Préface
p. 5-6
Texte intégral
1Parler du cancer n’est pas chose facile. D’abord, le mot lui-même, terrible et brutal, annonce d’un futur incertain et de souffrances malheureusement bien plus probables. Les chiffres ensuite : 15 millions de patients à travers le monde, et près de 9 millions de morts par an (chiffres 2015, source American Association of Cancer Research 2018). Mais il y a aussi ces remarquables avancées dans la prise en charge de la maladie, à la fois dans les traitements dits classiques que sont la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, et aussi dans les traitements innovants d’immunothérapie et de thérapies ciblées. Là encore, il n’est pas si facile d’en parler : en effet que dire de nouveau par rapport à l’avalanche de littérature grand public ou spécialisée dans le domaine ?
2Le parti pris original du professeur Jean-Claude Bertrand est ici d’informer sur un aspect majeur du cancer, celui de sa prévention. Car le cancer n’est pas une fatalité, et c’est l’objet même de l’ouvrage que de transmettre, de manière à la fois complète et claire, les informations sur les divers types de cancers et les modes de prévention. Une sorte de « cancer mode d’emploi » qui permet à tout un chacun de s’informer et de mettre en place des actions concrètes.
3La prévention primaire, c’est s’attaquer aux causes du cancer. Si elles ne sont pas toutes connues, on peut néanmoins en distinguer plusieurs types pour environ 60 % des cas : les cancers héréditaires qui représentent au maximum 5 % des cas, les cancers d’origine microbienne (16 % des cas), et ceux dus à notre mode de vie (40 % des cas), tels que ceux induits par l’exposition à des substances cancérigènes. Pour chacun de ces cas, l’auteur propose au lecteur d’acquérir les bases fondamentales de la cancérogenèse (c’est-à-dire de la transformation d’une cellule normale en cellule tumorale) afin de comprendre les enjeux et le but de la prévention. Au-delà de cette démarche originale, l’ouvrage a de nombreuses autres qualités qui doivent permettre à toutes et à tous d’acquérir un socle de connaissances nécessaires à la compréhension des cancers : il est très bien architecturé, il permet une bonne progression permettant un apprentissage progressif du lecteur, et ses contenus scientifiques et médicaux sont de très bonne qualité. L’ouvrage devrait intéresser les étudiants en sciences et d’autres disciplines, leur permettant de mieux comprendre les enjeux de la prévention, de mettre en pratique des recommandations concrètes et de diffuser largement ces précieuses informations. Parce qu’il offre une synthèse entre données scientifiques et médicales, enjeux sanitaires et recommandations, la lecture du livre de Jean-Claude Bertrand éclairera aussi sur des notions nécessaires à la mise en place d’actions de prévention.
4Au final, si l’on devait tenter de synthétiser ce livre à la fois clair et très documenté, on pourrait proposer d’en dégager deux grandes notions. D’abord anticiper l’apparition de la maladie en s’attaquant à ses causes : c’est la prévention « primaire ». Puis dépister, comme une deuxième action de prévention renforçant la première : il s’agit donc là de la prévention « secondaire ». Celle-ci vise à détecter la présence possible de la maladie avant qu’elle ne se développe, en l’absence de symptômes ou de signes cliniques, à un stade où les traitements thérapeutiques sont le plus efficaces. Et au final, un message crucial : informer et être informé, afin que le citoyen devienne acteur de sa prévention.
5Nous devons remercier Jean-Claude Bertrand pour avoir accumulé les ressources nécessaires afin de nous proposer cet ouvrage, à la portée de toutes et tous. Il est clair que les messages proposés pour lutter contre le cancer peuvent bien entendu s’étendre à d’autres pathologies, et doivent rentrer en résonnance avec nos modes de vie quant à la maladie. Si la formule « mieux vaut prévenir que guérir » n’avait pas été inventée depuis longtemps, le livre de Jean-Claude Bertrand aurait pu l’avoir comme titre ou comme sous-titre, car c’est cela dont il s’agit ; nous savons tous qu’en plus d’être le principe de base de la médecine traditionnelle chinoise, cet adage est toujours vérifié, qu’il s’agisse de la protection des ordinateurs contre les attaques informatiques à travers l’installation d’antivirus ou autres logiciels « pare-feu » ou, bien évidemment, de la vaccination dont c’est l’essence même. Dans ce cadre, on peut aussi espérer la mise en place de vaccins préventifs contre le cancer dans certaines indications, et en premier lieu dans certaines catégories de population à risque (génétique ou d’exposition). Même si le chemin semble encore long, le récent exemple de la COVID-19 contre laquelle l’extrême rapidité de la communauté scientifique a pu mettre en place des vaccins d’une efficacité et d’une innocuité remarquables permet aussi d’envisager des préventions vaccinales efficaces dans le cancer.
Auteur
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Éric Vivier
Aix Marseille Université, Hôpitaux Universitaires de Marseille,
membre de l’Académie nationale de Médecine. Membre de l’Institut universitaire de France, Président de Paris Saclay Cancer Cluster, N.D.L.R.
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