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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral L’officialisation d’une instruction générale pour les enfants « idiots » Le projet novateur de Séguin La gymnastique comme activité centrale de la méthode Le délaissement des enfants « idiots » La situation des asiles vers la fin du xixe siècle Notes de bas de page

    Une histoire de l’éducation physique dans les instituts médico-éducatifs 1838-1909

    Ce livre est recensé par

    • Julien Fuchs, Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », mis en ligne le 24 novembre 2020. URL : https://journals.openedition.org/rhei/5457 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhei.5457
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    Table des matières

    La production éphémère d’une méthode

    p. 199-226

    Texte intégral L’officialisation d’une instruction générale pour les enfants « idiots » Le projet novateur de Séguin La gymnastique comme activité centrale de la méthode Le délaissement des enfants « idiots » La situation des asiles vers la fin du xixe siècle Notes de bas de page

    Texte intégral

    L’éducation doit embrasser l’activité, l’intelligence, la volonté, qui correspondent aux trois aspects de l’être humain, le sentiment, l’esprit, la moralité.
    Édouard Séguin, Traitement moral…, 1846.

    1Le processus de spécialisation de la médecine mentale amène les médecins à réaliser des expériences de traitement moral pour détourner le délire. La plupart de ces expériences visent à occuper les malades. Quelques médecins s’intéressent au cas des enfants idiots et développent une réflexion sur leur état. En l’absence de délire exprimé et devant l’impossibilité de les soigner, ils s’orientent vers un traitement éducatif. Ce processus de spécialisation médicale, amène à catégoriser les aliénés en fonction des variables de la maladie mentale et de l’âge des sujets. Les enfants idiots, à partir des années 1830-1840, vont faire l’objet d’un intérêt particulier. Les médecins peu compétents pour tout ce qui touche à l’intervention éducative accueillent la méthode Séguin qui reçoit un avis favorable de l’administration. Séguin met en place et conceptualise une nouvelle forme de traitement à visée d’éducation et d’enseignement général sur un groupe d’élèves idiots. Il est le premier à élaborer une méthode spécifique d’intervention scolaire dans un espace médical asilaire. Ce nouveau traitement prend appui sur la gymnastique. Le projet de Séguin rencontre dans un premier temps l’approbation générale. Toutefois, cet agent extérieur au champ médical qui refuse, dans un premier temps, de devenir médecin, remet en cause, d’une certaine façon par ses résultats, les efforts de légitimité de la nouvelle corporation des médecins aliénistes.

    L’officialisation d’une instruction générale pour les enfants « idiots »

    2Les enfants idiots dans les asiles de Paris font de plus en plus l’objet d’un intérêt particulier. Un mouvement d’éducation spéciale se met progressivement en place. Le conseil général des hospices du 4 novembre 1840 officialise cette nouvelle orientation en nommant Séguin comme instituteur de l’hospice des incurables : « Séguin directeur de l’institution d’éducation des enfants idiots, muets par imbécillité, etc., rue Pigalle, n° 6, Paris, est attaché aux hospices de la rue de Sèvres et du faubourg Saint-Martin, en qualité d’instituteur des jeunes idiots1. » Il commence à appliquer sa méthode d’éducation en octobre 1841 jusqu’en novembre 1842. On lui confie un groupe de 10 jeunes garçons idiots qui ont entre 11 ans et 19 ans et dont deux sont atteints également d’épilepsie. Séguin met en place les bases de son projet d’intervention : il dresse une typologie (du physique, du moral et des habitudes) des élèves, que le médecin aliéniste Dupaty et les administrateurs Kergorlay et Blondel valident2 ; il élabore un dispositif institutionnel par des interventions sur une série d’enfants comparables ; il invente des moyens didactiques (matériel à couleurs symboliques, lettres rugueuses et mobiles, casiers à lettres pour l’apprentissage de la lecture, etc.). Chaque trimestre, il dresse également un compte rendu de ses enseignements. Lors de la séance3 du 12 octobre 1842, le conseil d’administration des hôpitaux, hospices civils et secours à domicile de Paris statue sur l’action de Séguin à l’hospice des incurables. Suite au rapport (qui rend compte des résultats obtenus) de M. Orfila, doyen de la faculté de médecine de Paris, Séguin est autorisé à « appliquer sa méthode aux nombreux idiots de l’hospice de Bicêtre, auxquels seraient réunis ceux dont l’éducation a été commencée à l’hospice des Incurables. […] M. Séguin est invité à continuer à l’égard des jeunes idiots de l’hospice de vieillesse (hommes) jusqu’à la fin de l’année 1843, l’essai de la méthode d’éducation qu’il a appliquée jusqu’ici avec succès aux idiots de l’hospice des Incurables ; le directeur de l’hospice, et MM. les médecins des aliénés sont chargés de suivre les progrès et les effets de la méthode employée par M. Séguin, etc., etc.4 »

    3Il poursuit ce mouvement d’éducation à Bicêtre5 avec une partie des enfants transférés de l’hospice des incurables.

    Considérant qu’aux termes de la loi du 6 juillet 1838 tous les aliénés doivent être placés dans les établissements consacrés au traitement de l’aliénation mentale, parce que là seulement ils peuvent recevoir les soins des médecins spécialisés chargés du traitement de cette infirmité. M. Séguin est invité à continuer […] l’essai de la méthode d’éducation qu’il a appliquée […]. Il sera logé et nourri dans l’établissement et recevra une indemnité6 qui sera ultérieurement déterminée. Il sera assimilé aux employés pour les allocations de chauffage et d’éclairage […]. Il sera assujetti à tous les règlements d’administration et de police comme les autres employés de l’hospice. Il devra y résider constamment et consacrer tout son temps à l’éducation des enfants qui lui seront confiés […]. À l’expiration de l’année 1843, il sera fait un rapport sur les enfants et sur les résultats obtenus par cet instituteur7.

    4Le projet de cet « instituteur spécial » apparaît comme la première formulation d’un asile-école. Cette école dans l’asile est composée, le 25 août 1843, « d’un professeur spécial, Séguin, d’un surveillant, de quelques employés inférieurs et de quinze enfants âgés de cinq à dix-neuf ans, tous plus ou moins arriérés, tous plus ou moins infirmes, et au physique et au moral, en un mot, plus ou moins idiots8 ». Le séjour de Séguin à Bicêtre demeure mal connu. Néanmoins, une lecture approfondie de la correspondance9 de M. Malon, directeur administratif de Bicêtre de 1827 à 1850, et de M. Batelle, chef de la 1re division des hôpitaux à l’administration de l’hospice, nous permet de tenter de comprendre le fonctionnement. Lorsque celui-ci arrive à Bicêtre en novembre 1842, une école pour adultes existait déjà, dirigée par M. Delaporte (nommé depuis 1839). Par ailleurs, Ferrus avait réalisé une expérience d’école pour 12 enfants, de 1828 à 1833. Séguin n’est pas réellement placé sous l’autorité des médecins, mais plutôt sous celle du directeur de l’établissement. Leuret10, médecin-chef de la 2e section des aliénés et F. Voisin de la 1re section, sont consultés sur les rapports que l’instituteur élabore. Ce sont ces deux médecins qui fournissent 6 enfants de leur section auxquels s’ajoutent les 10 enfants que Séguin avait déjà en charge à l’hôpital des Incurables. Des travaux, pour la section des enfants aliénés, sont entrepris et doivent être terminés au printemps 1843. Jusqu’au début de 1843, les enfants « gâteux » n’étaient pas séparés des enfants « valides ». Toutes les actions entreprises par le pédagogue sont soumises à l’approbation du directeur sous contrôle des médecins (Voisin et Leuret). Par exemple, il demande l’achat de 3 douzaines de ceintures de gymnastique (décembre 1842) et de petits établis de menuisier (mars 1843) ; il soumet une nomenclature d’ouvrages proposée pour la classe (janvier 1843) ; il produit des rapports sur l’état des enfants. On note que docteur Voisin reformule le projet d’un bulletin réalisé par Séguin « pour constater la situation physique, morale et intellectuelle de chacun des enfants confiés à cet instituteur11 ». L’examen du mémoire de l’idiotie de Voisin12, dont la préface date du février 1843 et de l’ouvrage de Séguin, Hygiène et éducation des idiots13 de juillet de la même année fait apparaître une étrange similitude. En effet, le tableau d’analyse psychologique de l’entendement humain chez les idiots de Voisin et le cadre monographique de l’idiotie de Séguin sont très fortement identiques. L’instituteur écrit en 1846 qu’on s’est servi de son cadre monographique et qu’il le reprend pour « le débarrasser du pathos dont il a été saupoudré par une main un peu trop lourde14 ». Voisin publie également des documents et produit des articles afin de démontrer que la médecine de l’époque peut se prévaloir de l’avancée des traitements à l’égard des enfants idiots15. Dans son ouvrage de 1843, il rend un hommage condescendant à Séguin, en signifiant toutefois que celui-ci pourra prendre « un rang distingué parmi les contemporains » dès qu’il aura entrepris des études de médecine. De même que Séguin perçoit cette tutelle médicale et explique son choix de ne pas devenir médecin : « Tous les partisans me proposaient de porter ma méthode aux nues, pourvu que je consentisse à ne pas m’en occuper pendant cinq ou six années16. » Il se montre sans concession vis-à-vis de ses adversaires : « Je mets ici, non un homme, mais quiconque, au défi de produire, avant un an, une méthode d’éducation des enfants idiots qui soit une méthode et qui ne soit pas la mienne17. » Il témoigne d’un antagonisme aux théories de la médecine à l’égard des idiots : « La médecine courante se cramponne aux idiots et ne prétend les lâcher que quand elle les a suffisamment purgés, saignés, cautérisés, emplâtrés pour que l’idiotie lui ait rapporté tout ce qu’elle peut raisonnablement en attendre18. » C’est une lutte farouche que se livrent Séguin et les médecins aliénistes sur l’antériorité des productions et sur l’avancée heuristique. Les relations se détériorent entre le directeur et l’instituteur. Brusquement, ce dernier est accusé d’avoir perverti les enfants. Ses critiques à l’égard des médecins, de l’administration, de l’insuffisance des moyens dans les hospices, ses possibles conflits avec les surveillants et ses relations délétères avec ses supérieurs ont, semble-t-il contribué à son départ. C’est ainsi que le conseil général chargé de la surveillance de Bicêtre le révoque en décembre 1843 : « M. Séguin est révoqué de ses fonctions d’instituteur des enfants idiots. Le conseil général, après avoir entendu le rapport […] qu’ils viennent de faire dans la matinée en présence du directeur de cet établissement et de l’un des médecins du service des aliénés, enquête dans laquelle le sieur Séguin a été entendu. Considérant qu’il résulte de ce rapport que le sieur Séguin admis comme instituteur des enfants idiots a appliqué à ces enfants le système dont il se prétend inventeur, ne s’est pas montré digne de la confiance qui lui avait été accordée et a contribué à faire contracter à plusieurs de ces enfants des habitudes vicieuses et dangereuses. M. Séguin est révoqué ; il cessera à l’instant ses fonctions et sortira de l’hospice dans les vingt-quatre heures19. »

    5Malgré tout, le travail de Séguin est reconnu par plusieurs médecins aliénistes français et étrangers. Par ailleurs, à Bicêtre, il avait reçu des visiteurs étrangers venus s’informer de son action et sa méthode. En 1845, John Conolly (médecin, directeur de l’asile d’Hanwel en Angleterre) rendit compte dans The Bristish and Foreign Medical Review, d’une visite qu’il avait faite à l’école de Séguin en 1843. Il en fait un vif éloge et ce texte est de nouveau publié en 1845. Ce rapport aura une certaine influence en Angleterre. Conolly va travailler avec Reed et Andrew au développement, en 1848, du premier établissement d’éducation des idiots en Angleterre20. Le médecin américain Wilbur, déclare, en 1881, qu’il lui doit en partie sa vocation. Le docteur Viszanick qui dirigeait l’asile des aliénés de Vienne visite l’école en 1843 et en rend compte en 1845, dans une publication. Au printemps 1843, Samuel Gridley Howe, Horace Mann et Georges Sumner, pionniers de l’éducation des aliénés aux États-Unis viennent en Europe pour étudier les hôpitaux et les écoles des divers pays.

    6Le mouvement en faveur des enfants idiots progresse en 1843. Le dépouillement des Annales médico-pyschologiques montre que six textes sont mentionnés (Séguin, F. Voisin, Belhomme, etc.) dans les tomes I à III de 1843 au premier semestre de 1844, alors qu’on ne trouve rien sur les idiots dans les tomes IV à VI pour 1844 à 1845. C’est aussi à cette époque que l’écrivain Eugène Sue, fils de médecin et médecin lui-même, consacre, dans le tome IX des Mystères de Paris, quatre pages sur les idiots de Bicêtre. L’écrivain fait l’éloge de l’école, « une des institutions les plus curieuses et les plus intéressantes21 ». Le traitement médico-pédagogique pour les enfants idiots est en marche. Édouard Séguin est remplacé par Hyppolyte Vallée22 à la tête de l’école de Bicêtre. Un poste qu’il va occuper de mars 1844 à janvier 1866. En 1852, les deux services du quartier des aliénés de Bicêtre sont divisés en trois sections. La troisième comprend des épileptiques adultes et enfants et les enfants idiots. De 1834 à 1852, ce sont 789 enfants de 2 ans à 18 ans qui sont admis23. Après son départ de Bicêtre, Séguin ouvre à nouveau une école privée. Très amer et très déçu, il entreprend la remise en forme complète de ses théories dans un ouvrage24 qu’il publie en 1846. L’ouvrage comprend 734 pages et fait suite à six publications. Maria Montessori25 va travailler auprès de Bourneville en 1900 et va se passionner pour les idées de Séguin. Elle recopiera à la main ligne par ligne son ouvrage (elle traduira également le double mémoire de 1801 et 1806, sur Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron) : « Je recopiais en italien leurs écrits, tout comme l’aurait fait jadis un moine bénédictin […] et je les calligraphiais afin d’avoir le temps de peser le sens de chaque mot et de lire ainsi l’esprit même de l’auteur26. » En 1847, Séguin publie un livre sur Jacob-Rodrigues Pereire, premier instituteur des sourds et muets en France. Dans cet ouvrage, il montre sa fascination pour l’aventure de ce jeune juif portugais émigré, inventeur d’une méthode de démutisation. Séguin se marie et a un enfant, Édouard, né de cette union en 1843. Enfin, jusqu’à son départ pour les États-Unis, en 1850, il mène une activité littéraire27. Il a également une action politique. En mars 1848, avec 18 hommes28, il participe à « une commission instituée pour appeler à la défense de la République tous les patriotes éprouvés ». Tous ces hommes signent une affiche29 appelant les patriotes à rejoindre la commission instituée. Sur cette dernière, Édouard Séguin est qualifié « d’homme de lettres ». À cette époque, trois partis politiques se trouvent en présence : Le parti des républicains (conservateurs en majorité dans le gouvernement provisoire), le parti des socialistes et le parti des révolutionnaires. Au-dessus et en dehors de ces trois partis, un autre mouvement est présent, ce sont les Jacobins. Édouard Séguin est alors un sympathisant des républicains révolutionnaires et socialistes.

    Le projet novateur de Séguin

    7Séguin apparaît comme un marginal dans le champ asilaire en décalage avec les représentations sociales des médecins aliénistes. Mais il est perçu également comme un novateur en matière de pédagogie. Dès les premières pages de son ouvrage principal, Séguin indique qu’il s’est livré à un double travail : « Au lieu d’un livre que je voulais écrire sur un sujet unique, j’ai peur d’en avoir écrit deux : l’un sur l’idiotie, l’autre sur l’éducation. […] À la place d’une simple question d’idiotie, je me suis trouvé engagé dans les questions d’hygiène, de physiologie, d’éducation, de morale30. » Par opposition aux médecins, l’instituteur s’attache à démontrer que l’idiotie n’est pas une maladie du défaut d’intelligence. Pour lui l’idiot ne manque pas d’intelligence : « Il n’a pas la liberté nécessaire pour appliquer des facultés dites intellectuelles à l’ordre des phénomènes moraux et abstraits ; il lui manque la synergie, la spontanéité d’où jaillit la volonté morale31. » Avec ce constat, il adopte une position dynamique et place l’enfant dans une perspective éducative et pédagogique. Tout son traitement porte sur cette volonté d’imposer la primauté de l’éducatif et donc du travail quotidien auprès de l’élève. Ses options sur l’éducation s’appuient sur un contexte culturel et social particulier. Durant cette période, le mouvement des idées connaît une prodigieuse accélération : le socialisme et le communisme s’élaborent en France à partir des philosophes et économistes Henri de Saint-Simon, Charles Fourier, Étienne Cabet, et des théoriciens socialistes, tels que Louis Blanc32, révolutionnaire socialiste (membre du gouvernement provisoire en février 1848), et du théoricien socialiste Pierre Joseph Prudhon. À cette époque, Séguin est membre33 du mouvement des saint-simoniens34. Au contact de ce groupe, installé dans un hôtel35 de Paris, il fait la connaissance d’Émile et d’Isaac Pereire, les deux petits-fils de Jacob Rodriguez Pereire36. C’est sur la base de ces différents courants de pensée qu’il développe sa méthode. Il cite37, par exemple, le Nouveau Christianisme de Saint-Simon. Dans cet ouvrage, Séguin considère que le meilleur moyen de hausser la classe ouvrière de son niveau, c’est de développer un programme d’éducation. Il émet également des idées novatrices, comme par exemple la complémentarité de l’éducation qui est l’enseignement « continu des connaissances établies entre les membres qui composent la société » et de l’instruction qui est la « propagation des connaissances » dont le but est de « servir l’intérêt commun des hommes38 ». Séguin mentionne également les leçons orales et écrites d’Olinde Rodrigues, disciple de Saint-Simon39 ; la Philosophie de l’histoire du président Buchez40 ; la Revue encyclopédique d’Hippolyte Carnot41 et de Charton ; l’Encyclopédie populaire de Pierre Leroux et de Jean Reynaud42. D’après lui, tous ces personnages l’ont initié aux mystères et aux lois de la médecine philosophique. Sa méthode d’enseignement et d’éducation s’inscrit dans le cadre d’un projet de société accessible aux idiots. Il définit ainsi sa mission d’éducation auprès de ces enfants : il s’agit de les « arracher à leur torpeur, les immobiliser, les faire obéir, les dompter, les posséder comme siens propres, la victoire est à ce prix-là43 ».

    8Séguin développe une nouvelle forme de traitement de type « médico-pédagogique » à visée d’enseignement général sur un groupe d’élèves et sur la base d’une théorie de l’éclectisme44. Celle-ci consiste à prendre ça et là ce qui convient au mieux au praticien, avec notamment, pour Séguin, la physiologie comme principe d’observation et d’analyse de l’activité du sujet, et les prémices de la psychologie des apprentissages autour des concepts-clés : des notions, des idées et de la volonté. Cette théorie se combine avec la philosophie positive formulée par le secrétaire de Saint-Simon (de 1817 à 1824), Auguste Comte qui définit cette théorie comme l’établissement de lois sur un modèle scientifique. Il intitule cette découverte la loi des trois états, complétée par la classification des sciences. À l’état théologique (caractérisé par des explications en termes de forces surnaturelles) succède l’état métaphysique (explications à partir des idées abstraites), puis l’état positif dans lequel la science des sociétés s’appuie sur l’état observable. Il établit donc une loi progressive, générale et linéaire de l’évolution de l’esprit humain. Il recherche des lois et non plus des causes, comme les analyses théologiques et métaphysiques. La loi des trois états n’est pas sans rappeler les stades de l’évolution de l’homme : enfance, adolescence et âge adulte. De même que Saint-Simon, il compare la société à un corps humain dans lequel chaque organe remplit une fonction particulière, participe au consensus, l’ensemble étant naturellement coordonné. La forme fondamentale de ce qu’il appelle « la philosophie positive est de regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables, dont la découverte précise et la réduction au moindre nombre possible sont le but de tous nos efforts en considérant comme absolument inaccessible et vide de sens pour nous la recherche de ce qu’on appelle les causes, soit premières, soit finales45 ». Ce sont des conceptions partagées par Séguin, qui consistent à rechercher en permanence les relations constantes qui existent entre des phénomènes observés : « Pour entreprendre l’éducation d’un enfant idiot, ou simplement arriéré, il faut posséder une méthode qui tienne compte des anomalies physiologiques et psychologiques, une méthode qui, pour chaque enfant, parte du connu et du possible, si bas qu’il soit dans l’échelle des fonctions, pour l’amener graduellement et sans lacune au connu et au possible de tout le monde. Il faut une méthode qui ne laisse rien au hasard et à la routine, il faut enfin une méthode positive46. » D’après Claude Prévost : « Le critère d’évaluation des enseignements éclectiques se dispose comme à travers un prisme, en plusieurs niveaux. En bas, les niveaux organiques d’automaticité ; le sujet y est passif. Vers le haut, la personne qui devient active, fait la synthèse de sa spontanéité organique en un vouloir qui dépasse l’organe (l’hyper-organique)47. » Pour Séguin, cette théorie de l’éducation s’organise sous la forme d’un emboîtement des savoirs autour de trois concepts clés (notions, idées, volonté). Il s’agit d’abord d’un savoir moteur instinctif qui, par la répétition, facilite la découverte pratique de notions élémentaires ; puis le développement d’un savoir élémentaire acquis qui permet le passage vers des notions plus abstraites, les idées ; enfin, un savoir et des connaissances qui servent de support à un engagement social et professionnel de l’individu. Séguin élabore sa formule en partant d’une observation des organes et sur la base de trois niveaux. Le premier niveau est « l’activité » du sujet qui s’exerce d’un point de vue moteur et sensoriel, essentiellement par imitation. Il contribue à l’acquisition des notions, au développement de la sensibilité et à la régularisation des fonctions de perception. À ce premier niveau, la gymnastique apparaît comme l’élément fondateur de sa démarche. Le deuxième niveau est « l’intelligence » du sujet qui s’exerce par l’écriture, la lecture, etc. Il permet la transition logique des notions aux idées. Le dernier niveau est « la volonté » du sujet, qui peut s’exercer à travers son engagement dans des actions pédagogiques en relation avec l’obéissance, l’autorité, la liberté, l’affectivité, la propriété, les mœurs, les habitudes, etc. Séguin résume sa pensée par une formule : « Par la notion, l’enfant distinguera la clef entre plusieurs autres et toutes les clefs entre des objets différents ; par l’idée, il saura s’en servir et le pourra même, dès qu’il en aura la volonté48. » Il fonde également son action sur une définition de l’idiotie qui s’oppose à celles des médecins aliénistes. Il se distingue également de Félix Voisin qui lui se centre sur l’observation phrénologique (observation de l’idiotie à partir du volume et de la forme du crâne). Les observations, que Séguin fait, s’appuient sur une démarche de type physiologique (examen des organes, des fonctions, notamment des fonctions motrices), alors que les médecins aliénistes sont, semble-t-il, plus attachés à développer une analyse de type psychologique : observation des instincts, des sentiments moraux, des facultés intellectuelles, de la perception, etc.49 Les médecins aliénistes font une observation morale de l’idiotie et appliquent des soins physiques (saignées, purges, médicaments, bains, douches, etc.), alors que Séguin fait une observation physiologique et applique un traitement éducatif, intellectuel et moral. Dans les rapports qui sont produits dans la revue spécialisée des médecins aliénistes, créée en 1843, les Annales médico-psychologiques, les médecins s’attachent à présenter des examens pathologiques de l’idiotie, alors que l’instituteur présente les objectifs de sa méthode : « Développement et emploi du système musculaire. […] Épanouissement du système nerveux et des appareils des sens. […] Mise en rapport de l’idiot avec le monde extérieur par ses propriétés physiques. […] Transmission logique de ces notions aux idées […] Enseignement de la parole. […] Pratique des rapports moraux50. » C’est le paradoxe entre les médecins aliénistes et Séguin sur la prise en charge des enfants idiots qui, d’une certaine façon peut être l’une des explications de son éviction du milieu médical asilaire en France. Par ailleurs, le pédagogue développe cette conception sans être médecin, il refuse également de le devenir (il le deviendra lorsqu’il s’exilera aux États-Unis), ce qui peut expliquer son désaccord avec cette corporation. Pourtant, il a baigné dans ce milieu dès son enfance (père médecin). À l’époque, les études de médecine sont fixées à quatre années, depuis 1803. Elles sont principalement orientées sur des savoirs pratiques. Dès les premiers jours, le nouvel étudiant débute son apprentissage dans les salles d’hôpital51. C’est à l’époque la meilleure façon de devenir praticien et d’acquérir « le fameux coup d’œil ». C’est le développement de la méthode clinique à la manière de Pinel. Si Séguin, dont le frère est aussi médecin, ne suit pas officiellement d’études médicales52, il acquiert néanmoins une pratique et une culture médicale, (fait référence dans ses écrits à des ouvrages de médecins) dans un cadre hospitalier et vit au contact permanent des enfants idiots et des médecins qui les accompagnent (Itard, Esquirol, etc.) Si le projet de l’instituteur apparaît comme novateur, sa démarche pédagogique utilise la position moraliste de l’époque, en termes de volonté morale. Cela consiste pour lui, à forger la volonté de l’idiot, c’est-à-dire, d’abord vouloir pour lui, puis vouloir qu’il veuille. Séguin considère que sa forme d’intervention est identique à celle de l’aliéniste Leuret, et comme lui, l’intervention pédagogique est placée sous le sceau de l’intimidation, de l’autoritarisme, de la répression sévère et de l’imposition magistrale du maître tout puissant : « Tant que l’enfant est confié au maître, les parents ont le droit de la douleur, le maître a le droit de l’autorité ; maître de l’application de sa méthode, maître de l’enfant, maître de la famille dans ses rapports avec l’enfant, magister, il est trois fois MAÎTRE ou il n’est rien53. »

    La gymnastique comme activité centrale de la méthode

    9Dès que Séguin prend en charge les enfants idiots, il appuie ses enseignements sur la mise en place d’une activité physique. Pour lui, l’éducation de l’activité, ce sont les sentiments traduits en actes. C’est la première éducation à mettre en œuvre. Elle doit précéder celle de l’intelligence. À cette éducation, se rattachent « les notions générales du moi et du non-moi ; l’immobilité et le mouvement, les mouvements réguliers, l’imitation personnelle, les rapports des choses avec les personnes, l’imitation relative aux choses, le développement des appareils sensoriels ; le tact et les notions des propriétés générales du corps perceptibles par ses sens ; le goût ; l’odorat ; l’ouïe et les notions relatives aux corps sonores, la parole, le regard, et les notions des propriétés physiques des corps perceptibles par la vue54 ». D’après lui, l’éducation de « l’activité » embrasse deux aspects corrélatifs de l’existence, la motilité et la sensibilité. Cette thématique est à la base de toute son action, car pour lui « l’homme se meut et sent avant de savoir55 ». Voyons d’abord la sensibilité. Séguin indique que c’est une fonction qui apporte aux sens la notion des agents extérieurs qui l’ont modifiée. C’est l’éducation du système nerveux et des appareils sensoriels. Il précise que c’est par le système nerveux et les appareils sensoriels qu’arrivent à l’homme toutes sensations extérieures, qui sont, de beaucoup, les plus nombreuses dans la vie de relation et dans la vie sociale. Il formule l’hypothèse que le développement des sens peut agir sur le développement intellectuel. Il précise d’ailleurs que cette hypothèse a été entrevue par les sensualistes et proclamée par Jean-Jacques Rousseau56. Les sens à développer sont : le toucher, la vue, l’ouïe, le goût et l’odorat, la parole. Cette éducation comprend aussi toutes les notions relatives aux propriétés physiques des corps perceptibles par la vue, comme les couleurs, les dimensions, la configuration, l’agencement, le plan et les images.

    10Pour Séguin, l’éducation de « l’activité » des enfants repose d’abord sur la motilité. Il utilise ce terme pour présenter l’éducation physique. Il la définit comme un ensemble d’actes, de fonctions, d’habitudes et de gestes qui constituent la mise en rapport de l’individu avec les phénomènes qui l’environnent. C’est l’éducation du système musculaire ou l’éducation physique. Celle-ci comprend notamment les activités liées à « l’immobilité, le mouvement et les mouvements réguliers ». Elle est complétée par des activités d’imitation qui ont pour but de donner la conscience des « notions générales du moi et du non-moi, l’imitation personnelle et impersonnelle, les rapports de la personne avec les choses, les rapports des choses avec les personnes, l’imitation relative aux choses57 ». D’après Séguin, l’exercice physique participe au développement intellectuel et à la transmission des connaissances : « L’éducation de la motilité est un ensemble d’actes, de fonctions, d’habitudes, de gestes qui constituent la mise en rapport de l’individu avec les phénomènes qui l’environnent58. » Elle favorise également l’acquisition des notions qui, d’après lui, sont préalables aux idées. Il considère que la gymnastique doit avoir un but social et qu’elle doit servir « les tendances actuelles de la société qui cherche la vie dans l’équilibre des fonctions ». Il ajoute : « La gymnastique que j’enseigne tient à l’éducation intellectuelle et morale par le rôle que j’y assigne au système nerveux et aux organes des sensations59. » Il précise qu’elle est utile à tous les enfants et indispensable aux idiots. Pour lui, c’est une éducation physique qui n’a de sens que parce qu’elle s’inscrit dans un plan général d’éducation. Séguin se démarque d’Itard qui avait basé l’éducation de Victor de l’Aveyron essentiellement sur la théorie du sensualisme de Condillac. Pour valider sa position, il s’appuie sur les travaux de Maine de Biran et de Victor Cousin qu’il cite dans son ouvrage de 1842. Maine de Biran (1766-1824) écrit en 1801 que « nos perceptions et les images qui en dérivent, images de formes, de figures, de mouvements, de résistances, ont leur origine dans la motilité […]. Que sont toutes les opérations de l’âme sinon des mouvements et des répétitions de mouvements60 ? » Il précise que l’être moteur connaît d’abord les parties de son corps par la résistance qu’elles lui offrent, lorsque cette connaissance lui est devenue familière, il porte son attention sur l’objet auquel s’applique son effort. Le philosophe et chef de file des idéologues Destutt de Tracy (1754-1836), montre également que ce n’est pas au sens du toucher, comme l’avait cru Condillac, que nous devons la connaissance des corps, mais à la faculté de se mouvoir.

    11Séguin développe une éducation physique qui se distingue également de celles qui émergent durant ce début du xixe siècle, et notamment de celle de Francisco Amoros. Une pratique qui durant cette période est plutôt centrée sur l’instruction au combat, une culture du corps61 ou, comme le dit Christian Pociello, une « théorie du muscle » qui fait suite en quelque sorte à la « théorie des humeurs62 ». Ce dernier précise que cette « théorie du muscle » va progressivement conduire à la formation d’une discipline avec l’essor de la physiologie et des méthodes d’expérimentation (1870-1920). En cela Séguin critique les orientations prônées par Francisco Amoros : « La gymnastique, telle que les anciens semblent l’avoir comprise, et telle que M. Amoros l’a réorganisée, ne s’occupe que du développement musculaire. […] Ainsi dirigée, la gymnastique ne tient à rien dans l’éducation et n’a qu’un résultat qui est bien éloigné du but social actuel, puisqu’elle favorise le développement exclusif et la prédominance du système musculaire ; or il suffirait d’étudier les tendances des races modernes pour être convaincu que la gymnastique ainsi comprise est un anachronisme ou, mieux, une immoralité63. » Il semble que cette analyse particulière de la gymnastique du colonel Amoros est une critique qui va perdurer durant la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle. Séguin a un souci de donner une âme à son intervention, il réfute les exercices intenses. Il mène la même critique que Clias. Enfin, de nombreux médecins cherchent également à disqualifier Amoros sur ce point de vue64.

    12L’instituteur utilise une formule qui résume bien ses conceptions de l’éducation et la place de l’éducation physique dans celle-ci ; il s’agit de « conduire l’enfant, comme par la main, de l’éducation du système musculaire, à celle du système nerveux et aux sens, de celle des sens aux notions, des notions aux idées, des idées à la moralité65 ». Son programme d’éducation physique repose également sur deux types de gymnastique. La première est une gymnastique rudimentaire ou élémentaire. Elle s’adresse à des élèves ayant des désordres moteurs graves, tels que des altérations de la marche, de l’ascension et de la descente de l’escalier, de la flexion normale des membres inférieurs et du bassin. Il précise que « chaque idiot présente, à l’égard des mouvements volontaires, des anomalies que le maître doit s’attacher à faire disparaître66 ». D’après lui, cette gymnastique « diffère essentiellement de ce qu’on appelle gymnastique des écoles destinée aux enfants ordinaires ». Pour cette activité, il élabore des situations et invente des exercices comme la balançoire-tremplin67. Il organise ses interventions sous la forme d’une progression de l’élève idiot qui ne peut se tenir debout, à celui qui peut courir, sauter et lancer. D’ailleurs, cette progression s’appuie sur le développement de l’individu en rapport avec l’âge. La deuxième gymnastique est basée essentiellement sur celle proposée dans les écoles. Elle s’adresse à des élèves idiots ne présentant pas d’altérations motrices significatives. Concernant les apprentissages, Séguin reprend en partie les exercices élémentaires du programme de Francisco Amoros. Enfin, Séguin développe deux principes théoriques spécifiques de l’éducation physique aux idiots. Le premier repose sur deux types d’exercices dont il se dit l’inventeur, avec les « exercices de surexcitation » (sauts, courses, franchissements, etc.) et les « exercices de résistance » (équilibres, immobilisation avec charges, etc.). Par exemple, pour lui, les « exercices de surexcitation » peuvent être dangereux pour les enfants dont la colonne vertébrale est faible et ceux dont le système nerveux est irritable. Il précise que ces deux types d’épreuves doivent être mélangés de manière judicieuse en fonction de chaque élève. Ce dosage vise à compléter de manière équilibrée les systèmes musculaire et nerveux. Cette notion de mesure de l’effort est adaptée à chaque élève, en fonction de son âge68. Le deuxième principe s’appuie sur l’idée que la gymnastique en usage suppose de l’enfant une rapidité d’évolution que les enfants idiots n’ont pas. Ainsi, la gymnastique proposée par Francisco Amoros et utilisée pour les élèves idiots nécessite forcément une démarche pédagogique adaptée à leurs possibilités. Pour cela, Séguin met en place ce qu’il appelle « un traitement moral » et qui s’inscrit dans la continuité de celui créé par Pinel. Il vise à engager le sujet dans des apprentissages, alors que pour Pinel il s’agissait de soigner la déraison du malade. Le traitement moral apparaît alors bien comme une procédure pédagogique d’intervention qui peut être à visée thérapeutique ou à visée éducative. Pour Séguin, cette démarche est essentiellement centrée sur le principe de l’imitation et du commandement, avec néanmoins une part d’expérience. Ce modèle peut être, par certains côtés, comparée à du conditionnement, à une forme de dressage et à une volonté de normaliser les comportements. Le médecin aliéniste et homme politique Ulysse Trélat (1795-1879) donne des précisions sur ce sujet, dans un article de 1845, concernant une visite de l’école des idiots de Bicêtre en 1845 (2 ans après le départ de Séguin) et à propos d’un défilé-spectacle des élèves idiots. Il écrit que la troupe est composée d’une cinquantaine d’enfants précédée par un musicien qui joue du tambour. Le groupe se déplace et exécute des mouvements d’ensemble en fonction des commandements. Il est encadré par des moniteurs munis de drapeaux de ralliement. La troupe fait la marche du bataillon. Le mouvement de la troupe s’accélère et se divise en groupe, au pas de charge. Le spectacle se prolonge, tout en chantant, par des sauts de baguettes à différentes hauteurs selon les âges. Tous ces exercices sont basés essentiellement sur des mouvements et des chants (le chant du travail, le chant des conscrits, etc.) de type militaire, accompagnés par des élèves musiciens (grosse caisse, triangle, basse, etc.69) De manière générale, le projet d’éducation physique de l’instituteur ne trouve son importance et sa légitimité que parce qu’il s’inscrit dans un processus éducatif qui vise au développement de l’enfant idiot dans son ensemble. C’est-à-dire l’idée d’une éducation comme un tout physique, intellectuel et moral, en lien avec les courants philosophiques et scientifiques décrits auparavant. Les finalités de l’éducation physique qu’il propose vont plutôt à l’encontre des finalités de l’époque qui sont fondées sur une culture du corps. Enfin, l’éducation physique qu’il met en place ne peut se confondre avec l’éducation des sens telle que prônée par Itard. Toutefois, son modèle d’éducation physique demeure à l’état d’ébauche. C’est d’ailleurs ce qu’il dit dans son livre de 1846, à la fin du chapitre sur l’éducation musculaire : « Je n’ai pas le temps d’écrire une méthode spéciale de gymnastique, et supposant cet art connu, il doit me suffire, après les exemples précédents, d’indiquer dans quel ordre doivent être fait les exercices70. » Cette indication confirme que Séguin n’a pas vraiment étudié les travaux d’Amoros. Pourtant, ce dernier fait de sa méthode un moyen pour améliorer tant les capacités cérébrales des élèves que leur faculté de raisonnement. Amoros invente « une gymnastique de cerveau dont le fondement repose sur le pouvoir des exercices physiques à agir sur l’expression individuelle de la volonté71 ».

    Le délaissement des enfants « idiots »

    13La IIe République est proclamée et Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er, est élu président le 10 décembre 1848. Durant cette période, l’instruction de la jeunesse devient un enjeu politique. Ainsi, les catholiques s’inquiètent de la diffusion de la pensée des Lumières et des idées socialistes et accusent l’école de favoriser cette orientation. Ils préfèreraient que l’enseignement reprenne les bases et les méthodes de l’Ancien Régime. Ils tentent donc d’infléchir l’enseignement en ce sens. Après la Révolution de février 1848, Hippolyte Carnot est nommé ministre de l’Instruction publique. Son projet, élaboré avec l’appui d’une commission des études scientifiques et littéraires, prévoit l’enseignement obligatoire pour les enfants des deux sexes et une formation des instituteurs et institutrices pendant trois ans, aux frais de l’État. Une autre loi sur l’instruction publique est promulguée le 15 mars 1850. Elle porte le nom du ministre de l’Instruction publique, Alfred de Falloux72. Elle aborde tous les aspects de l’éducation, à l’exception du supérieur, mais elle est surtout connue par ses dispositions sur la liberté d’enseignement principalement en faveur des catholiques73. Séguin écrira pus tard sur cette loi : « Mais ce qui est sans compensation possible, c’est la pression exercée sur eux [les instituteurs] depuis 1848 par M. de Falloux et ses complices. »74 Après un coup d’État réussi, Louis Napoléon supprime la République et instaure le Second Empire à partir de décembre 1852 (1852-1870). C’est dans ce climat politique que Séguin quitte la France le 24 mai 1850 pour les États-Unis. Dans la préface de son ouvrage Idiocy and its treatment75, il écrit qu’il émigre notamment pour des raisons politiques. Une thèse que les docteurs H.B. Wilbur76 et G. Brown77 semblent confirmer dans leur discours lors de ses obsèques. Après son départ, le mouvement en faveur de l’éducation des enfants idiots va marquer le pas entre les années 1850 et 1880. Ses méthodes d’apprentissage vont tomber presque dans l’oubli78. Les médecins aliénistes attachés au développement et à la reconnaissance de leur spécialité médicale, ne font pas valoir les idées de l’instituteur qui, d’une part, n’appartient pas à leur corporation et qui, d’autre part, développe une théorie assez éloignée d’un traitement médical. Vers 1850, la situation de l’assistance aux malades mentaux n’est claire ni du point de vue administratif, ni du point de vue scientifique. Malgré certaines avancées, les conditions des asiles sont encore à cette époque assez précaires. Toutes ces structures sont « des chaos où viennent s’entasser, pêle-mêle, toutes les formes de dégradation intellectuelle, sans aucun profit pour les malades, ni pour les médecins, dont tout le temps est absorbé par la rédaction de notes mensuelles des neuf cent malades qu’ils ont à traiter79 ». Ces conditions se perpétuent en raison du peu d’empressement du gouvernement à donner pleinement suite à la loi de réforme de 1838. La surpopulation a des conséquences sur la salubrité et l’hygiène dans ces institutions. Les asiles publics à la charge des départements manquent d’argent.

    14La médecine mentale est également confrontée à une rivalité avec les ordres cléricaux de l’église catholique. Après 1815 est apparue une expansion massive des moyens de l’église pour le traitement des fous. Les asiles dirigés par des religieux apparaissent comme moins coûteux. De plus, parmi les divers fondements charlatanesques du traitement moral se trouve la cure religieuse. L’art ou la science de la consolation (utilisé comme traitement moral par Pinel) était cultivé assidûment par le catholicisme. Le problème posé par les religieux dans les asiles est de l’ordre d’une stratégie thérapeutique comme, par exemple, de déterminer avec précision le siège de l’autorité à l’intérieur de l’institution. Par ailleurs, les médecins, en l’absence de tout concept de soins « professionnels », ne peuvent pas former un corps d’infirmiers capable de remplacer les sœurs hospitalières en exercice dans les asiles, y compris publics. La jeune corporation des médecins aliénistes souffre d’une faible légitimité. Il n’y a plus de chaire de pathologie mentale à la faculté de médecine de Paris. Celle existant entre 1819 et 1822 n’a pas été renouvelée et il faudra attendre 1877 pour l’obtenir de nouveau. La plupart des praticiens découvre la folie qu’après avoir embrassée la carrière de médecin aliéniste. La corporation est également confrontée au peu de résultat, de ses recherches et de ses traitements : faibles connaissances de la pathologie somatique ; échec de la pathologie anatomique à découvrir les lésions structurales du cerveau ; confrontation de la folie aux croyances populaire d’une folie spirituelle ou purement psychologique, etc. La classification des différents types de folie fait également partie des imprécisions de la médecine mentale. Il n’y a guère de consensus parmi les aliénistes sur la nature de la maladie. La discipline va s’orienter vers une nouvelle classification basée sur les causes. Cette nouvelle orientation prend appui sur la théorie des germes déjà utilisée dans les autres disciplines médicales et qui consiste à définir la maladie en fonction des symptômes externes et non en fonction de causes physiologiques organiques. Elle s’inscrit dans un discours hygiénique fait de statistiques et d’enquêtes, pour montrer une détérioration physique et morale notamment de la classe ouvrière80. C’est Augustin Morel81 qui élabore cette nouvelle théorie sur le rôle des facteurs héréditaires en psychiatrie. Il prétend que l’origine des maladies mentales est héréditaire, traduisant la transmission d’une tare d’une génération à l’autre, avec une aggravation de celle-ci de génération en génération. Il construit sa théorie sur une nosologie générale des maladies mentales sur une base étiologique. Pour Morel, les maladies mentales, dans de très nombreux cas, ne sont qu’une expression privilégiée de la dégénérescence82. L’ouvrage de Morel, publié en 1852, consacre plus de 120 pages aux simples d’esprit, imbéciles, idiots et crétins83. Il cite également tous les promoteurs attachés au développement de la prise en charges des idiots, mais il ne dit rien sur Séguin. Sa théorie va marquer la psychiatrie française pendant quelques décennies. Elle va imprégner durablement les conceptions scientifiques, mais aussi la vie intellectuelle, comme la saga des Rougon-Macquart d’Émile Zola84. Face aux différents problèmes auxquels sont confrontés les médecins aliénistes, le sort des enfants idiots n’apparaît pas comme essentiel, d’autant plus que cette maladie est toujours considérée comme incurable. Malgré les réclamations successives des divers chefs de service, malgré les rapports de Davenne, directeur de l’Assistance publique depuis 1849, la prise en charge de ces jeunes souffre de la mauvaise organisation du service « où les enfants vivaient confondus avec ceux qui étaient près d’atteindre l’âge adulte85 ». Ce directeur indique que ces jeunes malades sont placés dans des locaux impropres à leur destination, insuffisants pour leur population et dans des conditions déplorables au point de vue de l’hygiène86. Davenne développe également plusieurs thèses : il se refuse à envisager la construction de nouveaux hôpitaux d’aliénés dont le coût est trop élevé ; il pense qu’on a eu tort d’inclure les idiots dans l’application de la loi de 1838 sur les aliénés87. Il écrit également que ces derniers ne sont pas des aliénés, ils ne relèvent pas d’un traitement médical, mais seulement d’une éducation spéciale. Il indique qu’il faut sortir les idiots et les imbéciles des asiles d’aliénés et créer pour eux des asiles spécialisés de 600 à 800 lits. Cette thèse était partagée par Séguin qui, dès 1846, s’était prononcé pour des asiles consacrés à l’éducation des idiots et installés à la campagne88. Encore une position qui s’ajoute à l’opposition entre celui-ci et les médecins aliénistes89. Ces mêmes médecins sont hostiles à la démédicalisation du traitement des idiots. Pour eux, la séparation des idiots des autres aliénés est dangereuse dans la mesure où elle ouvre la voie à la création d’hôpitaux pour incurables. Davenne fustige l’administration, il écrit que pendant longtemps l’idiot a été identifié comme un pauvre infirme. Aujourd’hui, on les assimile à des aliénés pouvant être dangereux et leur internement est de plus en plus important90. Louis Delasiauve91, médecin-chef de la 3e section des aliénés de Bicêtre, fait part également à l’académie de médecine, en 1855, de cette situation difficile dans son mémoire sur « les principes qui doivent présider à l’éducation des idiots92 ». Dans ce document, il indique que des efforts ont été faits, mais de manière incomplète. Il signale plusieurs difficultés : défaut d’unité ; hésitation de la direction médicale, faible compréhension de la diversité fonctionnelle et insuffisance des moyens. Il indique qu’à Bicêtre « un instituteur pour un chiffre moyen de 110 enfants, dont 85 au moins modifiables à différents degrés, n’a d’autres auxiliaires qu’un certain nombre de moniteurs, choisis parmi les malades, péniblement façonnés à leur rôle et disparaissaient souvent à l’heure où leur concours fructifiait. […] Beaucoup d’idiots demeurent ainsi livrés à l’abandon, vaquant dans les cours ou encombrant les salles au préjudice de la salubrité générale. L’enseignement lui-même n’est guère efficace que pour une moitié des individus, pour les épileptiques plus ou moins lucides, quelques sujets arriérés ou demi-imbéciles. Quant à la catégorie inférieure, les résultats ne compensent pas les soins imposés. […] Certains sujets dits arriérés, les semi-imbéciles, jouissant du don de la parole et accessibles encore au commerce social, tireraient seul quelque profit d’une telle institution. […] Quant aux individualités obtuses, la tâche n’est ni moins complexe, ni moins ardue, quoique nécessairement limitée aux qualités artistiques, sentimentales et instinctives. Assimilable en plus d’un point à celle des animaux, l’éducation ici doit être matérielle, parlante. […] Comparer l’idiot amélioré à l’homme ordinaire ne serait prendre qu’une médiocre idée de cette acquisition. L’imbécile lui-même, malgré tous les soins, reste à une énorme distance de la ligne commune par l’absence d’initiative et d’aplomb93 ». Il précise également que les adolescents sont par ailleurs exclus des apprentissages manuels dans les différents ateliers de l’hospice ainsi que les occupations agricoles, des activités physiques comme l’escrime, la danse, la gymnastique, au prétexte qu’ils sont inhabiles. Delasiauve indique que la mise en œuvre d’une éducation spéciale devrait pourtant articuler des enseignements scolaires avec d’autres activités éducatives (hygiène, habillage, repas, entretien domestique, etc.), manuelles, culturelles (théâtre) et des activités de gymnastique : marche, course, saut, évolution avec ou sans balancier, la montée et la descente des escaliers, échelles ou escarpement, le soulèvement des poids, la danse, l’escrime, le tir au fusil et à l’arc, la balançoire, les barres, le ballon, le tonneau, le palet, la toupie, les boules, les quilles, les osselets, etc. Le médecin, inspecteur général des asiles d’aliénés, Parchappe, écrit, en 1853, qu’à Bicêtre « ce quartier contient 130 enfants dont quelques-uns seulement ont dépassé l’âge de dix-huit ans. Tous sont atteints, à divers degrés, d’idiotie. Chez 85, l’idiotie est simple, chez 45, elle se complique d’épilepsie. Sur ce nombre, 40 enfants apprennent les métiers de cordonnier ou de menuisier. Les autres enfants s’occupent des soins du ménage ou sont employés à des travaux de culture. L’atelier de cordonnerie comprend 20 enfants et a produit, en 1850, 1034 paires de souliers […]. L’éducation physique, morale et intellectuelle des enfants, est dirigée avec un remarquable talent et un louable dévouement par M. Vallée. 110 enfants fréquentent la classe. Tous prennent part, à différents degrés, à un enseignement simultané de lecture, de calcul, d’écriture, de grammaire et de chant. La danse, l’escrime, la gymnastique, le dessin, la récitation, etc., sont l’objet d’exercices particuliers94. » L’école de Bicêtre est encadrée par un instituteur, Hyppolyte Vallée, successeur de Séguin de 1844 à 1866, un professeur de gymnastique, un professeur de musique, deux garçons de classe et trois moniteurs. L’équipe est complétée par un maître d’escrime, administré de l’hospice ayant des connaissances spéciales dans ce domaine et dix infirmiers et infirmières plutôt attachés au service des plus dégradés, aux dortoirs et aux bains des valides. En 1877, la 3e section comprend toujours des épileptiques et des hystériques adultes ; des enfants épileptiques ou hystériques et enfin des enfants idiots, imbéciles ou arriérés95. Le quartier des idiots peut recevoir 130 enfants qui sont presque tous placés d’office par le préfet de police en vertu des pouvoirs que lui confère la loi sur les aliénés de 1838. On note que le département de la Seine paie 1,80 franc par jour à l’Assistance publique pour l’entretien de ces enfants96. Ce service ne forme pas une section à part et il se trouve confondu avec celui des adultes épileptiques. Les locaux affectés à ces enfants sont épars dans toute la section. Les plus intelligents (30 enfants) ont été transférés, en 1876, à l’asile de Vaucluse. Cet établissement, en 1877, accueille 60 enfants avec un personnel de 20 employés fixés pour recevoir le double d’enfants. Les jeunes qui sont restés à Bicêtre sont divisés en deux catégories. Les « malades », ce sont ceux qui présentent un état d’imbécillité tel qu’ils ne peuvent se suffire à eux-mêmes pour les actes simples de la vie et qu’ils ont besoin de soins constants. Ils présentent assez souvent des difformités telles que l’hydrocéphalie, microcéphalie et autres infirmités. La deuxième catégorie comprend les « bien portants », ils sont pour la plupart épileptiques. Ils apparaissent comme des élèves en uniforme bleu, d’un « pensionnat mal tenu », avec des attitudes proches de l’abrutissement ou au contraire une excitabilité excessive. L’écrivain Maxime Du Camp (1822- 1894) écrit en 1873 : « Le quartier des idiots à Bicêtre est une hideuse renfermerie installée tant bien que mal dans d’anciens bâtiments trop étroits, désagréablement distribués, branlants de vétusté et qui, depuis longtemps auraient dû tomber sous la pioche des démolisseurs […]. On est étonné que la vie se soit emparée de ces difformes apparences et ait pu s’y installer. Leur crâne déprimé, leurs yeux atones, leur lèvre pendante et baveuse, leurs gestes incohérents, leur démarche oscillante, assez semblable à celle de jeunes ours dressés sur leurs pattes de derrière, en font un objet d’étonnement et de commisération infinie97. ». Après son départ en retraite en 1866, Vallée est remplacé par M. Desportes. À la Salpêtrière, les idiotes sont dans un quartier distinct des adultes depuis 1848, mais dans des bâtiments improvisés impropres à leur destination, mais surtout insuffisants pour la population de ce quartier. Préparés pour 40 enfants, ils contiennent 80 idiotes en 1855. C’est en 1850 que l’administration générale de l’Assistance publique a fondé une école de jeunes filles arriérées qui est d’abord confiée à une seule institutrice. Une forme d’école existait déjà au moins depuis 1835. Mlle Léontine Nicole98, institutrice, va exercer de 1849 à 1891, mais l’école va avoir une existence régulière seulement à partir de 185099. Napoléon Laisné introduit la gymnastique en 1849, avec le soutien de cette institutrice100. Parchappe témoigne également sur l’asile de la Salpêtrière et il écrit en 1853, que « ce quartier contient 74 jeunes filles, âgées de cinq à quinze ans : 49 sont atteintes d’idiotie simple, 25 d’idiotie compliquée d’épilepsie. Ces jeunes filles apprennent à coudre, à broder, à faire de la tapisserie, à blanchir le linge. On les emploie en outre aux soins du ménage et à quelques travaux de jardinage. Tous les travaux qui se rapportent à l’entretien et à la façon du linge et des vêtements dans le quartier sont exécutés par les jeunes malades. Enfin, elles reçoivent d’une institutrice l’instruction primaire, et de professeurs spéciaux, des leçons de danse et de gymnastique101… » En 1877, dans cet hospice, on dénombrait 95 enfants idiotes, encadrées par une sous-surveillante, 1 infirmière, 2 infirmières veilleuses, 1 professeur de gymnastique102 qui vient trois fois par semaine et 1 maître de chant qui vient deux fois par semaine. L’école toujours dirigée par une institutrice, Mlle Nicole, est fréquentée par 75 enfants dont 11 appartiennent à la section des épileptiques dites non aliénées103. Après le départ en retraite de cette première institutrice, celle-ci est remplacée par madame Pigeon, ancienne directrice de l’école des enfants teigneux de l’hôpital Saint-Louis104.

    15Lorsque Séguin se rend à l’exposition internationale de Vienne en 1873, il passe par Paris et visite l’asile-école de Bicêtre qui comprend 64 enfants (dont 52 épileptiques). À la suite de cette visite, il dresse un tableau assez négatif. Il précise également qu’à la Salpêtrière la situation est identique105. La résistance de l’administration aux efforts d’éducation des idiots va durer jusque dans les années 1890 à 1900. D’après Thuillier, vers 1860-1870, 150 à 200 enfants idiots reçoivent une éducation, alors qu’ils sont estimés à 40 0000 environ106.

    La situation des asiles vers la fin du xixe siècle

    16Le développement asilaire évolue régulièrement. En 1818, huit établissements accueillent exclusivement des aliénés. En 1834, on compte 34 institutions similaires. De 1838 à 1852, sept asiles voient le jour107, puis, entre 1852 et 1860, quatorze nouveaux établissements sont créés. Ce n’est qu’avec la loi du 18 juillet 1866 relative au transfert des affaires financières des aliénés aux conseils généraux que se produit un ralentissement important (première loi de décentralisation). En 1889, il existe en France 51 asiles publics (36 départements n’en possèdent pas) et 15 quartiers d’hospice, 17 asiles privés faisant fonction d’asiles publics et 26 maisons de santé108. La création de ces établissements fait croître le nombre de personnes hospitalisées. Malgré cela, un nombre important de malades mentaux n’est pas pris en charge. D’après un rapport de 1884, 51 004 aliénés restent à domicile (dont 20 020 fous « proprement dits » et 30 984 idiots et crétins) contre 36 964 aliénés en asiles (dont 32815 fous « proprement dits » et 4149 idiots et crétins109). Dès lors, le sort particulier des enfants n’apparaît toujours pas comme une préoccupation première. Par ailleurs, la nature de la maladie des idiots est contestée et ces mêmes enfants sont généralement repoussés des asiles110. Ces derniers ne renferment en moyenne que 1,5 % d’enfants au-dessous de seize ans. Seuls les grands asiles peuvent affecter un quartier spécial aux enfants. Le rapport des inspecteurs généraux, publié en 1877, précise que les seuls asiles qui ont des quartiers d’enfants sont, pour les garçons : Armentières, Bicêtre, Clermont (Oise), Fains, Maréville, Prémontré, Quatre-Mares, Saint-Alban ; pour les filles : la Salpêtrière et pour les deux sexes : Évreux, Montdevergues et Montpellier. À l’exception de Bicêtre et de la Salpêtrière, le nombre de jeunes inscrits dans ces asiles est assez restreint. Les inspecteurs citent comme exemple l’asile de Fains qui, en 1887, compte 5 filles et 5 garçons mélangés à la population des adultes111.

    17À l’étranger, la situation semble tout à fait différente. À partir de 1870, les institutions pour les faibles d’esprit se sont multipliées : l’Allemagne dispose de 36 établissements d’éducation pour 4 247 enfants idiots et plusieurs classes destinées aux arriérés ; la Suède organise chaque année un congrès sur l’assistance et le traitement de ces enfants et elle dispose en 1888 de 17 asiles-écoles ; en Norvège, la loi de 1881 rend obligatoire l’enseignement pour ceux des idiots de sept à vingt ans aptes à le recevoir ; aux États-Unis ce sont plus de 18 établissements privés sous le patronage de l’État qui les accueillent ; en Écosse, en Irlande, en Angleterre et dans le pays de Galles les établissements se développent112.

    18En France, en dehors des établissements publics, les aliénés peuvent être pris en charge dans des maisons de santé privées spécialisées. En 1874, le pays compte 25 de ces établissements, créés le plus souvent par des médecins et le plus souvent réservés aux plus fortunés (Maison Esquirol, Voisin, Belhomme, Baillarger, etc.)113 L’Église et ses différentes composantes est également une véritable puissance sociale. Le développement des congrégations religieuses féminines est de plus en plus important. C’est dans l’enseignement que l’entrisme est le plus important. D’après Reyre, l’enseignement primaire est quasiment sous la coupe de l’Église. Les deux cinquièmes des écoles primaires publiques sont encadrées par des congrégations. En 1880, les hôpitaux et les hospices des congrégations accueillent 114 199 personnes. Plus de 60 000 enfants sont reçus dans les divers établissements de soins ou d’assistance : orphelinats, ouvroirs, hôpitaux, patronages, maisons de refuge, etc. Les initiatives privées d’asiles pour enfants idiots prennent de plus en plus de place dans les années 1860 à 1870. Un rejet institutionnel114 et clinique permet à ces institutions privées de se développer. En 1853, le curé Rosière fonde un établissement pour enfants crétins en Meurthe ; les religieuses fondent un établissement à Aromas en 1853 et à Saint-Martin-le-Vinoux près de Grenoble en 1868. De même, le pasteur John Bost, nommé à La Force en 1844, ouvre un premier asile en 1848, destiné à recueillir et à former des jeunes filles en danger moral115. Le pasteur continue son œuvre et ouvre un autre pavillon nommé Béthesda, en novembre 1855. Cette nouvelle structure est conçue pour « jeunes filles infirmes ou incurables, aveugles ou menacées de cécité, idiotes ou imbéciles116 ». L’asile accueille, dans un premier temps, en majorité des jeunes filles malades atteintes d’infirmités, d’idiotie ou de cécité. Bost développe d’autres pavillons dans le village de La Force : Siloé en 1858 pour 14 garçons ; Eben-Hézer en 1862 ; Béthel en 1867 ; Le repos en 1875, etc. Assez rapidement, en 1877, les asiles de La Force sont reconnus par l’État comme établissement d’utilité publique. Les différents pavillons de l’asile sont disséminés à l’intérieur du village au gré des implantations et sans séparation avec le reste de l’environnement117. Malgré des initiatives, la France des années 1880 apparaît en retard par rapport aux principaux pays européens et plus encore avec les États-Unis (sous l’influence de Séguin).

    Notes de bas de page

    1 Arrêté publié dans le Journal des connaissances médico-chirurgicales, décembre 1840, p. 257.

    2 Séguin Édouard, op. cit., 1842.

    3 Conseil général d’administration des hôpitaux, hospices civils et secours à domicile de Paris, séance du 12 octobre 1842, Archives de l’Assistance publique, 136, liasse 172.

    4 Séguin Édouard, Traitement moral, hygiène et éducation des idiots, Baillière, Paris 1846, p. 14-16.

    5 L’hôpital de Bicêtre, ce fut d’abord, en 1632 un asile pour la noblesse pauvre et les soldats blessés du roi. Puis Bicêtre se mit à recevoir des indigents. Bicêtre et la Salpêtrière deviennent l’hôpital général en 1656. Au début du xixe siècle, Bicêtre est essentiellement une prison. Puis, notamment avec le docteur Philippe Pinel, commence une œuvre d’humanisation des fous et insensés incarcérés. Bicêtre abandonne sa vocation d’établissement carcéral pour ne retenir que des vieillards, des enfants déshérités, infirmes ou déficients mentaux, abandonnés par leurs parents. Sa vocation asilaire s’affirme. En 1849 est créé l’Assistance publique de Paris et Bicêtre devient un hospice de la vieillesse (hommes) destiné à recevoir « hommes indigents, infirmes ou âgés de 70 ans, et en outre au traitement des fous (aliénés en 1855) ». D’après Auzépy Philippe et Majdalani Élie (dir.), L’Hôpital de Bicêtre au xixe siècle. Histoire médicale et scientifique, Vélizy-Villacoublay, Arnette, 1998.

    6 Un arrêté du 23 octobre 1843 (procès-verbal, t. 178, f° 573) du conseil général des hospices de Paris mentionne une indemnité de 400 frs, plus 200 frs à la fin de l’année.

    7 Conseil général d’administration des hôpitaux, hospices civils et secours à domicile de Paris, séance du 12 octobre 1842, référence, archives de l’Assistance publique, 136, liasse 172.

    8 Collineau Jean Charles, « Du traitement et de l’éducation des idiots en général et en particulier de ceux que renferme l’hospice de Bicêtre », rapport fait à l’académie impériale de médecine, Paris, Mémoires de l’académie de médecine, tome XVIII, 1854, p. 564-580.

    9 Archives de l’Assistance publique, Bicêtre, L 5 13.

    10 François Leuret (1797-1851), docteur en médecine en 1826, il exerce à l’hôpital Bicêtre, puis il dirige la maison de santé d’Esquirol. Il devient directeur de la maison de santé du Gros-Caillou. En 1836, il est médecin à Bicêtre en même temps que Félix Voisin. Il avait suivi les leçons du médecin allemand Gaspar Johann Spurzheim (1776-1832), disciple de Gall, mais il était opposé aux conceptions de la phrénologie. Il était rédacteur en chef des Annales d’hygiène publique et de médecine légale où il publie dans le tome XXX, n° 59, de juillet 1843, p. 112 et le n° 60 d’octobre 1843, p. 265-320. Hygiène et éducation des idiots de Séguin.

    11 Lettre du 17 février 1843 à M. Battelle, Registre de correspondance du directeur Malon, Archives de l’Assistance publique de Bicêtre, L5 13. Batelle, chef de la 1re division de l’administration des hospices, membre de la commission administrative, chevalier de la Légion d’honneur, chef du service des aliénés à la direction de l’Assistance publique en 1849 (date de sa création). Il organise le transfert des aliénés de l’hospice des incurables vers les asiles de province en 1844. Il publie « un rapport au conseil général des hospices sur les établissements des aliénés d’Angleterre et sur ceux de Bicêtre et de la Salpêtrière », Annales médico-psychologiques (t. VI, p. 390-455), où il se prononce pour la séparation des aliénés curables des aliénés incurables.

    12 Voisin Félix, op. cit., 1843.

    13 Séguin Édouard, op. cit., 1843.

    14 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 155.

    15 Voisin Félix, op. cit., 1843, p. III.

    16 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 510.

    17 Ibid., p. 15.

    18 Ibid., p. 453.

    19 Conseil général des hospices, « Séance du 20 décembre 1843 », n° 99067, Archives de l’Assistance publique de Bicêtre, L5 13.

    20 Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 124.

    21 Sue Eugène, Les Mystères de Paris, Tome 4, Paris, Charles Gosselin, 1843, p. 298-303.

    22 Hyppolite Vallée (1816-1885) est né à Cherbourg où son père était gendarme. Il fréquente l’école primaire jusqu’à l’âge de 13 ans. Il complétera lui-même son instruction. Attaché pendant une dizaine d’années aux travaux hydrauliques du port de Cherbourg, il collabore en même temps au journal de Cherbourg. Estimant qu’il n’y avait pas d’éléments suffisant à son activité dans sa ville natale, il vient à Paris où il s’occupe de librairie en attendant un emploi. Puis il décide d’entrer à l’hôpital de Bicêtre en qualité de surveillant le 21 novembre 1841. C’est en cette qualité qu’il a pu assister aux essais d’éducation des enfants idiots par Édouard Séguin du 9 novembre 1842 au 21 décembre 1843. Après le départ de Séguin, Vallée est nommé le 13 mars 1844. Il remplit ces fonctions jusqu’au 1er janvier 1866. Vers 1846, il fut chargé de faire l’éducation d’un enfant arriéré appartenant à une famille riche. Pour lui faciliter sa tâche, la famille loua à Gentilly, commune dont Bicêtre est une dépendance, une propriété rue des Noyers, n° 9. Peu après, en 1847, Vallée achète une propriété voisine. À sa mort, il la lègue au département de la Seine, à la condition qu’elle soit affectée non plus aux enfants de la classe riche, mais aux enfants idiots et pauvres. Cette institution prend alors le nom de « Fondation Vallée ».

    23 Sur ces 789 admissions de 1832 à 1852, 52 ont entre 2 et 6 ans ; 185 ont entre 6 et 12 ans et 542 ont entre 12 et 18 ans. Durant cette même période, sont sortis : 22 enfants de 2 à 6 ans ; 83 entre 6 et 12 ans ; 367 entre 12 et 18 ans ; sont décédés : 14 entre 2 et 6 ans ; 44 entre 6 et 12 ans et 98 entre 12 et 18 ans pour un total de présents en 1852 de 152 enfants, D’après Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852, cité par Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 4.

    24 Séguin Édouard, op. cit., 1846.

    25 Maria Montessori (1870-1952), première femme italienne à obtenir son doctorat en médecine. Elle s’intéresse à la pédagogie des enfants arriérés à partir de 1898 et, s’inspirant de son expérience et des travaux d’Itard et de Séguin, elle fonde en 1907 les Case Dei Bambini, où l’enfant vit sans contraintes proprement scolaires et où l’apprentissage est fait par l’éducation des sens.

    26 Montessori Maria, Il metodo della pedagogica scientifica applicato all’educazione infantile nelle case dei bambini, Roma, Ermanno Loescher, 2e édit., 1913, p. 26-33. Le livre est traduit d’une façon très adaptée, en français, Pédagogie scientifique. La maison des enfants, tome 1, Paris, Larousse, 1919, d’après Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 366.

    27 Discours prononcé par le docteur Brockett lors des obsèques de Séguin le 31 octobre 1880. Discours qui a été publié dans Mémory of Édouard Séguin, M.D., being remarks made by some of his friends…, New-York, p. 9-23 : « … Mais comme ses expériences étaient tout à ses frais, il dut se subvenir à lui-même et à ses élèves par la pratique de sa profession et par un travail littéraire. Il fut en effet plusieurs années critique d’art de l’un des principaux journaux de Paris, en même temps qu’il écrivait des articles pleins de vigueur et de passion sur des sujets de politique et d’économie politique. »

    28 Parmi eux, on note le nom d’Henri Barbès, ancien condamné à mort, emprisonné depuis 1839, gracié puis membre de la « commission du gouvernement pour les travailleurs » sous la direction de Louis Blanc.

    29 Les Murailles révolutionnaires de 1848, collection des décrets, bulletins de la République, adhésions, affiches, fac-similés de signatures, professions de foi… Précédée d’une préface d’Alfred Delvau. Pièces et documents recueillis et mis en ordre par Charles Boutin, Paris et les départements, 17e édition, Paris, tome 1, p. 237, ouvrage proposé par la librairie l’Autodidacte et disponible aux archives de la bibliothèque nationale 4° LB/52/ 44 E : « Une vigilance incessante, un patriotisme éclairé, un dévouement énergique, tels sont les sentiments qui animent le gouvernement provisoire, tels sont ceux que la République réclame… Déjà, les habiles ont, à force d’obsessions ou de ruses, obtenus des nominations peu méritées : il est temps d’éclairer le gouvernement dont ils ont surpris la religion. Pour arrêter le gouvernement provisoire sur une pente aussi glissante, un grand nombre de citoyens éprouvés ont nommé une commission chargée de réclamer le concours des patriotes restés purs… Il faut que le gouvernement soit éclairé sur la valeur de ces rapaces… »

    30 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 2.

    31 Séguin Édouard, op. cit., 1846, p. 169.

    32 Louis Blanc s’exile à Londres après son échec des ateliers sociaux. Puis, il est élu député d’extrême gauche à son retour en France.

    33 Le 9 mars 1831, Édouard Séguin est cité par B.P. Enfantin dans l’allocution qu’il prononce dans une réunion générale du mouvement des saint-simoniens. Il est membre du 3e degré de ce mouvement, d’après Saint-Simon (de Rouvroy) Claude-Henri, Les Œuvres de Saint-Simon et Enfantin, V. 3, Paris, Dentu, 1865, p. 110.

    34 Le saint-simonisme est l’œuvre de Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), économiste et philosophe français. Il a participé à la guerre d’indépendance américaine et en libéral convaincu, il abandonna son état de nobiliaire dès le début de la Révolution. Saint-Simon est un théoricien du socialisme français. La doctrine de Saint-Simon se résume par le titre de son livre publié en 1823, Le catéchisme des industriels. Pour Saint-Simon, il s’agit de prendre en considération les récents développements de l’industrie et de rechercher de manière plus ou moins utopique, plus de justice sociale. C’est l’affirmation de la primauté de l’économie sur la politique. Le saint-simonisme, socialisme utopique et technocratique, trouve ses sources aussi bien dans l’économie que dans la philosophie politique. Sa théorie se fonde sur trois influences principales : l’industrialisme (importance accordée au travail et à la liberté de l’industrie) avec Jean-Baptiste Say, le progressisme (donner le pouvoir politique aux producteurs) avec Condorcet et le conservatisme (importance donnée à la propriété privée fondée sur les capacités de chacun) avec le vicomte de Bonald. Indépendamment de sa doctrine, la pensée de Saint-Simon se caractérise par un ensemble de positions prises sur les grands débats qui ont animé la pensée socialiste de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle. Le socialisme est d’abord une idéologie qui vise à l’auto-transformation de la société. Dans le souci de faire coïncider l’ordre de la nature et celui de la société, Saint-Simon attribue un rôle de premier plan à la science appliquée dans la gestion de la société. Le domaine politique semblait superflu à Saint-Simon. Quelques saint-simoniens célèbres : Bazard, Carnot, Enfantin, Pierre Leroux, les frères Pereire, Ferdinand de Lesseps, Michel Chevalier, Arago, Cuvier, Berthollet, Chaptal, le duc de Broglie, le financier Perregaux, etc.

    35 L’hôtel se situe au 6, rue Monsigny, une rue voisine de la rue Sainte-Anne, lieu d’habitation d’Édouard Séguin à cette époque.

    36 Jacob Rodriguez Pereire (1715-1780). Il ouvre une école pour jeunes sourds à Cadix. Il vient à Paris où il présente sa méthode. Outre l’objectif de l’apprentissage de l’expression orale, il se sert pour communiquer avec ses élèves de signes de la main et de l’écriture. Édouard Séguin publiera une longue étude intitulée Jacob-Rodrigues Pereire, premier instituteur des sourds et muets en France (1715-1780) pensionnaire et interprète du Roi, membre de la société royale de Londres, etc., Baillière, Paris, 1847.

    37 Séguin Édouard, « Origin of treatment and training of idiot », in American Journal of Education, t. II, 1856, p. 145-152, traduction d’après Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 309-318.

    38 Saint Simon, cité par Dommanget Maurice, Les Grands Socialistes et l’éducation, Paris, Armand Colin, 1970, p. 151, d’après Reyre Gérard, op. cit., 1987, p. 96.

    39 Olinde Rodrigues (1794-1851) est rédacteur du Producteur (journal des saints-simoniens) avec Buchez et Bazard.

    40 Philippe Buchez (1796-1865), franc-maçon, a été l’un des fondateurs, dans les années 20, de la Charbonnerie qu’il anime en compagnie de Bazard. Il se fait un peu plus tard le propagandiste des idées de Saint-Simon. Il se sépare de celui-ci lors de son retour à la foi catholique, car il ne cautionne pas la hiérarchie ni l’église du mouvement saint-simonien. C’est sous le règne de Louis-Philippe que Buchez entreprend et termine son Histoire parlementaire de la Révolution française, un ouvrage de 40 volumes, fait de la compilation de débats, d’articles de journaux, de motions de clubs, le tout entrecoupé de commentaires par lesquels il expose longuement ses idées. En 1840, il inspire la création de l’Atelier, journal rédigé par des ouvriers, synthèse des idées républicaines, socialistes et catholiques. Élu le 23 avril 1848 représentant de la Seine, le 17e sur 34, il est porté à la présidence de l’assemblée le 5 mai suivant.

    41 Hyppolyte Carnot (1800-1888) adhère au saint-simonisme, il est également député en 1839 et prend son ami Charton (1807-1890), ancien saint-simonien comme secrétaire général du ministère de l’Instruction publique. Carnot est avec Reynaud, l’inventeur de l’école de l’administration de 1848.

    42 Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel offrant un tableau des connaissances au xixe siècle, publiée de 1836 à 1841 par Pierre Leroux (1797-1871) et Jean Reynaud (1806-1863).

    43 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 256.

    44 Prévost Claude, « Éloge de l’éclectisme », in Éducation physique et sportive en France (1920-1980), Arnaud Pierre, Clément Jean-Paul et Herr Michel (dir.), Clermont-Ferrand, AFRAPS, 1989, p. 25-47.

    45 Comte Auguste, Cours de philosophie positive, tome premier, Paris, Rouen Frères, 1830, p. 14.

    46 Séguin Édouard, op. cit., 1843, p. 77.

    47 Prévost Claude, op. cit., 1995, p. 29.

    48 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 334.

    49 Voisin Félix, op. cit., 1843, p. 20.

    50 Séguin Édouard, « Sur une nouvelle méthode d’éducation des idiots », in Annales médico-psychologiques, tome II, Compte rendu de la séance du 8 mai 1843 de l’académie des sciences, Paris, Fortin, Masson et Cie, 1843, p. 298.

    51 Ackerknecht Erwin Heinz, op. cit., 1986, p. 48.

    52 Séguin s’inscrit à la faculté de Paris, le 20 février 1843 et règle les frais d’une inscription pour le doctorat de médecine le 27 janvier 1843. Le 23 juin et le 1er septembre 1845, il se voit refuser le recouvrement des inscriptions de janvier et d’avril 1834 qu’il n’avait pu prendre en temps utile, faute de fonds, semble-t-il, d’après les Archives nationales AJ 16 23, cité par Martin Jean Guy Georges, op. cit., 1981, annexe, p. XXII.

    53 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 471.

    54 Séguin Édouard, « Hygiène et éducation des idiots », Baillière, Paris, 1843, in Annales d’hygiène publique et de médecine légale, tome XXX, 1re partie, p. 62.

    55 Ibid., p. 257.

    56 Dans son ouvrage, Rousseau parle des premières années de la vie, de l’importance de l’allaitement maternel, des mouvements libres dans les vêtements, sans contrainte, « il faut libérer l’enfant du maillot ». Il indique qu’il faut élever sans hâte, au gré de la nature. Il faut aguerrir l’enfant. Sur la connaissance de l’enfant, il s’agit surtout de connaître « cet enfant-là », ne pas obéir à une méthode, mais à la nature de l’enfant et surtout à son besoin d’éducation. Concernant l’enfant de 2 ans jusqu’à 12 ans, l’éducation des sens y est très importante. Il cherche à les perfectionner avant l’éducation de l’esprit. On retrouve ici l’influence de Condillac, Comenius, Aristote. La vie en plein air pour avoir une bonne santé est importante. Le jeu a beaucoup de place. Pour les plus grands, de 12 à 15 ans, Rousseau favorise l’éducation intellectuelle utilitaire et pratique, par les leçons de choses, par la curiosité, le goût de la science. Pour lui, l’enfant doit trouver par lui-même, par des expériences. À 15 ans, Émile va apprendre un métier manuel, la menuiserie, pour être prêt à gagner sa vie. Rousseau traite également de l’éducation morale et religieuse et de l’éducation du sentiment. C’est sur ces principes que Séguin s’appuie pour construire sa méthode. D’après Rousseau Jean-Jacques, Émile ou de l’éducation, Paris, Flammarion, 1966.

    57 Séguin Édouard, op. cit., 1843, p. 62.

    58 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 258.

    59 Ibid., p. 264.

    60 Maine De Biran François-Pierre Gontier, Influence de l’habitude sur la faculté de penser, Paris, PUF, 1954, édition version numérique de Bergeron, Marcelle, École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec, 2004, site http://classiques.uqac.ca/classiques/maine_de_biran.

    61 Defrance Jacques, op. cit., p. 73.

    62 Pociello Christian (dir.), Entre le social et le vital. L’éducation physique et sportive sous tensions (xviiie-xxe siècle), Grenoble, PUG, 2004, p. 12.

    63 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 263.

    64 Defrance Jacques, op. cit., 1987, p. 73.

    65 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 6.

    66 Ibid., p. 268.

    67 La balançoire-tremplin : l’enfant est assis sur une balançoire en forme de caisson et il doit repousser avec ses pieds le mur placé à une certaine distance.

    68 Londe Charles, op. cit., 1821. Dans son ouvrage, le médecin écrit également que les exercices sont classiquement distingués en actifs, passifs et mixtes et qu’il est des individus qui doivent prendre un exercice modéré, d’autres un exercice violent.

    69 Trélat Ulysse, « Distribution de prix aux enfants idiots de la cinquième division », in Annales de la Charité, Paris, Bureau des annales, 1845, p. 585-593, in Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 135-141.

    70 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 270.

    71 Arnal Thierry, « Discipline de la raison et rationalité des actes : genèse et usages d’une gymnastique du cerveau dans la méthode d’éducation physique et morale d’Amoros (1815-1848) », in Staps, n° 80, 2008, p. 85.

    72 Comte Alfred de Falloux (1811-1886), ministre de l’Instruction publique de décembre 1848 à octobre 1849. Il commença sa carrière comme journaliste légitimiste et clérical. En 1846, il devint député du Maine-et-Loire et avec beaucoup d’autres ultra-catholiques, il soutint ou feignit de soutenir la révolution de 1848. Il est catholique légitimiste du parti de l’ordre (Parti conservateur, partisan – comme l’indique son nom – de l’ordre, de la sécurité et des bonnes mœurs, élitiste, et dont une frange se veut héritière intellectuelle des monarchistes qui mirent en place la terreur blanche sous le règne de Charles X). La loi qu’il réussit à faire promulguer en 1850, prévoyait que le clergé et les membres d’ordres religieux, hommes et femmes, pourraient enseigner sans produire d’autre qualification qu’une lettre d’obédience. Cette exemption fut même étendue aux prêtres qui enseignaient dans les écoles secondaires, alors qu’un grade universitaire était exigé des enseignants laïcs. Les écoles primaires de leur côté étaient placées sous la surveillance des curés.

    73 Mayeur Françoise, op. cit., 2004, p. 349.

    74 Séguin Édouard, Report on Education, 2e édit., Milwaukee, Wisconsin, Doerflinger, 1880, Traduction française par Boutillier A., in Bourneville Désiré Magloire, Rapports et mémoires sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Bibliothèque d’éducation spéciale, volume III, Paris, Alcan, 1895, p. 200.

    75 Séguin Édouard, Idiocy and its treatment by the physiological method, William Wood, New York, 1866, d’après une traduction de Martin Jean Guy Georges : « Privé de langage par un changement volontaire de nationalisme et pris par des obligations personnelles, nous ne prîmes pas nous-même part au traitement des idiots dans cette république… »

    76 Discours du docteur H. B. Wilbur in Rapport et mémoire sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Bourneville Désiré Magloire, Bibliothèque de l’éducation spéciale, volume III, Alcan, Paris, 1895, p. XXVII. : « … La révolution de 1848 le trouva ferme républicain et lié intimement avec une société brillante de jeunes gens qui donnaient le ton et le caractère aux mouvements révolutionnaires. Mais avec un instinct prophétique notre ami, perdu pour nous, semblait avoir pressenti le grand crime comme l’a dénommé Victor Hugo, et s’être défié du caractère des professions de foi de celui qui devait être le grand perpétrateur. Alors avec sa femme et son fils, il chercha refuge dans un pays de liberté. »

    77 Discours du docteur Georges dans, Rapport et mémoire sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. XXXV, « Séguin était associé politiquement avec les chefs du parti radical de son époque ».

    78 Thuillier Guy, op. cit., 1998, p. 42.

    79 Morel Augustin, « Sociétés savantes, Société médico-psychologique, séance du 30 novembre 1868 », in Annales médico-psychologiques, n° 1, Paris, Masson, 1869, p. 283.

    80 Chevalier Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses pendant la première moitié du xixe siècle, Paris, Plon, 1969, p. 114.

    81 Augustin Morel (1809-1873) est un neuropsychiatre français. Docteur en 1839, il est l’élève de Falret et l’ami de Claude Bernard. Il devient médecin à la Salpêtrière en 1841. Il voyage dans différents pays pour étudier les différents asiles d’aliénés. À partir de 1848, il est médecin-chef d’asile et entreprend de réformer les conditions de vie des patients hospitalisés. D’après le Dictionnaire historique des médecins, Paris, Bordas, 1999, p. 437.

    82 Morel Augustin, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine, Paris, J.-B. Baillière, 1857.

    83 Morel Augustin, Études cliniques, Traité théorique et pratique des maladies mentales considérées dans leur nature, leur traitement et dans leur rapport avec la médecine légale des aliénés, tome 1, Paris, J.-B. Baillière, 1852, p. 1-123.

    84 Le titre générique Les Rougon-Macquart regroupe un ensemble de vingt romans écrits par Émile Zola entre 1871 et 1893. Il porte comme sous-titre Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. L’ouvrage a notamment pour but d’étudier les tares héréditaires d’une famille sur cinq générations.

    85 Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852. C’est le premier rapport sur la situation de Bicêtre et de la Salpêtrière depuis 1833.

    86 Bru Paul, op. cit., 1890, p. 275.

    87 L’inspecteur général du service des aliénés, Guillaume Ferrus, consulté sur l’application de la loi de 1838 aux idiots, avait déclaré nettement que les idiots et imbéciles pouvaient être rangés parmi les aliénés dangereux, sans doute pour procurer aux idiots des secours. La déclaration de Ferrus sur ce sujet, dans une lettre au ministre de l’Intérieur en date du 5 décembre 1845, est publiée en annexe du rapport de Davenne.

    88 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 199-204.

    89 Morel confirme le diagnostic d’incurabilité des idiots, imbéciles et crétins, mais il considère que la médecine mentale doit se diffuser à l’extérieur de l’asile et mener un travail de prévention. Par ailleurs, il indique que « les idiots, les imbéciles, les crétins, les épileptiques, autrement dit une foule de non valeurs sociales, tendent à refluer vers les asiles où ils s’immobilisent et prennent la place des véritables aliénés », in Castel Robert, op. cit., 1976, p. 272.

    90 Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852, indique que « d’après la statistique générale de la France, publiée pour 1841 par le ministère du Commerce, on compte dans ce pays 226 idiots sur 1000 aliénés. Il y aurait donc, aujourd’hui, d’après le chiffre total des aliénés indigents (16 719) donné par M. le docteur Parchappe, environ 3780 ».

    91 Louis Delasiauve (1804-1893) docteur en médecine à Paris en 1830, il entre à Bicêtre (de juillet 1851 à juillet 1865) comme médecin-chef à la 3e division des aliénés de l’hospice. Il a la tutelle de l’école dirigée par Vallée (successeur de Séguin en 1843). Il est nommé médecin-chef à l’asile de la Salpêtrière en 1865.

    92 Delasiauve Louis, op. cit., 1859.

    93 Delasiauve Louis, in Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 283.

    94 Parchappe du Vinay Jean-Baptiste, Des principes à suivre dans la fondation et la construction des asiles d’aliénés, Paris, Masson, 1853, p. 32.

    95 Bru Paul, op. cit., 1890, p. 279.

    96 D’Haussonville Paul-Gabriel, L’enfance à Paris, Paris, Calmann Lévy, 1879, p. 175.

    97 Du Camp Maxime, Paris, ses organes, ses fonctions, sa vie dans la seconde moitié du xixe siècle (1869-1875), tome IV, Paris, Hachette et Cie, 1875. Voir également Du Camp Maxime, « Les écoles d’idiots de Bicêtre et de la Salpêtrière », in Revue des deux mondes, 1er novembre 1872, p. 52-54.

    98 « Mardi 7 mai 1895, il vient de mourir, ces temps-ci, une sainte laïque, Mlle Nicole, qui était parvenue à se faire admettre à la Salpêtrière pour soigner sa mère, et qui, après la mort de cette mère, cherchant l’emploi de son doux cœur aimant, avait pris la tâche de faire lire les petites idiotes, par l’ingéniosité de ses inventions, par la tendresse de ses imaginations », in Goncourt Edmond, Journal des Goncourts. Mémoires de la vie littéraire, troisième série, troisième volume, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1896,

    99 Bourneville Désiré Magloire, Assistance traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés, rapport fait au congrès national d’Assistance publique (session de Lyon, juin 1894), Paris, Progrès Médical (bibliothèque d’éducation spéciale, IV), Félix Alcan, 1895, p. 66.

    100 Laisné Napoléon, op. cit., t. 2, 1880, p. 84.

    101 Parchappe du Vinay Jean-Baptiste, op. cit., 1853, p. 34.

    102 Le traitement du professeur de gymnastique M. Laisné, est de 6000 fr. pour son enseignement à Bicêtre, la Salpêtrière (3 fois par semaine pendant 1 heure), l’hôpital des enfants-malades, l’hôpital Sainte-Eugénie et l’hospice des enfants-assistés. À la Salpêtrière, il se fait remplacer par une maîtresse de gymnastique, Mlle fieffe et à Bicêtre par un maître, M. Goy, d’après Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1892, p. 19.

    103 Ibid, p. 19.

    104 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 67.

    105 Séguin Édouard, Report on Education, 2e édit., Milwaukee, Wisconsin, Doerflinger, 1880, Traduction française par Boutillier A., in Bourneville Désiré Magloire, Rapports et mémoires sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Bibliothèque d’éducation spéciale, volume III, Paris, Alcan, 1895, p. 144-145.

    106 Thuillier Guy, op. cit., 1998, p. 40.

    107 Constans Augustin, Lunier Jules-Joseph et Dumesnil Octave, op. cit., 1878, p. 61.

    108 Bourneville Désiré Magloire, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi adopté par le Sénat, tendant à la révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, annexe au procès-verbal de la séance du 12 juillet 1889, n° 3934, Paris, Chambre des députés, 1889, p. 6-15.

    109 Roussel Théophile, Rapport au Sénat de la commission relative à la révision de la loi du 30 juin 1838, Paris, 1884, p. 5. In Castel Robert, op. cit., 2004, p. 236.

    110 Parchappe du Vinay Jean-Baptiste, op. cit., 1853, cité par Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 142.

    111 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. 26.

    112 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1889, p. 24-26.

    113 Reyre Gérard, op. cit., 1987, p. 172.

    114 Un rapport du Sénat du 12 décembre 1867 adopte les conclusions suivantes : « La commission exprime le vœu que, pour éviter l’encombrement (dans les asiles d’aliénés) l’autorité compétente n’ordonne l’admission que de véritables aliénés […] dangereux soit pour la sûreté ou la pudeur publique, soit pour eux-mêmes, laissant à domicile ou dans leurs familles, les idiots, crétins ou aliénés incurables, inoffensifs », in Moniteur du 13 décembre 1867, source d’après Reyre Gérard, op. cit., 1987, p. 174.

    115 « Les pensionnaires suivent une scolarité et sont initiées aux soins d’hygiène, au ménage, à l’entretien de leur vestiaire. Elles sont éveillées à la musique, à la vie de la nature avec les fleurs d’un jardin, les arbres séculaires, à la vie évangélique », in Corriger Michel, Cent cinquante ans d’histoire (1848-1998), La Force, Fondation John Bost, 1998, p. 17.

    116 « Pavillons et services de la fondation John Bost », in Notre Prochain, numéro spécial, n° 292, juin 1998, p. 20.

    117 En Angleterre, John Conolly (1794-1866), acteur du mouvement philanthropique, met en place le principe de « l’Open door » dans les asiles de l’époque afin de laisser plus de liberté aux malades mentaux. Ces expériences remettent fortement en cause le rapport du médecin au malade et soulèvent de vives critiques au sein des aliénistes français, à l’exception de Magnan et Morel, in Pélicier Yves, Histoire de la psychiatrie, Paris, PUF, 1971.

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    1 Arrêté publié dans le Journal des connaissances médico-chirurgicales, décembre 1840, p. 257.

    2 Séguin Édouard, op. cit., 1842.

    3 Conseil général d’administration des hôpitaux, hospices civils et secours à domicile de Paris, séance du 12 octobre 1842, Archives de l’Assistance publique, 136, liasse 172.

    4 Séguin Édouard, Traitement moral, hygiène et éducation des idiots, Baillière, Paris 1846, p. 14-16.

    5 L’hôpital de Bicêtre, ce fut d’abord, en 1632 un asile pour la noblesse pauvre et les soldats blessés du roi. Puis Bicêtre se mit à recevoir des indigents. Bicêtre et la Salpêtrière deviennent l’hôpital général en 1656. Au début du xixe siècle, Bicêtre est essentiellement une prison. Puis, notamment avec le docteur Philippe Pinel, commence une œuvre d’humanisation des fous et insensés incarcérés. Bicêtre abandonne sa vocation d’établissement carcéral pour ne retenir que des vieillards, des enfants déshérités, infirmes ou déficients mentaux, abandonnés par leurs parents. Sa vocation asilaire s’affirme. En 1849 est créé l’Assistance publique de Paris et Bicêtre devient un hospice de la vieillesse (hommes) destiné à recevoir « hommes indigents, infirmes ou âgés de 70 ans, et en outre au traitement des fous (aliénés en 1855) ». D’après Auzépy Philippe et Majdalani Élie (dir.), L’Hôpital de Bicêtre au xixe siècle. Histoire médicale et scientifique, Vélizy-Villacoublay, Arnette, 1998.

    6 Un arrêté du 23 octobre 1843 (procès-verbal, t. 178, f° 573) du conseil général des hospices de Paris mentionne une indemnité de 400 frs, plus 200 frs à la fin de l’année.

    7 Conseil général d’administration des hôpitaux, hospices civils et secours à domicile de Paris, séance du 12 octobre 1842, référence, archives de l’Assistance publique, 136, liasse 172.

    8 Collineau Jean Charles, « Du traitement et de l’éducation des idiots en général et en particulier de ceux que renferme l’hospice de Bicêtre », rapport fait à l’académie impériale de médecine, Paris, Mémoires de l’académie de médecine, tome XVIII, 1854, p. 564-580.

    9 Archives de l’Assistance publique, Bicêtre, L 5 13.

    10 François Leuret (1797-1851), docteur en médecine en 1826, il exerce à l’hôpital Bicêtre, puis il dirige la maison de santé d’Esquirol. Il devient directeur de la maison de santé du Gros-Caillou. En 1836, il est médecin à Bicêtre en même temps que Félix Voisin. Il avait suivi les leçons du médecin allemand Gaspar Johann Spurzheim (1776-1832), disciple de Gall, mais il était opposé aux conceptions de la phrénologie. Il était rédacteur en chef des Annales d’hygiène publique et de médecine légale où il publie dans le tome XXX, n° 59, de juillet 1843, p. 112 et le n° 60 d’octobre 1843, p. 265-320. Hygiène et éducation des idiots de Séguin.

    11 Lettre du 17 février 1843 à M. Battelle, Registre de correspondance du directeur Malon, Archives de l’Assistance publique de Bicêtre, L5 13. Batelle, chef de la 1re division de l’administration des hospices, membre de la commission administrative, chevalier de la Légion d’honneur, chef du service des aliénés à la direction de l’Assistance publique en 1849 (date de sa création). Il organise le transfert des aliénés de l’hospice des incurables vers les asiles de province en 1844. Il publie « un rapport au conseil général des hospices sur les établissements des aliénés d’Angleterre et sur ceux de Bicêtre et de la Salpêtrière », Annales médico-psychologiques (t. VI, p. 390-455), où il se prononce pour la séparation des aliénés curables des aliénés incurables.

    12 Voisin Félix, op. cit., 1843.

    13 Séguin Édouard, op. cit., 1843.

    14 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 155.

    15 Voisin Félix, op. cit., 1843, p. III.

    16 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 510.

    17 Ibid., p. 15.

    18 Ibid., p. 453.

    19 Conseil général des hospices, « Séance du 20 décembre 1843 », n° 99067, Archives de l’Assistance publique de Bicêtre, L5 13.

    20 Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 124.

    21 Sue Eugène, Les Mystères de Paris, Tome 4, Paris, Charles Gosselin, 1843, p. 298-303.

    22 Hyppolite Vallée (1816-1885) est né à Cherbourg où son père était gendarme. Il fréquente l’école primaire jusqu’à l’âge de 13 ans. Il complétera lui-même son instruction. Attaché pendant une dizaine d’années aux travaux hydrauliques du port de Cherbourg, il collabore en même temps au journal de Cherbourg. Estimant qu’il n’y avait pas d’éléments suffisant à son activité dans sa ville natale, il vient à Paris où il s’occupe de librairie en attendant un emploi. Puis il décide d’entrer à l’hôpital de Bicêtre en qualité de surveillant le 21 novembre 1841. C’est en cette qualité qu’il a pu assister aux essais d’éducation des enfants idiots par Édouard Séguin du 9 novembre 1842 au 21 décembre 1843. Après le départ de Séguin, Vallée est nommé le 13 mars 1844. Il remplit ces fonctions jusqu’au 1er janvier 1866. Vers 1846, il fut chargé de faire l’éducation d’un enfant arriéré appartenant à une famille riche. Pour lui faciliter sa tâche, la famille loua à Gentilly, commune dont Bicêtre est une dépendance, une propriété rue des Noyers, n° 9. Peu après, en 1847, Vallée achète une propriété voisine. À sa mort, il la lègue au département de la Seine, à la condition qu’elle soit affectée non plus aux enfants de la classe riche, mais aux enfants idiots et pauvres. Cette institution prend alors le nom de « Fondation Vallée ».

    23 Sur ces 789 admissions de 1832 à 1852, 52 ont entre 2 et 6 ans ; 185 ont entre 6 et 12 ans et 542 ont entre 12 et 18 ans. Durant cette même période, sont sortis : 22 enfants de 2 à 6 ans ; 83 entre 6 et 12 ans ; 367 entre 12 et 18 ans ; sont décédés : 14 entre 2 et 6 ans ; 44 entre 6 et 12 ans et 98 entre 12 et 18 ans pour un total de présents en 1852 de 152 enfants, D’après Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852, cité par Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 4.

    24 Séguin Édouard, op. cit., 1846.

    25 Maria Montessori (1870-1952), première femme italienne à obtenir son doctorat en médecine. Elle s’intéresse à la pédagogie des enfants arriérés à partir de 1898 et, s’inspirant de son expérience et des travaux d’Itard et de Séguin, elle fonde en 1907 les Case Dei Bambini, où l’enfant vit sans contraintes proprement scolaires et où l’apprentissage est fait par l’éducation des sens.

    26 Montessori Maria, Il metodo della pedagogica scientifica applicato all’educazione infantile nelle case dei bambini, Roma, Ermanno Loescher, 2e édit., 1913, p. 26-33. Le livre est traduit d’une façon très adaptée, en français, Pédagogie scientifique. La maison des enfants, tome 1, Paris, Larousse, 1919, d’après Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 366.

    27 Discours prononcé par le docteur Brockett lors des obsèques de Séguin le 31 octobre 1880. Discours qui a été publié dans Mémory of Édouard Séguin, M.D., being remarks made by some of his friends…, New-York, p. 9-23 : « … Mais comme ses expériences étaient tout à ses frais, il dut se subvenir à lui-même et à ses élèves par la pratique de sa profession et par un travail littéraire. Il fut en effet plusieurs années critique d’art de l’un des principaux journaux de Paris, en même temps qu’il écrivait des articles pleins de vigueur et de passion sur des sujets de politique et d’économie politique. »

    28 Parmi eux, on note le nom d’Henri Barbès, ancien condamné à mort, emprisonné depuis 1839, gracié puis membre de la « commission du gouvernement pour les travailleurs » sous la direction de Louis Blanc.

    29 Les Murailles révolutionnaires de 1848, collection des décrets, bulletins de la République, adhésions, affiches, fac-similés de signatures, professions de foi… Précédée d’une préface d’Alfred Delvau. Pièces et documents recueillis et mis en ordre par Charles Boutin, Paris et les départements, 17e édition, Paris, tome 1, p. 237, ouvrage proposé par la librairie l’Autodidacte et disponible aux archives de la bibliothèque nationale 4° LB/52/ 44 E : « Une vigilance incessante, un patriotisme éclairé, un dévouement énergique, tels sont les sentiments qui animent le gouvernement provisoire, tels sont ceux que la République réclame… Déjà, les habiles ont, à force d’obsessions ou de ruses, obtenus des nominations peu méritées : il est temps d’éclairer le gouvernement dont ils ont surpris la religion. Pour arrêter le gouvernement provisoire sur une pente aussi glissante, un grand nombre de citoyens éprouvés ont nommé une commission chargée de réclamer le concours des patriotes restés purs… Il faut que le gouvernement soit éclairé sur la valeur de ces rapaces… »

    30 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 2.

    31 Séguin Édouard, op. cit., 1846, p. 169.

    32 Louis Blanc s’exile à Londres après son échec des ateliers sociaux. Puis, il est élu député d’extrême gauche à son retour en France.

    33 Le 9 mars 1831, Édouard Séguin est cité par B.P. Enfantin dans l’allocution qu’il prononce dans une réunion générale du mouvement des saint-simoniens. Il est membre du 3e degré de ce mouvement, d’après Saint-Simon (de Rouvroy) Claude-Henri, Les Œuvres de Saint-Simon et Enfantin, V. 3, Paris, Dentu, 1865, p. 110.

    34 Le saint-simonisme est l’œuvre de Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), économiste et philosophe français. Il a participé à la guerre d’indépendance américaine et en libéral convaincu, il abandonna son état de nobiliaire dès le début de la Révolution. Saint-Simon est un théoricien du socialisme français. La doctrine de Saint-Simon se résume par le titre de son livre publié en 1823, Le catéchisme des industriels. Pour Saint-Simon, il s’agit de prendre en considération les récents développements de l’industrie et de rechercher de manière plus ou moins utopique, plus de justice sociale. C’est l’affirmation de la primauté de l’économie sur la politique. Le saint-simonisme, socialisme utopique et technocratique, trouve ses sources aussi bien dans l’économie que dans la philosophie politique. Sa théorie se fonde sur trois influences principales : l’industrialisme (importance accordée au travail et à la liberté de l’industrie) avec Jean-Baptiste Say, le progressisme (donner le pouvoir politique aux producteurs) avec Condorcet et le conservatisme (importance donnée à la propriété privée fondée sur les capacités de chacun) avec le vicomte de Bonald. Indépendamment de sa doctrine, la pensée de Saint-Simon se caractérise par un ensemble de positions prises sur les grands débats qui ont animé la pensée socialiste de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle. Le socialisme est d’abord une idéologie qui vise à l’auto-transformation de la société. Dans le souci de faire coïncider l’ordre de la nature et celui de la société, Saint-Simon attribue un rôle de premier plan à la science appliquée dans la gestion de la société. Le domaine politique semblait superflu à Saint-Simon. Quelques saint-simoniens célèbres : Bazard, Carnot, Enfantin, Pierre Leroux, les frères Pereire, Ferdinand de Lesseps, Michel Chevalier, Arago, Cuvier, Berthollet, Chaptal, le duc de Broglie, le financier Perregaux, etc.

    35 L’hôtel se situe au 6, rue Monsigny, une rue voisine de la rue Sainte-Anne, lieu d’habitation d’Édouard Séguin à cette époque.

    36 Jacob Rodriguez Pereire (1715-1780). Il ouvre une école pour jeunes sourds à Cadix. Il vient à Paris où il présente sa méthode. Outre l’objectif de l’apprentissage de l’expression orale, il se sert pour communiquer avec ses élèves de signes de la main et de l’écriture. Édouard Séguin publiera une longue étude intitulée Jacob-Rodrigues Pereire, premier instituteur des sourds et muets en France (1715-1780) pensionnaire et interprète du Roi, membre de la société royale de Londres, etc., Baillière, Paris, 1847.

    37 Séguin Édouard, « Origin of treatment and training of idiot », in American Journal of Education, t. II, 1856, p. 145-152, traduction d’après Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 309-318.

    38 Saint Simon, cité par Dommanget Maurice, Les Grands Socialistes et l’éducation, Paris, Armand Colin, 1970, p. 151, d’après Reyre Gérard, op. cit., 1987, p. 96.

    39 Olinde Rodrigues (1794-1851) est rédacteur du Producteur (journal des saints-simoniens) avec Buchez et Bazard.

    40 Philippe Buchez (1796-1865), franc-maçon, a été l’un des fondateurs, dans les années 20, de la Charbonnerie qu’il anime en compagnie de Bazard. Il se fait un peu plus tard le propagandiste des idées de Saint-Simon. Il se sépare de celui-ci lors de son retour à la foi catholique, car il ne cautionne pas la hiérarchie ni l’église du mouvement saint-simonien. C’est sous le règne de Louis-Philippe que Buchez entreprend et termine son Histoire parlementaire de la Révolution française, un ouvrage de 40 volumes, fait de la compilation de débats, d’articles de journaux, de motions de clubs, le tout entrecoupé de commentaires par lesquels il expose longuement ses idées. En 1840, il inspire la création de l’Atelier, journal rédigé par des ouvriers, synthèse des idées républicaines, socialistes et catholiques. Élu le 23 avril 1848 représentant de la Seine, le 17e sur 34, il est porté à la présidence de l’assemblée le 5 mai suivant.

    41 Hyppolyte Carnot (1800-1888) adhère au saint-simonisme, il est également député en 1839 et prend son ami Charton (1807-1890), ancien saint-simonien comme secrétaire général du ministère de l’Instruction publique. Carnot est avec Reynaud, l’inventeur de l’école de l’administration de 1848.

    42 Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel offrant un tableau des connaissances au xixe siècle, publiée de 1836 à 1841 par Pierre Leroux (1797-1871) et Jean Reynaud (1806-1863).

    43 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 256.

    44 Prévost Claude, « Éloge de l’éclectisme », in Éducation physique et sportive en France (1920-1980), Arnaud Pierre, Clément Jean-Paul et Herr Michel (dir.), Clermont-Ferrand, AFRAPS, 1989, p. 25-47.

    45 Comte Auguste, Cours de philosophie positive, tome premier, Paris, Rouen Frères, 1830, p. 14.

    46 Séguin Édouard, op. cit., 1843, p. 77.

    47 Prévost Claude, op. cit., 1995, p. 29.

    48 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 334.

    49 Voisin Félix, op. cit., 1843, p. 20.

    50 Séguin Édouard, « Sur une nouvelle méthode d’éducation des idiots », in Annales médico-psychologiques, tome II, Compte rendu de la séance du 8 mai 1843 de l’académie des sciences, Paris, Fortin, Masson et Cie, 1843, p. 298.

    51 Ackerknecht Erwin Heinz, op. cit., 1986, p. 48.

    52 Séguin s’inscrit à la faculté de Paris, le 20 février 1843 et règle les frais d’une inscription pour le doctorat de médecine le 27 janvier 1843. Le 23 juin et le 1er septembre 1845, il se voit refuser le recouvrement des inscriptions de janvier et d’avril 1834 qu’il n’avait pu prendre en temps utile, faute de fonds, semble-t-il, d’après les Archives nationales AJ 16 23, cité par Martin Jean Guy Georges, op. cit., 1981, annexe, p. XXII.

    53 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 471.

    54 Séguin Édouard, « Hygiène et éducation des idiots », Baillière, Paris, 1843, in Annales d’hygiène publique et de médecine légale, tome XXX, 1re partie, p. 62.

    55 Ibid., p. 257.

    56 Dans son ouvrage, Rousseau parle des premières années de la vie, de l’importance de l’allaitement maternel, des mouvements libres dans les vêtements, sans contrainte, « il faut libérer l’enfant du maillot ». Il indique qu’il faut élever sans hâte, au gré de la nature. Il faut aguerrir l’enfant. Sur la connaissance de l’enfant, il s’agit surtout de connaître « cet enfant-là », ne pas obéir à une méthode, mais à la nature de l’enfant et surtout à son besoin d’éducation. Concernant l’enfant de 2 ans jusqu’à 12 ans, l’éducation des sens y est très importante. Il cherche à les perfectionner avant l’éducation de l’esprit. On retrouve ici l’influence de Condillac, Comenius, Aristote. La vie en plein air pour avoir une bonne santé est importante. Le jeu a beaucoup de place. Pour les plus grands, de 12 à 15 ans, Rousseau favorise l’éducation intellectuelle utilitaire et pratique, par les leçons de choses, par la curiosité, le goût de la science. Pour lui, l’enfant doit trouver par lui-même, par des expériences. À 15 ans, Émile va apprendre un métier manuel, la menuiserie, pour être prêt à gagner sa vie. Rousseau traite également de l’éducation morale et religieuse et de l’éducation du sentiment. C’est sur ces principes que Séguin s’appuie pour construire sa méthode. D’après Rousseau Jean-Jacques, Émile ou de l’éducation, Paris, Flammarion, 1966.

    57 Séguin Édouard, op. cit., 1843, p. 62.

    58 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 258.

    59 Ibid., p. 264.

    60 Maine De Biran François-Pierre Gontier, Influence de l’habitude sur la faculté de penser, Paris, PUF, 1954, édition version numérique de Bergeron, Marcelle, École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec, 2004, site http://classiques.uqac.ca/classiques/maine_de_biran.

    61 Defrance Jacques, op. cit., p. 73.

    62 Pociello Christian (dir.), Entre le social et le vital. L’éducation physique et sportive sous tensions (xviiie-xxe siècle), Grenoble, PUG, 2004, p. 12.

    63 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 263.

    64 Defrance Jacques, op. cit., 1987, p. 73.

    65 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 6.

    66 Ibid., p. 268.

    67 La balançoire-tremplin : l’enfant est assis sur une balançoire en forme de caisson et il doit repousser avec ses pieds le mur placé à une certaine distance.

    68 Londe Charles, op. cit., 1821. Dans son ouvrage, le médecin écrit également que les exercices sont classiquement distingués en actifs, passifs et mixtes et qu’il est des individus qui doivent prendre un exercice modéré, d’autres un exercice violent.

    69 Trélat Ulysse, « Distribution de prix aux enfants idiots de la cinquième division », in Annales de la Charité, Paris, Bureau des annales, 1845, p. 585-593, in Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 135-141.

    70 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 270.

    71 Arnal Thierry, « Discipline de la raison et rationalité des actes : genèse et usages d’une gymnastique du cerveau dans la méthode d’éducation physique et morale d’Amoros (1815-1848) », in Staps, n° 80, 2008, p. 85.

    72 Comte Alfred de Falloux (1811-1886), ministre de l’Instruction publique de décembre 1848 à octobre 1849. Il commença sa carrière comme journaliste légitimiste et clérical. En 1846, il devint député du Maine-et-Loire et avec beaucoup d’autres ultra-catholiques, il soutint ou feignit de soutenir la révolution de 1848. Il est catholique légitimiste du parti de l’ordre (Parti conservateur, partisan – comme l’indique son nom – de l’ordre, de la sécurité et des bonnes mœurs, élitiste, et dont une frange se veut héritière intellectuelle des monarchistes qui mirent en place la terreur blanche sous le règne de Charles X). La loi qu’il réussit à faire promulguer en 1850, prévoyait que le clergé et les membres d’ordres religieux, hommes et femmes, pourraient enseigner sans produire d’autre qualification qu’une lettre d’obédience. Cette exemption fut même étendue aux prêtres qui enseignaient dans les écoles secondaires, alors qu’un grade universitaire était exigé des enseignants laïcs. Les écoles primaires de leur côté étaient placées sous la surveillance des curés.

    73 Mayeur Françoise, op. cit., 2004, p. 349.

    74 Séguin Édouard, Report on Education, 2e édit., Milwaukee, Wisconsin, Doerflinger, 1880, Traduction française par Boutillier A., in Bourneville Désiré Magloire, Rapports et mémoires sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Bibliothèque d’éducation spéciale, volume III, Paris, Alcan, 1895, p. 200.

    75 Séguin Édouard, Idiocy and its treatment by the physiological method, William Wood, New York, 1866, d’après une traduction de Martin Jean Guy Georges : « Privé de langage par un changement volontaire de nationalisme et pris par des obligations personnelles, nous ne prîmes pas nous-même part au traitement des idiots dans cette république… »

    76 Discours du docteur H. B. Wilbur in Rapport et mémoire sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Bourneville Désiré Magloire, Bibliothèque de l’éducation spéciale, volume III, Alcan, Paris, 1895, p. XXVII. : « … La révolution de 1848 le trouva ferme républicain et lié intimement avec une société brillante de jeunes gens qui donnaient le ton et le caractère aux mouvements révolutionnaires. Mais avec un instinct prophétique notre ami, perdu pour nous, semblait avoir pressenti le grand crime comme l’a dénommé Victor Hugo, et s’être défié du caractère des professions de foi de celui qui devait être le grand perpétrateur. Alors avec sa femme et son fils, il chercha refuge dans un pays de liberté. »

    77 Discours du docteur Georges dans, Rapport et mémoire sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, in Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. XXXV, « Séguin était associé politiquement avec les chefs du parti radical de son époque ».

    78 Thuillier Guy, op. cit., 1998, p. 42.

    79 Morel Augustin, « Sociétés savantes, Société médico-psychologique, séance du 30 novembre 1868 », in Annales médico-psychologiques, n° 1, Paris, Masson, 1869, p. 283.

    80 Chevalier Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses pendant la première moitié du xixe siècle, Paris, Plon, 1969, p. 114.

    81 Augustin Morel (1809-1873) est un neuropsychiatre français. Docteur en 1839, il est l’élève de Falret et l’ami de Claude Bernard. Il devient médecin à la Salpêtrière en 1841. Il voyage dans différents pays pour étudier les différents asiles d’aliénés. À partir de 1848, il est médecin-chef d’asile et entreprend de réformer les conditions de vie des patients hospitalisés. D’après le Dictionnaire historique des médecins, Paris, Bordas, 1999, p. 437.

    82 Morel Augustin, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine, Paris, J.-B. Baillière, 1857.

    83 Morel Augustin, Études cliniques, Traité théorique et pratique des maladies mentales considérées dans leur nature, leur traitement et dans leur rapport avec la médecine légale des aliénés, tome 1, Paris, J.-B. Baillière, 1852, p. 1-123.

    84 Le titre générique Les Rougon-Macquart regroupe un ensemble de vingt romans écrits par Émile Zola entre 1871 et 1893. Il porte comme sous-titre Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. L’ouvrage a notamment pour but d’étudier les tares héréditaires d’une famille sur cinq générations.

    85 Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852. C’est le premier rapport sur la situation de Bicêtre et de la Salpêtrière depuis 1833.

    86 Bru Paul, op. cit., 1890, p. 275.

    87 L’inspecteur général du service des aliénés, Guillaume Ferrus, consulté sur l’application de la loi de 1838 aux idiots, avait déclaré nettement que les idiots et imbéciles pouvaient être rangés parmi les aliénés dangereux, sans doute pour procurer aux idiots des secours. La déclaration de Ferrus sur ce sujet, dans une lettre au ministre de l’Intérieur en date du 5 décembre 1845, est publiée en annexe du rapport de Davenne.

    88 Séguin Édouard, op. cit., 1997, p. 199-204.

    89 Morel confirme le diagnostic d’incurabilité des idiots, imbéciles et crétins, mais il considère que la médecine mentale doit se diffuser à l’extérieur de l’asile et mener un travail de prévention. Par ailleurs, il indique que « les idiots, les imbéciles, les crétins, les épileptiques, autrement dit une foule de non valeurs sociales, tendent à refluer vers les asiles où ils s’immobilisent et prennent la place des véritables aliénés », in Castel Robert, op. cit., 1976, p. 272.

    90 Davenne Jean-Baptiste, op. cit., 1852, indique que « d’après la statistique générale de la France, publiée pour 1841 par le ministère du Commerce, on compte dans ce pays 226 idiots sur 1000 aliénés. Il y aurait donc, aujourd’hui, d’après le chiffre total des aliénés indigents (16 719) donné par M. le docteur Parchappe, environ 3780 ».

    91 Louis Delasiauve (1804-1893) docteur en médecine à Paris en 1830, il entre à Bicêtre (de juillet 1851 à juillet 1865) comme médecin-chef à la 3e division des aliénés de l’hospice. Il a la tutelle de l’école dirigée par Vallée (successeur de Séguin en 1843). Il est nommé médecin-chef à l’asile de la Salpêtrière en 1865.

    92 Delasiauve Louis, op. cit., 1859.

    93 Delasiauve Louis, in Pélicier Yves et Thuillier Guy, op. cit., 1996, p. 283.

    94 Parchappe du Vinay Jean-Baptiste, Des principes à suivre dans la fondation et la construction des asiles d’aliénés, Paris, Masson, 1853, p. 32.

    95 Bru Paul, op. cit., 1890, p. 279.

    96 D’Haussonville Paul-Gabriel, L’enfance à Paris, Paris, Calmann Lévy, 1879, p. 175.

    97 Du Camp Maxime, Paris, ses organes, ses fonctions, sa vie dans la seconde moitié du xixe siècle (1869-1875), tome IV, Paris, Hachette et Cie, 1875. Voir également Du Camp Maxime, « Les écoles d’idiots de Bicêtre et de la Salpêtrière », in Revue des deux mondes, 1er novembre 1872, p. 52-54.

    98 « Mardi 7 mai 1895, il vient de mourir, ces temps-ci, une sainte laïque, Mlle Nicole, qui était parvenue à se faire admettre à la Salpêtrière pour soigner sa mère, et qui, après la mort de cette mère, cherchant l’emploi de son doux cœur aimant, avait pris la tâche de faire lire les petites idiotes, par l’ingéniosité de ses inventions, par la tendresse de ses imaginations », in Goncourt Edmond, Journal des Goncourts. Mémoires de la vie littéraire, troisième série, troisième volume, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1896,

    99 Bourneville Désiré Magloire, Assistance traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés, rapport fait au congrès national d’Assistance publique (session de Lyon, juin 1894), Paris, Progrès Médical (bibliothèque d’éducation spéciale, IV), Félix Alcan, 1895, p. 66.

    100 Laisné Napoléon, op. cit., t. 2, 1880, p. 84.

    101 Parchappe du Vinay Jean-Baptiste, op. cit., 1853, p. 34.

    102 Le traitement du professeur de gymnastique M. Laisné, est de 6000 fr. pour son enseignement à Bicêtre, la Salpêtrière (3 fois par semaine pendant 1 heure), l’hôpital des enfants-malades, l’hôpital Sainte-Eugénie et l’hospice des enfants-assistés. À la Salpêtrière, il se fait remplacer par une maîtresse de gymnastique, Mlle fieffe et à Bicêtre par un maître, M. Goy, d’après Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1892, p. 19.

    103 Ibid, p. 19.

    104 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 67.

    105 Séguin Édouard, Report on Education, 2e édit., Milwaukee, Wisconsin, Doerflinger, 1880, Traduction française par Boutillier A., in Bourneville Désiré Magloire, Rapports et mémoires sur l’éducation des enfants normaux et anormaux, Bibliothèque d’éducation spéciale, volume III, Paris, Alcan, 1895, p. 144-145.

    106 Thuillier Guy, op. cit., 1998, p. 40.

    107 Constans Augustin, Lunier Jules-Joseph et Dumesnil Octave, op. cit., 1878, p. 61.

    108 Bourneville Désiré Magloire, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi adopté par le Sénat, tendant à la révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, annexe au procès-verbal de la séance du 12 juillet 1889, n° 3934, Paris, Chambre des députés, 1889, p. 6-15.

    109 Roussel Théophile, Rapport au Sénat de la commission relative à la révision de la loi du 30 juin 1838, Paris, 1884, p. 5. In Castel Robert, op. cit., 2004, p. 236.

    110 Parchappe du Vinay Jean-Baptiste, op. cit., 1853, cité par Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1895, p. 142.

    111 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1890, p. 26.

    112 Bourneville Désiré Magloire, op. cit., 1889, p. 24-26.

    113 Reyre Gérard, op. cit., 1987, p. 172.

    114 Un rapport du Sénat du 12 décembre 1867 adopte les conclusions suivantes : « La commission exprime le vœu que, pour éviter l’encombrement (dans les asiles d’aliénés) l’autorité compétente n’ordonne l’admission que de véritables aliénés […] dangereux soit pour la sûreté ou la pudeur publique, soit pour eux-mêmes, laissant à domicile ou dans leurs familles, les idiots, crétins ou aliénés incurables, inoffensifs », in Moniteur du 13 décembre 1867, source d’après Reyre Gérard, op. cit., 1987, p. 174.

    115 « Les pensionnaires suivent une scolarité et sont initiées aux soins d’hygiène, au ménage, à l’entretien de leur vestiaire. Elles sont éveillées à la musique, à la vie de la nature avec les fleurs d’un jardin, les arbres séculaires, à la vie évangélique », in Corriger Michel, Cent cinquante ans d’histoire (1848-1998), La Force, Fondation John Bost, 1998, p. 17.

    116 « Pavillons et services de la fondation John Bost », in Notre Prochain, numéro spécial, n° 292, juin 1998, p. 20.

    117 En Angleterre, John Conolly (1794-1866), acteur du mouvement philanthropique, met en place le principe de « l’Open door » dans les asiles de l’époque afin de laisser plus de liberté aux malades mentaux. Ces expériences remettent fortement en cause le rapport du médecin au malade et soulèvent de vives critiques au sein des aliénistes français, à l’exception de Magnan et Morel, in Pélicier Yves, Histoire de la psychiatrie, Paris, PUF, 1971.

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