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Morale et cognition

 | 
Isabelle Rivoal
, 
Monica Heintz

Comment le commérage et la réputation peuvent promouvoir des comportements moraux chez l’être humain1

Francesca Giardini and Rosaria Conte (†)

Full text

  • 1  Traduit de l’anglais par Monica Heintz.
  • 2  (Exod. 23 : 1, Lev. 19 : 16).

1Le commérage est un phénomène social répandu dans toutes les sociétés et cultures humaines. C’est une activité plaisante et excitante qui ne connaît pas de limites spatiales : des sociétés traditionnelles à l’internet, on rencontre le commérage dans toutes les organisations et tous les types de groupe social. Il est traditionnellement fait référence au commérage sous les termes de « cancan », « ragot », ou encore « mauvaise langue » et beaucoup de ses connotations négatives proviennent de références religieuses2.

  • 3  Henry Lanz, « Metaphysics of gossip », in International Journal of Ethics, vol. 46, n° 4, 1936, p. (...)
  • 4  Ibid, p. 494

2En vieux français, le terme commérage vient de la commère ou du compère avec lequel on partage ce type de discussion. Les connotations négatives s’affirmeront seulement par la suite, même si elles deviennent progressivement une des principales caractéristiques du commérage. Dans de nombreuses études, le commérage est envisagé comme un phénomène impropre et chargé de subjectivité3, quand on ne fait pas référence directement aux « maux » du commérage : « Dans le commérage, nous prenons plaisir à parler des fautes des autres et rarement de leurs mérites. Nous aimons le mal pour le mal, puisque nous prenons plaisir aux erreurs et fautes. Nous sommes contents de les voir résister et fleurir. Nous sommes même prêts à augmenter leur nombre et à exagérer leur gravité4 ».

  • 5  Mike Noon & Rick Delbridge, « News from behind my hand : Gossip in organizations », in Organizatio (...)

3Il y a tout de même des études plus neutres sur le commérage qui le définissent comme « le processus par lequel on transmet informellement une information chargée de valeur sur les membres d’un groupe social5 ». Cette information fait référence habituellement au comportement d’un individu et à l’incompatibilité entre ce comportement et les règles sociales et morales de la société.

  • 6  Bianca Beersma & Gerben A. van kleef, « How the grapevine keeps you in line : Gossip increases con (...)
  • 7  Melissa Bateson, Daniel Nettle, Gilbert Roberts, « Cues of being watched enhance cooperation in a (...)
  • 8  Ronald Stuart Burt, « Gossip and Reputation », in Management et réseaux sociaux : ressource pour l (...)

4Le commérage sert donc à affirmer ce qui est considéré moral dans une situation donnée et ce qui ne l’est pas, et il sert de contrôle social informel dans une communauté. Le commérage constitue une des sanctions les plus fortes dans la vie sociale et joue un rôle crucial dans la promotion et le maintien des valeurs morales et de l’ordre social, c’est-à-dire dans la promotion d’un comportement bénéfique pour le groupe même quand ce comportement est « coûteux » pour l’individu (c-à-d contraire à ses désirs). Ceci a lieu indirectement par le biais des commérages qui nuisent sévèrement aux réputations et déterminent le standing et l’acceptabilité des individus comme partenaires des autres membres des groupes sociaux. Nous soutenons que la fonction du commérage est de renforcer le contrôle social et l’obéissance à la norme, et que le mécanisme proximal qui a évolué afin d’assurer cette fonction est un mécanisme de gestion des réputations. La gestion des réputations fait référence à un ensemble de capacités humaines qui impliquent des processus très sophistiqués et d’un haut niveau cognitif. Des preuves expérimentales suggèrent que les humains montrent une sensibilité particulière à la possibilité d’être évalués par les autres6, et deviennent plus coopératifs sous « la menace du commérage ». Cette sensibilité semble si incorporée par les individus qu’elle les amène à être moins égoïstes simplement quand des images d’yeux s’affichent en fond d’écran dans les tests computerisés où ils sont impliqués dans une tâche de coopération7. Considérés ensemble, la réputation et le commérage jouent un rôle majeur dans la motivation des individus d’obéir aux normes et valeurs sociales. Le commérage est le moyen par lequel les réputations se construisent, se consolident ou sont détruites, ou comme disait Ron Burt : « En fait les réputations ne naissent pas de ce que nous faisons, mais de comment les gens parlent de ce que nous faisons. Ce sont les histoires positives ou négatives sur vous, le commérage, qui définit votre réputation8 ».

  • 9  Richard D. Alexander, The Biology of moral systems, New York NY, Aldine de Gruyter, 1987.

5Si la réciprocité indirecte basée sur la réputation a été proposée comme solution possible pour renforcer la coopération entre des individus égoïstes9, on en sait moins sur le lien entre commérage et réputation. Nous souhaitons proposer dans ce chapitre une théorie du commérage en tant qu’outil de gestion de la réputation, en insistant sur l’importance du processus de transmission de l’information et en analysant ses conséquences. Nous allons proposer la simulation sociale des comportements des agents (ABSS : Agent-Based Social Simulation) comme une méthode utile pour l’enquête sur les phénomènes sociaux émergents difficiles à isoler et à observer dans des conditions naturelles, et nous rendrons compte de quelques résultats sur l’étude du commérage dans un environnement de simulation virtuelle.

Un double problème dadaptation

  • 10  Elinor Ostrom, Governing the commons : The evolution of institutions for collective action, Cambri (...)
  • 11  John Maynard-Smith, Evolution and the theory of games, Cambridge MA, Cambridge University Press, 1 (...)

6Les sociétés humaines connaissent beaucoup de situations où existe un conflit entre les intérêts des individus et entre les intérêts des individus et ceux du groupe. L’évasion fiscale, la stratégie du free riding (le ticket gratuit, dans les transports en commun par exemple), l’utilisation excessive des ressources communes sont tous des exemples de dilemmes sociaux10. Dans les sciences de la vie et les sciences sociales, ces situations sont généralement appelées des « puzzles de coopération », qui peuvent être présentés comme ceci : « comment la sélection naturelle peut-elle produire des situations qui requièrent d’aider, à un coût élevé pour l’agent, des étrangers non génétiquement reliés » ? En termes évolutionnaires, dans une situation où les agents coopérants peuvent être exploités par ceux qui s’arrogent les bénéfices de la coopération sans payer en échange, les non-altruistes vont nécessairement faire mieux et finir par éliminer les altruistes11 ».

  • 12  David Hirshleifer & Eric Rasmusen, « Cooperation in a repeated prisoners’ dilemma with ostracism » (...)
  • 13  Ernst Fehr & Simon Gächter, « Altruistic punishment in humans », in Nature, vol. 415, n° 6868, 200 (...)

7Les solutions à ce problème d’adaptation peuvent être regroupées en deux ensembles, qui dépendent de la nature des mécanismes : réactifs ou proactifs. Les réactions sont des comportements qui visent à réduire les bénéfices des free riders en détruisant une partie de leurs ressources de manière à rendre leur tricherie non profitable. Des stratégies réactives peuvent être renforcées au niveau du groupe, tel l’ostracisme qui vise à séparer le tricheur du groupe12. Dans la punition altruiste13, la punition est caractérisée ainsi parce que les témoins peuvent intervenir en imposant un coût aux tricheurs, même s’ils n’étaient pas eux-mêmes impliqués dans l’interaction.

  • 14  Gilbert Roberts, « Competitive altruism : from reciprocity to the handicap principle », in Proceed (...)
  • 15  Martin A. nowak & K. Sigmund, « Evolution of indirect reciprocity by image scoring », in Nature, v (...)
  • 16  Richard Alexander, The Biology of moral systems, op. cit.
  • 17  Karthik Panchanathan & Robert Boyd, « Indirect reciprocity can stabilize cooperation without the s (...)
  • 18  Manfred Milinski, Dirk Semmann, Theo C. M. Bakker & H. J. Krambeck, « Cooperation through indirect (...)
  • 19  Martin A. Nowak & K. Sigmund, « Evolution of indirect reciprocity by image scoring », in Nature, o (...)

8Au contraire, la sélection des partenaires est une réaction proactive destinée à isoler les tricheurs et consiste principalement dans le choix des partenaires avant l’interaction. Dans les modèles de choix de partenaire, les individus ont la possibilité de choisir leurs partenaires et d’être choisis par eux, donc une bonne réputation est un atout14. La sélection des partenaires peut être basée sur l’expérience directe ou sur l’observation des affaires des autres15. Ces deux solutions sont efficaces, mais présentent également des limitations, surtout quand les partenaires précédents ne sont pas disponibles ou quand l’observation n’est pas possible. Cela arrive, par exemple, quand il n’est pas possible d’observer toutes les interactions à cause des limitations de temps et d’espace à l’intérieur des groupes de grande taille. Une solution alternative est donnée par la réciprocité indirecte proposée par la réputation, qui consiste à coopérer avec ceux qui se sont avérés coopérants dans le passé, sur la base de l’information détenues sur eux par d’autres16. Les théories de la réciprocité indirecte expliquent la coopération humaine à grande échelle en termes d’aide conditionnelle par des individus qui veulent maintenir leur réputation et être inclus dans les futures coopérations17. La réciprocité indirecte soutenue par le souci d’une réputation a démontré son efficacité explicative, à la fois pour les tests d’économie expérimentale18 et pour les simulations19.

9Afin de déterminer si la coopération peut avoir lieu, il faut tenir compte de la taille du groupe, mais aussi du degré d’interconnexion de la communauté, qui peut être un bon prédicteur du type de contrôle social exercé. Dans un groupe social petit où il y a beaucoup de chances de se rencontrer à nouveau et où le tissu social est serré, le commérage fait partie des activités de la communauté. C’est une activité sociale plaisante, un rituel auquel tout le monde est censé participer.

  • 20  Robert C. Ellickson, Order without law : How neighbors settle disputes. Cambridge MA, Harvard Univ (...)

En effet, tout groupe social solide aura des normes procédurales qui demandent aux membres de répandre une information vraie sur le comportement pro-social ou antisocial de ses membres. En facilitant le flux d’information sur les réputations, ces normes éliminent les comportements futurs de non-coopération en augmentant les estimations des acteurs sur la probabilité que des commérages le rattrapent20.

10Quand les groupes deviennent trop grands et que la probabilité de rencontres fortuites renouvelées entre les individus diminue, il devient plus difficile de poursuivre les tricheurs et, par conséquent, il est plus coûteux d’avoir une expérience directe avec eux. Dans cette situation, détenir de l’information sur le comportement des autres, même si elle provient de source inconnue, apporte une aide précieuse et la communication devient une forme d’investissement : le coût encouru afin d’acquérir une expérience personnelle est compensé par le fait que cette connaissance peut être partagée avec les autres, qui y apportent leur propre expérience, assurant ainsi à chacun une quantité de savoir qu’aucun n’aurait pu obtenir seul. Ainsi l’efficacité du contrôle social, c’est-à-dire sa capacité à résoudre le « puzzle » de la coopération, est conditionnée par les mécanismes de communication. La communication efficace et gratuite stimule les membres du groupe à y prendre part et plus on fait circuler d’information, plus efficace est le système de contrôle. Toutefois ce système fonctionne tant que la communication reste gratuite. Que se passe-t-il lorsqu’elle devient coûteuse ?

11Si l’on imagine une situation dans laquelle il y a un conflit d’intérêts entre des individus égoïstes, coûts en termes de temps nécessaires pour informer quelqu’un mis à part, on peut classifier les autres coûts de la communication en trois catégories. Tout d’abord l’information peut être transmise aux mauvaises personnes, qui peuvent l’utiliser afin d’identifier et d’exploiter les altruistes. Ensuite, l’information peut être imprécise ou fausse et ainsi avoir des conséquences négatives sur la réputation de l’informateur. Enfin, l’information, qui consiste en une évaluation négative, inclut la source d’information et peut ainsi nuire à celui qui la transmet si la nouvelle arrive aux oreilles de celui qui est évalué négativement. La question qui s’ensuit est alors la suivante : comment notre espèce a résolu ce problème de coûts de la communication, comment les a-t-elle réduits de manière à inciter les membres du groupe à continuer à participer au processus de communication ?

  • 21  Francesca Giardini & Rosaria Conte, « Gossip for social control in natural and artificial societie (...)

12Notre hypothèse est que ne pas divulguer la source de l’information à une tierce personne qui n’est pas présente lors de l’échange initial a été la solution à ce problème. Le commérage a permis à notre espèce de résoudre un problème majeur d’adaptation en réduisant les coûts du contrôle social sans réduire ses avantages21. Moins la communication blesse, plus haute est l’incitation pour les membres du groupe à y prendre part, plus d’information circule dans le système et finalement plus efficace devient le système de contrôle social. Le commérage remplit cette fonction, permettant aux partenaires potentiels d’échanger de l’information sans payer les coûts des représailles. Répandre des commérages apporte un avantage significatif aux coopérateurs, qui peuvent ainsi éviter les tricheurs sans payer les coûts d’acquisition de l’information eux-mêmes. Ceci les encouragera à leur tour de répandre les commérages, même si certaines informations sont non-vérifiées voire fausses. Si le volume d’information utile qui circule excède le dommage causé par le commérage, l’avantage des coopérateurs augmente et les rendra capables de remporter la compétition contre les tricheurs.

Le commérage : une activité humaine fondamentale

  • 22  Roy F. Baumeister, Liqing Zhang, Kathleen D. Vohs, Gossip as Cultural Learning, in Review of Gener (...)
  • 23  Max Gluckman, « Gossip and scandal », in Current anthropology, n° 44, 1963, p. 307-316.
  • 24  Herbert Gintis, Eric A. Smith, Samuel Bowles, « Cooperation and costly signalling », in Journal of (...)

13Dans les groupes de taille réduite, le commérage fonctionne comme une forme d’apprentissage culturel22, utile pour la diffusion du savoir sur les normes et conventions sociales et pour le maintien de l’ordre et des traditions23. Dans les groupes de grande taille, l’échange d’informations sur les autres est essentiel pour l’identification et l’évitement des tricheurs, réduisant ainsi les coûts de la coopération et promouvant les échanges informels24.

  • 25  Robin Dunbar, Grooming, gossip and the evolution of language, Londres, Faber and Faber, 1995.
  • 26  Robin Dunbar, « The social brain hypothesis », in Evolutionary Anthropology, vol. 6, 1998, p. 178- (...)

14Il y a plusieurs études du commérage et chacune révèle un aspect particulier le caractérisant. Relier les gens est une des fonctions principales du commérage et il est censé avoir évolué à partir du pansage chez les primates non-humains, parmi lesquels la création des liens est essentielle pour la création des alliances25. Le pansage a des nombreux effets positifs sur la reproduction et la survie des singes et ces effets sont supposés avoir soutenu l’émergence du langage dans les groupes sociaux humains larges. D’après R. Dunbar26, le lien complexe entre taille relative du cerveau et les besoins sociaux ont stimulé l’évolution du langage qui, à son tour, a évolué afin de permettre l’établissement des liens à l’intérieur des groupes larges.

  • 27  Aaron Ben Zeev, « The Vindication of gossip », in Good Gossip, R. F. Goodman & A. ben zeev (dir. (...)
  • 28  Roy F. Baumeister, Liqing Zhang, Kathleen D. Vohs, Gossip as Cultural Learning, in Review of Gener (...)
  • 29  Ronald De Sousa, « In Praise of gossip. Indiscretions as a saintly virtue », in Good Gossip, op. c (...)
  • 30  Maryann Ayim, « Knowledge through the grapevine : Gossip as inquiry », in Good Gossip, op. cit., p (...)
  • 31  Gary Alan Fine et Ralph L. Rosnow, « Gossip, gossipers, gossiping », in Personality and Social Psy (...)
  • 32  Robert Payne, « What is gossip about ? An alternative hypothesis », in Man, vol. 2, n° 2, 1967, p. (...)
  • 33  Jared R. Piazza & Jesse M. Bering, « Concerns about reputation via gossip promote generous allocat (...)
  • 34  Bianca Beersma & Gerben A. Van Kleef, « How the grapevine keeps you in line : Gossip increases con (...)
  • 35  Matthew Feinberg, Robb Willer, Jennifer Stellar, Dacher Keltner, « The Virtues of gossip : reputat (...)

15Le commérage est un moyen plaisant d’accumuler des informations qui seraient autrement difficiles à obtenir, mais il sert aussi à satisfaire le « besoin tribal », c’est à dire le besoin d’appartenir à un groupe et à être accepté par lui27. Échanger de l’information sur les expériences et comportements des autres peut fournir aux individus une information utile pour se conduire proprement à la fois dans les situations nouvelles auxquelles les individus sont confrontés ou dans les circonstances où l’expérience directe est impossible à obtenir ou trop coûteuse28. Ce point de vue utilitaire sur le commérage contraste avec les autres études qui le définissent en tant que parler oisif et relaxant29. Définir le commérage comme un parler oisif n’implique pas nécessairement que le commérage ne puisse transmettre de l’information valeureuse sur des questions importante, tout en restant plaisant et relaxé30. G. Fine et R. Rosnow31 attirent l’attention sur les trois fonctions du commérage : l’information, l’influence et le loisir. Le commérage est une source d’information sur la communauté, ses membres, ses normes, ses valeurs, ses coutumes, mais c’est aussi une manière de cartographier l’environnement social et ses habitants. L’influence est également une manière de gérer sa propre réputation en descendant les autres à travers un commérage négatif et en se promouvant par le commérage positif32. Ces dernières années plusieurs chercheurs ont commencé à tester en laboratoire la dynamique sociale de groupe, confirmant partiellement l’importance sociale du commérage pour le contrôle social et le maintien des liens sociaux. Des études expérimentales sur le commérage montrent qu’il peut être un bon moyen de promotion d’une réputation et que la menace du commérage peut agir comme un ingrédient incitant l’individu à la coopération33. Ceci semble être le cas aussi quand la coopération a lieu dans des groupes. Dans les cas où les décisions des membres du groupe de coopérer au bien commun sont visibles, et où les individus pensent que les autres membres du groupe ont tendance à bavarder, B. Beersma and G.A. Van Kleef34 ont rapporté plus de choix de coopération parmi les participants dans les jeux d’économie comportementale. Plus récemment, M. Feinberg et al.35 ont imaginé une série d’expériences afin d’enquêter sur la dynamique du commérage pro-social, une forme spécifique d’information sur une cible qui a pour fonction de protéger les membres de l’exploitation et la tricherie potentielle. Dans leurs expériences, les individus ont eu l’opportunité d’informer un autre joueur du comportement du joueur précédent, sans retirer aucun bénéfice direct de cette action. Leurs résultats ont montré que les individus témoins d’actions antisociales comme l’exploitation ont subi une expérience émotionnelle négative et étaient enclins à partager l’information sur les tricheurs afin de préserver les joueurs ignorants d’une éventuelle exploitation.

Le lien entre commérage et réputation

16Toutefois, les théories et résultats précédents négligent le fait que le commérage et la réputation sont par définition dynamiques. La réputation est instable et fluide parce qu’elle dépend de la manière dont les individus parlent les uns des autres – donc du commérage, qui est un phénomène interactif et changeant en lui-même. Comment rendre compte du commérage et de la réputation et de leurs rôles dans le soutien de la coopération et de la morale si nous négligeons ce caractère dynamique ?

  • 36  Maria Miceli & Cristiano Castelfranchi, « The Role of evaluation in cognition and social interacti (...)

17Échanger de l’information sur ses pairs est une activité envahissante à travers laquelle deux types d’éléments sont disséminés : des informations factuelles, sur les actions et événements impliquant des agents sociaux, et des évaluations sociales. Ce dernier type d’information est constitué de jugements sur la compétence et le comportement des pairs au regard d’un certain aspect, par exemple les valeurs morales d’un certain groupe36.

18Nous définissons la réputation comme la croyance dans l’existence d’une évaluation sociale concernant un aspect donné, sans préjuger de ceux qui croient au bien-fondé de cette évaluation. Considérons par exemple l’affirmation « John a une bonne réputation en tant que dentiste ». Elle ne fait pas référence à ceux qui y croient, mais nous dit que certains individus ont de bonnes raisons de croire en cette évaluation. Par contre, si on dit « Peter m’a dit que John était un bon dentiste », le fond de l’affirmation reste le même (c’est une évaluation positive d’un aspect de l’activité de John), mais elle implique un processus de transmission complètement différent.

  • 37  Rosaria Conte & Mario Paolucci, Reputation in Artificial Societies : Social Beliefs for Social Ord (...)

19La différence entre ces deux façons de transmettre de l’information sociale a été abordée pour la première fois par R. Conte et M. Paolucci37, qui ont proposé une distinction entre réputation et image. La réputation fait référence à une évaluation de la compétence, du comportement et des attitudes d’un agent sans indication de la source d’information. C’est habituellement par le commérage que les réputations sont construites et circulées. Mais quand la source est connue, l’information transmise est vérifiable – et c’est ce qui définit l’image, qui requiert que la source soit clairement identifiée et exprimée. Cette distinction entre réputation et image n’est pas sans conséquence : transmettre une fausse image, même involontairement, expose l’évaluateur au risque de recevoir en échange une information fausse ou imprécise, ou pire, à l’ostracisme. Au contraire, la réputation est anonyme en soi : elle circule par les réseaux sociaux connus, mais son origine est inconnue. La réputation circule alors plus facilement que l’image, mais elle est aussi plus difficile à modifier, puisqu’il est difficile d’établir sa source ou son origine. L’image, même largement transmise, reste une évaluation émanant d’une source identifiable qui est responsable d’elle.

20La réputation est une marque intangible flottant à l’intérieur du réseau social et transmis par le commérage. Le commérage requiert l’existence des deux commères, une qui transmet et l’autre qui reçoit, et d’un objet de commérage. L’objet du commérage est le sujet de la communication et en général il appartient au même groupe social que la commère qui évalue son action et son comportement en accord avec les règles et habitudes du groupe. Celle qui reçoit le potin appartient typiquement au même groupe que celle qui le transmet et partage les mêmes informations et valeurs que celle-ci. Choisir qui reçoit le potin est crucial pour celui qui le transmet afin d’atteindre ses buts : soit la personne choisie est la cible de la communication, soit elle doit pouvoir servir de véhicule de transmission du potin jusqu’à sa cible.

  • 38  Francesca Giardini & Rosaria Conte, « Gossip for social control in natural and artificial societie (...)

21En diffusant une réputation, une commère peut s’autoidentifier comme étant la source de l’évaluation (« J’étais là et le comportement de John était inacceptable ») ou s’en distancier. Énoncer une information sous la forme « Quelqu’un m’a dit… » ou « les gens disent » ou « je ne me souviens plus qui m’a dit que, mais j’ai entendu que le comportement de John était inacceptable » est typique du commérage. Le flou est une caractéristique habituelle du commérage à travers toutes les sociétés et les cultures38. Ces moyens linguistiques permettent aux commères d’éviter de garantir la véridicité des faits transmis et pourtant continuer à les transmettre. La réputation ne porte pas de responsabilité, parce qu’il n’y a pas de présupposé sur la qualité de l’information transmise, mais elle est collante et difficile à falsifier. Celui qui bavarde peut être accusé d’indiscrétion, mais ne peut être accusé de mentir ou d’omettre de l’information puisqu’il ne fait que transmettre ce que « les gens disent ». Être capable de transmettre des évaluations sur les autres sans être contraint par la vérité demande des hautes capacités cognitives, mais cela est efficace pour préserver sa réputation tout en manipulant le comportement des autres. Ce type de communication peut être particulièrement efficace dans la promotion des valeurs morales pour deux raisons : tout d’abord il donne une évaluation générale en mettant en évidence la présence de ces valeurs morales dans la communauté. Et deuxièmement il a peu de conséquences sur les commères, incitant ainsi tout un chacun à participer à l’échange aidant au renforcement mutuel de la morale dans le groupe.

Utiliser les ordinateurs pour comprendre la dynamique du commérage et de la réputation

  • 39  Joshua Epstein, Generative social science. Studies in agent-based computational modelling, Princet (...)
  • 40  Robert Axelrod, The Evolution of Cooperation, New York NY, Basic Books, 1997 [1984].

22La modélisation du comportement des agents est utile pour l’observation virtuelle de la formation des phénomènes sociaux39 à partir de leurs microcomposants et jusqu’à leurs macro-effets (voir par exemple le fameux exemple du modèle de coopération de R. Axelrod)40. Les modèles de comportement d’agent permettent de visualiser les mécanismes intermédiaires qui créent les macro-effets à partir de microcomposants et de récréer l’entière chaîne causale.

  • 41  Andrzej Nowak, Jacek Szamrej & Bibb Latané, « From private attitude to public opinion : A dynamic (...)

23Les modèles de comportement d’agent et les études de simulation sont très importants dans l’enquête sur des phénomènes collectifs qui peuvent émerger à partir des interactions individuelles et dans l’observation et l’interprétation des dynamiques sous adjacentes. Il y a des cas où l’interaction entre des agents hétérogènes génère des effets qui n’étaient pas incorporés dans les caractéristiques du système ou dans leurs interprétations des mondes internes et externes. C’est le cas, par exemple de la dynamique des opinions et de la contagion sociale où l’influence sociale est un effet non désiré et non-prédictible basé sur les représentations des agents41.

  • 42  Joshua Epstein, Generative Social Science, op. cit.

24Puisque la réputation est un outil de coordination sociale qui résulte de l’interaction entre différentes informations flottant dans l’espace social, il pourrait être difficile de tester cette dynamique émergente en laboratoire. C’est vrai surtout si nous voulons vérifier la différence entre l’usage de l’information à source connue et l’usage de l’information à source inconnue, et si nous voulons mesurer cette différence qui émerge à partir d’interactions multiples. En utilisant des agents artificiels, c’est à dire des programmes informatiques qui se comportent conformément à quelques règles définies par l’expérimentateur, nous sommes capables de faire des recherches sur le jeu complexe entre le niveau micro des motivations des agents et le niveau macro des comportements collectifs. En appliquant cette approche numérique, nous pouvons observer comment le phénomène social émerge comme résultante de l’interaction entre des agents artificiels hétérogènes doués de représentations internes d’eux-mêmes, des autres et de leurs environnements42.

25La simulation sociale du comportement des agents (ABSS) est la création des modèles de sociétés virtuelles, c’est à dire des ensembles d’agents autonomes agissant dans un environnement avec des caractéristiques données. La modélisation du comportement d’agent demande de concevoir le modèle d’un système réel (marché, groupe social, écosystème) et d’écrire un programme informatique qui permette d’exécuter des expériences de simulation qui visent à comprendre le comportement du système et/ou d’évaluer les stratégies diverses pour faire fonctionner le système. Les agents peuvent être des individus, des foyers, des organisations, des nations, etc., en fonction de l’application et du but de la simulation. Le seul point commun des divers ABSS est que les modèles sont décentralisés ; il n’y a pas de place pour la définition d’un comportement (dynamique) de système global. Des caractéristiques de comportement collectif complexes apparaissent à partir des interactions des agents, et si les caractéristiques résultantes confirment les hypothèses concernant le comportement du système, le modèle est validé. Les agents dans ABSS sont des entités qui ont la capacité de former des représentations d’un monde extérieur, sont capables de manipuler ces représentations, et d’agir afin de réduire la différence entre le monde réel et certains mécanismes régulateurs présents dans les entités.

  • 43  Francesca Giardini, Gennaro Di Tosto, Rosaria Conte, « A Model for simulating reputation dynamics (...)

26Nous avons utilisé cette méthodologie afin de tester si et comment les différents types de commérage, avec ou sans une source explicite, peuvent affecter les bénéfices des agents. F. Giardini, G. Di Tosto et R. Conte43 ont conçu un environnement virtuel type marché dans lequel les agents peuvent choisir entre les différents fournisseurs en se basant sur leur propre expérience ou sur les évaluations des agents. Les agents ont été impliqués en deux types d’échanges : l’échange informel et l’échange matériel. Dans le second cas, ils devaient choisir le meilleur fournisseur possible pour des produits de la meilleure qualité. Quand les fournisseurs connus et fiables n’étaient pas disponibles, les agents pouvaient demander aux informateurs s’ils connaissaient des bons fournisseurs. La qualité des fournisseurs était variable et des tricheurs pouvaient vendre des produits de piètre qualité à des prix très hauts. Être informé par les autres agents était essentiel pour réduire les coûts de l’interaction directe avec les tricheurs et obtenir de l’information utile, même si cette information pouvait avoir été elle-même manipulée. Dans ce contexte, les fournisseurs étaient capables de réaliser une seule transaction à chaque simulation, donc donner de l’information sur un bon fournisseur réduisait indirectement la capacité de l’agent de trouver le bon partenaire. Dans ce type de contexte où les ressources sont limitées, répandre des informations imprécises ou fausses était un bon moyen d’augmenter les chances de se trouver un bon partenaire. L’information fausse par contre déclenchait des comportements répressifs, parce que les mauvais informateurs recevaient de l’information fausse en retour.

  • 44  Gennaro Di Tosto, Francesca Giardini, Rosaria Conte, « Reputation and economic performance in indu (...)

27Nos résultats ont montré que la qualité des produits était plus grande dans le groupe détenant de l’information sur les réputations, comparée à celui détenant de l’information sur l’image, à pourcentage de tricheurs dans la population égale. Nous avons obtenu les mêmes résultats en changeant la distribution des firmes et en concevant un marché où la compétition pour les bons partenaires est plus dure et nous avons trouvé que l’échange d’information concernant les réputations permet de même à l’ensemble d’obtenir des meilleurs profits44.

28Autrement dit, l’information sociale génère des configurations différentes : les groupes basés sur l’image fonctionnent mieux quand il y a peu de tricheurs, mais la qualité des produits baisse beaucoup dès que leur nombre augmente. Au contraire, les groupes basés sur la réputation étaient plus flexibles et robustes et quand le nombre de tricheurs augmentait, la qualité des produits n’était que partiellement affectée.

Conclusion

29Le commérage est un phénomène social à facettes multiples, répandu dans toutes les sociétés humaines et remplissant plusieurs fonctions : c’est une source d’information sur la communauté et ses membres, mais il sert aussi à tracer la carte de l’environnement social, a promouvoir l’appartenance de groupe et à sanctionner publiquement le comportement déviant. Dans les groupes humains, échanger des évaluations est un moyen de créer et de maintenir des relations entre les individus et peut être crucial pour la création ou le renforcement d’autres types de relations (amitié, business, relationnel, etc.)

30La communication permet de repérer les tricheurs et d’éviter aux autres de se faire exploiter, mais elle comporte aussi des coûts. Si l’information est imprécise, les tricheurs comme les récipiendaires de l’information peuvent exercer des représailles en répandant en retour une information imprécise. Afin d’optimiser le contrôle social il est de lors essentiel de réduire les coûts de communication. L’efficacité du contrôle social c’est-à-dire sa capacité à résoudre le « puzzle » de la coopération dépend du mécanisme de communication existant.

31Nous avons ajouté dans ce chapitre deux éléments nouveaux à la littérature sur le commérage. Tout d’abord nous nous sommes concentrés sur le rôle du commérage dans le contrôle social, en soulignant l’importance de transmettre des informations. La réputation est le résultat d’un processus de transmission d’informations dans lequel le commérage est essentiel. Celui qui répand le potin choisit à qui le transmettre, mais aussi comment, en dévoilant ou non la source de l’information. En cachant la source, le coût de la communication est réduit puisque d’un côté le risque de représailles est annulé et de l’autre côté on permet aux agents coopérants d’éviter les tricheurs et de sélectionner leurs partenaires parmi les autres agents coopérants. Deuxièmement, nous avons décrit une méthodologie récente qui peut être utilisée par les chercheurs en sciences sociales dans l’investigation de beaucoup de phénomènes sociaux complexes. Un phénomène complexe est constitué de séries de composantes hétérogènes, comme des individus, des groupes, des associations, qui interagissent d’une manière non linéaire. L’hétérogénéité et la non-linéarité sont des caractéristiques très fréquentes dans les organisations sociales humaines et l’ABSS offre un outil flexible et efficace pour tester les théories et identifier les mécanismes à l’œuvre. Dans ce chapitre nous montrons comment l’ABSS permet de tester notre théorie cognitive du commérage et de la réputation. Les résultats montrent que pour différents pourcentages de tricheurs dans la population, répandre des réputations plutôt que des images amène des plus grands bénéfices aux agents puisque la circulation des réputations prévient les actions répressives, alors que la circulation d’images amène à la punition des faux informateurs, ce qui finit par entrainer la chute des systèmes de communication et de coopération après quelques tours de simulations.

32Plus d’études seront sûrement nécessaires afin de tester l’hypothèse conformément à laquelle la transmission de la réputation s’effectue plus efficacement à travers le commérage. Mais le rôle clé de la réputation et du commérage dans les sociétés humaines est désormais établi, et d’anciennes et de nouvelles méthodes doivent être conçues pour dévoiler au mieux ces phénomènes dynamiques, émergents et complexes.

Notes

1  Traduit de l’anglais par Monica Heintz.

2  (Exod. 23 : 1, Lev. 19 : 16).

3  Henry Lanz, « Metaphysics of gossip », in International Journal of Ethics, vol. 46, n° 4, 1936, p. 492-499.

4  Ibid, p. 494

5  Mike Noon & Rick Delbridge, « News from behind my hand : Gossip in organizations », in Organization Studies, vol. 14, 1993, p. 23-36.

6  Bianca Beersma & Gerben A. van kleef, « How the grapevine keeps you in line : Gossip increases contributions to the group », in Social Psychological and Personality Science, n° 2, 2011, p. 642-649 ; Jared R. Piazza & Jesse M. bering, « Concerns about reputation via gossip promote generous allocations in an economic game », in Evolution & Human Behavior, n° 6, 2008, p. 487-501.

7  Melissa Bateson, Daniel Nettle, Gilbert Roberts, « Cues of being watched enhance cooperation in a real-world setting », in Biology Letters, vol. 2, n° 3, 2006, p. 412-414 ; Daniel Nettle et al, « The Watching eyes effect in the Dictator Game : it’s not how much you give, it’s being seen to give something », in Evolution and Human Behavior, n° 34, 2013, p. 35-40.

8  Ronald Stuart Burt, « Gossip and Reputation », in Management et réseaux sociaux : ressource pour l’action ou outil de gestion ? M. Lecoutre et P. Lievre (dir.), Paris, Hermes-Lavoisier Burt, 2008, p. 2.

9  Richard D. Alexander, The Biology of moral systems, New York NY, Aldine de Gruyter, 1987.

10  Elinor Ostrom, Governing the commons : The evolution of institutions for collective action, Cambridge MA, Cambridge University Press, 1990.

11  John Maynard-Smith, Evolution and the theory of games, Cambridge MA, Cambridge University Press, 1982.

12  David Hirshleifer & Eric Rasmusen, « Cooperation in a repeated prisoners’ dilemma with ostracism », in Journal of Economic Behavior and Organization, vol. 12, n° 1, 1989, p. 87-106.

13  Ernst Fehr & Simon Gächter, « Altruistic punishment in humans », in Nature, vol. 415, n° 6868, 2002, p. 137-140 ; Robert Boyd, Herbert Gintis, Samuel Bowles and Peter J. richerson, « The Evolution of altruistic punishment, in Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 100, 2003, p. 3531-3535.

14  Gilbert Roberts, « Competitive altruism : from reciprocity to the handicap principle », in Proceedings of the Royal Society of London, Series B-Biological Sciences, vol. 265, n° 1394, 1998, p. 427-431.

15  Martin A. nowak & K. Sigmund, « Evolution of indirect reciprocity by image scoring », in Nature, vol. 393, 1998, p. 573-577 ; Claus Wedekind & Manfred Milinski, « Cooperation through Image Scoring in humans », in Science, vol. 288, n° 5467, 2001, p. 850-852.

16  Richard Alexander, The Biology of moral systems, op. cit.

17  Karthik Panchanathan & Robert Boyd, « Indirect reciprocity can stabilize cooperation without the second-order free rider problem », in Nature, vol. 432, n° 7016, 2004, p. 499-502.

18  Manfred Milinski, Dirk Semmann, Theo C. M. Bakker & H. J. Krambeck, « Cooperation through indirect reciprocity : image scoring or standing strategy ? », in Proceedings of the Royal Society of London (B), vol. 268, 2001, p. 2495-2501 ; Manfred Milinski, Dirk Semmann & H. J. Krambeck, « Reputation helps solve the “tragedy of the commons” », in Nature, 2002, vol. 415, p. 424-426 ; Bettina Rockenbach & Manfred Milinski, « How to treat those of ill-repute », in Nature, vol. 457, 2009, p. 39-40 ; Ralf D. Sommerfeld, H. J. Krambeck, Dirk Semmann, Manfred Milinski, « Gossip as an alternative for direct observation in games of indirect reciprocity », in Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 104, n° 174, 2007, p. 35-40 ; Manfred Wedekind & Claus Milinski, « Cooperation through Image Scoring in humans », in Science, op. cit.

19  Martin A. Nowak & K. Sigmund, « Evolution of indirect reciprocity by image scoring », in Nature, op. cit.

20  Robert C. Ellickson, Order without law : How neighbors settle disputes. Cambridge MA, Harvard University Press, 1991, p. 247.

21  Francesca Giardini & Rosaria Conte, « Gossip for social control in natural and artificial societies », in Simulations, vol. 88, n° 1, 2012, p. 18-32.

22  Roy F. Baumeister, Liqing Zhang, Kathleen D. Vohs, Gossip as Cultural Learning, in Review of General Psychology, vol. 8, 2004, p. 111- 121 ; Sarah R. Wert, Peter Salovey, « A Social comparison account of gossip », in Review of General Psychology, vol. 8, 2004, p. 122-137.

23  Max Gluckman, « Gossip and scandal », in Current anthropology, n° 44, 1963, p. 307-316.

24  Herbert Gintis, Eric A. Smith, Samuel Bowles, « Cooperation and costly signalling », in Journal of Theoretical Biology, n° 213, 2001, p. 103- 119, 2001 ; Nicole H. Hess & Edward H. Hagen, « Psychological adaptations for assessing gossip veracity », in Human Nature, vol. 17, n° 3, 2006, p. 337-354.

25  Robin Dunbar, Grooming, gossip and the evolution of language, Londres, Faber and Faber, 1995.

26  Robin Dunbar, « The social brain hypothesis », in Evolutionary Anthropology, vol. 6, 1998, p. 178-190 ; Robin Dunbar, « Gossip in evolutionary perspective », in Review of General Psychology, vol. 8, n° 2, 2004, p. 100-110.

27  Aaron Ben Zeev, « The Vindication of gossip », in Good Gossip, R. F. Goodman & A. ben zeev (dir.), Lawrence KS, University Press of Kansas, 1994, p. 11-24.

28  Roy F. Baumeister, Liqing Zhang, Kathleen D. Vohs, Gossip as Cultural Learning, in Review of General Psychology, op. cit.

29  Ronald De Sousa, « In Praise of gossip. Indiscretions as a saintly virtue », in Good Gossip, op. cit., p. 25-34 ; Gabriele Taylor, « Gossip as moral talk », in Good Gossip, op. cit., p. 34-46.

30  Maryann Ayim, « Knowledge through the grapevine : Gossip as inquiry », in Good Gossip, op. cit., p. 85-99.

31  Gary Alan Fine et Ralph L. Rosnow, « Gossip, gossipers, gossiping », in Personality and Social Psychology Bulletin, vol. 4, n° 1, 1978, p. 161-168.

32  Robert Payne, « What is gossip about ? An alternative hypothesis », in Man, vol. 2, n° 2, 1967, p. 278 – 285.

33  Jared R. Piazza & Jesse M. Bering, « Concerns about reputation via gossip promote generous allocations in an economic game », in Evolution & Human Behavior, n° 6, 2008, p. 487-501.

34  Bianca Beersma & Gerben A. Van Kleef, « How the grapevine keeps you in line : Gossip increases contributions to the group », in Social Psychological, op. cit.

35  Matthew Feinberg, Robb Willer, Jennifer Stellar, Dacher Keltner, « The Virtues of gossip : reputational information sharing as prosocial behaviour », in Journal of Personality and Social Psychology, vol. 102, n° 5, 2012, p. 1015-1030.

36  Maria Miceli & Cristiano Castelfranchi, « The Role of evaluation in cognition and social interaction », in Human cognition and agent technology, K. Dautenhahn (dir.), Amsterdam, Benjamins, 2000.

37  Rosaria Conte & Mario Paolucci, Reputation in Artificial Societies : Social Beliefs for Social Order, Heidelberg, Springer, 2002.

38  Francesca Giardini & Rosaria Conte, « Gossip for social control in natural and artificial societies », in Simulations, op. cit. ; Niko Besnier, « Information withholding as a manipulative and collusive strategy in nukulaelae gossip », in Language in Society, vol. 18, n° 3, 1989, p. 315-341.

39  Joshua Epstein, Generative social science. Studies in agent-based computational modelling, Princeton NJ, Princeton University Press, 2007.

40  Robert Axelrod, The Evolution of Cooperation, New York NY, Basic Books, 1997 [1984].

41  Andrzej Nowak, Jacek Szamrej & Bibb Latané, « From private attitude to public opinion : A dynamic theory of social impact », in Psychological Review, vol. 97, n° 3, 1990, p. 362-376.

42  Joshua Epstein, Generative Social Science, op. cit.

43  Francesca Giardini, Gennaro Di Tosto, Rosaria Conte, « A Model for simulating reputation dynamics in industrial districts », in Simulation Modelling Practice and Theory, vol. 16, n° 2, 2008, p. 231-241.

44  Gennaro Di Tosto, Francesca Giardini, Rosaria Conte, « Reputation and economic performance in industrial districts : Modelling social complexity through multi-agent systems », in Simulating interacting agents and social phenomena, agent-based social systems, K. Takadama, C. Cioffi-Revilla, G. Deffuant (dir.), Paris, Springer-Verlag, 2010, p. 165-176.

Author(s)

Université de Groningen

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