Actualité du travail théorique de S.M. Eisenstein : contextes et pratiques du style « moderne » aujourd’hui
p. 373-387
Texte intégral
1Que la pensée théorique d’Eisenstein soit au cœur des pratiques les plus actuelles et les plus vivantes du cinéma « moderne », c’est ce qui ressort de nos considérations1 sur les concepts fondateurs d’« imagicité », d’« extase » et d’« action ». La dimension épistémologique de son travail nous aide en effet à comprendre le mouvement de fond qui parcourt – aujourd’hui plus que jamais – ces œuvres internationales du cinéma et de l’audiovisiuel contemporains qu’on rattache à ce style spécifique du « cinéma moderne », défini comme tel par une noble tradition théorique d’origine essentiellement française2.
2Nous avons vu comment l’« imagicité » (obraznost) coïncide pour Eisenstein avec ce point où l’image est le plus chargée de sens et réalise l’avènement d’« un équivalent de la quadridimensionnalité », en déterminant chez le spectateur le plus haut niveau émotionnel et, en même temps, la véritable « compréhension » de l’œuvre d’art. Un « comprendre-saisir » semblable à celui qui opère pour les phénomènes de la nature qui nous entoure et de la société dans laquelle nous vivons. Le niveau de l’obraznost’ réalise l’ex-stasis (la « sortie hors de soi ») de la « représentation », le saut de qualité de l’image qui, du niveau « tridimensionnel » de la « représentation » – encore trop impliqué dans une géométrie statique pour transmettre le plein sens de l’œuvre et permettre la saisie authentique de la « totalité » – accède au niveau « quadridimensionnel » de l’« organicité », c’est-à-dire de la vérification, dans l’image, de l’universelle loi de développement des organismes naturels, grâce au « sentiment de la compréhension dynamique ». C’est ce niveau, dit encore Eisenstein, qui opère chez le spectateur la plénitude du « comprendre-saisir » : le « concept ». Lequel n’est donc pas un fait purement intellectuel mais implique la totalité de l’appareil perceptif et cognitif. Cette « image intégrale » n’est possible qu’à travers la « quadridimensionnalité », terme qui – puisqu’il en appelle à la quatrième dimension, c’est-à-dire au temps – se traduit dans la formule de l’« inclusion du sentiment temporel de l’action active3 ».
3L’« action » fait ainsi son entrée triomphale dans la théorisation d’Eisenstein, en portant à ses conséquences logiques le concept de « dynamisme » qui, dès ses premières spéculations, est placé au centre de l’opérativité artistique et qui, avec grande cohérence, est amené à mettre en lumière le point où s’enracine notre situation d’êtres dotés de perception et de conscience : « la pratique de la vie » comme lieu incontournable d’une « compréhension » qui est « aperception, adhésion, participation émotionnelle » et tout à la fois « conceptualisation de l’existant ». Le « temps » et l’« action » deviennent de la sorte les facteurs sans lesquels on ne peut avoir de connaissance du monde, les conditions sine qua non de notre relation aux choses. Et cette relation se vérifie dans le « sentiment » du dynamisme de la nature, de l’« infinité », sentiment qui ne peut être pensé qu’en tant qu’« activité-processus susceptible de se poursuivre de manière illimitée ». C’est ce qu’Eisenstein nomme « pathos », corrélat – chez le spectateur – de la « sortie hors de soi » qui est le propre de cette représentation lorsqu’elle a atteint le niveau de l’« imagicité ». La condition « extatique » est donc intégralement traversée par le « dynamisme de la nature » et par l’« action », par l’« opérativité humaine ». Elle résulte de l’interaction de deux polarités : l’« infinité » de la nature et l’« agir rationnel » humain, agir « culturel et social ».
4Rappelons ici que ces niveaux acquièrent la force de l’évidence à travers l’expérience vitale du voyage au Mexique (qui représente pour Eisenstein le niveau du devenir de la nature4) et aux États-Unis (niveau du « devenir technico-matériel ») qui complètent l’expérience de la Révolution d’Octobre (niveau du « devenir social »). Et rappelons aussi que le voyage au Mexique a certainement représenté un moment indépassable pour ce qui concerne l’expérience du principe dynamique de la dialectique, le moment où se réalisait « le fait de vivre avec une extrême clarté, comme quelque chose de réel, le principe dynamique fondamental de la dialectique – le devenir5.
5Position théorique qui nous fournit quelques clés pour comprendre comment agit la dynamique du moderne dans le cinéma et l’audiovisuel contemporains.
Le contexte de l’audiovisuel aujourd’hui : du cinéma à l’internet
6Tant dans le domaine de l’audiovisuel que dans celui des arts visuels, de l’urbanisme et de l’architecture, les scénarios culturels du troisième millénaire manifestent une ligne progressive de grand intérêt. On peut dire que se sont réalisés aussi bien l’« utopie » de Cesare Zavattini (le « cinéma de beaucoup de personnes pour beaucoup de personnes ») et avant lui des kinoki de Dziga Vertov, l’expanded eye dont parlait Jonas Mekas en 1963, et l’expanded cinema préconisé par Gene Youngblood en 1970. Cette évolution va dans la direction du « cinéma du réel », lequel – ce n’est pas un hasard – jouit aujourd’hui d’un large crédit, qui dépasse les limites de la cinéphilie. Ce type de cinéma, à partir de la moitié du xxe siècle, a connu un extraordinaire élan avec le « cinéma de la réalité » d’André Bazin et avec tout un ensemble de pratiques relevant du « style moderne », telles – entre autres exemples – celles de Jean Rouch et Jean-Luc Godard, Philippe Garrel et Jean Eustache, Jonas Mekas cité plus haut, le Rossellini télévisuel, Bernardo Bertolucci, Straub-Huillet, Edgar Reitz et Werner Herzog, sans compter les films de voyage de Pasolini et tant de documentarisme de haut niveau en Europe comme aux États-Unis.
7Nous avons donné ces exemples (on pourrait en ajouter une multitude d’autres) pour rappeler que c’est dans les pratiques rigoureusement « cinématographiques » que s’est formé le « style moderne » : élément qu’il faut avoir bien présent à l’esprit dans le contexte actuel, caractérisé par la disparition des frontières entre les supports – la pellicule, l’électronique, le digital – et plus généralement par l’« expansion » du cinéma dans toutes les directions, dont en priorité celle de l’« accès » au moyen audiovisuel tant en phase de réalisation que d’exploitation (pensons à tout ce qui est lié à l’avènement de l’internet). Ce phénomène, qui implique de parler aujourd’hui, très largement, d’« audiovisuel » exige que les théoriciens soumettent des concepts forgés dans le « cinéma-cinéma » à un double travail d’articulation et d’innovation assurant la continuité entre le passé et le domaine actuel de l’image en mouvement.
8En fait ce qui s’impose aujourd’hui, c’est un engagement sévère par rapport à l’élément formel, qu’il faut reproposer avec force face à la toute nouvelle et planétaire liberté d’accès à la communication audiovisuelle qu’autorisent les technologies actuelles. Une théorisation adaptée, efficace et dynamique, de l’audiovisuel contemporain présuppose exactement cela : la capacité d’harmoniser d’un côté la conscience de cette liberté inédite, avec la compréhension de ce qu’elle signifie dans le cadre général des cultures, et d’un autre côté les savoirs que nous ont transmis l’histoire de la critique et la théorie du cinéma concernant le rôle des formes. Tel est bien, à notre avis, l’enjeu crucial des études sur l’audiovisuel contemporain : elles ne sauraient se limiter à une sociologie de la communication et doivent se donner les moyens de mener une interprétation textuelle, impossible sans la connaissance du patrimoine interprétatif qui nous est transmis par l’histoire du cinéma, par son travail critique et théorique.
9C’est ici que les théories élaborées par Eisenstein se révèlent précieuses, par leur façon d’aller au fond des dynamiques qui interfèrent dans notre esprit, au niveau émotionnel aussi bien que conceptuel, dans une situation audiovisuelle. Cet approfondissement recouvre notre relation aux choses et aux autres, non moins que les dimensions sociale et politique de nos modes d’action ; et recouvre aussi des modalités opératoires qui sont aujourd’hui spécifiques du monde des médias. Ainsi, en premier lieu, de l’anticipation que donne Eisenstein, avec le « livre sphérique6 », de l’hypertextualité de l’internet.
10La dimension sociale et politique à quoi conduit la pensée du cinéaste russe sur l’obraznost’ se trouve mise en œuvre par l’audiovisuel contemporain avec une performativité et une amplitude qui n’ont d’autre précédent que les kinoki vertoviens et les cinegiornali liberi7 zavattiniens, sans oublier par ailleurs le documentarisme d’un Lionel Rogosin, d’un Richard Leacock, d’un Joris Ivens, ou, plus récemment, d’un Errol Morris et d’un Frederick Wiseman. Performativité et amplitude aux conséquences multiples, à plusieurs niveaux : qui vont des modes de production (l’accès à de nouveaux sujets) aux modes d’exploitation (vidéo à la demande, streaming, et tout ce qui peut circuler sur le web), jusqu’à la capillarité des techniques de persuasion et de propagande commerciale, économique et politique. Avec des conséquences aussi sur l’innovation linguistique…
Arts et architecture au début du troisième millénaire : l’effacement des frontières entre les techniques et les langages, l’afflux de matériaux « pauvres » et la performance
11Dans le domaine de l’audiovisuel l’innovation linguistique consiste, on l’a souligné, dans la dissolution des frontières entre les techniques et les langages ainsi que dans l’afflux de matériaux « pauvres ». Il s’agit de phénomènes propres aux arts visuels depuis les années 1940, si nous pensons aux principaux mouvements qui les ont caractérisés au cours des soixante-dix dernières années : spatialisme, art conceptuel, arte povera, land art, earthworks, performance art, body art, Fluxus, happening, minimal art, process art. Autant de mouvements qui ont en commun le dépassement du « cadre comme surface à remplir de couleurs et de formes » (Piero Manzoni) et la projection du faire artistique dans l’intégralité de l’espace physique et mental8, social et naturel : qu’on pense à la performance chamanique de Joseph Beuys, qui ne contredit nullement sa contribution décisive de 1979 à la fondation du parti des Verts en Autriche et son œuvre Action 7000 chênes à Kassel pour dOCUMENTA en 1982 (une action environnementaliste programmée sur de nombreuses années) ; ou qu’on pense à l’action civile d’une Mierle Laderman Ukeles, ou à l’engagement écologique d’un Hans Haacke et aux voyages de On Kawara et de Bas Jan Ader, pour ne citer que quelques noms d’artistes qui ont accompagné la naissance de mouvements aujourd’hui plus que jamais médiatisés à une échelle planétaire et tirant parti de manière décisive de l’audiovisuel, du web, et de l’interactivité.
12Ces diverses formes d’art se rejoignent par le fait qu’elles débordent la centralité de la toile et même, en allant plus loin, de tout support matériel quel qu’il soit : comme ce fut le cas par exemple du Hollandais Bas Jan Ader, artiste conceptuel mais aussi réalisateur et photographe, qui en 1975, alors âgé de 33 ans, décide de s’aventurer en mer pour une performance intitulée In Search of the Miraculous, consistant dans la traversée en solitaire de l’Atlantique sur un petit voilier ; chose qui lui coûta la vie : le bateau fut récupéré au large de l’Irlande et son corps ne fut jamais retrouvé. On a là une forme extrême de ces pratiques performatives très fréquentes dans les arts visuels des dernières décennies et qui nous intéressent parce qu’elles traduisent, de la part d’artistes qui travaillent dans des contextes et avec des moyens divers, le partage de cette donnée opératoire existentielle qui met en jeu leur propre corps et leur relation tout ensemble physique et mentale avec les autres et avec l’environnement. Parmi les formes les plus récentes de cette attitude dans les arts visuels, on peut citer les Invisible Paintings du Suisse Bruno Jakob, réalisées au moyen d’« eau, doigts, énergie, cerveau, air, lumière » pour faire apparaître sur la blancheur du carton des images irreprésentables (voyez encore, en 2009, sa manière de « peindre » par transmission de pensée depuis New York les murs de la galerie Helmhaus de Zurich), et les « situations construites » du Britannique Tino Sehgal, performance actorielle de surveillants de salle de musée ou de groupes de visiteurs d’expositions ou de collaborateurs de l’artiste qui se relayent dans une salle pendant toute la durée de l’exposition (comme à la Biennale 2013 des arts visuels de Venise, au cours de laquelle Sehgal a remporté le Lion d’or du meilleur artiste, fait on ne peut plus significatif de l’effacement des frontières entre les arts et de la centralité actuelle de l’élément performatif et existentiel).
13La constante de fond de ces opérations est la réflexion de caractère métalinguistique menée par l’artiste sur son art à travers la récupération de la valeur des matériaux et du geste quotidien.
14On rencontre un mouvement analogue dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme. Une étude comme Architecture as Air : Study for Château la Coste du Japonais Junya Ishigami, par exemple, propose de repenser de fond en comble l’acte de projeter et de construire. Il s’agit
[d’] atteindre un nouveau genre de transparence, qui transcende les concepts de luminosité et de poids à travers l’affaiblissement et l’atténuation extrêmes des délimitations qui donnent forme aux édifices ; dans une telle visée il faudra penser l’architecture en tant qu’air qui nous entoure, qui s’étend à l’infini et remplit l’espace […] Cette étude pourrait apporter une nouvelle qualité de transparence à l’architecture. Et cette construction, infiniment transparente, infiniment pleine, pourrait réussir à créer un monde nouveau, différent de tout ce que nous avons vu jusqu’ici9.
15Une telle position radicalise l’aphorisme bien connu de Mies Van der Rohe, « Less is more10 », et la ligne du Bauhaus, expérience décisive de l’architecture du xxe siècle, qui est aujourd’hui repensée de bien des façons, à travers le retour au discours sur les matériaux et sur la vocation sociale de l’art. De fait, cette position connaît aujourd’hui une nouvelle consécration, avec la réaffirmation du rapport à l’environnement qu’une partie non négligeable de l’architecture et de l’urbanisme contemporain met au centre de sa réflexion et de son action. Les quatre dernières éditions de la Biennale d’architecture de Venise s’inscrivent dans cette dynamique, qu’il s’agisse en 2008 de l’édition Out There. Architecture Beyond Buildings11 ; en 2010 de l’édition suivante, People Meet in Architecture12, qui confronte l’activité des grands projets et l’environnement ; ou, allant encore plus loin, de l’édition de 2012, Common Ground13, qui ouvre un espace architectural aux myriades d’initiatives professionnelles répondant aux aspirations de vie harmonieuse sur une « terre commune », la planète, aujourd’hui plus que jamais menacée par ce que Pasolini appelait un « développement sans progrès14 ». C’est avec cette édition qu’on voit se multiplier les exemples d’un ample mouvement, qui va de la mobilisation de base présentée au pavillon des États-Unis aux projets institutionnels des pavillons français et allemand (ce dernier sous le signe des concepts de « réduction », « récupération » et « recyclage ») à la multiplicité composite des recherches dans le pavillon britannique. Arrêtons-nous seulement sur l’exemple du Parc Tempelhof, vaste et historique aéroport situé près de Berlin destiné à devenir un espace vert réservé aux citadins pour qu’ils y improvisent les expériences récréatives les plus variées, du vol de cerfs-volants au jogging, du patinage à la culture de potagers : un lieu qui résiste aux menaces jamais totalement éradiquées de la spéculation immobilière, et qui, dans une société fortement développée, rejoint l’« auto-construction » présentée dans la même édition par l’architecte indien Anupama Kundoo (construction en briques façonnées par les habitants d’un village africain), et pratiquée notamment par le groupe ARCò-Architecture et Coopération (construction en Palestine d’une école en récupérant des bâches de camion). C’est la même ligne du Common Ground que l’Arsenal expose à Paris dans Re-Architecture, toujours en 2012, donnant une nouvelle preuve de l’aspiration à une nouvelle pensée de l’architecture et de l’urbanisme, conçus à travers le prisme du bonheur et en opposition ouverte au formes de développement néocapitaliste. Enfin la Biennale d’architecture de l’année 2014 s’intitule Fundamentals et reparcourt l’histoire de l’architecture du xxe siècle pour interroger le processus qui a conduit – comme le souligne le commissaire Rem Koolhaas – des « caractéristiques nationales » à
[…] l’adoption à une échelle quasi universelle d’un unique langage moderne au sein d’un unique répertoire typologique […] En racontant sur un mode cumulatif l’histoire des 100 dernières années, les expositions qui se dérouleront à l’intérieur des Pavillons Nationaux donneront lieu à une vue panoramique globale de l›évolution de l›architecture vers une seule et unique esthétique moderne tout en dévoilant, dans le cadre de la globalisation, la survivance de caractéristiques et de mentalités nationales singulières qui continuent d’exister et de s’épanouir au sein des cultures individuelles, alors même que s’intensifient la collaboration et les échanges internationaux15.
16Et il y a un autre enjeu important : l’attention portée à l’environnement, aux différences culturelles, à la vie matérielle des habitants de la planète va de pair avec la réflexion sur le fonctionnement mental : l’esprit et le corps humains deviennent aujourd’hui le lieu paradigmatique de la réflexion sur l’architecture (et les arts visuels contemporains). Ainsi l’architecte viennois Wolfgang Tschapeller se demande s’il est :
Possible – ou nécessaire – de « transposer » au corps les règles de l’architecture des édifices. Le corps est-il susceptible d’absorber les fonctions des édifices, et de devenir ainsi le vrai chantier ? Et comment se développera notre patrimoine d’éléments constructifs16 ?
17Interrogations qui rejoignent de manière évidente l’œuvre de la Française Odile Decq (qui a réalisé, entre autres, le « Macro » de Rome), à qui l’on doit le projet d’un campus universitaire d’architecture très particulier à Lyon, et dont le programme didactique (en grande partie on line) se prolongera sur cinq ans à partir d’octobre 2014 : l’Institut Confluence, dont la mission sera d’articuler un ensemble cohérent d’apports disciplinaires « pour l’innovation et les stratégies créatives en architecture » et de « conjuguer neurosciences, nouvelles technologies, engagement social, arts visuels, physique afin de changer le sens et le futur de l’architecture ».
L’audiovisuel du présent et du futur
18Abolition des frontières entre les langages, donc, et dissolution des barrières disciplinaires, pour une prise en considération étendue et profonde de l’être humain et de son milieu naturel et culturel17. Ce qui implique : l’avènement du « petit » vs le « grand », la reproposition forte de la valeur des matériaux et de l’esprit, de l’instance existentielle qui porte à l’échange dans la connaissance du monde (connexion, voyage) pour un renouvellement de l’opérativité politique et des transversalités idéologiques capable de refonder (dans un avenir qui n’est probablement pas proche, mais pas non plus utopique) les modes de contribution que chacun peut apporter au bien commun et au bonheur individuel et collectif. Telles sont les lignes du progrès inscrites dans les scénarios contemporains des arts, de l’architecture et de l’urbanisme comme dans les domaines de l’audiovisuel, avec leurs propres modalités opératoires, et qui « travaillent » en analogie avec ce qui constitue le noyau profond de la théorisation d’Eisenstein.
19Dans l’art vidéo, à la génération historique des pères fondateurs, qui provenaient des expériences les plus diverses – peinture, sculpture, musique, architecture, poésie, photographie, arts graphiques, arts visuels et arts performatifs, médias et nouvelles technologies, mathématiques, physique, cybernétique – dont la visée principale était d’expérimenter les croisements entre arts et technologie, a succédé une seconde génération, où les artistes femmes ont une part décisive et qui trouve son commun dénominateur dans un travail sur les matériaux (naturels et culturels) pour repenser l’au-diovision et son rapport avec le réel. C’est tout à fait évident, par exemple, chez la Finlandaise Eija-Liisa Ahtila, dont les œuvres tirent leur puissance visionnaire du quotidien en se fondant sur l’attente, le vitalisme et la magie pour faire lever le sens, dans une suspension qui ouvre d’intenses interrogations sur l’identité féminine. Et c’est évident aussi chez l’Iranienne Shirin Neshat, dans la matiéricité de la scène, des sons, des bruits et des paroles d’une vidéo comme Turbulent (1998) ou chez la Suisse Pipilotti Rist dont les installations fascinantes réclament souvent du spectateur une collaboration performative : par exemple, commodément allongé, de s’abandonner à la contemplation d’Homo sapiens sapiens (2005), projeté sur l’intérieur de la coupole de l’ex-église de San Stae à Venise ; ou les cartes célestes inventées par la Padouane Grazia Toderi : le mouvement d’images qui désarticule des paysages nocturnes les relance dans une dimension cosmique et amène le spectateur à voyager à travers un univers à la fois très concret et mystérieux, dans une spatialité galactique traversée de lumières en mouvement et plongée dans des sonorités abyssales, pour nous rappeler avec quelles profondeurs peut entrer en résonance notre perception quotidienne.
20Et il y a aussi l’expérience directe du voyage, centrale dans l’installation sur six écrans From here to there (2003) de la Canadienne Jana Sterbak et davantage encore dans les installations de la Camerounaise Pascale Marthine Tayou, qui a fait du voyage la condition même de son art : en visitant la grande installation Human Being (2007), le spectateur se déplacera en effet au milieu d’une série de cabanes primitives en bois, dont les fenêtres, portes et murs sont les supports de nombreuses projections vidéos qui évoquent le quotidien de pays éloignés les uns des autres, du Cameroun au Japon, de Taïwan à l’Italie. L’articulation culturelle du monde globalisé trouve dans ce village à la fois archaïque et technologique quelque chose qui va bien au delà d’une métaphore, dense de références concrètes et politiques : une sorte de village global débordant de vie et d’interrogations.
21Et c’est précisément le voyage – et avec le voyage les matériaux, le « petit18 » et le « quotidien » – qui constitue le point focal de notre propos sur l’audiovisuel contemporain, et nous ramène à Eisenstein, et à l’importance de son élaboration théorique pour interpréter le style que nous appelons « moderne ». C’est en effet le voyage19 qui guide aussi bien les expériences des artistes vidéo dont nous avons parlé (et de tant d’autres, hommes et femmes, qui traduisent la vitalité, aujourd’hui, du « style moderne ») que celles des nombreux cinéastes et vidéastes qui réalisent des œuvres marquées par la rencontre avec une réalité qu’ils ont à cœur de comprendre en profondeur. Leurs œuvres incarnent le renversement du rapport traditionnel entre « petit » et « grand » et entre « intériorité » et « extériorité », dans le sens où le « petit » et l’« intériorité » y deviennent protagonistes, deviennent la raison même du faire cinéma, le moteur du « filmer ».
22Ces auteurs répondent à cette instance de perméabilité avec la vie mise en évidence par le cinéma de Jean Renoir, un des maîtres reconnus du « style moderne ». Instance qui se traduit dans l’interrogation portée sur et par l’acte artistique, interrogation radicale du « sens », qui, chez ces auteurs, n’est pas « donné » mais toujours « construit » dans la mise au point des stratégies cognitives. Un sens intellectuel et existentiel à la fois, qui en appelle à l’ensemble de notre corps, dans la continuité toujours soulignée par Eisenstein entre intuition, émotion et intellect : l’esprit comme part intégrante du corps et en même temps comme dispositif qui relance le jeu de nos perceptions et com-préhensions sur le terrain de l’irreprésenté, dans la dimension d’un « sentiment » panique du « dynamisme », impliquant l’organicité de la nature, le caractère technique de l’art et le devenir ininterrompu des sociétés humaines.
23Le « style moderne », dans cette perspective, traduit bien sa nature « anti-représentative » si on donne au mot de « représentation » le sens utilisé dans le contexte des élaborations théoriques françaises des années 1960 et 197020 : « re-présentation » comme présentation d’un sens qu’on détient déjà, présentation de ce qu’on connaît déjà (le « découpage classique hollywoodien », aujourd’hui différent de ce qu’il a été mais non pas de ce qui est l’élément décisif pour notre propos : son caractère institutionnel, qui en fait, somme toute, le véhicule conscient des valeurs de fond proposées aujourd’hui comme hier par le capitalisme de la société qui le finance). Anti-représentativité qui met en jeu l’eisensteinienne « auroralité du sens », qui n’est pas du tout détenu avant l’œuvre par l’auteur mais qui au contraire « naît de l’œuvre » : le sens, nous dit Eisenstein, « tire son origine » du montage ; lequel est « heurt de deux morceaux indépendants l’un de l’autre », et par conséquent n’est pas prédéterminé par la continuité logique de la narration et présente un caractère de « surgissement », précisément « auroral ».
24Nous avons là une ouverture théorique qui dépasse les contingences historiques dans lesquelles cette formule a été prononcée, et qui saisit le point nodal de tout acte créatif : le sens se dévide dans la nouvelle forme mise au jour durant l’opération artistique. Et le sens – avant cet « événement » qu’est l’œuvre d’art (du latin adventum, ad-venire ; venir à « existence ») – tout simplement n’est pas ; ou pour mieux dire : « Il est une possibilité offerte à l’opérativité humaine afin qu’un sens s’offre, afin qu’un sens advienne, soit réalisé. »
25Les œuvres actuelles de « style moderne » sont de toute évidence celles qui, dans l’audiovisuel contemporain, réalisent le plus pleinement cette instance qui soutient l’intégralité du discours d’Eisenstein : l’auroralité du sens, en effet, est précisément ce qui surgit des « voyages » en quoi consistent les films et les vidéos que nous avons pris pour exemples. Et c’est une auroralité qui met presque toujours en jeu la Nature, autre élément qui nous ramène à Eisenstein. Dans Dramaturgie de la forme filmique s’énonce clairement ce que le cinéaste expérimentera dans ses voyages au Mexique et aux Etats-Unis : le heurt entre la « logique de la forme organique » – c’est-à-dire le dynamisme de la Nature, dont Eisenstein acquerra la pleine « com-préhension » au Mexique – et la « logique de la forme rationnelle – c’est-à-dire le dynamisme de l’Industrie, la Technique qu’Eisenstein « com-prendra » le dynamisme lors de son voyage à New York. De ce heurt, dit le réalisateur en 1929, naît « la dialectique de la forme artistique21 ». C’est exactement ce qui se passe dans les vidéos et dans les films que nous avons cités22 : leurs auteurs y font l’expérience d’un rapport avec les autres et avec la nature, dans un voyage existentiel qui le questionne à travers un moyen technique – la caméra, la télécamera. De la rencontre de cette technique avec les choses naît l’œuvre, lieu de la naissance du sens. Cette auroralité sépare irrémédiablement Eisenstein du cinéma de propagande voulu par le régime stalinien : un cinéma qui, au sein du « réalisme socialiste » des années 30 répète souvent, ce n’est pas un hasard, les modalités des genres hollywoodiens (surtout la comédie, quoique dans des situations différentes). Eisenstein payera cette scission au prix fort.
26Aujourd’hui, dans un contexte différent, on mesure peut-être mieux qu’hier la hauteur des enjeux engagés. Il s’agissait de deux façons opposées et inconciliables de penser ce qui est la caractéristique essentielle de l’être humain : sa créativité. Eisenstein la conçoit en profondeur, il dote le cinéma de clés de lecture qui apparaissent aujourd’hui on ne peut plus productives, dans la direction suivie par une partie majeure de l’audiovisuel contemporain, qu’innerve un rapport vital et problématique entre les matériaux infinis du monde (toujours interrogés, jamais instrumentalisés) et une conscience en devenir permanent qui se laisse modeler par ces matériaux à travers l’objectif de la caméra. Ainsi s’oppose, à tous les niveaux, perceptif et intellectuel, le cinéma du « style moderne » en tant que cinéma de l’auroralité de la connaissance au cinéma de la représentation/répétition du déjà connu et du déjà dit – le cinéma du reflet, liturgie des mécanismes à travers lesquels une société conserve son statu quo.
27Les films et vidéos que nous avons pris pour exemples du « style moderne » contemporain sont ceux qui vérifient le mieux aujourd’hui une position comme celle d’Eisenstein dont la valeur épistémologique va bien au delà du contexte historique dans lequel elle s’est construite. Se donnant comme formes authentiques d’expérience cognitive à travers l’audiovisuel, ces œuvres réalisent à chaque instant la « fracture anthropologique » par laquelle seule cette expérience peut être mise au jour, et elles dénoncent la vraie nature de cet autre cinéma et de cet autre audiovisuel qui dominent le marché en se pliant, pour conserver l’existant, à l’instance institutionnelle de la non-expérience et de la non-connaissance.
Notes de bas de page
1 Voir dans ce même ouvrage, De Vincenti Giorgio, « De l’“extase” à l’“action” : l’horizon révolutionnaire du travail théorique de S. M.Eisenstein », p. 195-210.
2 Voir De Vincenti Giorgio, Lo stile moderno. Alla radice del contemporaneo : cinema, video, rete, Rome, Bulzoni, 2013.
3 Ibid. p. 94-99.
4 Sur ces notions, voir Eisenstein S. M., La Non-indifférente nature/2 [1946, trad. L. et J. Schnitzer], Paris, Union Gnérale d’Editions, p. 316-318 [Note de l’éditeur].
5 Eisenstein S. M. et Montani P., La natura non indifferente, Venise, Marsilio, 1981, p. 390, traduction française de L. et J. Schnitzer in La Non-indifférente nature/2, op. cit., p. 316 « […] c’est précisément ici que se ressentait, je dirais même “se vivait” avec une telle netteté, comme quelque chose de “vivant”, le principe fondamental dynamique de la dialectique son “devenir” ».
6 Sur l’idée du « livre sphérique », voir Somaini Antonio, « Il libro sferico » in Eisenstein, Il cinema, le arti, il montaggio, chap. IV, Turin, Einaudi, 2011, p. 80-95.
7 Les « Cinegionarli liberi del proletariato » : projet lancé entre 1962 et 1967 par Zavattini : il s’agit, en utilisant des caméras légères et peu coûteuses, de confier la réalisation de sujets d’actualité à des individus ou à des groupes, en dehors des circuits normaux de l’industrie cinématographique et médiatique ; le cinéma et la télévision deviendraient ainsi le lieu d’expression et d’échanges « de beaucoup de personnes pour beaucoup de personnes ». Voir Masoni Tullio et Vecchi Paolo, « Messages dans une bouteille. Zavattini et les “cinegiornali liberi” » in Cesare Zavattini, Bernardini Aldo et Gili Jean A. (dir.), cinéma/singulier, Bologne/centre Georges Pompidou, Bologne/Regione Emilia Romagna, 1990, p. 119-122.
8 C’est toujours Piero Manzoni (1933-1963) qui s’interroge : « Pourquoi ne visons-nous pas ce récipient, pourquoi ne libérons-nous pas ces surfaces, pourquoi ne pas chercher à découvrir la signification illimitée d’un espace total, d’une lumière pure et absolue ? ». Voir Barbero Luca Massimo, “Nouveau réalisme et Azimuth”, n° 5, in Il caffè dell’Arte Contemporanea, serie dvd, Rome, Gruppo Editoriale L’Espresso S.p.A., 2014.
9 Ishigami Junya, Architecture as Air : Study for Château la Coste, présentation à la Biennale d’architecture de Venise en 2010, in Catalogue officiel, People meet in Architecture. Biennale Architettura 2010. Mostra, Venise, Marsilio, 2010, p. 166. On pense évidemment au projet The Glass House d’Eisenstein.
10 « Le moins est le plus ».
11 « Hors d’ici. L’architecture au delà des édifices » [commissaire Aaron Betsy].
12 « Les gens se rencontrent dans l’architecture » [commissaire Kazujo Sejima].
13 « Niveau commun » [commissaire David Chipperfield].
14 Est-il besoin de dire l’actualité du discours sur le « développement durable », qui apparaît comme le grand défi du troisième millénaire ? Outre les noms de Vandana Shiva et de Serge Latouche, pour ne donner que deux exemples, rappelons les positions de l’Unesco sur la diversité culturelle et sur la biodiversité, et, dans le domaine du documentaire, le film de David Guggenheim An Inconvenient Truth (« Une vérité qui dérange »), soutenu par Al Gore qui en est aussi le principal protagoniste.
15 Koolhaas Rem, Conférence de presse, Venise, Biennale d’architecture, 25 janvier 2013.
16 Tschapeller Wolfgang, « Common ground », in Catalogue Biennale d’Architecture, Venise, Marsilio, 2012, p. 170.
17 Ces aspects sont au centre de la pratique artistique et théorico-critique du Studio Azzurro, comme le démontre clairement l’ouvrage d’Andrea Balzola et Paolo Rosa L’arte fuori di sé. Un manifesto per l’età post-tecnologica, [L’Art hors de soi. Un manifeste pour l’âge post-technologique], Milan, Feltrinelli, 2011. Le titre même du livre évoque le « saut » de l’ex-stasis eisensteinienne. La valeur politique de cette pratique est réaffirmée au début du chapitre 15, L’Art se fait politique, où il est dit (les italiques sont des auteurs) : « L’art que nous pratiquons ne fait pas de politique, mais se fait politique, c’est-à-dire produit de manière autonome à partir de la politique un projet de reconfiguration des comportements et des sensibilités collectifs » (p. 176). Approche que Studio Azzurro qualifie d’« anthropoétique » (p. 181) en lui attribuant la mission de « construire, générer des visions alternatives et des utopies, de faire naître des anticorps symboliques contre les pathologies sociales » (p. 183). Voir aussi Marcheschi Elena, « From Apparatus to the Sensitive Environments of Studio Azzuro : Possible Development of a Human Technology », in Oui, c’est du cinéma/Yes, it’s cinema. Formes et espaces de l’image en mouvement/Forms and spaces of the Moving Image, Dubois Philippe, Ramos Monteiro Lucia, Bordina Alessandro (dir.), Pasian di Prato, Campanotto, 2009.
18 La centralité de ce motif du « petit » dans l’œuvre d’un film et vidéomaker comme Jonas Mekas, précurseur des « expansions » du cinéma, a été mise en évidence par Anita Trivelli. Voir Trivelli A., « Attualità e modernità della pratica diaristica di Jonas Mekas » [Actualité et modernité de la pratique diariste de Jonas Mekas], dans le recueil à paraître des actes du colloque « Modernité aux Amériques » (Università Roma Tre nel maggio, 2012), sous la direction de Veronica Pravadelli. A. Trivelli souligne le titre significatif de la rétrospective-exposition qui lui a été consacrée à la Biennale des arts visuels de Venise de 2005 : Celebration of the Small and the Personal in the Time of Bigness. Dans le catalogue, Mekas évoque ainsi son travail centré sur « la découverte et la célébration des petits, insignifiants moments personnels de ma vie, de la vie de ma famille, de mes amis les plus intimes, les joies, les fêtes, le fait d’être ensemble, les petits événements quotidiens, les sensations, les émotions, les amitiés ».
19 Nous nous référons à un groupe conséquent d’auteurs qui se sont affirmés ou révélés ces dernières années et dont le travail et les pratiques proches du « filmage en situation » se caractérisent par une forte composante anthropologique. Entre autres exemples, ceux qui ont connu un succès international (du reste presque toujours lors de festivals plus que dans les salles) : le Philippin Brillante Mendoza (Lola, 2009 ; Thy Womb, 2012) ; les Chinois Jia Zhangke (The World, 2004 ; Still Life, 2006 ; Useless, 2007 ; Touch of sin, 2013) et Wang Bing (Le Fossé, 2010 ; Three Sisters, 2012 ; Til Madness Do Us Part, 2013) ; le Chilien Pablo Larrain (Toni Manero, 2008 ; Santiago 73, post mortem, 2010 ; No, 2012) ; l’Argentine Albertina Carri (Los Rubios, 2003) ; la Dominicaine Laura Amelia Guzmán et le Mexicain Israel Cárdenas (Jean Gentil, 2010) ; l’Espagnol José Luis Guerin (En costrucción, 2001 ; Dans la ville de Sylvia, 2007 ; Guest, 2010 ; Correspondencia con Jonas Mekas, 2011 ; Recuerdos de una mañana, 2011) ; le Russe Aleksei Fedorchenko (Le Dernier voyage de Tanya, 2010 ; The Fourth Dimension, 2012) ; la Grecque Athina Rachel Tsangari (Attenberg, 2010) ; le Samoan Tusi Tamasese (The Orator, 2011) ; le Thaïlandais Apichatpong Weerase-thakul (Tropical Malady, 2004 ; Syndromes and a Century, 2006 ; Uncle Boonmee Who Can Recall His Past Lives, 2010 ; Mekong Hotel, 2012) ; les Italiens Pippo Delbono (Amore Carne, 2011, Sangue, 2013), Alessandro Rossetto (Bibione By By One, 1999 ; Chiusura, 2002 ; Feltrinelli, 2006 ; Raul, 2007 ; Piccola patria, 2013) et Gianfranco Rosi (Below Sea Level, 2008 ; El sicario – room164,2010 ; Sacro GRA, 2013).
20 Voir le travail théorique des Cahiers du cinéma et de Cinétique au cours de ces années.
21 Eisenstein S. M., « Dramaturgie de la forme filmique », (tr. de l’allemand par D. Huillet), in Cinématisme, introduction, notes et commentaires de François Albera, Bruxelles, Kargo/Les Presses du réel, 2009, p. 23.
22 L’actualité du discours d’Eisenstein sur l’« organicité » est montrée quasi à la lettre par le rapport avec les matériaux « vivants » de la nature qu’instaure l’arte povera dans son ensemble et, à l’intérieur du mouvement, par la pratique d’un Mario Merz, qui confronte explicitement nature et technique et qui travaille sur la spirale logarithmique et sur la suite de Fibonacci, valeurs mathématiques qui correspondent au développement organique et sur lesquelles Eisenstein travaille explicitement dans sa théorisation.
Auteur
Université Roma Tre
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