Postface. 15 ans après. Pratique et analyse subjectives d’un contributeur et chercheur sur Wikipédia
p. 177-186
Texte intégral
1Vingt ans après (disons quinze). Les mousquetaires wikipédiens que nous étions (je fus loin d’être le premier) ont rengainé leur épée. Ils n’ont plus à ferrailler contre des « encyclopédies papier en ligne » avec lesquelles leur œuvre était toujours comparée ; ni contre un « parti intellectuel1 » qui semblait trouver ce bien commun un peu trop commun, justement – aux deux sens du terme (un savoir trop partagé, et d’insuffisant niveau). Sans doute le temps est-il venu d’une analyse plus sereine2 : pour notre part, c’est un bilan d’activité autour de Wikipédia auquel nous voudrions procéder, à la fois personnel et scientifique – après quinze ans de contributions, participation à des activités associatives Wikimédia, mais aussi de réflexion et d’écriture autour de Wikipédia.
2Et d’emblée une première ambiguïté apparaît – celle d’écrire sur Wikipédia : la locution englobe l’écriture dans Wikipédia, ainsi que celle d’articles à propos de Wikipédia. Heureuse agrégation (correspondant bien à nos activités) et/ou ambigüité à lever (tâche que connaît tout contributeur un peu aguerri…) ? Le sujet est cependant ailleurs : à ce stade il nous paraît utile, voire nécessaire, qu’un chercheur qui écrit à propos de Wikipédia fasse connaître sa propre NPOV (neutralité de point de vue), à tout le moins qu’il indique son niveau de contribution à l’encyclopédie ou autres projets, de nul à intensif.
3Alors, pourquoi le rhinocéros laineux3 (première contribution avant fin 2005) que je suis a-t-il contribué ? En avril 2006, je publie mon premier ouvrage – un ouvrage de vulgarisation scientifique. Pour l’écrire, je m’appuie sur un certain nombre d’ouvrages existants, mais aussi sur Wikipédia, comme source de diffusion de connaissances scientifiques à peu près stabilisées. À l’époque (toujours maintenant ?), peu de vulgarisateurs ou journalistes avouaient utiliser Wikipédia. Mais je me pris aussi au jeu de la contribution : la première fois, sur une controverse à propos de la théorie de la relativité – sujet qui allait devenir un de mes thèmes de recherche. Par la suite, en quinze ans, j’ai marginalement contribué sur des articles portant sur des concepts scientifiques ; et plus massivement en créant environ 250 articles de personnalités, vivantes ou décédées4, scientifiques ou non. C’était, presque, ma mission de haut fonctionnaire à l’époque – en tout cas je la ressentais comme telle : en même temps que je créais science.gouv.fr (2004-2014) au ministère de la Recherche, contribuer à Wikipédia était une mission de diffusion de la connaissance – il fallait aller sur Wikipédia ; même si, comme les activités de vulgarisation pour un chercheur, ce type de mission est fort peu reconnu dans une carrière. Ce qui n’empêchait pas que, dans mon administration d’origine (le conseil général des mines), j’étais devenu une sorte de « référent Wikipédia », mobilisable çà et là pour des suggestions d’ajouts ou de modifications plus ou moins justifiés.
4De la même manière, et c’est le troisième point de ma « déclaration d’intérêts », il fallait adhérer à Wikimédia France : aussi parce qu’en tant que haut fonctionnaire, je voyais comment l’encyclopédie était méconnue sinon dénigrée dans les cercles de pouvoir. Et donc, assurer un lien entre l’association et les ministères ou les cabinets ministériels, au niveau de l’enseignement supérieur, ou de la culture5, était indispensable, dans ma mission de fonctionnaire comme dans celle de wikipédien – avec un pied des deux côtés. Ce qui m’amena à être administrateur de l’association de 2008 à 2010.
5Mais je n’en ai pas fini avec cette « déclaration d’intérêts », le quatrième point concerne « ma page Wikipédia », l’article qui m’est consacré dans l’encyclopédie. Créée en 2008, elle fut « proposée à la suppression » juste après sa création6 – ce qui peut arriver – mais, de manière plus surprenante, en 2016, après le bandeau durable d’infamie : « l’admissibilité de cette page à vérifier ». Elle fut conservée, mais j’eus à me colleter par la suite un wikipédien un peu agressif à mon égard (celui qui avait demandé en 2016 la suppression de la page) ; je dus créer à cet effet un pseudonyme spécial (différent du pseudonyme que j’utilise depuis 2005), à propos duquel j’indique explicitement que je le crée pour intervenir sur ma propre page Wikipédia (ce fut très limité, en 2016) – transgressant une recommandation forte7, mais le faisant dans la transparence.
6Une fois cette (longue) déclaration faite, nous devons nous rappeler aussi que la collusion entre chercheur et wikipédien n’est pas fortuite : Milad Doueihi a fait le parallèle entre les deux positions, celui d’une estime par ses pairs relative à ses contributions – il ne faut toutefois pas surestimer la portée de cette comparaison. Pour ma part, si je devais résumer quinze ans de contribution en une phrase, c’est vers la théorie des jeux que je me tournerais : un contributeur Wikipédia doit savoir jusqu’où il peut aller, en fonction de son interprétation des règles, mais aussi – et surtout – de la réputation qu’il a en tant que contributeur. Il y a, toutes proportions gardées bien sûr, un aspect provocation/dissuasion dans les relations entre wikipédiens : jusqu’où un contributeur peut-il aller, avec quel minimum de justifications, sans être « reverté » ? Au passage, on ne peut que constater qu’une « réputation wikipédienne » ne franchit pas les frontières : on peut être un contributeur respecté sur Wikipédia {{fr}}, et être un inconnu complet sur Wikipédia {{en}}, avec les déboires afférant à cette position…
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7Passons maintenant à la critique de Wikipédia, en distinguant deux critiques, l’externe et l’interne. La critique externe nous a déjà pas mal occupé8 : elle s’est calmée… Quant à la critique interne du fonctionnement de Wikipédia, ou une étude critique de la typologie de ses contributeurs – je parle là d’une critique étayée, pas des râleries épisodiques d’un contributeur au « Bistro » ou dans une page de discussion –, elle est finalement peu développée9.
8Mentionnons ici certains aléas que nous avons connus lors de nos travaux de chercheur ces dernières années. Ainsi par exemple en 2017, lors des « cérémonies » du bicentenaire de la naissance d’Alphand, le polytechnicien créateur des parcs et jardins parisiens sous le Second Empire, ce n’est pas sans surprise que nous constatâmes que sa page Wikipédia le désignait comme « Jean-Charles Alphand », alors que son prénom usuel était son troisième prénom (comme souvent au xixe siècle), Adolphe. Il était étonnant de voir comment cette erreur de nommage, émanant des débuts de l’encyclopédie en ligne10, était reprise dans de nombreux sites lui rendant hommage, y compris lors du bicentenaire de sa naissance11…
9Sur le sujet de la comparaison des encyclopédies (lui aussi un peu éteint, loin de moi l’idée de le raviver – peut-on encore en parler ? Y aurait-il finalement, pour certains d’entre nous, chercheurs, une légère mais possible complémentarité entre les deux sources ?) : il se trouve – sacrilège ! – que je me suis abonné à Universalis en ligne. C’est après quelque temps que je remarquai que les notices n’étaient pas datées ; ce qui est ennuyeux quand on veut les citer, mais compréhensible compte tenu du fonctionnement d’une encyclopédie traditionnelle12 – sans doute vit-elle « sur son stock », en tout cas pour les articles existants, qui ne sont qu’exceptionnellement voire jamais réactualisés. Aussi peut-on énoncer le chiasme suivant : « Sur Universalis, un auteur, pas de date. Sur Wikipédia, c’est l’exact contraire : pas d’auteur, des dates en pléthore13. » Et si les notices Universalis ne sont pas datées, ça les rend de fait datées, au sens où elles fleurent parfois le style et le contexte des années 1970-200014 – c’est aussi pour cette raison, travaillant en historien de cette période, que je me suis abonné –, la façon dont une notice est écrite à un moment étant d’un certain intérêt contextuel et historique.
10Permettons-nous de donner un autre élément de comparaison entre Wikipédia et Universalis – cette fois à l’avantage de cette dernière. Il arrive qu’un auteur – et en effet les notices Universalis sont personnalisées – se laisse aller, par exemple à de l’humour. On peut lire sur la notice consacrée à Auguste Comte, à propos du calendrier positiviste :
Innocent III est fêté le 21 Charlemagne, et saint Thomas d’Aquin le 7 Descartes (onzième mois, […]. Commenter serait délicat15.
11Il est certain qu’un tel trait d’humour, qui peut détendre une journée de travail – et accessoirement fournir matière pour un paragraphe d’article ou une slide de conférence – est réjouissant, mais sans équivalent possible sur Wikipédia : celle-ci manque délibérément d’humour – d’ailleurs ce n’est pas ce qu’on lui demande !
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12Une critique interne de Wikipédia (au sens le plus neutre du mot critique : une étude) doit aussi passer par une critique interne à l’association Wikimédia France, appuyée sur un début de travail historique sur cette association : loin d’être un sujet tabou, ce peut être un sujet de recherche. Et de la même manière qu’une sociologie des contributeurs Wikipédia pourrait être un sujet de recherche, celle des administrateurs de Wikimédia pourrait en être un sous-thème.
13Déjà, quand nous étions administrateur en 2008-2010, une certaine tension (positive) pouvait exister au sein du Conseil ; d’un côté des figures tutélaires mondiales de l’univers wikimédien, comme Florence Devouard (présidente de la Wikimedia Foundation mondiale de 2006 à 2008) ; de l’autre des hauts fonctionnaires, comme Rémi Mathis, ou moi-même. Déjà l’on pouvait voir apparaître un hiatus, certains étant par ailleurs consultants à leur compte autour de Wikipédia (l’encyclopédie libre qui, comme Linux le système d’exploitation libre, engendre – et c’est heureux – une possible économie de consulting), et d’autres, fonctionnaires ou chercheurs, exprimant une vision de la diffusion de la connaissance plus « indépendante ». Entendons-nous bien : il est hors de question pour nous de critiquer les premiers, ni de leur dénier une vision – faisant partie des seconds, nous avons conscience de notre position privilégiée ; il s’agit de pointer une forme d’antagonisme, alors latent, comme une des clefs d’explication de conflits qui apparaitront plus tard, dans le cadre d’une association (CA et salariés) et de son environnement (la WM Foundation) : certains administrateurs (de la première catégorie) devenant salariés – pour la bonne et simple raison que c’étaient les postes dont ils avaient connaissance, et surtout pour lesquels ils étaient des plus compétents ! Encore une fois, nous ne formulons aucun reproche ici ; la question du conflit d’intérêts, à supposer qu’elle existe, se pose plus dans le cadre de cumuls avec des fonctions à la Wikimedia Foundation mondiale.
14Comme se pose la question d’une certaine inexpérience managériale du conseil d’administration bénévole d’une association, qui plus est à moyenne d’âge jeune : notamment dans le choix des salariés de l’association – choix compliqué par les passerelles sus-indiquées entre participation bénévole au conseil d’administration et salariat. Des erreurs de choix ont conduit à des indemnités de départ non négligeables à la charge de l’association : il y a toujours là une gêne, une dissonance cognitive quand il s’agit d’une structure vivant de dons.
15Plus près de nous, il est sans doute encore tôt pour analyser la crise de mi-2017 de Wikimédia France, après quatre années d’une direction d’association certes stabilisée mais fort contestée. Cette crise a fait des remous sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la presse grand public16. Elle peut être vue notamment (mais pas uniquement) comme le symptôme d’un clivage politique et culturel au sein d’une génération wikimédienne actuellement trentenaire.
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16Pour revenir à l’encyclopédie elle-même : si l’on admet l’idée d’une stabilisation relative de son contenu depuis ces dernières années, l’effort reste sans doute à porter sur les références et les liens externes, qui peuvent être d’une grande valeur ajoutée – pour l’internaute qui consulte Wikipédia, comme pour le chercheur qui trouve là des sources sur un sujet sur lequel il travaille. Car consulter Wikipédia pourrait être de plus en plus, pour une frange d’internautes, d’abord et avant tout aller y chercher des sources secondaires (ouvrages, articles, liens externes) ; et dans le même esprit, contribuer à Wikipédia pourrait être de plus en plus mettre et sélectionner des références et liens externes. Peut-on aller jusqu’à parler d’une inversion éventuelle du paradigme, Wikipédia devenant plus importante (plus déterminante) par ses références que par son contenu propre ?
17Il appartient en tout état de cause aux chercheurs et universitaires d’améliorer ces liens externes et références : on peut envisager qu’écrire dans Wikipédia concernera toujours plus, pour eux, l’amélioration des « sources secondaires » que du contenu. Ainsi Wikipédia pourrait devenir plus importante par les références qu’elle donne que par son contenu même. Outil de diffusion de la connaissance, elle l’est alors à double sens : au sens actif (le plus classique), elle permet cette diffusion ; au sens agi, par les chercheurs (i.e. Wikipédia devenant un outil en leurs mains), elle permet à ceux-ci de diffuser leur savoir, par le contenu des pages comme par la supervision des sources secondaires et références.
18Ce qui impose d’autant plus une réflexion sur ce qu’est une source secondaire, et une appréciation sur la qualité d’une telle source. Nous avons déjà évoqué le fait qu’une source, même universitaire, peut être problématique, notamment quand une phrase est sortie de son contexte17 – mais pas uniquement (c’est alors une source vraiment secondaire, au sens de : non déterminante). Chez certains wikipédiens, une forme de vénération de la source secondaire (celle-ci n’étant pas clairement définie) doit être interrogée. Un article de journal est peut-être pertinent sur des faits d’actualité, l’est-il toujours sur des énoncés de connaissance scientifique ? Cette réflexion s’avère nécessaire dans un monde où le « marché » de la vulgarisation scientifique a explosé ces dernières années (par exemple avec les chaînes YouTube), souvent de qualité mais parfois non, avec des énoncés aux marges de la science tout en s’en réclamant (chez certains technoprophètes notamment). De plus, ce monde pouvant partager une culture et certaines origines communes avec Wikipédia et certains de ses contributeurs, il conviendra pour le contributeur de doublement s’interroger, et de savoir doublement prendre du recul, vis-à-vis du contenu en question comme de sa source. La vigilance sur la définition d’un contenu scientifique validé sera de plus en plus importante dans ce contexte.
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19En conclusion de ce bilan personnel, scientifique et militant de quinze années de contribution et d’écriture sur et à propos de Wikipédia, nous nous poserons plusieurs questions, plus centrées sur notre activité militante, mais auxquelles nous n’avons pas réponse. Pourquoi perdons-nous, pas tous – mais beaucoup de nos combats sur la libre diffusion de la connaissance ? Au niveau des politiques publiques françaises, principalement transposition des politiques européennes, le choix est systématiquement fait en faveur des lobbyings des sociétés de droits d’auteurs, menées par les majors du cinéma et de la musique, au détriment de la diffusion de la connaissance18 – les exemples sont nombreux, le plus marquant étant récemment sans doute la Directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, adoptée en mars 2019 par le Parlement européen19. De la même manière, nous continuons à avoir du mal à convertir les institutions culturelles, historiques ou muséales françaises (publiques, mais aussi privées) à la libre diffusion de leur patrimoine iconographique.
20Une autre question, peut-être un autre combat perdu, se pose : pourquoi, hors Wikipédia, n’y a-t-il pas eu d’autres projets significatifs de Communs qui aient réussi ? Et que la plupart de nos activités sur Internet passent par les GAFA – moteur de recherche, courriels, vidéos, réseaux sociaux… L’on doit se rappeler aussi que Wikipédia elle-même aurait pu être mise en péril par le projet lancé par Google comme un de ses ballons d’essai, l’encyclopédie en ligne Knol, ouverte début 2008 et finalement fermée mi-201220. Même si nous avions pu penser il y a dix ans, un peu rapidement et naïvement, que Wikipédia était un projet qui permettait de donner confiance en l’humanité, retenons quand même, dix ans après, l’affaire Snowden étant passée par là, que l’expérience de ce seul « commun » est une base solide et espérons-le inébranlable. Avec précautions, pourrions-nous indiquer que Wikipédia est aussi un exemple de « démocratie » qui fonctionnerait – au sens de pouvoir d’une majorité, disons d’une minorité « éclairée », et reconnue par les autres contributeurs ? Que Wikipédia peut être vue comme, en kaléidoscope, le reflet de la société contemporaine – dans ses aspects culture, comme dans ses aspects loisirs et divertissement ; dans ses avantages comme dans ses défauts. Qu’en tout état de cause, c’est un projet auquel nous pouvons être fiers d’avoir contribué et de continuer à le faire.
Notes de bas de page
1 Le « parti intellectuel » est un clin d’œil à Charles Péguy (1873-1914) qui le critiquait vertement. Sur les oppositions rencontrées par Wikipédia dans la décennie 2005-2015, voir notre précédent article « Postures d’opposition à Wikipédia en milieu intellectuel en France », in Wikipédia, objet scientifique non identifié, Lionel Barbe, Louise Merzeau, Valérie Schafer (dir.), Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2015.
2 À six ans d’intervalle, le titre de nos deux colloques successifs semble le confirmer – nous passons d’un Wikipédia « objet scientifique non identifié » (colloque de 2013) à un Wikipédia plus clairement identifié comme « objet de médiation et de transmission des savoirs » (colloque de 2019).
3 Voir sur Wikipédia les « totems » comme représentations des « promotions » de wikipédiens : https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Totem
4 Une mention particulière pour les personnalités vivantes que l’on connaît (une infime partie des 250 fiches que nous avons créées) : s’en entretenant avec elles, hors la gratitude qu’elles manifestent généralement, on peut avoir des réactions du type « il y a des erreurs sur ma fiche WP, et maintenant que je vous tiens… ». De même, la notion de photo hors droits est difficile à faire comprendre : tel collègue m’envoie… sa photo prise par son éditeur ; mais cette notion de photo hors droits reste à notre sens sujette à justification : par exemple, comment définit-on « une photo familiale » ?
5 Je connaissais ces deux ministères puisque j’avais été conseiller au cabinet de la ministre de la Recherche (2002-2004) et Secrétaire général du projet « Bibliothèque numérique européenne » auprès du ministre de la Culture (2005-2006). Concernant la Culture, je n’étais évidemment pas le seul à faire le lien avec ce ministère : on peut citer Rémi Mathis, conservateur des bibliothèques, qui était déjà administrateur de Wikimédia France en 2009 et qui présida l’association de 2011 à 2014.
6 À ce moment-là, vota pour sa suppression un wikipédien que j’estimais beaucoup (et que j’estime toujours), qui était avec moi administrateur de Wikimédia France. Wikipedia Lex (sed lex) est une loi d’airain, à placer, comme toutes les lois, au-dessus des amitiés.
7 « Il est vivement déconseillé d’intervenir sur les articles concernant les sujets dans lesquels vous êtes personnellement impliqué, qu’il s’agisse de vous-même, de vos réalisations […] » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Autobiographie).
8 Alexandre Moatti, « Postures d’opposition à Wikipédia en milieu intellectuel en France », art. cit.
9 Dans l’article cité ci-dessus, nous esquissions le fait que « les postures et manies de certains contributeurs Wikipédia pourraient elles aussi être un objet d’étude » ; nous avons développé cette critique dans le chapitre « Quelques travers wikipédiens » de notre Au Pays de Numérix, Paris, PUF, 2015, p. 73-82. Revenons ici sur l’un de ces items, « Libre de droits n’est pas libre de devoirs » : il arrive que des contributeurs WikiCommons téléchargent des images qui ne sont plus sous droits (ce qui est louable), mais sans indiquer la source (ce qui l’est moins) – un exemple parmi d’autres, un tableau non référencé, représentant (supposément, donc) Condorcet : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Condorcet.jpg
10 L’erreur est native à Wikipédia {{fr}}, la page ayant été créée en 2004, celle de Wikipédia {{en}} en 2008 seulement. Nous avons évidemment procédé nous-même au renommage de la page en travaillant sur le sujet en août 2017, en changeant le prénom. Au passage, notons qu’il est difficile (impossible ?) de faire la traçabilité de l’intitulé d’un article Wikipédia – peut-être une des seules traçabilités manquantes : quand un titre est modifié (« Jean-Charles Alphand » en « Adolphe Alphand »), tout l’historique de la page depuis sa création reprend ce titre. Le titre de la page {{en}} a été modifié en 2018 ; la plupart des pages d’autres langues continuent à l’appeler Jean-Charles (ex. allemand, suédois, espagnol, italien, hollandais…).
11 Par exemple le Siaap Service public de l’assainissement francilien (successeur du service qu’Alphand dirigea en fin de carrière !) http://www.siaap.fr/fr/former-transmettre/mieux-comprendre-lassainissement/principes-et-procedes/histoire-les-figures-de-lassainissement/jean-charles-alphand/; un article de 1998 de Libération sur la controverse de la Tour Eiffel http://www.liberation.fr/cahier-special/1998/01/12/contre-ce-monstre-de-toureiffel-a-monsieur-alphand-1_544693. Et même le Larousse en ligne, qui là n’avait rien à envier à Wikipédia : http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Alphand/104972. En 1989, dans une excellente émission télévisée de Bernard Rapp, Alphand est prénommé correctement, mais la présentation faite bien plus tard de cette même émission par l’INA (gardien des archives télévisuelles publiques) utilise le prénom erroné (http://www.ina.fr/video/CAB89018974, consulté le 9 février 2018) – ce qui montre l’influence de Wikipédia, l’INA lui ayant trop fait confiance. Nous avons utilisé ces exemples dans notre article « Adolphe Alphand : Quelles traditions polytechniciennes ? », in Michel Audouy, Jean-Pierre Le Dantec, Yann Nussaume, Chiara Santini (dir.), Le Grand Pari(s) d’Alphand. Création et transmission d’un paysage urbain, Paris, Éditions de la Villette, 2018, p. 50- 57.
12 Au moins la génération qui nous a précédés pouvait-elle, sur la base de l’encyclopédie papier, citer un article avec la date de publication du volume. Pour Universalis en ligne, même cela est impossible : aucune date n’apparaît.
13 L’assertion « pas d’auteur » serait sans doute très contestée par certains collègues wikipédiens (voir affaire Houellebecq et Flammarion c/ Wikimedia France, octobre 2010 : d’aucuns avaient imaginé que tous les auteurs, ou au moins les principaux, devaient être cités dans l’édition modifiée du livre de Houellebecq – ceci n’a pas de sens).
14 On peut parfois estimer (par exemple : si son auteur est mort, ou en fonction des références données) la période approximative de rédaction d’une notice Universalis.
15 Bernard Guillemain, « COMTE AUGUSTE - (1798-1857) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 décembre 2019. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/auguste-comte/
16 Par exemple, l’article de Thierry Noisette du 20 juillet 2017 dans NouvelObs, « Exclusions, menaces, budget recalé : c’est la crise chez Wikimédia France » ; ou l’article de Damien Leloup du 11 septembre 2017 dans Le Monde, « Vers une sortie de crise à Wikimédia France ».
17 Voir notre Au Pays de Numérix, Paris, PUF, 2015, p. 77, à propos d’une discussion avec un contributeur qui, sur la page consacrée à Auguste Comte, tenait mordicus à la phrase (extraite d’une source secondaire) : « Le positivisme est un culte des morts. » Qu’il y ait un culte des grands hommes disparus dans la religion positiviste, certes, mais réduire la philosophie positiviste à cette phrase est une aberration – une formule-choc éloignée de la vérité, et somme toute sans grand intérêt.
18 Entendons-nous bien : nous ne sommes bien sûr pas opposés aux droits d’auteurs – d’ailleurs en tant qu’auteur, nous en percevons. Mais nous estimons que l’aspect diffusion de la connaissance, par des ouvrages non réédités, par l’iconographie à caractère public, par les émissions de radio publique, devrait avoir une prééminence dans les politiques publiques ; c’était l’objet de notre ouvrage Au pays de Numérix (ibid.), où nous examinons les antagonismes entre la fameuse « exception culturelle » et la diffusion numérique de la connaissance.
19 On pourra suivre pour ce type de sujets le blog de Lionel Maurel, S.I.Lex, https://scinfolex.com/ (depuis 2009) ; et l’ouvrage qui en est issu, S.I.Lex, le blog revisité. Parcours de lectures dans le carnet d’un juriste et bibliothécaire, Sarah Clément, Mélanie Leroy-Terquem (dir.), Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2019, [en ligne] OpenEdition.
20 L’ironie du sort est que le quasi-seul moyen de se renseigner à présent sur feu ce projet Knol est… Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Knol (voir aussi Le Figaro, « Grâce à Knol, Google rivalise avec Wikipédia », 25 juillet 2008).
Auteur
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Alexandre Moatti
Université Paris Diderot, SPHERE
Alexandre Moatti est ingénieur en chef des Mines, chercheur associé HDR en histoire des sciences et des techniques à l’Université de Paris (laboratoire SPHERE UMR 7219). Il est auteur d’articles et d’ouvrages sur les usages du numérique, notamment Au Pays de Numérix (PUF, 2015). Il est contributeur Wikipédia depuis 2005, membre de Wikimédia France depuis 2007 (page de travaux www.moatti.net).
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Wikipédia, objet scientifique non identifié
Lionel Barbe, Louise Merzeau et Valérie Schafer (dir.)
2015
Wikipédia, objet de médiation et de transmission des savoirs
Lionel Barbe et Marta Severo (dir.)
2021