1Le petit village de Giannoudi, qui se trouve à 6,5 km au sud de Réthymnon, s’élève à 118 m d’altitude et comptait 96 habitants en 2013². Sa première mention dans les sources écrites remonte à 1583, dans le recensement vénitien du notaire Pietro Castrofilaca. Cette date, si tardive soit-elle, reste tout de même antérieure au siège de Réthymnon par l’armée ottomane en novembre 1646. Dans le territoire de Réthymnon, l’un des quatre issus de la division administrative vénitienne de l’île au xiv^e siècle, on ignore si ce lieu relevait directement de la cité portuaire elle-même, ou de l’une des subdivisions en castelli ou en casali.

2Installée à flanc de colline, et en bordure septentrionale de cette localité, la maison-tour se situe à 16,83 m de distance de l’église élevée au sud-est. Le bâtiment présente un plan rectangulaire de 6,20 m de longueur sur 4,30 m de largeur en œuvre, et orienté est-ouest (fig. 1).

Fig. 1 : Maison-tour : Plans des différents niveaux

3Aujourd’hui, la façade méridionale comporte encore une trace de la naissance d’un voûtement en berceau parallèle à la maison-tour, qui rattachait celle-ci à un autre bâtiment en ruine, arasé au niveau du plancher du premier étage. Ces vestiges ne sont espacés de la maison-tour que de la largeur d’une rue, à savoir environ 7,40 m. L’installation tardive d’une porte au-dessus de la voute dans la moitié est du mur sud confirme la distribution horizontale en lien avec un corps de bâtiment attenant. L’édifice étudié faisait donc partie, dans son dernier état de fonctionnement, d’un ensemble bâti plus vaste, aggloméré au tissu urbain, et dont on conserve encore d’autres vestiges du côté est, à proximité de la tour. En revanche et en l’absence de toute recherche archéologique, on ne relève en l’état actuel aucune liaison avec une enceinte susceptible de répondre à un système défensif plus large.

La morphologie : un modèle vénitien ?

4La maison-tour atteint aujourd’hui 8,50 m de hauteur maximale extérieure, 7,10 m à l’intérieur, et a été observée sur les trois niveaux encore visibles (fig. 2).

Fig. 2 : Vue générale de la maison-tour depuis le sud-ouest

5Il convient cependant d’évoquer l’existence possible d’un quatrième niveau enterré³.

6En façade, on retrouve un cordon horizontal taillé en biseau sur chacun des angles de l’édifice, comme souvent sur les « pyrgoi » de cette période en Crète⁴, mais on ignore s’il est destiné à signaler le sol intérieur du rez-de-chaussée. Compte tenu d’un exhaussement des sols dans l’environnement immédiat de la tour, ce cordon se trouve aujourd’hui à 0,40 m au-dessus du sol actuel lui-même situé à 113 m d’altitude, à l’angle sud-ouest de la tour. L’élévation extérieure se développe sur deux niveaux au-dessus du cordon, portant chacun deux à trois ouvertures par façade, mises en place à des périodes différentes. Les percements de baies, nous le verrons plus loin, indiquent un traitement de la tour en façade nord, tourné vers le littoral égéen. Au-dessous du cordon, le niveau inférieur ne semble pas avoir été bâti en fruit. La façade occidentale présente, en outre, le conduit de la cheminée du dernier étage, en saillie sur le parement du mur. Au sommet de l’édifice, des consoles sont conservées sur l’angle nord-est, derniers vestiges témoignant de la présence d’une tourelle d’angle.

7À l’intérieur, en matière de distribution, aucune trace de cloisonnement interne n’a pu être repérée. Les planchers sur solives ont disparu mais certains éléments restent fichés dans les élévations. Ainsi le rez-de-chaussée actuel est observable sur 1,80 m de hauteur partielle, le premier étage sur 2,30 m de hauteur totale et le deuxième sur 2,70 m. Le plafond de ce dernier niveau est constitué d’une dalle de béton armé très récente. Cinq poutres de rives en bois demeurent conservées dans les murs : deux sur chaque petit côté de la tour, à savoir à l’est et à l’ouest, entre le premier et le deuxième étage et au sommet du deuxième étage, ainsi qu’une autre incluse dans le mur nord, entre le premier et le deuxième étage. La section observée de ces poutres avoisine les 0,12 m² minimum. Les négatifs de solives ayant fait l’objet de rebouchages tardifs, rien ne permet d’en déterminer précisément la section ni l’entraxe.

8L’accès à la maison-tour se faisait par une porte surélevée, implantée au centre de la façade ouest, à 0,55 m au-dessous du plancher disparu du premier étage, et dont le seuil se situe actuellement à 2,50 m de hauteur par rapport au sol extérieur. Aujourd’hui comme hier, la porte ne peut être desservie que par une échelle. À l’intérieur et au rez-de-chaussée, le sol actuel correspond à un comblement incliné et irrégulier placé entre 0,20 et 0,45 m au-dessus du sol extérieur. Cet étage se développe sur une surface d’environ 12,60 m², pour 15,25 m² dans les étages supérieurs, en raison d’une épaisseur plus importante des murs qui assurent la fondation de tout l’édifice (environ 0,75 m en partie basse, pour 0,55 m dans les étages). Cette différence qui implique la présence du ressaut de 0,15 à 0,30 m de largeur entre rez-de-chaussée et premier étage, explique logiquement l’absence de poutre de rives pour le plancher intermédiaire.

Matériaux et mise en œuvre

9À l’intérieur comme à l’extérieur, la maison-tour ne révèle pas une grande qualité de construction et son aspect reste sobre. L’emploi du calcaire de moyen appareil se limite aux éléments nécessitant une taille précise, comprenant : les chaînes d’angle, les cordons, les consoles, les encadrements de baies (piédroits, appuis et couvrements), l’intégralité de la cheminée partiellement moulurée. Le calcaire coquillier tendre de couleur jaunâtre prononcé et issu du substrat local, reste majoritaire avec une utilisation ponctuelle de calcaire blanc dur. On rencontre de manière occasionnelle du tuf ainsi que du calcaire gréseux. Quelques blocs de grand appareil et/ou des dalles entrent dans la construction des chaînes d’angle où l’on observe quelques réemplois.

10En façade ouest, trois courtes poutrelles de bois horizontales assurent la décharge du mur au-dessus des fenêtres du dernier étage, ainsi que celle de la cheminée installée au-dessus de la porte d’entrée. Sur les façades extérieures, la mise en œuvre se résume à une maçonnerie irrégulière, non assisée, mêlant des modules non calibrés, constitués de cailloux, moellons, voire lauzes, utilisés de manière désordonnée. Les pierres sont souvent employées brutes ou retouchées, éventuellement dressées. Les longues dalles de calcaire tendre ou plus souvent dur, sont réservées aux chaînes, seuls éléments structurants horizontaux. Le liant, observé au rez-de-chaussée en parement extérieur, correspond à un limon jaune ocre assez clair. Des réparations ont cependant été effectuées au mortier sablo-limoneux jaune beige, comportant des nodules de chaux et des gravillons roulés. Les façades extérieures sont revêtues d’un enduit sableux de couleur orangé, à base de chaux et micro-gravillons millimétriques de section angulaire. Si l’érosion laisse aujourd’hui entrevoir la mise en œuvre sous-jacente, seuls les encadrements de baies devaient autrefois se détacher d’un parement uniforme dont on conserve sans doute un aspect proche sur la façade est.

11À l’intérieur de la maison-tour, la totalité des murs porte encore les vestiges de différentes couches d’enduit de chaux peint, soit en blanc soit en jaune ocre. La plus grande surface enduite et la mieux conservée habille le mur oriental.

Un caractère défensif affirmé

12Outre sa morphologie proprement dite, l’édifice présente encore aujourd’hui un certain nombre d’aménagements caractéristiques d’une vocation militaire. Dans le cadre d’une défense passive, se trouve le rez-de-chaussée aveugle vraisemblablement dans son premier état, associé à la porte surélevée et étroite, installée en limite supérieure de ce niveau. Implantée au centre de la façade ouest, la porte s’ouvre à 2,50 m du sol extérieur actuel (fig. 3).

Fig. 3 : Maison-tour : Mur ouest extérieur et coupe transversale intérieure

13De dimensions modestes, elle mesure 1,51 m de hauteur sur six assises, et présente un encadrement mêlant du calcaire ocre jaune taillé et quelques éléments de tuf, en moellons de moyen appareil lié au mortier sableux jaunâtre. Elle s’ouvre sur 0,62 m de largeur en façade pour un tableau intérieur légèrement ébrasé, atteignant 0,87 m. Le couvrement est en arc plein cintre en façade et en arc segmentaire à l’intérieur ; un profil en biseau sur l’arête extérieure de l’encadrement constitue le seul élément d’ornementation. Les traces d’encastrement de ferrures et orifices de loquets conservés indiquent une porte ouvrant à gauche.

14En matière de défense active, la maison-tour présente encore neuf archères à fenêtre de tir rectangulaire, parmi lesquelles quatre sont encore ouvertes sur les deux niveaux supérieurs de la façade est qui ne comporte pas d’autre forme d’ouverture. Ce flanc oriental conserve donc son caractère et sa fonction militaire intacts. Les cinq autres archères sont réparties deux par deux au premier étage sur les façades sud et nord, et une dernière subsiste sur la façade occidentale. À l’intérieur de la tour, l’ensemble des surfaces des appuis de fenêtres de tir du mur oriental se situe environ à 0,90 m de hauteur du plancher en bois disparu, et les bases des linteaux à 1,50 m ; autrement dit, tous les encadrements intérieurs des fenêtres coïncident, en hauteur d’ouverture et en hauteur d’installation. Sur les autres façades, les appuis se situent entre 1 et 1,10 m du sol et les linteaux entre 1,40 et 1,55 m.

15Les embrasures de plan triangulaire proposent une ouverture comprise entre 0,45 m minimum et 0,70 m de hauteur maximum, mais la moyenne se situe entre 0,50 et 0,60 m. La largeur la plus répandue est entre 0,40 et 0,50 m. En façade, la hauteur des fentes est contenue entre les mêmes dimensions, la largeur la plus courante est 5 cm, et atteint exceptionnellement 7 à 8 cm. En l’absence de relevé précis les mesures d’angles restent aléatoires. Il s’agit donc de petites fenêtres et la hauteur de leur implantation par rapport aux planchers favorisent l’hypothèse d’un tireur à genou⁵. En contexte ottoman, l’absence de système d’élargissement des fentes plaide en faveur de l’utilisation d’arcs plutôt que d’armes à feu, les premiers étant traditionnellement de petite taille par rapport aux arcs occidentaux, tandis que les canons des armes à feu comportent un diamètre plus élevé.

16Le matériau entrant dans la construction de ces fenêtres est en calcaire tendre ou dur. L’emploi du calcaire dur n’étant pas réservé aux seuls linteaux et allèges. De manière générale, la construction recoure à des modules de moellons et cailloux équarris ou dressés. Autour des fentes extérieures, l’utilisation de pierres monolithes pour les linteaux et les allèges n’est pas systématique, de même que celle des moellons posés de chant pour les piédroits. Les mêmes remarques valent pour les embrasures à l’intérieur des pièces, sachant que seulement trois encadrements de fenêtres dépourvus de revêtement enduit sont observables (façades sud et nord). Si toutes présentent un linteau monolithe, ce n’est pas systématiquement le cas des allèges. Deux d’entre elles (façades sud et nord), sont couvertes d’une voussure en escalier assemblée de manière fruste. Les fenêtres de tirs peuvent être regroupées en trois catégories : des fenêtres à tir horizontal (tendu), sans plongée (flancs sud et est de la tour), des fenêtres plongeantes à tir convergent qui flanquent généralement une autre baie centrale (flancs nord et ouest), des fenêtres plongeantes à tir divergent (flanc est).

17Sur la façade sud, deux fenêtres de tir sont installées sur les 2/3 ouest du mur du premier étage (fig. 4).

Fig. 4 : Maison-tour : élévation extérieure mur sud et coupe longitudinale intérieure

18Dans le tiers restant se trouve une porte très fruste aménagée postérieurement, qui a sans doute fait disparaître une troisième fenêtre que l’on peut restituer sans risque. La fenêtre centrale et la fenêtre ouest sont espacées d’1,40 m ; la fenêtre occidentale s’ouvre à moins de 0,40 m de distance de l’angle sud-ouest de la pièce. L’embrasure intérieure de la fenêtre ouest possède un appui ou allège constituée d’un moellon de calcaire blanc dur, une pierre de linteau de même nature. Le couvrement agencé de manière peu soignée, s’apparente à une voussure plate en escalier. La fenêtre centrale voisine à l’est, est revêtue d’enduit, et l’on ne distingue que le parement de l’allège fait de cailloux calcaires utilisés bruts ou à peine retouchés. Le couvrement est semblable à la première. Les deux fentes situées dans l’axe de l’embrasure, privilégient un tir tendu à l’horizontale.

19La seule fenêtre conservée sur la façade occidentale relève vraisemblablement d’un système de flanquement de la porte surélevée du premier étage. Aujourd’hui obturée, la fenêtre sud est installée à 3,85 m de hauteur par rapport au sol extérieur actuel, son appui est aligné horizontalement au sommier de l’arc plein cintre de la porte, dont il n’est distant que de 0,70 m. La présence de l’enduit de surface à l’intérieur de la pièce ne permet pas l’observation complète de l’embrasure de la fenêtre, si bien que l’on ne peut préciser ni sa morphologie, ni son angle de tir. On restitue logiquement une seconde fenêtre au nord, non observable en l’état actuel sur aucun des deux parements de mur.

20Les fenêtres de tir de la façade nord répondent sans doute à un schéma identique où elles sont associées à une petite fenêtre rectangulaire centrale, la seule à éclairer le premier étage de la maison-tour (fig. 5a à c).

Fig. 5a : Maison-tour : élévation intérieure nord et coupe longitudinale

Fig. 5b : Façade nord, vue extérieure des deux derniers étages

Fig. 5c : Façade nord, vue intérieure des deux derniers étages

21Accostant de part et d’autre à égale distance de cette petite baie, elles possèdent un angle de tir convergent vers le centre de la façade et sont plongeantes. La base de la fente de la fenêtre occidentale comporte un étrier peu prononcé, c’est le seul exemplaire reconnu sur la tour.

22Quatre archères animent la façade est de l’édifice, sans autre baie, contrairement aux trois autres façades, dans lesquelles sont ouvertes de véritables fenêtres. C’est sur ce flanc oriental que se concentre l’effort principal de défense, avec deux archères plongeantes à tir divergent au premier étage et deux autres dont une inclinée, à tir axé en direction de l’angle sud de la façade (fig. 6).

Fig. 6 : Maison-tour : élévation extérieure mur est et coupe transversale intérieure

23Les quatre fenêtres ne répondent pas à un schéma homogène de façade, elles ne sont ni alignées verticalement, ni centrées, et relèvent de typologies différentes. Comme signalé plus haut, à l’intérieur de l’édifice, le niveau uniforme d’installation et de plafond des embrasures, pourrait renvoyer néanmoins à une même phase. Une adaptation typologique par étage peut avoir été dictée par un objectif de recouvrement défensif maximal en fonction de la topographie extérieure (fig. 7).

Fig. 7 : Maison-tour : élévation intérieure mur est et coupe transversale intérieure

24Au premier étage, les deux fenêtres de tir ne sont espacées que de 0,50 m. La fenêtre sud est à 0,80 m de l’angle sud-est de la pièce, et la fenêtre nord à 0,85 m de l’angle nord-est. Leur embrasure rectangulaire est irrégulière, et possède des lignes incurvées ; c’est le cas du linteau et de l’allège de la fenêtre sud et du piédroit sud et de l’allège de la fenêtre nord. Alignées horizontalement en façade extérieure, leur axe divergent a conduit la position des fentes à 1,30 m de l’angle nord-est de la tour pour la fenêtre nord, et à 0,90 m de l’angle sud-est pour la fenêtre sud, laissant 2,05 m de distance entre les deux fentes.

25Au niveau supérieur, les fenêtres sont espacées de 0,95 m et sont implantées à 0,70 m des angles de la pièce. Les embrasures ont une largeur plus étroite, comprise entre 0,35 et 0,40 m, résultant du caractère divergent des angles de tir. La fenêtre nord est plus modeste (0,35 x 0,55 m), et présente une embrasure triangulaire divergente moins accentuée, à peine inclinée. Sa voisine (0,40 x 0,70 m), est horizontale mais de divergence plus accentuée suivant la même direction vers l’angle sud-est de la tour. C’est la seule fenêtre à tir tendu divergent, sans plongée.

26L’affirmation du caractère défensif de l’édifice réside aussi dans la présence de consoles sur l’angle nord-est, tout à fait au sommet de la tour (fig. 8).

Fig. 8 : Vue de détail des consoles de la tourelle d’angle disparue, depuis le nord-ouest

27Ces supports marquent sans doute l’emplacement d’une tourelle d’angle disparue, semblable à celle encore en place de la tour de Maroulas, située à 10 km au sud-est de Réthymnon. Sur la maison-tour de Giannoudi, de cette structure élevée à 8 m du sol, il ne subsiste plus que les deux blocs d’angle superposés l’un à l’autre en encorbellement formant la console d’angle et les deux blocs inférieurs des consoles des murs est et nord. Les quatre blocs semblent avoir été taillés en quart de rond dans des moellons de calcaire coquillier ou de tuf.

La maison : distribution vénitienne et vocabulaire ottoman

Le rez-de-chaussée actuel

28L’aménagement intérieur de la maison-tour s’apparente au modèle répandu sur toute l’île. Il comprend donc ce rez-de-chaussée ou demi sous-sol qui selon toute vraisemblance devait être aveugle à l’origine. On attribue traditionnellement à ce niveau inférieur une fonction de grenier alimentaire. Il est possible que ce niveau ait reçu postérieurement une baie sur le flanc oriental, dont on peut distinguer en façade extérieure est, au niveau du sol actuel, le sommet du couvrement peut-être en arc segmentaire surbaissé, constitué de blocs taillés. Pour l’heure, le comblement intérieur empêche toute vérification.

29Dans le mur nord en revanche, deux portes ont été ouvertes, l’une en position quasi centrale et l’autre installée immédiatement à l’est (fig. 5a). Élevée sur 1,70 m de hauteur au moins et ouverte sur 1,02 m de largeur, la porte centrale aujourd’hui obturée par du ciment et des briques industrielles, a bénéficié d’un encadrement en moellons et blocs taillés de calcaire coquillier jaune, assemblé au mortier de chaux et à joints fins. Il semble que les piédroits comportent quelques réemplois. La mise en œuvre est assisée horizontalement mais irrégulière, les lits d’assises en parpaings et boutisses, ne se correspondent pas d’un piédroit à l’autre. Le couvrement offre la courbure d’un arc segmentaire aplati, exécuté au moyen de deux blocs inclinés. Les stries sur chaque bloc de l’encadrement suggèrent la présence d’un revêtement enduit dès l’origine.

30La seconde baie de dimensions plus modestes, et dont le piédroit ouest est accolé au piédroit est de la porte, ouvre sur un renfoncement aux parois incurvées, aménagé dans le blocage interne du mur nord. Moins haute que la porte, elle a été observée sur 1,46 m, sa largeur mesure 0,68 m, et la profondeur du tableau 0,46 m. Son encadrement se détache du nu du mur par une saillie de l’ordre de quelques centimètres. Taillée dans le même matériau que sa voisine, elle s’élève sur des piédroits constitués de moellons posés de chant. Elle est couverte d’un arc plein cintre de 6 claveaux. Les assises sont régulières et la construction, liée au mortier orangé à nodules de chaux, est plus soignée. Une feuillure souligne l’arête de l’ouverture, qui associée à une ferrure encore en place, témoigne de l’emplacement d’une porte ouvrant à droite, à l’intérieur de l’espace. La profondeur de la niche aménagée en demi-cercle, a entamé la maçonnerie du mur sur une épaisseur de 0,75 m. Cette dimension n’est pas sans poser question puisqu’elle équivaut à la largeur totale du mur nord, si bien qu’il faut admettre la présence d’un placage de mur postérieur qui a obturé l’espace tout en lui donnant cette forme ronde qui correspond au dernier état de fonctionnement. Contrairement à la porte voisine, l’obturation est réalisée suivant une maçonnerie rappelant celle de la tour elle-même, et liée à la terre limoneuse.

31Sans décroûtage des murs, il demeure impossible d’établir de chronologie relative de l’apparition de ces deux ouvertures, ni de dater l’introduction de l’une par rapport à l’autre le cas échéant. Ce niveau étant réputé aveugle habituellement, nous sommes incités à considérer ces aménagements comme postérieurs, par défaut, jusqu’à ce que nous puissions le vérifier.

Le premier étage

32Il comporte l’accès surélevé, et ne présente qu’une seule petite fenêtre, en façade nord, se distinguant des archères pratiquées dans les autres façades. Cette unique source de lumière naturelle semble avoir éclairé un étage que l’on attribue généralement aussi au stockage de coffres de vêtements pour les habitants et de munitions, susceptible de servir aux différents postes de tir en hauteur.

33La fenêtre, dont la morphologie s’apparente à celle de la pièce supérieure, ne s’ouvre qu’à 0,70 m de hauteur par rapport au plancher, et son ouverture intérieure est équivalente aux embrasures de certaines fenêtres de tir, soit 0,45 m de largeur et 0,55 m de hauteur. Il n’est pas exclu que cette baie ait participé à la défense comme ses voisines, sa position inférieure dans l’élévation du mur pouvait donc admettre un tireur accroupi⁶ aussi bien qu’un tireur à genou.

34Si la parcimonie de l’éclairage tend à confirmer le caractère non résidentiel de ce premier étage de l’état initial de la maison-tour, en accord avec une distribution « vénitienne » traditionnelle, la forme des embrasures des archères latérales inscrites dans le mur est, suggère une influence plus orientale. Une série de caractères architecturaux plus ou moins marqués se perçoivent dans les deux niveaux supérieurs de l’édifice. Ici, c’est la courbure des deux fenêtres de tir qui ne s’accorde pas avec un vocabulaire rectiligne occidental. Les courbures des appuis et couvrements sont infléchies en accent grave pour la fenêtre sud et aigu pour la fenêtre nord, ce qui obéit à un profil général dit concave vers le haut. Les deux baies étant miroir l’une de l’autre, l’association de ces lignes courbes supérieures et inférieures finit par répondre au schéma général d’un accent circonflexe (cf. fig. 7).

35Comme pour le rez-de-chaussée, ce niveau a reçu postérieurement l’adjonction d’une porte, ouverte sur 1,90 m de hauteur et 1,30 m de largeur, à l’extrémité est du mur sud. Il s’agit d’une grande ouverture à l’encadrement très simple pratiquée dans la maçonnerie, non appareillée, et partiellement arrachée. À l’extérieur, une poutre de bois fait office de couvrement, tandis qu’à l’intérieur il s’agit de petits troncs d’arbres, dont l’un coudé, a servi d’élément de poulie interne. Cet aménagement se place à la hauteur du plancher du premier étage, mais coïncide également à la hauteur de plancher restituable au-dessus du départ de voûte extérieur ancré dans la façade méridionale et qui relève d’une extension annexe de la tour. Une rangée de plusieurs négatifs irréguliers de solives est d’ailleurs alignée au seuil de la porte, en façade, pour un bâti qui se développait au sud de la tour (cf. fig. 2 et 4). Or, les vestiges d’un bâtiment quadrangulaire dont il reste le niveau inférieur vouté en berceau, se situe exactement dans l’axe de la tour, séparée seulement par la rue. Si les deux voutements répondent à un axe opposé, ils demeurent installés à même altitude de 115,40 m, ce qui évoque une distribution commune possible. Si cet agrandissement ne participe plus de la morphologie initiale de la maison-tour, il a été réalisé sans destruction majeure mais par superposition. L’introduction du voutement n’a pas fait disparaître pour autant les cordons d’angle de la tour, même si l’angle sud-ouest de l’édifice a dû être restauré de manière récente. Cette extension vers le sud semble avoir été limitée en hauteur car la façade méridionale ne comporte pas de traces d’aménagements particuliers au-delà de la porte sud-est et n’a pas obturé les archères voisines.

Le deuxième étage

36Il constitue la partie résidentielle proprement dite de la tour, où logeaient le seigneur et sa famille. Il se distingue dans l’élévation par un nombre de fenêtres plus important et par la présence de la cheminée qui signalent la pièce à vivre. Il est presque systématique d’y trouver au moins deux fenêtres par grande façade, et c’est le cas ici, sur les côtés ouest nord et sud de la maison-tour. Les particularités de cet édifice s’expriment d’une part avec la présence de deux types d’ouvertures différents et d’autre part, avec l’observation de deux phases d’installation dans les ouvertures des grandes façades.

37Le type de fenêtre le plus représenté renvoie à celle du premier étage de la façade nord accostée des deux fenêtres de tir (fig. 5c). Il correspond à la structure interne à ébrasement, couvrement en arc segmentaire, et tableau extérieur quadrangulaire (cf. fig. 5b). Ce type de fenêtres se trouve sur les grandes façades nord et sud, et succède au schéma d’un premier état à ouvertures centrales ensuite obturées.

38À l’intérieur de la pièce, les tableaux de ces deux fenêtres aujourd’hui condamnées occupent une position centrale dans l’élévation, implantés seulement à 0,50 m du plancher, hauteur commune à l’ensemble des baies des deux grandes façades du deuxième étage. Dépourvues de leur couvrement, elles présentent une structure et des dimensions similaires : 0,70 m de largeur d’ouverture pour 1 m de hauteur conservée en moyenne. Les piédroits faits de moellons taillés ou dressés dans du calcaire tendre de natures diverses, sont conservés sur 5 à 6 assises posées majoritairement de chant. Une dalle monolithe taillée dans du calcaire gréseux constitue l’allège. Sur chacune de ces fenêtres on relève la présence d’une feuillure étroite, taillée sur l’arête intérieure des piédroits, illustrant l’existence d’une huisserie aujourd’hui disparue. Plusieurs petits orifices carrés implantés à intervalles réguliers sur les dalles des allèges, et sur certains moellons, témoignent de réutilisations.

39Si l’on ne perçoit aucune trace de la présence de la fenêtre sud en façade, on distingue très bien la reprise de maçonnerie au sommet de l’élévation de la façade nord, qui comble le négatif de la fenêtre entre deux coups de sabre verticaux. Le négatif s’interrompt sur l’allège monolithe encore en place.

40L’installation des deux fenêtres latérales sur la même façade septentrionale, est postérieure à la mise en place de la première. La fenêtre est, accolée à la précédente, présente un piédroit ouest qui réutilise les trois premières assises de celui de sa voisine (cf . fig. 5b et c). Une économie de matériaux qui est peut-être à l’origine d’un décalage d’axe avec la fenêtre située en regard dans la façade opposée, contrairement aux fenêtres occidentales qui se répondent strictement d’une façade à l’autre. Cette série de fenêtres s’apparente au type le plus répandu, et propose donc une structure, une mise en œuvre, des matériaux semblables, seuls les modules varient. La structure est celle d’une ouverture rectangulaire en façade, avec linteau horizontal et allège, encadrement en moellons de calcaire blanc tendre taillés. On relève sur l’une des fenêtres nord en façade, la présence de deux moellons inclinés en accent circonflexe au-dessus du linteau, un aménagement qui se retrouve fréquemment dans les façades des maisons de ville de la même période. Les linteaux sont monolithes, mais pas les allèges, et les piédroits constitués de moellons posés de chant. Ceux des encadrements intérieurs sont alternés en parpaings et boutisses et les couvrements sont constitués de deux moellons inclinés formant arcs segmentaires surélevés par rapport aux linteaux extérieurs. Sur le mur sud, les deux fenêtres offrent des largeurs d’encadrement et d’ouverture équivalentes : 0,90 m et 0,50 m, tandis que la hauteur varie. La fenêtre orientale est plus haute que sa voisine et atteint 1,40 m de hauteur totale pour 0,90 m d’ouverture totale, pour 1,15 m et 0,72 m sur la fenêtre ouest. À l’intérieur, les hauteurs d’encadrements sous arcs avoisinent les 0,90 m pour 0,85 m de largeur dans le mur nord et dans le mur sud, 1 m à 1,15 m de hauteur pour 0,80 m de largeur.

41Le second type est illustré par les deux petites fenêtres alignées horizontalement de part et d’autre du conduit de la cheminée, inscrite dans le mur occidental (fig. 9).

Fig. 9 : Vue du deuxième étage de la façade occidentale de la maison-tour, depuis l’ouest

42Il répond à un schéma d’encadrement quadrangulaire sur les deux faces du mur, à très faible ébrasement intérieur et couvrement horizontal. Il s’agit d’ouvertures de dimensions approchantes, de 0,45 m de largeur commune, 0,55 m de hauteur pour la fenêtre nord, pour 0,60 m pour la fenêtre sud, encadrées par un tableau de 0,70 m de côté, à l’intérieur de la pièce. Le façonnage, la mise en œuvre et les matériaux sont strictement identiques aux fenêtres précédentes. Les différences tiennent à la quasi absence d’ébrasement, et au couvrement horizontal remplaçant l’arc segmentaire.

43L’implantation en façade est parfaitement homogène et à égale distance des angles de la tour (fig. 3). On doit cette symétrie à la position également identique de part et d’autre du conduit saillant de la cheminée avec laquelle ces fenêtres forment un ensemble homogène. Deux linteaux de bois horizontaux, de 1,30 m de longueur moyenne et 0,15 m d’épaisseur, remplissent une fonction de décharge au-dessus de chacune des fenêtres. Une pièce de bois identique, placée horizontalement sous les consoles de la cheminée assure de même le renfort du mur, au-dessus de la porte surélevée ouverte juste à l’aplomb du conduit, elle participe de la même composition d’ensemble.

44La cheminée engagée comporte donc un conduit saillant en demi-cercle sur la façade occidentale, installé en encorbellement sur 3,45 m de hauteur atteignant le sommet de l’édifice, et 1,05 m de largeur. Ce conduit repose sur un système de consoles identique à celui de la tourelle d’angle disparue, avec deux moellons taillés en quart-de-rond, superposés en position centrale et un moellon à chaque extrémité de la structure. Ici, les supports sont en calcaire blanc dur, et la limite supérieure de chaque moellon recevant le conduit est soulignée par un étroit bandeau mouluré très atténué. Une dalle monolithe semi-circulaire, taillée dans du calcaire blanc tendre, assure la semelle de fondation posée sur consoles, à une élévation dont la maçonnerie se confond avec celle de l’ensemble des parements extérieurs des murs. La structure intérieure repose également sur deux consoles taillées dans les blocs rectangulaires monolithes, installés sous le plancher du deuxième étage (fig. 10).

Fig. 10 : Vue de la cheminée du deuxième étage, de puis le nord

45Elle s’élève sur 2,60 m de hauteur et 1,20 m de largeur maximum sur la corniche. Le manteau de la cheminée se compose de piédroits constitués chacun d’un bloc posé de chant en faible ressaut sur le mur et couronnés par la même console en quart-de-rond qu’en façade, portant même bandeau mouluré au sommet. C’est le couvrement de l’âtre composé d’un arc en accolade, sculpté dans deux moellons horizontaux, qui renvoie au vocabulaire ottoman. La moulure de l’accolade soulignée sur l’arête extérieure, est accentuée. La corniche moulurée également, se décline en quart-de-rond, réglet, bandeau et doucine en retrait, reposant sur une assise intermédiaire au-dessus de l’accolade. Une hotte pyramidale en retrait, élevée sur quatre assises horizontales couronne l’ensemble de construction traitée en moyen appareil de moellons taillés et moulurés dans du calcaire blanc tendre.

46Parmi les aménagements se rapportant au cadre de vie domestique, on trouve également à l’angle sud-est de la pièce une petite niche inscrite, à l’extrémité sud du mur est, à 1,15 m au-dessus du plancher. Il s’agit d’une niche rectangulaire de 0,30 m de largeur, élevée sur 0,60 m et couverte d’une petite coupole taillée dans un moellon (fig. 7). Le pourtour de l’encadrement de cette niche présente une étroite feuillure qui témoigne de l’huisserie d’une petite porte aujourd’hui disparue. La présence de la petite coupole est en accord avec l’influence stylistique de la cheminée ; la destination demeure indéterminée, la suggestion d’une possible niche à lampe ne s’explique guère avec la présence d’une fermeture.

47On notera enfin, que si l’absence de cloisonnement dans des espaces réduits par étage, affranchit le plan de circulations horizontales, il faut en déduire la présence de trémies permettant de circuler verticalement d’un niveau à un autre, au moins dans le premier état. Sans les planchers, il n’est pas possible de restituer la position de ses ouvertures dans les sols. Même si l’ouverture d’une porte au premier étage en façade sud est cohérente avec les vestiges de voûte et de plancher restituable lors d’un raccordement avec un bâtiment méridional s’explique aisément, une trémie devait toujours être nécessaire pour accéder au deuxième étage qui n’a reçu aucun percement de porte extérieure.

Conclusions et perspectives

48La difficulté de l’exercice d’analyse de bâti sans décroutage peut paraître mineure si l’on y ajoute le délai d’intervention, une accessibilité réduite au rez-de-chaussée, l’impossibilité de relevé pour la façade nord. Cette étude reste cependant le premier et seul cas d’observation analytique entrepris quasiment sans moyens, sur l’ensemble d’une maison-tour, intérieur et extérieur, sur l’île où tout reste à faire en cette matière d’architecture fortifiée non monumentale et plutôt rurale.

49La maison-tour de Giannoudi n’est pourtant pas un exemple isolé si l’on se réfère à l’existence proche de la tour de Maroulas, ainsi qu’aux deux tours crétoises de Kumja et Ghjeràni inventoriées autrefois par Giuseppe Gerola⁷. Ces deux dernières présentent des caractéristiques identiques : tourelles d’angles sur consoles et même type d’installation de cheminée proéminente sur la façade extérieure occidentale, bâti sur consoles reposant sur poutre de bois, sans parler d’un aspect général « médiéval » très proche (forme du plan, hauteur, nombre d’étages, portes en hauteur avec accès à l’échelle, ouvertures réduites). Malheureusement, aucune des deux n’est datée. Celle de Kùmja est « prétendue » construite à l’époque turque, tandis que la seconde, dite turque elle aussi, si elle paraît plus ancienne à l’auteur, il ne justifie pas son hypothèse.

50La question de l’appartenance chronologique si elle ne peut être confirmée par les sources archivistiques, s’oriente vers une hypothèse d’inspiration du modèle vénitien vraisemblablement assimilé et construit à la période ottomane, compte tenu des quelques influences notées dans la mise en œuvre des fenêtres de tir de la façade orientale, ainsi que dans le vocabulaire stylistique de la cheminée et la niche du dernier étage. L’homogénéité de la construction en façade et l’absence de reprises visibles, à l’exception de l’obturation de fenêtres et d’une restauration très récente de l’angle sud-ouest de la tour par le voisin maçon, tendent à le confirmer ; le dernier étage n’a pas été construit dans un second temps.

51Une autre réponse apportée tient à la topographie, la tour paraît bien isolée à l’origine dans le tissu urbain, puis intégrée postérieurement dans un maillage plus large, dans une extension de l’habitat domestique et non de la défense. Au contraire, l’ouverture de baies multiples au dernier niveau a bien succédé à un état plus défensif avec une fenêtre centrale unique avec ou sans archères de flanquement associées.

52La morphologie, le caractère isolé et fortifié de la maison-tour de Giannoudi, semblent bien répondre à un climat d’insécurité chronique, puis d’adaptation du cadre de vie dans un contexte belliqueux, épisodique mais régulier, qui relève de la guerre de conquête.

53Parmi les questions qui demeurent sans réponse : celle d’une éventuelle enceinte difficilement repérable, sans cadastre ancien et sans mise en place d’un inventaire ni relevé systématique des autres bâtiments et murailles ruinées aperçues dans la configuration villageoise actuelle. De même, la question de l’existence d’un château s’est posée, peut-être en position surélevée sur le piémont méridional de la colline ? La réponse est aussi à rechercher dans les sources historiques si elles existent, afin de préciser le statut de la localité, comme évoqué en introduction. Il s’agit de tenter désormais de réinsérer la maison-tour dans le maillage de l’habitat qui lui était contemporain.

54Sur la maison-tour elle-même quelques sondages archéologiques permettraient de vérifier l’existence ou pas d’un quatrième niveau enterré, au moins de préciser la nature des ouvertures du rez-de-chaussée. La baie orientale ouverte dans le mur nord sur une niche semi-circulaire, peut-elle tenir d’une même installation en saillie que pour le conduit de la cheminée ? Pourrait-elle avoir été conçue pour accéder à un puits par exemple ?

55Enfin, quelle part accorder à l’influence locale crétoise dans cette architecture peu monumentalisée ? La présence de ces moellons en accent circonflexe, placés au-dessus des linteaux de fenêtres et que l’on rencontre aussi bien dans l’architecture civile, peut-elle relever de l’architecture vernaculaire ? La mise en œuvre à la terre dans les maçonneries pourrait fort bien témoigner de manières de bâtir locales, aussi bien sous administration vénitienne de l’île que sous le joug ottoman et ne paraît pas être un critère déterminant de la période, comme on a pu trop souvent le dire.

56L’aspect et la distribution traditionnelle observés sur la maison-tour de Giannoudi, relèvent-elle uniquement d’un modèle rigoureusement imposé par un cahier des charges établi autrefois, par la république de Venise, et accordé aux seigneurs crétois, dans le cadre de la mise en défense face au péril de l’invasion ? Finalement, le modèle est-il plutôt « vénéto-crétois » ou « créto-vénitien » ?

57Ces formes mériteraient aussi d’être observées à une autre échelle que celle du site ou de l’objet architectural pour lui-même, comme le pratique trop souvent l’archéologie dite « du bâti ». Prendre du recul paraît nécessaire afin d’appréhender, aussi, les parts d’accentuation des hiérarchies de peuplement et l’influence des pouvoirs locaux ancrés indépendamment des occupations vénitiennes et ottomanes.