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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Introduction 1. Modelage et moulage à Chypre 2. Modelage en plein, modelage en creux 3. Les gestes du modelage : tours de main et ateliers 4. Les ateliers Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Quand on a la terre sous l’ongle

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    Table des matières

    Tours de main et styles : le modelage dans la coroplastie chypriote archaïque

    Sabine Fourrier

    p. 193-202

    Résumés

    Le modelage est régulièrement considéré à part, sinon exclu des études consacrées à la coroplastie chypriote archaïque. Or, un examen précis des techniques de façonnage permet de distinguer des gestes, des tours de main qui caractérisent des productions régionales distinctes. Les figurines modelées n’échappent pas au style. À partir d’observations techniques, on propose de distinguer dans cet article les productions modelées de différents ateliers chypriotes d’époque archaïque.

    In studies pertaining to the coroplastic art of Archaic Cyprus, handmade terracotta figurines usually constitute a special category, excluded from stylistic approaches. However, when modelling techniques are precisely examined, it becomes possible to distinguish specific gestures, specific skills, which are characteristic of distinct workshops. Handmade figurines can also be studied and classified according to stylistic criteria. Stemming from technical observations, this paper aims at defining different handmade productions that can be attributed to different Cypriot workshops active in different regions of the island during the Archaic period.

    Entrées d’index

    Mots-clés : Chypre, geste, période archaïque, pliage, style, technique du bonhomme de neige

    Keywords : archaic period, Cyprus, folding, skill, snowman-technique, style

    Dédicace

    Cet article est dédié à la mémoire de Francis Croissant, à qui je dois tant. Tous mes remerciements aux deux coordinatrices du colloque pour l’organisation impeccable de cette rencontre coroplastique.

    Texte intégral Introduction 1. Modelage et moulage à Chypre 2. Modelage en plein, modelage en creux 3. Les gestes du modelage : tours de main et ateliers 3.1. Le groupe de la technique du bonhomme de neige (ou par accumulation) 3.2. Le groupe de la technique du pliage/pinçage 3.3. Le groupe mixte 4. Les ateliers Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    Introduction

    1Le modelage est omniprésent dans la coroplastie chypriote archaïque (fig. 1), en technique d’appoint (par pastillage), mais surtout en technique principale, exclusive de la fabrication de l’objet1. C’est seulement à ce dernier groupe, celui des figurines entièrement et uniquement modelées, que je m’intéresserai ici. Je le ferai en envisageant un aspect particulier, celui des gestes du modeleur, des tours de main qui, appris et transmis au sein des ateliers, représentent un répertoire de formes, lui-même constitutif d’un style. De fait, l’adoption de techniques de façonnage différentes est un indice, avec d’autres (la pâte, le répertoire iconographique ou décoratif, les modèles), qui permet de caractériser des productions régionales. La technique est l’un des ressorts de la fabrique du style.

    Fig. 1 – Carte de Chypre avec les sites mentionnés dans le texte

    (© A. Flammin, HiSoMA).

    2L’identification de productions régionales est un domaine de recherche désormais bien implanté dans les études chypriotes, concernant tant la coroplastie2 que la céramique3. Le fort régionalisme que connaît l’artisanat de l’île trouve ses racines dans un morcellement géographique et politique dont les travaux de M. Iacovou ont montré à la fois l’ancienneté et la stabilité4. Toutefois, le modelage et, de manière générale, les figurines modelées sont rarement prises en considération dans ce type d’études. La faute en revient à un préjugé tenace, que relaie par exemple E. Gjerstad, le père suédois de l’archéologie chypriote. Ce dernier rejetait ainsi les petites figurines modelées dans la catégorie de l’« idol plastic »5, échappant à la fois au classement chronologique (elles sont trop frustes pour être datées précisément, d’autant plus qu’elles ne connaissent pas d’évolution) et au classement par production (n’étant pas le fruit d’une « intention artistique », elles n’ont pas de style). Une catégorie intemporelle donc, hors de l’histoire, en-deçà du style.

    3Or, il me semble que les figurines modelées trahissent, au même titre que n’importe quelle autre production artisanale, une identité culturelle, qu’elles peuvent, comme les autres, être attribuées à des centres producteurs distincts. C’est ce que je vais essayer de montrer en caractérisant, d’après leur mode de façonnage, les productions d’un certain nombre d’ateliers chypriotes archaïques.

    1. Modelage et moulage à Chypre

    4Il convient auparavant de s’intéresser à la place respective du moulage et du modelage dans la coroplastie chypriote. On considère généralement que le modelage est une technique première, donc primitive, antérieure au développement, au progrès que constitue le moulage. Il y a du vrai : le modelage est premier dans la chaîne opératoire de la création plastique. Mais il y a aussi un présupposé : une fois adopté, le moulage (technique « moderne ») évincerait le modelage (technique « primitive »). Ce point de vue est notamment illustré par le traitement que réserve G. Schmidt aux figurines modelées dans sa publication exemplaire des terres cuites chypriotes de l’Héraion de Samos6. Ces dernières (Handgeformte Figuren) sont placées dans son älteste Gruppe (le superlatif est éloquent) alors qu’elles proviennent des mêmes contextes que les figurines moulées, et qu’aucun de ces contextes n’est antérieur au milieu du VIIe s. av. J.-C. Outre l’aspect rudimentaire des figurines, G. Schmidt met en avant leur faible nombre parmi le lot chypriote de Samos. C’est là, selon lui, une autre preuve de leur antériorité : elles illustreraient un phénomène d’importation à ses débuts, un amorçage en quelque sorte, avant qu’il ne tourne à plein régime avec l’importation en masse de statuettes moulées7. L’argumentation n’est pas tenable. Comme l’a récemment montré J.-M. Henke, les importations de figurines de terre cuite chypriotes en Grèce de l’Est représentent un phénomène massif pendant une période courte, qu’il propose même, s’appuyant sur les contextes de Milet (Zeytintepe), de ramener à 670-630 av. J.-C.8 Par ailleurs, la proportion des figurines modelées, certes réduite à Samos, est plus importante à Rhodes, par exemple. Il y a des choix opérés selon les sites parmi un répertoire absolument contemporain.

    5À partir de quand le moulage remplace-t-il le modelage ? À l’époque archaïque, les deux techniques sont employées concurremment. Les grands centres producteurs de statuettes moulées en creux (Salamine, Idalion) fabriquent aussi en nombre de petites figurines modelées, comme on va le voir. Il est fort probable que la production de figurines modelées se poursuive pendant la période chypro-classique I (Ve s. av. J.-C.). C’est ce que montrent un certain nombre de contextes funéraires, notamment à Kition9. C’est aussi ce qu’indiquent les contextes salaminiens10. N. Winter, dans son étude des figurines du sanctuaire d’Apollon Hylatès à Kourion, a même proposé que des figurines de cavaliers entièrement modelées aient été encore fabriquées en pleine époque hellénistique, mais sans argument décisif11.

    6Inversement, l’assertion que le moulage apparaît à Chypre au VIIe s. av. J.-C. n’est sans doute pas fausse, mais elle n’est pas entièrement juste12. À la figurine de Kition-Kathari mentionnée par J. Karageorghis s’ajoute désormais une nouvelle figurine, découverte lors de nos fouilles à Kition-Bamboula, dans un contexte du XIIe s. av. J.-C. (fig. 2). Ce sont là certes des exemples isolés, largement antérieurs à la production en série qui, de fait, commence au VIIe s. av. J.-C. Mais ils indiquent des rapports plus complexes, une familiarité sans doute plus grande entre les deux techniques de façonnage que ce qu’on soupçonnait jusqu’alors.

    Fig. 2 – Figurine moulée de Kition-Bamboula, XIIe s. av. J.-C., Larnaka District Museum inv. KEF-1429, H. 8,3 cm

    (© Mission archéologique de Kition).

    2. Modelage en plein, modelage en creux

    7Dernier point afin de bien circonscrire le champ de l’étude : je ne m’intéresserai ici qu’aux figurines modelées en plein (« solid handmade » en anglais ; « massiv handgeformt » en allemand). Ce sont des œuvres de petit format (environ 15-20 cm, parfois moins, rarement plus), entièrement formées de boudins de pâte assemblés, reposant parfois sur un corps entièrement ou partiellement creux, monté au tour ou au colombin. Je laisse de côté les statuettes modelées en creux. Ces dernières ont pourtant tout leur intérêt dans la caractérisation des centres producteurs, car elles constituent un groupe spécifique, qui n’est pas fabriqué dans toute l’île. De fait, le modelage en creux est une technique qui n’est pas employée dans les ateliers du sud et de l’est de l’île (où l’on privilégie le moulage), alors que c’est la technique reine dans la partie nord-ouest de Chypre13. Le modelage en creux est, dans les ateliers de Paphos, de Marion et de Soloi, ce qu’est le moulage en creux dans les ateliers de Salamine ou d’Idalion. C’est la technique privilégiée pour fabriquer des statuettes, voire des statues de dimensions parfois supérieures à la taille naturelle, qui illustrent les mêmes types iconographiques : hommes barbus (fig. 3) ou imberbes ; femmes richement parées. Le travail sur les volumes donne aux visages modelés en creux, souvent aujourd’hui dépourvus de la peinture qui en soulignait les traits, une expression saisissante14. La qualité de ces œuvres montre bien que la technique participe de la constitution du style : les ateliers du nord-ouest n’utilisent pas une technique moins avancée (le modelage) que ceux du sud et de l’est ; ils utilisent une technique différente. En l’occurrence, les modèles iconographiques sont les mêmes, mais les modèles techniques, les savoir-faire particuliers participent de la création de répertoires stylistiques distincts.

    Fig. 3 – a. Statuette d’Agia Eirini modelée en creux (atelier de Soloi), Medelhavsmuseet, Stockholm, inv. A.I. suppl. 2794, H. 20,2 cm (© Medelhavsmuseet, O. Kaneberg) ; b. Statuette de Salamine-Toumpa moulée en creux, Cyprus Museum inv. C 111, H. 13,2 cm (© Département des Antiquités de Chypre).

    3. Les gestes du modelage : tours de main et ateliers

    8Le modelage en plein est souvent qualifié, en anglais, de « snowman technique » (« technique du bonhomme de neige »)15. Or, si l’appellation est pertinente (et parlante) pour certains procédés d’ateliers, elle ne l’est pas pour tous. Bien au contraire, on peut distinguer entre des groupes de figurines modelées selon la technique du bonhomme de neige et d’autres qui ne suivent pas ou pas seulement cette technique de façonnage. À l’intérieur de chaque groupe, on peut également caractériser un répertoire de gestes différents permettant d’identifier des ateliers distincts.

    3.1. Le groupe de la technique du bonhomme de neige (ou par accumulation)

    9Les figurines de ce groupe sont fabriquées à l’aide de plusieurs boudins de pâte modelés à part et collés à la barbotine. Une figurine issue des ateliers d’Amathonte (fig. 4), exemplaire du groupe, permet d’observer et de caractériser les gestes du façonnage16. Le corps et la tête sont modelés dans le même boudin de pâte. Le cylindre du corps est légèrement évasé à la base pour assurer la stabilité (toute relative) de l’objet. Une pression au niveau du cou fait ressortir la tête, dont le visage est grossièrement aplati, et l’arête d’une mâchoire carrée. Puis on accumule les éléments modelés à part et rapportés : le nez, fixé haut sur le visage et tombant lourdement vers la bouche ; les oreilles en pastille ; les bras ; la coiffure (en l’occurrence le bandeau et les mèches de cheveux qui retombent en nappes sur les épaules) ; les éventuels attributs. Les points de fragilité de l’objet sont les zones de collage. Les figurines ont souvent perdu leur nez, leurs oreilles ou leur bandeau, dont ne subsistent que les traces d’arrachement17.

    Fig. 4 – Figurine d’Amathonte, dépôt près du rempart Nord, Limassol District Museum inv. AM 2601, H. 6,5 cm

    (© École française d’Athènes, Ph. Collet).

    10On peut rattacher au même groupe du bonhomme de neige les figurines modelées en plein d’Idalion (fig. 5)18. Les gestes du façonnage sont les mêmes. Les figurines se distinguent toutefois de celles d’Amathonte par la forme du nez, plus fin et plus court, découpé au couteau, et qui apparaît ainsi non pas tombant, mais au contraire retroussé.

    Fig. 5 – Figurine de Pyrga (atelier d’Idalion), Cyprus Museum CS 1684, H. 6,5 cm

    (© Département des Antiquités de Chypre).

    11Autre série de production entrant dans ce groupe du façonnage par accumulation, mais se distinguant par un style très original : les figurines modelées en plein de Paphos (fig. 6)19. La tête est un prolongement du cylindre du corps, sans que le visage soit aplati, comme sur les figurines issues des deux centres de production précédents. Les bras, les seins figurés en pastilles, la coiffe sont modelés à part et rapportés, tout comme les détails du visage : un nez petit et triangulaire, et une bouche presque systématiquement représentée sous la forme d’un court boudin de pâte fixé sous le nez. Ce dernier trait est remarquable : à Amathonte comme à Idalion, la bouche est rarement incisée, jamais représentée en relief, le plus souvent rendue par un trait de peinture.

    Fig. 6 – Figurine de Paphos, Paphos District Museum, inv. 853/2, H. 8,5 cm

    (© Département des Antiquités de Chypre).

    3.2. Le groupe de la technique du pliage/pinçage

    12Au rebours des gestes du groupe précédent, qui modifient une forme (en général un cylindre) en y ajoutant des éléments modelés à part, les ateliers du groupe de la technique du pliage/pinçage façonnent la figurine en pliant, pinçant, tordant, étirant la forme de base (en général plutôt une feuille). On ne colle rien (ou très peu : les bras, les jambes, les éventuels objets tenus) ; on transforme en malaxant. Ce sont là évidemment des gestes qui ne sont possibles qu’avec une matière plastique : on ne fait pas un bonhomme de neige de cette façon. Les figurines de Salamine sont exemplaires de ce groupe (fig. 7, 8)20. Rien n’est ajouté sur le visage des personnages : un pincement suffit à rendre la barbe, le nez ou le bonnet pointu. La peinture complète les traits, avec la même économie de moyens. Le travail dans la pâte laisse des empreintes de doigts très visibles en surface, que le bariolage de peinture ne masque que partiellement.

    Fig. 7 – Figurine de Salamine, fouilles françaises, inv. Sal. 201, H. 8 cm

    (© archives de la mission archéologique de Salamine).

    Fig. 8 – Figurine de Salamine, fouilles françaises, inv. Sal. 7789, H. 8 cm

    (© archives de la mission archéologique de Salamine).

    13Ce mode de façonnage et ce style très caractéristiques permettent de rattacher aux ateliers de Salamine les figurines modelées en plein, découvertes dans des contextes archaïques de Grèce de l’Est et d’Égypte (Naucratis)21. Exportées dans les mêmes lots que les statuettes moulées en creux (elles aussi de production salaminienne), elles sont attestées sur les mêmes sites, en proportions variables.

    3.3. Le groupe mixte

    14Il existe, enfin, plusieurs séries de productions qu’on peut qualifier d’intermédiaires, ou de groupe mixte, dont les modes de façonnage recourent aussi bien aux gestes du modelage par accumulation (technique du bonhomme de neige) qu’à ceux du pinçage. La technique principale reste toutefois celle du bonhomme de neige : le modeleur n’utilise jamais le pliage, mais il transforme certains éléments modelés à part et collés à la barbotine en les pinçant.

    15Les figurines modelées en plein de Kition en offrent un exemple particulièrement intéressant (fig. 9)22. Les personnages sont façonnés selon la technique du bonhomme de neige, avec une série de boudins assemblés. Les détails du visage (nez, oreilles et coiffe) sont modelés à part et collés à la barbotine. Une fois fixé, le nez est ensuite pincé sur toute sa longueur, de même que la barbe. L’existence d’un groupe kitien, très caractéristique, parmi les figurines modelées en plein archaïques de Chypre est remarquable : il s’agit d’un groupe de tradition locale, chypriote, parmi un répertoire coroplastique qui est, par ailleurs, entièrement phénicisé (dans la technique comme dans l’iconographie), avec plusieurs groupes de figurines moulées en plaquette et des terres cuites réalisées en technique mixte (modelées, parfois partiellement tournées, avec un visage estampé)23. On remarque que, contrairement aux autres ateliers de l’est de Chypre (Idalion et Salamine), ceux de Kition ne fabriquent pas de statuettes moulées en creux, catégorie proprement chypriote. Le groupe des figurines modelées ancre donc en quelque sorte dans l’espace chypriote une production d’inspiration majoritairement étrangère ; elle concourt à faire du répertoire kitien un répertoire « chypro-phénicien ».

    Fig. 9 – Figurine de Kition, Larnaka District Museum inv. 1285bis, H. 20 cm

    (© Département des Antiquités de Chypre).

    16Autre groupe de production qu’on peut qualifier de mixte : celui des figurines modelées en plein de Kourion (fig. 10)24. Ces dernières se distinguent tout d’abord par la forme de la tête : contrairement aux figurines modelées en plein d’Amathonte ou d’Idalion, par exemple, dont la tête est un boudin de pâte légèrement aplati de diamètre constant ou à peine évasé vers le bas, les figurines de Kourion possèdent une tête cylindrique, évasée vers le haut. De même, alors que sur les figurines issues des autres ateliers, la barbe est généralement pincée dans la masse, elle est ici représentée par un élément modelé à part et rapporté, pincé horizontalement par rapport au plan du visage. Dernier trait caractéristique, le nez est fixé bas sur le visage et pincé tout du long : la ligne verticale qu’il dessine s’écrase sur la surface horizontale de la barbe.

    Fig. 10 – Figurine d’Agios Thérapon-Silithkia (atelier de Kourion), Limassol District Museum, inv. 241/6, H. 15,9 cm

    (© S. Fourrier).

    4. Les ateliers

    17Comment passer des groupes de production, distingués à partir de leur répertoire de gestes techniques, au travail d’atelier25 ? J’ai suggéré plus haut que les savoir-faire, les tours de main étaient appris, transmis, au sein d’ateliers. Ces derniers étaient-ils spécialisés ? De fait, aucun centre producteur ne se cantonnait à une seule technique : les figurines modelées en plein sont toujours un groupe technique parmi d’autres, dans un répertoire plus étendu comprenant également des figurines modelées en creux (dans les ateliers du nord-ouest) et des figurines moulées, en plein et en creux (dans les ateliers de l’est). Or, il paraît a priori difficile d’imaginer que les mêmes artisans aient fabriqué de petites figurines modelées en plein et des statuettes moulées en creux : les gestes techniques, la chaîne opératoire, l’investissement sont évidemment différents. Pourtant, des indices de proximité entre artisanats existent à Chypre à l’époque archaïque26, et il me semble qu’on peut parfois relever, au sein de différents groupes techniques appartenant au même centre producteur, des échos, des traces d’influences réciproques. J’en prendrai deux exemples, l’un montrant des rapports entre des groupes de figurines modelées en plein et des groupes de figurines modelées en creux, l’autre entre des figurines modelées en plein et des figurines moulées en plaquette27.

    18Le premier exemple est emprunté au répertoire de Paphos. On a vu plus haut que les ateliers paphiens ont fabriqué des figurines modelées en plein dont le style (et ses ressorts techniques) sont tout à fait caractéristiques (fig. 6). Cette production entre, par les gestes qu’elle privilégie, dans le groupe de la technique du bonhomme de neige mais, à la différence des autres ateliers qui utilisent cette technique, les artisans de Paphos ne se contentent pas de mettre grossièrement en forme le boudin de pâte qui figure la tête (en l’aplatissant légèrement, comme à Amathonte, ou en accentuant le diamètre du front, comme à Kourion) : ils travaillent aussi le visage pour rendre en volume les traits (ressaut de l’arcade sourcilière, renflement des orbites). Il est tentant de voir dans ce geste de modelage dans la pâte (et non pas seulement d’ajout, d’accumulation d’éléments modelés à part) un écho de la technique du modelage en creux28. Le même travail sur le volume, nécessaire pour rendre les traits des statuettes, est ici en quelque sorte miniaturisé, à l’échelle de petites figurines sur lesquelles ces éléments pouvaient être plus simplement rendus à l’aide de peinture. C’est d’autant plus remarquable que ces figurines étaient peintes. Les artisans responsables de ces deux groupes de production (par modelage en plein et modelage en creux), s’ils n’étaient pas les mêmes, étaient en tout cas en contact ; ils partageaient les mêmes gestes de travail dans la pâte, le même tour de main.

    19Mon second exemple est amathousien. Les figurines modelées en plein d’Amathonte, on l’a vu, sont exemplaires du groupe de la technique du bonhomme de neige (fig. 4). Elles constituent une production abondante, déclinée en une grande variété de types iconographiques. On ne connaît pas, dans le répertoire amathousien, de groupes cohérents de statuettes modelées ou moulées en creux. En revanche, on voit apparaître, de façon intéressante assez tardivement, dans la seconde partie de l’époque archaïque (au VIe s. av. J.-C.), un groupe de figurines moulées en plaquette représentant des femmes se tenant les seins ou les pressant29. Ces figurines possèdent des types de visages assez variés. Certains exemples, au visage rond et petit, ont des traits émoussés rehaussés de peinture : ils sont issus d’une série de surmoulages30. Parmi les autres types de visages, on distingue une série dont les traits sont absolument semblables à ceux des figurines modelées en plein (fig. 11), avec là aussi différentes versions trahissant l’existence de plusieurs générations de moules. En l’occurrence, pour créer ce nouveau groupe, l’artisan a pris son empreinte sur une figurine modelée en plein façonnée par un artisan habitué à fabriquer des figurines de ce groupe, ou bien il l’a modelée lui-même. On reconnaît, dans les traits saillants, le gros nez tombant, ou encore la forme de la tête et le dessin carré de la mâchoire31. Est-ce le groupe à l’origine de la série des « plaquettes d’Astarté » amathousiennes ? La question mérite d’être posée. Il ne s’agit en tout cas ni d’un « type dégénéré »32 (puisqu’il ne dérive pas de types moulés existants) ni d’une expérience sans lendemain (puisqu’il est documenté par différents moules et plusieurs générations de figurines).

    Fig. 11 – Figurine moulée en plaquette d’Amathonte, acropole, Limassol District Museum inv. AM 2613, H. 5,8 cm

    (École française d’Athènes, Ph. Collet).

    Conclusion

    20Ce sont là de maigres indices, mais ils offrent quelques pistes de recherche pour tenter d’appréhender le fonctionnement d’ateliers dont la réalité matérielle nous échappe complètement. L’impression générale, malgré les lacunes de la documentation, est celle d’une proximité entre artisans, et peut-être, dans certains ateliers, d’une polyvalence. Artistes responsables de la fabrication de statues moulées ou modelées en creux et artisans façonnant de petites figurines modelées en plein partageaient, dans une certaine mesure, un répertoire non seulement de types, mais aussi de gestes techniques. En ce sens, l’idol plastic constitue bien une source exploitable pour l’histoire culturelle.

    21Par ailleurs, ce rapide aperçu des figurines modelées en plein chypriotes d’époque archaïque est loin d’avoir épuisé la question des centres producteurs, que de nouvelles découvertes sont toujours susceptibles de préciser, voire de renouveler. En l’état actuel de la documentation, Salamine représente un cas particulier : ses ateliers sont les seuls à illustrer le groupe du pliage/pinçage. C’est un autre trait de singularité qui souligne une culture matérielle profondément originale (on pense aussi à la céramique figurée, sans comparaison ailleurs dans l’île, portant surtout des motifs végétaux et animaux, mais parfois aussi de véritables scènes33).

    22Au terme de la chaîne de production, qu’est-ce qui motivait le choix de l’acheteur parmi un éventail de formes et de types différents issus, sinon des mêmes ateliers, du moins d’ateliers voisins ? On pense immédiatement à des raisons pratiques (coût, temps de réalisation, etc.), mais d’autres facteurs, contextuels, semblent avoir également joué. C’est ce que montre la répartition des figurines modelées et des statuettes moulées à Salamine. Seules des figurines de petit format étaient déposées dans les tombes34. Mais tous les sanctuaires n’ont pas reçu l’offrande de grandes statuettes moulées : il est remarquable que ces dernières soient complètement absentes du sanctuaire de la ville, fouillé par la mission française juste au nord du rempart, alors qu’elles sont très nombreuses dans le sanctuaire extra-urbain de Toumpa35. Si les élites du royaume fréquentaient sans doute les deux lieux de culte, c’est dans le second seulement qu’elles déposaient des offrandes plastiques plus raffinées, plus monumentales. Parce que, situé près d’une voie d’accès importante, le sanctuaire était un lieu d’affichage privilégié, aux portes de la ville ? ou parce que, sanctuaire royal, il n’était ouvert qu’à une fréquentation limitée, où se mettait en scène une compétition des élites ? Les sources manquent pour pouvoir répondre.

    Bibliographie

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    Georgiadou 2014 : A. Georgiadou, Productions et styles régionaux dans l’artisanat céramique de Chypre à l’époque géométrique (XIe-VIIIe s. av. J.-C.), BCH, 138-1, 2014, 361-385.

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    Henke 2017 : J.-M. Henke, Die zyprischen Terrakotten aus Milet. Neue Überlegungen zur Einordnung der archaischen zyprischen Terrakotten aus ostägäischen Fundkontexten und ihrer werkstattspezifischen Zuweisung, Berlin et Boston, De Gruyter, (Milesische Forschungen, 7), 2017, 340 p.

    Hermary 2000 : A. Hermary, Les figurines en terre cuite archaïques et classiques. Les sculptures en pierre, Athènes, École Française d’Athènes, A.G. Leventis Foundation, (Amathonte, V ; Études Chypriotes, XV), 2000, 187 p.

    Iacovou 2018 : M. Iacovou, From the Late Cypriot Polities to the Iron Age "Kingdoms": Understanding the Political Landscape of Cyprus from Within, in: A. Cannavò, L. Thély (dir.), Les royaumes de Chypre à l’épreuve de l’histoire, Athènes, École Française d’Athènes, (BCH Suppl. 60), 2018, 356 p., 7-28.

    Karageorghis 1993-1998 : V. Karageorghis, The Coroplastic Art of Ancient Cyprus, Nicosie, A.G. Leventis Foundation, vol. III, 1993, 133 p. ; vol. IV, 1995, 175 p. ; vol. VI, 1996, 111 p. ; vol. V-A, 1998, 93 p.

    Karageorghis, Des Gagniers 1974 : V. Karageorghis, J. Des Gagniers, La céramique chypriote de style figuré. Illustrations et description des vases, Rome, Istituto per gli Studi Micenei ed Egeo-Anatolici, 1974, 517 p.

    Karageorghis, Kiely 2019 : V. Karageorghis, Th. Kiely, Salamis-Toumba. An Iron Age Sanctuary in Cyprus Rediscovered (Excavations of the Cyprus Exploration Fund, 1890), Nicosie, The Cyprus Institute, 2019, 189 p.

    Karageorghis, J. 1999 : J. Karageorghis, The Coroplastic Art of Ancient Cyprus, vol. V-B, Nicosie, A.G. Leventis Foundation, 1999, 341 p.

    Leibundgut Wieland, Frey-Asche 2011 : D. Leibundgut Wieland, L. Frey-Asche, Weihgeschenke aus dem Heiligtum der Aphrodite in Alt-Paphos, Darmstadt et Mayence, P. von Zabern, (Ausgrabungen in Alt-Paphos auf Cypern, 7), 2011, 236 p.

    Monloup 1984 : Th. Monloup, Les figurines de terre cuite de tradition archaïque, Paris, De Boccard, (Salamine de Chypre, XII), 1984, 238 p.

    Schmidt 1968 : G. Schmidt, Kyprische Bildwerke aus dem Heraion von Samos, Bonn, Rudolf Habelt, (Samos, VII), 1968, 146 p.

    Tatton-Brown 2000 : V. Tatton-Brown, Sculpture and Terracottas from Enkomi in the British Museum, Cahiers du Centre d’Étude Chypriote, 30, 2000, 17-25.

    Thomas 2019 : R. Thomas, Terracotta and Stone Figurines from Naukratis, British Museum Studies in Ancient Egypt and Sudan, 24, 2019, 175-203.

    Winter 1996 : N.A. Winter, The Terracottas, in: D. Buitron-Oliver (dir.), The sanctuary of Apollo Hylates at Kourion: Excavations in the Archaic Precinct, Jonsered, P. Åström, (SIMA, CIX), 1996, 219 p., 89-137.

    Yon 2005 : M. Yon, Peintres, potiers et coroplathes à Salamine. À propos d’une tête de statue archaïque en terre cuite, Cahiers du Centre d’Étude Chypriote, 35, 2005, 35-54.

    Yon, Caubet 1989 : M. Yon, A. Caubet, Ateliers de figurines à Kition, in : V. Tatton-Brown (éd.), Cyprus and the East Mediterranean in the Iron Age, Londres, British Museum,1989, 196 p., 28-39.

    Notes de bas de page

    1Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter les catalogues publiés par Karageorghis 1993-1998.

    2Fourrier 2007.

    3Georgiadou 2014.

    4En dernier lieu Iacovou 2018.

    5Gjerstad 1948, 92-93 et 125-129.

    6Schmidt 1968.

    7Schmidt 1968, 5.

    8Henke 2017, 191-193.

    9Par exemple, deux figurines modelées en plein représentant des cavaliers proviennent d’une tombe classique de Kition-Agios Georgios (Hadjisavvas 2012, 203, fig. 120). Il est remarquable que, en raison de la présence des figurines et malgré le témoignage de la céramique, la datation de la tombe soit étendue à la fin de la période archaïque (et jusqu’à la fin de la période classique). Or, seules les figurines attesteraient une utilisation de la tombe à l’époque archaïque, ce qui est douteux. Par ailleurs, on ne peut guère considérer ces petits objets comme des heirlooms. La conclusion s’impose : la date de l’assemblage céramique donne celle des figurines, dont on doit donc placer la fabrication au plus tôt au cours du Ve s. av. J.-C.

    10Monloup 1984, 15. L’auteure parle prudemment de figurines « de tradition archaïque ».

    11Winter 1996, 135-136.

    12Karageorghis, J. 1999, xxv-xxviii.

    13Pour une première caractérisation des productions du nord-ouest de l’île, voir Caubet 1991.

    14C’est ce qui avait conduit E. Gjerstad à considérer que les statuettes de ce groupe (majoritaires parmi les découvertes du sanctuaire d’Agia Eirini) exprimaient un caractère original, proprement chypriote, et correspondaient à une période d’indépendance de l’île. Il les rassemblait dans un « style proto-chypriote », antérieur au « style néo-chypriote » qu’illustreraient les statuettes moulées en creux d’Idalion et de Salamine (Gjerstad 1948, 94-103 : « They are spontaneous products of a fresh and young art directly sprung from the desire to render human feelings and ideas for the first time in monumental plastic, artistically the clearest expression of the Cypriotes. » [passim, 95]). Je crois avoir montré que les arguments stratigraphiques à l’appui d’une datation haute des œuvres « proto-chypriotes » ne tiennent pas, et que les deux groupes distingués par Gjerstad ne correspondent pas à des productions de datations différentes. Ils sont, au contraire, contemporains mais ils proviennent d’ateliers différents. Bref, ils illustrent des « styles » non pas de portée chronologique mais géographique : Fourrier 2007, 103-107.

    15Sur l’origine du terme : Hermary 2000, 22 et n. 58.

    16Fourrier 2007, 65 : Amathonte, groupe A.1.

    17Voir, par exemple, dans le catalogue d’Amathonte : Hermary 2000, pl. 5, nos 27, 33-34 ; pl. 9, n° 66 ; pl. 11, n° 113, etc.

    18Fourrier 2007, 42 : Idalion, groupe A.1.

    19Fourrier 2007, 79 : Paphos, groupe A.1. Leibundgut Wieland, Frey-Asche 2011, 19-45, pl. 11-15.

    20Fourrier 2007, 25 : Salamine groupe A.1. Th. Monloup (1984, 8-9) distingue, parmi les procédés mis en œuvre pour la fabrication des figurines modelées de Salamine, le modelé en plein du modelé plié. On remarque toutefois que les figurines qu’elle classe parmi les modelées en plein sont très différentes de celles du groupe du bonhomme de neige : la forme de base n’est pas le cylindre, mais la plaque, ce qui donne aux quadrupèdes des pattes triangulaires qui évoquent la technique de l’origami (donc du pliage).

    21Fourrier 2016, 137. Pour Naucratis, voir désormais les travaux de R. Thomas, publiés dans le catalogue en ligne du projet Naukratis: Greeks in Egypt sur le site du British Museum (https://research.britishmuseum.org/research/online_research_catalogues/ng/naukratis_greeks_in_egypt.aspx) et, en dernier lieu, Thomas 2019.

    22Fourrier 2007, 56.

    23Sur les ateliers de Kition, et notamment les groupes d’origine phénicienne : Yon et Caubet 1989 ; Caubet 2015, 239-242 et 244-245.

    24Fourrier 2007, 74 : groupe A.1. Pour le lot d’Agios Thérapon-Silithkia : Fourrier 2003.

    25Qu’on ne peut appréhender qu’à partir des productions puisqu’aucun atelier coroplastique n’a été pour le moment découvert à Chypre et qu’aucune source iconographique ne renseigne sur leur fonctionnement.

    26Ils sont, de façon assez surprenante, relativement peu nombreux dans la catégorie de la plastique : à quelques exceptions près (ainsi le type des korés d’Amathonte [Hermary 2000, 91-92] ou celui des personnages assyriens de Salamine [Monloup 1984, 173-179]), les figurines de terre cuite copient rarement des types de la plastique de calcaire. On trouve également des échos entre artisanats différents, notamment dans le décor peint des céramiques et des statuettes de Salamine : voir Yon 2005.

    27C’est-à-dire des figurines dont seule la partie antérieure est moulée, l’arrière étant lissé ou bien, lorsque l’objet est creux, fait d’une simple feuille de pâte.

    28Bien attestée à Paphos comme dans les autres ateliers de l’ouest et du nord-ouest de l’île : Fourrier 2007, 79-80. Comparer, par exemple, avec des visages modelés en creux provenant des fouilles suisses-allemandes : Leibundgut Wieland, Frey-Asche 2011, pl. 22, 1204-1205 ; pl. 30.

    29Groupe traditionnellement appelé « plaquettes d’Astarté » : Hermary 2000,  82-91.

    30Hermary 2000, pl. 38, nos 555 et 557. Voir aussi J. Karageorghis 1999, 12-15 (type C.1).

    31Voir aussi Hermary 2000, pl. 36, n° 536 et pl. 38, n° 559 (dont les traits effacés trahissent la pratique du surmoulage). Les figurines de ce type entrent dans deux groupes distingués par J. Karageorghis (1999, 15-17) : le type C.2 (« type plus grossier, au visage rectangulaire ») et le type C.3 (« type dégénéré, gros yeux, aspect grossier »).

    32Selon l’expression de J. Karageorghis 1999, 16.

    33Ainsi l’amphore Hubbard, au Cyprus Museum, ou celle d’Ormidhia, au Metropolitan, toutes deux de production salaminienne : Karageorghis, Des Gagniers 1974, 6-11.

    34Les statuettes retrouvées dans des tombes d’Enkomi ne sont pas des offrandes funéraires. Postérieures de plusieurs siècles aux tombes dans lesquelles elles ont été retrouvées, ce sont des offrandes votives : pour les trouvailles (qui comprennent aussi des sculptures de calcaire), voir Tatton-Brown 2000 ; pour l’interprétation, Fourrier 2015, 219-220.

    35Pour ces deux contextes, voir Fourrier 2015, 213-214 et 216-217, avec références. Les résultats des fouilles britanniques du sanctuaire de Salamine-Toumpa ont été récemment publiés par Th. Kiely et V. Karageorghis (2019).

    Auteur

    • Sabine Fourrier

      CNRS, UMR 5189 HiSoMA, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, sabine.fourrier[at]mom.fr

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    1Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter les catalogues publiés par Karageorghis 1993-1998.

    2Fourrier 2007.

    3Georgiadou 2014.

    4En dernier lieu Iacovou 2018.

    5Gjerstad 1948, 92-93 et 125-129.

    6Schmidt 1968.

    7Schmidt 1968, 5.

    8Henke 2017, 191-193.

    9Par exemple, deux figurines modelées en plein représentant des cavaliers proviennent d’une tombe classique de Kition-Agios Georgios (Hadjisavvas 2012, 203, fig. 120). Il est remarquable que, en raison de la présence des figurines et malgré le témoignage de la céramique, la datation de la tombe soit étendue à la fin de la période archaïque (et jusqu’à la fin de la période classique). Or, seules les figurines attesteraient une utilisation de la tombe à l’époque archaïque, ce qui est douteux. Par ailleurs, on ne peut guère considérer ces petits objets comme des heirlooms. La conclusion s’impose : la date de l’assemblage céramique donne celle des figurines, dont on doit donc placer la fabrication au plus tôt au cours du Ve s. av. J.-C.

    10Monloup 1984, 15. L’auteure parle prudemment de figurines « de tradition archaïque ».

    11Winter 1996, 135-136.

    12Karageorghis, J. 1999, xxv-xxviii.

    13Pour une première caractérisation des productions du nord-ouest de l’île, voir Caubet 1991.

    14C’est ce qui avait conduit E. Gjerstad à considérer que les statuettes de ce groupe (majoritaires parmi les découvertes du sanctuaire d’Agia Eirini) exprimaient un caractère original, proprement chypriote, et correspondaient à une période d’indépendance de l’île. Il les rassemblait dans un « style proto-chypriote », antérieur au « style néo-chypriote » qu’illustreraient les statuettes moulées en creux d’Idalion et de Salamine (Gjerstad 1948, 94-103 : « They are spontaneous products of a fresh and young art directly sprung from the desire to render human feelings and ideas for the first time in monumental plastic, artistically the clearest expression of the Cypriotes. » [passim, 95]). Je crois avoir montré que les arguments stratigraphiques à l’appui d’une datation haute des œuvres « proto-chypriotes » ne tiennent pas, et que les deux groupes distingués par Gjerstad ne correspondent pas à des productions de datations différentes. Ils sont, au contraire, contemporains mais ils proviennent d’ateliers différents. Bref, ils illustrent des « styles » non pas de portée chronologique mais géographique : Fourrier 2007, 103-107.

    15Sur l’origine du terme : Hermary 2000, 22 et n. 58.

    16Fourrier 2007, 65 : Amathonte, groupe A.1.

    17Voir, par exemple, dans le catalogue d’Amathonte : Hermary 2000, pl. 5, nos 27, 33-34 ; pl. 9, n° 66 ; pl. 11, n° 113, etc.

    18Fourrier 2007, 42 : Idalion, groupe A.1.

    19Fourrier 2007, 79 : Paphos, groupe A.1. Leibundgut Wieland, Frey-Asche 2011, 19-45, pl. 11-15.

    20Fourrier 2007, 25 : Salamine groupe A.1. Th. Monloup (1984, 8-9) distingue, parmi les procédés mis en œuvre pour la fabrication des figurines modelées de Salamine, le modelé en plein du modelé plié. On remarque toutefois que les figurines qu’elle classe parmi les modelées en plein sont très différentes de celles du groupe du bonhomme de neige : la forme de base n’est pas le cylindre, mais la plaque, ce qui donne aux quadrupèdes des pattes triangulaires qui évoquent la technique de l’origami (donc du pliage).

    21Fourrier 2016, 137. Pour Naucratis, voir désormais les travaux de R. Thomas, publiés dans le catalogue en ligne du projet Naukratis: Greeks in Egypt sur le site du British Museum (https://research.britishmuseum.org/research/online_research_catalogues/ng/naukratis_greeks_in_egypt.aspx) et, en dernier lieu, Thomas 2019.

    22Fourrier 2007, 56.

    23Sur les ateliers de Kition, et notamment les groupes d’origine phénicienne : Yon et Caubet 1989 ; Caubet 2015, 239-242 et 244-245.

    24Fourrier 2007, 74 : groupe A.1. Pour le lot d’Agios Thérapon-Silithkia : Fourrier 2003.

    25Qu’on ne peut appréhender qu’à partir des productions puisqu’aucun atelier coroplastique n’a été pour le moment découvert à Chypre et qu’aucune source iconographique ne renseigne sur leur fonctionnement.

    26Ils sont, de façon assez surprenante, relativement peu nombreux dans la catégorie de la plastique : à quelques exceptions près (ainsi le type des korés d’Amathonte [Hermary 2000, 91-92] ou celui des personnages assyriens de Salamine [Monloup 1984, 173-179]), les figurines de terre cuite copient rarement des types de la plastique de calcaire. On trouve également des échos entre artisanats différents, notamment dans le décor peint des céramiques et des statuettes de Salamine : voir Yon 2005.

    27C’est-à-dire des figurines dont seule la partie antérieure est moulée, l’arrière étant lissé ou bien, lorsque l’objet est creux, fait d’une simple feuille de pâte.

    28Bien attestée à Paphos comme dans les autres ateliers de l’ouest et du nord-ouest de l’île : Fourrier 2007, 79-80. Comparer, par exemple, avec des visages modelés en creux provenant des fouilles suisses-allemandes : Leibundgut Wieland, Frey-Asche 2011, pl. 22, 1204-1205 ; pl. 30.

    29Groupe traditionnellement appelé « plaquettes d’Astarté » : Hermary 2000,  82-91.

    30Hermary 2000, pl. 38, nos 555 et 557. Voir aussi J. Karageorghis 1999, 12-15 (type C.1).

    31Voir aussi Hermary 2000, pl. 36, n° 536 et pl. 38, n° 559 (dont les traits effacés trahissent la pratique du surmoulage). Les figurines de ce type entrent dans deux groupes distingués par J. Karageorghis (1999, 15-17) : le type C.2 (« type plus grossier, au visage rectangulaire ») et le type C.3 (« type dégénéré, gros yeux, aspect grossier »).

    32Selon l’expression de J. Karageorghis 1999, 16.

    33Ainsi l’amphore Hubbard, au Cyprus Museum, ou celle d’Ormidhia, au Metropolitan, toutes deux de production salaminienne : Karageorghis, Des Gagniers 1974, 6-11.

    34Les statuettes retrouvées dans des tombes d’Enkomi ne sont pas des offrandes funéraires. Postérieures de plusieurs siècles aux tombes dans lesquelles elles ont été retrouvées, ce sont des offrandes votives : pour les trouvailles (qui comprennent aussi des sculptures de calcaire), voir Tatton-Brown 2000 ; pour l’interprétation, Fourrier 2015, 219-220.

    35Pour ces deux contextes, voir Fourrier 2015, 213-214 et 216-217, avec références. Les résultats des fouilles britanniques du sanctuaire de Salamine-Toumpa ont été récemment publiés par Th. Kiely et V. Karageorghis (2019).

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    Fourrier, S. (2022). Tours de main et styles : le modelage dans la coroplastie chypriote archaïque. In H. Aurigny & L. Rohaut (éds.), Quand on a la terre sous l’ongle (1‑). Presses universitaires de Provence. https://doi.org/10.4000/13tgs
    Fourrier, Sabine. « Tours de main et styles : le modelage dans la coroplastie chypriote archaïque ». In Quand on a la terre sous l’ongle, édité par Hélène Aurigny et Laura Rohaut. Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 2022. https://doi.org/10.4000/13tgs.
    Fourrier, Sabine. « Tours de main et styles : le modelage dans la coroplastie chypriote archaïque ». Quand on a la terre sous l’ongle, édité par Hélène Aurigny et Laura Rohaut, Presses universitaires de Provence, 2022, https://doi.org/10.4000/13tgs.

    Référence numérique du livre

    Format

    Aurigny, H., & Rohaut, L. (éds.). (2022). Quand on a la terre sous l’ongle (1‑). Presses universitaires de Provence. https://doi.org/10.4000/13tio
    Aurigny, Hélène, et Laura Rohaut, éd. Quand on a la terre sous l’ongle. Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 2022. https://doi.org/10.4000/13tio.
    Aurigny, Hélène, et Laura Rohaut, éditeurs. Quand on a la terre sous l’ongle. Presses universitaires de Provence, 2022, https://doi.org/10.4000/13tio.
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