1L’expression « des bêtes pour l’arène » évoque en premier lieu la uenatio, ou bien les martyrs, mais il y a beaucoup plus : l’arène de l’amphithéâtre, celle du cirque (courses de chevaux et spectacles propres à l’amphithéâtre), mais aussi l’harena répandue sur le sol pour les spectacles, dans le forum et dans d’autres édifices. Dans quelles villes ? À Rome et dans des villes africaines, mais peut-être aussi dans d’autres lieux. Il faut préciser d’abord que nous parlons de bêtes africaines – Africanae, Libycae – en Afrique et ailleurs. Nous ne nous bornerons ici qu’à quelques observations, ainsi qu’à quelques suggestions de réflexion et d’approfondissements, sans proposer à nouveau l’histoire du développement de ce divertissement au sein des journées de spectacles1.

2Si les sources écrites ont été analysées et interprétées de façon magistrale par les savants qui nous ont précédé – de Ludwig Fiedländer à Jacques Aymard et à Georges Ville, en passant par Louis Robert2 – les images pourraient peut-être fournir encore quelques renseignements. De nouvelles approches très prometteuses ont été aussi proposées : la publication des résultats des fouilles stratigraphiques menées ces dernières années dans plusieurs villes a vu presque systématiquement la participation d’archéozoologues qui ont étudié les restes osseux d’animaux dont nous connaissons maintenant la nature et la chronologie3. Dans quelques cas, il s’agit d’animaux exotiques ou de bêtes féroces employés dans les spectacles ; nous ne pouvons pas toujours affirmer qu’il s’agisse d’importations africaines, certains animaux pouvant aussi venir d’Asie.

Le commerce

3Le goût pour les animaux exotiques, qu’ils fussent montrés en lutte entre eux, chassés ou protagonistes des damnationes ad bestias, fut très répandu. Leurs apparitions furent une source de stupeur pour les premiers spectateurs, qui virent des créatures bizarres dont ils ne connaissaient même pas les noms. Ainsi l’autruche est appelée passer marinus par Plaute4, l’éléphant est le bœuf lucanien5 et le léopard, ou un autre grand félin, est le rat africain6. Les mentions les plus anciennes de spectacles ayant pour acteurs ces animaux se réfèrent aux exhibitions7 de bêtes faisant partie de butins de guerre ou offertes par des souverains (Deniaux 2000) ; la première chasse/spectacle aurait ainsi eu lieu, d’après Pline (N.H. VIII, 6, 17), en 252 av. J.-C. au grand cirque, avec des éléphants capturés en Sicile. Bientôt, à partir au moins de 167 av. J.-C.8, les spectacles furent enrichis par des combats entre animaux, par des exécutions de damnati ad bestias et par des exhibitions d’animaux dressés. Dès lors, le succès de ces spectacles ne cessa pas de croitre9 et les animaux exotiques firent l’objet d’un commerce très rentable (MacKinnon 2006, 9)10. Pline mentionne l’interdiction par le Sénat d’importer en Italie des bêtes africaines : senatus consultum fuit uetus, ne liceret Africanas in Italiam aduehere ; contra hoc tulit ad populum Cn. Aufidius tribunus plebis permisitque circensium gratia (N.H. VIII, 17, 64)11. Il est fort probable qu’à l’origine de cette décision du Sénat, plus que le désir d’endiguer l’ambition de magistrats qui utilisaient ces spectacles pour leur propagande, voire l’élimination du danger constitué par les fauves, fut la crainte d’enrichir Carthage12, cet épisode pouvant être daté des environs de 170 av. J.-C.13

4La « consommation » d’animaux féroces au cours des uenationes devint de plus en plus importante, surtout à Rome14 : on enregistre un pic des bêtes égyptiennes à la fin de la République et au début de l’Empire, comme le montre la présence d’un hippopotame et de crocodiles dans le spectacle offert par Scaurus en 58 av. J.-C. (Pline, N.H. VIII, 26, 96). C’est à ce moment que, comme l’a souligné George Jennison, « the exploitation by the Italians of their empire had become fast and furious » (Jennison 1937, 5). Le carnage continua : les auteurs rapportent à plusieurs reprises le nombre étonnant d’animaux tués au cours des spectacles offerts par les empereurs. Ces chiffres sont peut-être exagérés : déjà Dion Cassius (LII, 22, 4) avertissait que l’historien, en voulant rapporter le nombre exact, aurait rendu sa page assommante, mais pas du tout véridique, parce que dans ces cas il exagère toujours pour des raisons de vanité. Néanmoins d’autres documents, telles les inscriptions ou certaines mosaïques indiquant le nombre de bêtes tuées au cours de spectacles relativement modestes semblent confirmer que les uenationes tenues à Rome furent à l’origine de l’extermination de plusieurs espèces en Afrique. David Bomgardner a donné une explication « verte » de ce phénomène (Bomgardner 1992 ; 2000, 214, 216-217), qui d’ailleurs avait déjà été suggérée par G. Lafaye15 : l’exportation massive, vers Rome et d’autres destinations, des bêtes et leur emploi dans les – nombreux – amphithéâtres africains dériveraient d’un choix lucide de la part du pouvoir afin d’accroitre le potentiel agricole de ces provinces qui assuraient parallèlement l’approvisionnement de l’Vrbs. La capture systématique de ces animaux aurait eu comme conséquence l’assainissement et donc la mise en sécurité des champs et des zones environnantes, en favorisant le développement de l’agriculture. Ce choix allait dans le même sens que les lois favorisant l’exploitation des agri subseciui16, qui entraînèrent la destruction de l’habitat naturel de ces animaux. Ainsi le poète africain Luxorius, à l’époque vandale, a pu écrire, en reprenant vraisemblablement un topos antérieur, que les uenationes ont libéré les campagnes des fauves17. Strabon (II, 5, 33) confirme que le danger était à l’origine réel, en affirmant que la Libye est prospère mais infestée par des bêtes sauvages et qu’il est vraisemblable que les Nomades aient pris leur nom du fait que, dans les temps anciens, ils ne pouvaient pas pratiquer l’agriculture à cause du danger constitué par les bêtes sauvages. Et il observe que les Romains – qui aiment beaucoup les combats d’animaux – les ont poussés à les chasser, si bien qu’ils excellent aujourd’hui aussi bien dans la chasse que dans l’agriculture.

5L’Afrique jouissait d’une position privilégiée pour l’approvisionnement de Rome, des routes caravanières importantes reliant les régions internes du continent aux ports de Tripolitaine, situés eux-mêmes à une distance relativement modeste de la péninsule italienne. Une liste des bêtes Africanae employées dans les spectacles à Rome et ailleurs a été dressée par Christophe Hugoniot (2000, 423-437). Il est bon de rappeler ici que la chasse et l’usage des éléphants et des lions – caelestia animalia (AE 1948, 109) – étaient l’apanage des empereurs (voir, entre autres, Ville 1981, 351-352).

6Les prix des bêtes pour les spectacles a été calculé par différents savants, qui ont souligné leur augmentation exponentielle dans le temps18 : les grands félins deviennent à tel point peu nombreux, donc chers, à la fin de l’Antiquité que leur emploi dans l’arène se fait de plus en plus rare (Bomgardner 2000, 214-218)19. Ils sont remplacés progressivement par les ours et les herbivores, sauf dans le cas de spectacles offerts à l’occasion de l’obtention de charges publiques prestigieuses. Dans les diptyques qui reproduisent les jeux donnés à l’occasion des consulats d’Areobindus et d’Anastase nous trouvons encore, avec les ours, quelques grands félins20. Il faut en outre rappeler que, pour les jeux questoriens et prétoriens de son fils, Symmaque procure des ours, des chiens d’Ecosse, mais il mentionne aussi des léopards, des antilopes et des gazelles, et, pour un spectacle théâtral, des crocodiles21, pourvu qu’il ne s’agisse de cartons plus anciens. La capture des bêtes exotiques ne cesse pas pour autant, comme le montre la mosaïque de la Grande chasse de Piazza Armerina, mais ces animaux ne sont plus destinés à être tués, étant employés plutôt dans des activités non mortelles (cochlea, palea etc.)22.

De la capture à l’arène

7Les sources littéraires sont très avares de renseignements sur la capture, le transport et le commerce des bêtes destinées aux arènes ; nous pouvons reconstruire à grandes lignes, à partir de quelques mosaïques et peintures23, ainsi que de sarcophages24, la dynamique de la capture des grands félins et d’autres animaux et leur transport ; ainsi, par ex., François Bertrandy a pu esquisser une typologie des cages pour la capture et le transport des bêtes (Bertrandy 1987)25. Toutefois plusieurs aspects de ces opérations demeurent inconnus. Michael MacKinnon a publié une étude importante sur l’approvisionnement de bêtes exotiques pour les jeux de l’amphithéâtre (MacKinnon 2006) ; il se fondait sur les sources anciennes disponibles, qu’il compare avec les données archéologiques et ethnographiques, essentiellement les modes de capture, de transport et de gestion en usage aux xix^e et xx^e siècles. Il s’agit d’une approche originale qui lui a permis d’aboutir à un certain nombre de conclusions. La capture était effectuée par des chasseurs professionnels, parfois dans le cadre de la perception de tributs en nature de la part des provinces, avec la collaboration des militaires y compris pour le transport ; des populations indigènes y auraient participé, peut-être forcées, sans être mentionnées par les sources qui ne s’intéressaient qu’aux élites. Quant aux animaux plus dangereux, c’était peut-être aux populations nomades qui habitaient à la périphérie des provinces de s’en occuper. La raison d’être de ces groupes de chasseurs et marchands professionnels (réunis selon lui dans les soi-disant « sodalitates26 ») était probablement administrative : ils avaient la fonction de coordonner la capture et le transport, plutôt que de chasser. M. MacKinnon insiste en outre sur le grand nombre de bêtes qui périssaient au cours des battues, pendant le voyage vers les ports, dans les bateaux, à l’arrivée ; il pose également la question du destin des animaux tués au cours des uenationes et finalement voit dans l’augmentation de jeux non mortels l’origine du cirque moderne.

8La question de la participation de l’armée à la capture reste ouverte27 ; il faut néanmoins souligner que le rôle des militaires dans ce domaine en Afrique fut limité. Reste en outre à établir l’emplacement des uiuaria, où les bêtes étaient gardées jusqu’à leur transport vers l’arène, pour lesquels nous disposons de quelques sources épigraphiques28. Nous ignorons en outre presque tout de l’élevage en captivité de petits des grands félins arrachés à leurs mères, dont nous pouvons observer la capture sur plusieurs mosaïques et dont parlent les sources (Aymard 1951, 435-442). Contrairement aux bêtes élevées en captivité, celles qui avaient été capturées adultes, en passant du milieu sombre et fermé des souterrains à l’étendue, à la lumière et aux bruits de l’arène, cherchaient l’ombre le long du podium et ne bougeaient pas, se faisant facilement tuer (Bomgardner 2009, 168).

Les bêtes, protagonistes presque absolues sur les arènes africaines, et leurs « agents »

9Plusieurs raisons expliquent que les spectacles se déroulant dans les amphithéâtres africains furent constitués essentiellement par les uenationes, comme le montrent le faible nombre d’attestations de combats de gladiateurs (munera), d’un côté, et l’abondance de représentations d’animaux dans le contexte de l’amphithéâtre de l’autre29 ; les causes de ce phénomène sont nombreuses. En premier lieu les prix des bêtes, qui devaient être sensiblement plus bas qu’ailleurs : outre le coût brut du transport, comprenant la nourriture, la mortalité due aux conditions très dures des voyages par mer, des embarquements et débarquements ainsi que du séjour dans les uiuaria, en raison des problèmes liés à l’acclimatation, était vraisemblablement très haute30. Un argumentum ex silentio, significatif dans le cadre de provinces très « loquaces » d’un point de vue épigraphique, est l’absence de toute mention d’école de gladiateurs (ludi), à quoi s’ajoute le fait que la plupart des combats de gladiateurs en Afrique furent offerts par des magistrats qui devaient probablement bénéficier de la possibilité de faire venir des gladiateurs de Rome ou d’ailleurs. D’autres indices sont la locution munus gladiatorum, ou gladiatorium, que nous trouvons employée dans ces provinces31 et qui est de fait un pléonasme, le mot munus se référant au combat de gladiateurs, ou encore le fait d’appeler munus une uenatio, comme c’est le cas dans l’inscription de Magerius32. Il faut finalement rappeler le grand nombre d’amphithéâtres des provinces africaines et le développement de leurs carceres (Bomgardner 1992, 163).

10La réalisation des uenationes était souvent assurée par des sortes de sociétés ou agences, dont la fonction était probablement semblable à celle des factiones du cirque, à savoir celle de fournir à l’éditeur le spectacle clefs en main33. Le terme sodalitates, bien qu’employé pour indiquer ces groupes, n’est pas attesté dans les sources les concernant. Leurs activités étaient nombreuses et diverses, mais aucune source écrite ne nous est parvenue qui les fasse connaître. Elles auraient participé, d’après M. MacKinnon, à la capture et au transport des bêtes34 : il est certain qu’elles en étaient les propriétaires, comme l’indique le fait que parfois le symbole de l’une ou de l’autre était tatoué sur les cuisses des animaux, mais elles l’étaient aussi sur celles des uenatores35. Comme la plupart des associations, elles se chargeaient des funérailles de leurs membres mais leurs intérêts ne se limitaient pas au domaine des spectacles36. La marque des Telegenii (croissant sur hampe entre deux barres et feuilles de lierre) est figurée sur un bouchon d’amphore découvert à Thaenae et sur le col d’un conteneur du même type d’Ostie, signalés par A. Beschaouch (1977, 498-500) : il est donc fort probable que le commerce de denrées alimentaires37 fut une des activités de ces sociétés. La présence de leurs insignes sur des mosaïques décorant des maisons, ainsi que sur des édifices thermaux (Thébert 1991), pose la question de la propriété de ces constructions et d’intérêts éventuels dans le domaine immobilier. Monique Dondin-Payre a publié récemment un album de photographies des découvertes faites à Tébessa par François-Maurice Allotte de la Fuÿe, commandant du Génie à la fin du xix^e siècle, conservé à la Bibliothèque de l’Institut de France (Dondin-Payre 2010)38. Parmi les images qui se réfèrent aux grands Thermes du Quartier de la Cavalerie, deux clichés de la salle « de Marcellus » montrent des détails importants de la mosaïque « des jeux » qui n’étaient pas visibles sur les photographies ni sur les dessins jusqu’ici connus39. La salle, qui était dans le secteur froid de l’ensemble thermal, se terminait par une abside. Son décor est constitué d’un quadrillage de guirlandes déterminant des carrés contenant chacun un animal accompagné d’un chiffre qui renvoie probablement au nombre de bêtes de l’espèce représentée tuées au cours d’une uenatio ; près de l’autruche figure le mot curi[s]. Ce damier est encadré à gauche par de riches corniches. Remanié à plusieurs reprises et présentant des lacunes importantes40, un panneau figuré le jouxte du côté de l’abside, délimité par une bordure de demi-cercles et de lotus ; les scènes s’y développent sur trois registres. Celle qui en occupe la partie basse représente la remise d’un prix (un sac avec le nombre XII[V] et la branche de palmier41) à un athlète dont le nom – Mar[cell]/us – est indiqué, par un personnage en dalmatica ; les restes d’un croissant sur hampe entre deux barres sont visibles à l’extrême gauche. Une partie d’un cheval, un mulet et un taureau sont conservés dans le registre central : au-dessus de chacun de ces animaux on lit curis XI. Dans la partie haute est représenté un bateau chargé d’amphores, sur un fond marin peuplé de dauphins et d’autres animaux à droite, tandis qu’un second personnage en dalmatica occupe l’extrémité gauche du panneau : les deux mots de l’inscription Fortuna redux sont disposés des deux côtés du mât. Les nouveautés apportées par les clichés d’Allotte de la Fuÿe sont la présence, à gauche de la corniche encadrant les panneaux quadrangulaires, de l’insigne des Telegenii et d’une branche de millet près de l’angle inférieur droit du panneau figuré. Le lien avec les « sodalitates » de l’amphithéâtre est donc clair, comme semble le confirmer le bateau chargé d’amphores, dont Fortuna redux pourrait bien être le nom42.

11Quelques traces probables des activités de ces sociétés sont connues également en Sicile et en Sardaigne. La mosaïque décorant un pavement du complexe de San Cromazio à Villaspeciosa, un habitat de dimensions modestes situé à quelque 20 km au nord de Cagliari, présente des motifs qui nous ramènent à ces « agences-sociétés », comme l’avait déjà remarqué Attilio Mastino (2004, 29). Les fouilles effectuées à partir de 197443 ont intéressé un ensemble thermal, des constructions séparées par des ruelles et une nécropole44. L’ensemble des constructions a été interprété comme une mansio, édifiée à l’époque augustéenne ou julio-claudienne, dont l’activité aurait cessé vers la fin du iii^e siècle apr. J.-C. Une grande salle, qui aurait été transformée en église avant la fin du siècle suivant, est décorée de mosaïques (fig. 1) qui présentent plusieurs phases, les plus anciennes remontant à la fin du iv^e – début du v^e siècle. Celle qui nous intéresse ici est la plus tardive, datée de la fin du v^e – début du vi^e siècle, et consiste en quatre panneaux à fond blanc occupant les angles d’un secteur rectangulaire entouré sur trois côtés par des tapis polychromes plus anciens45. Ces panneaux sont délimités seulement sur deux côtés par la grande corniche, les deux autres n’étant pas marqués ; leur décor est constitué par une grande feuille de lierre (angles NO et SE) et par une grande tige de millet (angles NE et SO). Le millet, le lierre et le kantharos ont été mis en rapport avec l’église présumée46. La cœxistence de ces deux motifs (lierre et millet), qui sont tous les deux liés au milieu des « sociétés » qui géraient les uenationes, pose problème – l’un ou l’autre ayant pu n’être que le choix d’un motif décoratif parmi tant d’autres – et remet en question l’interprétation de l’édifice, d’autant plus que le millet constitue jusqu’ici un unicum sur les mosaïques de l’île.

Fig. 1. Villaspeciosa, San Cromazio, mosaïque de la grande salle (cliché Cagliari, Soprintendenza archeologica).

12Quant à la Sicile, deux mosaïques de Piazza Armerina semblent avoir un lien avec les symboles des « sodalités » de l’amphithéâtre. La première, dont le rapport avec un calidarium des thermes (ambiente 8) où elle se trouve aujourd’hui n’est pas assuré (Carandini et al. 1982, 371), est fragmentaire : sur un fond blanc, deux enfants sont séparés par une feuille de lierre. Celui de droite, dont sont conservés le bras droit et la plus grande partie de la tunique, est tourné vers la droite. De l’autre ne reste que la partie supérieure du corps, notamment le bras droit, le gauche étant presque entièrement détruit. Il est tourné de ¾ à gauche, sa main droite touche une sorte de tableau carré, avec un cadre dont ne reste qu’une partie correspondant grosso modo à la moitié supérieure droite. On y voit clairement deux feuilles de lierre et, plus bas, le reste d’un objet de forme ovoïdale (ibid. et pl. LXIV, n. 161-163). Que ce lierre puisse avoir un quelconque rapport avec les « sodalitates » n’est qu’une hypothèse difficile à démontrer ; cette mosaïque méritait néanmoins d’être signalée. Le lien de l’autre pavement avec le milieu de l’amphithéâtre, en revanche, est certain et a déjà été signalé47 : nous nous trouvons sur le côté oriental du grand péristyle, au pied de l’escalier ; là, une partie du pavement original a fait l’objet d’une réfection : un tapis géométrique48 de la largeur de l’escalier est encadré par une tresse à deux brins sur fond noir, deux panneaux le flanquent sur les petits côtés. Au sud est représenté un kantharos d’où sortent deux branches de millet ondulées qui se disposent de chaque côté du vase ; sur le fond, en haut à gauche, on lit une inscription (Bonifatius) dans un cartouche et les chiffres II et III ; sur la droite, les chiffres III et IIII (ce dernier répété deux fois). Les chiffres ont été mis en rapport avec les « sodalitates » de l’amphithéâtre et le nom49 avec les acclamations des uenatores50. Le panneau correspondant, au nord du tapis géométrique, est décoré par un autre kantharos plus petit, dont les anses en S ont des barres d’où partent deux tiges ondulées portant des feuilles de lierre et des pampres. Au final il faut rappeler que dans le décor original du portique (deux rangs de carrés contenant des couronnes de laurier encadrant un protomé d’animal, pour la plupart les mêmes que ceux employés d’habitude dans les uenationes : ours, taureaux, gazelles…), les espaces réservés entre les cercles et les carrés sont occupés par un oiseau et une feuille de lierre qui alternent aussi bien dans chaque carré que dans les carrés mitoyens51.