1En France, pour les archéologues, les restes humains mis au jour en contexte archéologique sont un objet d’étude au moins aussi important que les autres éléments issus de la fouille. Les archéologues les abordent de la même manière que les autres vestiges archéologiques mobiliers, même s’ils requièrent une attention particulière du fait de leur nature de restes humains.

2Pour le législateur, il n’en est pas de même. Les restes humains ne sont pas explicitement traités dans les textes juridiques qui régissent l’archéologie contrairement aux biens archéologiques mobiliers dont les règles de gestion, d’utilisation et le statut de propriété sont précisément définis par le Code du patrimoine.

3Cette dichotomie devient problématique aujourd’hui où des questions d’ordre éthique et sociétal sont de plus en plus prégnantes. Pour tenter de répondre aux interrogations des acteurs de l’archéologie, le ministère de la Culture, direction générale des Patrimoines et de l’Architecture, service du Patrimoine, sous-direction de l’Archéologie, s’est penchée sur le sujet et a analysé tous les textes juridiques nationaux s’appliquant aux restes humains sans toutefois concerner directement ceux mis au jour en contexte archéologique.

4L’étude de ces textes, qui touchent à la fois la bioéthique (l’humain vivant), la gestion des morts par les collectivités territoriales, et le statut des restes humains dans les collections publiques (État, collectivités territoriales…), ainsi que l’analyse diachronique des objectifs et méthodes de l’archéologie en France, a permis d’avancer sur ces questions, en les précisant et en les encadrant.

5Dans l’attente de la mise en place d’une législation spécifique, il est aujourd’hui possible de porter une analyse à droit constant sur le statut des restes humains mis au jour en contexte archéologique et de définir les éléments juridiques qu’il serait nécessaire de mettre en œuvre pour donner un statut clair à ces éléments du patrimoine archéologique.

La relation entre l’État et les morts et la notion de morts en contexte archéologique

6Il n’est pas possible de traiter du droit applicable aux restes humains sans parler de la relation qu’il peut y avoir entre l’État et les morts, ni sans donner une définition d’un reste humain issu d’un contexte archéologique.

7Deux domaines régaliens, c’est-à-dire qui sont uniquement du ressort de l’exercice de l’État, sont principalement concernés par la prise en charge de la personne morte.

8Le premier concerne les opérations funéraires qui regroupent tous les actes liés à la gestion sanitaire et administrative du corps mort – transport du corps avant et après la mise en bière, soins somatiques et de conservation, formalités relatives à la gestion du corps et des funérailles – mais aussi au souvenir civil ou militaire et aux relations internationales liées aux conflits armés présents et passés. Ces actes sont traités principalement par le Code civil, le Code général des collectivités territoriales, le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

9Le deuxième concerne les opérations de justice liées à l’identification des victimes et à l’identification de la cause du décès que la mort soit récente ou ancienne. D’ailleurs, dans ce cadre, la science médico-légale fait de plus en plus souvent appel à des archéologues et archéo-anthropologues pour compléter l’expertise de la police ou la gendarmerie scientifique. Ces actes sont traités principalement par le Code pénal.

10Mais en dehors de ces deux domaines, l’État mène une autre action de prise en charge de la personne morte qui n’est pas encore complètement définie : il s’agit de l’archéologie. Bien que depuis les années 50, il est admis que la fouille archéologique n’est pas une violation de sépulture au sens de l’article 225-17 du Code pénal puisque la fouille est dictée par une intention scientifique, le législateur n’a pas encore clairement statué sur les restes humains archéologiques.

11Ces restes font en effet partie du quotidien des archéologues. Ils sont régulièrement mis au jour, ils sont exhumés en mobilisant des moyens et compétences spécifiques et étudiés de manière de plus en plus poussée. Les anthropologues utilisent pour cela des outils et des méthodes allant de l’étude approfondie des restes humains in situ aux techniques d’avant-garde de la paléobiologie. Dans les faits et en l’absence de règles, ces restes humains sont conservés, au même titre que les autres biens archéologiques, dans des structures de conservation pérenne où ils sont à la disposition de la communauté scientifique.

12Dans le cadre de la modification du Code du patrimoine – qui encadre l’archéologie dans son livre V – par la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine publiée le 7 juillet 2016 et des travaux de réflexion menés pour mettre en place ses textes d’application, la sous-direction de l’Archéologie a demandé à la communauté scientifique concernée par les restes humains de réfléchir à une terminologie et à une définition de leur sujet d’étude. Ils se sont arrêtés sur le terme de vestiges anthropobiologiques et la définition suivante qui a été reprise dans le cadre de l’article 1-III de l’arrêté du 7 février 2022 portant définition des données scientifiques de l’archéologie et de leurs conditions de bonne conservation :

Les vestiges anthropobiologiques sont des restes humains mis au jour lors d’une opération archéologique prescrite ou autorisée par l’État, ou encore découverts fortuitement, et ayant fait l’objet d’une déclaration au service régional de l’archéologie ou au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines dans le cadre de l’application du livre V du code du patrimoine.

Ils sont composés d’ossements humains isolés ou en connexion issus de structures funéraires, de couches sédimentaires, de remblais et ce, quel que soit le traitement funéraire rencontré ou le traitement des restes osseux ; de tissus éventuellement momifiés, ainsi que les phanères résiduels et les calcifications1. Sont aussi considérés comme des vestiges anthropobiologiques, les prélèvements réalisés sur les restes osseux, les « vestiges para-ostéologiques », éléments prélevés obligatoirement en même temps que les ossements, ainsi que les prélèvements de sédiment réalisés autour des ossements.

13Ce terme de vestiges anthropobiologiques permet de marquer la spécificité des restes humains en contexte archéologique pour les distinguer des autres restes humains traités par l’État et d’expliciter leur vocation patrimoniale. Car les vestiges anthropobiologiques font partie des éléments du patrimoine archéologique tel que défini par l’article L. 510-1 du Code du patrimoine :

Constituent des éléments du patrimoine archéologique tous les vestiges, biens et autres traces de l’existence de l’humanité, y compris le contexte dans lequel ils s’inscrivent, dont la sauvegarde et l’étude, notamment par des fouilles ou des découvertes, permettent de retracer le développement de l’histoire de l’humanité et de sa relation avec l’environnement naturel

et l’article 1-I de l'arrêté sus-cité :

Les vestiges archéologiques mobiliers, les vestiges archéologiques immobiliers et les vestiges anthropobiologiques constituent des éléments du patrimoine archéologique mis au jour au sens de l'article L. 510-1 du code du patrimoine et mentionnés à l'article R. 510-1 du même code.

14L’usage d’un terme spécifique permet aussi de les identifier au sein des éléments du patrimoine archéologique puisque compte tenu de leur « provenance » (la personne humaine) et de leur nature, ils ne sont pas des vestiges archéologiques mobiliers comme les autres.

15Cependant, à ce jour, le Code du patrimoine ne fixe aucune règle spécifique pour les vestiges anthropobiologiques. Ce silence dans le droit de l’archéologie, s’il pourrait paraître pratique, est en fait source d’interrogation pour les archéologues, de frein et de pratiques disparates dans la manière d’aborder les vestiges anthropobiologiques et leur traitement. Aux interrogations d’ordre déontologique et éthique que se pose tout archéologue, s’ajoutent des questionnements juridiques spécifiques.

Les questions liées au statut des vestiges anthropobiologiques

16Ces questionnements scientifiques spécifiques sont finalement assez simples à identifier. Ils interviennent tout au long de la chaîne opératoire, de la mise au jour des vestiges anthropobiologiques jusqu’à leur conservation pérenne, en dehors du cadre des collections d’un musée, régies par un cadre spécifique du Code du patrimoine, qui posent d’autres questions qui sont largement évoquées dans les chapitres II.1, II.2, II.6 et dans Timbart et al. 2016.

17Lorsqu’il est sur le terrain ou en phase de traitement des données (post-fouille), l’archéologue manipule les vestiges anthropobiologiques au même titre que les biens archéologiques, il les fouille, les collecte, les déplace, les étudie, peut en détruire une partie pour faire des analyses (ADN, Isotopes, datations…) (cf. supra I chap. 5), les conserve, sous le contrôle scientifique et technique de l’État. Mais en a-t-il vraiment le droit ? Au regard des textes, ces actions sont définies par les articles du Code général des collectivités territoriales qui seul encadre les déplacements et les manipulations des restes humains (article L. 2223-192 du Code général des collectivités territoriales). Ces actions devraient donc être menées par des agents des pompes funèbres ou par des personnes bénéficiant de l’habilitation ad hoc. Une telle restriction est scientifiquement aberrante, ce dont conviennent le ministère de l’Intérieur et le conseil national des Opérations funéraires interrogés sur la question. Ces actions sont donc exécutées par les archéologues en dérogation au Code général des collectivités territoriales.

18Mais cette distorsion entre la pratique des archéologues, et le droit rend le travail des archéologues délicat, tout particulièrement lorsque les préoccupations de la population, des élus et de la presse interviennent et que la communauté scientifique des archéologues est interpellée (cf. infra III chap. 6).

19Toutefois, avant même de se demander si l’archéologue peut exhumer et étudier les vestiges anthropobiologiques, il faudrait savoir à qui ils appartiennent et s’ils ont/peuvent avoir un propriétaire ? Ne sommes-nous pas seul propriétaire de notre corps ? Est-ce qu’après la mort, le corps d’une personne morte devient la propriété d’un tiers, sa famille par exemple, et est-ce qu’un tel régime de propriété pourrait s’appliquer à un vestige anthropobiologique ? Si c’est le cas, qui serait ce tiers et aurait-il un droit de regard sur le travail scientifique de l’archéologue ? Et même, pourrait-il s’opposer à ce travail scientifique ? Ou pourrait-on dire qu’au même titre que les biens archéologiques mobiliers, l’État peut en être le propriétaire ?

20Est-ce que les règles de droit existantes permettent de répondre pleinement à ces questions ou permettent-elles juste d’identifier des pistes ?

21Ces questions toutes simples à émettre mais fondamentales, permettent de montrer que le silence du Code du patrimoine au sujet des vestiges anthropobiologiques est une contrainte énorme pour les archéologues. Ce flou juridique concernant les vestiges anthropobiologiques, associé aux interrogations de déontologie et d’éthique, amène la communauté scientifique à exprimer de plus en plus clairement un besoin de normes spécifiques pour l’archéologie.

22D’ailleurs dans son article paru dans la Revue canadienne de bioéthique, Agnès Mathieu (ancienne juriste de la sous-direction de l’Archéologie) donne deux exemples qui illustrent ces interrogations et les difficultés auxquelles les archéologiques et l’État doivent faire face3 (Mathieu, 2019, p. 202).

Le statut juridique des vestiges anthropobiologiques : entre histoire législative et histoire de la profession

23Pour essayer de répondre aux questions liées au statut juridique des vestiges anthropobiologiques, ou tout du moins donner des pistes de réponses et comprendre la situation aujourd’hui, il est nécessaire de faire un peu d’histoire et de voir l’évolution de la prise en compte des vestiges anthropobiologiques et plus largement des vestiges archéologiques dans le temps.

Au xix^e et xx^e siècles

24Au xix^e siècle, l’archéologie est essentiellement liée à la préservation des monuments nationaux et se développe avec l’essor des grands travaux urbains et industriels.

25En l’absence d’une législation spécifique sur l’archéologie, les objets mis au jour sont déposés dans les musées les plus proches du lieu de découverte et dans les grands musées nationaux. La propriété de ces objets archéologiques relève à cette époque du droit commun. L’article 552 al. 1 du Code civil s’applique : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. » Les vestiges archéologiques appartiennent au propriétaire du terrain dans lequel ils ont été découverts. Néanmoins, la plupart du temps cet article n’est pas appliqué. Il n’est pas non plus certain qu’il puisse être opposable aux vestiges anthropobiologiques.

26Les vestiges anthropobiologiques, lorsqu’ils sont recueillis, sont soit déposés dans des musées pour former les premières collections de références, soit conservés dans des collections privées. Cela concerne généralement uniquement les cranes.

27La loi du 27 septembre 1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques, dite « loi Carcopino », du nom de son auteur, entérinée par une ordonnance du 13 septembre 1945, est le premier encadrement spécifique de l’archéologie. Elle pose le principe d’une autorisation préalable de l’État pour répondre à une demande d’un tiers de réaliser une opération archéologique. Un régime de propriété s’applique aux vestiges mobiliers selon les circonstances de leur mise au jour. Pour les fouilles soumises à autorisation, le droit commun de l’article 552 al. 1 du Code civil s’applique : le propriétaire du terrain est propriétaire des vestiges mis au jour. Pour les fouilles exécutées par l’État, c’est-à-dire mandatées par lui, les objets mis au jour sont partagés entre le propriétaire du terrain et l’État. Pour ce qui concerne les découvertes fortuites (c’est-à-dire qui résultent du pur hasard), l’article 16 al. 2 de la loi entérine l’application de l’article 716 du Code civil4 : partage des objets entre leur découvreur et le propriétaire du terrain. Dans les faits, le statut de propriété des vestiges mobiliers est rarement réglé, sauf dans le cas des découvertes fortuites.

28Les vestiges anthropobiologiques ne sont toujours pas évoqués explicitement dans cette loi.

29Néanmoins, à la fin du xx^e, les études sur les vestiges anthropobiologiques se développent et se spécialisent surtout dans le courant des années 90 avec la mise en place de méthodes de fouille et de prélèvement qui font toujours référence aujourd’hui en France, comme celles mises en place par Henri Duday et largement diffusées (Crubézy et al. 1990 ; Duday et al. 1990 ; Duday et al. 2009). Cette époque connaît aussi une augmentation du nombre d’ensembles prélevés et conservés dans les meilleures conditions possibles. Paraissent aussi des publications principales sur l’anthropologie de terrain qui ont marquées la transition vers une archéologie du funéraire plus institutionnalisée. Pour n’en citer que quelques-unes : Castex et al. 1996 ; Crubézy et al. 1990 ; Duday et al. 1990 ; Duday et al. 2009 ; Legoff, Guillot 1996.

Les lois dites « bioéthiques » de 1994

30En 1994, le Parlement français a voté trois lois complémentaires garantissant le respect dû à la personne humaine sans freiner les progrès de la science. Bien que ces lois n’abordent pas les vestiges anthropobiologiques, deux d’entre elles, la loi n^o 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain qui crée l’article 16-1 dans le Code civil et la loi n^o 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, ont permis de poser le principe du respect du corps humain :

• le corps humain est inviolable : article 16-1 du Code civil ;

• le corps humain est indisponible (hors du commerce) : article 16-1 du Code civil ;

• le juge est garant du respect du corps humain.

31L’article 16-1 du Code civil est rédigé ainsi : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. ».

32Cet article, qui a été créé en même temps que se mettaient en place les bases de l’archéo-anthropologie moderne, renforçait la nécessité pour les archéologues d’une éthique envers les vestiges anthropobiologiques.

33L’expression « droit patrimonial » est à considérer dans le sens de « faire l’objet d’un commerce » et non pas au sens de patrimoine tel que le définit le Code du patrimoine. L’article n’exclut donc pas le corps humain du patrimoine, qui s’entend « […] de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique » (article L. 1 al. 1 du Code du patrimoine), mais l’exclut de toute opération de commerce, c’est-à-dire financière.

34L’article 16-1 du Code civil est l’un des rares textes sur lequel il est possible de se baser aujourd’hui pour déterminer quelques éléments permettant de définir un statut juridique des vestiges anthropobiologiques.

L’archéologie préventive et la création du Code du patrimoine

35Autre grande période, la signature de la Convention de Malte et l’avènement de l’archéologie préventive en France.

36À partir des années 1980, de nouvelles menaces pèsent sur le patrimoine archéologique en plus des fouilles clandestines. En effet, les grands projets de construction urbains, routiers, ferroviaires, industriels… se développent partout en Europe. L’Europe souhaite se doter d’un régime juridique des travaux d'archéologie : la Convention de La Valette est adoptée le 16 janvier 1992 à La Valette (Malte) (entrée en vigueur le 25 mai 1995 (Conseil de l’Europe 1992).

37Pour y répondre, le législateur français fait adopter la loi n^o 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive (complétée deux ans plus tard par la loi n^o 2003-707 du 1^er août 2003) qui a pour objectif la détection et l’étude scientifique des vestiges archéologiques susceptibles d’être détruits par des travaux liés à l’aménagement du territoire. Cette loi complète le dispositif créé par la loi Carcopino en l’étendant au domaine de l’archéologie préventive.

38La loi de 2001 complète et modifie par ailleurs, à la marge, les articles de la loi Carcopino portant sur la propriété des vestiges archéologiques. L’article 11 de la loi de 1941 s’applique à l’archéologie préventive et instaure un partage des objets entre le propriétaire du terrain et l’État. En ce sens cette loi est un échec pour la communauté scientifique qui souhaitait l’appropriation publique du mobilier archéologique.

39En 2004, le ministère de la Culture présente une ordonnance relative à la création de la partie législative du Code du patrimoine afin de rassembler et d’ordonnancer, dans un document unique, l’ensemble des textes juridiques applicables à la protection du patrimoine français. La partie réglementaire du Code du patrimoine sera établie en 2011.

40Cette période de grands changements législatifs pour l’archéologie a aussi été celle d’une première tentative d’encadrement juridique des vestiges anthropobiologiques sans qu’ils soient pour autant nommés explicitement.

41En effet, l’arrêté du 16 septembre 2004 portant sur les normes d’identification, d’inventaire, de classement et de conditionnement de la documentation scientifique et du mobilier issu des diagnostics et fouilles archéologiques (préventives)5 définit dans son article 1^er les catégories composant la documentation scientifique. En plus des classiques plans, relevés, dessins d’objets, photographies, fiches d’enregistrement de terrain, bases de données, moulages et empreintes, l’arrêté y inclut les matériaux naturels et de nature biologique recueillis lors de l’opération. Même s’ils ne sont pas définis dans l’arrêté, les matériaux naturels et de nature biologique englobent les pollens, les sédiments, les restes animaux et humains par opposition au mobilier archéologique « […] qui se compose des objets transformés par l’activité humaine […] » (article 2 al. 1 de l’arrêté).

42En les excluant du mobilier archéologique, cette disposition avait pour objectif principal de faire échapper les matériaux naturels et de nature biologique et en particulier les vestiges anthropobiologiques au régime de partage de propriété qui était applicable aux mobiliers issus d’opérations préventives. Au même titre que la documentation classique, les vestiges anthropobiologiques sont conservés par l’État, qui n’en devient pas pour autant propriétaire, mais qui peut les mettre à la disposition de la communauté scientifique.

43Cependant, cette disposition reposait sur une définition restrictive du mobilier archéologique qui pouvait paraître contradictoire avec la définition du patrimoine archéologique et un juge aurait pu, en cas de contentieux, sanctionner une telle modification des règles de propriété par simple arrêté du ministre de la Culture, ce domaine relevant de la compétence du législateur, et non du pouvoir réglementaire.

44Il n’est donc pas possible de se prévaloir cet arrêté pour définir un statut juridique pour les vestiges anthropobiologiques.

La réforme de la législation funéraire de 2008

45La réforme de la législation funéraire est intervenue dans un contexte visant à assurer la sérénité des vivants mais également le respect des défunts, et notamment des personnes dont le corps a donné lieu à crémation. Ainsi, la loi n^o 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire vise à améliorer les conditions d’exercice de la profession d’opérateur funéraire, à sécuriser et simplifier les démarches des familles endeuillées, à donner un statut aux cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation et prévoit leur destination et à faire évoluer la conception et la gestion des cimetières, notamment en créant une police des monuments funéraires menaçant ruine.

46Dans ce cadre, cette loi modifie entre autres le Code civil en créant l’article 16-1-1 : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. ».

47Cet article indique clairement que le principe de respect du corps humain posé par l’article 16-1 du Code civil ne disparaît pas avec la mort. Ce respect s’impose donc à l’archéologue dans sa pratique scientifique à la fois sur le terrain, en post-fouille mais aussi dans les structures de conservation pérenne des vestiges anthropobiologiques.

La loi du 7 juillet 2016

48La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP », réforme dans son article 70 le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique.

49Elle revoit de manière fondamentale le droit de propriété des éléments du patrimoine archéologique en mettant en place une présomption de propriété de l’État sur tout le mobilier archéologique mis au jour postérieurement à l’entrée en application de la loi sur un terrain ayant changé de propriétaire à partir de cette même date (article L. 541-4 du Code du patrimoine).

50Cette loi introduit dans le Code du patrimoine (article L. 522-1) la notion de données scientifiques. Elles sont composées, d’une part de toute la documentation archéologique liée à l’opération, c’est-à-dire tous les documents, quel que soit leur support, qui ont une relation directe ou indirecte avec le site, l’opération et toutes les données qui en sont issues (recherches historiques, plans, photographies, fiches d’unités d’enregistrement de terrain, rapports d’analyses...) et d’autre part, de tous les éléments du patrimoine archéologique mis au jour. Ces éléments du patrimoine se composent à la fois des biens archéologiques mobiliers – artefacts6, écofacts7, vestiges archéologiques immobiliers mobilisés (mosaïques, pavements, peintures murales… déposés), biens culturels maritimes – et des vestiges anthropobiologiques8.

51Cette notion de données scientifiques permet de mettre fin à la dissociation des éléments du patrimoine archéologique créé par l’arrêté du 16 septembre 2004 et de réintégrer les écofacts dans le mobilier archéologique, place qu’ils n’auraient jamais dû perdre scientifiquement parlant.

52Néanmoins, que ce soit dans la partie législative ou réglementaire du Code du patrimoine, les termes de vestiges anthropobiologiques ou de restes humains ne sont pas employés et ces vestiges ne sont donc toujours pas traités explicitement.

53Cela aurait pourtant pu être le cas. En effet, dans le cadre de la loi LCAP, le Parlement français avait habilité le gouvernement à compléter son arsenal juridique et à « énoncer les règles de sélection, d’étude et de conservation du patrimoine archéologique afin d’en améliorer la protection et la gestion ». Cette habilitation aurait pu être un bon vecteur pour mettre en place un statut pour les vestiges anthropobiologiques.

54Le ministère de la Culture a ainsi présenté au Conseil d’État en juin 2017 un projet d’ordonnance qui comportait des dispositions particulières aux vestiges anthropobiologiques. Cette ordonnance permettait de :

• donner une définition des vestiges anthropobiologiques pour permettre de les cerner juridiquement ;

• (ré)affirmer a minima l’impossibilité d’une appropriation privée de ces vestiges ;

• reconnaître pour l’État, ou les collectivités territoriales sous le contrôle scientifique et technique de l’État, un droit de garde lorsque la conservation des vestiges anthropobiologiques est justifiée par l’intérêt scientifique de leur étude ;

• introduire une dérogation explicite pour permettre le transport et au besoin la ré-inhumation par l’État, ou la collectivité territoriale sous le contrôle scientifique et technique de l’État des vestiges anthropobiologiques ; dérogation au droit funéraire du Code général des collectivités territoriales et en particulier aux dispositions relatives aux pompes funèbres, seules habilitées à transporter les corps et organiser les obsèques ;

• garantir la prise en compte des volontés des ayant-droits ou personnes ayant qualité ou intérêt à pourvoir aux funérailles.

55La rédaction de ce projet d’ordonnance a été faite en lien étroit avec la direction générale des Collectivités locales en charge des questions funéraires du ministère de l’Intérieur et a reçu un avis favorable à l’unanimité du conseil national des Opérations funéraires en mars 2017. Malheureusement, le Conseil d’État a rejeté ces dispositions au seul motif que le gouvernement n’était pas, selon lui, autorisé à traiter la question des restes humains dans le cadre de l’habilitation donnée par le Parlement.

56Mais, lors des débats oraux qui ont eus lieu à l’occasion de l’examen du texte en section du Conseil d’État, les membres de la section ont reconnu que le sujet des restes humains en contexte archéologique et, plus généralement dans le cadre du patrimoine culturel, n’est pas suffisamment défini par le droit, qu’un débat sur ce sujet sensible qui porte à la fois sur le droit, l’éthique et le scientifique est indispensable et que des dispositions explicites sont nécessaires.

57L’ordonnance n^o 2017-1117 relative aux règles de conservation, de sélection et d’étude du patrimoine archéologique mobilier a été signée le 29 juin 2017 sans traiter des vestiges anthropobiologiques.

58Tous les acteurs, qu’ils soient scientifiques ou juristes, reconnaissent aujourd’hui la nécessité de donner un cadre normatif à ces vestiges archéologiques spécifiques comme le confirme la synthèse des recommandations du rapport du groupe de travail interministériel sur les restes humains patrimonialisés dirigé par Michel Van Praët. Ce rapport a été remis à la ministre de la Culture en 2018.

59Ce groupe de travail issu de la commission scientifique nationale des Collections est consacré aux restes humains conservés dans les collections publiques. Toutefois, dans sa synthèse, le groupe de travail évoque la situation particulière de l’archéologie et formule plusieurs recommandations qui concernent les vestiges anthropobiologiques. La première concerne la mise en place d’un cadre juridique législatif au traitement des questions de transport et de ré-inhumation des vestiges anthropobiologiques en articulant le droit funéraire et le droit de l’archéologie. La deuxième, qui malheureusement n’a pas été suivie, demandait la prise en compte de la dimension des collections dans la révision des lois bioéthiques (en cours) pour éviter que la question patrimoniale reste à nouveau hors du champ de ce débat. La troisième est liée à la réaffirmation du caractère « hors commerce » des restes humains, soit en complétant le Code civil, soit au moyen d’une circulaire interministérielle (Justice-Recherche-Santé-Culture) précisant le périmètre des possibilités et exclusions afin de réduire cette « zone grise » de l’appropriation privée des restes humains en général et archéologique en particulier.

60Une partie du travail de réflexion et d’analyse de ce groupe est repris dans un vade-mecum publié par l’Ocim (Van Praët, Chastanier 2019).

Aujourd’hui, une clarification à droit constant

61Si aujourd’hui les articles L. 541-4 et L. 541-5 du Code du patrimoine ne peuvent pas être appliqués pour établir le statut juridique de propriété des vestiges anthropobiologiques puisque ces deux articles ne concernent que les biens archéologiques mobiliers, d’autres codes nous permettent d’avancer quelques éléments de réponse.

62Une lecture interprétative des articles 16-1 et 16-1-1 du Code civil pourrait conduire à considérer que les restes humains ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privée. Néanmoins, sans un avis écrit du conseil d’État, il est difficile de passer de l’interprétation à l’affirmation.

63En ce qui concerne la question d’une appropriation publique des vestiges anthropobiologiques, elle se heurte à d’autres difficultés comme évoquées dans les chapitres II.1 et II.2. La lecture des articles 16-1 et suivants du Code civil faisant encore débat et le régime de domanialité publique (article L. 2112-19 du Code général de la propriété des personnes publiques) ne portant que sur les biens à proprement parlé dont les vestiges anthropobiologiques ne relèvent pas si on s’en tient aux dispositions du Code civil susmentionnées, la sous-direction de l’Archéologie ne souhaite pas aujourd’hui prendre position sur le sujet de l’appropriation publique des vestiges anthropobiologiques mis au jour en contexte archéologique.

64Cette séquence juridique née de l’expérience non aboutie de l’ordonnance envisagée en 2017 par le gouvernement a néanmoins permis à la sous-direction de l’Archéologie de clarifier des aspects pratiques concernant les vestiges anthropobiologiques et d’avancer sur des directives aux services régionaux de l’Archéologie en attendant des textes juridiques appropriés.

65Celles-ci peuvent se répartir en cinq grands items :

• les vestiges anthropobiologiques ne sont pas des biens archéologiques mobiliers mais ils font partis des éléments du patrimoine archéologique comme définis par l’article L. 510-1 du Code du patrimoine. En ce sens, les articles L. 541-4, L. 541-5 du Code du patrimoine et l’ordonnance n^o 2017-1117 du 29 juin 2017 relative aux règles de conservation, de sélection et d’étude du patrimoine archéologique mobilier ne leur sont pas applicables ;

• en application des articles 16-1 et 16-1-1 du Code civil, l’ensemble de la communauté scientifique de l’archéologie doit traiter les vestiges anthropobiologiques avec respect, dignité et décence ;

• en dehors des vestiges anthropobiologiques déjà intégrés dans les collections publiques des musées, les vestiges anthropobiologiques sont à la garde de l’État ou d’une collectivité territoriale, sous le contrôle scientifique et technique de l’État. L’État ou la collectivité territoriale qui en assurent la garde n’en deviennent pas propriétaire quelle que soit la durée de cette garde ;

• les vestiges anthropobiologiques mis au jour en contexte archéologique sont insusceptibles d’une appropriation privée ;

• l’État peut autoriser les études et les analyses sur les vestiges anthropobiologiques même destructrices si elles sont scientifiquement justifiées. Il peut mettre en dépôt les vestiges anthropobiologiques dans une structure qui conserve déjà les biens archéologiques mobiliers mis au jour lors de la même opération ou les prêter pour une exposition.

66En ce qui concerne les études scientifiques, le travail sur le projet d’ordonnance susmentionné a permis une meilleure identification des contraintes réelles qui peuvent leur être appliquées grâce à la clarification des notions d’ayant-droits, de descendants, ou personnes ayant qualité ou intérêt à pourvoir aux funérailles.

67En droit civil, la qualité d’héritier (ou ayant-droit) se transmet sans limitation de durée aux descendants en ligne directe et pas au-delà de la sixième génération pour les parents collatéraux. Les héritiers ont donc des droits sur les effets personnels du défunt, mais pas nécessairement un droit à disposer de ses restes.

68En droit funéraire (Code général des collectivités territoriales), au moment d’un décès, les obsèques sont concrètement réglées par « la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles », c'est-à-dire toute personne qui, par le lien stable et permanent qui l'unissait à la personne défunte, est susceptible d'exprimer la volonté de celle-ci, ou en l’absence d’une telle volonté, de prendre les décisions nécessaires à l’organisation des obsèques.

69En matière d’archéologie, même s’il est parfois possible d’identifier les héritiers du défunt, ils ne seront pas nécessairement reconnus comme personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles de par l’éloignement générationnel avec leur aïeul.

70Les décisions relatives à l’étude et à la destination finale des vestiges anthropobiologiques semblent dès lors – d’un point de vue juridique – pouvoir être prises unilatéralement par l’État et en l’occurrence par les services régionaux de l’Archéologie. Cela n’interdit pas de recommander, d’un point de vue éthique, d’informer les ayant-droits éventuels des études qui seront faites sur les vestiges anthropobiologiques sans que ceux-ci puissent normalement s’opposer aux choix faits par l’État.

Le cas particulier des restes des soldats morts sur le sol français aux cours des conflits contemporains

71Il y a toutefois des restes humains mis au jour lors d’opérations archéologiques menées sur le territoire français actuel dont l’étude, le transport et la ré-inhumation sont encadrés par la loi. Il s’agit des restes de soldats morts au cours des conflits contemporains qui ont eu lieu sur le sol français : les deux dernières guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945), et pour certains la guerre franco-allemande de 1870.

72Les dépouilles de soldats sont régies par le livre V du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Le livre V du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre aborde, entre autres, la question de la restitution des restes et de leur transport qui se fait aux frais de l’État. Selon l’article L. 522-110, les corps des soldats du xx^e siècle ont vocation à être inhumés dans des lieux de sépulture spécifiques entretenus par l’État. Aujourd’hui, 10 hauts lieux de la mémoire nationale, 274 nécropoles et plus de 2 000 carrés militaires répartis sur l’ensemble du territoire national et en Afrique du Nord conservent les restes mortels de près de 800 000 Morts pour la France. L’office national des anciens combattants et victimes de guerre, met pour sa part en œuvre la politique d’entretien, de rénovation et de valorisation de l’ensemble de ces sites (article R. 522-7 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre). L’office national des anciens combattants et victimes de guerre dispose de 104 services de proximité en France et en Afrique du Nord.

73En cas de mise au jour du corps d’un soldat mort lors d’un conflit contemporain, quelles que soient les circonstances de cette mise au jour ou la nationalité de ce soldat, l’office national des anciens combattants et victimes de guerre est obligatoirement saisi par l’intermédiaire d’un de ses conseils départementaux.

74Ce signalement concerne bien évidement l’archéologue. En effet, la notion de patrimoine archéologique au sens de L. 510-1 du Code du patrimoine ne comprend aucune limite chronologique à la caractérisation de celui-ci. Des autorisations ou prescriptions d’opération peuvent donc être délivrées par les services de l’État pour les fouilles touchant des zones de conflits contemporains. La mise au jour de restes de soldats lors d’une opération archéologique doit donc être déclarée à l’office national des anciens combattants et victimes de guerre du département où a lieu la fouille.

75Lors d’une telle mise au jour, les archéologues peuvent généralement fouiller et exhumer le corps en présence de l’agent de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre détaché, auquel ils remettent les restes et les biens associés. Selon les éléments recueillis, plaque militaire, équipement et armement, zone géographique de mise au jour, l’archéologue et l’agent détaché définisse la nationalité du soldat.

76En fonction des conventions ou accords passés entre l’État français et des États tiers, l’étude scientifique des restes et des biens les accompagnant pourra ou non être faite. Si l’étude scientifique est autorisée, à l’issue de celle-ci, les restes et les biens associés (militaires et personnels) devront être remis à l’office national des anciens combattants et victimes de guerre qui en assurera le traitement. Ils ne peuvent pas être conservés au même titre que les autres biens archéologiques mobiliers mis au jour lors de l’opération archéologique.

Conclusion

77Le statut juridique des vestiges anthropobiologiques n’est pas simple à établir, car n’en disposant pas d’un en propre, il faut faire appel à plusieurs codes et textes juridiques pour identifier quelques éléments pouvant être exploités. Mais malheureusement, cela ne suffit pas et il reste des zones d’ombre qui ne sont abordées nulle part.

78Le travail sur le premier projet de l’ordonnance n^o 2017-1117 relative aux règles de conservation, de sélection et d’étude du patrimoine archéologique mobilier, les recommandations du groupe de travail sur les restes humains patrimonialisés, les questionnements des archéologues révèlent que le sujet est de plus en plus prégnant et qu’il est nécessaire aujourd’hui de mettre en place un statut clair et spécifique pour les vestiges anthropobiologiques mis au jour en contexte archéologique dans le Code du patrimoine.

79Toutes les réflexions présentées ici, permettent aujourd’hui d’avoir une idée assez claire des éléments minimaux que le législateur devrait donner à l’archéologie :

• l’affirmation de l’impossibilité d’une appropriation privée de ces vestiges ;

• sans aller jusqu’à une affirmation d’une propriété publique des vestiges anthropobiologiques qui n’est pas indispensable pour le travail de l’archéologue, la mise en place d’un droit de garde en raison de leur intérêt scientifique pour permettre de conserver ces vestiges à des fins d’études et d’analyses scientifiques ;

• une dérogation au droit funéraire du Code général des collectivités territoriales pour que l’archéologue puisse exhumer, prendre en charge, étudier et transporter les vestiges anthropobiologiques ;

• la possibilité pour les vestiges anthropobiologiques ayant perdu leur intérêt scientifique à être conservé et n’ayant pas été affectés à une collection publique, que l’État puisse les ré-inhumer en dérogation au Code général des collectivités territoriales ;

• un encadrement pour les vestiges anthropobiologiques qui sont ceux d’une personne dont l’identité a pu être établie, des droits et obligations des ayant-droits éventuels.

80En 2019, à la demande de la communauté scientifique, la sous-direction de l’Archéologie a mis en place un groupe de travail, composé d’anthropologues, d’archéologues, de spécialistes, de gestionnaires de la recherche ou des collections, pour la mise en place de protocoles de prélèvements et d’analyses sur l’os humain ainsi que sur la conservation des échantillons. En effet, depuis une dizaine d’années, les analyses à partir de l’os humain (paléogénétiques, isotopiques, radiocarbones ou protéomiques) se sont multipliées de manière exponentielle dans un contexte de forte concurrence entre laboratoires. Les acquis de ces nouvelles approches sont indiscutables et enrichissent considérablement la vision sur des sociétés anciennes. Dans ce contexte, la demande de mise à disposition d’ossements pour la réalisation de ce type d’analyses est de plus en plus fréquente et soulève des interrogations d’ordre éthique, juridique, scientifique et patrimonial, mais aussi de gestion d’une ressource limitée, non renouvelable et de sa conservation dans des conditions adaptées (pour plus de détail cf. supra I chap. 5).

81Ce groupe de travail a rendu ses réflexions et propositions au printemps 202211. Celles-ci permettront à la sous-direction de l’Archéologie de compléter les éléments minimaux déjà énoncés pour établir un statut juridique des vestiges anthropobiologiques.

82Il reste désormais à attendre le bon vecteur législatif pour que le statut juridique des vestiges anthropobiologiques mis au jour en contexte archéologique en France et de leurs produits soit enfin clarifié explicitement.