URL originale : https://books.openedition.org/pup/78552

Introduction
Jean-Pierre Brun et Michel Pasqualini
p. 5-6
Texte intégral
1Trente ans ! Trente années ont passé depuis les fouilles de la zone d’aménagement concertée Besagne-Dutasta en 1985-1988. Nous n’imaginions pas alors qu’il nous faudrait tant de temps pour parvenir à une publication scientifique de cet ensemble. Nous ne pouvions concevoir non plus qu’aucune décision de présentation des vestiges et des collections ne serait prise. Dans les années suivant la fin de l’opération immobilière qui vit la construction d’un centre de congrès, d’un centre commercial et de parkings souterrains, nous avons tenté non seulement d’avancer les études préparatoires à la publication mais aussi et surtout de convaincre la municipalité de Toulon de créer un Musée de l’histoire de la ville en intégrant les objets antiques alors découverts et notamment les cinq bateaux romains dont les deux horeiae complètes. Passé l’emballement médiatique de la première heure, nos élus ont laissé passer l’occasion de lancer le grand musée de Toulon et de la Méditerranée dont nous rêvions. Ce musée aurait pu être un attracteur culturel pour une agglomération dont l’avenir économique réside dans son rapport à la mer, comme toute son histoire le démontre. Cette constante doit, à chaque période, se réinventer ; elle est passée du commerce du vin à la marine royale puis nationale, et maintenant au tourisme maritime. Nous voudrions aujourd’hui encore, malgré nos désillusions, que les autorités prennent la mesure de cette caractéristique et des évolutions en cours et qu’elles investissent dans une institution culturelle puissante en mesure de promouvoir le devenir et de préserver l’identité de Toulon.
2Face à ce désintérêt, nous nous sommes tournés vers d’autres projets archéologiques, ailleurs : l’un de nous à Marseille, puis à Fréjus, l’autre en Italie et en Egypte. Cependant, nos déconvenues et le temps qui a passé ne sont pas une excuse pour renoncer à publier nos recherches. En effet, l’édition est le seul moyen de permettre à nos collègues chercheurs d’accéder aux résultats de nos travaux qui n’ont rien perdu de leur intérêt que ce soit pour remonter aux origines antiques du port de Toulon ou pour apporter de nouveaux éléments à la connaissance plus globale du monde romain. C’est aussi l’unique façon de restituer au grand public qui s’était à l’époque passionné pour nos découvertes, une partie de notre patrimoine commun.
3Au fil du temps, bien entendu, nos souvenirs se sont estompés, des données ont été perdues, quelques confusions ont eu lieu, mais en contrepartie nos connaissances se sont accrues et nous sommes mieux armés pour interpréter les vestiges. La chronologie proposée dans cet ouvrage a peu évolué par rapport à nos relations préliminaires1 ; tout au plus avons-nous précisé tel ou tel point ou avons-nous simplifié des phases trop détaillées2. L’interprétation, en revanche, a bénéficié de nos expériences réciproques aussi bien dans un grand port comme celui de Forum Iulii3 que dans des cités aussi emblématiques que Cumes et Pompéi4 qui offrent des modèles interprétatifs du fait de leur état de conservation et de leur longue durée d’occupation. Ainsi, nous avions bien identifié des entrepôts mais nous n’avions pas décelé l’existence d’un moulin hydraulique lié à une boulangerie et nous n’avions pas totalement compris le fonctionnement de l’établissement III,6 du quartier de l’ancienne école Lafayette qui non seulement était une taverne mais aussi un établissement de prostitution. Nous n’avions pas correctement interprété non plus l’îlot IV qui présente les caractéristiques d’une auberge. Enfin, le grand nombre de fosses, le creusement de plusieurs puits, l’abondance de mobilier de l’Antiquité tardive, nous incitent à accorder plus d’importance à la phase 6 du chantier de l’école Lafayette. La compréhension globale du site fouillé, et de Telo Martius tout entier, a aussi profité de nos visions élargies. Nous verrons ainsi que Toulon romaine, agglomération secondaire, est née du développement agricole de la région et de son intégration dans l’économie monde de l’Empire romain. Ce développement remarquable favorisera probablement son accés au statut d’évêché au ve siècle.
Remerciements
4Les fouilles, l’étude et la publication ont bénéficié du soutien du Collège de France, du CNRS (CCJ, CEPAM), du Service Régional de l’Archéologie.
Merci à Marc Gauthier†, Jean Guyon, Jean-Paul Jacob, Xavier Delestre.
Merci à Jacques Bérato, Henri Bernard-Maugiron, Didier Binder, Marc Borréani, Jean-Marie Gassend, Marc Gérard†, Michèle Giffault, Ernest Imbert†, Françoise Laurier, Pascal Lecacheur†, Patrice Pomey†, Regis Ramière, Martine Regert, Henri Ribot, Isabelle Théry, Marinella Valente.
Marie-Brigitte Carre, Gaëtan Congès, Emmanuel Botte et Corinne Sanchez ont relu le manuscrit, Antoine Pasqualini l’a mis en forme, les restitutions graphiques des fouilles sont de Guilhem Chapelin.
Nous n’oublierons pas non plus ceux qui, nombreux, à un titre ou un autre, ont participé aux fouilles et aux études.
Notes de bas de page
1Plusieurs relations préliminaires ont paru lors des fouilles ou dans les années qui suivirent : Bérato et al. 1986 ; Pasqualini 1987 ; Borréani et al. 1988 ; Gérard et al. 1988 ; Brun, Lecacheur, Pasqualini 1992 ; Brun, Borréani 1999, 775-830.
2Gaëtan Congès nous a depuis longtemps enseigné que la « fouille est une simplification ». Il faut comprendre cet aphorisme de deux manières. D’une part, toute fouille, même la plus minutieuse, est tributaire des choix de l’archéologue qui simplifie en décidant d’enlever plus ou moins rapidement telle ou telle couche selon qu’il l’interprète comme très importante (un sol en place, un dépotoir scellé, une tombe) ou moins significative (un remblai, une couche de colluvions). D’autre part, la nécessité de rendre intelligibles et communicables les résultats d’une fouille archéologique oblige à des regroupements de structures et d’unités stratigraphiques dans des « phases » qui présentent des « tableaux » de chaque période identifiée comme importante mais dont la cohérence varie de place en place, à l’intérieur d’un même chantier, selon l’état de préservation des vestiges et selon le temps qu’il a été possible de consacrer aux dégagements. Ainsi, le tableau « simplifié » que nous proposons de l’évolution du quartier oriental de Telo Martius comporte des limites et des raccourcis que nous tenterons d’expliciter au fil du texte.
3Pasqualini et coll. 2006 ; Aujaleu, Pasqualini, Savanier 2009 ; Botte, Excoffon, Pasqualini 2009 ; Pasqualini, Thernot, Garcia 2010 ; Pasqualini, Gaillard 2010 ; Pasqualini 2011 ; 2021 ; Brun, Cauwel, Pasqualini 2011 ; Pasqualini, Portalier 2012 ; Pasqualini 2012 ; Delestre, Fixot, Pasqualini 2013 ; Foy, Pasqualini 2016 ; Pasqualini, Botte 2017 ; Pasqualini, Rodet-Belarbi, Blanc-Bijon 2017.
4Brun, Munzi 2009 ; 2011 ; Borgard et al. 2005 ; Brun, Leguilloux 2006 ; Brun 2007 ; Amarger, Brun 2007.
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Toulon (Telo Martius), une agglomération portuaire romaine de la cité d’Arles
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