politique de la fin du xixe siècle (1886-1891). Son nom vient de celui du général Georges Boulanger, militaire qui devint ministre de la Guerre de 1886 à 1887. Ce mouvement réunissait divers opposants au régime républicain de la IIIe République.

    12 Poirier Jacques et Signoret Jean-Louis, op. cit., 1991, p. 6.

    13 Gauchet Marcel, Médecine, politique et société en France, fin du xixe-début du xxe siècle, in Poirier Jacques et Signoret Jean-Louis, op. cit., 1991, p. 14.

    14 Cavé Isabelle, « Les médecins-législateurs et le mouvement hygiéniste (1870-1914) », in Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, numéro spécial 60e anniversaire de la sécurité sociale, Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 2006, p. 79.

    15 Bourneville est, en 1882, rapporteur sur le problème du tout-à-l’égout ; en 1886, il publie un rapport sur la purification des eaux de la Seine. Bourneville milite pour la liberté de crémation qui est votée en 1886. Il entreprend une série de visites d’hôpitaux entre 1886, 1887 et 1888, dans le cadre d’une réforme de la loi de 1838 sur les aliénés, avec des préoccupations anti-cléricales. Il est associé au sénateur Théophile Roussel, promoteur de la protection de l’enfance.

    16 Démier Francis, op. cit., 2000, p. 289-322.

    17 République modérée, composée de l’alliance majoritaire du centre gauche, de l’union républicaine de Ferry, et de la gauche républicaine de Gambetta. Cette formule initiale va disparaître aux élections de 1885, d’après Démier Francis, op. cit., 2000, p. 325.

    18 Royer Maurice, De l’absolue nécessité de l’assistance des anormaux, thèse de médecine, Paris, 1907, d’après Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 125.

    19 Bourneville Désiré Magloire, « Le service des enfants épileptiques et idiots de Bicêtre. Réponse à M. Després. Nécessité d’organiser dans toute la France l’assistance des enfants idiots et épileptiques », in Le Progrès médical, n° 19, Paris, mai 1887, d’après Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 127. Henri Després est chirurgien de l’hôpital de la Charité et pétitionnaire avec les médecins cléricaux, Vulpian et Royer, du maintien des religieuses hospitalières. Il est également à l’origine de manifestations hostiles au projet de la section des enfants idiots, au conseil municipal.

    20 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 127.

    21 Bourneville Désiré Magloire, Bonnaire Érasme, Boutier Hector, Leflaive Eugène, Bricon Paul et Séglas Ernest, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie et l’idiotie, compte rendu de 1883, Paris, Delahaye, Lecrosnier, 1884, p. xxvii-xxviii. D’après Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 128.

    22 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 126.

    23 Déposé dès 1875 au conseil municipal de Paris, ce vœu de création fut finalement voté et la première « École professionnelle d’infirmiers et d’infirmières laïques » fut fondée en avril 1878 à la Salpêtrière, la seconde en mai 1878 à Bicêtre. Suivirent des créations similaires à Sainte-Anne et à la Pitié en 1880 et 1881, toutes réalisations largement soutenues par André Mesureur, directeur de l’Assistance publique et franc-maçon, comme Bourneville.

    24 Instituée par la loi du 10 janvier 1849, l’administration générale de l’Assistance publique à Paris succède au conseil général des hospices civils, créé en 1801 dans le contexte de réorganisation des structures de soins et de charité. Administration communale autonome en charge de toute la politique sanitaire et sociale à l’intention de la population indigente de Paris, l’Assistance publique gère un réseau coordonné de services et d’établissements charitables et hospitaliers.

    25 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 9.

    26 Le recrutement des infirmiers se faisait dans les couches très défavorisées et très dévalorisées de la population masculine. Ces « rouleurs » passaient d’un établissement à un autre et quittaient leur emploi à la moindre contrariété. Une part de ces emplois du bas de l’échelle, sans ancienneté, était aussi dévolue à des ouvriers sans travail. La situation était similaire pour les infirmières, avec une moins grande qualification. Il s’agissait d’une migration saisonnière et d’un temps d’occupation. Pour ces femmes qui parfois ne parlaient pas le français (langage patois ou régional), l’hôpital était considéré comme une espèce d’auberge pour pouvoir vivre en attendant de se placer dans une bonne maison comme domestique (statut social plus élevé). D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 14.

    27 L’école d’infirmières de la Salpêtrière ouvre le 1er avril 1878, à Bicêtre le 1er mai 1878 et à la Pitié le 24 mai 1881. L’enseignement primaire est réalisé par les instituteurs et institutrices des écoles d’enfants idiots. L’enseignement professionnel comprend des cours théoriques d’anatomie, de physiologie, d’administration et de comptabilité, de soins (pansements, bandages, petite chirurgie…), d’hygiène, de petite pharmacie… L’enseignement professionnel est complété pour les infirmières de la section spéciale des enfants idiots de Bicêtre par des cours de soins éducatifs à l’aide de la méthode médico-pédagogique. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 60-61.

    28 Le 1er mai 1903, l’Assistance publique organise le recrutement des soignants à partir de la formation. On entre à l’école de la Salpêtrière après un examen médical, des épreuves scolaires écrites et de couture. Après l’admission, le candidat dispose de deux mois de réflexion et signe ensuite un engagement de cinq ans (deux ans d’études plus trois ans de services. En 1891, 50 diplômes sont délivrés à Bicêtre, ce qui porte à 1 118 le nombre des diplômes acquis à l’Assistance publique à Paris depuis 1883. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 18.

    29 Le gâtisme est lié à l’abolition de la commande nerveuse des sphincters du fait de la baisse de la vigilance et de l’autonomie. Il est observé dans la vieillesse, mais aussi dans certains syndromes neurologiques, l’idiotie, les démences. L’incontinence survient notamment dans des affections chroniques, notamment chez des sujets âgés.

    30 À la Salpêtrière en 1904, les idiotes sont réparties sur quatre groupes-classes avec, une très grande différence d’âge : la quatrième classe appelée encore asile, réservée aux filles les plus malades ; la troisième classe réservée à celles qui ne sont plus gâteuses ; la deuxième classe réservée à ceux qui savent lire et écrire, de niveau CP. Elle comprend deux divisions ayant chacune un temps de scolaire et un temps de travaux manuels à l’ouvroir. La première classe qui se rapproche d’une classe primaire d’enfants normaux avec des programmes de CM. Certaines filles passent le certificat d’étude primaire : en 1904, 5 en sont pourvues et 4 vont le passer. Une élève a obtenu le brevet simple d’institutrice. D’après Meusy, « Note sur l’éducation des enfants arriérées de l’école de la Salpêtrière », in L’Année psychologique, volume 11, 1904, p. 83-93.

    31 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898, P. III.

    32 Roca Jacqueline, op. cit., 1990, p. 68.

    33 Bourneville Désiré Magloire, cité par Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 100.

    34 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898, p. IV-V.

    35 Bourneville Désiré Magloire, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, Compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l’année 1902, Paris, Progrès médical, Félix Alcan, 1903.

    36 Harburger Marianne, La Vie et l’œuvre de Bourneville (1840-1909), précurseur de la neuro-psychiatrie, Mémoire de psychiatrie, Faculté de Créteil, Paris, 1973, p. 44.

    37 Bru Paul, op. cit., Paris, 1890, p. 289.

    38 Agnus Blanche (fille du surveillant de la section) entre à Bicêtre à la nomination de Bourneville, en 1879, à l’âge de 18 ans comme fille de service et gravit tous les échelons et devient surveillante à l’âge de 25 ans. Sa sœur Joséphine entre en même temps qu’elle à l’âge de 17 ans et devient suppléante de 1re classe à l’âge de 19 ans. En 1886, elle obtient son certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles. Elle meurt en 1884 à l’âge de 22 ans et elle est remplacée à son poste par Berthe Langlet. Elles sont chargées par Bourneville de l’éducation des enfants idiots et arriérés. Celui-ci leur procure différents ouvrages et matériel : Traitement moral, hygiène et éducation des idiots de Séguin ; le Manuel de Delon sur les exercices et travaux pour les enfants, selon la méthode de Pestalozzi et de Froebel ; une boîte pour les leçons de chose ; des tableaux représentant des animaux, des métiers, etc. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 25.

    39 C’est l’ordonnance de 1816 qui institue pour l’enseignement scolaire un brevet de capacité à trois degrés : le premier degré insiste sur l’orthographe et le plain-chant (chant liturgique médiéval), le deuxième degré requiert l’orthographe et la calligraphie et le troisième degré exige une connaissance suffisante des principes et dogmes de la religion pour pouvoir enseigner le catéchisme et l’histoire sainte. Supprimé, c’est la loi du 28 juin 1833 qui exige de nouveau un brevet de capacité de tout instituteur public ou privé, laïque ou congréganiste. Mais la loi du 15 mars 1850 supprime l’exigence du brevet pour les instituteurs adjoints et les institutrices adjointes et elle institue pour les autres enseignants un système d’équivalences qui bénéficie essentiellement à l’enseignement congréganiste. Le brevet d’aptitude est de nouveau réhabilité pour tous les enseignants du primaire, le 11 juin 1881 : le brevet élémentaire est le niveau exigé pour entrer à l’école normale. Il se prépare dans les écoles primaires supérieures créées en 1833 ; le brevet supérieur est obtenu après trois années de formation.

    40 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898, p. V.

    41 Le traitement du gâtisme consiste à placer les enfants gâteux, après chaque repas, sur les sièges d’aisance.

    42 Cosnier Colette, Marie Pape-Carpentier fondatrice de l’école maternelle, Paris, Fayard, 2003, p. 37 et 38.

    43 Marie Pape-Carpentier (1815-1878) fut nommée directrice de la première salle d’asile de la Flèche (72) en 1834. Elle débute sa carrière à 19 ans en 1835 comme surveillante puis directrice de salle d’asile à La Flèche, ville du département de la Sarthe, son lieu de naissance. Au bout de quatre ans, elle abandonne cet emploi pour reprendre en 1844 la direction de la salle d’asile du Mans. Elle rédige et publie en 1845 un ouvrage intitulé Conseils sur la direction des salles d’asile. Cette publication lui valut une notoriété qui la conduit à être nommée par le ministre de l’Instruction publique Salvandy, en 1847, à la tête d’une école normale nouvellement créée et destinée au recrutement et à la formation des personnels des salles d’asile. Elle va occuper cette fonction pendant 27 ans. Sous le Second Empire, elle est inspectrice des salles d’asile, placées sous la protection de l’impératrice. Elle a été l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages pédagogiques. Elle a été également conférencière, grâce à Victor Duruy, devant les instituteurs réunis à la Sorbonne à l’occasion de l’exposition universelle de 1867. Mme Pape-Carpantier est, avant Pauline Kergomard, la première grande figure féminine de l’Instruction publique française. Elle pratique la religion catholique, mais ses sympathies libérales, maçonnes et fouriéristes, et ses responsabilités universitaires, lui attirent l’inimitié des catholiques conservateurs.

    44 Pauline Kergormard (1838-1925) est née dans une famille protestante, elle devient institutrice à 18 ans. En 1861, elle tient une école privée à Paris et devient la directrice de L’ami de l’enfance, revue pour les salles d’asile. Elle est à l’origine de la transformation des salles d’asile, établissements à vocation essentiellement sociale, en écoles maternelles, formant la base du système scolaire. En 1881, Jules Ferry la nomme inspectrice générale des écoles maternelles, poste qu’elle occupera jusqu’en 1917. Elle fait acter par les programmes que le jeu est le premier travail du jeune enfant et réclame un mobilier adapté à leur taille, précédant Maria Montessori. Elle préconise également que des éléments de base du calcul, du dessin, de l’écriture et de la lecture soient enseignés aux enfants dés l’âge de cinq ans.

    45 Amigues René et Zerbato-Poudou Marie-Thérèse, Comment l’enfant devient élève. Les apprentissages à l’école maternelle, Paris, Retz, 2000.

    46 Deux instituteurs de Bicêtre sont embauchés à Vitry : Joseph Boyer, inventeur d’une méthode d’apprentissage de la lecture ; M. Boutillier qui quitte la section spéciale après dix-sept ans de service, d’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 38.

    47 À la Salpêtrière, la classe du matin va de 8 heures à 11 h ½, coupée par une récréation d’un quart d’heure. Chaque exercice dure un quart d’heure à une demi-heure, on repose l’attention par la variété. De 11 h 30 à midi et demi, déjeuner puis récréation jusqu’à 13 h 30. Pendant la récréation, il faut s’occuper de faire jouer les enfants. La classe de l’après-midi va de 13 h 30 à 16 heures, coupée par une récréation d’un quart d’heure. Après 16 h, les filles vont dans les services. Elles se couchent à la tombée de la nuit et elles se lèvent avec la lumière du jour, d’après Meusy, op. cit., 1904, p. 86.

    48 Bourneville Désiré Magloire, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l’année 1899, volume XX, Paris, Félix Alcan, 1900, p. LX.

    49 Du 1er avril au 31 octobre, le travail commence à 7 heures du matin, continue jusqu’à 11 heures, reprend à 13 heure et finit à 17 heures. Du 1er octobre au 31 mars, il commence de 8 heures à 9 heures du matin, par la leçon de gymnastique. Les enfants sont divisés en deux séries : une du matin, une du soir afin que l’enseignement soit à peu près égal pour tous, tant à l’école qu’à l’atelier. D’après Bru Paul, op. cit., Paris, 1890, p. 292.

    50 Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 212.

    51 Bru Paul, op. cit., 1890, p. 292.

    52 Ibid., p. 293.

    53 Bien avant la naissance du scoutisme, les caravanes scolaires entraînent la jeunesse sous la direction des instituteurs dans des excursions. Les « caravanes » ont été lancées en 1874 par le club alpin français. Elles participent au mouvement de l’éducation nouvelle et des pédagogies actives qui se développent entre 1899 et 1939.

    54 Denis Daniel, « L’activité physique dans le dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson, un révélateur des contradictions de l’école républicaine », in À quoi sert l’éducation physique et sportive ? René Bernard-Xavier (dir.), Dossier EPS, n° 29, Paris, Éditions Revue EPS, p. 315.

    55 Le terme d’enfants anormaux apparaît vers la fin du xixe siècle. Il est utilisé en 1863 par l’abbé Grimaud, directeur d’un institut, pour désigner « des sujets qui ne sont ni fous ni malades, et dont l’éducation réclame des soins spéciaux qui ne peuvent être donnés dans les écoles ordinaires », d’après Vial Monique, « Enfants anormaux, les mots à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle », in Stiker Henri-Jacques, Vial Monique et Barral Catherine (dir), op. cit., 1996, p. 41. Bourneville écrit en 1897 : « Nos apprentis, à Bicêtre, sont non seulement des enfants anormaux, mais encore des enfants malades […] », in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. XXV.

    56 Gateau-Mennecier Jacqueline, « La logique socio-historique de l’enseignement spécial », in Les Cahiers du CTNERHI, n° 50, Vanves, CTNERHI, 1990, p. 61.

    57 Les enfants hospitalisés dans le département de la Seine en 1900 dépassent le chiffre de 1100, d’après Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 27.

    58 L’établissement de Vitry est une institution privée créée par Bourneville en 1893, sous la forme d’une société commanditée (en association) et qui prend pour la première fois l’appellation d’institut médico-pédagogique ou institut orthophrénique, destiné au traitement et à l’éducation des enfants atteints de maladies nerveuses (idiots, imbéciles, arriérés, convulsifs, instables, pervers, etc.) et plutôt des milieux aisés. Le mode de prise en charge est identique à celui développé à la section de Bicêtre.

    59 En 1894, le nombre des enfants idiots et épileptiques des deux sexes dans le département de la Seine est de 982 enfants : Bicêtre 501 garçons, colonie de Vaucluse 141 garçons, la Salpêtrière 135 filles, la fondation Vallée 130 filles, asile de Villejuif 75 filles, in Bourneville Désiré Magloire, Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés, Paris, Le progrès médical, Félix Alcan, 1895, p. 80.

    60 Un recensement réalisé par Bourneville et présenté au congrès national d’assistance publique de Lyon en juin 1894, mentionne une quinzaine d’établissements privés consacrés aux enfants idiots, épileptiques et dégénérés en France, avec de faibles prétentions concernant l’éducation et l’instruction scolaire, in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 54-61.

    61 Allemandou Bernard, Histoire du handicap. Enjeux scientifiques, enjeux politiques, Bordeaux, Les études hospitalières, 2001, p. 86.

    62 Sur ce sujet, voir, par exemple, Voisin Félix, op. cit., 1843 et le rapport de Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852.

    63 Vial Monique, Les Enfants anormaux à l’école. Aux origines de l’éducation spécialisée, 1882-1909, Paris, Armand Colin, 1990, p. 54.

    64 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 93.

    65 Une distinction administrative fait que l’on compte dans la section spéciale, des enfants idiots, imbéciles ou épileptiques dans la catégorie des aliénés au regard de la loi de 1838. Cette catégorie est alors à la charge du budget du département. On compte également des enfants épileptiques non aliénés qui sont placés directement auprès de l’Assistance publique et ils sont à la charge du budget municipal.

    66 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1903, p. LIII-LIV.

    67 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 95.

    68 Séguin parle d’éducation physiologique pour tout ce qui touche l’éducation des fonctions. Il s’agit pour lui de développer (chez les enfants) « ses appareils de manière à ce que ses fonctions acquièrent le plus d’activité, de rapidité, d’étendue et de précision possibles ; fonctions cérébrales, fonctions musculaires, fonctions sensoriales, organes de la pensée, du mouvement, des sensations », in Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 515 et 255-256.

    69 Voici comment le savant docteur Bourneville résume le traitement médical qu’il applique dans son service : « Les bains, les douches, le massage (hémiplégiques, paralytiques), les bromures, surtout l’élixir polybromuré dans l’épilepsie avec accès, le bromure de camphre dans l’épilepsie vertigineuse, simple ou compliquée d’accès, restent, en définitive, la base du traitement du mal comitial. C’est à eux que chaque année nous devons des succès. Nous avons essayé un grand nombre de médicaments : sulfate de cuivre, oxyde de zinc, pilocarpine, curare, picrotoxine, les valérates d’amyle, et déthyle, les bromure d’éthyle, d’or, de zinc, de nickel, de sodium, d’ammonium et de rubidium, d’arsenic, les aimants, les injections de suc testiculaire, etc. Dans quelques formes d’idiotie, nous complétons le traitement général […] : idiotie méningitique : application de vésicatoires sur la tête, de sangsues, purgatifs périodiques, hydrothérapie (jet en éventail seul) ; idiotie compliquée d’hémiplégie : frictions, exercices des jointures, massage, électricité, etc. » D’après Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 93-94.

    70 Hamon Du Fougeray Étienne et Couëtoux Louis, op. cit., 1896, p. 208-209.

    71 Girard Henri, op. cit., 1843, p. 231.

    72 Séguin Édouard, op. cit., 1843.

    73 Voisin Félix, op. cit., 1843.

    74 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 69.

    75 Voir sur ce sujet pour la multitude des exemples, l’ouvrage détaillé de Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998 ; Gateaux Jacqueline, « Le traitement médico-pédagogique à Bicêtre au xixe siècle », in Les Cahiers de l’enfance inadaptée, n° 273, Paris, Apajh, 1984, p. 11-19.

    76 Outre une formation pratique et théorique aux procédés médico-pédagogiques, les instituteurs et les infirmières font des visites de services et effectuent des stages pratiques de spécialisation : institut des sourds-muets pour les méthodes de langage, à l’institut des aveugles…

    77 Les intervenants utilisent la méthode inventée par l’un des instituteurs de Bicêtre, Boyer Joseph, Méthode spéciale de lecture à l’usage des enfants arriérés. Ils utilisent également la méthode de Mme Bru. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 70.

    78 La leçon de choses est inventée en Grande Bretagne et aux États-Unis dans le courant du xixe siècle. Marie Pape-Carpentier évoque les « leçons de choses » devant un auditoire réunissant trois mille instituteurs, en 1867, durant l’exposition universelle. Elle déplace l’accent mis jusque-là sur l’explicitation des usages des choses, vers une approche plus sensorielle qui convient mieux à de jeunes enfants encore bien éloignés de l’âge de raison. La leçon de choses consiste à apprendre aux élèves qu’ils peuvent se servir de leurs sens pour comprendre les objets du monde qui les entourent. Avec les lois Jules Ferry apparaît officiellement dans les programmes scolaires l’expression « leçon de choses » pour désigner une première forme d’enseignement scientifique à l’école primaire.

    79 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 102.

    80 Bourneville en qualité de socialiste républicain partisan de la laïcité impulse une dynamique pédagogique qui articule une pédagogie classique et une pédagogie active qui semble à l’image des réformes voulues par les républicains. Voir sur ce sujet par exemple, les travaux de Daniel Denis, « Repenser les rapports entre pédagogie et politique », in Revue de l’AFL, Les actes de lecture n° 51, 1995 ; Denis Daniel et Kahn Pierre (dir.), L’École républicaine et la question des savoirs. Enquête au cœur du dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, Paris, CNRS éditions, 2003.

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    1 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 78.

    2 Le groupe de réformateurs est composé de médecins-chef de service en charge d’idiots, épileptiques et imbéciles : Delasiauve, Voisin, Falret… Tous ces médecins n’ont de cesse de réclamer sans succès la transformation de leur service.

    3 Le département de Paris créé en 1790, devient département de la Seine en 1795. Il a été réparti entre quatre départements en 1968 : Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne.

    4 En février 1878, un an avant la prise de fonction du médecin Bourneville, la commission de l’Assistance publique du conseil général constata la situation déplorable de l’ancienne section des enfants de Bicêtre et de la Salpêtrière. À Bicêtre, les enfants « occupaient le 1er étage de la troisième section de la 5e division des aliénés. Le rez-de-chaussée et les étages supérieurs étaient affectés aux épileptiques adultes. L’infirmerie renfermait à la fois tous les enfants atteints de maladies aigües ordinaires, médicales et chirurgicales, les enfants affectés de maladies contagieuses aigües (diphtérie, rougeole, scarlatine…) ou chroniques comme la teigne et les enfants agités camisolés sur leurs lits ou sur des fauteuils ou bien encore attachés aux poteaux de soutènement du plafond. Un groupe d’une trentaine d’enfants gâteux étaient parqués dans une cour ou dans un local humide et absolument délaissés », d’après Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. 32.

    5 Le 27 novembre 1873, le conseil général met en place une colonie d’enfants dans l’ancien asile de Vaucluse. La colonie est ouverte le 5 août 1876 et reçoit 30 jeunes garçons de sept à seize ans non épileptiques et non gâteux, du quartier de Bicêtre. Un enseignement scolaire est mis en place par deux instituteurs (4 groupes suivant le degré d’instruction) et un surveillant. C’est un traitement médico-pédagogique identique à celui qui se développe à Bicêtre et la Salpêtrière.

    6 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 112.

    7 Bourneville Désiré Magloire et d’Olier Henri, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, Compte rendu de 1880, Paris, Progrès médical, Delahaye et Lecrosnier, 1881.

    8 Roca Jacqueline, « Médecins et instituteurs à la recherche d’une solution pour l’enfance anormale des écoles », in Les Cahiers de la recherche sur le travail social, n° 19, 1990, p. 67.

    9 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 118.

    10 Dans les années 1870, deux tendances républicaines se dessinent à l’assemblée : L’extrême gauche, dans laquelle on retrouve d’anciens quarante-huitards (Louis Blanc, Victor Schoelcher, Edgar Quinet, Victor Hugo, Esquiros…), recueille l’héritage très affaibli du socialisme ; les radicaux (Clemenceau, Camille Pelletan) qui luttent contre le Second Empire ; les modérés de l’union républicaine ; la gauche républicaine composée de Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon… ; les anciens orléanistes composés de Henri Germain, Léon Say, Dufaure, Casimir-Perier. D’après Démier Francis, La France du xixe siècle, 1814-1914, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 315.

    11 Le boulangisme est un mouvement politique de la fin du xixe siècle (1886-1891). Son nom vient de celui du général Georges Boulanger, militaire qui devint ministre de la Guerre de 1886 à 1887. Ce mouvement réunissait divers opposants au régime républicain de la IIIe République.

    12 Poirier Jacques et Signoret Jean-Louis, op. cit., 1991, p. 6.

    13 Gauchet Marcel, Médecine, politique et société en France, fin du xixe-début du xxe siècle, in Poirier Jacques et Signoret Jean-Louis, op. cit., 1991, p. 14.

    14 Cavé Isabelle, « Les médecins-législateurs et le mouvement hygiéniste (1870-1914) », in Bulletin d’histoire de la Sécurité sociale, numéro spécial 60e anniversaire de la sécurité sociale, Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 2006, p. 79.

    15 Bourneville est, en 1882, rapporteur sur le problème du tout-à-l’égout ; en 1886, il publie un rapport sur la purification des eaux de la Seine. Bourneville milite pour la liberté de crémation qui est votée en 1886. Il entreprend une série de visites d’hôpitaux entre 1886, 1887 et 1888, dans le cadre d’une réforme de la loi de 1838 sur les aliénés, avec des préoccupations anti-cléricales. Il est associé au sénateur Théophile Roussel, promoteur de la protection de l’enfance.

    16 Démier Francis, op. cit., 2000, p. 289-322.

    17 République modérée, composée de l’alliance majoritaire du centre gauche, de l’union républicaine de Ferry, et de la gauche républicaine de Gambetta. Cette formule initiale va disparaître aux élections de 1885, d’après Démier Francis, op. cit., 2000, p. 325.

    18 Royer Maurice, De l’absolue nécessité de l’assistance des anormaux, thèse de médecine, Paris, 1907, d’après Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 125.

    19 Bourneville Désiré Magloire, « Le service des enfants épileptiques et idiots de Bicêtre. Réponse à M. Després. Nécessité d’organiser dans toute la France l’assistance des enfants idiots et épileptiques », in Le Progrès médical, n° 19, Paris, mai 1887, d’après Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 127. Henri Després est chirurgien de l’hôpital de la Charité et pétitionnaire avec les médecins cléricaux, Vulpian et Royer, du maintien des religieuses hospitalières. Il est également à l’origine de manifestations hostiles au projet de la section des enfants idiots, au conseil municipal.

    20 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 127.

    21 Bourneville Désiré Magloire, Bonnaire Érasme, Boutier Hector, Leflaive Eugène, Bricon Paul et Séglas Ernest, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie et l’idiotie, compte rendu de 1883, Paris, Delahaye, Lecrosnier, 1884, p. xxvii-xxviii. D’après Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 128.

    22 Gateaux-Mennecier Jacqueline, op. cit., 1989, p. 126.

    23 Déposé dès 1875 au conseil municipal de Paris, ce vœu de création fut finalement voté et la première « École professionnelle d’infirmiers et d’infirmières laïques » fut fondée en avril 1878 à la Salpêtrière, la seconde en mai 1878 à Bicêtre. Suivirent des créations similaires à Sainte-Anne et à la Pitié en 1880 et 1881, toutes réalisations largement soutenues par André Mesureur, directeur de l’Assistance publique et franc-maçon, comme Bourneville.

    24 Instituée par la loi du 10 janvier 1849, l’administration générale de l’Assistance publique à Paris succède au conseil général des hospices civils, créé en 1801 dans le contexte de réorganisation des structures de soins et de charité. Administration communale autonome en charge de toute la politique sanitaire et sociale à l’intention de la population indigente de Paris, l’Assistance publique gère un réseau coordonné de services et d’établissements charitables et hospitaliers.

    25 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 9.

    26 Le recrutement des infirmiers se faisait dans les couches très défavorisées et très dévalorisées de la population masculine. Ces « rouleurs » passaient d’un établissement à un autre et quittaient leur emploi à la moindre contrariété. Une part de ces emplois du bas de l’échelle, sans ancienneté, était aussi dévolue à des ouvriers sans travail. La situation était similaire pour les infirmières, avec une moins grande qualification. Il s’agissait d’une migration saisonnière et d’un temps d’occupation. Pour ces femmes qui parfois ne parlaient pas le français (langage patois ou régional), l’hôpital était considéré comme une espèce d’auberge pour pouvoir vivre en attendant de se placer dans une bonne maison comme domestique (statut social plus élevé). D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 14.

    27 L’école d’infirmières de la Salpêtrière ouvre le 1er avril 1878, à Bicêtre le 1er mai 1878 et à la Pitié le 24 mai 1881. L’enseignement primaire est réalisé par les instituteurs et institutrices des écoles d’enfants idiots. L’enseignement professionnel comprend des cours théoriques d’anatomie, de physiologie, d’administration et de comptabilité, de soins (pansements, bandages, petite chirurgie…), d’hygiène, de petite pharmacie… L’enseignement professionnel est complété pour les infirmières de la section spéciale des enfants idiots de Bicêtre par des cours de soins éducatifs à l’aide de la méthode médico-pédagogique. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 60-61.

    28 Le 1er mai 1903, l’Assistance publique organise le recrutement des soignants à partir de la formation. On entre à l’école de la Salpêtrière après un examen médical, des épreuves scolaires écrites et de couture. Après l’admission, le candidat dispose de deux mois de réflexion et signe ensuite un engagement de cinq ans (deux ans d’études plus trois ans de services. En 1891, 50 diplômes sont délivrés à Bicêtre, ce qui porte à 1 118 le nombre des diplômes acquis à l’Assistance publique à Paris depuis 1883. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 18.

    29 Le gâtisme est lié à l’abolition de la commande nerveuse des sphincters du fait de la baisse de la vigilance et de l’autonomie. Il est observé dans la vieillesse, mais aussi dans certains syndromes neurologiques, l’idiotie, les démences. L’incontinence survient notamment dans des affections chroniques, notamment chez des sujets âgés.

    30 À la Salpêtrière en 1904, les idiotes sont réparties sur quatre groupes-classes avec, une très grande différence d’âge : la quatrième classe appelée encore asile, réservée aux filles les plus malades ; la troisième classe réservée à celles qui ne sont plus gâteuses ; la deuxième classe réservée à ceux qui savent lire et écrire, de niveau CP. Elle comprend deux divisions ayant chacune un temps de scolaire et un temps de travaux manuels à l’ouvroir. La première classe qui se rapproche d’une classe primaire d’enfants normaux avec des programmes de CM. Certaines filles passent le certificat d’étude primaire : en 1904, 5 en sont pourvues et 4 vont le passer. Une élève a obtenu le brevet simple d’institutrice. D’après Meusy, « Note sur l’éducation des enfants arriérées de l’école de la Salpêtrière », in L’Année psychologique, volume 11, 1904, p. 83-93.

    31 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898, P. III.

    32 Roca Jacqueline, op. cit., 1990, p. 68.

    33 Bourneville Désiré Magloire, cité par Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 100.

    34 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898, p. IV-V.

    35 Bourneville Désiré Magloire, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, Compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l’année 1902, Paris, Progrès médical, Félix Alcan, 1903.

    36 Harburger Marianne, La Vie et l’œuvre de Bourneville (1840-1909), précurseur de la neuro-psychiatrie, Mémoire de psychiatrie, Faculté de Créteil, Paris, 1973, p. 44.

    37 Bru Paul, op. cit., Paris, 1890, p. 289.

    38 Agnus Blanche (fille du surveillant de la section) entre à Bicêtre à la nomination de Bourneville, en 1879, à l’âge de 18 ans comme fille de service et gravit tous les échelons et devient surveillante à l’âge de 25 ans. Sa sœur Joséphine entre en même temps qu’elle à l’âge de 17 ans et devient suppléante de 1re classe à l’âge de 19 ans. En 1886, elle obtient son certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles. Elle meurt en 1884 à l’âge de 22 ans et elle est remplacée à son poste par Berthe Langlet. Elles sont chargées par Bourneville de l’éducation des enfants idiots et arriérés. Celui-ci leur procure différents ouvrages et matériel : Traitement moral, hygiène et éducation des idiots de Séguin ; le Manuel de Delon sur les exercices et travaux pour les enfants, selon la méthode de Pestalozzi et de Froebel ; une boîte pour les leçons de chose ; des tableaux représentant des animaux, des métiers, etc. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 25.

    39 C’est l’ordonnance de 1816 qui institue pour l’enseignement scolaire un brevet de capacité à trois degrés : le premier degré insiste sur l’orthographe et le plain-chant (chant liturgique médiéval), le deuxième degré requiert l’orthographe et la calligraphie et le troisième degré exige une connaissance suffisante des principes et dogmes de la religion pour pouvoir enseigner le catéchisme et l’histoire sainte. Supprimé, c’est la loi du 28 juin 1833 qui exige de nouveau un brevet de capacité de tout instituteur public ou privé, laïque ou congréganiste. Mais la loi du 15 mars 1850 supprime l’exigence du brevet pour les instituteurs adjoints et les institutrices adjointes et elle institue pour les autres enseignants un système d’équivalences qui bénéficie essentiellement à l’enseignement congréganiste. Le brevet d’aptitude est de nouveau réhabilité pour tous les enseignants du primaire, le 11 juin 1881 : le brevet élémentaire est le niveau exigé pour entrer à l’école normale. Il se prépare dans les écoles primaires supérieures créées en 1833 ; le brevet supérieur est obtenu après trois années de formation.

    40 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1898, p. V.

    41 Le traitement du gâtisme consiste à placer les enfants gâteux, après chaque repas, sur les sièges d’aisance.

    42 Cosnier Colette, Marie Pape-Carpentier fondatrice de l’école maternelle, Paris, Fayard, 2003, p. 37 et 38.

    43 Marie Pape-Carpentier (1815-1878) fut nommée directrice de la première salle d’asile de la Flèche (72) en 1834. Elle débute sa carrière à 19 ans en 1835 comme surveillante puis directrice de salle d’asile à La Flèche, ville du département de la Sarthe, son lieu de naissance. Au bout de quatre ans, elle abandonne cet emploi pour reprendre en 1844 la direction de la salle d’asile du Mans. Elle rédige et publie en 1845 un ouvrage intitulé Conseils sur la direction des salles d’asile. Cette publication lui valut une notoriété qui la conduit à être nommée par le ministre de l’Instruction publique Salvandy, en 1847, à la tête d’une école normale nouvellement créée et destinée au recrutement et à la formation des personnels des salles d’asile. Elle va occuper cette fonction pendant 27 ans. Sous le Second Empire, elle est inspectrice des salles d’asile, placées sous la protection de l’impératrice. Elle a été l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages pédagogiques. Elle a été également conférencière, grâce à Victor Duruy, devant les instituteurs réunis à la Sorbonne à l’occasion de l’exposition universelle de 1867. Mme Pape-Carpantier est, avant Pauline Kergomard, la première grande figure féminine de l’Instruction publique française. Elle pratique la religion catholique, mais ses sympathies libérales, maçonnes et fouriéristes, et ses responsabilités universitaires, lui attirent l’inimitié des catholiques conservateurs.

    44 Pauline Kergormard (1838-1925) est née dans une famille protestante, elle devient institutrice à 18 ans. En 1861, elle tient une école privée à Paris et devient la directrice de L’ami de l’enfance, revue pour les salles d’asile. Elle est à l’origine de la transformation des salles d’asile, établissements à vocation essentiellement sociale, en écoles maternelles, formant la base du système scolaire. En 1881, Jules Ferry la nomme inspectrice générale des écoles maternelles, poste qu’elle occupera jusqu’en 1917. Elle fait acter par les programmes que le jeu est le premier travail du jeune enfant et réclame un mobilier adapté à leur taille, précédant Maria Montessori. Elle préconise également que des éléments de base du calcul, du dessin, de l’écriture et de la lecture soient enseignés aux enfants dés l’âge de cinq ans.

    45 Amigues René et Zerbato-Poudou Marie-Thérèse, Comment l’enfant devient élève. Les apprentissages à l’école maternelle, Paris, Retz, 2000.

    46 Deux instituteurs de Bicêtre sont embauchés à Vitry : Joseph Boyer, inventeur d’une méthode d’apprentissage de la lecture ; M. Boutillier qui quitte la section spéciale après dix-sept ans de service, d’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 38.

    47 À la Salpêtrière, la classe du matin va de 8 heures à 11 h ½, coupée par une récréation d’un quart d’heure. Chaque exercice dure un quart d’heure à une demi-heure, on repose l’attention par la variété. De 11 h 30 à midi et demi, déjeuner puis récréation jusqu’à 13 h 30. Pendant la récréation, il faut s’occuper de faire jouer les enfants. La classe de l’après-midi va de 13 h 30 à 16 heures, coupée par une récréation d’un quart d’heure. Après 16 h, les filles vont dans les services. Elles se couchent à la tombée de la nuit et elles se lèvent avec la lumière du jour, d’après Meusy, op. cit., 1904, p. 86.

    48 Bourneville Désiré Magloire, Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’épilepsie, l’hystérie et l’idiotie, compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l’année 1899, volume XX, Paris, Félix Alcan, 1900, p. LX.

    49 Du 1er avril au 31 octobre, le travail commence à 7 heures du matin, continue jusqu’à 11 heures, reprend à 13 heure et finit à 17 heures. Du 1er octobre au 31 mars, il commence de 8 heures à 9 heures du matin, par la leçon de gymnastique. Les enfants sont divisés en deux séries : une du matin, une du soir afin que l’enseignement soit à peu près égal pour tous, tant à l’école qu’à l’atelier. D’après Bru Paul, op. cit., Paris, 1890, p. 292.

    50 Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 212.

    51 Bru Paul, op. cit., 1890, p. 292.

    52 Ibid., p. 293.

    53 Bien avant la naissance du scoutisme, les caravanes scolaires entraînent la jeunesse sous la direction des instituteurs dans des excursions. Les « caravanes » ont été lancées en 1874 par le club alpin français. Elles participent au mouvement de l’éducation nouvelle et des pédagogies actives qui se développent entre 1899 et 1939.

    54 Denis Daniel, « L’activité physique dans le dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson, un révélateur des contradictions de l’école républicaine », in À quoi sert l’éducation physique et sportive ? René Bernard-Xavier (dir.), Dossier EPS, n° 29, Paris, Éditions Revue EPS, p. 315.

    55 Le terme d’enfants anormaux apparaît vers la fin du xixe siècle. Il est utilisé en 1863 par l’abbé Grimaud, directeur d’un institut, pour désigner « des sujets qui ne sont ni fous ni malades, et dont l’éducation réclame des soins spéciaux qui ne peuvent être donnés dans les écoles ordinaires », d’après Vial Monique, « Enfants anormaux, les mots à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle », in Stiker Henri-Jacques, Vial Monique et Barral Catherine (dir), op. cit., 1996, p. 41. Bourneville écrit en 1897 : « Nos apprentis, à Bicêtre, sont non seulement des enfants anormaux, mais encore des enfants malades […] », in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. XXV.

    56 Gateau-Mennecier Jacqueline, « La logique socio-historique de l’enseignement spécial », in Les Cahiers du CTNERHI, n° 50, Vanves, CTNERHI, 1990, p. 61.

    57 Les enfants hospitalisés dans le département de la Seine en 1900 dépassent le chiffre de 1100, d’après Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 27.

    58 L’établissement de Vitry est une institution privée créée par Bourneville en 1893, sous la forme d’une société commanditée (en association) et qui prend pour la première fois l’appellation d’institut médico-pédagogique ou institut orthophrénique, destiné au traitement et à l’éducation des enfants atteints de maladies nerveuses (idiots, imbéciles, arriérés, convulsifs, instables, pervers, etc.) et plutôt des milieux aisés. Le mode de prise en charge est identique à celui développé à la section de Bicêtre.

    59 En 1894, le nombre des enfants idiots et épileptiques des deux sexes dans le département de la Seine est de 982 enfants : Bicêtre 501 garçons, colonie de Vaucluse 141 garçons, la Salpêtrière 135 filles, la fondation Vallée 130 filles, asile de Villejuif 75 filles, in Bourneville Désiré Magloire, Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés, Paris, Le progrès médical, Félix Alcan, 1895, p. 80.

    60 Un recensement réalisé par Bourneville et présenté au congrès national d’assistance publique de Lyon en juin 1894, mentionne une quinzaine d’établissements privés consacrés aux enfants idiots, épileptiques et dégénérés en France, avec de faibles prétentions concernant l’éducation et l’instruction scolaire, in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 54-61.

    61 Allemandou Bernard, Histoire du handicap. Enjeux scientifiques, enjeux politiques, Bordeaux, Les études hospitalières, 2001, p. 86.

    62 Sur ce sujet, voir, par exemple, Voisin Félix, op. cit., 1843 et le rapport de Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852.

    63 Vial Monique, Les Enfants anormaux à l’école. Aux origines de l’éducation spécialisée, 1882-1909, Paris, Armand Colin, 1990, p. 54.

    64 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 93.

    65 Une distinction administrative fait que l’on compte dans la section spéciale, des enfants idiots, imbéciles ou épileptiques dans la catégorie des aliénés au regard de la loi de 1838. Cette catégorie est alors à la charge du budget du département. On compte également des enfants épileptiques non aliénés qui sont placés directement auprès de l’Assistance publique et ils sont à la charge du budget municipal.

    66 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1903, p. LIII-LIV.

    67 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 95.

    68 Séguin parle d’éducation physiologique pour tout ce qui touche l’éducation des fonctions. Il s’agit pour lui de développer (chez les enfants) « ses appareils de manière à ce que ses fonctions acquièrent le plus d’activité, de rapidité, d’étendue et de précision possibles ; fonctions cérébrales, fonctions musculaires, fonctions sensoriales, organes de la pensée, du mouvement, des sensations », in Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 515 et 255-256.

    69 Voici comment le savant docteur Bourneville résume le traitement médical qu’il applique dans son service : « Les bains, les douches, le massage (hémiplégiques, paralytiques), les bromures, surtout l’élixir polybromuré dans l’épilepsie avec accès, le bromure de camphre dans l’épilepsie vertigineuse, simple ou compliquée d’accès, restent, en définitive, la base du traitement du mal comitial. C’est à eux que chaque année nous devons des succès. Nous avons essayé un grand nombre de médicaments : sulfate de cuivre, oxyde de zinc, pilocarpine, curare, picrotoxine, les valérates d’amyle, et déthyle, les bromure d’éthyle, d’or, de zinc, de nickel, de sodium, d’ammonium et de rubidium, d’arsenic, les aimants, les injections de suc testiculaire, etc. Dans quelques formes d’idiotie, nous complétons le traitement général […] : idiotie méningitique : application de vésicatoires sur la tête, de sangsues, purgatifs périodiques, hydrothérapie (jet en éventail seul) ; idiotie compliquée d’hémiplégie : frictions, exercices des jointures, massage, électricité, etc. » D’après Thulié Henri, op. cit., 1900, p. 93-94.

    70 Hamon Du Fougeray Étienne et Couëtoux Louis, op. cit., 1896, p. 208-209.

    71 Girard Henri, op. cit., 1843, p. 231.

    72 Séguin Édouard, op. cit., 1843.

    73 Voisin Félix, op. cit., 1843.

    74 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 69.

    75 Voir sur ce sujet pour la multitude des exemples, l’ouvrage détaillé de Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998 ; Gateaux Jacqueline, « Le traitement médico-pédagogique à Bicêtre au xixe siècle », in Les Cahiers de l’enfance inadaptée, n° 273, Paris, Apajh, 1984, p. 11-19.

    76 Outre une formation pratique et théorique aux procédés médico-pédagogiques, les instituteurs et les infirmières font des visites de services et effectuent des stages pratiques de spécialisation : institut des sourds-muets pour les méthodes de langage, à l’institut des aveugles…

    77 Les intervenants utilisent la méthode inventée par l’un des instituteurs de Bicêtre, Boyer Joseph, Méthode spéciale de lecture à l’usage des enfants arriérés. Ils utilisent également la méthode de Mme Bru. D’après Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 70.

    78 La leçon de choses est inventée en Grande Bretagne et aux États-Unis dans le courant du xixe siècle. Marie Pape-Carpentier évoque les « leçons de choses » devant un auditoire réunissant trois mille instituteurs, en 1867, durant l’exposition universelle. Elle déplace l’accent mis jusque-là sur l’explicitation des usages des choses, vers une approche plus sensorielle qui convient mieux à de jeunes enfants encore bien éloignés de l’âge de raison. La leçon de choses consiste à apprendre aux élèves qu’ils peuvent se servir de leurs sens pour comprendre les objets du monde qui les entourent. Avec les lois Jules Ferry apparaît officiellement dans les programmes scolaires l’expression « leçon de choses » pour désigner une première forme d’enseignement scientifique à l’école primaire.

    79 Jaeger Marcel et Wacjman Claude, op. cit., 1998, p. 102.

    80 Bourneville en qualité de socialiste républicain partisan de la laïcité impulse une dynamique pédagogique qui articule une pédagogie classique et une pédagogie active qui semble à l’image des réformes voulues par les républicains. Voir sur ce sujet par exemple, les travaux de Daniel Denis, « Repenser les rapports entre pédagogie et politique », in Revue de l’AFL, Les actes de lecture n° 51, 1995 ; Denis Daniel et Kahn Pierre (dir.), L’École républicaine et la question des savoirs. Enquête au cœur du dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, Paris, CNRS éditions, 2003.

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