Le commerce français du corail de Méditerrané vers l’Inde et la Chine aux XVIIe et XVIIIe siècles
p. 255-276
Texte intégral
1Si l’Asie a été le « tombeau de l’argent d’Amérique1 » pour les Européens au cours de l’époque moderne, elle formait également une des destinations favorites du corail pêché et travaillé sur les côtes de la Méditerranée2. Argent et corail étaient en effet appréciés sur les marchés indiens et chinois, mais bien que ces deux produits aient partagé la caractéristique d’être à haute valeur d’échange, leurs transactions différaient aussi bien par leur rôle que par leur importance. Alors que les envois massifs d’argent rendaient possible la croissance des trafics eurasiatiques comme moyen de paiement du déficit chronique de la balance commerciale des Européens, l’expédition du corail paraissait plus accessoire, parce qu’elle se limitait à des sommes beaucoup plus modestes. Le corail n’en restait pas moins remarquable, comme une des rares marchandises pouvant intégrer les cargaisons à destination des côtes de Malabar et de Coromandel, du Bengale ou de la rivière des Perles. Après 1769, dans le cadre du commerce privé dans l’océan Indien et au-delà, le produit marin possédait même un avantage sur les piastres. Alors que ces dernières devaient se payer au comptant avant de quitter l’Europe, le corail était souvent acheté sur le pied d’un paiement à retour de voyage et constituait ainsi une avance bienvenue de capitaux pour les négociants en quête de fonds pour leurs expéditions3.
2Ce commerce européen du corail vers l’Asie a peu été étudié pour lui-même. Deux ouvrages l’ont approché, mais comme support d’analyse des réseaux négociants juifs implantés à Londres, Livourne, Goa et Madras, et de la capacité de ces marchands à structurer des relations interculturelles autour d’échanges de longue distance4. Les travaux sur les différentes compagnies des Indes orientales, que celles-ci soient françaises ou d’autres pays européens, n’abordent le corail que par quelques mentions et le considèrent au mieux comme épisodique, au pire comme anecdotique. Le dossier ne rassemble finalement que quelques articles, notamment l’étude de Pippa Lacey sur le commerce de ce produit par les Anglais dans la Chine des Qing et celle de Luca Lo Basso sur les affaires des frères génois Fieschi à Goa au tournant des xviie et xviiie siècles5.
3Le présent travail entend porter un autre regard sur ce commerce européen du corail vers l’Asie en s’intéressant aux activités des Français en la matière, depuis la fondation de la première Compagnie française des Indes orientales en 1664 jusqu’à la liquidation de la dernière en 1795. Trois raisons valident ce choix. Tout d’abord, les Français étaient placés au cœur de la filière du corail, avec leurs compagnies de pêche opérant sur les riches gisements de la côte nord-africaine, les fabriques qui travaillaient le produit à Marseille, et les liens d’affaires qui unissaient les négociants phocéens à ceux de Livourne, l’autre grand centre de ce secteur de l’économie méditerranéenne. À ce titre, la vision globale de l’activité depuis l’amont permet une meilleure approche des logiques commerciales structurant les expéditions et les ventes en Asie. Ensuite, les échanges autour de cette marchandise ont évolué au cours du temps, dans leurs volumes, dans leurs formes, ainsi que dans les circuits mobilisés pour son transport et sa commercialisation. Par la pluralité des situations qu’il met en scène sur plus d’un siècle, le cas français permet l’analyse des multiples ressorts de ce commerce particulier. La diversité des acteurs constitue notamment un intérêt de premier ordre pour saisir comment le commerce privilégié et le commerce privé se sont emparés du produit et comment leurs activités se sont emboîtées, entre concurrence et collaboration. Enfin, l’exemple français fournit suffisamment d’éléments pour présenter la place du corail dans le commerce européen en Asie. Il permet notamment de savoir si l’attention des négociants à son égard relevait d’un intérêt épisodique ou d’un attachement régulier à une marchandise apportant d’appréciables bénéfices.
4En cherchant à saisir le fonctionnement d’un trafic de large rayon porté par les acteurs du capitalisme commercial d’un côté, et en choisissant une entrée par un produit pour analyser la construction et les résultats d’un marché mondialisé de l’autre, notre démarche s’inscrit tout autant dans la lignée de l’École des Annales qu’elle emprunte aux méthodes de l’histoire globale. Les travaux publiés par Louis Dermigny dans les années 1960 ont ainsi pesé sur la manière d’envisager notre recherche6. À l’image de ses études sur les Solier et sur le commerce avec la Chine, nous avons souhaité être attentif à l’emboîtement des différentes échelles du commerce, aux logiques de l’entreprise maritime, à la rencontre instable de l’offre européenne et de la demande asiatique, et à l’action des négociants dans la structuration de chaînes commerciales intercontinentales. En revanche, plutôt que d’offrir la part du lion aux négociants et à leurs commissionnaires dans les comptoirs, nous avons également souhaité porter la lumière sur d’autres acteurs des échanges de longue distance, à commencer par ceux qui embarquaient sur les navires et voyageaient avec les marchandises pour en assurer la gestion au loin, les capitaines-subrécargues7. Nombre d’informations de notre étude proviennent de la documentation de l’un de ces hommes, le Marseillais Pierre Blancard. Elles démontrent l’importance de ces figures encore méconnues du commerce et militent pour qu’elles fassent l’objet de recherches plus détaillées, tant l’analyse de leurs pratiques de terrain vient enrichir notre compréhension du commerce eurasiatique de l’époque moderne8.
5D’un autre côté, les objectifs et les méthodes de l’histoire globale ont également influencé la réalisation de ce travail. Ce courant historiographique s’est nourri de travaux réalisés autour des produits et des objets, démontrant la validité de ce type d’approche en histoire économique et sociale. Le travail de Giorgio Riello sur le coton en est un bon exemple9. À travers l’histoire globale de ce produit, l’auteur parvient à décrire le processus d’intégration d’un marché qui finit par devenir mondialisé, en mettant l’accent sur les jeux d’influence réciproque entre l’offre et la demande, sur les liens entre les différents acteurs de la production et de la commercialisation, ainsi que sur les circulations techniques, humaines et culturelles associées aux marchandises. Le choix du corail comme cadre et objet de notre travail est également dicté par un autre objectif. Les produits mobilisés par l’histoire globale dans le cadre des études sur la première mondialisation, porcelaines et indiennes en tête10, sont surtout ceux achetés par les Européens en Asie. Choisir le corail, c’est placer la focale sur les envois et non sur les retraits des Occidentaux, tout du moins pour l’époque moderne. Cette inversion de perspective permet de revenir avec un nouveau regard et de nouveaux matériaux sur la construction et les résultats économiques des réseaux et des trafics du capitalisme commercial européen du xviiie siècle vers l’Asie, comme a pu le faire très récemment Rahul Markovits avec son étude sur l’exportation du ginseng canadien vers la Chine11.
Le poids des expéditions et la diversité des acteurs
6Quels sont les acteurs français impliqués dans le commerce du corail en Asie ? Avec quelle régularité, pour quels volumes et avec quels réseaux de transport ? Quelles ont été les évolutions liées à l’histoire chaotique du monopole accordé à la Compagnie des Indes ? Faut-il uniquement voir le commerce privilégié et le commerce libre ou privé dans le cadre d’une concurrence ? En résumé : les acteurs, les cadres et les temps. Les documents rassemblés pour cette étude répondent de manière inégale à ces questions, mais un constat s’impose : l’intérêt du commerce français du corail vers l’Asie révèle une histoire marquée par la diversité des acteurs, des conjonctures et des cadres juridiques.
Autour du monopole et du soutien de l’État
7Commençons par le grand acteur du commerce français vers l’Asie, à savoir la compagnie privilégiée pour le commerce au-delà du Cap de Bonne-Espérance, sous ses trois formes successives (Compagnie pour le commerce des Indes orientales, 1664-1719 ; Compagnie perpétuelle des Indes, 1719-1769 et Compagnie des Indes orientales et de la Chine, 1785-1795)12. Si une liste complète des quantités de corail envoyées par l’entreprise vers l’Inde et la Chine fait défaut, de nombreuses mentions témoignent de la présence et de l’importance du produit durant ses années d’exercice.
8En 1701, François Martin, fondateur du comptoir de Pondichéry, demande aux directeurs de la Compagnie l’envoi de 20 à 25 caisses de corail brut par an, une quantité dépassant vraisemblablement la tonne13, déclarant qu’il s’agit « de la seule marchandise d’Europe qui se vend »14. Les cargaisons des navires indiquent le dépassement de cette quantité dans la durée15. Ainsi, le Postillon arrive à Pondichéry en 1692 avec dix caisses de corail16. Le Pondichéry en transporte 23 en 1703, le Saint-Louis 50 en 1708, le Duc-de-Bourbon et le Duc d’Orléans respectivement 46 et 20 en 174117. Le Bengale et la Chine reçoivent aussi leur part, comme en témoignent l’arrivée de 20 caisses sur l’Alcyon à Chandernagor en août 1729 ou les 270 kilos de marchandises débarqués à Canton par plusieurs vaisseaux de la Compagnie en 176418. Quelques ventes effectuées en Inde et à Canton confirment la part importante du corail. En octobre 1721, 97 caisses sont vendues à Pondichéry, 48 durant l’année 1734, 23 en octobre 173619. À Canton, Charles de Constant, alors employé du comptoir de la Compagnie sur place, se charge de la vente d’un lot arrivé à bord du Dauphin à la fin de l’année 1789 et valant la somme, assez conséquente, de 50 000 écus20.
9Les chiffres globaux sont rares, mais valident néanmoins l’idée d’importance suggérée par ces quelques exemples. En 1735, c’est un total de 114 caisses qui sont dépêchées vers Pondichéry pour les activités de la Compagnie21. Au cours des années 1775-1780, 70 caisses sont expédiées à l’entreprise depuis Marseille par les frères Audibert, ses fournisseurs sur place22. L’intérêt de la Compagnie des Indes pour cet article se mesure aussi à l’aune d’autres éléments, s’inscrivant aussi bien en amont qu’en aval de la filière. De 1719 à 1730, l’entreprise hérite du privilège du commerce sur les côtes d’Afrique du nord et prend donc possession des pêches de corail auparavant exercées par la Compagnie du Bastion de France. En Inde, la Compagnie tient très tôt à favoriser le travail du corail sur place, afin de faciliter l’écoulement des produits bruts acheminés. C’est la raison pour laquelle, François Martin offre en 1688 des terrains à Pondichéry à un chef local de cent polisseurs qui demande à s’y installer23.
10Pour l’essentiel, surtout en Inde, la Compagnie fait le commerce du corail brut, en menus, en branches et branchettes. Une lettre du conseil supérieur de Pondichéry à la direction de la Compagnie en décembre 1741 mentionnant l’intention « de l’informer du succès de la vente du corail en grains pour essai », est sans équivoque à cet égard24. Le nouveau produit met d’ailleurs du temps à être adopté. « Le corail œuvré en grains est de plus de défaite ici, et c’est le seul que les Anglais y apportent, aussy en ont-ils un plus prompt débit que nous », écrit le même conseil supérieur en février 175725. Lors de son analyse du marché indien, le capitaine Pierre Blancard, habitué des expéditions commerciales vers l’Asie dans les années 1771-1792, laisse entendre que la Compagnie a continué de vendre en grande majorité du corail brut jusqu’en 1769, surtout en Inde26.
11L’entreprise détentrice du monopole fut loin d’être la seule à s’intéresser au corail. À différents degrés, tous les acteurs impliqués dans les échanges avec l’Asie s’en sont emparés, à commencer par les compagnies sous-traitantes ou concessionnaires du privilège pour une période et/ou une destination prévues par convention, comme la société Jourdan & Cie, à partir de 1698 pour le commerce à Canton (Compagnie de la Chine en 1700-1701, puis Compagnie royale de la Chine en 1705), ou les compagnies malouines (1707-1719) pour le trafic avec l’Inde. Grâce aux travaux d’André Lespagnol, les envois de corail vers l’océan Indien de la Compagnie des Indes orientales de Saint-Malo sont bien connus pour les années 1717-171927. Hors piastres, il s’agit du premier article des cargaisons des cinq navires armés par la société durant ces trois années, représentant 55 % de la valeur totale des produits embarqués (555 347 livres contre 378 813 pour les draps et 79 920 pour les métaux).
12D’autres compagnies ayant travaillé avec le soutien de l’État lors de la période du commerce libre, entre 1769 et 1785 ont eu la même appétence pour le corail. C’est le cas de l’expédition de Chine montée en 1783-1784 par les grandes villes portuaires du royaume sous la forme d’une compagnie par actions. Les navires de cette société, le Triton, le Sagittaire et la Provence, tous trois prêtés par l’État, quittent Brest et Toulon en 1784 avec 758 979 livres de marchandises à bord, dont 145 111 de coraux ouvrés de la manufacture royale de Marseille, soit près de 20 % du total. Le corail est en valeur le deuxième produit composant la cargaison, derrière les draps de Carcassonne et devant les glaces de la manufacture royale de Paris et les verres de Bohême.
Tableau 1. Marchandises embarquées sur le Sagittaire, le Triton
et la Provence pour la Chine en 178428
Marchandise | Valeur en livres tournois |
Londrins de Carcassonne | 477 506 |
Corail de la manufacture royale de Marseille | 145 111 |
Glaces de la manufacture royale de Paris et verres de Bohême | 49 270 |
Étamines du Mans de Valette & fils (Tours) | 32 158 |
Ras de castor de Watelet (Reims) | 16 233 |
Toiles à voile de Morin & Cie (Angers) | 16 233 |
Autres | 22 465 |
Total | 758 976 |
Les particuliers et les indépendants
13D’autres particuliers se sont lancés dans l’aventure du corail. Ils sont souvent de moindre envergure que ces grandes compagnies capables de rassembler des capitaux considérables ou ne sont pas uniquement focalisés sur les échanges avec l’Asie. Il s’agit d’un ensemble hétérogène d’individus et de maisons d’armement et de commerce que l’on peut regrouper en deux catégories. La première rassemble ceux qui s’appuient sur les navires et sur les officiers de bord de la Compagnie des Indes pour transporter leurs marchandises et avoir accès aux marchés asiatiques, contribuant ainsi à brouiller les lignes de partage entre commerce privilégié et commerce privé. La seconde regroupe ceux capables de transporter et de commercialiser leurs marchandises par leurs propres moyens, aussi bien pendant les moments de liberté de commerce (1769-1785 et à partir de 1790) que pendant les périodes de monopole de la compagnie privilégiée (avant 1769 et 1785-1790).
14Parmi les acteurs « arrimés » à la Compagnie des Indes, Hugues Mahé de Vitry-la-Ville constitue un cas extrême. Financier parisien proche de Colbert, son intérêt pour le commerce du corail en Asie provient de ses positions dans deux sociétés stratégiques. Depuis 1678, il est en effet à la fois un des directeurs de la Compagnie des Indes et le principal actionnaire de la Compagnie du Bastion de France, entreprise privilégiée pour la pêche du corail en Afrique du nord29. Hugues Mahé de Vitry-la-Ville tient là une solide base pour faire prospérer sa fortune personnelle, d’autant qu’en 1682, afin de renflouer les caisses d’une Compagnie des Indes en difficulté, un arrêt du Conseil d’État permet aux particuliers d’utiliser les vaisseaux de l’entreprise pour vendre en Asie, à condition de payer le fret. La concession n’est prévue que pour une durée de cinq ans, temps suffisant à Mahé de Vitry-la-Ville pour placer une quantité considérable de corail sur onze vaisseaux de la Compagnie.
Tableau 2. Les envois de corail en Asie de Mahé de Vitry-la-Ville sur les vaisseaux de la Compagnie française des Indes orientales (1682-1686)30
Vaisseaux | Cargaison | Valeur (livres) | Destinations | |
L’Heureuse | 1682 | 10 caisses | 231 459 | Surate |
La Royale | 1682 | ? | Surate | |
Le Saint-François d’Assise | 1683 | 6 caisses | ? | Pondichéry |
Le Coche | 1684 | ? | ? | Pondichéry |
Le Blancpignon | 1685 | 6 caisses | ? | Surate |
Le Duc d’Orléans | 1685 | 22 caisses | ? | ? |
L’Oiseau | 1685 | 1 caisse | Siam | |
Le Vautour et le Président | 1685 | 32 caisses | ? | Surate et Pondichéry |
L’Oriflamme | 1686 | 30 caisses | ? | Surate |
Le Coche | 1686 | 30 caisses | 60 000 | Pondichéry et Siam |
15D’autres acteurs adossent également leurs activités à celles de la Compagnie, toujours ceux dont les réseaux de transport et de commercialisation sont inexistants ou limités par le monopole de celle-ci. Ils s’appuient sur le port-permis des officiers embarqués sur les vaisseaux de l’entreprise privilégiée, c’est-à-dire la liberté qui leur est laissée d’embarquer une certaine quantité de marchandises pour leur compte personnel ou celui de tiers extérieurs à la Compagnie. Le Malouin Julien Picot de Closrivière utilise ce système dans les années 1720-1730 pour l’Inde comme pour la Chine31, tout comme, quelques décennies plus tard, deux acteurs marseillais, le marchand-fabricant de corail d’origine catalane Jean Bartro et la manufacture royale de corail de Marseille (Miraillet, Rémuzat & Cie). En 1767, une pacotille de corail ouvré d’une valeur de 6 990 livres est confiée par Jean Bartro au sieur Granières de Gardanne, lieutenant du Marquis de Beuvron, pour un voyage vers le Bengale32. Les associés de la manufacture royale de corail de Marseille utilisent cette même formule deux décennies plus tard. En 1789, ce sont ainsi onze caisses d’une valeur de 83 971 livres qui sont confiées à Désiré Guyot, capitaine du Necker, à destination de la côte de Coromandel. L’officier de la Compagnie doit percevoir un tiers des bénéfices sur la vente des coraux communs et une commission de 5 % pour les coraux supérieurs33. C’est également par le système du port-permis que la société Miraillet, Rémuzat & Cie expédie ses coraux ouvrés vers Canton, comme en témoignent deux chargements effectués sur le Dauphin et la Royale Élisabeth, en 1788 et 178934. Ces derniers exemples soulignent l’investissement des fabricants de corail marseillais dans le commerce de ce produit vers l’Asie. S’ils ont pu très occasionnellement endosser le rôle d’armateurs ou d’affréteurs35, leurs capacités d’action restaient le plus souvent limitées, d’où ce recours aux officiers de la Compagnie ou leur volonté de se rapprocher des maisons marseillaises d’armement engagées dans les échanges avec l’Asie durant le dernier tiers du xviiie siècle.
16Ces milieux marseillais sont avant tout protestants et affirment leur place dans les trafics eurasiatiques après la suspension du privilège de la Compagnie des Indes de 1769 : ils sont notamment les promoteurs de la grande majorité des 72 expéditions conduites par les Phocéens vers l’Asie par voie océanique entre 1771 et 178536. Les documents attestent la présence de cette marchandise dans leurs cargaisons pour l’Inde et la Chine. Citons ici quelques exemples pour évoquer les acteurs les plus emblématiques. Les frères Joseph et Georges Audibert envoient du corail vers Pondichéry avec le Duc de Duras en 1776, puis avec la frégate Saint-Charles vers les côtes de Malabar et de Coromandel en 1783, dans le cadre d’une expédition menée en partenariat avec le Livournais Giuliano Ricci37. Toujours pour la péninsule indienne, la société Rabaud & Cie charge pour 32 000 livres de corail sur La Vicomtesse de Besse en 1786, après en avoir expédié par Le Comte de Perron en 178238. La Chine n’est pas en reste avec les maisons Audibert et Laflèche & Rafinesque qui proposent l’article lors de voyages organisés vers Canton en 1786 et 1791, avec des ventes effectuées sous la gestion du capitaine-subrécargue marseillais Pierre Blancard39.
Tableau 3. Coraux vendus par Pierre Blancard en Inde et en Chine lors des expéditions du Saint-Charles/Argonaute (1783-1792)40
Marchandise | Lieu de vente | Poids |
Grains en filières | Goa, 1783 | ? |
Grains en filières de trois couleurs | Bombay, 1784 | 385 livres anglaises soit c. 175 kg |
Grains en filières de trois couleurs | Pondichéry, 1784 | 528 serres soit c. 147 kilos |
Grains en filières | Mahé, 1786 | ? |
Grains en filières | Cochin, 1787 | ? |
Grains en filières | Goa, 1787 | ? |
Assortiments de natures inconnues | Canton, 1787 | ? |
Grains en filières de trois couleurs | Canton, 1792 | 182,5 catis taëls soit c. 111,67 kg |
Grains en filières et perles | Canton, 1792 | 324 catis taëls soit c. 198 kg |
Assortiment de branchettes | Canton, 1792 | 211,5 catis taëls soit c. 129,41 kilos |
17La présence des Marseillais en Asie n’est en rien bloquée par le retour du privilège de la Compagnie en 1785, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, le monopole est contourné par l’emploi de pavillons étrangers (sarde, toscan, impérial ou suédois) et l’utilisation de ports extérieurs au royaume pour les départs et les arrivées des navires (Nice, Livourne et Ostende). Le voyage du Roi de Sardaigne est ici exemplaire de ces pratiques. Armé par Solier, Martin, Salavy & Cie, ce vaisseau est fictivement parti de Nice pour l’Inde en novembre 1788, bat pavillon savoyard et rentre en Europe par le port d’Ostende. Il transporte à l’aller sept caisses de corail ouvré pour Miraillet, Rémuzat & Cie et 16 caisses de communs pour J. V. Martin fils41. La seconde raison est que les Mascareignes ne sont pas concernées par le retour du monopole. Les marchandises peuvent donc y être expédiées et l’île de France est utilisée comme rupture de charge et base d’une nouvelle expédition opérée par des navires étrangers. Ainsi, en 1788, la manufacture royale de corail de Marseille envoie une partie de corail à son commissionnaire de Port-Louis pour qu’elle soit prise en charge par un navire gagnant Canton. L’affaire est conclue avec le General Washington, un navire américain partant pour la Chine42. Nous le voyons, le commerce du corail en Asie a demandé une grande diversité de protagonistes et d’agencements, laissant transparaître la pluralité des modalités de transport. Les acteurs s’adaptent à la conjoncture et à la législation en place, tout comme ils doivent le faire pour les marchés ciblés.
Des larges débouchés indiens au difficile marché chinois
18Composante des sept matières précieuses du bouddhisme et cumulant différents types d’utilisation, entre mysticisme et marqueur d’appartenance sociale, le corail est un produit recherché en Asie. Celui de Méditerranée (Corallium rubrum, L. 1758), seule espèce de corail de qualité présente sur les marchés internationaux avant l’apparition du corail du Japon (Corallium japonicum, K. 1903) au cours de l’ère Meiji (1868-1912), y trouve donc des débouchés. Ces marchés ne sont pourtant pas d’appropriation aisée pour les Européens. Le commerce du corail en Asie demande en effet des qualités d’expertise des produits et une certaine expérience de terrain. Comme l’explique le capitaine-subrécargue marseillais Pierre Blancard,
il convient […] de ne s’y livrer qu’avec beaucoup de prudence, et surtout avec une connaissance particulière de l’article […] les assortimens doivent différer pour la forme et la couleur suivant le pays auquel on le destine43.
19Le marché asiatique est en effet doté de caractéristiques très différentes selon les lieux et les populations visées.
La péninsule indienne, un grand marché ouvert
Et quoy que le corail ne se trouve qu’en petites parties, les Indiens de tout temps en ont néanmoins fait tant de cas, qu’autant comme nous aimons leurs diamants & leurs perles, autant faisoient-ils d’estime du corail44.
20Cette remarque de Pierre de Rosnel, orfèvre du roi de France en 1667, montre le prestige du corail en Inde et les opportunités qu’il offre aux Européens durant l’époque moderne.
21Le corail a des emplois multiples dans la péninsule indienne. Il a parfois valeur de monnaie et sert de base à des transactions permettant de prendre en retour des pierres précieuses et des perles. Il y est également employé en bijouterie religieuse ou profane (rosaires, bracelets et colliers), surtout au Bengale et sur la côte de Coromandel, et lors des cérémonies de crémation, notamment sur la côte ouest de la péninsule45. C’est un matériau révélateur de statut social, mais cela ne l’empêche pas pour autant d’être porté et utilisé par plusieurs catégories de la population. Tout est affaire de qualité et de prix. Le marché indien n’est en rien homogène et cela doit être pris en compte par les négociants européens fréquentant la zone. Pierre Blancard signale d’ailleurs l’importance de composer des assortiments bien pensés à l’avance, avec trois couleurs différentes et un éventail de qualités des produits suffisamment large pour toucher toutes les catégories de consommateurs46.
22Connaître les marchés et les bons produits pour les différentes places : ces nécessités du commerce du corail en Inde sont d’autant plus importantes que la concurrence y est rude, notamment de la part des marchands arméniens de Perse, des Anglais et des grandes familles négociantes juives, qui, à l’image des Castro et des Franco, se sont implantées à la fois à Livourne, Londres et Fort Saint-George (Madras) au xviiie siècle et expédient leurs marchandises grâce aux navires de l’East India Company47. Les Français restent ainsi vigilants sur les affaires de leurs rivaux. Durant l’été 1696, à Surate, une extraordinaire cargaison de corail d’une valeur de 100 000 écus serait en attente de chargement à Bandar-Abbas par des Arméniens. Information ou rumeur ? La Compagnie des Indes se dépêche en tout cas de procéder à la vente de 43 caisses de corail à des marchands de Visiapour à Goa. Dans cet épisode, la précipitation n’a pas été dommageable pour les Français, qui déclarent au final « avoir fait une bonne affaire, puisque le prix est des plus hauts qu’on l’ait encore vendu, et la partie très considérable »48. Le risque d’engorgement du marché peut être lié à un problème de concurrence, mais aussi à une mauvaise gestion des stocks. C’est le cas à Pondichéry en 1699, quand le comptoir demande à ne plus recevoir de corail, car les quantités déjà réceptionnées encombrent les magasins49.
23Dans la durée, le marché indien est à la fois stable et important. Il est également multipolaire et, à proprement parler, il convient mieux de parler de marchés indiens, tant pour des raisons de segmentation sociale que par les différentes zones qui les composent. Ce dernier point est à souligner, car il permet aux acteurs de résoudre nombre de désagréments ou d’accidents conjoncturels concernant les ventes. La Compagnie des Indes peut ainsi s’appuyer sur ses comptoirs et son réseau de représentants à Goa, Surate, Mahé, Pondichéry ou Chandernagor pour vendre au mieux son corail dans la péninsule indienne. Les exemples ne manquent pas pour illustrer ces choix. Les famines, comme celle qui frappe Pondichéry à la fin des années 1720 et durant les années 1730, peuvent affecter les ventes de corail. Le réseau est alors activé pour remédier au problème. En janvier 1730, les officiers du Danaë et de l’Alcyion informent les directeurs parisiens des difficultés relatives à la vente du corail dans la région et des mesures à prendre pour corriger la situation :
Nous n’avons pu vendre l’année dernière le corail à cause de la grande famine qui dure depuis deux ans à cette coste. […] Les corailleurs nous en ont offert un prix trop modique ; il convient mieux de le laisser en magasin que de le donner à vil prix ; nous chercherons les moyens d’en procurer la vente dans le cours de cette année ; nous en avons envoyé à Bengale 20 caisses de la seconde sorte par l’Alcyon50.
24Il se peut également que le produit s’avère impropre à un marché et doive trouver une nouvelle destination, comme l’indique François Martin à propos de coraux ouvrés arrivés sur la côte de Coromandel en 1688 :
M. Geberet nous avait laissé des parties d’ambre et de corail travaillé qui n’étaient pas de l’usage de la côte mais très bon pour la Chine ; sur l’avis que eûmes que M. Rodrigues de Madras y envoyait un vaisseau, nous y fîmes passer le 1er may, une partie de corail et une partie d’ambre qui lui étaient adressées pour être vendues en Chine51.
25Après 1769, les acteurs du commerce libre seront placés devant les mêmes nécessités et sauront développer, nous le verrons plus loin, des réseaux de représentants capables de jouer sur les différences de prix entre les espaces de vente pour écouler leurs marchandises dans les meilleures conditions.
La Chine : un débouché exigeant et plutôt fermé
26Le corail rouge de Méditerranée est également présent dans la culture chinoise52. Conservé en branche, il alimente les cabinets de curiosités, parfois à des prix très élevés, comme cette ramure polie vendue 10 000 livres par la manufacture royale de Marseille à l’empereur Qianlong en 178453, s’utilise pour la confection des penjings et sert de matériau de sculpture pour les ateliers impériaux54. Cependant, sa consommation domine sous forme de boutons et de grains ronds, comme en témoignent les globules de corail vissés sur les toques de certains mandarins et les colliers de 108 perles, inspirés du chapelet bouddhique, portés par la famille impériale, les nobles et autres dignitaires. Le corail est un élément nécessaire du costume et du rituel d’une cour dont la hiérarchie est symbolisée et régulée par un système de couleurs et de matériaux55. Ces quelques éléments définissent les grandes caractéristiques du marché chinois pour les Européens. Si la consommation de corail touche plusieurs catégories de la population en Inde, la Chine s’inscrit pour sa part dans un modèle de marché fondamentalement différent, plutôt étroit et élitiste. Les débouchés concernent avant tout des produits de qualité supérieure destinés à la cour, à des hauts-fonctionnaires et à quelques grands marchands. Le capitaine Pierre Blancard tient d’ailleurs à souligner que « les coraux de basse qualité se vendent difficilement, avec des profits limités, à Canton »56.
27La haute valeur que l’empereur et les élites chinoises attribuent au corail forme-t-elle un débouché fortement rémunérateur ? C’est loin d’être le cas, pour au moins quatre raisons. Tout d’abord, comme l’écrit Jean-François de Lapérouse en janvier 1787 :
On apporte d’Europe à la Chine quelques objets de luxe, comme glaces de la plus grande dimension, montres de Genève, corail, perles fines ; mais ces derniers […] ne peuvent être vendus avec avantage qu’en très petites quantités57.
28Le marché est donc assez restreint. La concurrence livrée par d’autres vendeurs européens complique de plus les affaires. Qu’un rival inonde la place avec une belle cargaison et les prix s’effondrent, si bien qu’il faut remiser la marchandise et attendre des jours meilleurs ou alors trouver un autre débouché en Asie. C’est la mésaventure qu’affronte la Compagnie française des Indes orientales à Canton en 1701, quand les coraux chargés sur le Fatemourade et l’Élisabeth ne trouvent pas preneur à prix suffisant. Les Anglais viennent d’en vendre une quantité importante et la marchandise devient « aussi méprisée qu’elle était recherchée autrefois58 ». Le produit est ramené vers l’Inde dans l’espoir d’une vente à meilleur profit.
29Ensuite, comme l’a décrit Pippa Lacey, l’écoulement du corail se fait dans un cadre strictement régulé. Il se déroule dans le seul lieu de commerce autorisé pour les Européens, Canton, où le marché est tenu par les douze marchands du Co-hong, les hanistes, intermédiaires préposés par les autorités pour traiter avec les étrangers59. « C’est, pour ainsi dire, par leur seul ministère que l’on vend et que l’on achète à Canton »60. Ce monopole pèse sur le déroulement des affaires. « Il est aisé de juger qu’il existe entr’eux une sorte d’intelligence ; aussi, s’assemblent-ils pour fixer les prix de la foire » écrit le capitaine Pierre Blancard. Ce marché est de plus étroitement surveillé par des officiels, mandarins ou autres dignitaires, notamment par le Hopou, superintendant des douanes impériales. En Chine, le corail est en effet rangé dans la catégorie des produits de luxe et souvent destiné à la consommation impériale61. Ces officiels pèsent non seulement sur la régulation du marché, mais se livrent également à des exactions mettant dans l’embarras jusqu’aux hanistes choisis pour les transactions. Un épisode relaté par le Suisse Charles de Constant en 1790, alors qu’il est employé par la Compagnie française des Indes orientales, en dit long à ce propos. Il concerne le Tsong-Tou, le vice-roi de Canton :
J’ai vendu aujourd’hui pour 50 000 écus de corail, il a fallu bien de la peine et des ennuis, Mrs. Les Mandarins avides de tout ce qui a quelque valeur ont désiré, non pas l’acheter mais le voler, c’est le pauvre Haniste Fiador du vaisseau qui est obligé de payer. Ils ont envoyé un de leurs gens chés moi dont l’impertinence m’a mis en colère ; qui est cet homme, ai-je demandé au Fiador ; c’est le valet du Tsomptou […]62.
30Aussi, en forçant à peine le trait, avec une offre de quelques vendeurs et un acheteur que l’on pourrait qualifier d’unique, le marché chinois du corail présente les caractéristiques d’un monopsone contrarié et les gains sur les ventes s’en ressentent, comme nous le verrons plus loin.
31Enfin, la demande chinoise est exigeante et les produits doivent avoir des caractéristiques bien précises. Ainsi, les couleurs des coraux à proposer sur place sont bien définies par les acteurs du négoce français. Le capitaine montpelliérain Jean-Étienne Balguerie, fort de plusieurs voyages à la Chine à partir de Bordeaux entre 1777 et 1786, affirme la primauté « du corail en grains tirant sur le roze »63, c’est-à-dire de couleur chair ou « peau d’ange ». Sa netteté, sa forme et son poids entrent également en compte. La marchandise doit être exempte de tout défaut, car elle « perd toute sa valeur lorsqu’elle n’est pas absolument saine et exempte de piqûre », écrit le Suisse Charles de Constant en 179064. La forme des grains de qualité supérieure pour les globules et les chapelets « doit être parfaitement ronde » spécifie de son côté Pierre Blancard65. Enfin, pour quelques usages, les perles doivent avoir un poids déterminé, comme le souligne Joseph de Guignes, chargé des affaires de la France à Canton à la fin du xviiie siècle : « les grains des colliers que portent les mandarins, pèsent une mas [3,1824 grammes]. Les boutons qu’ils placent sur le haut de leurs bonnets, pèsent depuis un taël jusqu’à un taël et demi [de 37,64 à 56,64 grammes] »66.
32Les contraintes pesant sur le marché sont lourdes de conséquences pour les marchands européens. Ceux-ci doivent proposer des marchandises irréprochables et s’assurer les moyens de le faire en sécurisant en amont la collecte d’une matière première offrant dans le même temps les bonnes couleurs et des branches de bons diamètres pour produire les perles des grosseurs demandées à Canton.
Relais locaux et bénéfices
33Comment et avec quels intermédiaires se vend le corail des Français dans la péninsule indienne et en Chine ? Le commerce privé a-t-il connu plus de difficultés que celui de la Compagnie des Indes, forte de son implantation territoriale en Asie et de ses réseaux de vente construits et fortifiés dans la durée ? En aval des chaînes de commercialisation, il convient d’aborder la question de la performance du commerce français du corail en Asie et donc d’évoquer les bénéfices réalisés lors des ventes.
Un monde d’agents, de représentants et de commissionnaires
34Nos connaissances sur le monde des acheteurs et des courtiers indiens auxquels les acteurs du négoce français ont eu recours sont très limitées67. Les relations qui ont pu être développées avec les hanistes de Canton nous échappent aussi en grande partie. Des mentions dans les archives de la Compagnie des Indes et dans quelques mémoires font remonter quelques noms et certaines pratiques de négociation sur la durée et les termes des paiements68, mais rien ne permet pour l’instant de dresser un premier tableau, même très incomplet. Il faudrait avoir accès aux sources asiatiques pour avancer sur la question et seule une collaboration internationale permettrait de saisir les mécanismes des ventes en Orient, avec les rapports sociaux, économiques et culturels qui en découlaient. Le monde des intermédiaires français nous est en revanche mieux connu. Laissons de côté le fonctionnement de la Compagnie des Indes et le travail de ses employés en Asie, déjà largement décrits par les spécialistes de l’entreprise, pour nous pencher sur le commerce privé d’après 1769. Les informations autour des acteurs marseillais permettent d’estimer la densité et l’efficacité des réseaux mis en place.
35Tous les Phocéens impliqués dans les échanges avec l’Asie et le négoce du corail disposent de représentants et de commissionnaires en Inde. Initiateur du négoce marseillais dans la péninsule indienne avec le voyage du Conquérant en 1771-1772, Jacques Rabaud a rapidement construit un réseau de comptoirs et de représentants à Surate, Pondichéry et Chandernagor, pour prendre pied dans les grandes régions de consommation de ce produit. Ces commissionnaires sont souvent des Provençaux69, à l’image du Marseillais Félix-Victor Amalric, négociant à Pondichéry dès les années 1770 et intermédiaire actif dans la filière du corail au moins jusque dans les années 1780, seul ou en association avec Pierre Coulon et Jean-François Michel. Il sert les intérêts de plusieurs maisons de commerce, et notamment de Miraillet, Rémuzat & Cie, propriétaire de la manufacture royale de corail de Marseille. Originaires d’Eyguières dans les Bouches-du-Rhône, les frères Collique jouent le même rôle dans l’océan Indien, sur l’île de France, lieu de distribution des marchandises d’Inde en Inde, surtout après la création de la troisième Compagnie des Indes en 178570.
36Les marchands du commerce privé installés à Canton à partir de 1769 sont essentiellement de Nantes, de Saint-Malo et de Lorient71, à l’image de Julien Bourgogne. Les travaux de Susan Schopp et de Marie Sybille de Vienne permettent de dresser un rapide portrait de ce personnage72. Ce Lorientais est présent à Canton dès les années 1770. Julien Bourgogne travaille pour des maisons françaises mais aussi étrangères, comme la Société impériale asiatique de Trieste et Anvers. Bien introduit dans les milieux locaux du commerce, comme en témoignent les prêts d’argent qui le lient aux marchands du Co-hong, il s’associe avec l’Écossais John Reid en 1780. Mais la présence de ces Bretons ne suffit pas et d’autres commissionnaires sont au service des Français, comme le Hollandais Frédéric Benthem, un des subrécargues de la VOC à Canton, présent sur place depuis les années 1770 et au service de Miraillet, Rémuzat & Cie 73. La concurrence entre Européens se transforme parfois en collaboration individuelle quand les circonstances du marché l’exigent. Les actes notariés sur les collaborations de la manufacture royale de Marseille avec Julien Bourgogne et Frédéric Benthem font état de nombreuses difficultés dans le suivi des opérations, le rendu des comptes et dans la rapidité du rapatriement du produit des ventes. La confiance entre les entrepreneurs marseillais et leurs lointains représentants est relativement mesurée. Le vivier des commissionnaires est trop étroit et les liens semblent lâches, demandant l’intervention de procureurs pour régler les litiges, souvent de capitaines-géreurs ou de subrécargues choisis pour le lieu de destination de leur navire, comme François Pinatel, embarqué sur la Liberté à destination de Canton en 1790 et chargé de liquider sur place les affaires de la manufacture royale de corail de Marseille74.
La question des bénéfices
37Quelques éléments permettent une première approche de la question des gains issus du commerce français du corail en Asie. Ainsi, les chiffres livrés par le capitaine-subrécargue marseillais Pierre Blancard à partir de ses voyages vers l’Inde et vers la Chine donnent un aperçu de bénéfices réalisés à l’occasion de ventes à Goa, Bombay, Pondichéry, Mahé, Cochin et Canton au cours des années 1780 et au début des années 1790. Ces éléments doivent toutefois être discutés, nous le verrons. Pour le reste, quelques mentions éparses issues du commerce privé offrent un premier tableau à touches impressionnistes, surtout valable pour le dernier tiers du xviiie siècle.
38Il faut tout d’abord souligner que le corail n’est en rien un produit miracle faisant d’heureux gagnants à tous les coups. La mésaventure de Jacques Mahé de La Villebague l’illustre parfaitement75. En route pour l’Asie afin de se livrer au commerce d’Inde en Inde, le négociant malouin s’arrête à Cadix en décembre 1728 pour finaliser le capital qui lui servira pour ses affaires en Orient. Sur les conseils de son frère, Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais, il y achète une partie de corail en grains. Arrivé en Inde en août 1729, il doit procéder au plus vite à la vente de sa marchandise pour réaliser les capitaux nécessaires à ses activités ultérieures. « Au lieu de profit, il y eut de la perte ». Jacques Mahé de La Villebague ne se fâche pas pour autant avec cet article, puisqu’il écrit en octobre 1736 à Julien Picot de Closrivière : « il me paroit qu’il est plus avantageux de remestre en marchandises corail qu’en argent »76. Le produit peut donc continuer de constituer un article pour transférer des capitaux en Inde. Les situations d’urgence peuvent expliquer les revers, tout comme la méconnaissance des marchés et des produits. Ainsi, en Chine, les grains de corail doivent être gros, mais pas trop, sous peine de trouver difficilement preneur. Ceux qui s’écoulent le plus aisément pèsent une once. Pour avoir ignoré ou méconnu cette caractéristique, un négociant français doit conserver à Canton pendant plusieurs années deux grosses boules acquises au prix extraordinaire de 24 000 francs pièce en Europe, et finit par les céder en 1783 pour une somme totale de 9 600 francs, soit à peine 20 % de la valeur de départ77. L’histoire reste néanmoins exceptionnelle, pour un type de produits qui l’était tout autant.
39Les gains obtenus en Asie par les Français à partir du corail dépendent de la qualité des produits proposés, mais aussi des lieux de vente. Nous avons vu les différences entre les marchés indiens et chinois. Commençons par l’Inde, le principal marché par les volumes de marchandises qui s’y écoulent. Les chiffres rassemblés par Pierre Blancard à la suite de ses expéditions commerciales dans les principales villes de la péninsule fournissent un tableau assez complet.
40Entre 1783 et 1792, le corail donne en Inde un bénéfice compris dans une fourchette allant de 28 à 54 %, les marchés de la côte de Coromandel et de Bombay étant les plus fructueux78. Ces chiffres semblent conformes à d’autres données fournies par le commerce privé dans les années 1770. En 1773, afin d’acquitter une dette de 5 172 livres contractée auprès d’un capitaine de vaisseau de la Compagnie des Indes, le sieur Pigeot déclare pouvoir vendre sur la côte de Coromandel une partie de corail d’une valeur d’environ 3 000 livres avec un gain de 50 %79. Plusieurs marchands-experts convoqués par le Conseil supérieur de Pondichéry, dont Félix-Victor Amalric, Marseillais habitué au commerce du corail en Inde, attestent l’infériorité des bénéfices réels retirés sur cet article à Pondichéry et à Madras, notamment dans cette dernière ville « par les droits qu’il aurait à payer ». En décembre 1777, à la veille du départ du Sartine pour les Mascareignes, Pondichéry et peut-être le Bengale, la maison Rabaud, Solier & Cie de Marseille demande au capitaine-subrécargue ciotadin Jean Dallest de ne vendre du corail à l’île de France qu’à condition d’obtenir un bénéfice au moins égal à 50 %, et sinon d’attendre l’arrivée en Inde continentale pour écouler le produit. L’information contenue dans ce record montre les espoirs de gains placés dans les ventes sur la côte de Coromandel et au Bengale80. Nous avons ici deux indices limités, car les bénéfices évoqués sont hypothétiques, mais provenant d’acteurs bien informés sur les marchés et les prix du corail en Inde.
Tableau 4. Les bénéfices des ventes de corail de Pierre Blancard en Inde et en Chine (1783-1792) (valeurs en piastres de huit réaux de Livourne)81
Lieu | Prix d’achat en Europe | Prix de vente en Asie | Bénéfice |
Goa, 1783 et 1787 | ? | 7 500 pour les deux * | c. 28% |
Bombay, 1784 | 10 460 | 16 087 | 54% |
Pondichéry, 1784 | 6 850 | 9 658 | 41% |
Mahé, 1786 | ? | ? | 30 à 40% |
Cochin, 1787 | c. 5 925 | c. 8 000 | 35% |
Canton, 1787 | ? | ? | 7 à 28% |
Canton, 1792 | 5 470 | 6 997 | 28% |
Canton, 1792 | 2 632 | 3 113 | 18% |
Canton, 1792 | 4 152 | 4 437 | 7% |
41Trois remarques s’imposent sur les résultats donnés par Pierre Blancard. Tout d’abord, la qualité des marchandises n’est pas toujours précisée. Cet élément peut-il expliquer les bénéfices plus modestes obtenus sur la côte ouest de l’Inde ? Nous n’en savons rien. Ensuite, aucune mention n’est faite de droits de douanes acquittés aux autorités locales, ni même des sommes versées pour le droit de courtage, comme les 2 % que le capitaine paie en 1783 à Goa aux Camotim, alors courtiers habituels des Français sur cette place82. Les bénéfices évoqués ne seraient donc à proprement parler ni « comptables » ni « commerciaux », mais le résultat de la simple soustraction du prix payé par l’acheteur en Asie à la somme due au fournisseur de la marchandise en Europe. Il faut donc les rabaisser dans une certaine proportion pour obtenir les gains réels, sans que nous sachions vraiment où placer le curseur. Enfin, dans la longue durée, les gains procurés par le marché indien sont incontestablement à la baisse. Le temps des 80 à 100 % de bénéfices réalisés par les agents de l’English East India Company dans les années 1640 est loin83. L’augmentation des volumes exportés aux cours des xviie et xviiie siècles et l’intensification de la concurrence entre les Français et les autres nations européennes ont achevé de faire passer l’Inde d’un El dorado du commerce du corail en un débouché aux résultats encore certes importants, mais bien plus limités.
42La Chine présente une situation bien différente. Le marché étroit, surveillé et difficile de Canton donne des bénéfices souvent moins intéressants que ceux obtenus dans la péninsule indienne. Deux ventes de capitaines de la Compagnie des Indes effectuées à Canton pour le compte du Malouin Julien Picot de Closrivière dans le cadre du port-permis le montrent pour la première moitié du siècle. En 1728, ce sont 38 livres de corail en grains qui sont cédées contre de l’or. La transaction donne 13 % de bénéfice, que se partagent à moitié le négociant breton et le commandant du navire84. En 1738, c’est une caisse de corail ouvré d’une valeur de 3 986 livres qui est vendue cette fois par le commandant de l’Argonaute avec un bénéfice de 23 %. Les chiffres de Pierre Blancard pour les années 1787 et 1792 confirment ces gains assez réduits : de 18 à 28 % pour les coraux travaillés en grains et à peine de 7 % pour les branches et les branchettes. Le marché chinois présente une autre différence par rapport aux marchés indiens. Les pourcentages des bénéfices ne semblent pas décliner au cours du siècle, alors même que les trafics et la concurrence vers Canton se sont intensifiés après la guerre de Sept Ans, créant ainsi une offre de produit plus importante. Les prix de vente du corail ne paraissent pas avoir été affectés.
43Comme dans le cas de l’Inde, ces chiffres pour la Chine sont certainement surestimés. Leur médiocrité doit de plus être rapportée au temps de voyage nécessaire au commerce avec la Chine, 14 mois au mieux, 18 mois le plus souvent, plus de deux ans dans le cadre d’un « grand voyage », c’est-à-dire en faisant du country trade, mais nous sommes ici très précisément dans la fourchette de taux proposée par Louis Dermigny pour ce marché chinois du corail, à savoir un bénéfice « ordinairement escompté de 15 à 30 % », quand les affaires vont bien85. Les qualités et les couleurs des coraux vendus par le capitaine marseillais ne sont également pas précisées. Nous savons leur importance sur le succès des ventes, comme en témoignent les remarques du négociant suédois de Canton Jean-Abraham Grill à ses fournisseurs marseillais Blanchenay, Paul & Cie en 1766, responsables à ses yeux de ne pas avoir fourni suffisamment de corail de bonnes couleurs lors d’une expédition effectuée par Cadix en 176486. Afin d’assurer un meilleur succès aux futures opérations, des modèles et échantillons de corail sont désormais transmis aux Phocéens en amont des expéditions. La Chine est décidemment un marché laissant très peu de place à l’improvisation.
44Intérêt épisodique ou beaux bénéfices ? Le commerce français du corail en Asie au cours de l’époque moderne ne se laisse résumer par aucune de ces deux propositions. Même avec des quantités limitées, cet article a bel et bien constitué un élément notable des échanges avec l’Orient. Le corail de Méditerranée n’apportait pas pour autant des gains financiers extraordinaires. Déclinants avec le temps, les bénéfices sont devenus modestes, mais le produit restait appréciable, car nécessité faisait loi. Avec la rareté des produits européens susceptibles d’être vendus en Asie, le corail de Méditerranée participait à l’établissement des cargaisons aller, permettait de réduire quelque peu le montant des piastres englouties par les échanges avec les Orientaux et donnait, hors accident, un bénéfice acceptable en Chine et convenable en Inde. En prolongeant le « rite du présent ou l’échange de curiosités » (Louis Dermigny), il apportait sa pierre dans le financement des achats de textiles, de thé ou de porcelaines, dont la revente en Europe allait assurer le succès de ces expéditions maritimes vers l’Asie. Autrement dit le profit économique global tiré du commerce du corail se montrait supérieur au seul gain qu’il générait par sa vente en Inde ou en Chine. À ce titre, cette marchandise était un élément constitutif de la concurrence que se livraient les Européens à l’autre bout du monde, une rivalité qui commençait en Europe même, au moment de composer les cargaisons.
45L’exemple du commerce du corail permet également d’émettre quelques réflexions sur le processus d’intégration globale des marchés de biens au cours de l’époque moderne. La baisse tendancielle des bénéfices sur le temps long des xviie et xviiie siècles, due aussi bien à la hausse du prix d’achat de la matière première sur les lieux de récolte87 qu’à l’avilissement des prix de vente en Asie, surtout en Inde, le plus gros marché pour ce produit, montre que l’interconnexion entre la Méditerranée, l’Europe, la péninsule indienne et la Chine a engendré un mécanisme de convergence économique. De même, la concentration géographique des échanges autour de quelques comptoirs européens des côtes de Malabar et de Coromandel et de Canton en Chine, un ensemble de places ouvertes à tous les acteurs de l’entreprise maritime européenne, a stimulé la croissance des volumes d’exportation et densifié une féroce concurrence. Pour autant, ce processus d’intégration globale est entravé par un nombre élevé de distorsions du marché. Les facteurs exogènes, comme les législations ou les subventions étatiques donnant des avantages à certains acteurs de la filière ou le caractère saisonnier des expéditions commerciales qui s’imposent à tous les Européens négociant avec l’Asie, se combinent à des éléments endogènes, comme les monopoles sur la récolte de la matière première, les ententes sur les prix d’achat ou encore l’asymétrie des informations sur les capacités des marchés et la nature des produits, pour favoriser bien souvent des rentes de situation, des pratiques opportunistes et limiter la fluidité des relations entre les maillons des chaînes commerciales.
Notes de bas de page
1 Formule de Louis Dermigny appliquée à la Chine (La Chine et l’Occident : le commerce à Canton au xviiie siècle, Paris, S.E.V.P.E.N., 1964, t. III, p. 923).
2 L’auteur remercie Gilbert Buti, Guillaume Calafat et Xavier Daumalin pour les avis portés sur la première version de ce texte, ainsi que Marie Ménard-Jacob et le regretté André Lespagnol pour avoir fourni des informations essentielles à la conduite de cette recherche.
3 Pierre Blancard, Manuel du commerce des Indes orientales et de la Chine, Marseille, 1806, p. 418.
4 Gedalia Yogev, Diamonds and Coral: Anglo Dutch Jews and Eighteenth-Century Trade, Leicester, Leicester University Press, 1978 ; Francesca Trivellato, The Familiarity of Strangers. The Sephardic Diaspora, Livorno and Cross-Cultural Trade in the Early Modern Period, New Haven, Yale University Press, 2009.
5 Pippa Lacey, “The Coral Network. The Trade of Red Coral to the Qing Imperial Court in the Eighteenth Century”, in Anne Gerritsen, Giorgio Riello (eds.), The Global Lives of Things. The Material Culture of Connections in the Early Modern World, Londres, Routledge, 2016, p. 81-102 ; Luca Lo Basso, « De Gênes à Goa. Corail, diamants et cotonnades dans les affaires commerciales des frères Fieschi (1680-1709) », Rives Méditerranéennes, 57, 2018, p. 89-107.
6 Louis Dermigny, Cargaisons indiennes. Solier et Compagnie, 1781-1793, Paris, S.E.V.P.E.N., 1960 et La Chine et l’Occident…, op. cit.
7 Il faut les distinguer des subrécargues attachés à un comptoir pour le compte des grandes compagnies des Indes, qui s’occupaient de vendre des marchandises à un endroit fixe et ne voyageaient donc que rarement avec elles.
8 Gilbert Buti a été un des premiers à souligner cette nécessité (cf. « Capitaines et patrons provençaux de navires marchands au xviiie siècle. Exécutants ou entrepreneurs des mers ? », in Gilbert Buti, Luca Lo Basso, Olivier Raveux, dir., Entrepreneurs des mers. Capitaines et mariniers du xvie au xixe siècle, Paris, Riveneuve, 2017, p. 39-57.
9 Giorgio Riello, Cotton. The Fabric That Made the Modern World, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
10 Maxine Berg et al., ed., Goods from the East, 1600-1800: Trading Eurasia, London, Palgrave-Macmillan, 2015.
11 Rahul Markovits, « Vendre le ginseng nord-américain en Chine : une bulle spéculative globale au milieu du xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2019-3, p. 55-80.
12 Marie Ménard-Jacob, La première compagnie des Indes. Apprentissages, échecs et héritage, 1664-1704, Rennes, PUR, 2016 et Philippe Haudrère, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle (1719-1795), Paris, Librairie de l’Inde, 1987.
13 Composée de morceaux, de branchettes ou de branches, la caisse de corail brut pèse de 100 à 150 livres poids de table de Marseille, soit de 40,792 à 61,188 kilos.
14 Paul Kaeppelin, La Compagnie des Indes orientales et François Martin, étude sur l’histoire du commerce et des établissements français dans l’Inde sous Louis XIV (1664-1719), Paris, 1908, p. 454.
15 Plusieurs de ces informations ont été aimablement fournies par Marie Ménard-Jacob.
16 Yvonne Robert Gaebelé, Une Parisienne aux Indes au xviiie siècle : madame François Martin, Paris, 1937, p. 135.
17 Procès-verbaux des délibérations du Conseil souverain de la Compagnie des Indes, Pondichéry, t. I, 1911, p. 66 ; Alfred Martineau, Correspondance du conseil supérieur de Pondichéry et de la Compagnie, Pondichéry, t. III, 1923, p. 316.
18 Alfred Martineau, « Quatre ans d’histoire de l’Inde Française », Revue de l’histoire des colonies, 7, 1919, p. 47 et Pippa Lacey, “The Coral Network…”, art. cit., p. 89.
19 Procès-verbaux des délibérations…, op. cit., t. I, p. 359 et t. III, p. 58 et 174.
20 Louis Dermigny, Les mémoires de Charles de Constant sur le commerce à la Chine, Paris, S.E.V.P.E.N., 1964, p. 74-75.
21 Alfred Martineau, Correspondance du conseil…, op. cit., t. II, p. 18.
22 Charles Carrière, Négociants marseillais au xviiie siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, Institut Historique de Provence, 1973, t. II, p. 649.
23 Paul Kaeppelin, La Compagnie des Indes…, op. cit., p. 263.
24 Alfred Martineau, Correspondance du conseil…, op. cit., t. I, p. 306.
25 Id., t. 5, p. 138.
26 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 252-253.
27 André Lespagnol, « Cargaisons et profits du commerce indien au début du xviiie siècle. Les opérations commerciales des Compagnies Malouines, 1707-1720 », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 89-3, 1982, p. 313-350.
28 Archives de la Chambre de commerce de Marseille, H 83, comptes d’expédition des vaisseaux de l’expédition de Chine, 1784.
29 Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au grand siècle, Paris, Fayard, 1984, p. 505, 643 et 993.
30 Archives nationales d’outre-mer (désormais ANOM), COL C 2/5, fol. 183 et suivants.
31 Catherine Manning, Fortunes à faire: the French in Asia, 1719-1748, Aldershot, Variorum, 1996, p. 134 et188 ; Philippe Haudrère, « L’ouverture de la route du commerce maritime entre la France et la Chine », in La soie et le canon, France-Chine, 1700-1860, Paris, Gallimard, 2010, p. 41 et André Lespagnol, « Le commerce privé des Français aux Indes dans la première moitié du xviiie siècle », in Saint-Malo et la Bretagne dans la première mondialisation, Brest, CRBC, 2019, p. 259-274.
32 Archives dép. des Bouches-du-Rhône (désormais AD 13), 2 B 879, inventaire de Jean Bartro, 1771.
33 AD 13, 380 E 292, notaire Bonsignour, procuration du 7 mai 1790.
34 AD 13, 380 E 292, notaire Bonsignour, procuration du 30 mai 1790.
35 C’est le cas de la manufacture royale de corail de Marseille pour l’expédition de Chine de 1783-1784.
36 Charles Carrière, Négociants marseillais…, op. cit., t. I, p. 345.
37 AD 13, 9 B 37, notaire Chauvot, contrat d’assurance du 23 mai 1776 et tableau no 3.
38 Louis Dermigny, Cargaisons indiennes. Solier et Compagnie, 1781-1793, Paris, S.E.V.P.E.N., 1960, p. 133.
39 Louis Dermigny, Cargaisons indiennes..., op. cit., p. 316 et Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 115 et 251.
40 Le Saint-Charles est renommé l’Argonaute en 1790. Il est armé pour l’Inde et/ou la Chine par les frères Audibert et Giuliano Ricci en 1783 et en 1786, puis par Laflèche & Rafinesque en 1791 (Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 138-158, 172-173, 250-251, 449-451). Le cati de 16 taëls vaut 611,88 grammes à Canton et la livre anglaise 453,7 grammes. 88 serres de Pondichéry valent 100 marcs de France.
41 Louis Dermigny, Cargaisons indiennes..., op. cit., p. 301 et suivantes.
42 AD 13, 380 E 292, notaire Bonsignour, procuration du 30 mai 1790.
43 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 413-415.
44 Pierre de Rosnel, Le Mercure indien ou le Trésor des Indes, Paris, 1667, p. 63.
45 Gedalia Yogev, Diamonds and coral…, op. cit., p. 102.
46 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 413-415.
47 Gedalia Yogev, Diamonds and Coral…, op. cit.
48 ANOM, COL C 2/64, lettre du comptoir de Surate, 25 juillet 1696.
49 Marie Ménard Jacob, « Les jours et les hommes de la première Compagnie royale des Indes Orientales (1664-1704) », thèse de doctorat d’Histoire, Université de Bretagne-Sud, 2012, t. I, p. 365.
50 Alfred Martineau, Correspondance du conseil…, op. cit., t. I, p. 356.
51 Alfred Martineau, Mémoires de François Martin (1665-1696), Paris, t. II, 1932, p. 538.
52 Anna Grasskamp, Objects in Frames. Displaying Foreign Collectibles in Early Modern China and Europe, Berlin, Reimer, 2019, chap. 4.
53 Journal de Madame Cradock. Voyage en France (1783-1786), Paris, 1896, p. 121.
54 Un penjing (ou punsaï) est un paysage créé dans un pot avec de véritables arbres ou avec d’autres matériaux pour les représenter.
55 Pippa Lacey, « The coral network… », art. cit., p. 82-84.
56 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 415.
57 Voyage de Lapérouse, Paris, 1831, p. 203.
58 Marie Ménard Jacob, « Les jours et les hommes de la première Compagnie royale des Indes Orientales (1664-1704) », thèse de doctorat d’Histoire, Université de Bretagne-Sud, 2012,
t. II, p. 460.
59 Weng Eang Cheong, The Hong Merchants of Canton: Chinese Merchants in Sino-Western Trade, 1684-1798, Richmond, Curzon Press, 1997.
60 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 402.
61 Pippa Lacey, “The coral network…”, art. cit., p. 89.
62 Louis Dermigny, Les mémoires de Charles de Constant…, op. cit., p. 74-75.
63 Archives dép. de Gironde, 1 M 1/69 ; « Instruction sur le commerce de la Chine », 1780 (cité par Louis Dermigny, La Chine et l’Occident…, op. cit., t. II, p. 699).
64 Louis Dermigny, La Chine et l’Occident…, op. cit., t. II, p. 699.
65 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 414.
66 Joseph de Guignes, Voyages à Peking, Manille et l’Île de France faits dans l’intervalle des années 1784 à 1801, Paris, 1808, t. III, p. 268.
67 Quelques éléments existent sur les Camotim et leur travail à Goa pour les Français à la fin du xviiie siècle (cf. Ernestine Carreira, « Les Kamat et le commerce français en Inde »,
Moyen Orient & Océan Indien, 7, 1990, p. 157-177).
68 Voir par exemple l’affaire des 48 caisses vendues à Pondichéry à des marchands corailleurs indiens représentés par leur caution Rangapapoullé. La guerre qui frappe la région empêche les acheteurs d’honorer le paiement à terme. Les marchands indiens obtiennent la remise gracieuse des intérêts de retard du règlement (Procès-verbaux des délibérations…, op. cit., t. III, 1914, p. 174-175).
69 Sur ce point, cf. Juliana Neumuller, « Acteurs et réseaux ultramarins. Provençaux et Languedociens dans l’espace indien (seconde moitié du xviiie siècle) », Master II d’histoire, Aix-Marseille université, 2013.
70 Louis Dermigny, « Languedociens et Provençaux aux Îles de France et de Bourbon », Revue d’histoire des colonies, 152-153, 1956, p. 391.
71 Hervé du Halgouet, « Relations maritimes de la Bretagne et de la Chine au xviiie siècle », Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1934, p. 331-441.
72 Susan E. Schopp, « French Private Trade at Canton, 1698-1833 », in Paul A. Van Dyke, Susan E. Shopp, eds., The Private Side of the Canton Trade, 1700-1840. Beyond the Companies, Hong Kong, The University of Hong Kong, 2018, p. 54-55 et Marie Sybille de Vienne, La Chine au déclin des Lumières : l’expérience de Charles de Constant, Paris, Champion, 2004, p. 48-49.
73 Yong Liu, « The Dutch East India Company’s Tea Trade with china, 1757-1781 », PhD, Leiden University, 2006, p. 157.
74 AD 13, 380 E 292, notaire Bonsignour, procuration du 30 mai 1790 à François Pinatel.
75 Philippe Haudrère, La Bourdonnais. Marin et aventurier, Paris, Desjonquières, 1992, p. 28.
76 Philippe Haudrère, La Compagnie française des Indes…, op. cit., t. II, p. 599.
77 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 414.
78 Cf. tableau 4.
79 Arrêts du Conseil supérieur…, op. cit., t. II, p. 342-343.
80 Louis Dermigny, Cargaisons indiennes…, op. cit., t. II, p. 404. Un record (ou raccord) est un document rassemblant les instructions données au capitaine-subrécargue par les armateurs au départ d’une expédition commerciale.
81 Cf. note 40. Les prix sont donnés en monnaie de Livourne car le corail a été acheté en ce lieu. La pezza da otto de Livourne vaut 4 livres 14 sols 3 deniers.
82 Pierre Blancard, Manuel du commerce…, op. cit., p. 155. La famille Camotin est connue sur plusieurs générations pour ses liens avec les Européens dans la vente de ce produit (Francesca Trivellato, The Familiarity of Strangers…, op. cit. et Luca Lo Basso, « De Gênes à Goa… », art. cit.).
83 Ethel Sainsbury, A Calendar of the Court Minutes of the East India Company, 1640-1643, Oxford, 1909, p. 204.
84 Les informations sur Picot de Closrivière ont aimablement été fournies par André Lespagnol.
85 Louis Dermigny, La Chine et l’Occident…, op. cit., t. II, p. 699.
86 Nordiska Museet, Djurgarden, Stockholm, fonds Jean-Abraham Grill, lettre de Blanchenay, Paul & Cie, Marseille, 22 décembre 1766.
87 Par exemple, le prix du corail a été multiplié par quatre en Ligurie au cours du xviie siècle (Edoardo Grendi, I Cervo e la Republica. Il modello ligure di antico regime, Turin, G. Einaudi, 1993, p. 151).

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008