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    Plan détaillé Texte intégral Études méditerranéennes, histoire maritime et profondeur DEEPMED : topographies, temporalités et globalités Système d’information géographique historique et nouvelles visions de la Méditerranée Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Going deep : histoire maritime et histoire volumétrique en mer Méditerranée

    Lino Camprubí et María C. Villarín

    p. 185-202

    Texte intégral Études méditerranéennes, histoire maritime et profondeur DEEPMED : topographies, temporalités et globalités Topographie Temporalité Globalité Système d’information géographique historique et nouvelles visions de la Méditerranée Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Peu d’espaces géographiques ont été plus cruciaux pour la vie humaine et plus intensément théorisés que la mer Méditerranée. Aujourd’hui, cette mer présente certains des défis et des opportunités les plus pressants pour les politiques économiques, de sécurité et environnementales de l’Europe. Les solutions pour une bonne gestion de la région dépendent des conceptions que se font ses habitants de leur intégration dans cet espace méditerranéen et des divisions que celui-ci suppose. L’interdisciplinarité des études méditerranéennes a permis d’obtenir certaines réponses en prêtant attention à un environnement changeant et en pensant à la façon dont les terres et la mer ont interagi à travers la connectivité et l’exploitation des ressources.

    2Cependant, la « Méditerranée » en tant que concept spatial a radicalement changé au cours des 160 dernières années, car les humains ont eu accès à ses profondeurs, dévoilant un monde sous-marin à découvrir, explorer et exploiter. La mer Méditerranée n’est donc plus simplement vue comme une surface navigable, elle est aussi devenue un volume. Ce n’est qu’en abordant ce changement de paradigme que nous pourrons relever les défis actuels et futurs.

    3Ce chapitre présente le projet ERC-CoG DEEPMED, récit historique de la découverte de l’environnement méditerranéen profond. L’hypothèse principale est que la science et la stratégie ont fait conjointement des profondeurs méditerranéennes un objet à la fois d’analyse et d’action politique, qui, à leur tour, ont façonné la science et la stratégie dans la région. DEEPMED poursuit trois objectifs spécifiques : 1) identifier les acteurs et les contextes qui ont permis les perceptions et les pratiques des profondeurs en Méditerranée ; 2) décrire comment les échelles de temps naturelles et humaines interagissent dans cette masse d’eau ; et 3) suivre les repères conceptuels clés définissant l’unicité et la représentativité du volume méditerranéen vis-à-vis de l’océan mondial.

    Études méditerranéennes, histoire maritime et profondeur

    4Les sciences de la Terre et de l’environnement décrivent la mer Méditerranée comme une masse d’eau semi-fermée de 3 750 000 km3 et d’une profondeur moyenne d’environ 1 500 m, qui fonctionne comme un système environnemental interconnecté1. Les scientifiques développent aussi des critères de régionalisation se référant à la profondeur de la colonne d’eau2. Enfin, ils considèrent la mer Méditerranée comme un « océan miniature », permettant aux modélisateurs de comprendre les processus physiques et biologiques qui se produisent ailleurs, y compris le changement climatique3.

    5En revanche, les études méditerranéennes et l’histoire maritime de la Méditerranée ont soutenu une vision plutôt « surfacique » de cette mer. Leurs résultats sont extrêmement importants et les études sur la Méditerranée ont été les premières à intégrer les facteurs environnementaux dans les comptes rendus sur le développement humain. L’approche classique est celle de l’historien Fernand Braudel4, avec des précédents importants dans la géographie et l’histoire française et allemande du xixe siècle5. Braudel a décrit les structures environnementales de longue durée (climat et courants superficiels) qui, selon lui, ont contraint les routes commerciales qui représentaient une Méditerranée historiquement connectée. Bien que cette approche ait des limites importantes, lorsque le champ des études méditerranéennes a été créé au milieu des années 19806, l’apport de Braudel sur l’environnement a été conservé. Le domaine a cependant moins bien réussi à intégrer la question de l’accès scientifique aux profondeurs méditerranéennes. Deux volumes pluridisciplinaires récents juxtaposent études maritimes historiques traditionnelles et récits scientifiques de la Méditerranée profonde sans véritablement les intégrer7. Et tandis que les archéologues marins s’intéressent à l’environnement profond comme support pour leur propre travail, ils ont rarement besoin d’aborder la profondeur elle-même comme un objet d’enquête historique8.

    6Le manque d’outils pour se pencher historiquement sur l’exploration et l’appropriation humaine moderne des profondeurs de la mer crée deux problèmes interdépendants.

    7Premièrement, il est difficile de trouver des liens entre l’environnement naturel et les unités d’analyse historiques. Peregrine Horden et Nicholas Purcell9 ont distingué l’histoire en Méditerranée et l’histoire de la Méditerranée. Mais leur tentative de trouver les critères qui unifient cet espace géographique reste limitée à ce que Braudel appelait « les plaines de la mer » au lieu d’intégrer tout le volume de la Méditerranée. De même, si David Abulafia10 met un point d’honneur à se concentrer sur la mer et porte une certaine attention à la guerre sous-marine, il refuse explicitement de mener une « histoire sous-marine », qu’il considère comme opposée à sa propre histoire de la connectivité, centrée sur l’humain. Ce n’est pas un dilemme que nous devons accepter et auquel nous devons nous résigner. Les histoires de la Méditerranée ont besoin d’aborder les profondeurs maritimes si elles veulent compléter leurs récits de cet espace historique et des perceptions changeantes de celui‑ci.

    8Deuxièmement, ignorer les profondeurs rend plus difficile l’identification de l’importance de la Méditerranée à l’époque moderne. L’hypothèse commune, et souvent explicite, est que, alors que cette mer était au centre de certains des développements culturels et géopolitiques les plus importants des temps anciens, médiévaux et modernes, l’activité s’est déplacée ailleurs à l’ère des empires transatlantiques et de la révolution industrielle11. Le processus aurait culminé avec l’essor de la machine à vapeur et l’ouverture du canal de Suez en 1869, transformant apparemment la Méditerranée d’une surface permettant la connectivité en un passage reliant les océans Atlantique et Indien12. Ce n’est pas un hasard si la même année de l’inauguration du canal, Jules Verne a fait traverser la Méditerranée à son Nautilus en seulement 24 heures dans ses 20 000 lieues sous les mers. De plus, la décolonisation aurait fini par fragmenter la Méditerranée, mettant fin aux projets d’hégémonie impériale qui lui avaient donné une unité stratégique13. Enfin, la récente crise migratoire et les tentatives européennes de construction d’une frontière au sud auraient renforcé le rôle de la Méditerranée comme barrière de séparation14. En utilisant une métaphore géométrique, cela signifierait que la Méditerranée s’est d’abord transformée de surface de liaison en ligne d’échange et de commerce maritime, puis en barrière. Bien qu’il y ait beaucoup de vérité dans cette lecture, DEEPMED propose un récit et une géométrie différents (comme sur les fig. 1 et fig. 2). Plutôt qu’une surface ou une ligne, nous étudions comment, au cours des 160 dernières années, la Méditerranée est devenue un volume.

    Fig. 1. Charte générale de la mer Méditerranée, 1846

    Publiée par James WYLD (géographe de Sa Majesté).

    Source : James Wyld, Royal Museums Greenwich, Londres, CC0.

    Fig. 2. Les masses d’eau de la Méditerranée

    Source : d’après M. Zavattarelli, et G. L. Mellor, 1995, Numerical Study of the Mediterranean Sea Circulation, American Meteorological Society.

    9Avant d’aborder cette transformation d’une surface en un volume, nous voudrions attirer l’attention sur d’importantes opportunités dans le domaine de l’histoire maritime. En raison de la nature fluide des océans, les traces laissées par l’action humaine disparaissent rapidement de notre vue. Ainsi, les océans et les mers étaient traditionnellement considérés comme intemporels et anhistoriques15. On assiste cependant ces dernières décennies à une sorte de « tournant océanique16 » dans plusieurs disciplines, révélant les liens forts entre l’homme et les grands volumes d’eau dont il vit17. Les historiens et géographes maritimes ont soutenu que les côtes et la haute mer sont socialement et politiquement créées, au moins théoriquement mais aussi souvent physiquement18. Les sociologues ont étudié le rôle de la stratégie et de l’économie dans la formation des idées et des pratiques de l’océan profond, souvent interprété comme la dernière frontière du capitalisme, de la territorialisation politique et de l’expansion militaire19.

    10Plus récemment, des chercheurs ont ajouté des dimensions matérielles et ontologiques à ces riches histoires culturelles, accordant une attention renouvelée à la matérialité de l’eau et aux interactions entre les acteurs humains et non humains. Dans ce sens20, l’histoire océanique a été récemment introduite comme une branche de l’histoire maritime plus directement engagée dans l’histoire environnementale21. L’histoire océanique contribue aux sciences humaines environnementales dans leurs efforts pour saisir l’interaction entre l’homme et la nature dans la production de nouveaux environnements, une approche qui souligne la nécessité de reconnaître la centralité des océans pour toute discussion sur l’Anthropocène en tant que nouvelle ère géologique22.

    11L’histoire de l’océanographie rejoint cet effort et offre des outils utiles dans la quête d’intégration de l’environnement marin profond dans l’histoire maritime. Les historiens de la science et de la technologie nous avertissent de ne pas tenir l’environnement marin pour acquis, mais de le considérer comme le résultat de la manière dont les théories et les instruments interagissent avec le monde matériel. Parce que les profondeurs des océans ne sont accessibles qu’à travers des appareils et des concepts théoriques, l’histoire des sciences et des technologies est un outil clé pour démêler l’histoire spatiale des océans et des mers23. À ce titre, les historiens24, les anthropologues25 et les sociologues26 des technologies océaniques ont désigné les submersibles, les dispositifs acoustiques et les capteurs physiques comme des artefacts que produit l’environnement océanique moderne27. L’histoire des sciences océaniques, un domaine restreint mais bien établi, est passée d’une histoire de grands hommes avec de grands navires et de grandes idées, à une histoire de plus en plus complexe, attentive à des contextes militaires, technologiques et culturels plus larges28. Elle s’est également rapprochée de l’histoire environnementale, en cherchant à comprendre le rôle de la nature dans le façonnement des sciences océaniques ainsi que celui de la science et de la technologie dans la transformation des océans eux‑mêmes29.

    DEEPMED : topographies, temporalités et globalités

    12Alors que les chercheurs en sciences humaines se sont concentrés sur la Méditerranée en tant que région et surface maritime, divers acteurs historiques ont considéré la Méditerranée profonde comme une unité de leurs propres actions et projets, notamment des scientifiques, des stratèges militaires et des acteurs économiques. Une approche transnationale et interdisciplinaire de cette histoire révèle de nouveaux protagonistes, perspectives et asymétries de pouvoir. C’est ce que propose DEEPMED.

    13Le projet DEEPMED, financé par le programme European Research Council Consolidator Grant, aborde la mer Méditerranée comme un espace volumétrique. En 1860, lors de la réparation d’un câble télégraphique récemment posé entre Annaba en Algérie et la côte sud de la Sardaigne, l’ingénieur Fleming Jenkin démontra pour la première fois l’existence d’une vie marine profonde30. En 1870, le physiologiste, devenu océanographe physique, William C. Carpenter prouva à Gibraltar, également pour la première fois, l’existence de courants profonds31. Puis les sous-marins ont transformé la Méditerranée profonde en champ de bataille dans les premières décennies du xxe siècle et pendant la Première Guerre mondiale32. Dans l’entre-deux-guerres, les technologies de sondage acoustique ont permis aux scientifiques, aux gouvernements et aux militaires de cartographier les courants profonds ainsi que le fond des océans : le volume méditerranéen est né des volumes acoustiques33. Parallèlement, des laboratoires nationaux de pêche et des organismes internationaux, comme la Commission pour la science de la Méditerranée (CIESM), ont rendu disponibles de nouvelles visions de la vie sous-marine34. Pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, la Méditerranée profonde est devenue un théâtre d’opérations animé, dans lequel la connaissance et la stratégie se façonnaient mutuellement35. Les perceptions stratégiques, juridiques et économiques de la Méditerranée ont rapidement intégré la troisième dimension dans les projets réels et imaginaires. Enfin, à partir de la fin du xxe siècle, les domaines de l’environnement et de la sécurité ont uni leurs forces pour suivre la température et d’autres changements systémiques dans une mer où l’environnement ne peut plus être considéré comme un arrière-plan statique, façonnant la politique mais insensible à celle-ci. L’océanographie et les sciences du système terrestre ont joué un rôle essentiel dans la constitution de la mer Méditerranée profonde en tant qu’objet d’analyse36. À son tour, la Méditerranée est devenue un thermomètre du changement climatique anthropique37. Cette situation nous oblige à réajuster nos visions des relations temporelles entre nature et société, mais aussi entre l’homme et les sciences naturelles.

    14Le but de DEEPMED est d’explorer, d’analyser et compléter cette esquisse à travers trois objectifs spécifiques : enquêter sur la topographie, la temporalité et la globalité méditerranéennes profondes.

    Topographie

    15La topographie renvoie aux perceptions multiples et évolutives de la Méditerranée profonde depuis 1860 environ jusqu’à nos jours. La découverte de la profondeur a transformé les approches scientifiques et sécuritaires de la Méditerranée, ainsi que la compréhension de l’unité et de l’importance de cette mer, de ses relations avec les autres mers et océans adjacents à travers les détroits et ses sous-divisions régionales. Plutôt que de prendre l’unité et la signification de cet espace comme une donnée, DEEPMED souhaite explorer l’histoire de ses intégrations (et désintégrations associées). L’approche historique de l’environnement méditerranéen de DEEPMED offre l’opportunité d’une contribution originale au tournant spatial tel que défini dans plusieurs disciplines humanistes38. L’intérêt des historiens pour la façon dont les relations de pouvoir conditionnent les transformations de l’espace, son contrôle et sa perception, a favorisé les interactions avec la géographie critique. Les zones, les régions et les unités géographiques d’analyse et de pratique ne sont pas considérées comme des données façonnant les relations sociales, mais plutôt comme des constructions dans lesquelles la nature et le pouvoir sont coproduits et que les historiens eux-mêmes contribuent souvent à créer dans des contextes coloniaux ou autrement asymétriques39.

    16Le virage spatial s’est accompagné d’utilisations de plus en plus créatives et autoréflexives des cartes, favorisées par la diffusion du Système d’information géographique historique (SIG) et d’autres outils numériques dans les sciences humaines spatiales40. DEEPMED tire parti de ces nouveaux outils et ajoute des coordonnées de profondeur à son analyse spatiale SIGH (voir la section suivante). Cette vision rejoint le plaidoyer issu des champs de l’anthropologie et de la géographie culturelle pour une « géopolitique de la verticalité41 » et pour une attention au « volume » comme seul moyen d’appréhender la complexité des conflits territoriaux actuels42.

    Temporalité

    17La temporalité étudie l’interaction entre les temps historiques et naturels dans la Méditerranée profonde. Il n’est plus possible de concevoir un environnement quasi-statique à la Braudel, servant de toile de fond à l’histoire humaine.

    18D’une part, les sciences de la terre et de l’environnement sont en première ligne d’un glissement des sciences naturelles vers la narration et l’historicité43. Elles sont devenues des « sciences archivistiques44 » organisées autour de données historiques45. La modélisation du changement a incité les scientifiques à travailler sur une variété d’échelles spatiales et temporelles46, un processus qui n’a commencé à être analysé que dans l’histoire de l’océanographie47. En particulier, les profondeurs océaniques offrent de nouvelles opportunités pour explorer l’interaction du temps profond avec des échelles temporelles humaines plus courtes48.

    19D’autre part, il est désormais largement reconnu que les humains façonnent leur environnement de manière fondamentale et à un rythme accéléré, un processus dans lequel la technologie joue un rôle central49. Le climat, mais aussi les océans, font désormais partie de l’histoire humaine50. Dans l’espace volumétrique englobé par les sciences du système terrestre, allant de la dynamique atmosphérique aux processus géochimiques sous-marins, le changement anthropique est un facteur traversant la variabilité climatique, les transformations des écosystèmes, l’eutrophisation, la dégradation et d’autres développements physiques et biologiques qui ont à leur tour un rôle en politique, en économie et en sécurité. Cela est particulièrement vrai pour les eaux semi-fermées de la Méditerranée, plus facilement affectées par des changements infimes que les grands océans, mais aussi plus faciles à étudier en tant qu’unité systémique. Ainsi, la Méditerranée des sciences physiques, biologiques et environnementales est explicitement historique51.

    20Cela appelle de nouvelles interactions entre la science et l’histoire. La demande des océanographes en données historiques augmente au fur et à mesure qu’ils découvrent un océan historique et la discipline se tourne vers la description des changements à différentes échelles temporelles52. Apporter à ces études des outils et des concepts historiques d’actualité enrichit les approches humanistes et naturalistes de la Méditerranée.

    Globalité

    21La globalité analyse la place de l’environnement méditerranéen profond dans la science et la géopolitique mondiales. Cela comprend la recherche de liens avec les océans, le climat et l’histoire du monde. Les scientifiques ne considèrent plus les changements locaux comme isolés et additifs, mais comme faisant partie des écosystèmes globaux et des équilibres climatiques53. « L’environnement global » est apparu comme un objet scientifique et une entité politique dès les années 1960, dans le contexte de la surveillance globale de la guerre froide et de la montée des approches systémiques et cybernétiques de l’écologie54.

    22Une démarche fructueuse, celle que suit DEEPMED, consiste à historiser le rôle perçu de la Méditerranée comme modèle et laboratoire de développements scientifiques55 et stratégiques56. Le fait que la Méditerranée joue un rôle aussi important est loin d’être évident, et cela offre un terrain fertile pour explorer les liens entre science et géopolitique dans la Méditerranée profonde. Les historiens méditerranéens depuis Braudel ont déjà noté les dimensions globales de cette mer, en lien avec les océans, ainsi que la possibilité d’interpréter d’autres espaces par analogie avec celle-ci57. Les historiens des hautes mers s’en sont inspirés pour leurs propres histoires globales de l’Atlantique58 ou du Pacifique59. En ajoutant la troisième dimension à ces recherches en cours, DEEPMED aura un impact important sur la façon dont les chercheurs comprennent les océans dans l’histoire du monde.

    Système d’information géographique historique et nouvelles visions de la Méditerranée

    23La mer Méditerranée profonde offre l’occasion de repenser l’histoire maritime d’une manière qui intègre des analyses des couches profondes et inférieures de la mer pour évaluer les causes et les effets de l’émergence historique de la profondeur. DEEPMED aborde la transformation de la mer Méditerranée à travers une approche numérique des sciences humaines spatiales.

    24En tant que méta-analyse à long terme de la découverte scientifique de la mer Méditerranée profonde, le Système d’information géographique historique (SIGH) DEEPMED est un élément clé du projet. L’histoire géographiquement intégrée explore les liens entre le naturel et le social en reliant spatialement l’information historique. Il montre comment des espaces particuliers se sont développés historiquement et comment les espaces géographiques aident à façonner les systèmes de réseaux, de personnes, d’objets, d’événements, d’activités et de processus60. Les historiens maritimes ont utilisé le SIGH pour cartographier les itinéraires61 mais aussi, en combinaison avec l’archéologie nautique, pour réécrire l’histoire environnementale des navires impériaux. Bien qu’ils ne soient pas toujours sophistiqués sur le plan historiographique et n’incluent pas nécessairement la mer Méditerranée, d’autres projets inventorient les épaves (Wrecksite Database), suivent les populations marines historiques (Ocean Past Initiative), cartographient les câbles de communication sous-marins (Submarine Cable Map), offrent les résultats d’expéditions scientifiques passées (par exemple, Israel Marine Data Center, couvrant cinq décennies d’explorations israéliennes, et The Mediterranean Science Commission, sur les expéditions soviétiques de la fin des années 1980). Marine Data Infrastructure et World Ocean Database présentent des enregistrements des bruits sous-marins d’origine humaine (The Research Center for Telecommunication Technologies piloté par l’université de Vigo – Galice, Espagne), comparent les cartes bathymétriques historiques et les noms des caractéristiques des fonds marins (General Bathymetric Chart of the Oceans ; European Marine Observation and Data Network). L’Office of Coast Survey, ainsi que Old Maps Online, interprètent des informations environnementales et économiques marines, et même localisent les attaques sous-marines pendant les deux guerres mondiales (The German U-boats of both World Wars). Les outils géospatiaux et visuels non historiques mais pertinents sont la collection de cartes environnementales et économiques de la Méditerranée (GRID-Arendal) parrainée par le PNUEMAP et la riche série MarinePlan consacrée à la planification spatiale marine européenne et basée à l’université de Séville sous la direction du géographe Juan Luis Suárez de Vivero (MarinePlan). DEEPMED bénéficie des ressources existantes et vise à les coordonner en termes de données, de langage et de structure. Le projet adapte sa résolution à la Méditerranée et mène son programme numérique en trois étapes :

    • La création d’une base de données avec, entre autres, les catégories historiquement informées suivantes : cartes bathymétriques et mesures actuelles de la Méditerranée (provenant des services hydrographiques nationaux, y compris ceux du monde arabe et de la Russie), expéditions scientifiques nationales et transnationales à long terme et les réseaux dont elles faisaient partie, visions militaires des milieux marins (pas toujours explicites mais réalisées grâce à des mines anti-sous-marines et des réseaux acoustiques de détection), des infrastructures sous-marines et des forages réels et imaginaires, ainsi que certaines idées publiées dans la littérature scientifique.
    • L’analyse de ces données permet de relier spatialement les histoires locales aux contextes méditerranéens plus larges et potentiellement de porter la recherche dans de nouvelles directions impossibles à anticiper sans les données et l’outil. Afin de relier les différentes étapes de travail, DEEPMED s’articule autour de trois lignes d’analyse spatiale grâce à la technologie SIG qui les traverse :
      • SIGH1 réalise une corrélation entre le temps et des cartes bathymétriques, des cartes de courants et des infrastructures sous‑marines ;
      • SIGH2 recherche des liens entre les priorités stratégiques et les expéditions scientifiques ;
      • SIGH3 compare la fréquence des mentions aux profondeurs (croissantes) dans la littérature numérisée (à laquelle nous ajouterons des documents d’archives et des articles publiés non numérisés lorsque cela est possible) avec des mentions de la Méditerranée comme laboratoire ou modèle pour les océans plus grands. La structure est suffisamment souple pour que nous puissions concevoir d’autres analyses.
    • L’analyse SIG permettra également d’élaborer des stratégies de visualisation grâce à une série de cartes interactives selon chacune des stratégies d’analyse spatiale mentionnées ci-dessus. Il existe plusieurs outils de représentation géographique visuelle des données géolocalisées. Notre proposition finale sera de construire un géovisualiseur basé sur du libre accès pour montrer différentes couches d’informations telles que des sources primaires, des expéditions, des navires, des personnes, des dispositifs liés aux profondeurs, des infrastructures, des mesures de paramètres physico-chimiques (température, salinité, profondeur) ou l’évolution du climat de la Méditerranée de 1850 à 2020. Comme d’autres SIG historiques62, il contiendra différentes couches d’informations qui permettront à l’utilisateur de sélectionner et d’extraire les différentes données d’intérêt (voir George Manson University63). Cette composante de visualisation sera un outil unique à la fois pour la recherche et pour la diffusion, favorisant des vues tridimensionnelles de la Méditerranée et de son histoire.

    25La composante SIGH constituera également une ressource précieuse pour un public plus large, avec le potentiel d’enrichir les perceptions actuelles de la Méditerranée et de ses défis. DEEPMED recherchera des partenaires intéressés par le développement d’usages pédagogiques, notamment l’Union pour la Méditerranée, réunissant les pays de l’Union Européenne avec quinze pays du sud et de l’est de la Méditerranée et dont la stratégie pour l’enseignement supérieur cherche des moyens de promouvoir la connaissance de la mer en combinaison avec l’initiative BLUEMED64. Les cartes et le géovisualiseur constitueront également un élément important du programme de diffusion des résultats et des connaissances qui découlent du projet DEEPMED.

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    3C. Lejeusne et al., 2010.

    4F. Braudel, 1966.

    5E. Paris, 2002 ; Y. Ben-Artzi, 2005 ; S. Contarini, 2017.

    6Pour un examen approfondi, voir M. Greene, 2017.

    7S. Goffredo Z., Dubinsky, 2014 ; B. Fuerst-Bjeliš, 2017.

    8N. Marriner et C. Morhange, 2007 ; A. J. Ammerman, 2013.

    9P. Horden, N. Purcell, 2000. Également Y. Shavit, 1994.

    10D. Abulafia, 2011 ; 2019.

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    63George Manson University <https://infoguides.gmu.edu/geohumanities/data>.

    64GUNI, 2019, Higher Education in the World 7, Barcelona, Global University Network for Innovation (GUNI).

    Auteurs

    • Lino Camprubí

      Universidad de Sevilla (ERC-CoG DEEPMED), Séville, Espagne

    • María C. Villarín

      Universidad de Sevilla (ERC-CoG DEEPMED), Séville, Espagne

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    Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

    Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

    Sophie Bouffier et Samuel Robert (dir.)

    2025

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    1M. Barsanti et al., 2011.

    2E. J. Rohling et al., 2009 ; P. Ayata et al., 2018.

    3C. Lejeusne et al., 2010.

    4F. Braudel, 1966.

    5E. Paris, 2002 ; Y. Ben-Artzi, 2005 ; S. Contarini, 2017.

    6Pour un examen approfondi, voir M. Greene, 2017.

    7S. Goffredo Z., Dubinsky, 2014 ; B. Fuerst-Bjeliš, 2017.

    8N. Marriner et C. Morhange, 2007 ; A. J. Ammerman, 2013.

    9P. Horden, N. Purcell, 2000. Également Y. Shavit, 1994.

    10D. Abulafia, 2011 ; 2019.

    11F. Tabak, 2008 ; N. Ben-Yehoyada, 2014.

    12F. Braudel, 2017 [1977], p. 161 ; D. Abulafia, 2011 ; V. Huber, 2012 ; P. Horden, S. Kinoshita, 2014 ; C. Smith, 2018.

    13M. Borutta, S. Gekas, 2012 ; A. Rappas, 2016.

    14H. Dijstelbloem, A. Meijer, 2011.

    15W. J. Bolster, 2006.

    16E. DeLoughrey, 2017.

    17GIS d’histoire maritime, 2016 ; N. A. M. Rodger, C. Buchet, 2018 ; H. M. Rozwadowski, 2018.

    18R. Williams, A. Corbin, 1994 ; A. Corbin, 2000 [1988] ; P. E. Steinberg, 2001 ; D. Abulafia, 2019.

    19J. Hannigan, 2016.

    20P. E. Steinberg, 2013.

    21W. J. Bolster, 2008 ; D. Armitage, A. Bashford, S. Sivasundaram, 2017.

    22D. Vidas, 2016 ; S. Alaimo, 2017.

    23R. E. Doel et al., 2006.

    24K. Anderson, H. M. Rozwadowski, 2016 ; A. Sponsel, 2018.

    25S. Helmreich, 2007.

    26C. Goodwin, 1995.

    27S. Sörlin, 2013.

    28J. D. Hamblin, 2005 ; E. L. Mills, 2009 ; C. Finley, 2011 ; S. A. Robinson, 2018 ; A. Adler, 2019 ; N. Oreskes, 2021.

    29H. M. Rozwadowski, 2010a, 2010b ; M. D. Hersey, J. Vetter, 2019.

    30W. H. Preece, 1861 ; H. M. Rozwadowski, 2005.

    31L. Camprubí, 2018a.

    32R. Compton-Hall, 1991 ; P. G. Halpern, 2015.

    33L. Camprubí, 2018b ; L. Camprubí, A. Hui, 2021.

    34H. M. Rozwadowski, 2002 ; K. Steiner, 2018.

    35L. Camprubí, 2020.

    36C. Groeben, 2013.

    37J. Guiot, W. Cramer, 2016.

    38D. N. Livingstone, 2003 ; R. T. Tally, 2013.

    39E. Said, 1978 ; A. K. Knowles, 2008 ; A. Eckert, 2012 ; N. Green, 2014 ; R. Lave, C. Biermann, S. N. Lane, 2018.

    40I. N. Gregory et al., 2018.

    41S. Graham, 2004 ; T. H. Huber, J. McCarthy, 2017 ; A. J. Kinchy et al., 2018

    42S. Elden, 2013.

    43N. Wise, 2017.

    44R. Daston, 2012.

    45E. Aronova et al., 2017.

    46N. Oreskes, 2014 ; D. Coen, 2018 ; M. Mahony, M. Hulme, 2018 ; L. Camprubí, P. Lehmann, 2018.

    47P. Lehman, 2016 ; L. Camprubí, 2018a ; G. Halfmann, 2018.

    48G. Dening, 2004 ; D. Smail, 2012 ; S. Gillman, 2012 ; J. Zalasiewicz, M. Williams, 2014 ; E. J. Rohling, 2017.

    49S. Sörlin, N. Worms, 2018.

    50J. D. Hughes, 2008 ; D. Chakrabarty, 2009 ; C. Roberts, 2012 ; A. Bashford, 2013 ; S. Sörlin, M. Lane, 2018.

    51C. Piroddi et al., 2017 ; S. Darmaraki et al., 2019 ; M. Pierdomenico et al., 2019.

    52G. Parrilla et al., 1994 ; A. Bergamasco, P. Malanotte, 2010 ; P. Vélez-Bichi et al., 2010 ; D. Roemmich et al., 2012 ; voir aussi les projets MOOSE et DYFAMED.

    53M. Clark, 2004.

    54S. V. Grevsmühl, 2014 ; S. Höhler, 2015 ; L. Camprubí, 2016 ; P. Warde et al., 2018.

    55D. J. Stanley, 1972 ; R. Petri, 2016.

    56A. T. Mahan, 1890 ; P. Ausseur, P. Razoux, 2019.

    57D. Abulafia, 2005 ; B. Cunliffe, 2017 ; P. Horden, N. Purcell, 2020.

    58J. Cañizares-Esguerra, E. R. Seeman, 2018.

    59P. Beaujard, 2012.

    60J. B. Owens, 2007 ; A. Crespo Solana, 2013, 2015 ; I. N. Gregory, A. Geddes, 2014.

    61T. M. Ciolek,  « Old World Trade Routes (OWTRAD). A Catalogue of Georeferenced Caravanserais/Khans v. 5.0 », www.ciolek.com, novembre 2006 ; A. Crespo Solana, 2014, 2019.

    62I. N. Gregory, R. G. Healy, 2007.

    63George Manson University <https://infoguides.gmu.edu/geohumanities/data>.

    64GUNI, 2019, Higher Education in the World 7, Barcelona, Global University Network for Innovation (GUNI).

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    Lino Camprubí, & María C. Villarín. (2025). Going deep : histoire maritime et histoire volumétrique en mer Méditerranée. In S. Bouffier & S. Robert (éds.), Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (1‑). Presses universitaires de Provence. https://doi.org/10.4000/14484
    Lino Camprubí, et María C. Villarín. « Going deep : histoire maritime et histoire volumétrique en mer Méditerranée ». In Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, édité par Sophie Bouffier et Samuel Robert. Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 2025. https://doi.org/10.4000/14484.
    Lino Camprubí, et María C. Villarín. « Going deep : histoire maritime et histoire volumétrique en mer Méditerranée ». Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, édité par Sophie Bouffier et Samuel Robert, Presses universitaires de Provence, 2025, https://doi.org/10.4000/14484.

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    Bouffier, S., & Robert, S. (éds.). (2025). Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (1‑). Presses universitaires de Provence. https://doi.org/10.4000/1447s
    Bouffier, Sophie, et Samuel Robert, éd. Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 2025. https://doi.org/10.4000/1447s.
    Bouffier, Sophie, et Samuel Robert, éditeurs. Maritimité(s) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Presses universitaires de Provence, 2025, https://doi.org/10.4000/1447s.
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