1La crise du coronavirus au printemps 2020 a souligné le caractère central des problématiques logistiques, qu’il s’agisse de la paralysie des chaînes globales de valeur, de l’approvisionnement défaillant des masques de protection et de la gestion critique des capacités d’accueil des malades en détresse respiratoire. Même lorsque l’heure du déconfinement est venue, la logistique a été à nouveau évoquée à maintes reprises comme clé de la relance de la « machine économique ». Doit-on s’étonner d’un tel engouement ? La réponse est positive et négative à la fois. Positive car l’intérêt des plus hautes sphères du pouvoir politique pendant la pandémie de Covid-19 détonne avec leur relatif dédain, pendant des décennies, pour des activités de transport relevant d’une simple dimension infrastructurelle. Négative car de nombreux chercheurs et praticiens en dehors du champ de la logistique lui reconnaissent depuis longtemps une importance centrale dans le développement d’un avantage concurrentiel durable.

2Force est pourtant de reconnaître que, sur un plan académique, notamment au sein des instances d’évaluation, qu’elles soient internationales, nationales ou locales, la logistique connaît parfois (souvent ?) un déni de légitimité dans son versant managérial. Dit autrement, pour de nombreux évaluateurs, la logistique « scientifique » serait avant tout de nature ingénierique, fondée sur des logiques d’optimisation sous contrainte, et relevant d’une rationalité substantive, et certainement pas procédurale. L’ouvrage de Simchi‑Levi et al. (2014) en constitue une remarquable illustration. L’une des manifestations les plus éclatantes du triomphe de la rationalité substantive reste certainement le classement des revues considérées comme faisant référence en matière de recherche en logistique, et le type d’articles qu’elles y publient majoritairement. On pourrait également signaler le profil des dossiers des candidats promus aux fonctions de professeur des universités en sciences de gestion et du management, dont un nombre non négligeable possède un background dominant en sciences de l’ingénieur.

3Il n’est évidemment pas question de porter un jugement critique sur des dossiers de qualité, voire de grande qualité, mais de s’interroger sur la sous-estimation délétère du versant purement managérial de la logistique, dont les processus décisionnels n’échappent pas, dans les faits, à la problématique de la rationalité limitée de Simon (1997), mais aussi aux logiques béhavioristes que l’on retrouve dans la théorie des canaux de distribution, ou encore aux modèles de prédation et de régimes de pouvoir développés notamment par Cox et al. (2001). En bref, comprendre la dynamique des chaînes logistiques, c’est mobiliser un appareillage conceptuel qui n’ignore pas les jeux d’acteurs tels qu’ils structurent, déstructurent et restructurent les organisations et les relations inter-organisationnelles. De ce point de vue, une vision décloisonnée qui associe la logistique à d’autres champs disciplinaires des sciences de gestion et du management apparaît indispensable pour sortir de l’impasse dans laquelle une vision purement technicienne pourrait la conduire, en privilégiant maladroitement l’agent plutôt que l’acteur.

Prendre en compte des logiques d’acteur

4Il y a une vingtaine d’années, Lebraty (2000), interrogé sur la question de qu’est-ce que « faire de la recherche en logistique ? », interpellait les chercheurs en sciences de gestion et du management sur le fait que la logistique semblait profondément liée à une approche optimisatrice de l’entreprise, trouvant ainsi ses limites au niveau managérial. Il dressait alors le constat suivant :

Causes, enjeux et limites du développement logistique font de ce domaine une discipline complexe, en situation non stabilisée et dont l’évolution dépend, dans le futur, de l’aptitude des universitaires, des praticiens et des consultants à relever un certain nombre de défis que nous situerons, pour schématiser, dans trois domaines : scientifiques, managérial et pédagogique.

5Depuis, ce champ disciplinaire s’est largement affirmé et la communauté scientifique s’est structurée, notamment dans l’espace francophone autour de l’Association internationale de recherche en logistique et supply chain management (AIRL-SCM), en tentant de relever ces trois défis donnant à la logistique une véritable dimension managériale et organisationnelle.

Rationalité substantive, rationalité procédurale

6Depuis les années 1990, la communauté scientifique a peu à peu pris conscience que la logistique ne se limite ni à des questions d’optimisation, ni aux frontières de l’entreprise, mais qu’elle concerne la politique générale de toute entreprise, qu’elle place le pilotage des interfaces intra- comme inter-organisationnelles au cœur de leur compétitivité et qu’elle requiert une approche transversale des organisations. Tixier et al. (1996) affirment que la logistique d’entreprise n’est plus une « affaire de techniciens », mais un concept dont la maîtrise constitue « un enjeu stratégique de grande ampleur (…) une arme déterminante pour la compétitivité des entreprises ». Toutefois, à ce moment-là, une difficulté demeure : l’absence de définition synthétique de la logistique. Peut-être est-ce lié au fait que ce terme prend alors de plus en plus d’ampleur dans la vie des entreprises et, de ce fait, dans les recherches académiques ? En résumé, si l’importance de la logistique semble reconnue tant au plan professionnel qu’académique, elle est considérée pour certains comme une simple opération élémentaire (gestion des stocks, gestion de production, distribution physique, transport, etc.), alors que d’autres lui attribuent un rôle stratégique de premier ordre (Aurifeille et al., 1997).

7Par la suite, des travaux privilégiant une conception englobante de la notion de logistique, dans une perspective à la fois dynamique (en termes de potentiels) et transversale (entre fonctions d’une entreprise et entre entreprises impliquées dans le fonctionnement d’une même chaîne de valeur), sont venus combler ce manque. À partir des réflexions menées principalement dans le champ du management stratégique et des théories des organisations (Chandler, 1962 ; Ansoff, 1965 ; Drucker, 1967 ; Percerou, 1984 ; Martinet, 1993 ; Koenig, 1996), la notion de logistique est enrichie par la confrontation aux potentiels de compétitivité définis tant en termes de capacités opérationnelles (logique d’exploitation) que de capacités stratégiques (logique d’exploration) (Fulconis, 1999). En termes opérationnels, la conception traditionnelle de la logistique, la limitant à un ensemble de méthodes et de moyens relatifs à l’organisation d’un service ou d’une entreprise, est ainsi élargie par une conception privilégiant une approche processuelle et transversale nécessitant la maîtrise des flux logistiques internes et externes à l’entreprise. En termes stratégiques, la logistique est admise comme un processus pour s’adapter, voire pour s’imposer, constituant dans la durée un réel levier de compétitivité pour les entreprises. Elle devient un support à la mise en œuvre de stratégie, voire une stratégie à part entière. Ces réflexions sur l’essence même de la notion de logistique conduisent à une conceptualisation de la notion de « management logistique » que synthétise le tableau 1.

Tableau 1 : Le concept de « management logistique »

8La conceptualisation de la notion de « management logistique » rejoint la définition proposée ensuite par Colin (2005). Amendant celle avancée par le Council of Supply Chain Management Professionals (CSCMP), il affirme que « le management logistique est cette fraction du supply chain management qui prévoit, met en place et maîtrise de façon efficiente et efficace les flux aller et retour de marchandises, leur entreposage et des services grâce à des informations associées, de manière à satisfaire les exigences du client » (Colin, 2005). Néanmoins, au cours des années 2000, le management logistique suscite toujours de nombreux questionnements théoriques et pratiques. Sa définition même reste discutée et il est encore confronté au dilemme « logique d’exploitation » vs. « logique d’exploration ». Face à ce constat et parce que comprendre la logistique, c’est aussi comprendre les logiques d’acteurs, des réflexions d’ordre conceptuel, orientées davantage vers la question de la prise de décision dans le contexte des chaînes logistiques multi‑acteurs, sont poursuivies.

9Compte tenu de l’enjeu que représente la maîtrise des flux de produits et d’information associés pour les entreprises, quel que soit leur secteur d’appartenance, les décisions logistiques se présentent peu à peu comme un terrain d’investigation idéal pour comprendre l’émergence d’une vision de la décision associant « logique d’exploitation » et « logique d’exploration ». À partir des travaux de Simon (1958, 1976) et de March (1991) sur la rationalité limitée et la rationalité procédurale, des travaux donnent à voir comment l’analyse s’est progressivement déplacée d’une rationalité essentiellement substantive à une rationalité résolument procédurale qui met davantage en lumière la dimension politique des démarches logistiques fondée sur le jeu des acteurs. Ils soulignent en quoi la démarche logistique se situe désormais à l’articulation entre optimisation et innovation, entre exploitation et exploration (Fulconis et Paché, 2011 ; Fulconis et Kacioui‑Maurin, 2013). Ces avancées ne visent pas à contester le paradigme décisionnel dominant en matière de logistique, lequel repose sur une approche tactico‑technique issue des sciences de l’ingénieur, de la recherche opérationnelle et de l’art militaire. Leur idée est principalement de souligner, pour les sciences de gestion et du management, l’intérêt de rapprocher rationalité substantive et rationalité procédurale, en montrant que chacune d’elles obéit à des contextes décisionnels précis. Les responsables, opérationnels comme stratèges, y sont invités à davantage se concerter dans les prises de décision, tant au sein d’une entreprise qu’entre une entreprise et ses partenaires économiques d’une même chaîne logistique (Lavastre et al., 2016 ; Fulconis et al., 2019).

Pouvoir, conflit, coopération : les apports de l’approche organisationnelle

10Dès l’instant où la chaîne logistique est perçue dans une logique d’acteurs, que ceux‑ci soient individuels ou organisationnels, la question des manœuvres stratégiques qu’ils mettent en œuvre pour capter à leur avantage la valeur créée se pose avec insistance. Pour y parvenir, le registre du pouvoir d’influence va être le plus souvent utilisé, comme le soulignent clairement les travaux de Cox et al. (2001). Une telle dimension essentielle n’est pas prise en compte par l’approche ingénierique, alors même qu’elle impacte directement les chaînes logistiques. Ceci n’est pas étonnant en soi car l’agent fait plus ou moins référence à un système holonique fondé sur de simples entités cyber-physiques connectées entre elles. La question du pouvoir s’appuie sur les travaux de French et Raven (1959), dont le mérite est d’avoir clairement identifié les cinq sources de pouvoir à la disposition d’un acteur : quatre sources de nature non coercitive (récompense, expertise, légitimité et valeur de référence), et une source de nature coercitive (sanction). Les sources de pouvoir de nature non coercitive et coercitive font directement écho au management des chaînes logistiques :

• La récompense. En massifiant les flux à destination du réseau de magasins et de drives sur quelques entrepôts et plates-formes logistiques, un distributeur offre à l’industriel l’opportunité de réaliser des gains de productivité sur ses opérations de transport, de manutention et de stockage. Il est donc en situation de le « récompenser », même si la rétrocession partielle sous forme de remises pour passage par entrepôt réduit le montant total de la rétribution, autrement dit de la récompense.

• L’expertise. Un industriel possède habituellement des compétences industrielles et commerciales en packaging des produits (optimisation des unités de conditionnement et d’emballage). La normalisation et le compactage des emballages de nombreux produits de grande consommation ont ainsi conduit à une meilleure gestion dans l’approvisionnement et la gestion des linéaires qui confère à l’industriel un vrai pouvoir d’expertise vis‑à‑vis du distributeur.

• La légitimité. Les compétences logistiques accumulées – et reconnues – par un membre de la chaîne logistique finissent par lui assurer un certain « prestige ». Ainsi, la mutualisation des opérations logistiques conduite par certains PSL les rend légitimes aux yeux des industriels et des distributeurs dans une politique de réduction de l’impact écologique des activités d’acheminement des produits. Les PSL démontrent ainsi des qualités dans le pilotage des flux logistiques qui leur confèrent une réelle autorité.

• La valeur de référence. Permettre à un transporteur d’être identifié comme partie prenante d’une organisation logistique performante crée une source de pouvoir. L’un des exemples illustratifs est celui des 4PL (fourth party logistics). Un 4PL va effectivement mobiliser des partenaires, dont des transporteurs, pour exécuter sa prestation. Lorsque cette dernière est reconnue comme exceptionnelle par les chargeurs, ledit 4PL devient une valeur de référence pour ses partenaires.

• La sanction. Un membre de la chaîne logistique peut être persuadé qu’un autre membre (dominant) est apte à le priver d’un certain nombre d’avantages, financiers ou non financiers. Par exemple, un distributeur disposera d’un pouvoir évident sur un industriel si ce dernier est convaincu que ses produits peuvent être retirés de l’assortiment – en magasin ou en ligne – en cas de ruptures d’approvisionnement répétées, entraînant alors une perte importante de chiffre d’affaires.

11L’exercice du pouvoir, notamment dans sa déclinaison coercitive, est à l’origine de la plupart des situations conflictuelles rencontrées. Le conflit dans les chaînes logistiques multi-acteurs et, plus largement dans les systèmes inter-organisationnels, a fait l’objet de nombre de recherches académiques. Le conflit y est appréhendé comme résultant d’une situation de tensions (paradoxales) dans le processus de partage de la valeur créée. Une telle tension découle du fait qu’un membre d’une chaîne logistique, par exemple un PSL, réalise qu’un autre membre, par exemple son client distributeur, profite de son pouvoir de légitimité et/ou de sanction pour imposer une organisation qui empêche le PSL d’atteindre ses propres objectifs. Par exemple, le distributeur exigera de son PSL qu’il mette en œuvre un contrat logistique dédié (ou exclusif) alors que ce même PSL pourrait aisément, et économiquement, procéder à une mutualisation des ressources d’entreposage et de transport avec d’autres distributeurs. L’intensité du conflit est dès lors, en grande partie, fonction de deux éléments :

• Les sujets de dissension. Ils portent, d’une part, sur la formalisation des domaines respectifs de compétences des membres de la chaîne logistique ; les désaccords renvoient, par exemple, à l’acteur ayant l’expertise ultime en matière d’équipement d’un entrepôt ou d’une plate-forme logistique, avec la présence (ou non) d’investissements idiosyncrasiques faiblement redéployables au sens de Williamson (1991). Ils portent, d’autre part, sur la répartition des processus de décision entre les membres de la chaîne logistique ; les désaccords renvoient, par exemple, à l’acteur qui doit disposer des prérogatives de déclenchement des réapprovisionnements.

• L’absence de visions convergentes. Dans un environnement perçu comme stable, les divergences d’objectifs entre membres d’une chaîne logistique sont le plus souvent mineures, tandis que dans un environnement turbulent, les divergences vont susciter des stratégies de résistance ou de contournement au pouvoir du membre dominant. La crise de la Covid-19 a ainsi souligné combien la gestion des processus logistiques donnait lieu à des perceptions opposées entre des industriels à la recherche d’une sécurisation de leurs approvisionnements en matières et composants, et des fournisseurs cherchant à tout prix à acheminer leur production, y compris en trouvant des acheteurs alternatifs et en utilisant les chaînes logistiques les plus résilientes.

12Compte tenu des coûts potentiels induits par des conflits dysfonctionnels, un nouveau discours émerge pour vanter les vertus de la coopération. Cependant, si le terme de coopération est souvent mobilisé, il s’avère excessif d’en généraliser l’usage car les enjeux de pouvoir restent très présents. S’intéressant au domaine de la logistique, Paché (2002) préfère d’ailleurs évoquer la présence simultanée de logiques de compétition et de coopération, et quand cette dernière émerge, il s’agit sans doute plus d’une « coordination améliorée des flux » que d’une véritable stratégie coopérative. La coordination cherche à améliorer la gestion des opérations entre membres de la chaîne logistique, ce qui nécessite une relative compatibilité entre leurs modes de fonctionnement. La coopération va au-delà de la simple interdépendance puisque les membres de la chaîne logistique vont définir ensemble un projet productif de long terme dont la concrétisation exige un certain niveau de confiance, à la fois dans les compétences techniques et managériales des autres parties, et dans le respect loyal de leurs engagements (Kwon et Suh, 2004 ; Christopher, 2016).

13L’une des évolutions les plus significatives dans une approche coopérative des chaînes logistiques est sans doute le développement de la technologie blockchain, fondée sur des bases de données cryptées et distribuées qui constituent le « registre numérique » de toutes les transactions réalisées entre les membres (Wang et al., 2019). Ce « registre numérique » est accessible sur plusieurs centaines de milliers d’ordinateurs, mais il n’est pas obligatoire de le conserver en un seul endroit comme dans le cas des data warehouses. L’échange d’informations étant renforcé et facilité, dans une logique de traçabilité totale, des zones de coopération peuvent se développer. Le partage des données s’avère plus aisé, ce qui apporte de ce fait plus d’efficacité dans le pilotage de la chaîne logistique, notamment en réduisant le bullwhip effect selon lequel une faible variation de la demande en magasin s’amplifie au fur et à mesure qu’elle remonte la chaîne logistique vers les fournisseurs (Lee et al., 1997), rendant difficile leur activité de prévision de la production. Cet effet a deux origines principales : les achats par à-coup liés aux politiques promotionnelles des distributeurs, et les ajustements de prévision des ventes à chacune des étapes de la chaîne logistique.

14L’organisation et le pilotage des flux de produits constituent un terrain de coopération complémentaire. Les développements les plus récents en matière de supply chain management (SCM) mettent particulièrement l’accent sur la nécessaire perception convergente de la réalité par les entreprises nouant des relations logistiques durables dans le processus de mise à disposition des produits à un client intermédiaire ou final. Sur un plan conceptuel, le SCM fait référence à un niveau de coordination situé entre le marché et la hiérarchie, pour reprendre la terminologie williamsonienne, autrement dit une coordination fondée sur une vision partenariale (ou hybride). Sur un plan opérationnel, le SCM introduit des ruptures majeures par rapport au mode de pensée traditionnel fondé sur la transaction plutôt que la relation : sont ainsi privilégiés désormais des contacts fréquents entre les différents membres de la chaîne logistique, un partage à long terme des risques, des bénéfices et des informations, ou encore une gestion globale des stocks le long de la chaîne (Stock et al., 2010).

15Il est possible de distinguer deux niveaux de collaboration dans le pilotage des flux de produits : un niveau opérationnel et un niveau stratégique. De la même manière, la réalité des stratégies coopératives est parfois différente des idéaltypes que la littérature académique diffuse largement. Au niveau opérationnel, des coopérations poursuivent un objectif de simple optimisation de la logistique, par exemple la mise en place de centres de consolidation entre un industriel, un distributeur et un PSL pour accélérer les flux en transit dans un contexte de stock 0 en magasin. Au niveau stratégique, en revanche, les coopérations vont générer des changements organisationnels profonds, par exemple avec la constitution d’équipes projet transversales aux membres d’une chaîne logistique. Cela ne signifie pas nécessairement que les régimes de pouvoir étudiés par Cox et al. (2001) n’ont plus lieu d’être. Bien au contraire, des projets coopératifs seront sans doute impulsés par un leader qui s’appuiera sur son pouvoir d’expertise, de valeur de référence ou de récompense afin de susciter l’adhésion à son projet. C’est donc dire si la compréhension des enjeux logistiques mobilise une grande diversité de champs disciplinaires structurant les sciences de gestion et du management.

Le paradigme managérial est-il audible ?

16Il semble entendu que, pour en saisir toutes les facettes, le « fait logistique » ne peut se réduire à la perspective holonique propre au paradigme optimisateur ou, pour reprendre les métaphores de l’organisation de Morgan (1986/2006), à une logique cybernétique d’interaction entre de simples « entités ». Au contraire, le paradigme managérial se fonde sur des jeux politiques entre acteurs dont l’analyse conduit à une exploration de nature organisationnelle des processus de création et de répartition de la valeur. De ce point de vue, réduire le management des chaînes logistiques à l’optimisation – sous contrainte – des opérations physiques liées au flux de produits ne peut être satisfaisant, surtout en les considérant indépendamment les unes des autres (transport, entreposage, préparation des commandes, etc.). La logistique se positionne au contraire à la croisée de multiples champs disciplinaires qui conduisent à envisager une perspective systémique et holistique que Tixier et al. (1996) ont identifié et formalisé très tôt. Des travaux plus récents mettent d’ailleurs l’accent sur l’intérêt de cette perspective pour les recherches menées « en » logistique, qu’il faut distinguer des recherches pour lesquelles la logistique serait un simple « terrain d’études » (Fabbe‑Costes et al., 2013). Malgré la richesse d’une telle perspective, il n’est pas sûr qu’elle rende aisée la démarche de publication des chercheurs dans les meilleurs supports.

La logistique à la croisée des champs disciplinaires

17Le management performant d’une chaîne logistique est essentiel pour assurer à ses membres un niveau suffisant de rentabilité, y compris en tenant compte des disruptions générées par l’environnement. Ainsi, la crise sanitaire de 2020 a fait comprendre à nombre de décideurs et hommes politiques que la mise en œuvre d’un réseau de fournisseurs mondiaux n’était pas sans effet négatif en matière de vulnérabilité, tout particulièrement au niveau des approvisionnements (Fulconis et Paché, 2020). Réduire les risques de rupture en préparant des solutions alternatives, au cas où un axe logistique majeur serait interrompu, s’est présenté comme une urgence absolue, et pourtant souvent négligée. Plus largement, le management performant d’une chaîne logistique renvoie à des problématiques de planification des ressources et capacités d’une part, de compréhension des comportements d’achat en fonction des gammes de produit d’autre part. L’évaluation au plus près de la demande permet en effet aux entreprises d’améliorer le fonctionnement des processus logistiques, en évitant un excès ou une pénurie de stocks, et en facilitant l’ajustement des plans directeurs de production. C’est donc dire si la logistique est naturellement, et étroitement, en interaction avec le marketing.

18Pour maximiser le retour sur investissement des dépenses de marketing, il est bien sûr important de se référer à la rentabilité des clients et des produits, afin de s’assurer que les efforts commerciaux sont bien dirigés vers les clients et les produits les plus attractifs. Pour cela, les entreprises disposent d’indicateurs permettant aux équipes de gérer au mieux un processus décisionnel fondé sur la définition de zones géographiques, de gammes de produits, ou encore de canaux de distribution à privilégier. Ceci conduit à pouvoir réagir avec agilité aux conditions changeantes du marché, en consolidant en temps réel les données provenant du terrain, notamment avec l’aide de la big data analytics (Dubey et al., 2019). Encore faut-il que les ressources et capacités logistiques soient disponibles pour faire face aux nouvelles exigences. Le secteur de la distribution est un bon exemple des difficultés rencontrées en la matière. Ainsi, alors que la montée en puissance de la vente en ligne des produits alimentaires a été identifiée comme une tendance lourde dès le milieu des années 2000, témoignage d’un changement profond dans les comportements d’achat, les plus grands distributeurs n’ont jamais vraiment su développer une logistique du dernier kilomètre suffisamment efficace pour livrer jusqu’au domicile du consommateur, conduisant au développement d’une solution dégradée : le drive.

19Le développement de la vente en ligne souligne une autre interaction clé : celle de la logistique et des systèmes d’information. Certes, notamment depuis les travaux séminaux conduits par Fabbe‑Costes (2000) il y a vingt ans de cela, on sait combien les systèmes d’information occupent une place centrale dans le management des chaînes logistiques afin d’assurer l’enregistrement, l’analyse, la gestion et l’utilisation des données tout au long du flux de produits. De l’efficacité des systèmes d’information découlent des processus commerciaux performants pour satisfaire la demande, à la fois en termes de planification et prévision, de gestion des stocks, d’exécution des commandes, de traçabilité des produits, de maintenance et de suivi des performances. Avec la vente en ligne, le consommateur est connecté aux systèmes d’information, et pénètre ainsi une partie du back office logistique, longtemps resté secret – voire mystérieux – à ses yeux. Pour les entreprises, il s’agit alors de sélectionner les technologies, notamment logicielles, les plus adaptées pour maintenir un niveau élevé de réactivité face à une demande volatile, dans le respect d’une allocation optimale des ressources financières. En l’absence d’ajustement rapide des systèmes d’information, c’est la performance logistique qui est menacée, et par conséquent le passage réussi à l’ère du numérique.

20Enfin, le management des chaînes logistiques interpelle directement la gestion des ressources humaines, tant il est vrai que les transformations en œuvre dans la façon d’organiser le pilotage des flux interagit avec les pratiques de recrutement, de formation, de dotation en personnel et de suivi des performances des salariés (McAfee et al., 2002). En effet, les décisions relatives aux ressources humaines doivent être alignées sur les besoins à court et à long terme de l’organisation, et rigoureusement alignées sur les objectifs de production et de distribution. Le principe même des chaînes logistiques est de solidariser des maillons, sachant que la défaillance, même ponctuelle, de l’un d’eux menace immédiatement la performance globale. Les politiques salariales, ainsi que les décisions relatives aux primes et aux plans de rémunération (fixe et variable), sont habituellement gérées au niveau du salarié ou d’un groupe de salariés pour chaque entreprise membre de la chaîne logistique, des salariés répartis souvent sur plusieurs pays aux législations différentes. On conçoit sans peine des divergences majeures de traitement dont l’impact pourrait être significatif, par exemple en matière de blocage d’une unité industrielle et logistique compte tenu de conditions de rémunération ou de travail jugées inacceptables. L’un des cas les plus connus est celui des constructeurs automobiles dont l’arrêt d’une chaîne de production représente environ 5 000 euros par minute en cas de rupture d’approvisionnement en pièces et composants à la suite d’un mouvement de grève chez l’un des fournisseurs.

21À l’évidence, d’autres champs disciplinaires des sciences de gestion et du management entrent en résonance avec la logistique, notamment lorsqu’il s’agit d’aborder la question des choix stratégiques effectués par des entreprises, d’un côté, par exemple en matière d’externalisation, de délocalisation ou, à l’inverse, de retour à la proximité, et la performance qui en découle, de l’autre. Les outils et démarches analytiques du contrôle de gestion s’avèrent ici essentiels pour identifier les informations clés sous forme de KPI synthétisés dans des tableaux de bord de type cockpit (Cekerevac, 2013). Une approche contrôle doit ainsi permettre d’apporter des réponses relatives au calcul des coûts résultant de l’exécution des opérations logistiques, en interne ou en externe, la relation entre le coût et le mode de transport choisi, ou encore la relation entre l’intégration des systèmes d’information, la flexibilisation de la production et la performance commerciale. L’une des tendances les plus lourdes à ce niveau est le développement des réflexions sur la supply chain finance, dont l’objectif est de réduire le coût du capital afin d’optimiser le fonds de roulement et de rationaliser le processus de paiement pour les membres d’une chaîne logistique (Viviani et Vo, 2016 ; Xu et al., 2018). Concrètement, une institution financière intervient ici pour offrir des coûts de financement plus attractifs à un fournisseur, en fonction de la notation de crédit de l’acheteur, généralement meilleure, ce qui favorise une meilleure santé financière et une capacité accrue à faire face aux aléas de la conjoncture.

22Au final, la compréhension de la dynamique des chaînes logistiques se nourrit des apports de plusieurs champs disciplinaires, mais les nourrit également en retour pour élargir leurs propres analyses. On ne peut ainsi imaginer ce que pourraient être les recherches sur le sustainable management sans la prise en compte des enjeux logistiques, particulièrement en ce qui concerne la logistique urbaine durable (Taniguchi, 2014). Cette dernière se positionne au demeurant comme l’une des composantes de l’action publique, et renvoie à des cadres conceptuels explorés de longue date en management public. De manière symptomatique, lorsque la question de l’organisation de la vaccination de masse s’est posée en décembre 2020 aux autorités politiques pour sortir de la Covid‑19, la dimension logistique a instantanément été présentée comme critique pour transporter, stocker et délivrer les vaccins Pfizer / BioNTech et Moderna compte tenu d’une chaîne du froid atteignant des températures (basses) inédites. Cette « infusion » de la logistique dans l’ensemble des sciences de gestion et du management fait sans doute sa richesse en tant que démarche transversale, mais aussi sa faiblesse en termes de visibilité académique : la logistique étant partout, où est-elle vraiment ? Il s’agit là d’un défi majeur pour les chercheurs qui se réclament d’elle quand il s’agit d’identifier les supports les plus adaptés, et les plus réceptifs, pour publier leurs travaux.

Diffuser les recherches en logistique : un « parcours du combattant »

23Des doctorants ou de récents docteurs en sciences de gestion et du management de 2022 peuvent‑ils imaginer un monde académique dans lequel le « ranking » des revues n’existait pas ? Un monde dans lequel l’évaluation des dossiers, notamment lors de recrutements, passait quasi‑exclusivement par une lecture des travaux en commission pour en juger la rigueur et la pertinence, tant conceptuelle que managériale ? Une telle réalité semble aujourd’hui à peine croyable alors même que les classements de revues se sont multipliés à travers le monde, en s’appuyant pour cela sur un ensemble de critères d’évaluation, dont l’un des plus connus est l’impact factor. S’il fallait identifier une sorte de point de bascule, il se situerait en France entre les années 2000 et 2005, avec une volonté affichée de plusieurs institutions et associations académiques de se doter d’outils de mesure fiables et non contestables de la performance d’un chercheur en sciences de gestion et du management, en s’alignant au demeurant sur des pratiques en vigueur dans les « sciences dures ». Depuis lors, pour le meilleur et pour le pire, les classements de revues sont devenus un étalon universel, la valeur la plus sûre pour identifier les « hauts potentiels », voire un outil majeur de communication pour les chercheurs eux-mêmes. Il suffit de consulter les réseaux sociaux pour découvrir régulièrement la mise en scène, par un collègue, de sa dernière publication « dans une revue de rang A », un peu comme les chasseurs de bartavelles de Marcel Pagnol, dans La gloire de mon père, exhibaient fièrement leurs trophées sur la place du marché !

24Il n’en reste pas moins que le monde étant ce qu’il est, publier dans les revues les mieux cotées apparaît désormais comme un point de passage obligé dans la carrière. Les chercheurs en management logistique n’échappent pas à cette règle structurante. Ils ont par conséquent en tête l’existence de classements possibles, et selon la voie choisie (business school ou université), une stratégie personnelle bien comprise s’appuiera sur la publication d’articles dans des revues d’un ou deux classements cibles. Si l’on s’en tient ici à l’instance d’évaluation et de promotion qu’est la section 06 du CNU, le classement de référence est désormais celui établi par la FNEGE (juin 2019 pour le dernier en date). Il hiérarchise des revues en sciences de gestion et du management selon cinq catégories, en partant des revues jugées exceptionnellement sélectives (1*) pour arriver pas à pas aux revues de sélectivité satisfaisante répondant aux principes conventionnels d’arbitrage (4). Nul ne conteste aujourd’hui la rigueur du processus de classement de la FNEGE, qui associe 24 associations académiques, et s’appuie sur neuf classements préexistants (en France, en Allemagne, en Australie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni) et cinq indices bibliométriques (dont le fameux impact factor du Web of Science). Pour tenir compte du fait que les revues francophones restent rarement intégrées dans les classements internationaux, une procédure parallèle y est conduite en s’appuyant notamment sur le h index. Enfin, chacune des revues retenues est rattachée à l’un des 16 champs disciplinaires identifiés, dont la logistique.

25L’analyse factuelle du classement FNEGE 2019, qui n’introduit d’ailleurs pas de rupture majeure par rapport aux classements antérieurs, permet de parler d’un véritable « parcours du combattant » pour le chercheur en logistique s’inscrivant dans le paradigme managérial. Si l’on prend en compte les seules revues classées 1*, 1 et 2 (soit les revues dites de « rang A »), 178 sont répertoriées, dont 19 pour la logistique (un peu plus de 10 %), ce qui n’est pas un mauvais chiffre en soi. En revanche, si l’on se réfère à la ligne éditoriale des 19 revues, telle qu’elle transparaît dans le positionnement affiché par le comité de rédaction et dans les articles qui y sont publiés, la dominante reste majoritairement ingénierique (tableau 2). Autrement dit, alors même que l’approche organisationnelle est reconnue, notamment dans l’univers des professionnels, comme essentielle pour comprendre la dynamique des chaînes logistiques dans un monde globalisé marqué par des disruptions majeures, le paradigme ingénierique reste privilégié. Plus inquiétant encore, ce paradigme est exclusivement anglo-saxon puisqu’aucune revue francophone se retrouve dans le « club des 19 ». Il faut atteindre le rang 3 (dit « rang B ») pour retrouver, parmi les 14 revues présentes, une revue francophone de référence : Logistique & Management. En bref, rien n’est simple pour le chercheur en management logistique voulant avancer dans la carrière, qu’il soit jeune ou confirmé… puisqu’au final, le classement FNEGE 2019 ne reconnaît que 37 revues dans le champ, dont près de la moitié relevant du paradigme ingénierique.

Tableau 2 : Revues de rang A relevant du champ de la logistique dans le classement FNEGE 2019

26Fort heureusement, comme nous l’avons souligné précédemment, l’analyse managériale du fonctionnement des chaînes logistiques se nourrit des apports d’autres champs disciplinaires, et elle les nourrit en retour de ses propres analyses. Cette position privilégiée de marginal sécant permet de trouver des terres d’accueil dans des supports hors du strict « territoire » de la logistique. Bien évidemment, toute la difficulté pour le chercheur sera alors de s’approprier les codes explicites et implicites du support visé, voire les habitus d’une communauté académique au sens de Bourdieu (1980), autrement dit le « système de dispositions réglées » en matière d’identification des courants majeurs de recherche, d’auteurs incontournables à connaître et à citer, des méthodologies les plus appropriées… mais aussi, et souvent, du style argumentatif propre à une discipline donnée ! Ceci explique sans doute le fait que nombre de chercheurs en management logistique se tournent vers des revues de type « généraliste » pour défendre leur position de marginal sécant, difficilement audible par des supports ultraspécialisés. Le succès de plusieurs dossiers spéciaux de la Revue française de gestion consacrés à la logistique et au SCM, par-delà la publication régulière d’articles hors dossiers, témoigne de la reconnaissance bienvenue, par une revue de rang 2, de travaux œuvrant pour une approche décloisonnée et innovante des processus de création de valeur.

Conclusion

27Nul ne conteste que la logistique contemporaine trouve ses racines dans les progrès de la recherche opérationnelle à partir des années 1930, et plus encore, pendant la Seconde Guerre mondiale, des progrès qui donneront lieu rapidement à la diffusion du savoir dans des revues spécialisées dès le début des années 1950 (la revue Operations Research est lancée aux États‑Unis en 1952). Comme on le sait, la recherche opérationnelle s’appuie sur des techniques mathématiques, statistiques et algorithmiques de résolution de problèmes pour aider à la prise de décision. On doit à Charles Babbage (1791‑1871) la première incursion dans le domaine du transport puisque ses recherches sur l’optimisation du coût d’acheminement et de tri du courrier ont abouti à la création du système postal britannique moderne en 1840. C’est toutefois l’opération Overlord, autrement dit le débarquement de Normandie du 6 juin 1944, qui marque le véritable triomphe de la recherche opérationnelle appliquée à la logistique, même s’il ne faut pas oublier qu’au Royaume-Uni, une équipe de scientifiques s’est évertuée, pendant le conflit, à appliquer des techniques pour conduire à l’utilisation la plus efficace possible de ressources militaires limitées.

28L’opération Overlord témoigne d’une optimisation des flux sur une échelle jamais connue jusqu’alors. Elle symbolise aussi et surtout la capacité des États-Unis à mobiliser les compétences les plus avancées en matière de recherche opérationnelle, notamment en se tournant vers des universitaires spécialisés comme Georges Doriot, professeur à Harvard, qui devient en 1941 le directeur du département de planning militaire de l’US Army avec le grade de lieutenant-colonel. Il est vrai que l’enjeu est majeur puisqu’il s’agit alors d’organiser, depuis le continent nord-américain, une attaque surprise des forces nazies en Europe en déplaçant jusqu’aux plages de Normandie 150 000 hommes le jour J, puis 850 000 hommes après le jour J, accompagnés de 5 000 navires et 11 000 avions. Une fois la Seconde Guerre mondiale terminée, l’industrie américaine accueillera massivement les spécialistes de recherche opérationnelle, désormais démobilisés, pour tirer bénéfice de leurs compétences et mettre en œuvre les optimisations logistiques indispensables en vue d’accompagner la croissance quantitative des marchés de consommation.

29Face à un tel héritage, on peut comprendre aisément que le management des chaînes logistiques ait été durablement marqué par une vision ingénierique dominante. Si cette dernière ne doit pas être reniée, il reste à ne pas la considérer comme la seule manière de penser le pilotage des flux. Bien au contraire, comme nous l’avons indiqué dans le chapitre, une approche managériale s’intéressant aux logiques d’acteurs s’avère indispensable pour comprendre les enjeux logistiques en présence. Dans un monde globalisé soumis à des turbulences récurrentes, dont la pandémie de Covid‑19 n’est que l’illustration la plus récente, la question qui se pose est sans doute celle de l’usage de la logistique comme arme dans la compétition. Force est d’admettre qu’opter pour une simple vision holonique d’entités cyber-physiques – ou agents – interconnectés ne peut rendre compte de cette « épaisseur » stratégique et organisationnelle, pourtant essentielle. La rupture paradigmatique sous-tendue ne pourra se concrétiser qu’à une seule condition : abandonner une fascination mortifère pour la recherche opérationnelle vue comme fin en soi, et non comme un ensemble d’instruments au service de la décision managériale.