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    Plan détaillé Texte intégral Initiatives et tâtonnements (1950-1966) De Marseille à Fos : le démarrage de la conteneurisation (1966-1973) Entre espoirs et désillusions (1973-1986) Notes de bas de page Auteur

    L'histoire portuaire marseillaise en chantier

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    La première conteneurisation marseillaise (1950-1986)

    Fabien Bartolotti

    p. 171-183

    Texte intégral Initiatives et tâtonnements (1950-1966) De Marseille à Fos : le démarrage de la conteneurisation (1966-1973) Entre espoirs et désillusions (1973-1986) Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Dans la cité phocéenne, l’histoire du conteneur est bien souvent marquée par une série de lieux communs et de représentations qui, sans paraître tout à fait inexacts, doivent être considérés avec prudence. Selon une idée répandue, Marseille n’aurait pas suffisamment anticipé la « mise en boîte » des marchandises. Elle aurait été, par conséquent, reléguée très tôt à l’arrière-plan des échanges conteneurisés, aggravant ainsi la situation des ports français par rapport au dynamisme portuaire de l’Europe du Nord1. Marcel Roncayolo a particulièrement insisté sur le « retard de conversion de Marseille au trafic de conteneurs » qu’il explique par la succession de deux phénomènes : d’une part, le désintérêt dont font preuve les transitaires issus des bassins Est à l’égard du terminal de Fos ; d’autre part, l’échec de l’éphémère ligne « tour du monde » d’US Lines qui escale à Fos en 1985-1986, avant de faire faillite et de paralyser l’activité des quais2.

    2Le rendez-vous manqué avec US Lines a parfois occulté les événements qui l’ont précédé, c’est-à-dire les origines mêmes de la conteneurisation et le rôle du milieu maritime local dans l’adoption d’un nouveau standard de transport en Méditerranée3. Il faut dire que le sujet est resté relativement discret pendant ses premières décennies d’existence : cantonné au cercle restreint de quelques professionnels, il n’a pas trouvé un écho immédiat dans la sphère publique. En témoigne la faiblesse du traitement médiatique qui lui est réservé : entre 1962 et 1986, le développement du conteneur est abordé dans seulement 40 sujets télévisés régionaux, soit une moyenne inférieure à deux reportages par an4. Pourtant, ces chiffres ne sauraient traduire la passivité voire l’indifférence des décideurs locaux vis-à-vis des mutations de la manutention portuaire. Ils montrent, de surcroît, que la « révolution des boîtes » n’a pas fait irruption à la fin du xxe siècle. Les travaux de Christian Borde sur la gestation précoce du système des containers à Calais et à Dunkerque5 invitent d’ailleurs à déplacer le regard bien en amont des années 1990 et à analyser les changements dans leur épaisseur temporelle. Plus largement, les recherches récentes révèlent qu’au-delà de Malcom McLean, de la compagnie SeaLand et des États-Unis, d’autres figures ainsi que d’autres espaces ont pris part à la lente naissance d’un outil logistique normalisé et intermodal6. La présente contribution tâchera de s’inscrire dans le sillage de ces approches, en examinant la genèse de la conteneurisation marseillaise du point de vue des rythmes économiques et des stratégies d’acteurs.

    Initiatives et tâtonnements (1950-1966)

    3Il est difficile de dater précisément l’usage des premiers containers7 non standardisés à Marseille, mais il est certain qu’ils font leur apparition bien avant les années 1950. Déjà en 1930, dans le contexte de la concurrence rail/route, des entrepreneurs de verrerie et des fabricants de savons emploient des boîtes en bois ou métalliques – aussi appelées cadres – qui sont adaptées aux dimensions et à la fragilité de leurs marchandises8. Le phénomène prend une tout autre dimension au sortir de la guerre. Alors que la question de la coordination des différents moyens de transport se pose de manière accrue, la Compagnie nouvelle des cadres (CNC), filiale de la SNCF créée en 1948, entend moderniser le transport combiné afin « d’éliminer toute manipulation des marchandises aux points de rupture de charge9 ». Émerge en parallèle une ambition supplémentaire : celle d’étendre et de généraliser l’emploi du container à la navigation maritime10.

    4Les acteurs portuaires locaux se montrent particulièrement enthousiastes à l’égard de cette idée. Entre novembre 1949 et janvier 1950, la Chambre de commerce de Marseille prend l’initiative d’organiser une exposition internationale pour promouvoir ces nouveaux emballages11. Parmi les membres du comité d’organisation figurent Marcel Rogliano, courtier maritime, Jean Couteaud, directeur du port et Léon Bétous, président du syndicat des pilotes et membre de la Chambre. Des acteurs régionaux, nationaux et internationaux sont associés à la manifestation, tels que le Bureau international des containers (BIC) créé en 193312, la CNC-SNCF, l’Union maritime, le syndicat des transitaires, les services des Douanes et la presse, par l’intermédiaire du journal L’Antenne qui assure gracieusement la publicité de l’événement13.

    5La manifestation se déroule finalement du 29 avril au 7 mai 1950 (fig. 1), sur l’esplanade qui jouxte le palais de la Bourse.

    Fig.1 – Affiche de l’exposition internationale du container à Marseille (1950)

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    ACCIAMP, MR/91

    6Elle offre l’occasion aux exposants de présenter leurs modèles aux professionnels, afin d’en valoriser la sûreté et les avantages économiques. Parmi eux, se distinguent des fabricants marseillais tels que Alucar ou la société Coder, spécialisée dans la construction de citernes pour les trafics de vracs14. S’y retrouvent également des entreprises de location, comme Bonnaud & Cie, qui proposent à leurs clients des équipements de la marque SIC homologués CNC-SNCF15. L’exposition offre, en outre, l’opportunité de réaliser une démonstration de chargement de containers maritimes avec des moyens de levage conventionnels, au niveau du môle J2 où sont amarrés deux navires de la Compagnie de navigation mixte qui assurent des liaisons avec le Maghreb16. L’opération vise à dissiper les réticences de certains armateurs ou transitaires et à prolonger l’expérience de la Compagnie générale transatlantique qui exploite une centaine de containers de différents types sur les lignes France/États-Unis et France/Afrique du Nord depuis le début de l’année 194917.

    7Véritable succès, l’exposition marseillaise est reconduite l’année suivante au cours de la foire du printemps 1951 qui se tient au parc Chanot18, alors même que la Suisse reçoit l’aval du BIC pour mettre en œuvre une manifestation similaire19. Souhaitant développer leur propre discours et garder une autonomie dans leurs initiatives, les organisateurs mettent une nouvelle fois en scène la position privilégiée de leur ville, située au confluent de la route, du rail, et de la mer. Ils réactivent ainsi la métaphore du carrefour commercial qui a tant imprégné l’imaginaire des hommes d’affaires au xixe siècle20. Mais, au-delà du succès des opérations de promotion, la conteneurisation des trafics n’est pas aisée. L’hétérogénéité des boîtes, l’absence d’installations spécifiques à quai ainsi que les complexités juridiques et douanières constituent des entraves sérieuses. Les Marseillais en font la difficile expérience tout au long des années 1950. Le syndicat des entreprises de manutention du port cherche, par exemple, à développer l’usage des containers pour le commerce des vins et des primeurs avec le Maghreb. La démarche, qui consiste à proposer un régime tarifaire préférentiel, est d’abord motivée par un objectif sécuritaire : lutter contre les vols21. Malgré des échanges de correspondances avec les autorités portuaires algériennes et l’envoi d’une délégation en Afrique du Nord, les résultats sont peu concluants. Tandis que les containers à vins se heurtent à la concurrence des navires-citernes22, la mise en boîte des primeurs n’est pas aussi économiquement avantageuse que prévu et n’intéresse pas les compagnies de chemin de fer locales23.

    8L’épisode révèle non seulement les limites de l’adaptation de l’emballage à la marchandise, mais surtout la difficulté à conteneuriser des produits non manufacturés. À partir de 1961, les travaux de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) changent la donne : la définition, à l’échelle mondiale, de dimensions normalisées d’emballage – notamment les modèles de 20 ou 40 pieds de long sur 8 pieds de haut et de large – ouvre la voie à une spécialisation de l’outillage nautique et terrestre24. Elle promet une baisse substantielle des temps de manutention et une diminution des coûts qui facilitent le transport de marchandises diverses, tout en dessinant une nouvelle géographie maritime.

    De Marseille à Fos : le démarrage de la conteneurisation (1966-1973)

    9En mars 1966, la première liaison transatlantique d’un navire porte-conteneurs spécialisé entre New York et Anvers est réalisée par l’American Racer d’US Lines25. La Compagnie de Malcom McLean, SeaLand, emboîte le pas au mois de mai, en reliant la côte est des États-Unis à Rotterdam26. Comment Marseille fait-elle face à cette nouvelle réalité ? Parvient-elle à entrer dans la course ?

    10En tout cas, les décideurs locaux sont loin de s’en désintéresser. Le sujet figure même à l’ordre du jour des premiers conseils d’administration du Port autonome (PAM) présidés par Léon Bétous en 196627. Un groupe de travail ad hoc est alors créé au sein de la commission permanente des études28. Il est piloté par René Courau, dirigeant de Fabre-SGTM, une société intégrée dans la Compagnie maritime des chargeurs réunis (CMCR) et qui est historiquement présente sur les lignes Méditerranée/Amérique du Nord en tant qu’héritière de la Fabre Line et de Fraissinet29. Le groupe envisage, dès décembre 1966, la possibilité de recevoir des porte-conteneurs à Mourepiane où deux grues de 18 tonnes sont associées à de vastes terre-pleins30. Au même moment, certaines sociétés américaines pionnières dans le domaine s’intéressent à Marseille. C’est le cas de l’American-Export-Isbrandtsen-Line (AEIL) fondée en 196231. Après une prise de contact entre ses représentants et les responsables du PAM32, les porte-conteneurs de l’armateur accostent à Mourepiane à partir d’août 1968, à une fréquence bi-mensuelle33. Les navires qui assurent ce service régulier, comme l’Export Commerce34, réalisent les opérations de chargement/déchargement grâce à leurs propres moyens de levage embarqués, palliant ainsi l’absence de portiques sur le quai.

    11Ces unités sont bientôt rejointes par les bâtiments de la compagnie Fabre-SGTM. Sous l’impulsion de René Courau, la filiale marseillaise de la CMCR se lance également dans le trafic de conteneurs ISO au cours de l’automne 196835. Les études préalables à l’ouverture du service lui ont permis d’identifier des importateurs et exportateurs susceptibles de conteneuriser leurs marchandises via Marseille. Parmi les potentiels clients, se distinguent Péchiney-Progil pour les produits chimiques, les établissements Ugine pour les produits métallurgiques ou encore les entreprises de la parfumerie grassoise36. Misant sur un développement rapide des trafics, Fabre-SGTM achète 1 200 boîtes de 20 pieds en alliage d’aluminium auprès de fournisseurs spécialisés tels que la société Fruehauf-France et le constructeur allemand Klöckner, au détriment d’autres modèles en acier, en contre-plaqué ou en plastique37. La constitution de ce parc de conteneurs, dont la base logistique se situe à Mourepiane, va de pair avec la commande de deux navires spécialisés, construits en Allemagne, dans les chantiers de Bremerhaven : le Meta Reith (fig. 2) livré en octobre 1968 et le Willi Reith livré en février 1969.

    Fig. 2 - Le Meta Reith, premier porte-conteneurs affrété par la compagnie Fabre (1969)

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    Musée de la Marine de Stockholm, Fo 185802-34AF

    12Initialement calibrés pour le transport de 210 EVP38, leur capacité est portée à 250 EVP à la demande de l’armateur39. L’itinéraire qu’ils empruntent relie Marseille, Gênes, Livourne et New York en 12 jours, à raison d’un départ tous les 14 jours à heure fixe40. Fabre-SGTM s’implique également dans la gestion de la manutention à Mourepiane, en association avec les Messageries maritimes et la CNC au sein du groupement d’intérêt économique Marseille Mourepiane Containers qui devient Marseille Fos Containers (MAFOC) en 196941.

    13Du point de vue du PAM, les initiatives qui se déploient à Mourepiane ne sont que provisoires42. Seule la création d’un véritable terminal spécialisé avec portiques et spreaders permettrait d’accéder aux gains de temps promis par le système. Le besoin de s’équiper est d’autant plus impérieux que d’autres ports français, comme Le Havre, sont déjà dotés d’infrastructures performantes en 196943. Refusant de prendre du retard sur la concurrence, l’autorité portuaire marseillaise suit les recommandations du groupe de travail piloté par René Courau : elle décide de tirer profit de l’espace disponible dans le golfe de Fos pour installer un premier portique de marque Caillard en darse 1, en prolongeant de 250 mètres le quai minéralier destiné aux importations de bauxite44. L’objectif escompté est d’attirer des navires plus grands, navigant sur les lignes Méditerranée/Amérique du Nord, mais également sur les lignes australiennes, japonaises et africaines45. Alors que la décision a été prise en 1967, le terminal fosséen n’entre officiellement en service que le 11 juin 1970, date de la première escale d’un porte-conteneurs SeaLand46.

    14Comment expliquer un tel délai ? En fait, implanter un terminal dans une vaste zone portuaire créée ex nihilo et qui est, de surcroît, toujours en chantier n’est pas une chose aisée. L’appel d’offres pour la fabrication du portique47, l’aménagement des terre-pleins48, l’élaboration du règlement d’exploitation, les accords avec les compagnies étrangères, le transfert des activités et du matériel de la MAFOC49, les négociations avec les sociétés de manutention et les dockers sur les questions de tarifs ou de cadences50 sont autant de démarches qui s’étendent dans le temps. Cette lenteur au démarrage est renforcée par un autre événement : en octobre 1973, trois ans après sa mise en service, le terminal et son portique sont délocalisés en darse 2, où ils bénéficient d’une surface plus importante permettant de répondre à la croissance du trafic51.

    15L’arrivée de grandes compagnies internationales à Fos – SeaLand, Hansa ou Contship qui ouvre une ligne vers le Maroc52 – pousse la société marseillaise Fabre à faire évoluer sa stratégie : face à la concurrence des poids lourds du secteur, elle décide, en 1971, de rejoindre un consortium préalablement formé par la société italienne Fassio et la société allemande Hansa sous le nom d’Atlantica Line53. Dans le domaine du conteneur, le regroupement d’armateurs – appelé pool ou conférence – n’est pas exceptionnel à cette époque, en particulier pour les armements européens. Par exemple, la Compagnie générale transatlantique participe à Atlantic Container Line (ACL), les Messageries maritimes prennent part à Australia-Europe Container Service (AECS)54. Néanmoins, la démarche d’Atlantica est originale dans la mesure où elle relie exclusivement des ports méditerranéens à l’Amérique du Nord (Canada/États-Unis) et qu’elle implique un acteur local.

    Entre espoirs et désillusions (1973-1986)

    16Ce dynamisme marseillais dont les aspects saillants viennent d’être rappelés se concrétise-t-il en termes de trafic ? Quel bilan peut-on dresser dans les décennies 1970-1980, au moment où s’accélère, à l’échelle mondiale, la première phase de conteneurisation portuaire marquée par une polarisation américaine ? D’un point de vue quantitatif, un constat s’impose : la croissance du nombre total d’EVP transitant par Marseille-Fos est nette entre 1969 et 1986, passant de 3 000 à environ 490 000 EVP (fig. 355).

    Fig.3 – Traffic total de conteneurs dans le bassin de Marseille-Fos de 1969 à 1989 (en EVP)

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    17Alors qu’en 1971, seulement 6 lignes régulières conteneurisées sont opérationnelles, 58 sont en activité en 198356. Si l’on considère la répartition du trafic entre les bassins Est et Ouest, les arrivages sont plus nombreux à Fos (174 000 EVP par an) qu’à Marseille (121 000 EVP par an57) ; ce qui entre en résonance avec la stratégie du PAM et les dépenses engagées en darse 2. Néanmoins, les transits via Mourepiane ne disparaissent pas, bien au contraire (fig. 4).

    Fig.4 – Répartition du trafic des conteneurs entre Marseille et Fos en EVP (1975-1986)

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    18Ils progressent au début des années 1980 à la faveur d’une politique d’investissement pour l’installation de portiques sur le quai : deux engins de marque Caillard sont ainsi livrés en 1983. Même si les motifs sont liés aux considérations sociales et symboliques plutôt qu’aux préoccupations économiques, les bassins marseillais intramuros ne demeurent pas à l’écart de la conteneurisation, et ce malgré la création du terminal de Fos.

    19Au vrai, le fait le plus marquant de cette phase de croissance intervient en 1985 lorsque la compagnie US Lines, d’abord très active au Havre, décide de retenir Fos comme port d’escale européen d’un service « tour du monde » ; un service ouest/est via Panama qui s’effectue à l’aide de navires géants et de cadences rapides58. S’agit-il d’un succès de la politique d’attractivité du PAM ? En tout cas, cette décision est assurément une aubaine pour l’autorité portuaire, qui se plie d’ailleurs aux exigences opérationnelles de l’armateur59. Les touchées d’US Lines permettent, sur une seule année, de faire progresser le trafic de marchandises diverses de 8 % et celui des conteneurs de 22 %60. Du point de vue des acteurs, elles réactivent un rêve ancien : faire de Fos le pendant méditerranéen des ports de la Northern Range. Mais la vague d’enthousiasme est de courte durée car US Lines fait soudainement faillite en 198661. La perspective de rattraper le retard concédé sur Le Havre, Anvers et Rotterdam – qui apparaissait pourtant bien réelle en 1985 – s’évanouit (fig. 562).

    Fig.5 – Trafic total de conteneurs à Marseille-Fos et au Havre de 1969 à 1989 (en EVP)

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    20Au-delà du sentiment d’occasion manquée, l’expérience révèle une nouvelle réalité liée à la conteneurisation : la dépendance portuaire à l’égard des lignes et des armateurs. Désormais, ce ne sont plus les ports qui choisissent leurs trafics, ce sont les armements qui sélectionnent leurs ports, en fonction de leurs objectifs commerciaux et opérationnels, dans un climat fortement concurrentiel qui peut mettre en jeu leur survie économique. Du reste, certaines compagnies maritimes font l’amère expérience de cette concurrence : en dépit de ses efforts, Atlantica Line ne parvient pas à se développer et son activité ne dépasse guère les 13 % du trafic total du terminal de Fos63. Les difficultés de l’un des trois partenaires, Fassio, pris dans la tourmente d’un scandale financier, conduisent à la disparition du consortium en 197764. La société marseillaise Fabre-SGTM cesse alors ses activités dans le transport des conteneurs. Mais il ne faudrait pas trop noircir le tableau. Les retards sur la concurrence et les déconvenues qu’affrontent certains acteurs locaux ne sauraient occulter les aspects positifs du bilan : à partir de 1980, Marseille rattrape son retard sur Gênes et devient un leader du trafic conteneurisé en Méditerranée, du moins jusqu’au milieu des années 1990 (fig. 665).

    Fig.6 – Trafic total de conteneurs à Marseille-Fos et Gênes de 1969 à 1989 (en EVP)

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    21Dès les années 1960, forts d’une réflexion ancienne sur l’emballage et la mise en boîte des marchandises, le Port autonome de Marseille et les acteurs portuaires locaux ont pris la mesure de la conteneurisation et ont agi en conséquence. Ils n’ont pas été aveuglés – comme on le lit parfois – par la prévalence des arrivages d’hydrocarbures en négligeant le trafic des conteneurs. D’ailleurs, dans l’esprit des décideurs, la conteneurisation n’a jamais été opposée à la logique industrielle : les terminaux sont apparus comme des interfaces commerciales et logistiques indissociables de la ZIP. En outre, le conteneur a été intégré à la réflexion sur la dynamisation des activités productives de l’hinterland, dont le PAM a toujours espéré étendre les limites géographiques vers le nord, grâce au rêve de la liaison Rhin-Rhône.

    22Si la raison du retard marseillais dans les trafics conteneurisés n’est pas due à un désintérêt des acteurs ou à leur éventuelle méconnaissance du contexte, les causes doivent être recherchées ailleurs. Une lenteur au démarrage consécutive aux travaux titanesques de Fos ? Assurément. L’absence d’un hinterland industriel aussi développé qu’en Europe du Nord ? Sans doute. La difficulté de conteneuriser les marchandises diverses en Méditerranée en raison de la concurrence du transport roulier (roll-on/roll-off) ? C’est probable. Mais le fait que la cité phocéenne abrite aujourd’hui le siège d’un des géants mondiaux du conteneur ne doit rien au hasard. Peut-être est-il utile de rappeler que Jacques Saadé, fondateur de la CMA-CGM, a débuté sa carrière dans les années 1960 en tant que stagiaire au sein de la compagnie Isbrandtsen, dont les porte-conteneurs ont été les premiers à escaler à Marseille en 196866.

    Notes de bas de page

    1 Bruno Marnot, Les villes portuaires maritimes en France (xixe-xxie siècle), Paris, Armand Colin, 2015. De manière simplificatrice et caricaturale, d’aucuns expliquent cette faiblesse par les attitudes corporatistes des syndicats de dockers, bloquant toute réforme de compétitivité jusqu’au début des années 1990 : Serge Renault, « Le transport en conteneurs roule sur cinq jambes », Outre-Terre, vol. 25-26, no 2, 2010, p. 29-30.

    2 Marcel Roncayolo, L’imaginaire de Marseille. Port, ville, pôle, 2e édition, Lyon, ENS Éditions, 2014, p. 293 (éd. orig. Marseille, CCIMP, 1990). Sur la desserte US Lines à Fos et sa faillite, cf. archives privées Didier Picheral, « Port de Marseille. Premier bilan de l’opération US Line », 1987.

    3 Dans son article, Julien Nespola ne retrace pas la mise en place de la conteneurisation méditerranéenne : Julien Nespola, « La conteneurisation du monde méditerranéen », Outre-Terre, vol. 23, no 3, 2009, p. 39-48. Par ailleurs, selon René Borruey, évoquer la conteneurisation conduit nécessairement à s’éloigner de Marseille, car le phénomène produit un espace qui « ne sera plus seulement ressemblant, mais pratiquement identique à celui de tous les autres grands ports de la planète » (René Borruey, Le port moderne de Marseille : du dock au conteneur [1844-1974], Marseille, CCIMP, 1994, p. 289).

    4 Institut national de l’audiovisuel (désormais INA), Hyperbase INAthèque, archives TV régionales, chaîne FR3 PACA, 1968-1986 (données compilées avec MediaCorpus).

    5 Christian Borde, « La genèse du système des containers, entre route, rail et navigation maritime (1896-1956) », in Jean-François Eck, Pierre Tilly et Béatrice Touchelay, dir., Espaces portuaires. L’Europe du Nord à l’interface des économies et des cultures (xixe-xxe siècle), Villeneuve-d’Ascq,
    Presses universitaires du Septentrion, 2015, p. 147-158. Cette contribution fait écho au développement d’une historiographie française de la logistique. Cf. Jean-François Grevet, « Du système modal au global system. Ports, hinterlands et acteurs du transport et de la logistique en France et en Europe (xixe-xxie s.), quelques lumières sur une histoire à venir », in ibid., p. 97-116.

    6 En sacrifiant parfois au topos de « l’inventeur génial », de nombreuses publications présentent Malcom McLean comme le père du conteneur actuel. Fondateur de la compagnie SeaLand, il est à l’origine de la première liaison par porte-conteneurs en 1956 aux États-Unis, à l’aide d’un pétrolier reconverti pour l’occasion, l’Ideal X. Cf. Brian Slack et Antoine Frémont, « Fifty Years of Organisational Change in Container Shipping: Regional Shift and the Role of Family Firms », GeoJournal, vol. 74, no 1, 2009, p. 25. Selon Marc Levinson, la contribution de McLean au développement de la conteneurisation relève moins de la technique maritime que du domaine managérial (Marc Levinson, The Box. How The Shipping Container Made The Word Samller And The World Economy Bigger, 2e édition, Princeton, Princeton University Press, 2016, p. xi-xiii).

    7 L’orthographe anglaise, répandue dans les années 1930-1950, est ici utilisée pour qualifier la première génération de caisses de dimensions et de natures variables. Le terme francisé « conteneur », qui est proposé dès 1938 puis se généralise à partir des années 1970, sera quant à lui employé pour désigner spécifiquement des boîtes métalliques de 20 ou 40 pieds normalisées à l’échelle internationale.

    8 Archives de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence (désormais ACCIAMP), MR/91, lettre du président du syndicat des entrepreneurs de camionnage de Marseille au président de la Chambre de commerce de Marseille, 1er mai 1930.

    9 Cf. Nicolas Neiertz, La coordination des transports en France de 1918 à nos jours, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 290-293.

    10 La question avait déjà été soulevée par l’Association des grands ports français en juillet 1930, sans toutefois recevoir un écho de grande ampleur. Cf. ACCIAMP, MR/91, lettre de l’Association des grands ports français à la Chambre de commerce de Marseille, 15 juillet 1930.

    11 ACCIAMP, MF/2311, délibération de la CCI de Marseille, registre no 59, fo 70-71, 20 janvier 1950. Cette idée fait suite au vif succès rencontré par la « section container » au salon de l’emballage de Paris, en octobre 1949.

    12 Sur l’histoire de ce Bureau, cf. ACCIAMP, YM/3475, Pierre-Édouard Cangardel, Le développement actuel du container maritime, Paris, Académie de Marine, 1966, p. 6-7.

    13 ACCIAMP, MR/91, procès-verbal de la commission du comité financier de l’exposition internationale du container, 20 février 1950.

    14 Ibid.

    15 ACCIAMP, YA/10/1, Marseille premier port de France. Exposition internationale du container, Marseille, L’Antenne, 1950.

    16 Revue de la Chambre de commerce de Marseille, no 598, mai 1950, p. 31.

    17 ACCIAMP, YA/10/1, Marseille premier port de France. Exposition internationale du container, Marseille, L’Antenne, 1950, p. 14.

    18 ACCIAMP, MR/91, procès-verbal de la commission du comité financier de l’exposition internationale du container, 20 février 1950.

    19 ACCIAMP, MR/91, lettre du directeur du 3e arrondissement des Chemins de fer fédéraux suisses à la direction du port de Marseille, 6 janvier 1951.

    20 ACCIAMP, MR/91, compte rendu de la séance de travail du 2 mai 1950. Voir Marcel Roncayolo, L’imaginaire de Marseille…, op. cit.

    21 ACCIAMP, MR/91, lettre du président du syndicat des entrepreneurs de manutention du port de Marseille au président de la fédération des entrepreneurs de manutention maritime dans les ports algériens, 8 avril 1950.

    22 ACCIAMP, MR/91, lettre du président de la Chambre de commerce de Marseille au secrétaire général du Bureau international des containers, 3 juin 1950.

    23 ACCIAMP, MR/91, lettre du délégué permanent du BIC en Afrique du Nord au siège du BIC à Paris, 26 avril 1950.

    24 Sur l’adoption, non sans controverses, de ces normes, voir Marc Levinson, The Box…, op. cit., p. 183-185 ; Hans van Ham et Joan Rijsenbrij, Development Of Containerization. Success Through Vision, Drive And Technology, Amsterdam, IOS Press, 2012, p. 37-52.

    25 ACCIAMP, AC/168, avant-projet de rapport du « Groupe de travail containers », décembre 1966.

    26 ACCIAMP, L19/62/320, article extrait d’Hommes et techniques, no 289, novembre 1968, p. 922.

    27 Archives du cabinet du Grand Port maritime de Marseille (désormais ACGPMM), délibération no 4 du conseil d’administration du PAM, 4 juillet 1966, f° 10.

    28 Ibid.

    29 Sur le rôle des paquebots Fabre dans l’histoire de l’immigration américaine au début du xxe siècle, cf. William J. Jr Jennings et Patrick T. Conley, Aboard the Fabre Line to Providence  Immigration to Rhode Island, Charleston, History Press, 2013. Sur les liens entre Fabre-SGTM et la CMCR, voir Bernard Cassagnou, Les grandes mutations de la marine marchande française (1945-1995), Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2002, 2 vol.

    30 ACCIAMP, AC/128, compte rendu de la réunion du « Groupe de travail containers », 6 décembre 1966.

    31 Sur l’histoire de la compagnie Isbrandtsen, cf. Kenneth J. Blume, dir., Historical Dictionary of the U.S. Maritime Industry, Lanham/Toronto/Plymouth, The Scarecrow Press, 2012, p. 246-247.

    32 ACCIAMP, AC/128, extrait d’un article de L’Antenne, 18 décembre 1966.

    33 ACCIAMP, AC/168, lettre du président de la Chambre de commerce de Marseille au président du syndicat marseillais du commerce extérieur, 26 septembre 1968.

    34 ACGPMM, délibération no 22 du conseil d’administration du PAM, 13 septembre 1966, fo 6.

    35 ACCIAMP, L19/A60/A215, note sur le nouveau service porte-conteneurs de la compagnie Fabre-SGTM, 10 octobre 1968, fo 1.

    36 ACCIAMP, L19/A60/A215, lettre de G. Villars (services commerciaux de la CMCR) à la compagnie Fabre-SGTM, 23 août 1968.

    37 Une première commande de 700 boîtes est passée à Fruehauf en juin 1968 (ACCIAMP, L19/A60/A165, note sur la commande de containers par Fabre-SGTM, 4 juin 1968), avant que celle-ci
    ne soit portée à 1 200 unités en juillet (ACCIAMP, L19/A60/A215, note de la Compagnie maritime des chargeurs réunis, 15 juillet 1968, fo 1). Lors de ses premières touchées à Marseille, filmées par l’ORTF, seul l’emploi de conteneurs Klöckner est visible (INA, ORTF Télévision Marseille Provence, Provence Actualités, 4 novembre 1968 et 12 décembre 1968).

    38 L’EVP ou « équivalent vingt pieds » est l’unité de mesure du trafic conteneurisé. Un conteneur de 20 pieds de long (environ 6 m) représente 1 EVP ; un conteneur de 40 pieds vaut 2 EVP. En volume et en masse, les capacités maximales théoriques d’un EVP s’élèvent respectivement à 33 m3 et à 28 tonnes de marchandises.

    39 ACCIAMP, L19/A60/A215, note de la Compagnie maritime des chargeurs réunis, 15 juillet 1968, fo 2.

    40 ACCIAMP, L19/A60/A215, note sur le nouveau service porte-conteneurs de la compagnie Fabre-SGTM, 10 octobre 1968.

    41 ACCIAMP, L19/A60/A216, statuts modifiés de MAFOC, 10 octobre 1969.

    42 ACCIAMP, AC/128, compte rendu de la réunion du « groupe de travail containers », 13 décembre 1966, fo 1.

    43 INA, ORTF Télé-Normandie, Normandie Actualités, 21 mai 1969.

    44 ACGPMM, délibération no 12 du conseil d’administration du PAM, 9 juin 1967, fo 6-7.

    45 ACCIAMP, AC/128, compte rendu de la réunion du « groupe de travail containers », 27 février 1967, fo 5.

    46 ACGPMM, CA du 30 avril 1971, rapport du conseil sur la situation du port et l’état des services pendant l’année 1970, fo 42.

    47 ACGPMM, CA du 10 novembre 1967, rapport sur l’acquisition d’un portique de manutention de conteneurs, 3 novembre 1967.

    48 ACGPMM, CA du 8 mai 1970, rapport du directeur de l’outillage, 13 avril 1970.

    49 Le transfert est effectif en décembre 1970. Voir ACGPMM, CA du 30 avril 1971, rapport sur la situation du port et l’état des services pendant l’année 1970, fo 42.

    50 Archives nationales, 19840136/239, note de la Direction des ports sur les manutentions de containers au port de Marseille-Fos, mars 1970.

    51 Un portique supplémentaire de marque PACECO y est installé. Cf. ACGPMM, CA du 28 juin 1974, rapport sur la situation du port et l’état des services pendant l’année 1973, fo 38-39. Fabre n’a cessé d’argumenter auprès du PAM en faveur d’un terminal de plus grande capacité en darse 2, doté de portiques supplémentaires. Cf. ACCIAMP, L19/A60/A216, lettre du président de Fabre-SGTM au directeur général du PAM, 3 février 1971.

    52 ACCIAMP, L19/A60/A266, note technique de la CMCR/Fabre-SGTM sur le trafic de conteneurs à Fos, 21 juin 1971.

    53 ACCIAMP, L19/A60/A266, accord Fabre/Fassio/Hansa pour la création d’Atlantica, 23 novembre 1971.

    54 ACCIAMP, AC/948, étude sur les échanges méditerranéens et la place de Marseille-Fos, 1974, fo 20 bis, annexe 4.

    55 ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1969-1990.

    56 ACCIAMP, L19/A60/A266, note technique de la CMCR/Fabre-SGTM sur le trafic de conteneurs à Fos, 21 juin 1971 et archives départementales des Bouches-du-Rhône, DELTA 10 651, brochure commerciale « Conteneurs via Marseille-Fos » éditée par le PAM, 1983.

    57 Moyennes annuelles calculées pour la période 1975-1986, d’après ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1975-1986.

    58 ACGPMM, CA du 22 juin 1984, rapport du directeur de l’exploitation technique au sujet du service « tour du monde » d’US Lines. Cf. également Bernard Cassagnou, Les grandes mutations de la marine marchande française (1945-1995), op. cit., t. 2, p. 1112. De novembre 1984 à septembre 1985, Fos est le seul port d’escale européen de la compagnie, avant qu’il ne soit complété par Rotterdam. Cf. archives privées Didier Picheral, « Premier bilan de l’opération US Lines », 1986.

    59 ACGPMM, CA du 12 décembre 1984, note du directeur général du PAM, 9 novembre 1984.

    60 Archives privées Didier Picheral, « Premier bilan de l’opération US Lines », 1986.

    61 En raison d’une croissance trop rapide de sa flotte liée à un programme de construction ambitieux de porte-conteneurs géants, la compagnie US Lines, fortement endettée, se retrouve en surcapacité au moment où les taux de fret maritime s’effondrent, sous l’effet du contre-choc pétrolier de 1986. Cf. « L’armement américain US Lines en faillite », Le Monde, 29 novembre 1986.

    62 Calculs effectués d’après ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1966-1990 ; ACGPMM, CA du 22 février 1985 ; Conférence européenne des ministres des transports. Dix-septième rapport annuel et résolutions du conseil des ministres, Paris, OECD Publishing, 1971, p. 436 ; Statistiques de la Commission des ports flamands (1980-2016), http://www.vlaamsehavencommissie.be/en/vhc/pagina/maritime-traffic-european-ports-france-le-havre, page consultée le 31 octobre 2017.

    63 ACCIAMP, AC/948, étude sur les échanges méditerranéens et la place de Marseille-Fos, 1974, fo 20 bis, annexe 3.

    64 ACCIAMP, L19/A60/A214, note sur les difficultés du groupe Atlantica et de la société Fassio, 28 août 1975 ; ACCIAMP, L19/A60/A219, lettre de l’agence maritime Fabre à la société TRAMARSA, 3 mai 1977.

    65 ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1966-1986 ; Arvati Paolo et Molettieri Enrico, dir., I numeri e la storia del porto di Genova, Genova, Sistema Statistico Nazionale/Comune di Genova/Unità Organizzativa Statistica, 2004, p. 147.

    66 D’après la biographie officielle de Jacques Saadé : « Jacques R. Saadé et les États-Unis », http://www.cma-cgm-blog.com/fr/jacques-saade-et-les-etats-unis, page consultée le 13 mai 2019. Rappelons également que son père a occupé la fonction d’agent maritime de la compagnie Isbrandtsen au Liban à la fin des années 1950. Cf. The Middle East, London, Europa Publications, 1959, p. 236.

    Auteur

    • Fabien Bartolotti

      Aix-Marseille Univ, CNRS, TELEMMe, Aix-en-Provence, France

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    1 Bruno Marnot, Les villes portuaires maritimes en France (xixe-xxie siècle), Paris, Armand Colin, 2015. De manière simplificatrice et caricaturale, d’aucuns expliquent cette faiblesse par les attitudes corporatistes des syndicats de dockers, bloquant toute réforme de compétitivité jusqu’au début des années 1990 : Serge Renault, « Le transport en conteneurs roule sur cinq jambes », Outre-Terre, vol. 25-26, no 2, 2010, p. 29-30.

    2 Marcel Roncayolo, L’imaginaire de Marseille. Port, ville, pôle, 2e édition, Lyon, ENS Éditions, 2014, p. 293 (éd. orig. Marseille, CCIMP, 1990). Sur la desserte US Lines à Fos et sa faillite, cf. archives privées Didier Picheral, « Port de Marseille. Premier bilan de l’opération US Line », 1987.

    3 Dans son article, Julien Nespola ne retrace pas la mise en place de la conteneurisation méditerranéenne : Julien Nespola, « La conteneurisation du monde méditerranéen », Outre-Terre, vol. 23, no 3, 2009, p. 39-48. Par ailleurs, selon René Borruey, évoquer la conteneurisation conduit nécessairement à s’éloigner de Marseille, car le phénomène produit un espace qui « ne sera plus seulement ressemblant, mais pratiquement identique à celui de tous les autres grands ports de la planète » (René Borruey, Le port moderne de Marseille : du dock au conteneur [1844-1974], Marseille, CCIMP, 1994, p. 289).

    4 Institut national de l’audiovisuel (désormais INA), Hyperbase INAthèque, archives TV régionales, chaîne FR3 PACA, 1968-1986 (données compilées avec MediaCorpus).

    5 Christian Borde, « La genèse du système des containers, entre route, rail et navigation maritime (1896-1956) », in Jean-François Eck, Pierre Tilly et Béatrice Touchelay, dir., Espaces portuaires. L’Europe du Nord à l’interface des économies et des cultures (xixe-xxe siècle), Villeneuve-d’Ascq,
    Presses universitaires du Septentrion, 2015, p. 147-158. Cette contribution fait écho au développement d’une historiographie française de la logistique. Cf. Jean-François Grevet, « Du système modal au global system. Ports, hinterlands et acteurs du transport et de la logistique en France et en Europe (xixe-xxie s.), quelques lumières sur une histoire à venir », in ibid., p. 97-116.

    6 En sacrifiant parfois au topos de « l’inventeur génial », de nombreuses publications présentent Malcom McLean comme le père du conteneur actuel. Fondateur de la compagnie SeaLand, il est à l’origine de la première liaison par porte-conteneurs en 1956 aux États-Unis, à l’aide d’un pétrolier reconverti pour l’occasion, l’Ideal X. Cf. Brian Slack et Antoine Frémont, « Fifty Years of Organisational Change in Container Shipping: Regional Shift and the Role of Family Firms », GeoJournal, vol. 74, no 1, 2009, p. 25. Selon Marc Levinson, la contribution de McLean au développement de la conteneurisation relève moins de la technique maritime que du domaine managérial (Marc Levinson, The Box. How The Shipping Container Made The Word Samller And The World Economy Bigger, 2e édition, Princeton, Princeton University Press, 2016, p. xi-xiii).

    7 L’orthographe anglaise, répandue dans les années 1930-1950, est ici utilisée pour qualifier la première génération de caisses de dimensions et de natures variables. Le terme francisé « conteneur », qui est proposé dès 1938 puis se généralise à partir des années 1970, sera quant à lui employé pour désigner spécifiquement des boîtes métalliques de 20 ou 40 pieds normalisées à l’échelle internationale.

    8 Archives de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence (désormais ACCIAMP), MR/91, lettre du président du syndicat des entrepreneurs de camionnage de Marseille au président de la Chambre de commerce de Marseille, 1er mai 1930.

    9 Cf. Nicolas Neiertz, La coordination des transports en France de 1918 à nos jours, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 290-293.

    10 La question avait déjà été soulevée par l’Association des grands ports français en juillet 1930, sans toutefois recevoir un écho de grande ampleur. Cf. ACCIAMP, MR/91, lettre de l’Association des grands ports français à la Chambre de commerce de Marseille, 15 juillet 1930.

    11 ACCIAMP, MF/2311, délibération de la CCI de Marseille, registre no 59, fo 70-71, 20 janvier 1950. Cette idée fait suite au vif succès rencontré par la « section container » au salon de l’emballage de Paris, en octobre 1949.

    12 Sur l’histoire de ce Bureau, cf. ACCIAMP, YM/3475, Pierre-Édouard Cangardel, Le développement actuel du container maritime, Paris, Académie de Marine, 1966, p. 6-7.

    13 ACCIAMP, MR/91, procès-verbal de la commission du comité financier de l’exposition internationale du container, 20 février 1950.

    14 Ibid.

    15 ACCIAMP, YA/10/1, Marseille premier port de France. Exposition internationale du container, Marseille, L’Antenne, 1950.

    16 Revue de la Chambre de commerce de Marseille, no 598, mai 1950, p. 31.

    17 ACCIAMP, YA/10/1, Marseille premier port de France. Exposition internationale du container, Marseille, L’Antenne, 1950, p. 14.

    18 ACCIAMP, MR/91, procès-verbal de la commission du comité financier de l’exposition internationale du container, 20 février 1950.

    19 ACCIAMP, MR/91, lettre du directeur du 3e arrondissement des Chemins de fer fédéraux suisses à la direction du port de Marseille, 6 janvier 1951.

    20 ACCIAMP, MR/91, compte rendu de la séance de travail du 2 mai 1950. Voir Marcel Roncayolo, L’imaginaire de Marseille…, op. cit.

    21 ACCIAMP, MR/91, lettre du président du syndicat des entrepreneurs de manutention du port de Marseille au président de la fédération des entrepreneurs de manutention maritime dans les ports algériens, 8 avril 1950.

    22 ACCIAMP, MR/91, lettre du président de la Chambre de commerce de Marseille au secrétaire général du Bureau international des containers, 3 juin 1950.

    23 ACCIAMP, MR/91, lettre du délégué permanent du BIC en Afrique du Nord au siège du BIC à Paris, 26 avril 1950.

    24 Sur l’adoption, non sans controverses, de ces normes, voir Marc Levinson, The Box…, op. cit., p. 183-185 ; Hans van Ham et Joan Rijsenbrij, Development Of Containerization. Success Through Vision, Drive And Technology, Amsterdam, IOS Press, 2012, p. 37-52.

    25 ACCIAMP, AC/168, avant-projet de rapport du « Groupe de travail containers », décembre 1966.

    26 ACCIAMP, L19/62/320, article extrait d’Hommes et techniques, no 289, novembre 1968, p. 922.

    27 Archives du cabinet du Grand Port maritime de Marseille (désormais ACGPMM), délibération no 4 du conseil d’administration du PAM, 4 juillet 1966, f° 10.

    28 Ibid.

    29 Sur le rôle des paquebots Fabre dans l’histoire de l’immigration américaine au début du xxe siècle, cf. William J. Jr Jennings et Patrick T. Conley, Aboard the Fabre Line to Providence  Immigration to Rhode Island, Charleston, History Press, 2013. Sur les liens entre Fabre-SGTM et la CMCR, voir Bernard Cassagnou, Les grandes mutations de la marine marchande française (1945-1995), Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2002, 2 vol.

    30 ACCIAMP, AC/128, compte rendu de la réunion du « Groupe de travail containers », 6 décembre 1966.

    31 Sur l’histoire de la compagnie Isbrandtsen, cf. Kenneth J. Blume, dir., Historical Dictionary of the U.S. Maritime Industry, Lanham/Toronto/Plymouth, The Scarecrow Press, 2012, p. 246-247.

    32 ACCIAMP, AC/128, extrait d’un article de L’Antenne, 18 décembre 1966.

    33 ACCIAMP, AC/168, lettre du président de la Chambre de commerce de Marseille au président du syndicat marseillais du commerce extérieur, 26 septembre 1968.

    34 ACGPMM, délibération no 22 du conseil d’administration du PAM, 13 septembre 1966, fo 6.

    35 ACCIAMP, L19/A60/A215, note sur le nouveau service porte-conteneurs de la compagnie Fabre-SGTM, 10 octobre 1968, fo 1.

    36 ACCIAMP, L19/A60/A215, lettre de G. Villars (services commerciaux de la CMCR) à la compagnie Fabre-SGTM, 23 août 1968.

    37 Une première commande de 700 boîtes est passée à Fruehauf en juin 1968 (ACCIAMP, L19/A60/A165, note sur la commande de containers par Fabre-SGTM, 4 juin 1968), avant que celle-ci
    ne soit portée à 1 200 unités en juillet (ACCIAMP, L19/A60/A215, note de la Compagnie maritime des chargeurs réunis, 15 juillet 1968, fo 1). Lors de ses premières touchées à Marseille, filmées par l’ORTF, seul l’emploi de conteneurs Klöckner est visible (INA, ORTF Télévision Marseille Provence, Provence Actualités, 4 novembre 1968 et 12 décembre 1968).

    38 L’EVP ou « équivalent vingt pieds » est l’unité de mesure du trafic conteneurisé. Un conteneur de 20 pieds de long (environ 6 m) représente 1 EVP ; un conteneur de 40 pieds vaut 2 EVP. En volume et en masse, les capacités maximales théoriques d’un EVP s’élèvent respectivement à 33 m3 et à 28 tonnes de marchandises.

    39 ACCIAMP, L19/A60/A215, note de la Compagnie maritime des chargeurs réunis, 15 juillet 1968, fo 2.

    40 ACCIAMP, L19/A60/A215, note sur le nouveau service porte-conteneurs de la compagnie Fabre-SGTM, 10 octobre 1968.

    41 ACCIAMP, L19/A60/A216, statuts modifiés de MAFOC, 10 octobre 1969.

    42 ACCIAMP, AC/128, compte rendu de la réunion du « groupe de travail containers », 13 décembre 1966, fo 1.

    43 INA, ORTF Télé-Normandie, Normandie Actualités, 21 mai 1969.

    44 ACGPMM, délibération no 12 du conseil d’administration du PAM, 9 juin 1967, fo 6-7.

    45 ACCIAMP, AC/128, compte rendu de la réunion du « groupe de travail containers », 27 février 1967, fo 5.

    46 ACGPMM, CA du 30 avril 1971, rapport du conseil sur la situation du port et l’état des services pendant l’année 1970, fo 42.

    47 ACGPMM, CA du 10 novembre 1967, rapport sur l’acquisition d’un portique de manutention de conteneurs, 3 novembre 1967.

    48 ACGPMM, CA du 8 mai 1970, rapport du directeur de l’outillage, 13 avril 1970.

    49 Le transfert est effectif en décembre 1970. Voir ACGPMM, CA du 30 avril 1971, rapport sur la situation du port et l’état des services pendant l’année 1970, fo 42.

    50 Archives nationales, 19840136/239, note de la Direction des ports sur les manutentions de containers au port de Marseille-Fos, mars 1970.

    51 Un portique supplémentaire de marque PACECO y est installé. Cf. ACGPMM, CA du 28 juin 1974, rapport sur la situation du port et l’état des services pendant l’année 1973, fo 38-39. Fabre n’a cessé d’argumenter auprès du PAM en faveur d’un terminal de plus grande capacité en darse 2, doté de portiques supplémentaires. Cf. ACCIAMP, L19/A60/A216, lettre du président de Fabre-SGTM au directeur général du PAM, 3 février 1971.

    52 ACCIAMP, L19/A60/A266, note technique de la CMCR/Fabre-SGTM sur le trafic de conteneurs à Fos, 21 juin 1971.

    53 ACCIAMP, L19/A60/A266, accord Fabre/Fassio/Hansa pour la création d’Atlantica, 23 novembre 1971.

    54 ACCIAMP, AC/948, étude sur les échanges méditerranéens et la place de Marseille-Fos, 1974, fo 20 bis, annexe 4.

    55 ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1969-1990.

    56 ACCIAMP, L19/A60/A266, note technique de la CMCR/Fabre-SGTM sur le trafic de conteneurs à Fos, 21 juin 1971 et archives départementales des Bouches-du-Rhône, DELTA 10 651, brochure commerciale « Conteneurs via Marseille-Fos » éditée par le PAM, 1983.

    57 Moyennes annuelles calculées pour la période 1975-1986, d’après ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1975-1986.

    58 ACGPMM, CA du 22 juin 1984, rapport du directeur de l’exploitation technique au sujet du service « tour du monde » d’US Lines. Cf. également Bernard Cassagnou, Les grandes mutations de la marine marchande française (1945-1995), op. cit., t. 2, p. 1112. De novembre 1984 à septembre 1985, Fos est le seul port d’escale européen de la compagnie, avant qu’il ne soit complété par Rotterdam. Cf. archives privées Didier Picheral, « Premier bilan de l’opération US Lines », 1986.

    59 ACGPMM, CA du 12 décembre 1984, note du directeur général du PAM, 9 novembre 1984.

    60 Archives privées Didier Picheral, « Premier bilan de l’opération US Lines », 1986.

    61 En raison d’une croissance trop rapide de sa flotte liée à un programme de construction ambitieux de porte-conteneurs géants, la compagnie US Lines, fortement endettée, se retrouve en surcapacité au moment où les taux de fret maritime s’effondrent, sous l’effet du contre-choc pétrolier de 1986. Cf. « L’armement américain US Lines en faillite », Le Monde, 29 novembre 1986.

    62 Calculs effectués d’après ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1966-1990 ; ACGPMM, CA du 22 février 1985 ; Conférence européenne des ministres des transports. Dix-septième rapport annuel et résolutions du conseil des ministres, Paris, OECD Publishing, 1971, p. 436 ; Statistiques de la Commission des ports flamands (1980-2016), http://www.vlaamsehavencommissie.be/en/vhc/pagina/maritime-traffic-european-ports-france-le-havre, page consultée le 31 octobre 2017.

    63 ACCIAMP, AC/948, étude sur les échanges méditerranéens et la place de Marseille-Fos, 1974, fo 20 bis, annexe 3.

    64 ACCIAMP, L19/A60/A214, note sur les difficultés du groupe Atlantica et de la société Fassio, 28 août 1975 ; ACCIAMP, L19/A60/A219, lettre de l’agence maritime Fabre à la société TRAMARSA, 3 mai 1977.

    65 ACGPMM, rapports annuels du conseil d’administration du PAM sur la situation du port et l’état des services, 1966-1986 ; Arvati Paolo et Molettieri Enrico, dir., I numeri e la storia del porto di Genova, Genova, Sistema Statistico Nazionale/Comune di Genova/Unità Organizzativa Statistica, 2004, p. 147.

    66 D’après la biographie officielle de Jacques Saadé : « Jacques R. Saadé et les États-Unis », http://www.cma-cgm-blog.com/fr/jacques-saade-et-les-etats-unis, page consultée le 13 mai 2019. Rappelons également que son père a occupé la fonction d’agent maritime de la compagnie Isbrandtsen au Liban à la fin des années 1950. Cf. The Middle East, London, Europa Publications, 1959, p. 236.

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    Ce livre est cité par

    • Sussman, Sarah. (2022) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 45. DOI: 10.1215/00161071-9933035

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    Bartolotti, F. (2021). La première conteneurisation marseillaise (1950-1986). In F. Bartolotti, X. Daumalin, & O. Raveux (éds.), L’histoire portuaire marseillaise en chantier (1‑). Presses universitaires de Provence. https://doi.org/10.4000/books.pup.57914
    Bartolotti, Fabien. « La première conteneurisation marseillaise (1950-1986) ». In L’histoire portuaire marseillaise en chantier, édité par Fabien Bartolotti, Xavier Daumalin, et Olivier Raveux. Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 2021. https://doi.org/10.4000/books.pup.57914.
    Bartolotti, Fabien. « La première conteneurisation marseillaise (1950-1986) ». L’histoire portuaire marseillaise en chantier, édité par Fabien Bartolotti et al., Presses universitaires de Provence, 2021, https://doi.org/10.4000/books.pup.57914.

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    Bartolotti, Fabien, Xavier Daumalin, et Olivier Raveux, éd. L’histoire portuaire marseillaise en chantier. Aix-en-Provence: Presses universitaires de Provence, 2021. https://doi.org/10.4000/books.pup.57782.
    Bartolotti, Fabien, et al., éditeurs. L’histoire portuaire marseillaise en chantier. Presses universitaires de Provence, 2021, https://doi.org/10.4000/books.pup.57782.
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