Nouvelles recherches sur les catacombes de Santa Mustiola
Rituels funéraires et composition biosociale de la communauté paléochrétienne de Chiusi (province de Sienne, Italie) – version abrégée
p. 283-297
Résumés
Depuis 2016, la Commission Pontificale d'Archéologie Sacrée, en collaboration avec l'Université Roma Tre et depuis 2018, avec le Service de Bioarchéologie du Museo della Civiltà Romana, a entrepris un nouveau projet de fouilles archéologiques dans la Catacombe de Santa Mustiola à Chiusi (Si). La fouille stratigraphique des tombes a révélé une utilisation intense des sépultures, avec une séquence d'inhumations caractérisée par deux phases d'occupation clairement identifiables. La première est attribuable au ive siècle de n.è., tandis que la seconde remonte au moins à la première moitié du ve siècle.
L'analyse des plus de 300 individus a contribué à clarifier la dynamique funéraire et à décrire les conditions de vie de la communauté. Le profil démographique indique que des individus de tous âges ont été inhumés dans la catacombe, même s'ils présentent quelques anomalies. Un autre aspect crucial concerne l'utilisation du complexe funéraire et le profil de ses utilisateurs dans les différentes phases chronologiques.
Since 2016 the Pontifical Commission for Sacred Archaeology, in collaboration with Roma Tre University and, since 2018, with the Bioarchaeology Service at the Museo della Civiltà Romana, has undertaken a new archaeological excavation project in the Catacomb of Santa Mustiola, Chiusi (Si). The stratigraphic excavation of the tombs has revealed an intense use of the graves, with a sequence of inhumations characterized by two clearly identifiable phases of occupation. The first one is chronologically referable at the 4th century AD, while the second one dates back at least to the first half of the 5th century AD.
The analysis of the over 300 individuals contributed to clarifying funerary dynamics and describing the life conditions of the community. The demographic profile indicates that individuals of all ages were buried in the Catacomb, even if with some anomalies. Another crucial aspect concerns the utilization of the cemeterial complex and the profile of its users in the various chronological phases.
Entrées d’index
Mots-clés : Antiquité tardive, début du christianisme, Toscane, Chiusi, Santa Mustiola, catacombes, pratiques funéraires
Keywords : Late Antiquity, Early Christianity, Tuscany, Chiusi, Santa Mustiola, catacombs, funerary practice
Note de l’éditeur
Cet article n’est pas une traduction mais une version abrégée de l’article anglais « New researches at the catacomb of Santa Mustiola. Funerary rituals and biosocial composition of the early Christian community of Chiusi (Siena, Italy) ».
Texte intégral
1Depuis 2016, la Commission pontificale pour l’archéologie sacrée, en collaboration avec l’université Roma Tre et, depuis 2018, avec la section de bioarchéologie du Museo della Civiltà Romana a mis en œuvre un nouveau projet de fouilles archéologiques dans la catacombe de Santa Mustiola à Chiusi, dans la province de Sienne (Cipollone 1998 ; fig. 2). Ce projet visait à une meilleure compréhension des bornes chronologiques en relation avec le début et le développement de la nécropole souterraine, en précisant la durée et les modes de son utilisation. La fouille stratigraphique des tombes – comprenant 15 loculi et 29 arcosolia – a permis de mettre en évidence l’utilisation intense des sépultures avec une séquence d’inhumations caractérisée par deux phases d’occupation clairement identifiables (Bracon, 2018 ; Braconi et al. 2021 ; fig. 3). La première phase, qui est également la plus ancienne, peut être attribuée au ive siècle et coïncide avec la construction et l’organisation des espaces tandis que la deuxième, qui date probablement de la première moitié du ve siècle ou avant, peut être mise en relation avec un mode d’utilisation de la catacombe différent : désormais, les tombes sont réouvertes et réutilisées de manières extrêmement diversifiées (fig. 11). Cette deuxième phase, qui est la plus récente, révèle plus particulièrement la réouverture et la réutilisation systématiques des sépultures, leurs transformations morphologiques, des réductions d’inhumations, des manipulations et déplacements d’ossements ainsi que la présence de différentes typologies de mobilier funéraire, comme par exemple des lampes à huile, des unguentaria en verre, des monnaies et des céramiques (Bailey 1980 ; Atlante I-II ; Isings 1957 ; fig. 13). De cette pratique résulte une surexploitation des espaces, incluant vraisemblablement des interventions anthropiques post-dépositionnelles visant à réorganiser les inhumations au sein des sépultures individuelles. En effet, des inhumations individuelles et doubles sont rares tandis que des inhumations collectives – contenant entre 3 et 25 individus – représentent la norme.
Fig. 2. Chiusi (Si). Catacombe de Santa Mustiola.

Plan de la catacombe avec les zones fouillées (la “basilichetta” en jaune ; la galerie B en violet ; la galerie E en vert ; la galerie F en rouge ; la galerie B en orange ; la galerie I en bleu).
PCAS.
Fig. 3. Arcosolium 14a.

Couche d'argile enc ours de fouille.
PCAS.
Fig. 11. Arcosolium 12.

US 294 : restes de sept crânes de subadultes.
Maura Fadda.
Fig. 13. Arcosolium 13a.

Dépôt de la deuxième phase, avec deux aiguières.
PCAS.
2Les campagnes de fouilles entreprises entre 2016 et 2019 ont permis d’identifier 340 individus au total : 304 proviennent d’arcosolia, 35 de loculi, et un squelette d’une fosse aménagée dans le sol. L’analyse anthropologique a permis de quantifier et d’identifier les différents modes d’utilisation des tombes qui varient fortement en fonction de leur type et leur localisation. Par exemple, la plupart des arcosolia correspondent à des tombes collectives ; à l’inverse, la moitié des loculi contiennent des inhumations individuelles. Dans les tombes abritant le plus grand nombre d’individus, il a été possible de mettre en évidence une intensification apparente des inhumations lors de la deuxième phase d’occupation de la catacombe.
3Les deux phases d’utilisation de la catacombe ont livré des répartitions et valeurs similaires en ce qui concerne le sex ratio, l’estimation de la stature et l’état de santé général des individus adultes. En revanche, elles se distinguent nettement en ce qui concerne la proportion des individus immatures, les différences étant les plus marquées dans la classe d’âge des 1-5 ans. Ainsi, trois fois plus d’enfants ont été inhumés au cours de la seconde phase par rapport à la première phase. Plusieurs facteurs potentiellement combinés peuvent expliquer cet état de fait. Par exemple, cette différence peut être liée à de simples biais liés au caractère partiel de la fouille de la catacombe, à des choix funéraires spécifiques ou encore à un pic de mortalité particulier, probablement dû à des changements concernant les conditions de vie et l’état de santé. L’analyse paléopathologique de l’échantillon fournit également quelques données allant dans ce sens. Ainsi, il a été possible d’identifier quatre cas de scorbut (pathologie liée à un manque de vitamine C) chez des enfants appartenant à la deuxième phase d’occupation et un pourcentage plus élevé de cribra orbitalia et de cribra cranii, indiquant la présence répandue de maladies liées à des stress métaboliques (Sperduti et al. 2021).
4La fouille de la catacombe a également permis la découverte du squelette d’une femme âgée d’environ 40 ans présentant une déformation crânienne artificielle (arcosolium 28 ; Braconi et al. 2021 : 81-83) qui fait partie des modifications de type « annulaire » probablement obtenue par l’application de double-bandages sur la tête de l’individu pendant sa petite enfance (fig. 15). Trois objets en fer ont été retrouvés à proximité : une boucle, la lame d’un couteau ainsi qu’un petit ardillon, appartenant peut-être à une fibule. Leur position le long du corps de la femme indique que celle-ci était habillée au moment de son inhumation. Il est important de noter que la boucle présente des similitudes avec des boucles retrouvées dans des nécropoles en Hongrie et en Allemagne du Sud (Braconi et al. 2021 : 68-69). Les indices biologiques et culturels récoltés plaident en faveur d’une origine allochtone de la femme, et rejoignent en ce sens d’autres découvertes de ce type en Italie. En effet, les onze cas de modifications crâniennes enregistrés jusqu’ici sur la péninsule italienne proviennent tous de sépultures datées de l’Antiquité tardive et du Haut Moyen-âge, qui peuvent être attribuées à des groupes d’Europe de l’Est sur le plan culturel. Dans la ville de Chiusi, l’occurrence de quatre de ces cas, dont celui de la femme de la catacombe, est probablement liée à la présence, documentée historiquement, d’une garnison de Goths dans la ville pendant la guerre gréco-gothique (535-554 AD). Le scenario émergeant ici mérite des investigations supplémentaires qui vont livrer des informations concernant les types de mobilité et de régime alimentaire ainsi que l’ascendance génétique et la parenté des individus au sein et en dehors de la catacombe.
Fig. 15. Arcosolium 28.

Individu avec déformation crânienne.
Bioarchaeology Service of the Museum of Civilizations.
Bibliographie
Atlante Atlante delle forme ceramiche, vol. I, Ceramica fine romana nel bacino mediterraneo (medio e tardo impero, 632 p. - vol. II, Ceramica fine romana nel bacino mediterraneo (tardo ellenismo e primo impero), 736 p., EAA, 1981-1985, Roma.
Bailey 1980 Bailey D.M., A Catalogue of the Lamps in the British Museum. 2. Roman Lamps Made in Italy, London, 458 p.
Braconi 2018 Braconi M., La carriera del presbitero. Testo e contesto di una nuova iscrizione cristiana proveniente dalla catacomba di S. Mustiola a Chiusi (SI), Epigraphica, 80/1-2, p. 551-562.
Braconi et al. 2021 Braconi M., Sperduti A., Fattore L., Interlando S., Cavazzuti C., Un caso di deformazione cranica artificiale dalla catacomba di Santa Mustiola a Chiusi (Si). Lo scavo, il contesto e lo studio antropologico, RAC, 97/1, p. 53-98.
Cipollone 1998 Cipollone V., Nuove ricerche sulla catacomba di Santa Mustiola a Chiusi, RAC, 74/1, p. 3-147.
Cipollone 2007 Cipollone V., Primi dati archeologici e antropologici dallo scavo della catacomba di Santa Mustiola di Chiusi, RAC, 83, p. 23-42.
Isings 1957 Isings C., Roman Glass from Dated Finds, Groningen, 185 p. (Archaeologica Traiectina, 2).
Sperduti et al. 2021 Sperduti A., Braconi M., Di Maio I., Facchin G., Ferri G., Interlando S., Montella L., Cavazzuti C., First evidence of metabolic stress diseases from the Santa Mustiola’s catacombs (Chiusi, IV-VI sec. d.C.), in XI Congresso Nazionale Aiar (Napoli, 28-30 luglio 2021).
Auteurs
-
Matteo Braconi
Università degli Studi Roma Tre, Roma, Italia
Pontificia Commissione di Archeologia Sacra, Città del Vaticano -
Giulia Facchin
Università degli Studi Roma Tre, Roma, Italia
American University of Rome, Rome, Italy -
Giovanna Ferri
Università degli Studi Roma Tre, Roma, Italia
Pontificia Commissione di Archeologia Sacra, Città del Vaticano -
Martina Bernardi
Università degli Studi Roma Tre, Roma, Italia
-
Alessandra Sperduti
Museo delle Civiltà, Roma, Italia
Dipartimento Asia, Africa e Mediterraneo Università degli Studi di Napoli L’Orientale, Napoli, Italia
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