Isturitz, grotte
Isturitz et Saint-Martin-d’Arberoue, Pyrénées-Atlantiques
p. 170-175
Texte intégral
Le site
1La grotte d’Isturitz fait partie des cavités de la colline de Gaztelu (communes d’Isturitz et de Saint-Martin-d’Arberoue, Pyrénées-Atlantiques), site majeur pour la Préhistoire européenne. Orientée nord-ouest-sud-est, elle consistait à l’origine en une très vaste galerie, de plus de 120 m de long sur une largeur atteignant par endroits 50 m, ouverte à ses deux extrémités dont l’une par un grand porche (de près de 20 m de large et 10 m de hauteur), au début du Paléolithique moyen.
2Aux deux salles principales – la salle de Saint-Martin (ou salle sud) et la Grande Salle ou salle d’Isturitz (ou salle Nord) – s’ajoutent deux salles « annexes » – la salle des Rhinolophes et celle des Phosphates – et diverses petites galeries adjacentes reliant les différents secteurs (fig. 1).
3Les recherches archéologiques menées de 1912 à 1922 par É. Passemard (Passemard 1944), et poursuivies par R. et S. de Saint-Périer jusqu’en 1959 (Saint-Périer 1930, 1936, 1952), ont permis d’identifier les principales périodes d’occupation, du Paléolithique moyen à récent, différentes selon les salles. Ces données ont été enrichies par les opérations conduites ensuite : diagnostic entre 1996 et 1998 (Normand & Turq 2007), fouille en 1999 (Barandiarán Maestu 1999) et, de 2000 à 2010 (Normand, 2005-2006), et depuis 2011, reprise de l’étude de l’art pariétal et mobilier (Gárate et al. 2013, 2016).
4Les plus anciennes occupations reconnues sont datées du Moustérien, attribuables à un Moustérien de faciès vasconien pour le plus récent (Deschamps 2008). Si le Châtelperronien* parfois signalé est en fait un mélange de plusieurs industries (Bachellerie & Normand 2010), l’Aurignacien* est, en revanche, bien présent sur une superficie de près de 1 500 m2. Il témoigne d’intenses fréquentations du Protoaurignacien à l’Aurignacien ancien (entre 43 000 à 40 000 cal BP et 41 000 à 38 000 cal BP ; Barshay-Szmidt et al. 2018) et d’activités multiples, notamment dans la salle Saint-Martin (Normand 2005-2006). Les occupations attribuables au Gravettien* (à burins de Noailles) sont également particulièrement denses (Goutas 2004, Simonnet 2009) tandis que celles du Solutréen (ancien et supérieur) ne semblent avoir eu lieu que de façon sporadique. La grotte a de nouveau été un important lieu de vie au Magdalénien, entre 18 400 et 15 200 cal BP pour la salle d’Isturitz et vers 17 000 cal BP pour la salle Saint-Martin, renfermant le seul Magdalénien « classique » pyrénéen (Pétillon et al. 2009, Langlais 2010). La séquence s’achève sur des séries assez pauvres attribuées au Magdalénien final et à l’Azilien ancien (Langlais 2010).
L’art préhistorique d’Isturitz
5L’art pariétal de la grotte d’Isturitz est réellement modeste en regard des amples dimensions de la cavité. Des entités graphiques (n = 22) ont été répertoriées, peintes en rouge, comprenant des taches, points et lignes sans aucune image zoomorphe, et des entités graphiques gravées (n = 14), majoritairement des animaux.
6Les peintures rouges se concentrent dans la salle Saint-Martin dans un des deux petits diverticules à droite de l’entrée où se concentrent aussi les objets fichés dans les parois. Il en est de même dans la salle des Phosphates. Dans la salle Sépulcrale, une série de barres et une tache rouge accompagnent également des objets fichés en paroi (Gárate et al. 2013).
7Le Pilier gravé se compose de 18 motifs (Gárate et al. 2016) confirmant les observations d’É. Passemard et augmentant l’inventaire établi par G. Laplace et I. Barandiarán. Il s’agit de 2 rennes, 2 cervidés, 2 bovidés, 2 oiseaux, 1 cheval, 1 glouton, 1 poisson, 1 signe, 3 animaux indéterminés et 3 ensembles de traits. Du point de vue technologique, le secteur gauche du panneau est beaucoup plus élaboré et mieux conservé. Le reste des figures gravées semble inachevé ou du moins a été réalisé avec moins de détails.
8En ce qui concerne l’art mobilier, l’ensemble des objets ornés concernant les différents niveaux et les deux salles fouillées par É. Passemard et R. et S. Saint-Périer atteint le millier de pièces. Il s’agit d’une des collections les plus complètes et les plus abondantes d’art mobilier du Paléolithique européen dont l’inventaire détaillé reste à faire. Ces objets proviennent essentiellement des niveaux gravettien et magdalénien sur tous supports : lithiques, avec plus de 500 fragments de statuettes (Croidieu 2012), ou osseux, dont certains exceptionnels sur os de cétacés (Pétillon 2013, Rivero 2015), ou sur stéatite ou ambre (Saint-Périer 1930, 1936). Du Gravettien, on retiendra les plaquettes ornées de mammouths ou de bisons (Rivero & Gárate 2014) ; du Magdalénien moyen, ce sera le lissoir, connu comme « la poursuite amoureuse », le contour découpé* de bison sur os de cétacé ou la série de contours découpés de tête de cheval sur os hyoïde (Saint-Périer 1930, 1936).
Les représentations de bouquetins d’Isturitz
9Les représentations de bouquetins d’Isturitz sont au nombre de cinq ; toutes figurées sur des éléments d’industrie osseuse (lissoirs ou objets de parure) du Magdalénien moyen. Il s’agit uniquement de têtes ou de protomés. Techniquement, elles sont caractéristiques de cette période : gravures profondes en « V », ou en « V » dissymétrique, pour le contour, plus fines pour les organes sensoriels et les détails du pelage. Formellement, ce sont des têtes très élaborées avec de nombreux détails anatomiques internes (oreille, œil, naseau, bouche). Les nodosités des cornes sont également figurées et de nombreux détails du pelage apparaissent sous forme de lignes de hachures, une caractéristique des représentations du Magdalénien moyen pyrénéen, que l’on retrouve également sur des figurations de chevaux ou de bisons. Les caractéristiques formelles rapprochent ces bouquetins de ceux du Mas-d’Azil ou d’Enlène.
Le bouquetin emblématique d’Isturitz
10Appartenant au niveau II (Saint-Périer) de la Grande Salle, ce bouquetin est le plus détaillé d’Isturitz (fig. 2). Il a été représenté sur une côte polie, probablement utilisée comme lissoir. De genre indéterminé, il est orienté vers la gauche. Il possède deux cornes sans anneaux, deux oreilles, l’œil, le naseau, la bouche ouverte et la langue. On note la présence de nombreux détourages, linéaires pour l’œil et le naseau, sous forme de hachures pour la ligne du front et le maxillaire. La figure est malheureusement couverte d’une pâte rouge récente qui remplit les traits gravés.
11Cette tête est accompagnée d’une autre, de chamois, en vue de face, ainsi que d’un rang de chevrons latéral.
Inventaire
Isturitz 1
autrice : O.R.V.
art mobilier
Culture : Magdalénien moyen
Identifiant : MAN 84 765
Localisation : Grande Salle, niveau II, coll. Saint-Périer
Support : Os (côte)
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : L. 30 mm x h. 20 mm
Dimensions (support) : L. 89,2 mm x l. 22,6 mm x e. 3,2 mm (support)
Bouquetin représenté : Partiel, protomé
Profil ou vue : Profil droit
Genre : Mâle
Description cornes : Une corne, longue, avec anneaux, simple courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Isolé
Description : Tête de bouquetin vue de profil, avec la corne annelée ; l’oreille ; la ligne du front ; le museau avec le naseau et la bouche ; l’œil juste esquissé et la barbiche. Au lieu d’un trait de contour, des séries de traits figurent la ganache, le début de la ligne du cou et la ligne cervicale.
Saint-Périer 1936, Rivero 2010
Isturitz 2
autrice : O.R.V.
art mobilier
Culture : Magdalénien moyen
Identifiant : MAN 86 717
Localisation : Grande Salle, niveau II, coll. Saint-Périer
Support : Os (côte), lissoir
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : h. 21 mm x l. 12,8 mm
Dimensions (support) : L. 208,70 mm x l. 17 mm x e. 4,90 mm
Bouquetin représenté : Segment, tête
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, courtes, avec anneaux, simple courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Ce bouquetin est associé à deux motifs non figuratifs, à une série de sept chevrons emboîtés et à un signe barbelé formé par quatre chevrons sur un axe vertical.
Description : Tête de bouquetin qui présente deux cornes, une oreille, un œil et, sur la face, des traits figurant le pelage. Trois traits devant la bouche pourraient indiquer le souffle.
Saint-Périer 1936, Rivero 2010
Isturitz 3
autrice : O.R.V.
art mobilier
Culture : Magdalénien moyen
Identifiant : MAN 86 719
Localisation : Grande Salle, niveau II, coll. Saint-Périer
Support : Os (côte), lissoir
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : h. 67 mm x l. 16,5 mm
Dimensions (support) : L. 139,1 mm x l. 18,7 mm x e. 6,8 mm
Bouquetin représenté : Segment, tête
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, longues, sans anneaux, double courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Ce bouquetin est associé à une représentation de chamois vu de face et à un rang de chevrons.
Description : Tête de bouquetin très détaillée. Sont figurés : les deux cornes, les deux oreilles, avec le conduit auditif indiqué sur l’une d’elles, l’œil et le naseau, marqués par un détourage linéaire, la bouche ouverte et la langue. La figure est complétée par des séries de hachures figurant le pelage.
Saint-Périer 1936, Rivero 2010
Isturitz 4
autrice : O.R.V.
art mobilier
Culture : Magdalénien moyen
Identifiant : MAN 84761
Localisation : Grande Salle, niveau II, col. Saint-Périer
Support : Os (scapula), rondelle*
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : h. 33,3 mm x l. 8,3 mm
Dimensions (support) : L. 50 mm x l. 35 mm x e. 2 mm
Bouquetin représenté : Segment, encornure
Profil ou vue : Profil droit
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, longues, avec anneaux, simple courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Ce bouquetin est associé à des traits linéaires.
Description : Ces deux cornes de bouquetin ont été figurées avec beaucoup de soin, tant du point de vue technique, avec des gravures en « V » dissymétrique pour obtenir un relief différentiel, que du point de vue formel, avec une figuration des anneaux de croissance par de petites entailles obliques qui forment presque un rang de chevrons. Une des cornes est incomplète.
Saint-Périer 1936
Isturitz 5
autrice : O.R.V.
art mobilier
Culture : Magdalénien moyen
Identifiant : MAN 84 675
Localisation : Salle Saint-Martin, niveau S.1, coll. Saint-Périer.
Support : Os (côte ?), contour découpé atypique, à double perforation
Technique : Gravure, sculpture
Dimensions (figure) : h. 36,6 mm x l. 50 mm
Dimensions (support) : L. 50 mm x l. 36,6 mm x e. 8 mm
Bouquetin représenté : Partiel, protomé
Profil ou vue : Profils gauche et droit
Genre : Mâle
Description cornes : Deux cornes, longues, avec anneaux, simple courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Isolé
Description : Sur ce protomé de bouquetin, le relief du support est utilisé pour figurer la ligne du front et le bord supérieur des cornes. L’une d’elles est annelée. Un œil, avec un détourage linéaire, le naseau, la bouche, ainsi que des traits de pelage dans le maxillaire sont représentés. La longueur des cornes et la présence d’une barbiche attestent qu’il s’agit d’un mâle. Les deux faces de l’objet sont gravées, mais la face inférieure est moins complète – avec seulement deux cornes et deux rangs de hachures.
Saint-Périer 1930
Bibliographie
Saint-Périer 1930, 1936, Passemard 1944, Saint-Périer & Saint-Périer 1952, Barandiarán Maestu 1999, Goutas 2004, Normand 2005-2006, Normand & Turq 2007, Deschamps 2008, Pétillon et al. 2009, Simonnet 2009, Bachellerie & Normand 2010, Langlais 2010, Croidieu 2012, Gárate et al. 2013, Pétillon 2013, Rivero 2015, Gárate et al. 2016, Barshay-Szmidt et al. 2018.
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Fonctions, utilisations et représentations de l’espace dans les sépultures monumentales du Néolithique européen
Guillaume Robin, André D'Anna, Aurore Schmitt et al. (dir.)
2016
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