1En dépit d’une définition variable, selon les auteurs et les contextes, les « collections anthropologiques » sont le support privilégié de plus de seize catégories d’études scientifiques allant de la paléoanthropologie à la psychiatrie (Tobias 1991). Ce constat suppose l’existence d’une grande diversité au sein des collections anthropologiques conservées que notre étude illustre avec un outil théorique de classement des collections. Les publications ou les opérations de valorisation évoquent certaines caractéristiques des vestiges anthropologiques (effectif, nature des restes humains) sans véritablement distinguer les différents types de collections, ni mettre en valeur leur grande diversité. Les aspects, comme les motivations à l’origine de la collecte des vestiges anthropologiques ou les spécificités des grandes collections ne figurent plus (ou très rarement) dans la littérature, hormis le terme de « collection de référence » qui revient sans qu’il puisse être rattaché à une réalité universelle. Pourtant ces aspects sont d’une importance fondamentale dans la gestion, la conservation et la valorisation des collections (cf. infra II chap. 6).

2Outre un apport épistémologique, notre travail s’inscrit donc dans l’identification des diverses spécificités des vestiges anthropologiques afin d’en déduire une répartition des collections selon une typologie. Cette dernière ne s’apparente pas à une hiérarchisation en termes de potentiel scientifique, elle a pour objectif d’agencer les collections en types et sous-types pour une exploitation et une préservation raisonnées. Cette étude permet aussi d’approcher la définition des ensembles anthropologiques, l’amélioration de leur conservation/exploitation et l’importance de la notion d’éthique professionnelle entourant la manipulation et la diffusion de données portant sur de tels ensembles (Ardagna 2004 ; Sellevold 2012 ; Walker 2000).

3En effet, les collections ou séries anthropologiques, les termes étant synonymes dans notre approche1, ne sont pas un objet scientifique inerte. L’étude de leurs caractéristiques montre que la dimension historique associée leur confère un statut particulier qui est encore changeant, eu égard à l’évolution de l’anthropologie et de l’archéologie.

Typologie des collections : définition des critères de différenciation

4Ce travail s’est basé sur l’analyse du contenu de plusieurs ostéothèques : l’UMR 7268 AMU/CNRS (environ 1 500 sujets), l’ostéothèque régionale SRA DRAC PACA (environ 7 000 contenants), le laboratoire d’Anthropologie de l’université de Szeged (plus de 35 000 sujets) et l’Institut d’anatomie normale de la Faculté de Médecine de Strasbourg (avec environ 6 400 sujets) mais aussi sur une étude de la littérature ou encore des entretiens ou des questionnaires (composition, chronologie,…) adressés aux gestionnaires de collections (Ardagna 2004). Avant de mettre en avant les spécificités du matériel anthropologique et de proposer des paramètres communs des collections conservées, nous avons posé deux postulats sémantiques.

5D’une part, nous avons considérés comme les « restes humains » : les restes ostéologiques (squelettes entiers, fragments osseux, dentaires), les restes momifiés, et les préparations anatomiques de tissus mous. À l’instar des recommandations des musées anglais2, dans le cadre de ce travail nous ne retiendrons pas les phanères.

6D’autre part, nous n’avons considéré que les « ensembles de restes humains » qui entraient dans un certain cadre terminologique qui considère qu’« Une collection anthropologique pourrait être définie comme : le regroupement réfléchi, à des fins scientifiques ou muséales, d’un ensemble de restes humains rendu cohérent et homogène par des liens : d’origine géographique, de chronologie ou populationnels » (Ardagna 2004 : 54). Cette définition souligne l’importance du contexte et que le vocable de collections n’implique pas de rassembler des vestiges pêle-mêle, uniquement parce qu’ils représentent des archives biologiques scientifiquement peu ou prou exploitables.

7L’analyse des caractéristiques récurrentes des différents ensembles anthropologiques a mis en avant un corpus de huit critères. Ces derniers font référence aux paramètres intrinsèques des vestiges anthropologiques (comme l’effectif, la représentation des vestiges funéraires ou encore les modalités funéraires qui définissent la nature des vestiges) ainsi qu’à des éléments de contexte associé (documentation afférente, cadre géographique, cadre historique…).

• Critère 1 (ou C1) le mode de collecte ou l’origine des restes humains : celui-ci conditionne directement la nature des vestiges anthropologiques qu’il sera possible d’étudier. La provenance des restes humains peut être archéologique (donc issue de fouilles et de leur stratégie), médicale par l’intermédiaire de dissections récentes ou anciennes, historique voire ethnologique (prélèvements in situ). Cependant, le mode de collecte peut être mal renseigné dans le cas de collections anciennes.

• Critère 2 (ou C2) les modalités funéraires : ce critère considère, notamment en contexte funéraire, le mode de traitement des défunts (crémation, momification, inhumation) et le rituel d’inhumation (inhumations primaires, secondaires, dépôts de crémations, modifications intentionnelles et rituéliques...) en vigueur dans une aire géographique pour une période donnée. Ces modalités funéraires conditionnent donc en grande partie la nature des vestiges humains qui seront conservés (squelettes, ossements mélangés, crémations, momies, crânes peints/surmodelés). Ce critère est étroitement lié avec la chronologie et au cadre géographique.

• Critère 3 (ou C3) le cadre géographique : ce critère renvoie à l’origine géographique ainsi qu’au lieu de stockage d’une collection. Selon l’origine géographique, les restes humains (ou leur prélèvement) peuvent être soumis à un statut juridique ou éthique particulier ayant une influence directe sur leur valorisation scientifique ou la diffusion des résultats (ces réglementations varient d’un pays à l’autre). Ce critère a été retenu en raison de plusieurs éléments : les demandes de réattribution de pièces voire de collections complètes émanant de communautés (amérindiennes, océaniennes,…) qui ne sont pas conservées sur le lieu de collecte, les conditions d’étude limitées par un programme de réinhumation (Brickley 2006), l’existence d’un cadre juridique (Ousley et al. 2005) ou la possibilité d’exhumer et de conserver des sujets contemporains non réclamés par les familles (Cardoso 2006 ; Perreard-Lopreno, Eades 2003). Le cadre géographique est également étroitement lié au cadre chronologique, notamment en termes de rites d’inhumations. Par ailleurs, certains dépôts (musées ou dépôts régionaux) considèrent cette origine géographique comme un critère sélectif de conservation des collections (Ardagna 2004 ; Deverly 2007).

• Critère 4 (ou C4) l’effectif : la notion d’échantillon se doit d’apparaître dans ces éléments de différenciation, car selon l’effectif d’une collection (quel que soient sa provenance et/ou ses cadres historiques) les potentialités d’étude seront différentes.

• Critère 5 (ou C5) l’étendue de la documentation associée : les notions d’archives biologiques et historiques ont été largement évoquées dans divers travaux de recherches anthropologiques. Cette documentation associée, produite par toutes les personnes ayant été en contact avec la collection (des responsables de la collecte aux conservateurs), peut apporter soit des informations historiques quasi-directement reliées au contexte chronologique, archéologique, géographique, historique, démographique, pathologique ou médico-historique, soit des données « biographiques » individuelles. Les exemples de l’exploitation des informations associées sont très nombreux (Cox 1996 ; Orban 2011 ; Perreard-Lopreno, Eades 2003).

• Critère 6 (ou C6) le contexte historique de l’inhumation et/ou de la collecte : le contexte historique de l’inhumation, suppose l’existence d’archives, d’une chronologie ou d’une documentation associée. Certains événements historiques clairement accessibles (épidémie, édifice associé…) sont parfois à l’origine d’inhumations singulières. L’existence conjointe d’archives historiques, archéologiques et biologiques représente alors un critère sélectif indirect d’une grande importance. Dans le cadre de collections (anciennes) mal renseignées, ce contexte historique peut être appréhendé comme le contexte « scientifique » de la collecte des vestiges auquel cas il faut rapprocher ce critère de l’origine de la collecte.

• Critère 7 (ou C7) la chronologie associée : la chronologie relative (ou la datation absolue) attribuée à un ensemble de restes humains est la caractéristique fondamentale de son histoire scientifique. Une série issue de fouilles archéologiques ne peut être appréhendée de la même manière qu’un ensemble provenant d’un contexte médical contemporain (en termes de documentation associée et d’exploitation en tant qu’échantillon de population). Il est donc logique d’intégrer la notion de chronologie dans les éléments de différenciation, d’autant que la fiabilité de la chronologie est un critère sélectif des collections issues d’un contexte archéologique.

• Critère 8 (ou C8) le niveau de représentativité ou de complétude (sujets complets ou pièces isolées) : l’état de complétude des restes humains est directement lié aux modalités d’inhumation (contexte chrono-géographique et historique) et/ou au mode de collecte (C1). Cet aspect des restes humains influence logiquement les possibilités d’étude. Nous n’avons volontairement pas intégré l’état de conservation des restes humains dans les critères de différenciation. L’état de conservation est un biais inhérent à l’étude des restes humains qui n’a pas de valeur de différenciation en lui-même. L’état de conservation concerne tous les vestiges humains quel que soit leur nature. En effet, selon l’importance qui lui est accordée, l’état de conservation serait plutôt évocateur de la notion de « référence » (voir ci-après). De même, ce critère ne retient pas la représentativité de l’ensemble de la collection, en termes de recrutement funéraire (via l’exhaustivité d’une fouille archéologique ou d’un récolement par exemple) car elle sous-entend une notion de « potentiel d’exploitation » d’une collection par rapport à une autre.

8Les huit critères de différenciation conditionnent en grande partie l’exploitation scientifique d’une collection. Cependant comme nous l’avons souligné, la recherche des spécificités dans une optique de gestion des séries conservées ne doit pas introduire des notions de hiérarchie ou de qualité de l’échantillon d’étude. Ainsi, les potentialités d’exploitation des collections ne figurent pas dans la liste des critères. Toutefois, certains des biais communs (Ardagna, Dutour 2006 ; Bello et al. 2006 ; Dutour et al. 2003 ; Waldron 1994 ; Dutour 2011), aux reconstructions des conditions de vie ou de la biologie des populations du passé font partie de nos critères de différentiation (taille de l’échantillon, niveau de représentativité des individus, chronologie associée) uniquement pour souligner (en interaction avec d’autres critères) les disparités entre les collections.

La création des types de collections anthropologiques

9L’interaction et des associations de critères permettent de proposer des types dont certains sont subdivisés en sous-types (fig. 2 à 5). Nous avons donc opté pour un double « tri virtuel » des collections afin d’approcher au mieux la réalité du matériel conservé dans les dépôts. En premier lieu le mode de collecte (origine des restes humains, C1) doit être impérativement recherché car il détermine en grande partie la nature du vestige conservé. Puis la mise en perspective de quatre points de différentiation (critères 2 à 5) permet de définir les types de collections. Puis l’intervention des critères 6, 7 et 8 permet d’approcher et de mettre en avant les sous types de collections (fig. 3, 4, 5).

10Le mode de collecte (C1) peut être soit d’origine archéologique, soit d’origine médicale soit être mal renseigné et/ou sélectif (fig. 2). Dans le cas où les vestiges humains conservés sont issus d’un mode de collecte archéologique, on parle alors de collections ostéo-archéologiques (type I). Si la collecte s’effectue dans un cadre médical et si elle implique une documentation associée particulière (C5), le second type de collection est défini, il s’agit des collections anatomiques (type II). Un troisième type de collection, les collections historiques « médico-historiques », « anatomo-historiques » ou « anthropo-historiques » (type III) peut être également envisagé si le mode de collecte est mal renseigné et/ou sélectif (fig. 2).

Figure 2. Distribution des différents types de collections anthropologiques en fonction des critères 1 à 5 (DAO A. Dagand).

11Par ailleurs, dans ce premier volet de tri des collections, des combinaisons entre le mode de collecte et d’autres critères permettent d’envisager d’autres types de collections (fig. 2). Quel que soit le mode de collecte des restes humains, l’association entre des modalités funéraires particulières (C2) et une origine géographique donnée (C3) entraîne la création d’un quatrième type de collections dites « ethno-anthropologiques ou artistiques » (type IV). Que les vestiges soient d’origine médicale ou archéologique, une autre combinaison entre un effectif réduit (C4) et l’étendue de la documentation associée implique la mise en place d’un dernier type « les collections ouvertes ou les microéchantillons » (type V).

12Au total cinq grands types de collections peuvent être envisagés à l’aide d’une première phase de répartition par grande catégorie à l’aide des cinq premiers critères. Cependant, pour les trois premiers types (collections ostéo-archéologiques, anatomiques et historiques), la mise en perspectives des autres critères supposent la création de sous-types de collections (fig. 3, 4). Pour le type I, six sous-types de collections différentes ont été identifiés selon les modalités funéraires (C2), le contexte historique (C6), l’origine géographique (C3), le niveau de représentativité des restes anthropologiques (C8) et les caractéristiques de la documentation associée (C5) (fig 3). Le type II contient deux sous-types dépendants du niveau de représentativité des sujets (C8) et d’une documentation particulière (C5). De même, pour le type III, la documentation associée (C5) et le contexte historique (C6) sont à l’origine de la création de deux sous-types (fig. 4).

13Notre typologie des collections a donc mis en évidence cinq types de collections et trois d’entre eux comportent des sous-types (fig. 5).

Figure 3. Distribution des différents sous types de collections ostéo-archéologiques en fonction des critères 3 à 8 (DAO A. Dagand).

Figure 4. Distribution des différents sous types de collections anatomiques et historiques
en fonction des critères 5, 6 et 8 (DAO A. Dagand).

Figure 5. Les différents types et sous-types de collections anthropologiques (DAO A. Dagand).

Type I : Les collections ostéo-archéologiques

14Le mode archéologique de collecte de ces collections de type I fut largement étayé et décrit dans la littérature par les anthropologues (notamment en France), les archéologues et parfois par les médecins légistes (Buikstra, Ubelaker 1994 ; Crubézy et al. 1990 ; Duday 2005 ; Duday et al. 1990 ; Skinner et al. 2003). La nature des vestiges de ces collections est presque exclusivement osseuse. Jusqu’à aujourd’hui, ce type apparaît comme le plus répandu au sein des dépôts européens (Ardagna 2004, Ardagna et al. 2018). Comme nous l’avons mentionné plus haut, six sous-types différents sont proposés (fig. 5).

15En premier lieu, les modalités funéraires (C2) sont à l’origine de la création des différents sous-types. En effet, en contexte archéologique nous retrouvons des restes osseux inhumés, momifiés ou brûlés. Dès lors que les restes humains sont momifiés, un premier sous-type devait être envisagé :

– Les collections constituées de momies

16Les restes momifiés étant un matériel particulier en termes d’étude et de préservation/restauration, il convenait de prévoir un sous-type isolé. Par ailleurs, les possibilités techniques d’études des restes momifiés sont très différentes de ce qui est pratiqué habituellement sur les restes squelettiques (Biagini et al. 2012 ; Cockburn et al. 1998 ; Posh 2015 ; Rühli et al. 2002 ; Zink, Nerlich 2003). La conservation pérenne de ces vestiges nécessite la mise en place de moyens qui sont sans commune mesure avec ceux appliqués pour le matériel osseux (Cockburn et al. 1998 ; Ery 2000). Dans le cadre de notre typologie, il convient donc de spécifier qu’une momie isolée peut représenter une « collection » d’informations comme en atteste la diversité des recherches et des publications associées à certaines momies « célèbres » comme Otzi ou les Médicis (Tran et al. 2011 ; Hégy, Thillaud 2004 ; Posh 2015 ; Rollo et al. 2001 ; Ermini et al. 2008).

– Les collections constituées de crémations / incinérations

17Lorsque les modalités funéraires (C2) impliquent des crémations, ce second sous-type met aussi en avant le contexte historique et le cadre géographique. Les techniques d’étude, le niveau d’exploitation et d’interprétation des sépultures à incinération ou des crémations diffèrent quelque peu de ceux rencontrés dans le cadre d’autres traitements funéraires (Duday 1990 ; Grévin 1990 ; Grévin 2002).

18En ce qui concerne ces deux premiers sous-types, le contexte historique (C6) et le cadre géographique (C3) sont également impliqués dans un second temps puisque le rituel funéraire particulier est étroitement dépendant d’une aire géographique et / ou d’une période donnée. Si le traitement des défunts (C2) a impliqué l’existence de sépultures à inhumation donc un autre traitement des restes osseux, plusieurs cas de figure sont à envisager.

19Si le traitement des défunts (C2) a impliqué l’existence de sépultures à inhumation donc un autre traitement des restes osseux, plusieurs cas de figure sont à envisager.

Figure 6. Deux tombes médiévales (ix-xvi^e) ayant fait l’objet de réouverture et de réutilisation (Laudun l’Ardoise, Gard France) comme atteste la modification des coffrages et la présence d’ossements en position secondaire (Photo Y. Ardagna).

– Les collections couvrant un spectre chronologique plus ou moins large

20D’une part, la chronologie attribuée aux sépultures à inhumations permet d’envisager un nouveau sous-type. Bien qu’elle soit fondamentale pour la compréhension d’un ensemble, cette chronologie demeure souvent relative et couvre des périodes plus ou moins étendues d’où le terme employé de « spectre chronologique ». L’attribution de périodes d’utilisation d’une zone sépulcrale est un critère qui conditionne (directement ou indirectement) une large partie de son histoire scientifique.

21Ce premier type peut être illustrés par les sépultures issues d’un cimetière médiéval fonctionnant du ix^e au xiv^e siècle datées grâce au mobilier funéraire parfois supplée par d’insuffisantes datations radiocarbonnes (fig. 6) fréquemment rencontrées dans les ostéothèques ou encore les grands ensembles associés à une occupation funéraire qui s’étend de la fin de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge classique.

22Dans le cadre de sépultures à inhumation liées à un niveau de représentativité des squelettes particulier, un autre sous-type peut être créé :

– Les collections constituées d’ossements mélangés et non individualisés

23Même s’il existe différentes techniques d’études des ossements épars
(« appariements » osseux, calcul du Nombre Minimal d’Individus,…) une collection constituée d’ossements mélangés reste un matériel d’étude légèrement différent notamment en termes de gestion/conservation. Pour ce sous-type, plusieurs cas de figure sont à envisager citons par exemple :

• une sépulture collective couvrant une large période chronologique comme cela peut être le cas pour un hypogée, un dolmen, un ossuaire mais aussi un pourrissoir, un caveau d’époque Moderne (fig. 7)…

Figure 7. Vue du caveau moderne de l’église Saint-Louis, quartier de Ferrières, Martigues, Bouches-du-Rhône, en cours de fouilles (Photo Y. Ardagna).

• la perte de l’ensemble des connexions peut être la conséquence d’un événement extérieur à la réalité archéologique du site comme une stratégie de fouilles (ou son absence), la période de fouilles, des conditions de transport ou de stockage, d’histoire scientifique…

24Néanmoins, un grand nombre de sites archéologiques fournissent des vestiges osseux qui peuvent entrer dans plusieurs sous-types (inhumations et crémations, inhumations et ossuaire ou réductions, nécropole et sépulture de catastrophe, squelettes et momies etc.). Ce constat est d’autant plus pertinent lorsque l’étude des datations d’un site évoque de larges périodes chronologiques au cours desquelles les modes d’inhumations ont évolué. Il faut donc retenir la volonté de rassemblement sous un même type des collections ostéologiques issues de fouilles pour lesquelles « la totalité ou la grande majorité des restes humains » sont de même nature (momifiés, dépôts secondaires, lié à un événement ponctuel, brûlés…).

25Dans le cadre de sépultures à inhumation liées à un événement historique ou à un certain contexte historique précis (C3) plus ou moins bien documenté par les archives historiques (C8), un autre sous-type est envisagé :

– Les collections issues de sépultures de catastrophe parfois aussi nommées sépultures de crises

26La création de ce sous-type permet de mettre en avant au sein du type I, que les collections ne sont pas uniquement composées de restes osseux. L’importance de la documentation afférente (C5) est capitale à l’exploitation scientifique des données.

27Ce type de sépulture diffère en divers points des autres collections ostéo-archéologiques (fig. 8). La provenance des squelettes inhumés est souvent liée à un événement « ponctuel » (épidémie, catastrophe…) documenté par les archives historiques selon les périodes notamment en ce qui concerne le contexte, la localisation, les événements annexes (Rigeade 2007). Si nous prenons l’exemple des séries liées aux épidémies de peste des époques les plus récentes (Signoli 2006), les possibilités d’exploitation dans le cadre de l’étude des populations du passé différent en fonction de deux paramètres : d’une part l’existence d’une datation précise de certaines de ces collections largement étayée par les archives et d’autre part le caractère non sélectif des victimes (selon l’âge, le sexe ou le statut social). L’échantillon ostéo-archéologique apparaît alors comme étant véritablement comparable à la population vivante contrairement aux autres sources ostéo-archéologiques (« population de morts » ou « population de cimetière ») (Dutour et al. 2003 ; Margerison, Knüsel 2002 ; Waldron 2001 ; Waldron 2007). Il apparaît que ces aspects très particuliers, conditionnant directement le niveau d’exploitation scientifique via l’existence conjointe d’archives biologiques et historiques, sont suffisants pour constituer un sous-type de collection à part entière.

Figure 8. Détail du charnier de la retraite de Russies (1812), Verkiu Street, Siaures Miestelis Territory, Vilnius, Lituanie (Photo Y. Ardagna).

28Le dernier sous-type au sein des collections ostéo-archéologiques (toujours dans le cadre de sépultures à inhumation) met en avant l’existence d’une documentation associée (C5) avec un cadre géographique et législatif particulier (C3).

– Les collections ostéo-archéologiques documentées

29Ce sous type correspond aux collections issues de fouilles archéologiques qui associent des informations individuelles ou « biographiques » à chacun des squelettes. Ces séries (voir les exemples ci-après) proviennent de périodes assez récentes. Les données associées à chaque sujet proviennent par exemple de stèles ou de plaques de cercueil mentionnant le nom du défunt, la date de naissance, etc., ou d’archives historiques (plans de cimetière, état civil, registres des hôpitaux ou cimetières…). Dans certains pays (Suisse ou Portugal) les anthropologues ont entrepris, après dépouillement des sources archivistiques disponibles, des fouilles programmées de sépultures « individualisées » (Perreard-Lopreno, Eades 2003, fig. 9). La mise en place de ce type de collection est dépendante d’un cadre juridique défini dans certains pays (C3) qui autorise ces prélèvements. Ces collections ostéo-archéologiques documentées semblent être une particularité européenne3 par exemple avec la collection de Coimbra ou « ISC » (Cunha 2006), la « Lisbon Collection » (Cardoso 2006), la collection « Simon » (fig. 9) constituée en Suisse (Perreard-Lopreno, Eades 2003), la série anglaise de Spitalfield (Cox 1996) ou encore les collections belge de Schoten (Orban 2011, cf. infra IV chap. 2) et hollandaise de « Broerenkerk, Zwolle » (Mays 2002).

Figure 9. Sépulture identifiée de la collection Simon en cours de dégagement, avec l’autorisation de G. Perréard-Lopreno, Laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie, Institut Forel, section des Sciences de la Terre et de l’Environnement, Université de Genève, Suisse (Photo Y. Ardagna).

30Dans le cas où le mode de collecte est médical, nous pouvons évoquer le deuxième type de collections :

Type II : Les collections anatomiques

31Les collections anatomiques illustrent des regroupements de restes osseux humains provenant de dissections directes de cadavres et/ou de diverses « préparations et manipulations » de corps inhumés puis exhumés avant la décomposition des tissus mous. Ces techniques regroupent donc toutes les opérations (dissections, décarnisations, dégraissement) amenant à la conservation exclusive d’ossements. Les modes de constitution de ces collections retrouvées dans la littérature sont de divers types : dissection directe de cadavres (Hunt, Albanese 2005 ; Quickley 2001) ; inhumation puis exhumation plus ou moins rapide suivie d’une assez lourde préparation en laboratoire (Mark 1995), voire des décompositions en milieu contrôlé (Bass, Jefferson 2004 ; Marks 1995). Nous emploierons le terme de « dissection » quelles que soient les opérations car il représente le mode de constitution le plus représenté. Les conditions de collecte de ces séries ont été étroitement reliées aux législations (C3). La provenance des sujets disséqués (individus non réclamés par les familles, homicides, indigents) fut dépendante du cadre juridique (ou de son absence) en vigueur durant la mise en place de ces collections notamment aux États-Unis (Cobb 1933 ; Hunt, Albanese 2005 ; Quickley 2001 ; Rühli et al. 2003 ; Tilles, Wallach 1999). Les exemples rapportés dans notre travail font ressortir une motivation initiale d’ordre pédagogique et/ou muséale de la part des anatomistes de la fin du xix^e et du début du xx^e siècle. De nos jours, les dissections à des fins de conservation sont assez rares. Cependant des opérations rappellent les travaux des anatomistes du xix^e siècle (Maxwell Museum collection et William Bass donated Collection) en fonctionnant sur la base de dons de corps.

32L’étendue de la documentation associée à chaque sujet, telles que les causes de la mort, l’âge, le sexe, les données biométriques, des clichés radiologiques ou des données médicales (Hunt, Albanese 2005 ; Quickley 2001), illustre à lui-seul la singularité de ces collections anatomiques et confère à ces ensembles de restes humains un caractère particulièrement attractif. Ces collections sont d’une importance capitale en anthropologie malgré un mode échantillonnage particulier (Hunt, Albanese 2005 ; Ericksen 1982) car la plupart des méthodes anthropologiques classiquement appliquées ont été définies ou testées sur ce type de collection.

33Dès lors que le niveau de représentativité (C8) des squelettes qu’elles contiennent est mis en perspective, nous devons envisager deux sous-types de collections anatomiques :

• Soit les squelettes sont complets, nous pouvons citer à titre d’exemple les collections nord-américaines Terry (Smithsonian Institute, Washington, DC) comportant 1728 individus (Hunt, Albanese 2005), Hamman-Todd collection (Museum Histoire Naturelle, Cleveland, Ohio) constituée de 3592 individus (Quigley 2001). D’autres publications plus récentes rapportent l’existence d’autres ensembles européens (Ferreira et al. 2014) (cf. infra IV chap. 3).

• Soit il s’agit de pièces isolées et documentées (l’âge et le sexe ainsi que d’autres types d’informations sont connus, fig. 10). Les pièces (ou les ensembles de pièces) ont été disséquées puis volontairement ou involontairement, éparpillées et isolées. Cet aspect dépend de l’histoire scientifique de la collection et de son utilisation initiale (scientifique, pédagogique, muséale). Citons par exemple, les collections crâniennes (de 1 064 crânes dont 712 sont documentés) conservées au Musée d’anatomie de Turin (Girraudi et al. 1984). Les collections de l’Institut d’Anatomie Normale de la Faculté de Médecine de Strasbourg dont certains inventaires font état de la présence d’informations biographiques pour plus de 400 pièces parmi lesquels des crânes (fig. 10) et des os des extrémités d’adultes et d’immatures très documentés (Le Minor 2002).

Figure 10. Détail d’un crâne documenté immature (féminin, 4 ans et trois mois) de l’Institut d’Anatomie Normale de la Faculté de Médecine de Strasbourg, source : Institut d’Anatomie Normale de la Faculté de Médecine de Strasbourg avec l’autorisation de J. L. Kahn, Directeur de l’Institut (Photo Y. Ardagna).

34Dans le cas où le mode de collecte est mal renseigné et/ou sélectif nous pouvons évoquer le troisième type de collections :

Type III : Les collections historiques (« médico-historiques » ou « anatomo-historiques » ou « anthropo-historiques »)

35Contrairement aux deux précédents types de collections, l’existence de ce type est en rapport avec le manque d’informations relatives au mode de collecte et souligne la dimension épistémologique associée aux vestiges anthropologiques. Ces séries demeurent bien souvent assez proches des collections anatomiques. En effet, on retrouve parfois le contexte médical de départ (les institutions anthropologiques ayant parfois récupéré ces collections), le même mode de constitution (dissections et macérations de cadavres) et parfois la même vocation, d’abord pédagogique puis muséale. Toutefois, il existe des différences importantes avec les collections anatomiques :

• la motivation à la base de la c on retrouve plutôt une vocation pathologique initiale qui implique un mode de collecte (quand il est connu) très orienté. Le terme de collections paléopathologiques est aujourd’hui associé à ce type de vestiges osseux préalablement sélectionnés.

• la provenance (lorsqu’elle est renseignée) d’origine médicale mais avec une documentation associée qui n’est pas comparable à celle des collections anatomiques.

• La nature réation de ces collections. Pour ce type de collections des vestiges dès lors que l’on intègre les restes humains non osseux (cheveux, poils, peaux préparations anatomiques, cf. infra I chap. 3).

36Une origine des restes parfois mal renseignée, un mode de collecte sélectif lié au contexte historique de mise en place de la collection et une documentation associée peu fournie entraîne la création de deux sous-types : les collections historiques à vocation pathologique ou à vocation pédagogique. Tandis qu’un troisième sous-type intègre les collections historiques mais non osseuses.

37Pour les deux premiers sous-types, il s’agit généralement de pièces osseuses ou plus rarement d’individus complets ayant aujourd’hui deux missions principales : soit l’étude très ciblée de pathologies générales ou exceptionnelles ayant pour support des sujets/pièces disséqués et conservés parce que présentant une pathologie rare ou évoluée4 (Type III sous-type 1), soit une dimension pédagogique et de support aux enseignements (Type III sous-type 2). Les pathologies osseuses retrouvées ont alors été préalablement sélectionnées, disséquées puis rassemblées (fig. 11). Ces pièces peu documentées en termes d’âge et de sexe sont la plupart du temps décrites sans contexte défini (période de dissection, modalités d’acquisition, provenance, datation, autres pathologies associées…). En ce qui concerne les ossements exclusivement à vocation pédagogique, il s’agit de squelettes désarticulés (fig. 12), aujourd’hui relativement peu utilisés. Par ailleurs, ces collections renferment certaines des pièces issues des cabinets de curiosités chirurgicales et médicales des xviii^e-xix^e siècle (Tilles, Wallach 1999 ; Ducourau 2016).

Figure 11. Crâne pathologique des collections du Musée de l’Homme, collection d’Anthropologie, Musée de l’Homme - Muséum national d’Histoire naturelle (Photo Y. Ardagna).

Figure 12. Exemple de squelettes montés à vocation pédagogique conservés au Musée de l’Homme, collection d’Anthropologie, Musée de l’Homme - Muséum national d’Histoire naturelle (Photo Y. Ardagna).

38Ces collections historiques correspondent également aux anciennes collections phrénologiques ou craniologiques du xix^e siècle, exclusivement constituées de crânes (fig. 13) et généralement peu documentées (provenance, mode de collecte…). Cependant, leur existence a parfois été directement inscrite dans l’évolution et l’histoire de l’anthropologie (cf. infra I chap. 3) d’où le terme retenu d’« anthropo-historiques ». Par ailleurs, les collections historiques prennent aussi en compte les nombreuses collections crâniennes autrefois qualifiées « de provenance mondiale » ou décrite comme « collections savantes » ou « collections nominales » (Dias 1989 ; Renneville 1998). Les informations accessibles rapportent généralement les périodes d’acquisition ou le nom des chercheurs ayant procédé à la collecte. Tandis que le mode de constitution de ces séries témoigne du climat scientifique et des préoccupations, durant le seconde moitié du xix^e siècle de l’anthropologie, de la médecine (Dias 1989) voire de la société civile. En effet, certains auteurs soulignent également le besoin impérieux des musées de documenter les « possessions coloniales » (Morris 2008).

Figure 13. Crâne de la Collection Gall conservé au Musée de l’Homme, collection d’Anthropologie, Musée de l’Homme - Muséum national d’Histoire naturelle (Photo Y. Ardagna).

39Aujourd’hui, les potentialités d’exploitation anthropologique (essentiellement morphologiques, épistémologiques ou pédagogiques) demeurent assez prégnantes, cependant, nous avons privilégié la dimension historique de ces pièces (et non pas seulement le mode de constitution) dans notre typologie.

40À titre d’exemple de collections de pièces anatomiques pathologiques (donc type III sous type 1) nous pouvons en citer deux pour l’Europe : la collection « Galler » (Musée d’Histoire naturelle de Bâle, Suisse) avec 597 pièces osseuses disséquées ou récoltées au xix^e siècle (Rühli et al. 2003). En France, l’anatomo-pathologiste Guillaume Dupuytren, fonde à Paris en 1835 un musée éponyme dans le réfectoire des Cordeliers5. Ces pièces (osseuses ou formolées), moulages de cire et squelettes montés sont un véritable patrimoine médical et une ressource paléopathologique d’importance voire irremplaçable (Thillaud 1996 ; Abelanet, De Saint-Maur 1991 ; Ducourau 2016 ; Dutour, Coqueugniot 2016).

41Pour les États-Unis, la « Standord-Meyer Osteopathology Collection » du musée de l’Homme de San Diego (Quickley 2001) renferme des pièces autopsiques de la première moitié du xx^e siècle, utilisées dans des travaux médicaux de référence (Resnick, Niwayama 1995).

42En ce qui concerne les collections de pièces anatomiques à vocation pédagogique et historique (donc type III sous-type 2), les exemples sont nombreux tels que les pièces du Musée d’histoire de la Médecine Delmas-Orphila-Rouvière transféré de Paris au Conservatoire Anatomique de la Faculté de Médecine de Montpellier en 2010 avec sa rachithèque de 300 pièces (Tilles, Wallach 1999) et du Musée de l’Institut d’anatomie normale de Strasbourg avec plus de 4 000 pièces anciennement vouée aux enseignements (Le Minor 2002).

43Le troisième sous-type envisagé considère les ensembles de restes humains non osseux utilisés notamment dans le cadre muséal et pédagogique (Le Minor 2002). La composante médicale et/ou pathologique apparaît prépondérante, toutefois certains aspects historiques et épistémologiques de l’anthropologie (typologie, auxologie…) ont aussi contribué à la mise en place de préparation ou de prélèvements (cf. infra I chap. 3). Récemment, des travaux de recherche en paléomicrobiologie ont témoigné du regain d’intérêt pour ces vestiges humains non osseux tels que les préparations formolées (Devault et al. 2014).

44Dans le contexte où le mode de collecte n’est pas directement impliqué, l’existence de modifications intentionnelles du matériel biologique (ancienne ou contemporaine), est à l’origine d’un autre type de collection.

Type IV : Les collections ethno-anthropologiques et les collections « artistiques »

45Sous ce terme sont regroupées toutes les collections d’ossements pour lesquelles l’os humain représente le support (la matière) de l’expression d’une coutume, d’un rituel funéraire (C2) ou d’une œuvre artistique d’une population donnée à une période donnée de son histoire (C7). Les notions d’archives biologiques et historiques sont alors étroitement liées et sont illustrées par des vestiges humains de nature très différente: les crânes gravés, les crânes trophées (fig. 14), les crânes surmodelés, les crânes peints… Ces pièces sont retrouvées dans un grand nombre de Musées (Quickley 2001). Ce type de vestige, qui évoque plutôt un vestige archéologique et/ou ethnologique, reste malgré tout paléo-ostéologique, autorisant parfois des études anthropologiques ou médico-légales visant à appréhender les modifications osseuses intentionnelles voire l’identification des individus (Drusini, Baraybar 1990 ; Quickley 2001 ; Sledzik, Ousley 1991 ; Verano 2003). Il apparaît donc qu’à travers ce type de collections, les extrapolations vers la notion d’échantillon du passé semblent plutôt difficiles à construire. Il s’agit plutôt d’un « groupe culturel » qui est abordé ici par l’intermédiaire de ces vestiges osseux humains ayant fait l’objet d’un « traitement » particulier. L’étude de ce type de pièces est plus axée sur la perception ethnologique des restes humains que sur leurs propriétés biologiques intrinsèques. Par ailleurs, ces pièces qui font parfois l’objet de demandes de restitution, nourrissent les réflexions du statut des restes humains en contexte muséal (Cadot 2009 ; Esquerre 2009 ; Marchal et al. 2016).

Figure 14. Crâne trophée (Îles Marquises) collection du Musée de l’Homme, collection d’Anthropologie, Musée de l’Homme - Muséum national d’Histoire naturelle (Photo Y. Ardagna).

Type V : les collections ouvertes ou les « micro-échantillons »

46Quel que soit le mode de collecte (C1), un ensemble d’effectif réduit (par exemple autour d’un seuil de 20 à 30 sujets) plus ou moins documenté, permet d’envisager un type spécifique de collection. En effet, lors de l’élaboration d’une typologie (ou d’un modèle d’archivage), il est nécessaire de faire une sélection visant à regrouper les différents aspects d’un même objet. Le système de critères ne doit pas exclure les séries dont le type n’est pas encore véritablement défini. Il est donc apparu nécessaire de faire figurer dans notre typologie des collections encore « ouvertes » et les petits échantillons dont le niveau d’exploitation est très limité. Dans la littérature, le terme de « micro-collections » est utilisé pour décrire l’existence de séries de très faibles effectifs (Moliner, Richier 2006).

47Au sein des collections « ouvertes ou des micro-échantillons » sont regroupées :

• les « séries de faible effectif » donc des collections dont l’effectif est en deçà d’un seuil statistique d’exploitation. On retrouve des collections en cours de constitution, dont l’effectif est toujours « ouvert » (fouilles, dissection, recollements, prélèvements… en cours).

• les collections qualifiées de « partielles », comme par exemple les séries disséminées dans différents lieux de stockage pour lesquelles des travaux de récolement et d’examen détaillé de la documentation associée doivent être réalisés (Deverly 2006). Ce type présente également un aspect pratique de gestion des collections. En effet, au cours de travaux de remise en état des inventaires et des dépôts archéologiques apparaissent de nouvelles répartitions de vestiges issus de collections anciennes qui présentaient dans les catalogues anciens (et/ou partiels) des effectifs beaucoup plus importants.

48Les petites collections6 ou « collections en devenir » sont donc à la frontière de différents types et sous-types. Mais dans certains cas, ce cinquième type de collection pourrait être une catégorie de transition lorsque la nature d’une collection n’est pas encore identifiable. Les petits ensembles ostéo-archéologiques, datés de périodes peu documentées à l’échelle régionale ou nationale, sont parfois d’une valeur incomparable. En effet, grâce à l’étude de multiples micro-collections, un échantillon donnant suffisamment de données statistiques peut alors être « construit » (Roberts, Mays 2011).

Conclusion

49Bien entendu toute démarche de classification soulève le problème d’éléments aussi singuliers que rares qui cadrent mal avec les critères définis. Dans le cas des collections anthropologiques, nous retrouvons par exemple la « Vacs documented mumies collection7 » composés de momies naturelles de moniales des xix^e et xx^e siècles associées à des données biographiques individuelles (à l’interface entre les type I sous-type 2 et 6) ou encore la collection de la « Ferme des morts8 » issue de corps, décomposés dans un environnement bien déterminé, documentés par de nombreuses données individuelles et autopsiques (à l’interface entre type I et type II sous-type 1). D’autre part, il existe également des collections non osseuses « quasi-virtuelles » composées de données d’imagerie telles que des reconstructions en 3D (par exemple de pièces fossiles, cf. infra I chap. 3) ou bien encore des collections formalisées uniquement sous la forme de bases de données ostéométriques (type base « adam » Perreard-Lopreno 2006 ; Verhoff et al. 2008). L’avenir de la gestion des restes humains nous conduira à la création d’autres types de collection à part entière tels que des « collections construites ou virtuelles de pièces documentées non osseuses ».

50Nous avons déjà signalé (cf. infra I chap. 3) que la mise en place d’une typologie pourrait également avoir des implications dans la gestion et la conservation des collections via leurs caractéristiques/critères propres sans intégrer, en termes de qualité, une hiérarchisation des séries. Pourtant, un critère reflétant par exemple les possibilités d’exploitation et le niveau de documentation associée auraient pu entraîner la création d’un sixième type : les « collections non exploitables ». Ce dernier aurait toute sa place dans une volonté de conservation sélective des séries (cf. infra III chap. 2) visant leur « déclassement ». Donc loin d’être figée dans le présent, la typologie des collections évoluera en parallèle des modifications des modalités de gestion, des préoccupations des chercheurs mais aussi au gré du progrès d’analyse et des considérations d’ordre éthique.

51L’intérêt d’une typologie se manifeste clairement lorsque l’on est confronté à la recherche de matériel d’étude en facilitant la sélection préalable des ensembles sans se heurter à la notion d’échantillon de référence souvent abusive et très subjective. Le regain de cette tendance de sélection préalable est perceptible dans la littérature ce qui sous-entend une grande diversité des collections (Hunt, Albanese 2005 ; Orban 2011 ; Perreard-Lopreno, Eades 2003 ; Usher 2002). Notre typologie des collections permettrait de déterminer quel serait l’échantillon « le plus approprié » à une étude spécifique tout en évitant l’écueil de cette notion de référence « absolue » souvent inappropriée même dans le cadre de collection anatomique « célèbre » (Terry collection, Hamman-Todd…). Enfin, la mise en place d’une typologie souligne que le parcours scientifique des collections anthropologiques est parfois étroitement lié l’histoire de l’anthropologie. Les motivations des anthropologues au cours de l’histoire de cette discipline apparaissent directement dans les supports d’étude qu’ils ont constitués et indirectement dans les anciens catalogues d’inventaire.