La nécropole de la Via Ostiensis à Rome. Longue durée, changements et transition complexe vers le monde funéraire paléochrétien – Version abrégée
p. 301-314
Résumés
Les vestiges archéologiques d'une vaste nécropole bien préservée, qui fait l'objet d'un nouveau projet de recherche interdisciplinaire, suivent la Via Ostiensis à Rome. Ces tombes monumentales ont été utilisées de façon continue depuis la moitié du iie siècle avant notre ère jusqu'au ive siècle de notre ère, et illustrent la transition de la pratique de lacrémation à celle de l'inhumation comme coutume funéraire préférentielle. La plupart des espaces funéraires exhumés conservent des dépôts de restes humains in situ. Un nouveau projet de recherche interdisciplinaire vise à réexaminer complètement l'ensemble de la zone et son matériel, y compris les restes humains, le matériel épigraphique et les artefacts.
La nécropole de la Via Ostiensis est un site privilégié pour étudier la transition des pratiques funéraires, des rituels et des mentalités à l'égard de la mort suscitée par le christianisme, illustrée plus clairement par le passage de la crémation à l'inhumation. Cette transition est observable dans la réorganisation des espaces et de l'architecture funéraire, où, malgré le passage du paganisme au christianisme, les deux types de pratiques funéraires coexistent, et les inhumations plus tardives respectent la sacralité des crémations déposées précédemment.
The archaeological remains of a vast and well-preserved necropolis, which has become the focus of a new interdisciplinary research project, follow the Via Ostiensis in Rome. These monumental tombs were continuously used by the middle echelon from the 2nd century BCE until the 4th century CE, and illustrate the transition from cremation to inhumation as the preferred burial custom. Most of the exposed burial spaces retain deposits of human remains in situ. A new interdisciplinary research project aims to completely re-examine the entire area and its material, including human remains, epigraphic material and artefacts.
The Via Ostiensis Necropolis is a privileged site for investigating the transition of funerary practices, rituals, and mentalities towards death elicited by Christianity, illustrated most clearly by the shift from cremation to inhumation. This transition is observable in the reorganization of the spaces and the funerary architecture, where, despite the shift from paganism to Christianity, both types of burial practices coexist, and the later burials respect the sacredness of the cremations previously deposited.
Entrées d’index
Mots-clés : nécropole romaine, Via Ostiensis, paléochrétien, rituels funéraires, transition funéraire, crémation, inhumation, christianisation, Saint Paul, bioarchéologie
Keywords : Roman necropolis, Via Ostiensis, paleochristian, funerary rituals, funerary transition, cremation, inhumation, Christianization, St. Paul, bioarchaeology
Note de l’éditeur
Cet article n’est pas une traduction mais une version abrégée de l’article anglais « The Via Ostiensis Necropolis in Rome: Endurance, Change, and a complex Transition to the paleochristian funerary World ».
Plan détaillé
Texte intégral
1Les vestiges d’une vaste nécropole bien conservée sont présents le long de la Via Ostiensis à Rome (fig. 4). Cet ensemble funéraire se trouve actuellement au centre d’un nouveau projet de recherche interdisciplinaire. C’est par hasard que de nombreuses tombes monumentales ont été découvertes aux xviiie et xixe siècles et détruites sans être documentées de manière adéquate près de la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. Ces dernières ont néanmoins livré du matériel épigraphique qui a donné lieu à une fouille archéologique des secteurs à proximité. Le secteur du site qui est actuellement visible a été dégagé à l’occasion de travaux publics en 1918 (fig. 5). Ces tombes monumentales ont été utilisées en continu par la classe moyenne de la société entre le iie siècle avant notre ère et le ive siècle de notre ère, et elles illustrent la transition de la crémation à l’inhumation comme pratique funéraire prédominante. La plupart des espaces funéraires dégagés contiennent des dépôts de vestiges humains in situ. Le présent article explore l’histoire de la nécropole de la Via Ostensis dans la perspective où ce site illustre clairement les transitions dans les rites funéraires et de traitement des défunts à Rome sur une durée de plusieurs siècles et une actualisation en ce qui concerne l’avancement du projet de recherche archéologique. Les structures visibles incluent l’architecture et la décoration des sépultures ainsi que des vestiges bioarchéologiques et des dépôts funéraires.
Fig. 4. La nécropole de la Via Ostiensis.
Carte GIS M. Marcelli.
Fig. 5. La nécropole de la Via Ostiensis lors de la fouille.
ICCD, Gabinetto Fotografico Nazionale, inv. MPI6133716, 1918.
2Dans la nécropole, les tombes de type columbarium de petite taille constituent le type le plus répandu, chacune contenant moins de 30 à 40 urnes. Des peintures élégantes de thèmes naturels et mythologiques et des sols en mosaïque noir et blanc décorent la plupart des tombes. De manière générale, l’espace funéraire a été utilisé intensément entre le ier et le iiie siècles de notre ère. Durant le iiie siècle, des sépultures à inhumations ont été placées dans les espaces restants de la nécropole, incluant des tombes en pleine terre ainsi que des sarcophages en marbre ou terre cuite insérés dans les sols et les murs de structures plus anciennes de la nécropole. De nouveaux types de tombes à inhumations, tels que les tombes de type arcosolia et de type formae font leur apparition à ce même moment. La construction de la basilique au ive siècle a amené des changements significatifs dans la topographie et la configuration de l’aire funéraire dans la mesure où celle-ci a été privilégiée pour des inhumations chrétiennes (fig. 9).
Fig. 9. La basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs avant sa destruction par l’incendie de 1823, gravure de Giuseppe Tiburzio Vergelli, 1688.
Museo di Roma, inv. 19579.
3Actuellement, un nouveau projet interdisciplinaire vise à réexaminer globalement l’aire et ses vestiges, incluant les restes humains, les restes non humains et les artefacts. En étudiant simultanément les vestiges archéologiques et biologiques, de nouvelles données émergent en ce qui concerne les identités des défunts, les pratiques funéraires et l’organisation des espaces funéraires. Ce projet est porté par la Sovrintendenza Capitolina, l’Université de Valencia (Espagne) et une équipe de spécialistes, dans le but de mener à bien l’analyse la plus holistique de la nécropole entreprise jusqu’ici. Plus particulièrement, l’aspect bioarchéologique du projet a pour objectif d’analyser la population ancienne d’un point de vue anthropologique et social. L’analyse des vestiges humains in situ comparée aux données issues du réexamen du matériel épigraphique est susceptible de livrer des informations sur les biographies, l’état de santé, les causes de mortalité, l’appartenance ethnique, le statut social et les métiers de la population de ce secteur de Rome.
4La nécropole de la Via Ostiensis est un site privilégié afin d’étudier la transition des pratiques funéraires, des rituels et des mentalités par rapport à la mort, déclenchée par le christianisme et illustrée très clairement ici par le passage de la crémation à l’inhumation autour du iie siècle de notre ère (fig. 11). Cette transition peut également être observée dans la réorganisation des espaces et dans l’architecture funéraire, où malgré le passage du paganisme au christianisme les deux types de pratiques funéraires coexistent et où les inhumations plus tardives respectent le caractère sacré des crémations déposées auparavant (fig. 16). En étudiant ces périodes de transition entre différentes rites funéraires et les croyances privilégiées y étant associées, il est désormais possible de prendre en compte des nuances qui accompagnent des passages de paradigmes sociétaux incluant les utilisations et vénérations d’espaces et de personnes de périodes plus anciennes, les raisons de ces transitions en tant que telles et les traces visibles laissées par ces changements au sein du patrimoine archéologique.
Fig. 11. La tombe XXIX de la nécropole de la Via Ostiensis.
Photographie M. Marcelli, 2017.
Fig. 16. Sépulture d’un enfant placée au-dessus des urnes de la structure D, espace IV.
Photographie C. Cicone, 2019.
Bibliographie
Floriani Squarciapino 1953-1955 Floriani Squarciapino M., Pitture di una tomba sulla via Ostiense, in BCom, LXXV, 1953-1955, p. 109-115.
Lanciani 1888 Lanciani R., Forma Urbis Romae, Roma 1888.
Lanciani 1901 Lanciani R., New tales of old Rome, London 1901.
Liverani 1988 Liverani P., Preesistenze archeologiche: la necropoli sulla via Ostiense, in Pietrangeli C. (a cura di), San Paolo fuori le mura a Roma, Firenze 1988, p. 29-35.
Lugli 1919 Lugli G., Via Ostiense: scavo di un sepolcreto romano presso la Basilica di S. Paolo, in NSc, 1919, p. 285-354.
Marcelli 2011 Marcelli M., Memorie dell’antico nel paesaggio pre-industriale della via Ostiense: rinvenimenti archeologici e demolizioni fra Otto e Novecento, in BUSeA, 6, 2011, p. 77-88.
Marcelli, Cicone 2019 Marcelli M., Cicone C., Via Ostiense. Tombe romane presso la Rupe di S. Paolo. Rilievi archeologici e analisi delle strutture (Municipio VIII), in BAC, CXX, 2019, p. 393-397.
Marcelli, Pannuzi 2020 Marcelli M., Pannuzi S., Le alluvioni del Tevere e il controllo delle acque di risalita nell’area della via Ostiense da Roma ad Ostia, in Mem. Descr. Carta Geol. d’It., 107, 2020, p. 23-44.
Marcelli et al. 2021Marcelli M., Cicone C., Alapont Martín L, Sastre Morro M., Evans S.F., Lhériteau M., Corredor Peinado P., Munzi M., Nuove ricerche sui colombari del Sepolcreto della via Ostiense. Analisi dei resti antropologici e archeologici (Municipio VIII), in BAC, CXXII, 2021, p. 61-80.
Auteurs
Sovrintendenza Capitolina ai Beni Culturali, Roma, Italia
Departament de Prehistòria, Arqueologia i Història Antiga, Universitat de València, València, Espanya
Smithsonian Institution, Washington DC, United States
Sapienza Università di Roma, Roma, Italia
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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