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1914

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Marine Branland

Basculements

Londres en 1914 : théâtre d’un affrontement artistique, miroir de luttes politiques

Oriane Marre

Résumé

Au cours de l’année 1914, les organes de presse des partis politiques anglais affirment le rôle d’avant-garde des futuristes et vorticistes par l’emploi du champ lexical de la guerre, à trois moments : lors de la rencontre entre l’avant-garde italienne et l’avant-garde anglaise, au cours de l’affrontement entre leurs représentants qui provoque la naissance du vorticisme et, enfin, lors de l’entrée en guerre du pays. L’analyse de la presse politique qui suit les manifestations de ces avant-gardes et consacre leur rôle de miroir des bouleversements de la société anglaise permet d’étudier la manière dont l’opinion publique, à Londres, pense la guerre, durant l’année 1914, ainsi que le contexte politique dans lequel elle va survenir.

Texte intégral

  • 1 Hewison Robert, « Fog in the Channel : The British Dialogue with Modernism », in Blast to freeze : (...)
  • 2 Koss Stephen, The Rise and Fall of the Political Press in Britain : The Twentieth Century, vol. 2, (...)
  • 3 Wees William, Vorticism and the English Avant-Garde, Toronto et Buffalo, University of Toronto pres (...)
  • 4 Black Jonathan, « Taking Heaven by Violence : Futurism and Vorticism seen by the British Press 1912 (...)
  • 5 Buchowska Dominika, « Around the galleries : art exhibitions in London in 1914 through the eyes of (...)

1Le mouvement vorticiste, né en 1914 d’une querelle entre l’avant-garde anglaise et le futurisme italien que Marinetti tente d’exporter à Londres, connaît une grande audience dans la société anglaise1. Les mouvements d’avant-garde trouvent dans la presse, qui joue un rôle crucial au sein de la vie politique anglaise2, un vecteur particulièrement efficace. Des historiens ont étudié le contexte politique dans lequel le vorticisme apparaît, à l’instar de William Wees qui établit un parallèle entre la violence des vorticistes et celle des suffragettes et des unionistes, révélant l’intérêt des artistes pour ces rebelles sans toutefois aborder leur réception politique3. Un certain intérêt pour la réception du vorticisme dans la presse semble esquissé par Jonathan Black4. Dominika Buchowska5, propose, quant à elle, un panorama de la critique artistique pour l’année 1914. Ces historiens dévoilent l’image des avant-gardes véhiculée par la presse sans toutefois faire de distinction entre presse politique et artistique. Une étude de la presse d’opinion permet pourtant d’étudier la réception de ces avant-gardes auprès des travaillistes, libéraux et conservateurs, acteurs de la vie politique anglaise.

  • 6 La consultation des albums de coupures de presse de Christopher Nevinson (Tate Gallery, Archive 731 (...)
  • 7 Deschamps H.-Th., « La Presse comme document d’histoire de l’opinion : un cas d’application », in A (...)

2 Dans les mois qui précèdent l’entrée en guerre de l’Angleterre, la presse politique devient une source particulièrement intéressante pour l’historien6 : n’ayant pas vocation à discourir sur l’art, elle est un véritable « miroir quotidien7 » qui présente une hiérarchie des valeurs, des événements dont elle garde la trace. Elle aide à comprendre les attentes et réactions des lecteurs politisés discernables à travers les articles. Par cette démarche il n’est pas question de faire parler les toiles mais de rechercher les interprétations, si subjectives soient-elles, qu’en ont donné les contemporains politisés des artistes. La réception politique de l’affrontement entre futuristes et vorticistes reflète le contexte politique dans lequel la guerre va survenir. Au cours de l’année 1914, les journalistes politiques affirment le rôle d’avant-garde des futuristes et vorticistes par l’emploi du champ lexical de la guerre, en trois temps : au moment de la rencontre entre l’avant-garde italienne et l’avant-garde anglaise, au cours de l’affrontement entre leurs représentants qui provoque la naissance du vorticisme et, enfin, lors de l’entrée en guerre du pays.

Un paysage artistique bousculé par létranger

  • 8 Écrivain et historien de l’art, Claude Phillips devient le critique d’art du Daily Telegraph à la f (...)
  • 9 Phillips Claude, « Goupil Gallery : The London Group », in Daily Telegraph, non daté [10 mars 1914] (...)
  • 10 Fondé en 1821 par John Edward Taylor, le journal est dirigé depuis 1872 par le député libéral Charl (...)
  • 11 J. B., « The Hunt for X. : The Futurists at the Goupil », in Manchester Guardian, 7 mars 1914, p. 1 (...)
  • 12 Bomberg David, In the Hold, vers 1913-1914, huile sur toile, 196,2 x 231,1 cm, Londres, Tate Galler (...)

3Le 6 mars 1914, la première exposition du London Group présente les œuvres de David Bomberg, Jacob Epstein, Frederick Etchells, Wyndham Lewis, Christopher Nevinson et Edward Wadsworth. Les journalistes – plus particulièrement les critiques des quotidiens conservateurs – usent de l’isotopie de guerre pour évoquer la violence des propositions des artistes de l’avant-garde anglaise. Claude Phillips8 compare ces jeunes artistes à des chefs de guerre qui pillent tout sur leur passage : « leurs hordes ont envahi la société et se sont victorieusement approprié la majorité de l’espace mural disponible9. » Leurs œuvres abstraites demeurent incompréhensibles pour la plupart des journalistes comme le révèle un article du quotidien libéral le Manchester Guardian10 : « Apparemment, les motifs sont des mains, portant une cargaison jaune, qui émergent de l’obscurité d’une cale. Cela produit un effet irritant et dans ce sens stimulant, et ce serait un motif attrayant pour un tapis, car il pourrait inciter les gens à danser11. » In the Hold12 représente bien une scène de port : des marins déchargeant la cale d’un navire. David Bomberg brouille cependant la compréhension de sa toile par une grille qui domine l’espace et en perturbe la lecture, expérimentant ainsi la dissolution d’un sujet dans un motif composé de formes géométriques.

  • 13 Fondé en 1900 par Arthur Pearson, ce quotidien est repris en 1909 par Ralph David Blumenfeld, journ (...)
  • 14 Anonyme, « The Progress of Futurism : Futurist statuary on view in London », in Manchester Guardian(...)
  • 15 Anonyme, « Lunacy Masquerading as Art », in Daily Express, op. cit.
  • 16 Ibid.

4Depuis novembre 1913, le poète italien Marinetti introduit le futurisme à Londres. Il organise des manifestations artistiques comme la deuxième exposition des futuristes italiens aux Doré Galleries d’avril à mai 1914. Les journaux représentant les trois principaux partis politiques anglais annoncent cet événement ou en font le compte rendu. Le Manchester Guardian et le Daily Express13 proposent même à leurs lecteurs des photographies de plusieurs sculptures futuristes14. Le journaliste du Daily Express se livre à une véritable condamnation du futurisme italien, qualifiant l’autoportrait de Marinetti de « folie laide et débridée15 », et poursuivant : « Il n’est pas nécessaire de démontrer que la presque totalité des excentricités labellisées futuristes sont des horreurs complètes16. »

  • 17 Fondé en 1855 par Arthur Sleigh, le Daily Telegraph devient conservateur à partir de 1888 sous l’in (...)
  • 18 Wyndham Lewis, Christopher Nevinson et David Bomberg participent à cette exposition.
  • 19 Phillips Claude, « Art in Whitechapel : Twentieth Century Exhibition », in Daily Telegraph, non dat (...)
  • 20 Ibid.
  • 21 Cette toile, aujourd’hui disparue, est connue par une reproduction photographique publiée dans le M (...)
  • 22 Phillips Claude, « Art in Whitechapel… », in Daily Telegraph, op. cit.

5Cette invasion italienne est perçue par la plupart des conservateurs comme une tentative de pervertir l’Angleterre jusque-là préservée par son insularité. Ils développent, pour évoquer l’avant-garde, le topos de la maladie qui corrompt un corps sain. Claude Phillips, dans le Daily Telegraph17, décrit l’art anglais, au moment de l’exposition d’art du xxe siècle18, comme « infecté par quelque étrange et mystérieuse maladie19 ». Il le voit « rongé par le torrent de vitriol qui se déverse, défigurant tout ce qui est noble et spirituel dans l’art20 ». À travers l’exemple de Christopher Nevinson, il montre sa crainte d’une Angleterre gangrénée et accuse l’Europe d’être à l’origine de cette infection : « M. Nevinson est vraiment vilain dans The Strand ; No. II21, car lui, cubiste, se révèle être partiellement converti ou perverti par le futurisme italien22. » Claude Phillips voit dans The Strand No. II une preuve de l’attaque italienne que l’Angleterre subit et se surajoute à la contamination cubiste. Il dénonce les origines étrangères des mouvements qui ont influencé l’avant-garde anglaise et reproche au catalogue de l’exposition de ne pas mettre en garde le public :

  • 23 Ibid.

[…] il n’est pas suffisamment clairement mentionné que les mouvements en question sont absolument et entièrement d’origine étrangère. […] Aucune mention n’est faite […] du Señor Picasso, despotique monarque des cubistes et inventeur des M. Wyndham Lewis, Nevinson, Etchells, Bomberg et compagnie23.

  • 24 Walsh Michael, « Introduction », in London, Modernism and 1914, op. cit., p. 1-2.

6L’avertissement de Claude Phillips, met en évidence selon Michael Walsh une crise artistique, ressentie par certains critiques, et précédant la guerre24. Néanmoins un tel article révèle également une crise politique. Le critique assimile les artistes à des révolutionnaires dont les actes doivent être combattus :

  • 25 Phillips Claude, « Art in Whitechapel… », in Daily Telegraph, op. cit.

Nous avons déjà montré du doigt à plusieurs occasions que cet art ultra moderne, ou peu importe le nom que nous lui donnons, est bien là, il n’appartient plus au futur mais est bien parmi nous, sur nous. […] Et bien que les choses qu’ils produisent soient hideuses, nous ne pouvons en fermant les yeux et en cachant notre tête les faire disparaître d’un revers de la main ou faire croire au monde qu’ils n’existent pas. Nous devons y faire face25.

  • 26 Leruez Jacques, Les Partis politiques britanniques : du bipartisme au multipartisme, Paris, PUF, 19 (...)
  • 27 Claude Phillips déplore, par exemple, la « férocité brutale et absurde » avec laquelle des suffrage (...)
  • 28 L’Union sociale et politique des femmes, fondée en 1903 par Emmeline Pankhurst, organise des manife (...)
  • 29 Anonyme, « Suffragette outrages », in Daily Telegraph, 21 avril 1914, p. 5.
  • 30 Richards Jill, « Model Citizens and Millenarian Subjects : Vorticism, Suffrage, and London’s Great (...)
  • 31 Wees William, op. cit., p. 34.

7Claude Phillips oppose terme à terme le déni et la lucidité. Le vocabulaire employé pour encourager à lutter contre ces artistes est très proche de celui que les conservateurs, défenseurs d’une conception hiérarchique de la société26 , utilisent pour dénoncer le manque de fermeté des libéraux face aux attentats des suffragettes27. Certes, le gouvernement libéral refuse systématiquement toute proposition de loi qui donnerait aux femmes le droit de vote, cependant, les conservateurs considèrent que les libéraux ignorent la gravité de leurs attaques28. Un article du même quotidien relaie les inquiétudes du député conservateur Douglas Hall qui demande au gouvernement s’il compte prendre des mesures pour empêcher les incendies criminels provoqués par les suffragettes, « ou s’il faut comprendre que les propriétaires de biens publics ou privés ne devraient plus s’attendre à être protégés de tels actes de violence29 ». Le caractère révolutionnaire des vorticistes et les liens que leurs prêtent les journalistes avec les suffragettes sont principalement dus, selon Jill Richards, au discours violent des artistes dans lequel se retrouve le vocabulaire de la lutte radicale30. Ils empruntent également aux militants politiques leurs moyens de communication tels que les conférences, les manifestes, la publicité31 .

Des conflits politiques mis en lumière

  • 32 Renaudeau Fernand, Le Parti travailliste de Grande-Bretagne, Paris, Éditions Montaigne, 1947.
  • 33 Bédarida François, La Société anglaise du milieu du xixe siècle à nos jours, Paris, Éditions du Seu (...)

8Le vorticisme se développe dans les mois qui précèdent l’entrée de l’Angleterre dans la Première Guerre mondiale, à un moment de transition. Le pays connaît avant-guerre des années agitées. Le gouvernement anglais doit faire face à l’opposition à la loi concernant l’autonomie de l’Irlande, Home Rule, ainsi qu’à une vague de grèves qui conduit à la création du parti travailliste32. Le combat pour l’émancipation politique des femmes s’intensifie également. Il apparaît néanmoins que jusqu’en 1914 la société anglaise, forte de son particularisme – son insularité et sa primauté industrielle et technologique assurant sa prospérité –, parvient à résister aux bouleversements. Ce n’est qu’avec sa participation à la Première Guerre mondiale, qui exacerbe les conflits intérieurs, que l’instabilité gagne le pays33. La guerre impose une rupture profonde, elle remet en cause l’insularité qui la tenait jusqu’ici éloignée de tout conflit, son traditionnel pacifisme ainsi que sa politique libérale.

  • 34 Écrivain et journaliste travailliste, George Slocombe sera reporter de guerre pour le Daily Herald.
  • 35 Le Daily Herald est fondé en janvier 1911 à la suite de la grève des typographes de Londres. En 191 (...)
  • 36 Slocombe G.E., « Solemn Insanity of Futurists : A Panorama of Pictorial Pyrotechnics », in Daily He (...)

9Le mouvement vorticiste naît publiquement le 11 juin 1914 lorsque Wyndham Lewis, Edward Wadsworth, Jacob Epstein, Ernest Hulme et Henri Gaudier-Brzeska, refusant de se laisser absorber par le futurisme italien, interrompent une conférence de Marinetti et Christopher Nevinson aux Doré Galleries. Les journalistes politiques emploient le champ lexical de la guerre pour présenter cet affrontement à l’instar de George Slocombe34 dans le Daily Herald35 qui évoque « un ahurissant panorama de pyrotechnie picturale, des post-impressionnistes, à présent conventionnels, aux vorticistes, dernières recrues bruyantes de l’armée de l’“Art Nouveau” (qui semble marcher au pas)36. » La réception de cette confrontation par la presse politique devient révélatrice du positionnement des principaux partis politiques anglais face aux conflits intérieurs à la veille de la Première Guerre mondiale.

  • 37 Anonyme, « Futurist Squabbles : English Artist’s Counterblast to Signor Marinetti », in Daily Expre (...)
  • 38 Richards Grant, « Between Stations », in Daily Sketch, 24 juin 1914. Tate Gallery, 7311.2A-55.

10Les articles issus de la presse conservatrice témoignent des peurs des milieux conservateurs face à tout facteur de désordre. Suite à cette soirée mouvementée, un article de l’organe de presse du parti conservateur rapproche les vorticistes des anarchistes : « Ces artistes rebelles sont des anarchistes qui refusent toute forme de commandement37. » Certains conservateurs craignent également que cette escarmouche, preuve de la corruption de l’art anglais, offre aux autres pays l’image d’une Angleterre affaiblie : « donnant l’impression au Continent qu’ici, dans le pays de Constable […] nous avons changé au point de devenir une proie facile pour n’importe quel peintre suffisamment insistant, suffisamment “novateur”, suffisamment véhément38 ». La presse conservatrice considère les manifestations de l’avant-garde artistique comme des signes de désordre social et d’affaiblissement du pays.

  • 39 T[ietjens] E[unice], « Our London Correspondence : Vorticism », in Manchester Guardian, 13 juin 191 (...)
  • 40 Anonyme, « Turbulent Scene at Labour Meeting : Chairs as Weapons », in Manchester Guardian, 5 Mars  (...)
  • 41 Novion François, La Presse anglaise contemporaine et ses grands quotidiens, Paris, Librairie Félix (...)
  • 42 Le lendemain de l’explosion à l’Abbaye de Westminster un article présente avec pathos le portrait d (...)
  • 43 Alors que le base du parti libéral est favorable au suffrage féminin, les dirigeants s’y opposent f (...)
  • 44 Fondé en 1855 ce journal est, à partir de 1904 sous la direction de Robert Donald, le représentant (...)
  • 45 Hind Lewis, « Rebel Art : Exhibits by the Philistines : From the Ordinary to the Extraordinary », i (...)

11La réception de cette bataille artistique permet également d’envisager les différentes mouvances du libéralisme. Eunice Tietjens, journaliste et poétesse américaine, consacre un article à la naissance publique du vorticisme dans le Manchester Guardian. Dès les premières phrases de son article résonne une certaine déception : « Les nouveaux sécessionnistes du groupe de Marinetti, MM. Wyndham Lewis, et compagnie, qui se font appeler maintenant les vorticistes, et qui s’étaient engagés au début à lui opposer une attitude belliqueuse, se sont tus très tôt dans la soirée39. » La journaliste semblait s’attendre et réclamer une intervention fracassante des vorticistes ; le verbe to promise évoque une promesse non tenue faite au public et peut-être espérée par les libéraux, lecteurs du Manchester Guardian. Cet article peut être mis en parallèle avec un autre, publié dans le quotidien le 5 mars 1914, qui relate l’intrusion de suffragettes dans une réunion de travaillistes : « les combats entre hommes et femmes devinrent si violents que l’on cria : “Appelez la police, la salle va être détruite”40. » Les vorticistes qui avaient annoncé une « attitude belliqueuse » sont incapables de rivaliser avec la hargne des suffragettes : le jour de l’altercation entre futuristes et vorticistes, ces dernières posaient une bombe dans l’Abbaye de Westminster. Sans approuver ces violences, le Manchester Guardian soutient le suffrage féminin41 et fait preuve d’empathie à l’égard des suffragettes42. Ce quotidien représente un courant radical du parti libéral, adoptant une attitude contraire à la ligne directrice du parti qui, en tant que parti de gouvernement, ne peut tolérer une telle insurrection43. La confrontation de ces deux articles semble révéler une certaine déception de la mouvance radicale du parti libéral vis-à-vis d’un mouvement artistique qui lui semblait prometteur, capable de remettre en cause des valeurs établies ou du moins de faire souffler un vent de liberté sur la scène artistique anglaise comme le sous-entend un article du Daily Chronicle44 à propos des vorticistes : « [ils] plaisent par leur couleur abstraite, leur rythme, […] mépris rebelle de la convention45. »

  • 46 G.R.S.T, « Reflections », in Daily Herald, 30 mai 1914, p. 12.
  • 47 Anonyme, « From Marinetti to Shaw », in Daily Herald, 8 juin 1914, p. 5.
  • 48 Le Star est fondé en 1888 par T. P. O’Connor. Cet Irlandais nationaliste évolue du conservatisme ve (...)
  • 49 Finberg A. J., sans titre, in Star, 30 juin 1914. Tate Gallery, 7311.2A-58.
  • 50 Leruez Jacques, Les Partis politiques britanniques…, op. cit., p. 102.

12Les articles rendant compte de cette lutte artistique sont également le lieu de l’affirmation politique du parti travailliste. Au détour d’une plaisanterie, les travaillistes abordent des questions de politique intérieure. Relatant, dans un article du Daily Herald, les frasques de Marinetti, un journaliste en profite pour affirmer son opposition au parti libéral. Évoquant les habits colorés que Marinetti encourage les anglais à revêtir, il ne peut s’empêcher de commenter : « Nous aurons un monde certainement plus vivant que celui que le cabinet libéral nous offre46. » Le parti travailliste s’oppose en effet au parti libéral, au pouvoir depuis 1905. Sa création remet en cause le bipartisme qui régit, depuis le xixe siècle, la vie politique anglaise. Un autre article du Daily Herald est le lieu d’une dénonciation des inégalités sociales. Le journaliste reproche à Marinetti sa fascination pour l’Angleterre dont il ignore les problèmes sociaux : « Il ne voit pas les dos courbés, ni ne remarque les estomacs affamés de la majorité de ceux qui produisent la richesse (matérielle) de l’Ile47. » Le journaliste profite de cet article consacré à Marinetti pour évoquer les conditions de vie des ouvriers qui sont les acteurs primordiaux de cette société mécanisée et l’électorat du parti travailliste. Dans le Star48, les vorticistes se voient reprocher de ne représenter que ce que la société mécanisée a de plus laid : leurs toiles deviennent « les hideuses suggestions de ce que la vie moderne a de plus inacceptable. Cela ressemble à une subtile distillation des bruits de la rue et de l’odeur des automobiles par un jour de canicule49 ». Les frasques des avant-gardes artistiques permettent aux organes travaillistes de se positionner comme porte-parole de la classe ouvrière, rôle que le parti travailliste n’assume pas pleinement car ce sont les syndicalistes révolutionnaires qui sont à l’origine des grèves pendant la période50.

Entrée en guerre et regard sur les œuvres de 1914

  • 51 Fondé en 1838, ce journal est racheté en 1861 par Robert Knight qui crée véritablement le Times of (...)
  • 52 Anonyme, « Chinese Tapestry : The Picture Show », in Times of India, 28 juillet 1914. Tate Gallery, (...)
  • 53 L’Evening News est fondé en 1881 comme organe libéral, il est cependant racheté, en 1894, par les f (...)

13À partir du 25 juillet 1914, le conflit européen fait son apparition dans les colonnes des quotidiens politiques anglais : la possibilité d’une entrée en guerre de l’Angleterre est évoquée dans le Times à partir du 30 juillet. Dans ce contexte, l’isotopie de guerre est réactivée par les journalistes politiques. Un article du Times of India51 du 28 juillet multiplie les références à l’armée à propos de la scission entre vorticistes et futuristes. La dernière phrase de cet article résonne comme une véritable condamnation du groupe : « aucune école n’a gagné de nouveaux territoires en sacrifiant entièrement le passé et misant sur le futur52. » En effet, la volonté des artistes de faire table rase mais également le contexte d’entrée en guerre de l’Angleterre semblent condamner le vorticisme à disparaître. Le 4 août 1914, l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne. Le 8 août, un journaliste de l’Evening News53 affirme la victoire des vorticistes dans cette lutte fratricide engagée contre le futurisme et semble, par ses multiples références au passé, établir une rupture nette entre l’ancien ordre stable et celui de la guerre :

  • 54 Anonyme, « Troubles of the Futurists », in Evening News, 8 août 1914. Tate Gallery, 7311.2A-77.

Il semble, d’après certains événements qui ont eu lieu le mois dernier à Londres, que le futurisme appartienne déjà au passé. […] le Signor Marinetti, qui se vantait d’être le plus vivant parmi les vivants, est, pour eux, ce que les américains appellent un mort54.

14Le journaliste poursuit en rapprochant les vorticistes des suffragettes qui mènent l’Angleterre à sa perte et dont les attentats sont particulièrement inacceptables dans ce contexte :

  • 55 Ibid.

Lors d’une récente conférence donnée à Londres par C. R. W. Nevinson, fidèle disciple du futurisme, un certain nombre de vorticistes, dont le leader se trouve être Wyndham Lewis, interrompirent les remarques de M. Nevinson à la façon de Sylvia Pankhurst55.

  • 56 Lewis Wyndham, Blast, [1914], Edwards Paul (éd.), Londres, Thames & Hudson, 2009, p. 151.
  • 57 Aucune mention du groupe vorticiste n’a été décelée dans les organes de lutte des suffragettes tels (...)
  • 58 Janet Lyon étudie les relations entretenues par Marinetti et les suffragettes. Elle note également (...)

15Avec leurs cris et explosions, dans ce contexte de guerre, les vorticistes semblent proches des suffragettes réunies autour de la fille d’Emmeline Pankhurst. Or une telle parenté dénoncée par les conservateurs n’est pas complètement infondée car, dans le premier numéro de la revue manifeste Blast56, les vorticistes bénissent les suffragettes Lilian Lenton et Freda Graham57. Ces artistes rendent publique leur sympathie, non pas tant pour le droit de vote des femmes que pour leur rejet du compromis et leur combativité58.

  • 59 Edward Wadsworth et David Bomberg s’engagent, après la deuxième exposition vorticiste, en 1915, Wyn (...)
  • 60 Nevinson Christopher, Returning to the Trenches, 1914, huile sur toile, 51,2 x 76,8 cm, Ottawa, mus (...)
  • 61 Fondé par Charles Dickens en 1846, ce journal est racheté par George Cadbury en 1901 et dirigé par (...)
  • 62 Anonyme, « Futurists and War : Startling Pictures at the Goupil Gallery », in Daily News, 6 mars 19 (...)
  • 63 Ibid.
  • 64 Mabileau Albert, Le Parti libéral dans le système constitutionnel britannique, Paris, Armand Colin, (...)

16Peu d’articles concernant l’avant-garde paraissent dans les premiers mois de guerre. Ce silence de la presse s’explique bien évidemment par le contexte mais également par l’inexistence d’expositions de l’avant-garde. Seuls Christopher Nevinson et Henri Gaudier-Brezska s’engagent dès 191459, leurs œuvres ne sont exposées qu’en 1915. Ce n’est donc qu’en 1915 qu’émerge une réception des œuvres de guerre de 1914 voire une réinterprétation d’œuvres antérieures au conflit. Ainsi, Returning to the Trenches60, la toile de guerre de Christopher Nevinson la plus empreinte de futurisme, qui a été réalisée dès 1914, n’est décrite par les journalistes politiques qu’à partir de 1915 lorsque ces derniers la découvrent lors de la seconde exposition du London Group au mois de mars. Un journaliste du quotidien libéral le Daily News61 impressionné par cette toile dont l’espace est presque entièrement occupé par une longue colonne de soldats qui avancent, fusil et paquetage au dos, s’exclame : « Le futurisme doit avoir été inventé en vue de la guerre62. » Les œuvres futuristes témoignent parfaitement de l’impression ressentie sur le front : « une impression de totale indifférence et vacuité, qui vient avec la fatigue, la saleté, les explosions d’obus, la faim, l’humidité et le froid63 ». La presse libérale s’empare de la figure de Christopher Nevinson qu’elle érige en exemple. En effet, les libéraux, à la tête de l’État, doivent assurer les conditions nouvelles du gouvernement de guerre, lourde tâche qui va à l’encontre de leur doctrine et provoque l’affaiblissement de leur parti. Les libéraux doivent ainsi renoncer aux thèmes qui leur sont chers tels que le libre échange, le pacifisme ou le principe du self-government64. Ils doivent, malgré eux, mener cette guerre et maintenir l’ordre dans le pays. Dans ce contexte, les futuristes et vorticistes sont présentés et reconnus comme de véritables artistes lorsqu’ils effectuent leur devoir envers l’Angleterre. Les journalistes sont heureux de découvrir des artistes qu’ils peuvent proposer comme modèles aux citoyens britanniques.

  • 65 Nevinson Christopher, The Arrival [My Arrival at Dunkirk], vers 1913, huile sur toile, 76,2 x 63,5  (...)
  • 66 Le catalogue de l’exposition C.R.W. Nevinson : The Twentieth Century met en avant cette capacité de (...)
  • 67 Anonyme, « War as the Futurist sees it », in Daily Graphic, 5 mars 1915, p. 10.

17Il est également intéressant de noter que certaines toiles peintes et exposées bien avant le conflit sont réinterprétées dans un contexte de guerre en 1915. Ainsi, la toile de Christopher Nevinson My Arrival65 qui avait été présentée lors de la première exposition du London Group en 1914, est renommée en 1915 My Arrival at Dunkirk66. Cette toile est reproduite par le Daily Graphic67 [Fig. 15] au même titre que Returning to the Trenches, comme œuvre de guerre et applaudie :

  • 68 Anonyme, « Futurists and War… », in Daily News, op. cit.

Cette incapacité à accommoder sa vue lorsqu’on approche d’un port en temps de guerre sera reconnue par tous ceux qui ont eu la malchance d’aller là-bas, à l’instar de votre serviteur. Si une personne sachant peindre pouvait jeter un rapide coup d’œil à Dunkerque avant d’être soudainement décapité, voici la toile qu’il peindrait après sa mort68.

18Le peintre est reconnu par la communauté des soldats et par les journalistes proches du parti qui gouverne comme sujet de fierté pour la nation. Les libéraux trouvent dans les artistes mobilisés des alliés du maintien de l’unité nationale.

  • 69 Hind Lewis, « Man and his Machine : More Warning From Art », in Evening News, 16 mars 1916, p. 2.
  • 70 Pour une analyse de la réception politique du vorticisme au cours des années 1913-1916, voir Marre (...)

19Au cours de l’année 1914, les conflits intérieurs qui pèsent sur le pays en guerre se révèlent à la faveur des articles de la presse politique consacrés aux avant-gardes. À partir de 1915, ces tensions vont se cristalliser autour de la figure de l’artiste d’avant-garde qui représente la guerre et dont les œuvres deviennent pour les journalistes le reflet déformé de cette société en pleine métamorphose. Les recherches abstraites des artistes sont alors associées à la disparition de l’humain et de la civilisation. Le conflit se prolongeant, la réception critique révèle une évolution du statut de l’artiste d’avant-garde qui de miroir de la vie politique en devient acteur. Il se mue, sous la plume des journalistes des différents organes politiques, en un être hors norme, clairvoyant, dispensateur d’un enseignement que les acteurs politiques ont refusé d’entendre. Lewis Hind achève ainsi un article consacré au Rock Drill de Jacob Epstein : « Pourtant mes amis amateurs de sculpture m’assurent que le Rock Drill d’Epstein n’est pas de l’art. “Très bien mes amis, dis-je, et bien appelez cela du génie”. Car le génie voit, sans préméditation, dans l’avenir, et n’en a pas peur69. » Plus que la violence du discours ou bien les sujets des œuvres, qui révéleraient un engagement de la part des artistes, l’autonomie acquise par des formes proches de l’abstraction leur offre véritablement le statut de témoins privilégiés de l’époque70. C’est donc la rencontre entre des œuvres d’art et le regard des journalistes de la presse d’opinion, qui interprètent l’acte artistique à travers le prisme du politique, qui transforme cette première avant-garde britannique en laboratoire d’expérimentations dont le retentissement dépasse le monde de l’art.

Fig. 15 : Coupure de presse. Anonyme, « War as the Futurist sees it », Daily Graphic, 5 mars 1915, p. 10. Paris, Bibliothèque nationale de France.

Fig. 15 : Coupure de presse. Anonyme, « War as the Futurist sees it », Daily Graphic, 5 mars 1915, p. 10. Paris, Bibliothèque nationale de France.

Notes

1 Hewison Robert, « Fog in the Channel : The British Dialogue with Modernism », in Blast to freeze : British Art in the 20th Century, Hewison Robert, et al. (dir.), Toulouse, Les Abattoirs, 2003, p. 14. Lemaire Georges, « Prolégomènes au vorticisme : Flux et reflux du futurisme en Angleterre », in Wyndham Lewis et le Vorticisme, Paris, Centre Georges Pompidou, Pandora Éditions, 1982, p. 11.

2 Koss Stephen, The Rise and Fall of the Political Press in Britain : The Twentieth Century, vol. 2, Londres, Hamish Hamilton, 1984, p. 2.

3 Wees William, Vorticism and the English Avant-Garde, Toronto et Buffalo, University of Toronto press, 1972.

4 Black Jonathan, « Taking Heaven by Violence : Futurism and Vorticism seen by the British Press 1912-1920 », in Blasting the Future ! : Vorticism in Britain 1910-1920, Londres, Estorick collection of modern Italian art, P. Wilson, 2004.

5 Buchowska Dominika, « Around the galleries : art exhibitions in London in 1914 through the eyes of the critics », in London, Modernism and 1914, Walsh Michael (dir.), Cambridge, Cambridge university press, 2010.

6 La consultation des albums de coupures de presse de Christopher Nevinson (Tate Gallery, Archive 7311) permet d’avoir un aperçu des articles consacrés aux futuristes et vorticistes. L’établissement d’un corpus de journaux porte-parole des différents partis politiques et leur dépouillement complet pour l’année 1914 rend possible l’étude du rapport de ces journaux à la politique et à l’art. Il permet également de découvrir des articles oubliés par les artistes.

7 Deschamps H.-Th., « La Presse comme document d’histoire de l’opinion : un cas d’application », in Annales du XXXVIe congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique, Gand, 1956, p. 311.

8 Écrivain et historien de l’art, Claude Phillips devient le critique d’art du Daily Telegraph à la fin des années 1880.

9 Phillips Claude, « Goupil Gallery : The London Group », in Daily Telegraph, non daté [10 mars 1914]. Tate Gallery, 7311.2A-4. Les traductions des articles sont de l’auteur.

10 Fondé en 1821 par John Edward Taylor, le journal est dirigé depuis 1872 par le député libéral Charles Prestwich Scott.

11 J. B., « The Hunt for X. : The Futurists at the Goupil », in Manchester Guardian, 7 mars 1914, p. 10.

12 Bomberg David, In the Hold, vers 1913-1914, huile sur toile, 196,2 x 231,1 cm, Londres, Tate Gallery.

13 Fondé en 1900 par Arthur Pearson, ce quotidien est repris en 1909 par Ralph David Blumenfeld, journaliste très proche des milieux conservateurs et favorable au parti unioniste d’Edward Carson.

14 Anonyme, « The Progress of Futurism : Futurist statuary on view in London », in Manchester Guardian, 8 mai 1914, p. 7. Anonyme, « Lunacy Masquerading as Art », in Daily Express, 30 avril 1914, p. 4.

15 Anonyme, « Lunacy Masquerading as Art », in Daily Express, op. cit.

16 Ibid.

17 Fondé en 1855 par Arthur Sleigh, le Daily Telegraph devient conservateur à partir de 1888 sous l’influence de son directeur John le Sage et se fait le défenseur de la politique de Chamberlain.

18 Wyndham Lewis, Christopher Nevinson et David Bomberg participent à cette exposition.

19 Phillips Claude, « Art in Whitechapel : Twentieth Century Exhibition », in Daily Telegraph, non daté [10 mai 1914]. Tate Gallery, 7311.125.

20 Ibid.

21 Cette toile, aujourd’hui disparue, est connue par une reproduction photographique publiée dans le Manchester Guardian. Anonyme, « A Futurist’s Conception of a London Street », in Manchester Guardian, 5 mars 1914, p. 10.

22 Phillips Claude, « Art in Whitechapel… », in Daily Telegraph, op. cit.

23 Ibid.

24 Walsh Michael, « Introduction », in London, Modernism and 1914, op. cit., p. 1-2.

25 Phillips Claude, « Art in Whitechapel… », in Daily Telegraph, op. cit.

26 Leruez Jacques, Les Partis politiques britanniques : du bipartisme au multipartisme, Paris, PUF, 1982, p. 32.

27 Claude Phillips déplore, par exemple, la « férocité brutale et absurde » avec laquelle des suffragettes se sont attaquées à cinq toiles de la National Gallery, le 22 mai. Phillips Claude, « Suffragette war : More Picture outrages : Pictures described », in Daily Telegraph, 23 mai 1914, p. 11.

28 L’Union sociale et politique des femmes, fondée en 1903 par Emmeline Pankhurst, organise des manifestations pour l’obtention du droit de vote mais également des attentats. Face au mépris du gouvernement, l’organisation se radicalise à partir de 1905. Mayhall Laura, The Militant Suffrage Movement : Citizenship and Resistance in Britain, 1860-1930, New York, Oxford University Press, 2003, p. 49-50, 107-108. De nombreux articles du Daily Express condamnent ces attentats : Anonyme, « Bomb Explosion in the Abbey : Latest Exploit of the Militant Madwomen », in Daily Express, 12 juin 1914, p. 1.

29 Anonyme, « Suffragette outrages », in Daily Telegraph, 21 avril 1914, p. 5.

30 Richards Jill, « Model Citizens and Millenarian Subjects : Vorticism, Suffrage, and London’s Great Unrest », in Journal of Modern Literature, vol. 37, n° 3, printemps 2014, Bloomington, Indiana University Press.

31 Wees William, op. cit., p. 34.

32 Renaudeau Fernand, Le Parti travailliste de Grande-Bretagne, Paris, Éditions Montaigne, 1947.

33 Bédarida François, La Société anglaise du milieu du xixe siècle à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 1990, p. 237-241.

34 Écrivain et journaliste travailliste, George Slocombe sera reporter de guerre pour le Daily Herald.

35 Le Daily Herald est fondé en janvier 1911 à la suite de la grève des typographes de Londres. En 1912, avec l’appui de chefs du parti travailliste tels que Ben Tillett, T. E. Naylor et George Lansbury qui le dirige à partir de 1913, il devient le quotidien des travaillistes.

36 Slocombe G.E., « Solemn Insanity of Futurists : A Panorama of Pictorial Pyrotechnics », in Daily Herald, 12 juin 1914, p. 9. Tate Gallery, 7311.2A-16.

37 Anonyme, « Futurist Squabbles : English Artist’s Counterblast to Signor Marinetti », in Daily Express, 11 juin 1914, p. 6. Tate Gallery, 7311.2A-14.

38 Richards Grant, « Between Stations », in Daily Sketch, 24 juin 1914. Tate Gallery, 7311.2A-55.

39 T[ietjens] E[unice], « Our London Correspondence : Vorticism », in Manchester Guardian, 13 juin 1914, p. 8. Tate Gallery, 7311.2A-21.

40 Anonyme, « Turbulent Scene at Labour Meeting : Chairs as Weapons », in Manchester Guardian, 5 Mars 1914, p. 9.

41 Novion François, La Presse anglaise contemporaine et ses grands quotidiens, Paris, Librairie Félix Alcan, 1925, p. 124.

42 Le lendemain de l’explosion à l’Abbaye de Westminster un article présente avec pathos le portrait d’une ancienne suffragette qui vient de se suicider : Anonyme, « Ex-militant’s death : Tragic Story of a Gifted Girl », in Manchester Guardian, 12 juin 1914, p. 10.

43 Alors que le base du parti libéral est favorable au suffrage féminin, les dirigeants s’y opposent fermement. Rover Constance, Women’s suffrage and party politics in Britain, 1866-1914, Londres, Routledge et Kengan Paul, 1967, p. 115-142.

44 Fondé en 1855 ce journal est, à partir de 1904 sous la direction de Robert Donald, le représentant de l’aile radicale du parti libéral, fervent soutien de Lloyd George.

45 Hind Lewis, « Rebel Art : Exhibits by the Philistines : From the Ordinary to the Extraordinary », in Daily Chronicle, 25 juin 1914. Tate Gallery, 7311.2A-53.

46 G.R.S.T, « Reflections », in Daily Herald, 30 mai 1914, p. 12.

47 Anonyme, « From Marinetti to Shaw », in Daily Herald, 8 juin 1914, p. 5.

48 Le Star est fondé en 1888 par T. P. O’Connor. Cet Irlandais nationaliste évolue du conservatisme vers le libéralisme ; son journal, dirigé de 1908 à 1920 par James Douglas, s’adresse principalement à un lectorat ouvrier.

49 Finberg A. J., sans titre, in Star, 30 juin 1914. Tate Gallery, 7311.2A-58.

50 Leruez Jacques, Les Partis politiques britanniques…, op. cit., p. 102.

51 Fondé en 1838, ce journal est racheté en 1861 par Robert Knight qui crée véritablement le Times of India. Il est racheté en 1892 par Thomas Bennett et Frank Morris Coleman.

52 Anonyme, « Chinese Tapestry : The Picture Show », in Times of India, 28 juillet 1914. Tate Gallery, 7311.2A-72.

53 L’Evening News est fondé en 1881 comme organe libéral, il est cependant racheté, en 1894, par les frères Alfred et Harold Harmsworth qui en font un soutien du parti conservateur.

54 Anonyme, « Troubles of the Futurists », in Evening News, 8 août 1914. Tate Gallery, 7311.2A-77.

55 Ibid.

56 Lewis Wyndham, Blast, [1914], Edwards Paul (éd.), Londres, Thames & Hudson, 2009, p. 151.

57 Aucune mention du groupe vorticiste n’a été décelée dans les organes de lutte des suffragettes tels que Woman’s Dreadnought de Silvia Pankhurst, Suffragette de Christabel Pankhurst, et Votes for Women dirigé par Frederick et Emmeline Pethick Lawrence. Ces journaux, qui se développent dans des conditions difficiles, sont tout entiers tournés vers la lutte pour l’obtention du droit de vote ; ils ne s’occupent donc pas de questions artistiques. Une telle constatation nuance l’association entre les vorticistes et les suffragettes : ces combattantes ne semblent pas avoir relevé les encouragements qui leur étaient adressés par les artistes.

58 Janet Lyon étudie les relations entretenues par Marinetti et les suffragettes. Elle note également que la plupart des artistes de l’avant-garde sont favorables au suffrage féminin, néanmoins le principal point de contact entre les suffragettes et les vorticistes vient de leur volonté de se différencier avec violence de la bourgeoisie, notamment à travers leurs écrits. Lyon Janet, Manifestoes : Provocations of the Modern, Ithaca, Londres, Cornell University Press, 1999, p. 92-123.

59 Edward Wadsworth et David Bomberg s’engagent, après la deuxième exposition vorticiste, en 1915, Wyndham Lewis et William Roberts en février 1916, anticipant la mobilisation qui fait suite à l’adoption du Military Service Act en janvier 1916.

60 Nevinson Christopher, Returning to the Trenches, 1914, huile sur toile, 51,2 x 76,8 cm, Ottawa, musée des Beaux-Arts du Canada.

61 Fondé par Charles Dickens en 1846, ce journal est racheté par George Cadbury en 1901 et dirigé par Alfred George Gardiner à partir de 1902.

62 Anonyme, « Futurists and War : Startling Pictures at the Goupil Gallery », in Daily News, 6 mars 1915. Tate Gallery, 7311.2A-103.

63 Ibid.

64 Mabileau Albert, Le Parti libéral dans le système constitutionnel britannique, Paris, Armand Colin, 1953, p. 30-31.

65 Nevinson Christopher, The Arrival [My Arrival at Dunkirk], vers 1913, huile sur toile, 76,2 x 63,5 cm, Londres, Tate Gallery.

66 Le catalogue de l’exposition C.R.W. Nevinson : The Twentieth Century met en avant cette capacité de Christopher Nevinson à donner un nouveau sens à son travail afin de susciter l’intérêt de la presse. C.R.W. Nevinson : The Twentieth Century, Londres, M. Holberton et Imperial war museum, 1999, p. 75.

67 Anonyme, « War as the Futurist sees it », in Daily Graphic, 5 mars 1915, p. 10.

68 Anonyme, « Futurists and War… », in Daily News, op. cit.

69 Hind Lewis, « Man and his Machine : More Warning From Art », in Evening News, 16 mars 1916, p. 2.

70 Pour une analyse de la réception politique du vorticisme au cours des années 1913-1916, voir Marre Oriane, « In front of the Distorting Mirror of the Vortex : the Reception of Voricism in the British Political Press (1913-1916) », E-rea [en ligne], 13/02/2016.

Table des illustrations

Titre Fig. 15 : Coupure de presse. Anonyme, « War as the Futurist sees it », Daily Graphic, 5 mars 1915, p. 10. Paris, Bibliothèque nationale de France.
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Auteur

Doctorante en histoire de l’art à l’université Paris-Sorbonne Paris IV, étudie dans le cadre de sa thèse, qu’elle prépare sous la direction de M. Arnauld Pierre, la réception politique des avant-gardes en France de l’impressionnisme au fauvisme. Elle s’intéresse tout particulièrement, depuis ses recherches de master consacrées à la réception politique du mouvement vorticiste, à la réception des mouvements d’avant-garde à travers la presse d’opinion ce qui la conduit à questionner la notion d’avant-garde en l’étudiant à travers le prisme du politique.

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