Les structures attribuables au Néolithique moyen de type Chassey (dernier tiers du Ve millénaire avant notre ère)
p. 117-228
Texte intégral
1Soixante-douze structures fouillées ont livré au moins un élément céramique spécifique du Néolithique moyen de type Chassey à l’exclusion de toute autre période : 37 cuvettes, 28 dépressions, quatre fosses cylindriques, une fosse à galets chauffés, un puits et un silo. Aucun trou de poteau n’a pu être attribué à ce groupe. La profondeur moyenne des structures est de 15 cm (sans le puits). Les creusements d’une profondeur supérieure à 30 cm sont rares (fig. 75). La céramique qui provient de l’ensemble de ces structures représente au total 69 kg, l’industrie lithique 7 kg, l’outillage lithique pondéreux 29 kg.
75. Diagramme diamètre/profondeur des structures fouillées attribuées au Néolithique moyen de type Chassey

2Les dépressions sont concentrées dans la partie nord-est du décapage. Les autres structures (essentiellement des cuvettes) couvrent une grande moitié est du décapage. La partie ouest du décapage n’a livré que peu de structures attribuables au type Chassey (fig. 76).
76. Répartition des différents types de structures fouillées attribuées au Néolithique moyen de type Chassey

3Nous aborderons dans ce qui suit successivement les structures dont le remplissage n’a livré aucun élément permettant de supposer une fonction mortuaire, qualifiées ici de structures non mortuaires1, puis les structures pour lesquelles il est possible d’envisager une fonction mortuaire (c’est-à-dire les structures qui renfermaient soit des restes humains avérés, soit des restes osseux indéterminés associés à des objets fréquents dans les contextes funéraires).
6.1 Le Néolithique moyen de type Chassey : les structures non mortuaires
F. Antolín, M. Bader, A. D’Anna, C. Delefosse, F. Follmann, S. Jacomet, A. Jesus, M. Kühn, B. Röder, M. Schäfer, J. Schi bler, A. Reggio, S. van Willigen
4Les 64 structures fouillées, attribuables au Néolithique moyen de type Chassey et dont le remplissage n’a livré aucun reste humain avéré attestant une fonction mortuaire, sont localisées sur l’ensemble de la zone décapée. Cependant, la répartition du poids du mobilier archéologique (céramique, industrie lithique taillée et macro-outillage lithique) est loin d’être homogène. Dans les trois cas, l’essentiel des découvertes provient de la partie nord-est de la fouille (fig. 77-79).
77. Répartition des structures fouillées non mortuaires et attribuées au Néolithique moyen de type Chassey

Les cercles sont proportionnels au poids de restes céramiques.
78. Répartition des structures fouillées non mortuaires et attribuées au Néolithique moyen de type Chassey

Les cercles sont proportionnels au poids de l’industrie lithique taillée.
79. Répartition des structures fouillées non mortuaires et attribuées au Néolithique moyen de type Chassey

Les cercles sont proportionnels au poids du macro-outillage.
5Nous allons nous pencher dans ce qui suit sur les formes que prend cette occupation. Il est naturellement hors de question de présenter l’ensemble des structures attribuées au Néolithique moyen de type Chassey (elles sont décrites dans le catalogue des structures qui figure en annexe). Seules quelques-unes seront présentées ici parce qu’elles sont représentatives de leur type ou parce que leur forme ou leur remplissage présente des particularités importantes pour notre propos.
6.1.1 Les structures et leur remplissage
6Nous aborderons dans cette partie successivement les cuvettes, les dépressions, les fosses cylindriques, les fosses- silo, les fosses à galets chauffés et les puits. La terminologie reprend celle fixée dans le § 5.1.
6.1.1.1 Les cuvettes (n = 37)
7De manière générale, leur remplissage est constitué d’un sédiment limoneux extrêmement difficile à discerner de l’encaissant. Hormis le cas des dépôts funéraires dont il sera question plus bas (§ 6.2), et à de rares exceptions près, elles n’ont livré que peu d’éléments : quelques galets ou blocs calcaires, quelques pièces lithiques et tessons de céramique. Si on ne tient compte ni des sépultures ni de la structure 68 (voir ci- dessous), la céramique recueillie dans les creusements de type cuvette est peu abondante (300 g par structure en moyenne), très fragmentée (6,6 g par tesson en moyenne) et les remontages sont rares.
Les structures 856 et 1050
8Ces deux structures (fig. 80), attribuées au Néolithique moyen de type Chassey sur la base de deux fragments de coupes à bourrelet interne (fig. 80, 3-4) et d’un fragment de vase à épaississement externe (fig. 80, 5), illustrent bien ces caractéristiques. Dans les deux cas, il s’agit de cuvettes subcirculaires d’environ 1,20 m à 1,50 m de diamètre pour une profondeur maximale de 30 cm. Toutes deux sont comblées par un sédiment limono-argileux gris clair. Leur remplissage a livré quelques éléments céramiques et lithiques très fragmentés.
80. Plan, coupe et mobilier des structures 856 et 1050

La structure 68
9C’est une exception à tous les points de vue. Elle fait partie, avec un diamètre de près de 1,80 m et une profondeur de 30 cm, des plus grandes structures de ce type (fig. 81). Nous l’avons choisie car elle semble avoir eu une fonction particulière et constitue un ensemble clos important pour la définition du Néolithique moyen de type Chassey. Son remplissage est constitué presque exclusivement de galets, d’outillage de mouture fragmenté, d’ossements de faune, d’outillage lithique et de céramique (fig. 82). Si les galets sont en grande partie rubéfiés, le sédiment comblant et le sédiment encaissant ne présentent, eux, aucune trace de rubéfaction. La conservation des restes fauniques mérite une mention particulière. Il s’agit ici d’un des rares creusements peu profonds à avoir livré des ossements non brûlés et fourni donc quelques informations relatives à l’économie animale. La faune est extrêmement fragmentée, mais de nombreux ossements sont brisés sur place (fig. 83) ce qui indique que la fragmentation est essentiellement due à des facteurs taphonomiques et qu’ils ont été déposés dans la fosse sous forme de gros fragments, voire d’os complets (voir ci-dessous). L’outillage lithique (304 g), le macro-outillage lithique (17 kg) et la céramique (près de 12 kg) sont abondants. Cette dernière est peu fragmentée (13 g/tesson en moyenne) et les remontages sont nombreux.
81. Plan et coupe de la structure 68

82. Vue de la structure 68 (premier niveau de démontage)

83. Détail de la structure 68 (premier niveau de démontage)

La céramique
10La structure 68 a livré 891 tessons correspondants à un minimum de 43 vases. Les principales formes représentées sont les vases à bord épaissis à l’extérieur (6 individus ; fig. 84), les coupes à bourrelet interne (9 individus ; fig. 85, 26-34) et les vases profonds (huit individus ; fig. 85, 1-2, 8-10, 11, 14-15). Les préhensions (au total 32 individus ; fig. 86, 1-32) sont représentées par 19 anses en boudin ou en ruban, 10 boutons parfois très proéminents et un bouton perforé horizontalement. On notera la présence d’une coupe en calotte de grande dimension (fig. 85, 25), d’un manche de louche décoré de cannelures disposées en chevrons (fig. 86, 32), et d’un objet cylindrique en terre cuite (peut-être un manche de cuillère ; fig. 86, 31). Un vase est muni d’un double registre de bouton (proéminent sur la panse, bouton simple sous le bord). Deux fragments jointifs de panse présentent un épaississement en forme d’épaulement qui correspond probablement à une forme de préhension constituée d’un rajout de pâte sur un segment de la paroi et perforé horizontalement ou verticalement à chaque extrémité. Le fragment d’un vase de grande dimension est muni d’un cordon (multiforé ?) appliqué. Le manche de louche mentionné ci-dessus est le seul objet décoré. L’attribution de cet ensemble céramique au Néolithique moyen de type Chassey repose essentiellement sur la présence de coupes à bourrelet interne et de vases à col épaissi à l’extérieur.
84. Le mobilier céramique de la structure 68

1-7 : vases à épaississement externe.
85. Le mobilier céramique de la structure 68

1-13 : vases hémisphériques ; 14-16 : vases à col ; 17-24 : formes indéterminées ; 25 : coupe de grande dimension ; 26-34 : coupes à bourrelet interne.
86. Le mobilier céramique de la structure 68

1-30 : différents types de préhensions et de suspensions ; 31 : manche cylindrique ; 32 : manche de louche décoré.
L’outillage lithique taillé
11Contrastant avec la richesse du corpus céramique, l’industrie lithique (75 éléments) est principalement composée de débris et d’éclats de mise en forme brûlés. Quelques lames sont tout de même présentes, dont deux utilisées comme support de burin, une de support de racloir. Deux grattoirs sur éclat complètent l’outillage (fig. 87).
87. Le mobilier lithique de la structure 68

1 : lame en silex bédoulien, débitée par percussion indirecte ; 2 : lame en silex bédoulien débitée par pression ; 3-4 : burins sur lame en silex bédoulien ; 5 : grattoir sur éclat en silex bédoulien.
Outillage de mouture
12Il est représenté par dix fragments : trois meules, deux molettes, un broyon et quatre fragments indéterminés (meules ou molettes). L’ensemble présente des fractures thermiques.
La faune
13La présence de restes fauniques dans cette structure est un fait exceptionnel sur le site (voir § 3.5). Elle est vraisemblablement liée aux nombreux blocs calcaires et galets présents dans le remplissage. Néanmoins, lors de la fouille, c’est-à-dire à l’état humide, les ossements étaient extrêmement fragiles, ce qui a rendu difficile leur dégagement. Les fragments les plus grands ont dû être consolidés in situ avant leur prélèvement. L’ensemble du corpus est très érodé et les surfaces sont très corrodées. Les ossements sont par ailleurs très altérés par les racines, omniprésentes dans l’ensemble du remplissage de la fosse.
14La forte fragmentation des restes de faune a naturellement une incidence sur le travail de détermination. Plusieurs centaines de fragments et esquilles présentent des dimensions de l’ordre de quelques millimètres et sont donc trop petits pour pouvoir faire l’objet d’une détermination ostéologique. De la sorte, dans de nombreux cas, il a tout au plus été possible de faire une grossière estimation de la taille de l’animal. Pour les mêmes raisons, une détermination détaillée des espèces est le plus souvent impossible. Curieusement, la mauvaise conservation des restes fauniques touche également les dents qui, d’ordinaire, se conservent mieux grâce à leur plus forte minéralisation (voir infra fig. 91).
15Pour caractériser le corpus, le nombre et non pas du poids de reste a été pris en compte. En effet, le sédiment qui adhérait encore aux restes osseux permettait de consolider ceux-ci et n’a donc pas été enlevé. De ce fait, la pesée des restes fauniques aurait donné des résultats faussés. Toutefois, les chiffres ainsi que les descriptions et les photographies documentent de manière suffisamment claire l’état de fragmentation des ossements. De plus, différents secteurs et niveaux de la structure 68 ont donné lieu à des prélèvements de sédiment tamisés à l’eau (maille de 2 mm). Les centaines d’esquilles recueillies de la sorte n’ont pas été décomptées précisément, mais leur nombre a été évalué.
16La structure 68 renfermait près de 7000 restes fauniques (fig. 88). Seuls 250 restes (3,6 %) ont pu être attribués à une espèce. Quelques centaines de fragments ont pu au moins être attribués à différentes tailles d’animaux.
88. Décompte des restes fauniques de la structure 68
taxon | NRd | NRd% | NR% |
Bos taurus | 233 | 93,2 | |
Sus domesticus? | 1 | 0,4 | |
Caprinae | 13 | 5,2 | |
Canis familiaris | |||
total domestiques | 247 | 98,8 | |
Cervus elaph.? | 3 | 1,2 | |
total sauvage | 3 | ||
total déterminés | 250 | 100 | 3,6 |
grands ruminants | 7 | 0,1 | |
taille 6 (bœuf/cerf) | 778 | 11,2 | |
taille 5 (porc) | 13 | 0,2 | |
taille 4 (caprinés) | 17 | 0,2 | |
taille 4/5 | 8 | 0,1 | |
indéterminés | 5868 | 84,6 | |
total indéterminés | 6691 | 96,4 | |
total | 6941 | 100 |
Nombre de restes déterminés (NRd) et nombre de restes (NR).
17Seuls trois fragments pourraient correspondre à de la faune sauvage (Cervus elaphus). La faune domestique est essentiellement représentée par le bœuf (Bos taurus) qui représente 90 % des restes déterminés. 5 % des restes déterminés proviennent de petits ruminants, moutons (Ovis aries) ou chèvre (Capra hircus). Un fragment pourrait correspondre à du porc. Les ossements qui ont pu être attribués à une classe de taille d’animaux ne contredisent pas la prédominance du bœuf puisque leur majorité correspond à des animaux de grande taille. Il ne faut toutefois pas oublier que la plupart des restes sont constitués de fragments trop petits pour faire l’objet d’une détermination quelconque.
18La question est de savoir si la prédominance du bœuf doit être mise sur le compte du seul mauvais état de conservation des restes fauniques. Si l’on ne prend en considération que les parties du squelette les plus résistantes, à savoir les dents, le rapport entre bœuf et chèvre/mouton est de 103 :10 (fig. 89), ce qui correspond grossièrement au taux observé sur la base des restes déterminables. Si l’on considère maintenant les ossements plus fragiles, le taux bœuf-chèvre/mouton passe à 130 :3 (fig. 89). La tendance est alors au net détriment des chèvres/moutons. La prédominance des restes de bœuf n’est donc pas liée aux conditions de conservation, mais correspond vraisemblablement aux proportions originelles. Cependant, les différents taux bœuf-chèvre/ mouton, selon si l’on considère les dents ou les os, montrent que la proportion d’animaux de petite taille doit être corrigée vers le haut. Quoi qu’il en soit, le bœuf joue un rôle prédominant au sein des restes fauniques de la structure 68, surtout si l’on se réfère au poids de viande. Les petits ruminants domestiques ont une importance moindre. Les autres espèces, qu’elles soient domestiques ou sauvages, jouent, quant à elles, un rôle négligeable.
89. Décompte des parties anatomiques des différentes espèces attestées dans la structure 68

19Les restes de bœuf sont les seuls à être présents en nombre suffisamment important pour permettre d’étudier la représentation des différentes parties du squelette. En l’absence de données relatives au poids de restes (voir ci- dessus), la fréquence des différentes parties du squelette a été comparée au nombre d’ossements d’un squelette complet de bœuf en tenant compte d’un facteur de fragmentation théorique. Cette comparaison (fig. 90) montre bien que la tête (ici en particulier les dents) est surreprésentée et que le tronc est, à l’inverse, sous- représenté. Ces deux aspects sont en premier lieu le résultat du très mauvais état de conservation des restes osseux et sont donc liés à des facteurs taphonomiques. Dans les cas où l’état de conservation est mauvais, il est généralement difficile de déterminer les parties proximales (stylopode) et médianes (zeugopode) des membres.
90. Déviance de la fréquence des différentes parties du squelette de bœuf par rapport à un squelette complet en tenant compte de la fragmentation

20Contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre, stylopode et zeugopode sont légèrement surreprésentés. L’autopode est aussi sensiblement surreprésenté ce qui est lié en premier lieu au fait qu’il est aisément reconnaissable et déterminable. Si l’on tient compte des facteurs taphonomiques, nous pouvons donc en conclure que les ossements de bœuf présentent un spectre complet et relativement équilibré au sein duquel les extrémités, riches en viande, sont légèrement surreprésentées. Toutefois, les parties crâniennes riches en graisse et les extrémités pauvres en viande sont également bien représentées. Tout cela va donc plutôt dans le sens d’une interprétation de cet ensemble comme restes de boucherie, débitage et consommation sur place.
21Les dents attestées dans la structure 68 prouvent clairement l’existence de plusieurs individus d’âges différents : dents de lait, dents définitives avec des degrés d’usure variés et des molaires fortement usées. En conséquence, les restes d’individus d’un âge inférieur à 2 ans, des individus de 3 à 5 ans ainsi que des bêtes beaucoup plus âgées sont attestés dans cette structure. Il est donc possible de supposer que la structure 68 contenait les restes de trois à cinq bœufs d’âges variés. Par ailleurs certains indices tendent à montrer qu’il existe au sein des ossement de bœuf adulte des tailles ou des états de croissance différents. Les dents indiquent la présence de deux tailles différentes (fig. 91), mais il est possible que cela soit un effet du dimorphisme sexuel. Une première phalange antérieure est extrêmement grande et provient probablement d’un mâle ou d’un animal castré (fig. 91, à droite). Quelques os longs présentent des parois très épaisses, ce qui fait penser à des animaux robustes.
91. Exemples de la variabilité de la taille de certains os de bœuf

Dentition de la mandibule (de gauche à droite M1, M2 et M3 ; M3 est clairement plus robuste) et une phalange de grande taille (Phalanx I).
22Dans l’ensemble, ces indices vont dans le sens d’une fosse dans laquelle ont été déposés pêle-mêle les restes d’une ou de plusieurs structures à galets chauffés et les restes de préparation et de consommation de viande (trois à cinq bœufs et un nombre indéterminé de chèvres/moutons) ainsi qu’un nombre consistant de récipients fragmentés et quelques outils lithiques. Il s’agit d’un assemblage important qu’il aurait été intéressant de dater par le radiocarbone. Toutefois, vu l’état de conservation des ossements et la taille des microcharbons, une telle démarche nous paraissait aléatoire. La décision a donc été prise de ne pas faire dater d’échantillons provenant de cette structure.
Structure 413
23Sans être aussi riche que la structure précédente, cette petite cuvette circulaire de 1 m de diamètre pour une profondeur maximale de 20 cm était entièrement comblée de galets (dont certains présentent des traces de rubéfaction), de blocs calcaires et de mobilier archéologique (fig. 92-93).
92. Plan et coupe de la structure 413

93. Vue de la structure 413

24Ici encore, il s’agit d’un remplissage atypique puisque la céramique (687 g, huit vases au minimum) est peu érodée et relativement peu fragmentée (8 g/tesson) et les remontages sont relativement nombreux. On notera la présence d’un petit fragment de bord d’une coupe à bourrelet interne (fig. 94, 6) et un petit vase à profil légèrement sinueux et inflexion basse, muni d’un bouton perforé horizontalement placé à hauteur de l’inflexion (fig. 94, 4), deux formes caractéristiques du Néolithique moyen de type Chassey.
94. Le mobilier de la structure 413

1-3, 5 : bords droits ; 4 : vase tulipiforme ; 6 : coupe à épaississement interne ; 7-10 : différentes préhensions ; 11 : fragment proximal de lamelle en obsidienne de Lipari débitée par pression ; 12 : nucléus en silex bédoulien.
25Cette structure refermait en outre huit éléments lithiques, dont un fragment de lame en obsidienne et un nucléus polyédrique (fig. 94, 11-12). Les supports sont essentiellement laminaires.
26Les deux cuvettes 68 et 413 ont livré à la fois un mobilier caractéristique et des indices permettant de supposer que le mobilier ne provient pas d’ensembles remaniés (absence d’éléments plus récents, bon état et faible fragmentation de la céramique, nombreux remontages). Il n’en va pas de même pour la majorité des cuvettes qui, comme les structures 856 et 1050, n’ont livré que quelques éléments épars. L’attribution de ces structures à l’occupation du Néolithique moyen de type Chassey est délicate et ne peut être considérée au mieux que comme hypothétique.
6.1.1.2 Les dépressions (n = 28)
27Comme cela a été évoqué, les dépressions constituent dans la partie nord-est du site le principal type de structure. Il s’agit pour la plupart d’anomalies topographiques de la surface du terrain, contemporaine de l’occupation néolithique et non pas d’aménagements anthropiques. En voici quelques exemples.
Structure 257/258
28Au terme du décapage, cette structure se présentait sous la forme d’une zone grise aux contours diffus (fig. 95). La fouille a permis de montrer qu’il s’agissait en fait d’une légère dépression de forme ovalaire, profonde de quelques centimètres (fig. 96) et dont le fond était par endroit jonché de tessons de céramique ainsi que de quelques rares éléments lithiques posés à plat (fig. 97).
95. Vue de la structure 257/258 avant la fouille

96. Plan et coupe de la structure 257/258

97. Vue de la structure 257/258 après la fouille de la moitié sud

Dans cette partie, le fond de la dépression était jonché de tessons céramiques ainsi que de quelques éléments lithiques posés à plat.
29La céramique présente un bon état de conservation. Les surfaces sont bien préservées et les cassures relativement fraîches. Les pans de vases sont cassés sur place, probablement par le poids des sédiments et moins par piétinements qui auraient probablement conduit à une dispersion des différents tessons. Le mobilier archéologique (fig. 98) présente quelques éléments intéressants. La céramique comprend plusieurs formes reconstituables parmi lesquelles différentes coupes à bourrelet interne et un vase à inflexion basse et épaulement partiel à perforations verticales.
98. Mobilier céramique de la structure 257/258

1-9 : coupes à bourrelet interne ; 10-12 : vases à inflexion basse ; 13-15 : bords ourlés ou éversés ; 16 : petit vase sphérique.
3017 pièces lithiques proviennent de cette structure. Il s’agit en majorité d’éclats de mise en forme, mais on notera la présence d’une lame aux deux bords abattus ainsi que d’une bitroncature géométrique brûlée (BG.32a), dite de « type Jean-Cros » (Tixier 1979 ; fig. 99).
99. Mobilier lithique de la structure 257/258

1 : lame en silex bédoulien appointie par retouches abruptes ; 2 : bitroncature géométrique brûlée.
Structure 242
31Il s’agit d’une grande dépression aux contours indistincts de 3,5 m de longueur sur 2,50 m de largeur pour une profondeur maximale de 20 cm (fig. 100). Elle est comblée par un sédiment limono-sableux gris-brun. Sa fouille a montré qu’elle était quasiment vide de tout vestige archéologique à l’exception d’une concentration de céramique et d’éléments lithiques dans la partie est (fig. 101) et de galets (dont certains brûlés) dans la partie ouest (fig. 102). Tout cela évoque des vestiges d’activité répartis de manière aléatoire sur un lambeau de surface de circulation.
100. Plan et coupe de la structure 242

101. Vue de la concentration de céramique et de galets de la structure 242

102. Vue de la concentration de galets au fond de la structure 242

32Le mobilier archéologique comprend les fragments de plusieurs vases dont une assiette à marli et un vase de taille moyenne muni d’une anse en ruban (fig. 103) et 25 éléments lithiques (essentiellement des débris et un grattoir sur éclat).
103. Mobilier de la structure 242

1 : vase sphérique à bord éversé ; 2, 13 : différents types de préhensions ; 3-9 : bords droit ; 10 : coupe à bourrelet interne ; 11-12 : assiettes à marli et aile inornée.
Structure 261
33Elle est en tout point comparable aux précédentes (fig. 104), mais n’a livré que peu de mobilier (fig. 105). Parmi la céramique, on notera la présence d’une coupe à bourrelet interne et d’un bouton proéminent perforé horizontalement(fig. 105, 1-2). L’industrie lithique comprend 45 pièces : fragments de lames, d’éclat et débris dans des proportions équilibrées. Parmi les produits laminaires, on notera la présence d’un racloir sur lame et d’une lame de section trapézoïdale complète (12 cm) débitée par pression qui gisait à plat au fond de la structure, directement sur le substrat (fig. 105, 5 et fig. 106).
104. Plan et coupe de la structure 261

105. Mobilier de la structure 261

1 : coupe à bourrelet interne ; 2-4 : différents types de boutons perforés ; 5 : lame en silex bédoulien complète débitée par pression.
106. Vue de la lame de la figure précédente in situ dans la structure 261

6.1.1.3 Les fosses cylindriques (n = 4)
34À la différence des types de structures dont il a été question jusqu’à présent, les fosses cylindriques sont, vu leur forme et leur profondeur, indubitablement des creusements anthropogènes. Ce type étant rare au sein des structures attribuées au Néolithique moyen de type Chassey, nous n’entrerons pas ici dans le détail. La structure 267 fournit un exemple de ce type de creusement.
Structure 267
35Il s’agit d’une structure circulaire de 1,60 m de diamètre pour une profondeur de 40 cm (fig. 107). Le remplissage, homogène, est constitué d’un sédiment argileux gris foncé (fig. 108). Le mobilier céramique est peu abondant et très fragmenté (fig. 109). Les remontages sont inexistants. Notons tout de même la présence de quelques éléments céramiques intéressants : un fragment de coupe à bourrelet interne, un manche de louche à excroissances, un bandeau multiforé et un curieux cordon à encoches et perforations verticales. L’industrie lithique comprend 22 lames, 14 éclats et 144 débris, dont huit pièces retouchées (un burin, un grattoir, deux racloirs sur éclats, deux racloirs sur lames et deux troncatures ; fig. 109).
107. Plan et coupe de la structure 267

108. Vue de la coupe de la structure 267

109. Mobilier de la structure 267

1-8 : bords droits ou légèrement éversés ; 9 : bord à épaississement externe ; 10 : coupe à bourrelet interne ; 11 : fragment de vase caréné ; 12-14 : différents types de préhensions ; 15 : fragment de manche de louche ; 16 : Burin sur lame en silex bédoulien ; 17 : fragment mésial de lame avec enlèvement d’utilisation ; 18 : lamelle en quartz hyalin ; 19 : fragment distal de lame tronquée en silex bédoulien ; 20 : fragment proximal de lame en silex bédoulien débitée par percussion indirecte.
36La rareté et la forte fragmentation du mobilier céramique sont des caractéristiques de ce type de structure. On retrouve ces caractères dans la seule fosse-silo attribuable au Néolithique moyen de type Chassey.
6.1.1.4 La fosse-silo
37La structure 98 est le seul creusement assimilable à une fosse-silo. Il s’agit d’une structure de plan circulaire d’un diamètre d’environ 1,40 m pour une profondeur maximale de 50 cm (fig. 110-111). Les parois présentent, tout au moins sur la coupe est-ouest (coupe 1) un rétrécissement très net vers le haut. Le remplissage est composé dans sa partie supérieure d’un sédiment limono- sableux gris clair à beige incluant quelques graviers ainsi que quelques galets (us 1). Le niveau sous-jacent est constitué d’un sédiment limono-sableux gris (us 2) tournant au gris foncé dans la partie est de la fosse (us 3).
110. Plan et coupe de la structure 98

Sédiment gris clair à beige incluant quelques graviers et galets (us 1), sédiment gris (us 2) à gris foncé (us 3).
111. Vue de la coupe 2 de la structure 98

38Le mobilier céramique est peu abondant et très fragmenté (fig. 112). L’attribution de cette structure au Néolithique moyen de type Chassey est largement hypothétique puisqu’elle ne repose que sur un petit fragment du bord d’une coupe à bourrelet interne. L’industrie lithique est, elle aussi, peu abondante puisque seulement seize éléments lithiques (la plupart ubiquistes) y ont été récoltés. On notera la présence d’un petit élément en cristal de roche.
112. Mobilier de la structure 98

1-5 : bords droits ; 6 : coupe à bourrelet interne ; 7 : languette ; 8 : fragment proximal de lame en silex bédoulien ; 9 : fragment (de lamelle ?) en quartz hyalin ; 10 : fragment de lame à cortex marginal en silex bédoulien.
6.1.1.5 La fosse à galets chauffés (structure 927)
39Bien connu dans le Néolithique méditerranéen, ce type de structure a été défini comme un creusement peu profond dont le fond et les parois peuvent dans certains cas présenter des traces de rubéfaction et des concentrations parfois importantes de charbon de bois (voir par exemple Treffort & Alix 2010). Leur remplissage est constitué par une accumulation dense de galets calibrés qui présentent des stigmates de chauffe. La présence de mobilier archéologique (outillage de mouture fragmenté, céramique, faune…) est exceptionnelle. Il n’est donc pas surprenant que, sur les 13 fosses à galets chauffés découvertes dans l’emprise du décapage, une seule (la structure 927) ait livré quelques éléments permettant un diagnostic chronoculturel. Les 12 autres n’ont pu être datées faute de mobilier et d’échantillons appropriés.
40La structure 927 est un creusement d’environ 1,4 m de diamètre pour une profondeur maximale de 20 cm en grande partie comblée avec des galets décimétriques disposés sur plusieurs niveaux (fig. 113-114). Quelques rares éléments céramiques très fragmentés, parmi lesquels deux tessons de coupes à bourrelet interne, ainsi que 28 débris de taille et une lamelle en cristal de roche en proviennent (fig. 115).
113. Plan et coupe de la structure 927

114. Vue de la structure 927

115. Mobilier de la structure 927

1 : coupe à bord légèrement éversé ; 2-3 : coupes à épaississement interne ; le n° 3 présente un méplat sur la face externe de la lèvre.
41En l’absence de mobilier et de charbons de bois conservés, nous ne disposons d’aucun élément de datation pour les 12 autres structures. Cependant, elles sont présentes exclusivement dans la moitié orientale du site, qui correspond à la zone de répartition des restes attribués au Néolithique moyen de type Chassey (fig. 116). Il est donc probable que ces structures fassent partie de l’occupation de la fin du Ve millénaire. Huit des 12 structures à galets chauffés sont concentrées dans la partie nord du décapage. Par contre, elles ne présentent pas d’agencement particulier en « batterie » comme cela a été observé sur d’autres sites (Vaquer et al. 2003 ; Treffort & Alix 2010). Ces informations relatives à la répartition et à l’agencement de ces structures sur le site sont cependant à prendre avec beaucoup de précautions. Il s’agit en effet de structures peu profondes sujettes aux destructions par charruage. Elles peuvent donc avoir été plus nombreuses sur le site, en particulier dans la zone sud-ouest, plus touchée par les labours.
116. Répartition des structures à galets chauffés attribuées au Néolithique moyen de type Chassey et non datées

6.1.1.6 Le puits (structure 250)
La fouille
42Cette structure a été découverte et très partiellement fouillée lors de la campagne 2013 (fig. 117). Elle se présentait alors sous la forme d’une grande tache circulaire d’un diamètre de 2,50 m. Son remplissage était constitué par un sédiment gris foncé riche en céramiques et charbons de bois (118, ligne continue). Une extension de cette structure (fig. 118, ligne discontinue), notée dans un premier temps structure 320, atteignait la limite nord d’une concentration de petits galets non datée (structure 304 ; fig. 117, à gauche, et fig. 118, en bas). La même année, la fouille des niveaux supérieurs avait permis de constater qu’il s’agissait d’une structure profonde susceptible d’atteindre la nappe phréatique. Une démarche et une infrastructure adaptée ont été mises en place dès le début de la campagne 2014 : sondage à la tarière afin d’évaluer la profondeur de la structure, creusement à la pelle mécanique de deux puisards d’environ 3 m de profondeur à proximité immédiate de la structure de manière à pouvoir pomper et abaisser localement le niveau de la nappe phréatique. La fouille de cette structure a duré quatre semaines et s’est déroulée en plusieurs étapes : dans un premier temps, la moitié sud de la structure a été fouillée par passes horizontales d’environ 15 à 20 cm chacune jusqu’à la surface de la nappe phréatique, de manière à ménager une coupe transversale est-ouest. Celle-ci ayant été documentée, la moitié nord a été fouillée par passes horizontales de 10 cm d’épaisseur. Un numéro de prélèvement a été attribué à chacune de ces passes. L’ensemble du sédiment a été stocké dans des seaux alimentaires puis déposé en chambre froide avant d’être tamisé en laboratoire.
117. Vue générale de la structure 250 au début de la fouille

On aperçoit à gauche la concentration de galets (structure 304) et, au centre, les deux parties du remplissage de la structure 250.
118. Plan des structures 250, 320 et 304

La structure 320 correspond en fait aux us 2 et 9 du remplissage de la structure 250 ; la concentration de petits galets (structure 304) se trouve en bordure sud de la grande dépression 250/320.
Forme et remplissage
43La structure est en fait constituée de deux parties (fig. 119). La partie supérieure est une dépression d’environ trois mètres de diamètre pour une profondeur maximale de 60 cm. La partie inférieure, excentrée et limitée à la moitié est de la dépression, est un creusement cylindrique de 80 cm de diamètre pour une profondeur de 2,80 m à partir du niveau de décapage. Vu la forme du creusement inférieur et sa profondeur, nous proposons de l’interpréter comme un puits à eau. Par ses caractéristiques morphologiques (creusement inférieur cylindrique excentré par rapport à un creusement supérieur formant une large cuvette), il s’apparente au puits 2096 du Clos de Roque (Saint-Maximin, Var ; Remicourt et al. 2014) attribué à la fin du Néolithique moyen. Son diamètre et sa profondeur sont comparables à ceux relevés pour les puits découverts récemment à Trets, à Vernègue et à Saint-Maximin (Thirault & Remicourt 2014). La structure semble avoir été creusée en une seule étape et aucun indice de creusements successifs n’a pu être décelé. Le creusement inférieur ne présentait aucune trace de cuvelage. Le remplissage est constitué d’une succession d’une dizaine niveaux gris jaunâtre à gris foncé à tendance argileuse à sableuse avec, de haut en bas :
us 1 : sédiment argileux brun foncé ; la partie inférieure comprend quelques galets et cailloutis calcaires, le mobilier (essentiellement céramique) est relativement épars et fragmenté, il s’agit éventuellement de l’horizon 2 de la stratigraphie du site (cf. ci-dessus, § 3.1) piégé suite au tassement du remplissage du puits ;
us 7 : sédiment limono-sableux gris-brun pauvre en mobilier archéologique ;
us 2 : sédiment argileux gris-brun qui présente de nombreuses concrétions riches en oxyde de fer, quelques galets centimétriques à décimétriques ; niveau riche en mobilier archéologique, quelques restes de faune ainsi que des fragments de charbon de bois ; le sédiment devient progressivement plus sombre vers l’est (immédiatement au-dessus du creusement cylindrique) ;
us 8 : sédiment limono-sableux gris foncé avec quelques petits galets centimétriques ; nombreuses concrétions calcaires ; le mobilier archéologique est souvent vertical probablement en raison de la compression des sédiments et de sous-tirages qui en ont résulté ;
us 6 : sédiment limono-sableux gris foncé, peu de concrétions, aucun reste organique visible ;
us 11 : sédiment argileux gris foncé avec de nombreuses taches grises à jaunâtre, de nombreux petits galets. Il s’agit probablement de sédiments issus de l’effondrement de la partie supérieure du puits ;
us 10 : sédiment argileux gris foncé riche en restes organiques, mobilier archéologique et quelques galets centimétriques à décimétriques ;
us 12 : sédiment argileux gris à jaunâtre avec de nombreux restes organiques (charbon de bois et faune) ;
us 13 : sédiment argilo-sableux gris foncé riche en restes organiques et mobilier archéologique. C’est à la base de ce niveau que sont apparus les restes organiques conservés en milieu humide ;
us 9 : sédiment sableux gris à jaunâtre ; ce niveau s’est formé soit lors du creusement et de l’utilisation du puits (dépôt de sédiments issus du fond du puits), soit à l’occasion du comblement de la structure (assimilable dans ce cas au niveau 10) ;
us 4 : sédiment limono-argileux jaune à orange ; substrat ( = ensemble 3 de la stratigraphie générale du site).
119. Coupe de la structure 250

Un ensemble clos ?
44Hormis les restes végétaux dont il a été question dans le § 3.4 et qui seront présentés dans le détail ci-dessous, le remplissage du puits a livré un mobilier céramique et lithique abondant (130 individus céramiques et 450 éléments lithiques). À la différence d’autres régions françaises, le Néolithique moyen du midi de la France n’a jusqu’à présent livré que peu d’assemblages suffisamment riches en mobilier pour faire l’objet d’études statistiques descriptives. Quand elles sont réalisées, ces analyses portent généralement sur des regroupements de structures, voir sur des sites pris dans leur globalité. Se pose alors la question de la représentativité de l’échantillonnage et plus largement celle de l’homogénéité chronologique et culturelle de tels « assemblages ».
45Ces réserves sont bien entendu aussi valables pour le remplissage de structures profondes telles que le puits dont il est question ici. Elles sont en effet susceptibles d’avoir été recreusées ou curées à de nombreuses reprises (voir par exemple de puits 2096 du Clos de Roque à Saint- Maximin ; Remicourt et al. 2014). Dans le cas contraire, on peut imaginer la succession de trois étapes (cf. § 3.4) : la première correspond à l’utilisation du puits dans sa fonction première. Régulièrement entretenu ne serait-ce que par les puisages successifs, les puits ne conservent que très peu de traces de cet épisode. La deuxième étape correspond à la phase d’abandon. Elle peut être marquée par la présence dans le remplissage d’éléments déposés dans ou à proximité du puits (vases à puiser, cordes, déjections animales, matière organique et minérale acheminées par les agents naturels) mêlés à du sédiment issu de l’effondrement des parois du puits suite à l’effet de sape de l’eau. La troisième étape correspond au comblement du puits. Il peut être constitué de matériaux divers qui continuent d’être acheminés par les agents naturels et par des déchets domestiques issus d’habitats (abandonnés ou actifs) proches. Dans ce cas, le mobilier archéologique issu du remplissage peut être plus ou moins riche et plus ou moins fragmenté selon la proximité de l’habitat.
46Dans les conditions rencontrées sur le site des Bagnoles (puits cylindriques creusés dans le sédiment limono-argileux de l’ensemble stratigraphique 3 ; voir § 3.1), la durée d’utilisation d’un puits privé de cuvelage a été vraisemblablement relativement courte (de l’ordre de quelques mois), la partie du creusement située sous la surface de la nappe phréatique étant rapidement sapée par l’eau. Il en va de même pour la seconde étape (phase d’abandon). La durée de la phase de comblement peut être plus longue. Elle dépend en effet essentiellement de l’activité humaine à proximité du puits et de l’action des agents naturels. On peut l’évaluer à plusieurs mois, voire quelques années.
47Paradoxalement, l’histoire du remplissage d’un puits ne s’arrête pas avec son remplissage total. En effet, le comblement peut être riche en matière végétale qui va progressivement se décomposer et se compacter. En raison du milieu humide qui règne dans le remplissage du puits, en particulier dans les profondeurs proches de la nappe phréatique, ce processus peut nécessiter plusieurs années, voire siècles. La dépression sommitale qui résulte de ce soutirage peut alors piéger du sédiment déposé autour et au- dessus de l’embouchure du puits, susceptible de renfermer des éléments antérieurs, contemporains ou postérieurs à ceux situés plus bas dans le remplissage du puits.
48Les datations radiocarbone provenant de puits fouillés dans le midi de la France étant rares, il est difficile d’avancer des chiffres. Le puits 2096 du Clos de Roque a fourni deux dates (Remicourt et al. 2014) : la plus ancienne, Poz-47398 4820±30BP, provient de la partie inférieure (us 16), la plus récente, Poz-47397 4630±40BP, de la partie supérieure du remplissage. Le puits 433 du Clos du Moulin en a livré également deux (Moreau et al. 2017) : Beta-387513 5240±30BP (partie inférieure du remplissage ; us 908) et Beta-387514 5100±30BP (partie supérieure du remplissage ; us 916). Dans les deux cas, l’ordre chronologique correspond à la succession stratigraphique et le recouvrement des valeurs calibrées est minime et montre que le temps écoulé entre le dépôt des premiers niveaux de remplissage et du comblement sommital peut représenter plusieurs décennies.
49La structure 250 ne fait pas exception. Les seuls éléments permettant d’en évaluer la durée de comblement sont les suivants : la sédimentologie, la micromorphologie, la carpologie, les datations radiocarbone, la typologie céramique et les remontages.
50Les indices livrés par la micromorphologie et la carpologie vont dans le sens d’un comblement rapide du puits (§ 3.2 et 3.4). Aucun indice sédimentaire ne nous permet de supposer l’existence de plusieurs creusements successifs. Toutefois, il faut bien avouer qu’un curage partiel ou recreusement est difficile à détecter s’il respecte les limites de l’ancien puits.
51Cinq des six datations (toutes mesurées sur des matériaux à vie courte : graines de céréales carbonisées et coquille de noisette) proviennent de la partie moyenne (us 11) et inférieure (us 13) du remplissage. Elles ont livré des résultats compris entre 4250 et 4050 avant notre ère (fig. 120). La seule datation qui provient de la partie sommitale du remplissage (us 1) est clairement plus ancienne que les autres (4350-4250 avant notre ère). La graine de céréale qui a permis d’obtenir cette datation pourrait provenir d’une structure voisine plus ancienne remaniée et déposée dans la partie supérieure du remplissage du puits.
120. Localisation des échantillons datés par le radiocarbone et représentation graphique des valeurs calibrées des datations correspondantes

52Le mobilier céramique provenant de celui-ci est attribuable dans son ensemble au Néolithique moyen de type Chassey. Aucune autre étape chronologique n’y est attestée. La présence de nombreux remontages ainsi que d’un vase tulipiforme subcomplet au sommet du remplissage (fig. 121, en haut) montre que cette partie n’a pas subi de remaniements et que les éléments qui s’y trouvaient n’ont pas été déplacés.
121. Répartition verticale des principales formes céramiques dans le remplissage de la structure 250

53Nous proposons donc de considérer le mobilier provenant de l’ensemble du remplissage du puits comme un ensemble clos même s’il est clair que, dans son ensemble, ce lot peut représenter plusieurs décennies.
Céramique
54La céramique issue du puits représente 20 kg de restes. Les poids de céramique par cm fouillés sont relativement constants de bas en haut du comblement (fig. 122, à gauche). Elle est relativement peu fragmentée (13 g/ tesson) et la meilleure conservation est localisée dans le mètre inférieur du remplissage (53,70 à 54,80 m ; fig. 122, à droite). On y décompte un minimum de 130 individus (préhensions isolées non comprises). Sans entrer dans le détail, ils présentent les caractéristiques suivantes :
Formes basses (rapport hauteur-diamètre maximum de l’ordre de 0,2)
33 individus au total ;
27 coupes à bourrelet interne (fig. 123, 1-27) ; elles ont un diamètre compris entre 23 et 31 cm, l’épaisseur des parois est comprise entre 4 à 8 mm ;
deux coupes à lèvre arrondie (fig. 123, 28-29) ;
quatre assiettes à marli (fig. 123, 31-34) dont deux avec une aile décorée ;
une assiette à socle (fig. 123, 30).
122. Répartition verticale du mobilier céramique dans le remplissage de la structure 250

Poids de restes céramiques par centimètre de profondeur fouillé (à gauche) et poids moyen par tesson (à droite).
123. Mobilier céramique de la structure 250

Les formes basses (coupes à bourrelet interne, coupes, assiette à socle, assiettes à marli).
Formes profondes (rapport hauteur-diamètre maximum de l’ordre de 1)
84 individus au total ;
12 d’entre eux sont des vases à corps sphérique ou elliptique et bord à épaississement externe (fig. 124, 1-14). Ils sont de taille très variable : dimension moyenne (diamètre à l’embouchure de l’ordre de 20 cm) pour trois d’entre eux, mais au moins un de ces vases représenté par plusieurs gros fragments de bords et de panse devait avoir un diamètre à l’embouchure supérieur à 50 cm. Les épaisseurs de parois varient entre 4 et 13 cm ;
deux individus s’apparentent aux vases à épaississement externe à la différence près que le bandeau externe est suggéré par une cannelure (fig. 124, 15-16) ;
21 vases à corps sphérique ou elliptique et bord droit. Ils sont de petite taille (Ø 10-20 cm), mais présentent des parois relativement épaisses (entre 6 et 9 cm ; fig. 125-127) ;
13 vases fermés à profil en s (vases à col) sont également de dimensions variables (fig. 128) ;
sept vases à profil en s et à inflexion basse (vases tulipiformes) au diamètre compris entre 16 et 19 cm (fig. 129). L’un d’entre eux (fig. 129, 4) est muni d’un bandeau multiforé orné de fines cannelures verticales. Un exemplaire appelle quelques commentaires. Il présente une anse tunnéliforme verticale placée immédiatement à hauteur du bord et, de part et autre de cette préhension le départ d’un décor constitué de faisceaux de lignes gravées probablement disposées en croix (fig. 129, 6 ; voir § 8.1.1.1).
124. Mobilier céramique de la structure 250 : les vases à corps sphérique ou elliptique et bord épaissi à l’extérieur

125. Mobilier céramique de la structure 250 : vase à corps elliptique issu du fond du remplissage de la structure

126. Mobilier céramique de la structure 250 : les vases à corps elliptique

127. Mobilier céramique de la structure 250 : les vases à corps elliptique

128. Mobilier céramique de la structure 250 : les vases à col

129. Mobilier céramique de la structure 250 : les vases à profil en s et à inflexion basse (vases tulipiforme)

Autres formes
55Vingt-neuf individus font probablement partie des vases profonds. Leur profil n’étant pas reconstituable, leur forme reste indéterminée (fig. 130, 6).
130. Mobilier céramique de la structure 250 : les vases profonds (formes indéterminées)

56Deux vases de très petites dimensions (Ø<10 cm ; fig. 131, 9-10) ; l’un d’eux est muni à mi-hauteur d’un fin cordon horizontal appliqué qui présente encore une perforation verticale.
57Pour finir, la structure 250 a également livré deux fonds (fig. 131, 11-12) probablement réutilisés comme puisoirs et 8 fragments de louches : cinq fragments de poignées et trois fragments de cuillerons (fig. 131, 1-8). Un des fragments de poignée présente des impressions de sparterie sur une de ses faces (fig. 131, 1).
131. Mobilier céramique de la structure 250 : les louches, vases de très petites dimensions et fonds probablement réutilisés comme puisoirs

Les préhensions
58Le corpus céramique issu de la structure 250 permet également de faire quelques observations relatives aux préhensions : formes, nombre, position et mode de fixation. On peut supposer que la majorité des 130 vases décomptés étaient à l’origine munis de préhensions. Toutefois, seule une quarantaine de vases en ont conservé les traces : 23 préhensions isolées (fig. 132) et 20 formes avec au moins une préhension.
132. Mobilier céramique de la structure 250 : les préhensions

14 vases sont équipés d’anses ; 6 d’entre eux sont munis d’anse en ruban, sept sont munis d’anses en boudin ;
20 sont pourvus de boutons, perforés ou non ;
trois présentent une combinaison d’anses et de boutons ;
trois sont munis de bandeaux multiforés. Dans deux cas, le bandeau est orné de cannelures verticales (fig. 129, 4 ; 132, 22) ;
un vase est muni d’une préhension en « cartouchière » (fig. 132, 21) ;
cinq sont pourvus d’appliques rectangulaires perforées aux extrémités (fig. 132, 16-20) ;
deux sont pourvus d’un cordon multiforé (fig 131, 10 et 132, 23) ;
un vase présente une anse tunnéliforme verticale (fig. 129, 6).
59Les préhensions sont placées sous le rebord ou à hauteur du diamètre maximum. Elles peuvent être disposées de manière symétrique ou, dans le cas des coupes à bourrelet interne et des vases tulipiforme, jumelées et unilatérales. Les boutons, les cordons et les bandeaux sont généralement appliqués, les anses sont fixées au moyen de tenons.
Les décors
60Seuls six individus (deux assiettes à marli, une assiette à socle et deux vases profonds) sont décorés. Dans le cas des assiettes à marli, les bandes quadrillées sont constituées d’incisions réalisées à sec (fig. 123, 33-34). Le décor de triangles quadrillés de l’assiette à socle est, quant à lui, formé d’incisions profondes (fig. 123, 30). Deux vases profonds sont ornés d’une cannelure horizontale située sous la lèvre, suggérant un épaississement externe (fig. 124, 15-16). Le vase à anse tunnéliforme verticale présente des incisions profondes probablement disposées en croix (fig. 129, 6). Deux bandeaux multiforés sont ornés de cannelures suggérant une multitubulure (fig. 129, 4 et 132, 22).
61Sur les 87 rebords recensés, 20 sont effilés, 47 sont arrondis et 20 sont aplatis ; cinq rebords sont ourlés.
62Globalement, les formes profondes sont largement majoritaires puisqu’elles représentent environ les ¾ du corpus (fig. 133, en gris foncé). Les formes basses (fig. 133, en gris clair) sont essentiellement constituées de coupes à bourrelet interne.
133. Proportion des principales formes attestées dans la structure 250 (hormis les louches ; nombre total d’individus : 130)

Les formes profondes, majoritaires, sont représentées en gris foncé, les formes basses en gris clair.
Industrie lithique
63L’industrie lithique se compose de 563 éléments et constitue sur les plans quantitatif et qualitatif (en regard du bon état de conservation de la plupart des éléments qui le constituent) le corpus le plus riche du site (fig. 134-139).
134. Mobilier lithique de la structure 250

1 : lame en silex bédoulien débitée par percussion indirecte ; 2-3 : fragments proximaux de lame en silex bédoulien ; 4 : fragment distal de lame en silex bédoulien ; 5 : fragment mésial de lame en silex bédoulien ; 6-8 : fragments mésiaux de lamelles en quartz hyalin ; 9 : fragment de lame en obsidienne ; 10 : grand éclat en silex bédoulien.
135. Mobilier lithique de la structure 250

1-3 : fragments de lames en silex bédoulien avec enlèvements d’utilisation sur les deux bords ; 4-5 : fragments de lames en silex bédoulien avec des traces de lustre ; 6 : racloir sur lame en silex bédoulien ; 7 : burin sur troncature sur une lame en silex bédoulien de type MPALP201A4 ; 8 : pièce esquillée sur lame en silex bédoulien.
136. Mobilier lithique de la structure 250

1-3 : bitroncatures géométriques sur éclat en silex bédoulien ; 4 : pièce bifaciale sur éclat en silex bédoulien ; 5 : racloir sur éclat d’entame en silex bédoulien ; 6 : racloir sur éclat à cortex marginal en silex bédoulien ; 7 : pièce esquillée sur éclat en silex bédoulien.
137. Mobilier lithique de la structure 250

Nucléus à éclat sur éclat à cortex marginal en silex bédoulien.
138. Mobilier lithique de la structure 250

Nucléus à éclat unidirectionnel sur petit rognon en silex bédoulien.
139. Mobilier lithique de la structure 250

Nucléus à éclat sur petit rognon en silex bédoulien.
Le silex bédoulien
64Représentée par 386 éléments, soit 69 % du corpus, c’est la matière première principale de l’industrie lithique du puits 250. Elle est cependant constituée en grande partie de débris (50 %). Hormis ces supports peu informatifs, les lames de section trapézoïdale et les éclats simples constituent l’essentiel de l’assemblage (fig. 140).
140. Proportions des différents types de supports en silex bédoulien (hors débris ; n = 341)

65Les produits corticaux sont essentiellement des lames de section triangulaire ou trapézoïdale à pan cortical (principalement gauche) et des éclats à cortex distal. Les lames et éclats d’entames ou à plus de 50 % de cortex ne sont que très peu présentes (8). Les produits corticaux sont principalement débités par percussion directe dure (13). Quelques lames à pan cortical semblent être débitées par percussion indirecte (3).
66Les supports d’entretien les mieux représentés sont les lames et éclats débordant (principalement flanc gauche), les lames et éclats de réfection de la table et des lames outrepassées. La percussion directe dure est également la principale technique utilisée (9). La percussion tendre organique ou minérale a pu être utilisée sur deux éclats. Deux lames de flancs sont débitées par pression ou percussion indirecte (bulbe haut et court, rides fines et serrées, largeur maximale rapidement atteinte, mais irrégularité dans le profil).
67Les supports sans traces de mises en forme sont les lames de section triangulaire ou trapézoïdale (les mieux représentées), les éclats à négatifs laminaires et les éclats simples. Parmi les lames, celles de section trapézoïdale et à rythme 123/321 sont les plus fréquentes. La technique de débitage n’est visible que sur peu de supports (12). Dans ces cas, nous avons affaire à de la percussion indirecte (8). Deux lames ont été débitées par pression, deux par pression ou par percussion indirecte. À une exception près, les talons sont lisses et peu inclinés. Tous les éclats sont débités par percussion directe dure.
68Les nucléus sont au nombre de quatre : deux nucléus semi-coniques à plan de frappe lisse (fig. 137-138), un semi- conique à plusieurs plans de frappes successifs et un nucléus sur éclat cortical épais (ouverture de rognon ? fig. 137).
69L’outillage représente 5 % de l’ensemble lithique (fig. 141). Les supports principaux sont les lames de section trapézoïdale et à rythme 123/321. Les outils les plus significatifs sont une pointe bifaciale amygdaloïde (fig. 136, 4) et trois bitroncatures géométriques à bitroncatures inverses, dont deux avec des retouches courtes sur la face supérieure (fig. 136, 1-2), tandis que la dernière porte des retouches couvrantes sur sa face supérieure (type Jean-Cros ; fig. 136, 3).
141. Effectifs de l’outillage en silex bédoulien

Les silex brûlés
70Deuxième matière en termes d’effectif dans le puits 250, les silex brûlés représentent 20 % du corpus. L’essentiel de l’assemblage est composé d’esquilles (n = 91). Le reste des supports sont essentiellement laminaires (fig. 142), en particulier des lames de section triangulaire (dont une, retouchée en racloir, constitue le seul outil de ce groupe). Le nucléus est polyédrique et très fragmenté.
142. Effectifs des différents types de supports en silex brûlé
type de support | nombre |
lames corticales | 4 |
lames d’entretien | 2 |
lames à section triangulaire | 8 |
lames à section trapézoïdale 123 | 4 |
lames à section trapézoïdale | 1 |
lames indéterminées | 1 |
éclats corticaux | 2 |
éclats simples | 1 |
nucléus | 1 |
Silex indéterminé
71Cette catégorie regroupe les matières qui n’ont pas pu être identifiées en raison de leurs dimensions réduites ou de la patine. Elles représentent 8 % du corpus et sont constituées pour l’essentiel d’esquilles infracentimétriques auxquelles il faut ajouter cinq lames et six éclats. L’outillage est représenté par un fragment de burin sur lame, un grattoir sur éclat cortical et une pièce esquillée sur lame d’entretien.
Le quartz hyalin
72Cette matière n’est représentée que par six objets (fig. 143), principalement des supports sans traces de mise en forme. Deux lames (une à section trapézoïdale et une à plus de trois pans) sont débitées par pression à partir de plans de frappe non inclinés, lisse dans un cas, facetté dans l’autre. Aucun de ces objets n’est retouché.
143. Effectifs des différents types de supports en quartz hyalin
type de support | nombre |
lames à section triangulaire | 1 |
lames à plus de trois pans | 1 |
lames à section trapézoïdale 123 | 1 |
lames à section trapézoïdale | 1 |
éclats d’entretien | 1 |
débris | 1 |
Obsidienne
73Un seul fragment de lame portant des traces de mise en forme sur le pan droit (aménagement postéro-latéral ?) est présent (fig. 134, 9). Il est possible d’identifier un débitage par pression, le talon est facetté et non incliné.
Outillage osseux
74Le puits 250 n’a livré aucun outil en matière dure animale.
Outillage de mouture
75Il comprend un seul fragment de meule plan-concave découvert dans la partie supérieure du remplissage.
Carporestes
76L’étude archéobotanique du remplissage du puits étant en cours, seuls les résultats préliminaires fondés sur 213 litres de sédiments (voir annexe 4) seront présentés ici. On décompte actuellement 3659 carporestes (indéterminés compris), dont plus de la moitié (2051) provient d’un seul échantillon issu du fond du puits.
77Trois-mille-quatre-cent-soixante-douze graines et fruits ont été déterminés de manière au moins sommaire. 752 d’entre eux étaient conservés à l’état carbonisé (fig. 144), 2720 à l’état imbibé (fig. 145 et 145bis). Les restes carbonisés se répartissent sur l’ensemble de la hauteur du remplissage du puits, avec cependant des répartitions préférentielles dans certains horizons (fig. 146). Les restes imbibés sont par contre présents essentiellement dans le prélèvement 74, c’est à dire au fond du puits (fig. 147). Au total, 28 taxons sont attestés à l’état carbonisé (fig. 144) et 72 sous forme de restes imbibés (fig. 145bis). On dénombre donc 79 taxons (sans les indéterminés et les Cerealia), ce qui correspond à une diversité importante.
144. Détermination des restes végétaux carbonisés découverts dans la structure 250

145. Détermination des restes végétaux imbibés découverts dans la structure 250

145bis. Détermination des restes végétaux imbibés découverts dans la structure 250

Carporestes carbonisés
78La densité des carporestes carbonisés est comprise entre 0,04 et 20 restes par litre de sédiment (fig. 144) dans la mesure naturellement où des macrorestes étaient effectivement conservés. L’histogramme montre que la densité varie d’un prélèvement à l’autre (fig. 146). De manière générale, les valeurs les plus basses correspondent aux prélèvements qui proviennent de la partie supérieure du remplissage du puits. Toutefois, certaines zones « basses » n’ont livré que peu de carporestes carbonisés. Plusieurs horizons présentent par contre des densités supérieures à 10 restes par litre.
146. Densité (nombre de restes par litre de sédiment) de restes imbibés (à gauche) et carbonisés (à droite) dans l’ordre stratigraphique du remplissage de la structure 250

79Les carporestes carbonisés ne présentent que rarement une grande diversité : généralement limitée à 1-4 taxons, elle est toutefois plus importante dans les prélèvements 29 et 33 (respectivement 10 et 11 taxons), 17 (9 taxons) et 42 (6 taxons) (fig. 144). La diversité n’est donc pas systématiquement corrélable avec une densité supérieure à 15 restes par litre. En effet, une telle densité est généralement liée à un nombre important de grains de céréales indéterminables.
Carporestes imbibés
80Les restes imbibés de graines et de fruits ne sont représentés en haute concentration (254 restes/l) que dans le prélèvement 74, c’est-à-dire au fond du remplissage (fig. 145, 145bis et 147). La variation des densités présente un gradient vertical : les concentrations relativement élevées (de l’ordre 50 restes/l) sont attestées jusqu’à une altitude de 54,09 m. Les restes imbibés sont exceptionnels au-dessus de cette altitude et se limitent aux taxons caractérisés par des diaspores résistantes telles que Sambucus ebulus.
147. Nombre de taxons imbibés (en rouge) et carbonisés (en gris) dans l’ordre stratigraphique du remplissage de la structure 250

81La diversité la plus importante correspond aux zones qui ont livré la plus haute densité, à savoir la base du puits (fig. 145 et 145bis). Les 79 taxons recensés correspondent à une valeur haute comparable à celles relevées dans les sites lacustres contemporains (voir par exemple Jacomet et al. 1989).
Spectre des carporestes
82Restes carbonisés : avec 613 restes sur un total de 550 graines/fruits et 63 restes de battage (fig. 144), les céréales représentent la grande majorité des restes carbonisés. Les restes de céréales apparaissent de manière régulière (malgré une densité variable) au-dessous de l’altitude 55,7 m. Les taxons suivants sont attestés : l’orge (Hordeum vulgare s.l.), le blé nu (blé tendre et blé dur ; Triticum aestivum ou durum/ turgidum dans la classification de Zohary et al. (2012), le blé amidonnier (Triticum dicoccum) et le petit épeautre ou l’engrain (Triticum cf. monococcum). Ces taxons sont avérés dans plusieurs échantillons tout comme de nombreuses graines de blé indéterminées (Triticum sp.). L’orge et le blé nu sont les céréales les plus fréquentes en terme à la fois de nombre de restes et de nombre d’échantillons dans lesquels ils sont attestés. Un probable grain de millet (Panicum miliaceum) provient du prélèvement 17 qui se trouve relativement haut dans le remplissage. Son attribution à l’occupation néolithique serait à vérifier dans la mesure où une grande partie des grains de millet découverts en contexte néolithique se sont révélés être des intrusions plus récentes (Motuzaite-Matuzeviciute et al. 2013). Les restes de balles sont beaucoup plus rares que les graines. Les exemplaires les mieux conservés proviennent du prélèvement 74. Ils présentent une très grande diversité morphologique et devront être l’objet d’études détaillées dans le but de déterminer s’il est possible de distinguer différents morphotypes, races ou espèces. Un entrenœud de blé nu, qu’il est difficile de mieux caractériser, a été découvert plus haut dans le remplissage du puits. Des bases de glumes d’amidonnier carbonisées proviennent du prélèvement 17, donc de la partie supérieure du remplissage. Les restes carbonisés de plantes sauvages sont peu fréquents (fig. 144) : la plupart sont des fragments de noyaux de Prunus (32) qui proviennent d’altitudes diverses, et de Fragaria/Potentilla localisées essentiellement dans le prélèvement 29. Toujours parmi les restes carbonisés, mentionnons un noyau de raisin, deux fragments de coquille de noisette (prélèvement 17) ainsi qu’une graine d’adventice d’hiver Thymaelaea cf. passerina (prélèvement 18).
83Les carporestes imbibés : les décomptes présentés ici s’appuient sur le seul échantillon tamisé qui présente un volume suffisant (8 l) pour livrer un spectre représentatif. 2035 des 2727 restes imbibés isolés jusqu’à présent proviennent du prélèvement 74 (fig. 145 et 145bis). Ces restes sont de manière générale bien conservés.
84La présence de restes extrêmement fragiles tels que les balles de céréales non carbonisées va dans le sens d’une conservation tout à fait représentative du contenu originel (Hosch & Zibulski 2003 ; Jacomet et al. 1989 ; Pollmann 2014). Les groupes de taxons représentés correspondent aux milieux et aux types d’exploitation les plus divers (fig. 41-45, 145 et 145bis) :
les plantes cultivées : céréales (orge, blé nu et amidonnier) et pavot (Papaver somniferum s.l.)2 ;
38 taxons de mauvaises herbes, plantes rudérales et de prairies ;
14 taxons de milieux humides ;
15 taxons de milieux forestiers ou de lisière de forêt.
85L’éventail des espèces attestées sous forme imbibée est donc beaucoup plus large que dans le cas des restes carbonisés, ce qui correspond aux observations faites sur les sites lacustres (Jacomet 2013).
Interprétation
86Dans le cas de la structure 250, les restes qui proviennent de la partie inférieure du remplissage correspondent vraisemblablement à la phase d’utilisation du puits. On y trouve en effet essentiellement des restes de plantes avoisinantes caractéristiques des milieux humides (Alisma plantago-aquatica, Carex sp. et des plantes rudérales (Arctium sp., Chenopodium album, Fumaria sp., Hyoscyamus niger, Physalis alkekengi, Polygonum aviculare, Sambucus ebulus). On y trouve également de nombreux restes de scarabées (cf. § 7.1.5.2) et de balles de céréales. De plus, la densité des restes est, en dépit des bonnes conditions de conservation, inférieure à celle que l’on peut avoir sur les sites lacustres où elle peut atteindre plusieurs milliers de restes par litres (voir par exemple Hosch & Jacomet 2004). Ces données vont clairement à l’encontre d’un comblement du fond du puits avec des déchets, du fumier, etc.
87Si l’on se penche maintenant sur les niveaux plus élevés du remplissage, on peut alors constater que l’éventail des découvertes se rapproche de ce qui est connu dans les remplissages de fosses en contexte d’habitat de plein air et dans lesquelles on retrouve le bruit de fond des activités domestiques d’un habitat (voir à ce sujet Kreuz 1990 et Jacomet et al. 2006 ainsi que les références bibliographiques citées dans ces deux articles). Cette variabilité de la densité des restes carbonisés dans les différents niveaux montre en outre que le remplissage du puits n’est pas homogène, mais correspond plutôt à différents événements.
Archéozoologie
88Préalablement à tout calcul et décompte, les ossements issus des 50 cm supérieurs du remplissage ont été écartés. Ceci pour deux raisons :
comme nous l’avons vu, le remplissage de la partie supérieure d’un puits peut s’être déposé à la faveur de sous-tirages liés au tassement des sédiments de la partie inférieure de son remplissage. Celui-ci correspond donc, si l’on simplifie, à deux événements distincts (le remplissage du puits puis le remplissage de la dépression qui résulte du sous-tirage. La durée représentée par le deuxième événement est difficile à évaluer ;
suite aux processus taphonomiques intenses sur le site, les rares ossements conservés dans les creusements peu profonds et dans les niveaux supérieurs des creusements profonds correspondent généralement aux restes les plus massifs, essentiellement de bovinés.
89L’étude qui suit ne tient donc compte que des restes fauniques issus d’une altitude inférieure à la cote 56,00 m. Les 602 restes fauniques (dont seulement 19 ont pu être déterminés) provenant des prélèvements situés au-dessus de cette limite n’entrent donc pas dans les décomptes et calculs qui suivent.
90Au-dessous de cette altitude, le remplissage a été divisé en trois horizons (fig. 119) :
horizon sec : prélèvements situés au-dessus de la zone de battement de la nappe phréatique (de 56,00 à 54,80 m ; p17, p19, Np21-29, p43-44, p47-48, p50, p54, p56, p59- 60, p62-66, p68)3 ;
horizon mixte : zone de battement de la nappe phréatique (de 54,80 à 54,10 m ; Np30-39, p45-46, p67-71) ;
horizon humide : zone située constamment au-dessous du niveau supérieur de la nappe phréatique (au-dessous de 54,10 m ; Np40-42, p73-74).
91Au total, le puits 250 a livré 3386 restes fauniques (4,933 kg). 1500 dans l’horizon sec, 1684 dans l’horizon mixte et 202 dans l’horizon humide. 337 restes (3,994 kg) dont déterminables.
Taux de détermination et taphonomie
92Le taux de détermination est donc de 10 % du nombre et de 81 % du poids de restes (fig. 148). Les ossements issus de la zone basse du remplissage, restés en contact continu avec la nappe phréatique, présente des poids moyens relativement élevés, de l’ordre de 17 g par fragment, mais décroit continuellement vers le haut du remplissage où il est inférieur au gramme (fig. 143). L’état de conservation des surfaces des ossements de même que le taux de cassures érodées évoluent de la même manière (fig. 150, a et b). Cette péjoration de l’état de conservation général du bas vers le haut du remplissage semble être liée à différents facteurs taphonomiques qui sont encore difficiles à cerner (voir § 3.5).
148. Taux de détermination des restes fauniques de la structure 250 (nombre de restes et poids de restes)

Nombre total de restes = 3386, poids total de restes = 4933,4 g.
149. Poids moyen en gramme des fragments issus de l’horizon humide (n = 202), mixte (n = 1684), sec (n = 1500) et superficiel (n = 602) de la structure 250

150. État de préservation des surfaces (a) et des cassures (b) des restes fauniques issus de l’horizon humide (n = 202), mixte (n = 1684) et sec (n = 1500) de la structure 250

Traces de morsures
93Les traces de morsures sont relativement rares puisqu’elles ne sont attestées que sur sept fragments issus de la zone humide et de la zone intermédiaire. Un seul fragment porte des traces de morsure de carnivore, dans les autres cas, il s’agit de traces de morsure de rongeurs.
Faune domestique et faune sauvage
94Par rapport aux deux autres puits néolithiques (990 et 994) dont il sera question plus bas (chapitre 7) Les restes faunistiques issus du puits 250 possèdent la plus grande diversité sur le plan des espèces (fig. 151-152). Une large majorité des restes déterminés correspond à de la faune domestique : bœuf et petits ruminants domestiques (chèvre et mouton). Le puits 250 a livré les seuls restes de mouton et de porc du site. Dans ce dernier cas, il s’agit exclusivement de restes d’individus très jeunes. Le chien est représenté par trois fragments.
151. Décompte des restes fauniques issus de la structure 250

Horizon humide (à gauche), mixte et sec (au milieu) et tous horizons confondus (à droite).
152. Représentation des différents taxons domestiques issus de l’horizon humide (n = 19), mixte (n = 221) et sec (n = 97) de la structure 250

95La faune sauvage n’est attestée que de manière sporadique. Il s’agit essentiellement de petits animaux de taille inférieure ou égale au lièvre (lui-même représenté par un os du tarse). À l’exception de ce dernier, ces restes (hermine, écureuil et tortue) n’ont pas été nécessairement chassés/consommés par l’être humain, mais peuvent représenter des apports naturels.
Squelettes partiels
96Parmi les restes fauniques, le puits 250 a également livré plusieurs squelettes partiels ou sub-complets (fig. 153) tels que celui d’un porcelet réparti sur plusieurs prélèvements.
153. Décompte des squelettes et parties de squelettes issus de la structure 250
taxon | n° ind. | nb | éléments | prél. | âge | |
horizon sec | capriné | 4 | 3 | p28 | subadulte/adulte | |
capriné | 5 | 2 | p23 | juvénile | ||
horizon mixte | Bos taurus | 14 | 3 | p35 | fœtus | |
Bos taurus | 12 | 2 | p69 | subadulte/adulte | ||
Ovis aries | 10 | 5 | p30 | adulte | ||
Sus domesticus | 3 | 30 | p33/34 | fœtus | ||
Sus domesticus | 11 | 3 | p35 | nouveau né | ||
Sus domesticus | 13 | 2 | p69 | non adulte | ||
Mustela erminea | 9 | 2 | p31 | adulte |
Âge
97L’estimation de l’âge repose sur la détermination de l’âge des dents (abrasion et percée des dents) et du squelette postcrânien (moment de l’ossification de l’épiphyse, état général du fragment). Les classes d’âge utilisées ici sont présentées sur le site internet ipna.duw.unibas.ch/de.
98Bos taurus : dans les cas où l’âge a pu être déterminé, il s’agit en majorité d’individus adultes. Toutefois, toutes les classes d’âge attendues dans un troupeau sont représentées.
99Capriné : ici encore, les fragments qui permettent une estimation de l’âge correspondent en majorité à des individus adultes. Quelques infantiles étant également attestés, ici encore toutes les classes d’âge d’un troupeau sont donc représentées.
100Sus domesticus : les quelques restes issus du puits 250 correspondent à des individus non-adultes ; deux parties de squelette d’un fœtus et d’un porcelet âgé de quelques jours seulement.
Nombre de restes par partie du squelette
101Le poids représenté par chacune des parties du squelette a été comparé au le poids des parties d’un squelette de référence. Les parties sont définies de la manière suivante :
tête ;
tronc (côtes et colonne vertébrale) ;
stylopode (épaules, bassin, humérus) ;
zygopode (radius) ;
autopode (extrémités).
102Les données relatives aux différentes parties du squelette figurent sur le site ipna.duw.unibas.ch/de.
103Hormis le tronc, toutes les parties du squelette des bœufs et des petits ruminants domestiques sont représentées de telle sorte qu’il est permis de supposer que les animaux ont été débités et consommés à proximité. La sous- représentation du tronc peut avoir plusieurs causes. Ces os plats sont en effet souvent très fragmentés et, de ce fait, difficilement déterminables. Par ailleurs, ils sont souvent utilisés comme support dans la fabrication d’outils osseux.
Traces de débitage
104Des traces de découpe ou de percussions ont été observées sur 35 fragments. Les plus fréquentes sont des stries de découpe qui résultent de la décarnisation. Elles sont observables non seulement sur les ossements de bœufs, porcs et caprinés, mais également sur la mandibule d’un chien. Dans ce cas, ces traces de découpe sont liées au dépeçage de l’animal.
105Comme on pouvait s’y attendre, des stigmates de percussion sont visibles sur un os long de bœuf et sur celui d’un petit ruminant domestique. Les os ont été brisés de manière ciblée pour en extraire la moelle.
Les traces de chauffe
106Trois-cent-vingt-deux fragments issus de cette structure présentent des traces de chauffe. Il s’agit généralement de petits fragments de telle sorte qu’il est difficile d’exclure qu’ils correspondent en fait à un nombre restreint d’ossements. Les effectifs de restes soumis à des températures inférieures à 550°C et de ceux qui présentent les stigmates d’une température supérieure à 550°C sont comparables.
Invertébrés
107Le puits 250, à l’instar des deux autres puits néolithiques des Bagnoles, a livré de nombreux restes d’insectes. Nous ne les aborderons pas ici, mais renvoyons le lecteur intéressé à la présentation de ce type de restes issus du puits 994 (§ 7.1.5.1) qui constitue à ce titre l’ensemble le mieux conservé du site.
108Les restes de faune mis au jour dans la structure 250 constituent un corpus certes modeste, mais fiable dans la mesure où il est peu touché par les biais taphonomiques, fréquents dans les corpus issus de sites de plein air et particulièrement marqués dans le cas des remplissages de structures peu profondes, comme nous l’avons vu dans le cas de la structure 68 (voir supra). De manière générale, le spectre faunique de la structure 250 est marqué par une forte dominance des grands et des petits ruminants domestiques. Une information intéressante peut être tirée de la présence d’animaux en bas âge et de fétus, qui va dans le sens d’un comblement du puits à la fin du printemps ou au plus tard au début de l’été.
Datation
109Les six datations réalisées sur des échantillons carbonisés à vie courte (fig. 120) permettent de situer le remplissage du puits entre 4250 et 4050 avant notre ère, donc dans un horizon plutôt récent de la période au sein de laquelle est attesté le Néolithique moyen de type Chassey (voir chapitre 2). La date Poz-64775, obtenue sur une graine de céréale carbonisée prélevée en 2013 dans la partie supérieure du puits, est sensiblement plus ancienne. On peut envisager que l’échantillon provienne d’une structure plus ancienne, remaniée.
6.1.2 Conclusions
110Les deux principaux types de structures représentés sur le site sont les cuvettes et les dépressions. Les premières sont souvent riches en mobilier archéologique, mais leur caractère anthropique est discutable. Il s’agit plus probablement de vestiges du relief naturel du site, contemporain de l’occupation néolithique. Les cuvettes peuvent être, quant à elles, interprétées tout au moins en partie comme des creusements volontaires. Elles sont toutefois relativement pauvres en mobilier archéologique. Il en va de même des autres types de structures tels que les silos et les structures à galets chauffés.
111Le puits 250 constitue une structure exceptionnelle à tous points de vue. C’est la principale source d’information du site pour la connaissance de la culture matérielle et de l’économie au cours du dernier tiers du Ve millénaire avant notre ère et un des ensembles les plus importants du Néolithique moyen de type Chassey actuellement connus dans le sud-est de la France.
Limites du site et répartition des structures
112Le plan de répartition des éléments spécifiques du Néolithique moyen de type Chassey fait apparaître deux zones dépourvues de structures : la partie ouest et la partie nord du décapage. La présence dans ces deux zones de creusements postérieurs au Néolithique moyen de type Chassey, montre que ces lacunes ne peuvent être imputées aux destructions liées aux travaux agraires, mais correspondent véritablement aux limites de la zone d’activités du Néolithique moyen de type Chassey.
113Par contre, le fait que la majeure partie du mobilier provienne de la partie nord-est du site doit être nuancé dans la mesure où c’est précisément dans cette zone, moins touchée par les travaux agricoles, que sont localisées les dépressions, grandes pourvoyeuses de mobilier archéologique. La forte densité de structures et la grande quantité de mobilier recueilli qui caractérisent cette zone ne sont donc probablement pas le seul reflet d’activités intenses, mais également le résultat d’un effet taphonomique. Nous proposons donc de tenir compte de toutes les structures attribuées au Néolithique moyen de type Chassey (indépendamment de la densité de restes). L’occupation correspondante couvrirait alors la moitié est du décapage (fig. 154).
154. Répartition des différents types de structures non funéraires attribuées aux occupations du Néolithique moyen de type Chassey

Un habitat ?
114Hormis les dépôts de restes humains, dont il sera question ci-dessous, l’occupation attribuable au Néolithique moyen de type Chassey est constituée essentiellement d’épandages de mobilier préservés dans des dépressions probablement d’origine naturelle. Les creusements anthropiques sont rares. Il s’agit de quelques cuvettes qui semblent avoir servi de dépotoir et d’un puits à eau. Quelques fosses à galets chauffés et un silo sont également attestées. Aucun élément de bâtiment n’a été décelé. Il est donc justifié de se demander si nous sommes en présence d’un habitat.
115L’absence de structures d’habitation ne peut être considérée comme une preuve de l’absence d’un tel habitat sur le site. Plusieurs raisons sont généralement invoquées dans ce cas de figure : des constructions peu ancrées dans le sol ou les destructions liées aux travaux agricoles. Dans notre cas, il est difficile d’invoquer l’érosion et les travaux agricoles pour expliquer l’absence de structures de stockage souterrain alors que d’autres types de structures généralement moins profonds sont conservés.
116Quelques structures suggèrent tout de même l’exercice d’activités dans le secteur fouillé : production, préparation et consommation d’aliments dans le cas de la structure 68, indices de battage de céréales et de circulation du bétail à proximité dans le cas puits 250. L’industrie lithique montre également des indices plaidant en faveur d’un habitat : une production sur le site, peu investie et constituée essentiellement de lames courtes ou d’éclats peut être identifiée. De plus, l’outillage lithique montre la présence de racloirs, grattoirs, mais également de lustré (faucille) qui indique une utilisation sur place de la production pour des activités domestiques. De plus, sans être exceptionnel, le volume de mobilier archéologique découvert sur le site montre indubitablement que l’être humain l’a fréquenté.
117L’outillage lithique, la céramique et les macrorestes végétaux montrent donc que l’ensemble des activités liées à la production, au traitement et à la consommation de céréales a été exercé à proximité immédiate de la zone décapée.
118Deux hypothèses subsistent donc :
l’habitat et les zones de stockages sont situés en dehors des limites du décapage ;
l’habitat et le stockage font appel à des structures peu ancrées dans le sol.
Une ou plusieurs occupations ?
119Le nombre et la durée de ces fréquentations sont également difficiles à évaluer. Le mobilier céramique peut être qualifié de typologiquement homogène, ce qui ne veut pas dire grand-chose. En l’absence de périodisation interne du Néolithique moyen de type Chassey, il est impossible de situer les 61 structures non funéraires au sein des trois siècles occupés par ce groupe culturel. Le radiocarbone aurait pu être d’un certain secours. Malheureusement le puits 250 et la sépulture 51 sont les seules structures qui ont pu être datées.
120La présence d’un puits sur le site n’est pas en soi l’indice d’une occupation pérenne. N’étant pas cuvelé, il a dû avoir, dans un contexte de plaine alluviale active, une durée de vie relativement brève. Il est peut-être le résultat d’une action ponctuelle destinée à pallier un manque d’eau momentané lors d’une période sèche prolongée.
Un jalon important
121En dépit de ces difficultés à le caractériser, le site des Bagnoles n’en reste pas moins une des principales sources d’informations sur le Néolithique moyen de type Chassey. La découverte et la fouille exhaustive du puits 250 en sont la raison principale. Le corpus issu de cet ensemble clos fournit des renseignements détaillés sur la culture matérielle et l’économie vers 4200 avant notre ère.
Céramique
122Les différentes structures fouillées permettent de disposer d’un corpus céramique considérable. Fait rarissime, le contenu du puits 250 autorise une étude quantitative de la céramique d’un ensemble clos. Les formes ouvertes sont largement dominées par les coupes à bourrelet interne. Les formes profondes sont largement majoritaires et correspondent à différents types : vases fermés à épaississement externe de taille très variable, vases tulipiformes de taille moyenne, vases à col. Les assiettes à marli et les assiettes à socle, seules formes décorées, sont rares en contexte non funéraire. Les préhensions/ suspensions sont variées : anses en ruban, anses en boudin, cordons et bandeaux multiforés, anses en flûte de Pan et en cartouchières, rehaussement quadrangulaire perforés (voir ci-dessous, p. 282), languettes proéminentes ou encore les rangées de boutons sous le bord. Les carènes, rares, sont limitées aux vases à inflexion basse et sont alors situées immédiatement au-dessus du fond. Les surfaces sont lissées, voire polies. Quelques vases de très grandes dimensions présentent des surfaces rugueuses (lissage à la main mouillée). Les dégraissants, constitués de calcite ou de quartz, sont généralement bien calibrés.
Industrie lithique
123L’intégralité de l’industrie lithique du Néolithique moyen de type Chassey, provenant principalement du puits 250, permet d’identifier une chaîne opératoire principale réalisée sur le site qui consiste à acquérir des blocs de silex bédoulien préparés hors du site, produire des lames par percussion indirecte ou par pression puis à reprendre les nucléus pour un débitage d’éclat. Les lames produites servent de support à la majeure partie de l’outillage. Une production d’éclat est également identifiée.
124La présence de déchets semble indiquer la production sur place de lamelles en quartz hyalin.
125Des productions arrivant sous forme de produits finis (grandes lames en silex bédoulien et lamelles en obsidienne de Lipari) complètent l’industrie lithique.
Économie végétale
126Ici encore, l’essentiel des informations provient du puits 250. Les restes végétaux, qu’ils soient carbonisés ou imbibés, y sont beaucoup mieux conservés que dans les autres creusements. En conséquence, notre vision de l’économie végétale de l’occupation du Néolithique moyen de type Chassey est fondée sur un corpus qui est issu d’une seule structure et s’est selon toute vraisemblance constitué rapidement (quelques mois à quelques décennies). Il est par contre difficile de préciser dans quelle mesure ce corpus est représentatif de l’économie du site ou s’il représente par exemple les déchets issus d’activités particulières.
127Sur le plan quantitatif, le nombre de restes est considérable par rapport aux ensembles contemporains (voir § 8.3). Cependant, les chiffres sur lesquels s’appuie cette étude préliminaire sont encore modestes. Il faut donc attendre l’étude complète pour formuler des conclusions plus précises et mieux fondées. Il est tout de même possible de constater que les décomptes des restes carbonisés d’une part, et imbibés de l’autre, vont dans le même sens, suggérant une économie végétale fondée sur la culture de l’orge, du blé nu et du pavot, complétée dans une certaine mesure par des activités de récolte (noisettes, glands, prunelles et raisin sauvage).
Économie animale
128Les données relatives à l’économie animale sont issues des structures 68 et 250. La première a livré 6941 restes dont 250 fragments déterminables4. La structure 250 renfermait 3386 restes (4933,4 g) dont 342 (3991 g) déterminables. Ici, l’état de conservation des restes varie considérablement entre la partie profonde (horizon humide ; 17 g/fragment) et la partie haute du remplissage (horizon sec ; 1 g/fragment). Nous n’avons donc pas tenu compte de cette dernière dans les décomptes.
129Dans les deux cas, la faune domestique est largement majoritaire (99 % du nombre et du poids de restes) et les restes de bovinés sont dominants mais varient considérablement d’une structure à l’autre. Ainsi ils représentent 93 % du nombre de restes dans la structure 68, mais seulement 47 % dans la structure 250. Il s’agit d’un effet probable de la conservation des restes osseux, particulièrement mauvaise dans la structure 68, qui conduit ici à une surreprésentation des ossements massifs et donc des grands ruminants. Les informations les plus fiables proviennent donc vraisemblablement des horizons humides et mixtes de la structure 250.
130Si l’on ne tient compte que des restes provenant de cette partie du remplissage, on obtient le spectre suivant : 1886 (3804 g) restes dont 245 (3193 g) déterminés. Les animaux domestiques constituent 98 % du nombre de restes déterminés et 99,9 % du poids de restes déterminés. Le bœuf est avec 51 % du nombre de restes déterminés et 88 % du poids de restes déterminés le taxon le mieux représenté. Les ovicaprinés constituent 43 % du nombre de restes déterminés et 11 % du poids de restes déterminés. Le porc, avec 3 % du nombre de restes déterminés et 0,2 % du poids de restes déterminés, et le chien (environ 1 % du nombre et du poids de restes déterminés) sont très minoritaires.
131Issus d’une seule structure, ces résultats ne peuvent pas être considérés comme étant représentatifs de l’économie animale du site. Il ne s’agit que d’une donnée ponctuelle qu’il faudra confronter avec d’autres informations issues d’autres sites de la région (§ 8.2).
6.2 Le néolithique moyen de type Chassey :les structures mortuaires
A. Schmitt, S. van Willigen C. Delefosse, M. Errera, P. Pétrequin, A. Reggio,W. H. Schoch, L.Viel
132C’est la découverte lors du diagnostic de 2006 de deux dépôts secondaires de crémation (structures 47 et 48) accompagnés d’un mobilier inhabituel (décors peints, vases à corps cubique ; Sargiano et al. 2010) qui avait motivé la mise en place du projet de fouille programmée sur le site des Bagnoles. Ce projet visait avant tout à recueillir des informations sur la mise en place de tels dépôts, leur contenu et leur position par rapport à un éventuel habitat.
133En effet, jusque-là, les crémations n’avaient été que rarement signalées dans le Néolithique du midi de la France et des régions voisines. Un dépôt secondaire de crémation avait été découvert en 1991 sur le site du Vallon de Gaude (Manosque, Alpes-de-Haute-Provence ; Bérard et al. 1992). Quelques années plus tard, en 1993 et 1994, un dépôt primaire de crémation et une dizaine de dépôts secondaires étaient fouillés au Camp del Ginèbre à Caramany (Pyrénées-Orientales ; Vignaud 1998).
134Il est difficile de dire si cette rareté (relative, comme nous le verrons) est le reflet de la réalité – dans ce cas il s’agit d’un traitement des corps peu fréquent dans le Néolithique méditerranéen – ou si elle est liée à son manque de visibilité. Le problème se pose lors des travaux de terrain (quelques nodules blancs dans un remplissage de fosse n’attirent pas nécessairement l’attention), mais aussi ultérieurement. Les restes osseux issus de dépôts de crémation sont souvent très fragmentés. La détermination d’un lot d’ossements attestant la crémation d’un corps humain tient souvent à la présence de quelques pièces caractéristiques : un fragment de racine dentaire, une esquille de voûte crânienne. En l’absence de celles-ci, le dépôt de crémation a peu de chances d’être reconnu.
135Le site des Bagnoles illustre bien ces problèmes. Vingt-et- unes structures qui renfermaient des éléments attribuables au Néolithique moyen de type Chassey ont également livré des fragments d’ossements calcinés. Dans huit cas (les structures 47 et 48 de 2006, 51, 54, 200, 201, 527 et 833), ces restes étaient au moins en partie constitués d’ossements humains. Dans les treize cas restants, aucun des ossements calcinés n’a pu être déterminé. Il est donc impossible de dire s’il s’agit de restes humains ou fauniques. Ces structures forment deux groupes en limite nord-ouest et sud-ouest de l’aire de répartition du Néolithique moyen de type Chassey (fig. 155).
136Aucun dépôt d’ossements humains non brûlés n’a été mis en évidence sur le site.
155. Localisation des structures qui ont livré des ossements brûlés humains ou indéterminés

6.2.1 Aspects méthodologiques
Principes de l’archéothanatologie
137Les restes humains sont intégrés aux recherches en archéologie funéraire depuis les années 1970 sous l’impulsion d’André Leroi-Gourhan et ses collègues (1962) et d’Henri Duday (1975, 1978, 1981), dont l’un des principaux apports a été de replacer le défunt au centre du discours. L’archéothanatologie5 repose sur trois étapes successives (Duday & Sellier 1990 ; Boulestin & Duday 2005) :
la description et l’enregistrement des faits sur le terrain ;
la restitution du dispositif initial (à quoi il ressemblait quand il a été constitué) et de l’action qui a conduit à l’assemblage ;
le troisième niveau consiste à interpréter ces actions (relier un geste à la pensée) par une approche intégrative (Duday 1981).
138L’étude des structures à crémation, de la phase terrain à l’étude des restes osseux, fait l’objet d’une méthodologie particulière qui a bénéficié d’avancées régulières depuis plusieurs décennies (Grévin 1990, Bel 1996, Le Goff & Guillot 1996, Duday et al. 2000, Duday 2005, Depierre 2014, Le Goff et al. 2017), favorisées par l’étude d’ensembles funéraires protohistoriques et antiques découverts notamment en archéologie préventive. Les données ethnographiques ont également permis de mieux comprendre et connaître la chaîne opératoire du traitement du cadavre par le feu ainsi que la signification culturelle et sociale de cette transformation du corps (Pautreau 1994, Grévin 2002, 2004, 2007, Le Goff 2013a, Schmitt 2017a).
139Sur le terrain, l’enregistrement est globalement le même que celui appliqué pour les restes osseux non brûlés. En laboratoire, elle requiert en revanche, des connaissances ostéologiques pointues dans la mesure où les os brûlés subissent des modifications importantes liées à la dessiccation à laquelle les cadavres ont été exposés (changement de couleur, de texture, de densité, fracture, fissures, déformations), mais aussi aux manipulations éventuelles que les os brûlés ont subies lors du traitement postérieur à la crémation. Dans le cas des Bagnoles, les structures ont livré peu d’ossements dont la majorité est très fragmentée. La sélection des paramètres retenus dans notre étude est, par conséquent, contrainte par ce facteur.
140Les choix méthodologiques de l’étude des restes osseux couplés à l’analyse des enregistrements de terrain ont pour objectif de documenter les gestes qui ont produit l’assemblage archéologique (Le Goff 2013b, 2014) et de répondre aux questions suivantes :
combien d’individus sont représentés ? Quel est leur sexe, leur l’âge ?
le défunt a-t-il été brûlé à l’état de cadavre ou à l’état de squelette ?
quel est le mode crématoire (le lieu, l’aménagement, l’intensité de la crémation) ?
le défunt a-t-il été brûlé avec des objets, avec de la nourriture ?
les restes osseux ont-ils été transférés dans un lieu autre que celui de la crémation ?
le ramassage a-t-il été partiel ou complet ?
quel aspect avait la structure qui a reçu les restes osseux qui ont été transportés ?
des objets, un contenant ont-ils été ajoutés ?
Questions de terminologie
Crémation
141Le terme de crémation est préféré de nos jours à celui d’incinération (sans doute en raison d’une association d’idées perçue comme péjorative avec l’incinération des ordures ménagères) pour désigner le traitement funéraire qui consiste à brûler le corps du défunt (Duday 2005). Ce terme induit qu’il s’agit d’un acte volontaire et non accidentel (Sauzade 1983) et que le traitement du cadavre fait partie d’une étape des funérailles.
Crémation versus inhumation
142La crémation est souvent opposée à l’inhumation alors que ce dernier terme fait seulement référence au milieu dans lequel les restes humains sont déposés et non pas au traitement préalable du cadavre. La crémation est, quant à elle, un traitement du cadavre au même titre que la momification et le décharnement, qu’il soit lié ou non au cannibalisme6. C’est donc une façon parmi d’autres de transformer le corps du défunt en accélérant, par le feu, sa décomposition. Les restes osseux crémés peuvent, ensuite, être déposés dans une structure, tout comme peut l’être un cadavre ou des os décharnés. Dans ce cas, ils sont donc, eux aussi, inhumés. En toute logique, il serait donc plus correct de parler d’inhumation (lieu de dépôt), de restes crémés ou de corps à l’état de cadavre (traitement du corps).
Mortuaire, funéraire
143Le terme funéraire ne s’emploie que s’il est démontré que la pratique a eu lieu dans le cadre de funérailles. Avant le stade interprétatif, les gestes et les pratiques sont qualifiés de mortuaires et concernent tout traitement de restes osseux (Boulestin 2012). Cette distinction a motivé, assez tardivement dans l’histoire de notre discipline, le remplacement des termes « archéologie funéraire » et « anthropologie funéraire » par celui d’« archéothanatologie », les premiers n’incluant pas les traitements non funéraires des corps humains (par exemple abandon de cadavre sans rituel funéraire, trophée).
Dépôt, sépulture
144Le terme dépôt est préféré à celui de sépulture dans la phase d’analyse. Une fois le dépôt initial et les actions conduisant à ce dépôt restitués, la nature sépulcrale ou non peut être discutée. Dans notre société, tout le monde a droit à une sépulture. Cette vision ethnocentriste a influencé, sans que l’on en ait immédiatement pris conscience, notre perception des restes osseux humains découverts en contexte archéologique qui sont souvent, d’emblée et sans démonstration préalable, considérés comme des sépultures. Bien entendu, ce problème se pose surtout pour les sociétés sans écritures. Nous retenons la définition archéologique du terme sépulture proposée par Bruno Boulestin (2012 :37) : « lieu où sont déposés les restes d’un ou de plusieurs défunts, ce dépôt étant conçu comme définitif et intervenant dans le cadre d’une cérémonie dont la finalité est d’honorer au moins un des défunts au travers de sa dépouille ».
145Comment interpréter les structures liées à des crémations ? Comme nous le verrons, les dépôts de crémation des Bagnoles ne représentent qu’une petite partie du corps brûlé (quelques centaines de grammes dans le meilleur des cas). En règle générale, la présence de restes brûlés (carbonisés ou calcinés) humains dans le remplissage de structures en creux peut faire référence à différents types d’actions. Il peut s’agir de reliefs de repas (cannibalisme funéraire ou non), de résidus de bûcher laissés in situ (funéraire, mais non sépulcral), d’une vidange de résidus de bûcher (funéraire, mais non sépulcral) ou encore d’un dépôt primaire/secondaire de crémation (funéraire et sépulcral). Par ailleurs, des structures contenant des restes osseux humains qui constituent une phase du rituel funéraire sans être pour autant le lieu de dépôt définitif du défunt (structures funéraires accessoires – SFA) sont connues dans la documentation ethnographique (Blaizot & Tranoy 2004) et il a été suggéré que ce soit également le cas pour de nombreux contextes antiques (Blaizot et al. 2009). On ne peut exclure que la complexité des rituels et des pratiques soit du même ordre au Néolithique.
146Tout comme pour les restes humains non brûlés, la nature funéraire d’un dépôt d’abord puis sa dimension sépulcrale doit faire l’objet d’une démonstration. Si la présence d’ossements humains brûlés peut être un indice fort en faveur d’une pratique funéraire, la question du statut sépulcral du dépôt de crémation est plus délicate. À la différence des inhumations de cadavre, il est impossible de faire appel à la position (conventionnelle ou non-conventionnelle/désordonnée ; Jeunesse 2010) du corps. Autre difficulté, le mobilier (primaire) étant le plus souvent passé par le bûcher et donc brûlé, fragmenté et incomplet, il est difficile d’en préciser le statut : dépôt volontaire ou présence accidentelle au sein de résidus de bûcher.
147L’interprétation des dépôts secondaires de crémation et la question de leur dimension sépulcrale peuvent tout de même faire appel à quatre types d’informations :
nature et contenu du dépôt : le dépôt lui-même peut être constitué de résidus (ossements, restes d’objets déposés sur le bûcher, charbon de bois, cendres) prélevés sur les restes du bûcher et déversé tel quel, c’est-à-dire sans traitement préalable, dans le lieu de dépôt définitif. Les artefacts et les pièces osseuses sont alors en suspension dans le sédiment et celui-ci est souvent noir et charbonneux. Dans un second cas de figure, il y a eu un ramassage, un tri, voire un nettoyage des ossements brûlés (documentés par l’ethnographie : Terwiel 1979, Charras 1979), et éventuellement aussi des objets brûlés avant le transfert vers le lieu de dépôt définitif. Le premier cas peut correspondre soit à une sépulture, soit à la vidange des résidus d’une aire de crémation, le second correspond à une sépulture ;
disposition du mobilier : le mobilier peut être épars dans le remplissage ou présenter des concentrations, tris, mises en scène particulières. Il peut combiner des dépôts primaires (objets qui ont brûlés avec le défunt) et secondaires (objets déposés sur le lieu de conservation définitif des restes sans être passés par le bûcher) ;
réceptacle : il peut présenter un volume adapté à celui du dépôt, une architecture particulière (ciste, vase ossuaire), un système de marquage (stèle, couronne de pierres…) ;
environnement : pour finir, la présence de sépultures avérées dans l’environnement immédiat des dépôts de crémation peut jouer un rôle dans l’interprétation de ceux-ci.
Étude des restes humains brûlés
Faune ou humain ?
148Dans notre corpus, si certaines pièces osseuses ne posent pas de problème d’identification taxinomique, de nombreux fragments demeurent dans la catégorie indéterminée. Actuellement, les méthodes qui pallient aux problèmes d’identification morphoscopiques des ossements fragmentés non brûlés se basent sur l’observation histologique. Malheureusement la combustion, notamment à très haute température, modifie la microstructure de l’os. Par ailleurs, les méthodes disponibles à ce jour ne sont pas nécessairement adaptées aux os brûlés, et nécessitent pour la plupart un ajustement au niveau de la méthodologie. La méthode ZooMS (ZooArchaeology by Mass Spectrometry) plus récente, basée sur l’analyse des peptides du collagène dont la masse varie en fonction des espèces (Buckley et al. 2009) n’a pas fait non plus l’objet d’études en tenant compte de la dégradation du collagène liée à la combustion. Par conséquent, nous avons tenté une analyse histologique en appliquant plusieurs méthodes (Urbanova & Nóvotny 2004, Martiniaková et al. 2006, Cattaneo et al. 2009) sur quelques fragments osseux humains. Elle devra être complétée ultérieurement en faisant appel à des méthodes plus performantes.
La fragmentation (fig. 156)
156. Exemple de fragmentation dans les dépôts de crémation : les restes crémés de la structure 527

149La fragmentation résulte d’une part de l’action du feu lui-même. Mais les observations ethnographiques de crémations montrent que le taux de fragmentation anthropique dépend essentiellement de l’action ou de l’inaction de l’ustor (le crémateur) et éventuellement de l’extinction des braises du bûcher à l’eau froide (Grévin 2002). L’os se fragmente lorsqu’il est manipulé à chaud (Dokladal 1963). Les observations effectuées dans un crématorium confirment ces constatations (Depierre 2014). Il faut également envisager des traitements post-crématoires (fragmentation volontaire).
150Dans le cas des Bagnoles, nous avons pu constater sur le terrain que la fragmentation a eu lieu avant l’exhumation. Bien entendu, cela n’exclut pas que des travaux agricoles ou la pression des sédiments n’aient pu l’accentuer. Comme pour tout vestige archéologique, la fragmentation d’ossements calcinés peut être liée à des agents pré- et post-enfouissements (Lebon et al. 2015). Toutefois, dans notre cas, les seconds ont eu un effet restreint, car les fosses étaient rapidement comblées de telle sorte que les ossements n’ont pas subi de piétinement ou de compactions. Il est donc permis de considérer que cette fragmentation est liée soit à l’action du feu, soit aux traitements des ossements crémés dans le cadre des pratiques funéraires.
151La caractérisation de la fragmentation peut être pertinente pour discuter des modalités de combustion. Le pourcentage de fragments identifiés et le poids moyen par fragment permettent de mesurer le taux de fragmentation. L’identification des fragments dont la plupart correspondent à des esquilles a été très fastidieuse et ne permet pas une telle approche. Pour les mêmes raisons, le dénombrement des individus, les données biologiques (sexe et âge) ainsi que l’ostéologie quantitative n’ont fourni que des résultats très limités.
L’étude du poids total et des indices pondéraux
152Les fragments d’os brûlés ont été identifiés et triés par régions anatomiques (tête osseuse, tronc, membres supérieurs, membres inférieurs ; Duday et al. 2000). Ils ont ensuite été pesés. La masse totale est un indicateur de la représentation des sujets brûlés. Les poids relatifs théoriques que nous avons utilisés comme référence sont ceux calculés par Frédérique Blaizot et Laurence Tranoy (2004) d’après les travaux de Jacqueline MacKinley (1993). Dans le cas d’un tamisage à maille fine permettant de récupérer la totalité des restes osseux après crémation7, la moyenne pour un individu adulte est de 2024 g (± 508 g). La masse qui peut être considérée comme la valeur minimale acceptable est donc de 1227 g (maximum = 3001 g). Les modalités de prélèvement des os issus de la crémation puis transférés dans le lieu de dépôt définitif peuvent être explorées en détail en étudiant la représentation des diverses parties du corps (Duday et al. 2000, Duday 2005). Nous n’avons pas procédé à cette étude dans le cas des dépôts de crémation des Bagnoles, car elle perd de sa pertinence à partir de 50 % de vestiges indéterminés.
Température et degré de combustion
153Il existe une gradation de la coloration des vestiges osseux au fur et à mesure de l’élévation des températures sur la structure crématoire. Les synthèses des travaux sur la relation entre la couleur et la température (Le Goff 1998, Lenorzer 2006, Depierre 2014) peuvent se résumer ainsi : les couleurs orangé, jaune, jaunâtre correspondent à des températures situées entre 0 et 250°C ; les couleurs brun et noir entre 200°C et 550°C ; les couleurs gris, gris clair et gris bleu entre 300°C et 700°C ; les couleurs blanc, blanc jaune pâle, blanc à gris clair de 600°C à plus de 1000°C. Les observations ethnographiques sur des crémations traditionnelles (Grévin 2004) confirment ces données : les couleurs passent graduellement du jaune (déshydratation) au noir (carbonisation) à divers gradients de gris, puis au blanc laiteux (calcination). Ces études montrent également que la combustion de cadavres sur des bûchers n’est pas uniforme, les os peuvent prendre une large gamme de couleurs (Grévin 2002). De plus, de nombreux autres paramètres entrent en ligne de compte, comme la durée de l’exposition à la chaleur (Shipman et al. 1984). La couleur permet donc surtout d’évaluer le stade de combustion des os brûlés (Gatto 2007). La pré-carbonisation correspond au « brun et brun foncé », la carbonisation au « noir », la pré-calcination au « gris foncé, bleu-gris et gris clair » et enfin la calcination au « gris blanc, blanc crayeux et au brun clair bronze » (Buikstra & Swegle 1989, Hummel et al. 1988, Le Goff 2002, Lenorzer 2006). Prise avec précaution, la couleur permet d’envisager la plus haute température à laquelle le corps a été exposé (Depierre 2014).
Crémation de cadavre ou de squelette
154Au moment de la crémation, l’os était-il entouré de chair, décharné ou sec ? L’identification de cet état permet de discuter à quel moment le traitement par le feu est intervenu et de restituer ainsi, en détail, les pratiques mortuaires. Des crémations différées sont documentées dans la littérature ethnographique (Schmitt 2017). Les principales études menées sur le sujet sont expérimentales. L’action du feu a été observée sur des portions de squelettes humains ou animaux (Binford 1971, Lenorzer 2006). Plusieurs chercheurs ont émis des critiques quant à la fiabilité des résultats obtenus (Buikstra & Swegle 1989, Lenorzer 2006, Gatto 2007) notamment, car elles sont effectuées avec des techniques modernes et ne reflètent pas les conditions anciennes. De plus, le moyen de discriminer un os brûlé frais d’un os brûlé sec fait débat dans la mesure où l’os sec n’est, à ce jour, pas clairement défini (Depierre 2014). La difficulté réside dans le fait que l’os entouré de chair ou décharné (par décomposition dans un temps bref ou décarnisation active) aura la même composition chimique et réagira peu ou prou de la même manière au feu. En revanche, l’os vraiment sec aura, lui, une réaction différente (Depierre 2014) permettant un diagnostic.
6.2.2 Les structures à ossements (humains) brûlés
155Sur le site des Bagnoles, il a été possible de distinguer trois cas de figure au sein des structures ayant livré des ossements brûlés (catégories A-C). La première catégorie (A) regroupe les structures qui ont livré des ossements calcinés déterminés comme étant humains. La deuxième (catégorie B) correspond aux structures dont la forme et le volume sont comparables à ceux de la catégorie A (petites cuvettes circulaires), qui ont livré à la fois des os calcinés indéterminés et un mobilier potentiellement funéraire8. La troisième (catégorie C) rassemble les autres types de structures (dépressions, silos, puits…) qui refermaient des os calcinés indéterminés, mais aucun mobilier potentiellement funéraire.
6.2.2.1 Catégorie A – les structures à ossements brûlés humains
156Cette catégorie regroupe huit structures.
La structure 47 de 2006
157Il s’agit d’un creusement circulaire, d’un diamètre de 80 cm pour une profondeur conservée d’environ 15 à 20 cm, comblé d’un limon sableux brun foncé mêlé à du gravier. Le poids des restes ainsi que la caractérisation des os brûlés sont indicatifs dans la mesure où seule une partie des restes humains a été prélevée. La taille des fragments dont la majorité est érodée et dont le périoste a disparu varie de 1 à 3 cm. Il s’agit de portions de voûte crânienne et de diaphyse d’os longs qui peuvent être attribués à un individu de taille adulte. Les quelques ossements dont l’os cortical est conservé sont gris/bleu et blanc au périoste et noir à l’endoste. Quelques fragments moins brûlés ont été observés. Ils sont noirs à l’intérieur et brun foncé à l’extérieur. La masse totale est de 31 g (fig. 157). Le dépôt initial ne peut pas être restitué.
157. Liste des structures ayant livré des restes osseux calcinés ; en gras les structures qui ont livré au moins un reste osseux ayant été déterminé comme étant humain
structure | poids (g) |
47 (2006) | 31 |
48 (2006) | 283 |
51 | 219 |
54 | 296 |
200 | 19 |
201 | 6 |
527 | 12 |
760/762/763 A | 8 |
760/762/763 C | 1,5 |
768 | |
774 | 16 |
833 | 59 |
9 | |
68 | 0,4 |
219 | |
250 | 37 |
267 | 1 |
411 | 0,2 |
438 | 4,5 |
469 | |
470 | 0,5 |
158Le mobilier comprend un fragment de meule, un percuteur sur galet aplati en grès, un burin dièdre sur éclat portant quelques retouches inverses sur le bord droit et un minimum de huit vases partiellement reconstituables (fig. 158) : une petite tasse munie d’une ou deux anses en ruban (n° 1), un vase sphérique (n° 2), un vase sphérique muni d’une languette multiforée (n° 7), une jatte à col rectiligne (n° 11), au moins deux vases à inflexion basse et col concave fermé (n° 8-10), tous deux décorés de chevrons peints (trois fragments de bord sont susceptibles d’appartenir à ces deux vases) et deux vases à corps cubique décorés de bandes et de triangles quadrillés (n° 3-4). Deux tessons brûlés pourraient appartenir à un troisième vase à corps cubique (n° 5-6). L’attribution de cet ensemble au Néolithique moyen de type Chassey est essentiellement fondée sur le décor des deux vases cubiques9, que l’on retrouve à l’identique sur les assiettes à marli et les assiettes à socle.
158. Mobilier de la structure 47 (diagnostic 2006)

1-15 : céramique ; 16 : éclat à cortex marginal avec enlèvements burinants en partie distale.
La structure 48 de 2006
159Forme, dimensions et remplissage de ce creusement sont comparables à ceux de la structure 47. Les ossements et le mobilier ont été partiellement prélevés en 2006. Quelques éléments supplémentaires ont été localisés puis prélevés lors de la campagne de 2012. La masse totale d’ossements prélevés est de 283,1 g (fig. 157). La couleur n’est pas homogène, elle varie du noir au blanc avec une majorité de fragments gris/blanc. La taille des fragments est similaire au dépôt 47. Un seul individu a été identifié. Une racine de molaire dont la maturation est complète, l’épaisseur des fragments de voûte crânienne et de diaphyse d’os longs suggèrent qu’il s’agit d’un individu de taille adulte. Ici encore, le mode de dépôt ne peut pas être restitué.
160Le mobilier est constitué d’un minimum de huit vases dont six sont reconstituables (fig. 159) : une coupe en calotte munie de deux anses en ruban jumelées (n° 6), une deuxième coupe en calotte attestée par un fragment de bord (n° 5), le fragment d’un possible vase cubique orné d’un motif gravé (n° 8), une assiette à marli et aile courte décorée munie de deux anses en ruban jumelées (n° 1), un fragment de bord d’un vase profond (n° 7) et trois vases à décor peint (n° 2-4).
159. Mobilier de la structure 48 (diagnostic 2006)

161L’assiette à marli permet d’attribuer cet ensemble au Néolithique moyen de type Chassey. Pour les raisons évoquées ci-dessus, aucune datation radiocarbone n’a été réalisée.
La structure 51
162Elle se présentait sous la forme d’une tache grise à gris foncé approximativement circulaire (fig. 160). Le creusement mesure 0,60 m de diamètre. Sa profondeur conservée est de 0,20 m ; les parois sont verticales, les derniers éléments du mobilier reposent sur une couche de graviers et de galets de petits diamètres. Le remplissage est constitué de trois entités (fig. 161). Le comblement inférieur en dôme est constitué d’un sédiment noir, gras, dense, contenant quelques microcharbons de bois, des coquilles d’escargots, des ossements humains brûlés, du macro-outillage lithique et des fragments de céramique. Le comblement intermédiaire présente un contenu similaire, mais le sédiment est limoneux et gris foncé/brun foncé. Le remplissage supérieur, constitué d’un sédiment jaune limoneux dépourvu d’artefacts et contenant des escargots et des petits galets, est limité au pourtour de la fosse.
160. Vue de la structure 51 après un premier nettoyage

Le nord est en bas.
161. Schéma du comblement de la structure 51

A : sédiment identique à l’encaissant ; B : sédiment limoneux brun/gris foncé ; C : sédiment noir et gras (résidus de bûcher).
Les restes humains
163Le poids total des restes humains brûlés s’élève à 219 g (fig. 157). Toutes les parties anatomiques sont représentées (fig. 162). La taille des fragments ne dépasse pas 2,5 cm de long et la majorité mesure entre 0,5 et 1,5 cm. Un seul individu a été identifié. Le poids total est nettement inférieur à la moyenne théorique. L’épaisseur de l’os cortical des os longs et des parois du crâne suggère qu’il s’agit d’un individu de taille adulte. La coloration n’est pas homogène (du brun orangé au blanc), mais la majorité de la surface externe des ossements est de couleur blanche.
162. Poids (en g) des ossements humains par région anatomique des dépôts de crémation issus des structures 51, 54 et 48 (2006)
partie anatomique | str. 51 | str. 54 | str. 48 |
tête osseuse | 27,4 | 3,2 | 46,5 |
tronc | 4,7 | 6,8 | 19,6 |
membres supérieurs | 14,3 | 30,5 | 14,8 |
membres inférieurs | 21,1 | 65,5 | 43,0 |
diaphyses indéterminées | 46,4 | 52,62 | 89,2 |
os indéterminés | 9,9 | 5,5 | 64,0 |
esquilles | 95,8 | 132,2 | 6,0 |
total | 219,6 | 296,35 | 283,1 |
Le mobilier
164Il est composé de plusieurs fragments de meules, d’un broyon, de six vases, et d’au moins un artefact en os. Les objets de mouture (fragments et objet entiers) de cette fosse sont au nombre de dix (fig. 163). Il s’agit de petits fragments de meule ou molette ainsi qu’un petit broyon, seul objet entier. Le fort taux de fragmentation limite considérablement la description du corpus. Elle met cependant en avant différents aspects. La faible épaisseur (entre 3 et 5,7 cm), ainsi que des surfaces très lisses suggèrent un matériel en fin de vie. Les courbures longitudinales et transversales des surfaces actives sont planes ou plano-concaves. Les seules sections présentes sont semi-circulaires plates. Les traces d’affûtage des surfaces actives ne sont plus visibles, effacées par le poli d’utilisation, à l’exception du fragment 171, qui a conservé quelques traces de piquetage, ainsi que du fragment 207 qui présente également ce type de traces en périphérie de sa surface. Les bords sont arrondis, mis en forme par polissage et bouchardage associé. Les faces inactives ont conservé des traces de mise en forme (martelage, bouchardage et/ou polissage). Enfin le type de fracture montre des objets ayant subi une forte chauffe. Le broyon n° 211 est un objet circulaire de section ovalaire avec des bords très convexes où sont visibles des traces de piquetage qui semblent être dues à son emploi plutôt qu’à un réaffûtage de la surface active. La matière première employée est un grès qui possède des grains durs associés à un liant induré.
163. Mobilier de la structure 51

Matériel de mouture : fragments de meules (n° 171, 192, 193, 205, 206, 207 et 210), fragments d’objets de mouture.
165Les vases sont tous fragmentés et incomplets et présentent des traces de cuisson secondaire (fig. 164). Un petit gobelet à inflexion basse et col fermé est muni d’une anse tunnéliforme horizontale au niveau de la rupture de pente (fig. 164, vase n° 2). Il est peu fragmenté mais très incomplet. Quelques tessons présentent des cassures en forme de cupules qui semblent être liées à l’action du feu. Un deuxième vase (fig. 164, vase n° 6) n’est attesté que par quelques tessons. Il pourrait s’agir d’une forme à profil en S munie d’une anse tunnéliforme horizontale placée sous l’inflexion. L’assiette à marli et aile étroite subhorizontale est presque complète (fig. 164, vase n° 3). Le décor est gravé avant cuisson. Il est constitué de triangles remplis de lignes rayonnantes dans certains segments, parallèles dans d’autres. Ce récipient est muni de deux anses tubulaires horizontales jumelées fixées par des tenons à la paroi du vase et présente plusieurs trous de réparation. Il est légèrement asymétrique ce qui peut être le résultat d’une déformation secondaire liée à la forme température à laquelle il a été exposé. La présence d’éclatement en forme de cupule peut également être due à l’action du feu. Une coupe d’une trentaine de centimètres de diamètre à l’embouchure munie de deux anses en ruban situées immédiatement sous le bord (fig. 164, vase n° 4) est, quant à elle, très partiellement conservée alors même que les tessons qui la constituent sont très bien préservés. Le cinquième vase est très dégradé (par le feu ?). Il est composé d’une centaine de petits tessons à partir desquels il a été possible de reconstituer plusieurs pans de paroi, une partie du bord et une anse tunnéliforme horizontale placée près du fond (fig. 164, vase n° 5). Le dernier vase correspond à une jatte à carène basse peu marquée. Il porte la trace d’une préhension unique arrachée (fig. 164, vase n° 1).
164. Mobilier céramique et osseux de la structure 51

Vases sphériques (n° 5 et 6), vase à inflexion basse (n° 2), coupes en calotte (n° 1 et 4) et assiette à marli et aile décorée (n° 3) ; outillage osseux (en bas).
166Quelques fragments osseux correspondent à un ou plusieurs objets non identifiés en matière dure animale d’une largeur de 1,2 cm et d’une épaisseur de 0,16 cm (fig. 164, en bas). Pour finir, un os de faune brûlé de couleur bleue/blanche a été identifié. Il s’agit d’une poulie articulaire d’os long d’un petit carnivore10 (détermination Rose-Marie Arbogast).
Anthracologie
167Le tamisage archéobiologique du sédiment comblant la structure 51 a permis de récupérer 9 fragments de charbon de bois de très petite taille (< 1 mm). L’étude anthracologique, réalisée dans le but de sélectionner des échantillons pour une détermination radiocarbone, a permis de déterminer trois charbons : feuillus (2 ex.) et Pinus sp. (1 ex.).
Restitution du mode de dépôt
168Les ossements découverts dans la structure 51 ont été déposés dans la fosse alors qu’ils étaient déjà très fragmentés. Les facteurs possibles de cette fragmentation sont multiples et aucun ne peut être privilégié : conduction de la crémation, choc thermique à l’extinction, fragmentation volontaire. Le gradient des couleurs indique que la combustion n’a pas été homogène, mais qu’elle a été menée à haute température.
169La répartition spatiale des artefacts permet de proposer une restitution du dépôt (fig. 165-166). Au fond de la fosse ont été disposés un broyon complet et des fragments de meules très usées qui ont en partie subi l’action du feu. Il est naturellement difficile de certifier que les témoignages de chauffe sont liés à leur passage sur le bûcher. Les tessons situés dans les deux tiers inférieurs de la fosse sont globalement disposés à plat les uns sur les autres, autour et sur les éléments de mouture les plus périphériques. Les restes osseux ne forment pas un amas, mais sont mélangés à un sédiment noir et gras contenant quelques microcharbons de bois. De nombreux tessons dans le comblement intermédiaire présentent un pendage. Il est probable que les éléments de mouture, les tessons de grandes dimensions (notamment ceux de l’assiette à marli) ont été déposés avec soin avant le déversement d’une partie du résidu de bûcher contenant les ossements et les autres tessons. La forme en dôme du remplissage intermédiaire corrobore cette partie du scénario.
165. Vue de la structure 51 après le quatrième décapage

166. Superposition des décapages 1 à 7 de la structure 51, du niveau superficiel (en haut) au fond (en bas)

170La nature du remplissage supérieur correspond à celle de l’encaissant et suggère deux scénarios : après le dépôt des remplissages inférieur et intermédiaire, la fosse a été comblée volontairement et rapidement avec le sédiment issu de son creusement ou involontairement suite à l’effondrement des parois. Cette dernière hypothèse suppose qu’un espace vide a été conservé immédiatement au-dessus des remplissages inférieurs et intermédiaires. Quoi qu’il en soit, la profondeur conservée du creusement n’est pas sa profondeur initiale, mais les niveaux correspondant au dépôt de crémation ne seraient que peu érodés. Il n’est pas exclu qu’il y ait eu une signalisation en élévation qui recouvrait la fosse.
Datation
171Sur le plan typologique, l’élément le plus caractéristique du mobilier est l’assiette à marli et aile rectiligne courte décorée de triangles gravés. Les assiettes à marli et aile décorées sont un des éléments caractéristiques du Néolithique moyen de type Chassey, mais perdurent jusqu’au début du Néolithique moyen de type La Roberte, vers 4000 avant notre ère, comme le montrent les exemplaires issus des puits 433 du Clos du Moulin et 6 de l’Héritière (Vernègues, Bouches-du-Rhône ; Moreau et al. 2017 ; Thirault et al. 2016). L’assiette de la structure 51 présente quelques particularités. L’aile est relativement courte et le décor semble avoir été réalisé avec peu de soin alors que ce type de récipient fait d’habitude l’objet d’un investissement technique poussé. Les triangles sont plus ou moins larges et leur remplissage, lorsqu’il est lisible, varie (lignes rayonnantes et hachures). Les autres caractères (épaisseur des parois, présence de deux anses en ruban jumelées et fixée par des tenons) correspondent tout à fait aux exemplaires déjà connus. Le décor de triangles remplis de lignes rayonnantes, bien attesté sur d’autres formes à Vernègue-Le Clos du Moulin (Moreau et al. 2017, fig. 22, 2 et 13), pourrait aller dans le sens d’une datation tardive de l’assiette à marli de la structure 51. Toutefois, au vu de l’absence de caractères spécifiques du début du IVe millénaire (jattes carénées et col concave et coupes à sillons interne) dans la structure 51, il semble difficile de proposer une datation allant au-delà de 4000 avant notre ère. Malgré l’absence d’échantillons à vie courte au sein du matériel anthracologique, trois datations radiocarbone ont été réalisées pour tenter de préciser la position chronologique du contenu de la structure 51. Les résultats (Poz-56746 5390±35BP, Poz-56747 5290±35BP et Poz-56745 5220±35BP) couvrent après calibration la période 4350-3950 avant notre ère. Cette hétérogénéité relative n’est pas surprenante. Elle est vraisemblablement due à la nature des échantillons (respectivement un micro- charbon de Pinus sp., un micro-charbon de feuillus et un micro-charbon de Pinus sp.) et en particulier à l’effet vieux bois. Pour cette raison, nous proposons dans un premier temps de ne retenir que la date la plus récente (Poz-56745 5220±35BP) et de dater le contenu de la structure 51 vers la fin du Ve millénaire avant notre ère (voir § 8.2).
La structure 54
172Elle se présentait sous la forme d’une tache grise aux contours diffus. La concentration des artefacts permet de suggérer une forme plutôt circulaire d’un diamètre de 0,5 m et conservée sur une profondeur de 0,17 m. Le comblement, très différent de celui de la sépulture 51, était homogène, limoneux brun/gris, meuble contenant des nodules de calcaire, de nombreuses coquilles d’escargots, des ossements brûlés et du mobilier archéologique.
Les restes humains
173Les ossements humains étaient disséminés dans le comblement (fig. 167-168). Leur masse totale s’élève à 296 g (fig. 157). Toutes les parties anatomiques sont représentées (fig. 162). Le taux d’indéterminé (64 %) est lié à la taille des fragments (la majorité mesure moins d’un cm). Le seul individu identifié est un grand adolescent ou un adulte comme l’indique l’épaisseur des parois crâniennes et de l’os cortical des diaphyses. La masse osseuse est faible relativement à celle d’un squelette adulte complet brûlé. La coloration n’est pas homogène d’un os à l’autre (du noir au blanc), mais également entre le périoste et l’endoste. La combustion n’a donc pas été homogène même si la couleur blanche est la plus fréquente.
167. Vue de la structure 54 après le premier décapage

168. Superposition des décapages 1 à 3 de la structure 54, du niveau superficiel (en haut) au fond (en bas)

Le mobilier
174Il est constitué des fragments d’une tasse, de quatre bitroncatures géométriques à troncatures inverses et d’un fragment de lame (fig. 169). Tous ces éléments sont brûlés. Seul, un fragment de grattoir sur éclat laminaire ne présente aucune trace de rubéfaction. Il a cependant été découvert en surface lors du premier nettoyage de la structure et ne fait peut-être pas partie du mobilier funéraire. Le gobelet est très abîmé. Il est muni d’une anse en ruban réalisée à partir d’une petite plaque d’argile pliée. Lors de cette opération, la pâte a cédé dans la partie centrale de manière à former une arête, ce qui explique la section triangulaire de la préhension. Une des extrémités de cette plaquette a été insérée dans la paroi du vase à la manière d’un tenon.
169. Mobilier de la structure 54

1 : tasse ; 2-5 : bitroncatures géométriques en silex brûlé.
Anthracologie
175Le remplissage n’a livré aucun charbon de bois.
Restitution du mode de dépôt
176La taille des ossements humains est la même que ceux découverts dans la structure 51. Les os et les tessons sont dispersés dans le sédiment et non pas disposés en amas. De plus les tessons sont rarement à plat. Si cette configuration rappelle celle des résidus de bûcher, le sédiment, quant à lui, n’est pas typique de ce type de remplissage. La question se pose donc de savoir s’il s’agit véritablement d’un dépôt secondaire de crémation au sens où l’entendent Frédérique Blaizot e al. (2009 :211), ou à un résidu de bûcher. La présence de quatre armatures implique toutefois qu’il y a eu un choix préalable au dépôt de telle sorte que l’on peut être enclin à interpréter le contenu de la structure 54 comme un dépôt secondaire de crémation plutôt que comme une vidange de bûcher.
Datation
177Il est malaisé de proposer une datation pour cet ensemble en l’absence d’éléments typologiques véritablement caractéristiques et de datations radiocarbone. Cependant, le fait que l’anse de la tasse est fixée dans une technique comparable à celle mise en œuvre dans le cas d’un des vases du dépôt 48 de 2006 (fig. 159, 3) peut être interprété comme indice de contemporanéité. La présence d’une bitroncature géométrique à troncatures inverses et retouches directes rasantes, bien attestée au dernier tiers du Ve millénaire avant notre ère (Léa 2004), ne contredit pas cette hypothèse.
La structure 200
178Ce dépôt se présentait sous la forme d’une petite tache aux contours irréguliers de sédiment gris foncé (fig. 170). La fouille de cet ensemble a cependant montré qu’il s’agissait d’une cuvette approximativement circulaire d’un diamètre d’environ 74 cm et conservée sur une profondeur de 10 cm (fig. 171). Plusieurs traces de sillons permettent d’attribuer la faible profondeur de cette structure aux charruages. Le comblement supérieur est un sédiment de couleur grise avec de nombreux gravillons. Il contient des os brûlés, quelques tessons de céramique et quelques petits charbons de bois. La base de ce comblement (5 cm) ne contient ni os brûlés ni artefacts. Le poids total des restes humains brûlés s’élève à 19 g. La taille des fragments ne dépasse pas 2,5 cm de long, il s’agit principalement d’esquilles. L’épaisseur de la partie corticale des os longs et celle des parois du crâne suggèrent qu’il s’agit d’un individu de taille adulte. La coloration n’est pas homogène, elle varie du noir au blanc. Au vu de la mauvaise conservation de cette structure, il serait hasardeux de restituer un mode de dépôt. Tout au plus, est-il possible noter qu’il s’agit d’un déversement d’éléments prélevés sur le bûcher (cendres, os, tessons) dans la fosse. Le comblement s’apparente à celui du dépôt 54. Le mobilier céramique est le seul conservé. Il est constitué par plusieurs dizaines de petits fragments qui permettent de reconstituer un vase sphérique muni d’au moins une préhension (fig. 172).
170. Vue de la structure 200 avant la fouille

171. Plan et coupe de la structure 200

172. Mobilier de la structure 200

Vase sphérique et fragment de panse du même vase avec un départ de préhension.
La structure 201
179De forme ovale et conservée sur 5 cm de profondeur pour un diamètre d’environ 50 cm, elle présente un comblement similaire à celui de la structure précédente (fig. 173-174).
173. Vue de la structure 201 avant la fouille

174. Plan et coupe de la structure 201

180Elle a livré quelques os brûlés et un tesson de céramique. Les ossements humains étaient disséminés dans le comblement, leur masse totale s’élève à 6 g. Il s’agit principalement d’esquilles. Un fragment crânien permet de proposer une attribution à un individu de taille adulte. La coloration varie du noir au blanc. Le mode de dépôt possède la même configuration que celui de la structure 200. Un fragment de panse pourrait indiquer la présence de mobilier céramique probablement dispersé par les labours. Le remplissage n’a livré aucun charbon de bois.
La structure 527
181Situé dans la partie sud du décapage, ce dépôt se présentait lors de sa découverte sous la forme d’un alignement de tessons subverticaux en bordure de la structure 519 (fossé C). Le dégagement de ces tessons a vite montré qu’il s’agissait en fait d’un grand vase à col, écrasé sur place et en partie perturbé par le fossé C (fig. 175-176). Aucun creusement n’a pu être décelé au cours de la fouille. Le dégagement du vase a conduit à la découverte de quelques fragments d’ossements humains brûlés, de deux lames en silex ainsi que de 14 petites perles discoïdes. L’ensemble était déposé dans le grand vase à col. Une lame de hache se trouvait immédiatement à l’ouest du grand vase, dans le secteur perturbé par le fossé C. Il est probable qu’elle fasse partie du mobilier funéraire. Par contre, il est impossible de dire si elle était initialement déposée à l’intérieur ou à l’extérieur du vase à col. Quelques fragments de céramique représentant environ le quart d’une assiette à marli et aile rectiligne inornée était déposés à une dizaine de centimètres au sud du vase à col. Son appartenance au dépôt est possible.
175. Vue de la structure 527

On distingue clairement le vase ossuaire ainsi que la partie perturbée par le creusement du fossé C (en haut).
176. Détail de la structure 527 avec les deux lames in situ au fond du vase ossuaire (au centre du cliché)

182Cet ensemble est partiellement détruit par le fossé C. Toutefois, les déplacements des vestiges sont limités. En effet, plusieurs fragments du vase ossuaire, quelques esquilles osseuses brûlées, 2 perles, la hache polie et deux fragments de lames brûlés découverts dans le fossé se trouvaient encore dans l’emprise initiale du vase ossuaire.
183Dans la partie non perturbée, les limites du creusement n’étaient pas visibles. Le remplissage du vase et le sédiment qui le recouvrait étaient de couleur et de texture similaire (sédiment limono-argileux brun clair, contenant des concrétions calcaires blanches) et difficilement différenciables du substrat (chapitre 3).
Les restes humains
184Les pièces osseuses se présentent sous forme d’esquilles et de fragments qui n’excèdent pas 1 cm. Le poids total des restes osseux est de 12 g (fig. 157). Leur couleur varie du noir au blanc, indiquant une crémation non uniforme entre carbonisation et calcination. La majorité des surfaces extérieures de l’os est de couleur blanche ce qui permet d’attester une crémation à très haute température (Le Goff 1998, Lenorzer 2006). L’identification des pièces osseuses est très limitée. Un fragment de voûte crânienne et une racine de molaire permettent d’attester qu’il s’agit de vestiges humains. Plusieurs fragments de diaphyse d’os longs indiquent la présence d’au moins un individu de taille adulte.
Le mobilier
185Outre le vase ossuaire subcomplet (fig. 178, 1), il est composé de quatre fragments d’une assiette à marli et aile rectiligne inornée (fig. 178, 2), plusieurs lames et fragments de lames en silex (fig. 178, 3-6), une lame de hache (fig. 179) et 14 perles en lignite (12 perles entières et deux fragments ; fig. 180). Les deux lames en silex et les perles se trouvant dans le vase ossuaire, elles peuvent être considérées comme faisant partie du mobilier funéraire. On peut être plus réservé en ce qui concerne la lame de hache (qui provient d’un secteur perturbé) et l’assiette à marli (découverte à côté du vase ossuaire, mais qui porte les stigmates d’une cuisson secondaire).
177. Plan de la structure 527

a : vase ossuaire ; b-d : assiette à marli ; e : lame de hache ; f-g : lames en silex.
178. Mobilier de la structure 527 ; céramique

1 : vase ossuaire ; 2 : assiette à marli ; 3 : fragment distal de lame, troncature proximale ; 4 : fragment proximal de lame débitée par pression (mode 4), troncature partielle en partie distale ; 5-6 : fragments de lames brûlées.
179. Mobilier de la structure 527

Lame de hache polie.
186Céramique : le vase ossuaire est à panse cordiforme surmontée d’un col rectiligne légèrement fermé, de 30 cm de diamètre à l’embouchure, 60 cm de diamètre maximum et d’une quarantaine de centimètres de hauteur. Le vase ne présente ni préhension ni décor. Il se différencie nettement des vases sphériques à col du ive millénaire par la forme de la panse et en particulier par le fait que la base du col est située plus bas que la partie la plus haute de l’épaulement, une tendance que l’on retrouve sur un vase de la structure 8056 du Mas de Vignoles 4 (Nîmes, Gard ; Georjon & Léa 2013, fig. 15,20), sur deux vases de Fontbrégoua (couche 20 ; Lepère 2009 :728), sur un vase du niveau 8 du Camp de Chassey (Chassey, Saône-et-Loire ; Thevenot 2005, fig. 73,4) et sur un vase découvert sur le site du Haut de Nachères (Noyen-sur- Seine ; Henocq-Pochinot & Mordant 1991, fig. 4,3). Ce dernier site est certes en dehors de l’aire de répartition du Néolithique moyen de type Chassey, mais il est caractérisé par quelques importations en provenance du domaine chasséen. À la différence de l’exemplaire des Bagnoles, ces vases sont munis de préhensions (multitubulées à Fontbrégoua et au Mas de Vignoles, multiforées à Noyen).
187Une assiette à marli et aile rectiligne large et inornée, munie de deux préhensions jumelées tunnéliformes à perforation horizontale (fig. 178, 2) se trouvait à une dizaine de centimètres au sud du vase ossuaire. Cette assiette a été déposée fragmentée et incomplète. Aucun fragment susceptible de lui être attribué n’a été découvert dans l’emprise du vase ossuaire. Son appartenance au dépôt mortuaire est donc contestable (voir § 3.1). La surface est très altérée, stigmate probable d’une cuisson secondaire, et concrétionnée. L’altitude de ces tessons est plus haute que celle du fond du vase indiquant le niveau sur lequel repose le dépôt, mais elle est similaire à celle d’un des tessons appartenant au vase ossuaire qui se situe hors de son emprise initiale. Si elle est effectivement brûlée, cela irait dans le sens de son appartenance à l’assemblage funéraire. Dans ce cas, elle représenterait le seul mobilier céramique et le seul objet déposé hors du vase ossuaire. La présence d’un tesson du vase ossuaire posé à plat hors de son emprise initiale (fig. 177, à droite de la cote 56,83) et de deux blocs calcaires permet d’envisager que le creusement opéré pour installer le vase ossuaire présentait un élargissement vers le sud-est conservé en espace vide.
188Lithique : la structure a livré 26 éléments d’industrie lithique taillée, constitués pour l’essentiel de lames très fragmentées et une lame de hache. Un nombre relativement important de cassons est présent (n = 15). Signalons également un fragment de lame avec du cortex (fig. 178, 6), un type d’objet inhabituel en contexte funéraire. Les pièces les plus remarquables de la série sont les deux lames en silex bédoulien trouvées à l’intérieur du vase ossuaire (fig. 178, 3 et 4) ; ce sont les seuls éléments lithiques que l’on peut considérer comme faisant indubitablement partie du mobilier funéraire. La première (fig. 178, 3 ; objet f sur le plan) est un fragment distal. Elle est rectiligne et semble légèrement outrepassée à son extrémité, l’emploi du débitage par pression n’est pas à exclure. Elle est de section trapézoïdale, le rythme du débitage est « 1-2-3 ». Sa partie proximale est manquante. Des retouches sont présentes en partie proximale et ont été réalisées après fracturation. La seconde (fig. 178, 4 ; objet g sur le plan) est un fragment proximal. Son talon est linéaire, le bulbe est marqué, la corniche est abrasée et l’angle de chasse compris entre 80° et 90°. Une fine lèvre est visible en face ventrale, son profil est légèrement tors. Ces caractéristiques pourraient indiquer l’emploi de la percussion indirecte. Cette lame est de section trapézoïdale, le rythme du débitage est « 1-2- 3 ». Les nervures semblent converger en partie distale, mais celle-ci est fragmentée. Sa partie distale montre une encoche réalisée après fracturation de la lame. Ces deux lames présentent plusieurs points communs : leur largeur d’environ 15 mm, leur section trapézoïdale et la matière première et le fait qu’elles soient toutes deux retouchées après fracturation. La lame de hache est de forme triangulaire isocèle et de section ovalaire plate (5,9 x 3,9 x 1,4 cm ; fig. 179). Les côtés et le talon sont piquetés et présentent des stigmates de taille. Elle est réalisée dans une roche à grain fin, un peu laminée, de couleur vert moyen terne, (quelques inclusions de pyrite et mica dans un lit, petits points noirs, très petits grenats). Il peut s’agir d’une éclogite jadéitique (densité : 53,49 – 37,79 = 3,40±0,02)11 d’origine indéterminée (Beigua possible).
189Parure : 12 perles discoïdes étaient éparpillées dans le remplissage du vase ossuaire, deux se trouvaient dans la partie perturbée par le fossé C. Elles ont été fabriquées dans un matériau, qui d’après les premières analyses, s’est révélé être du jais ou du lignite. Les dimensions et la morphologie des perles sont homogènes (fig. 180). Leur diamètre varie entre 3,8 et 4,8 mm. Pour la moitié d’entre- elles, il est compris entre 4,1 et 4,3 mm (fig. 181). Le même constat peut être fait pour leur épaisseur, qui est comprise entre 1,2 et 2,1 mm (à l’exception de la perle 8 qui a une épaisseur de 2,5 mm), intervalle qui est réduit à 1,5-1,8 mm pour la moitié d’entre elles. Ces perles semblent donc toutes avoir été fabriquées sur le même modèle et peuvent être considérées comme finies. Concernant leur fabrication, il n’est pas possible de mettre en évidence l’ordre des différentes étapes du schéma opératoire. En effet, dans certains cas les étapes du débitage ne sont pas obligatoirement effectuées avant celle du façonnage et certaines techniques de débitage peuvent être mises en œuvre entre deux phases de façonnage. Ici, aucune trace ne documente les premières étapes du débitage. Le support obtenu est probablement de forme allongée et polygonale (Bonnardin 2009). La majorité des perles (9 sur 14) présentent des stries profondes ou marquées et unidirectionnelles sur une ou deux de leurs faces (fig. 180, à droite). Ces stigmates résultent probablement d’une action de sciage (débitage). Plusieurs hypothèses expliquent l’absence de ce type de stries sur certains produits (comme la perle n° 10 par exemple) : il est possible qu’elles aient été effacées par un polissage de finition, par une usure profonde ou encore qu’elles n’aient pas été débitées de la même manière. Les stries observables sur les tranches des perles sont orientées de manière longitudinale ou légèrement oblique. Cette disposition est probablement due à un mouvement transversal sur un outil abrasant. Les stigmates recouvrent entièrement la tranche de l’objet, mais ne sont pas organisés en facette, ce qui implique que les perles ont tournées sur elles-mêmes. Quelques stries transversales ont été observées sur quatre perles (fig. 180, d). Il est donc envisageable qu’elles aient également été abrasées dans un mouvement longitudinal par rapport à l’outil abrasant. Le diamètre des perforations (obtenu à partir d’une ou deux mesures sur chaque face) est homogène et varie entre 2,3 et 2,8 mm (de 2,5 à 2,7 mm pour la moitié des perles). Elles ont été perforées à partir des deux faces, comme le montre la forme biconique de certaines perforations. Les stries circulaires concentriques observables sur les parois de 10 perles sur 14 indiquent que les perforations ont été obtenues à partir d’un mouvement rotatif continu à l’aide d’un foret. Il est possible que certaines perforations aient été alésées.
180. Mobilier de la structure 527

Perles en jais/lignite ; scans et photographies macroscopiques (Macroscope Leica et Canon 1100D), grossissement x22 (a-j) x35 (f). La perle n° 6 est concrétionnée.
181. Mobilier de la structure 527
n° perle | diamètre | épaisseur | diamètre perforation |
1 | 4,2 | 1,6 | 2,6 |
2 | 4,0 | 2,1 | 2,6 |
3 | 4,3 | 1,5 | 2,5 |
4 | 4,1 | 1,5 | 2,3 |
5 | 4,2 | 1,4 | 2,7 |
6 | 4,3 | 1,8 | 2,3 |
7 | 4,3 | 1,6 | 2,5 |
8 | 4,2 | 2,5 | 2,8 |
9 | 3,9 | 1,7 | 2,7 |
10 | 3,9 | 1,8 | 2,5 |
11 | 4,3 | 1,8 | 2,7 |
12 | 4,8 | 1,9 | 2,7 |
13 | 4,1 | 1,2 | 2,6 |
14 | 4,2 | 1,8 | 2,5 |
Diamètre et épaisseur des perles en jais/lignite (en mm).
190Deux hypothèses sont possibles pour le schéma opératoire : la première partie du débitage est inconnue dans les deux cas, mais la forme des supports obtenus après ces premières étapes est probablement allongée et polyédrique. Dans la première hypothèse, le support est ensuite abrasé dans un mouvement longitudinal et transversal. Le support devient cylindrique. Celui- ci est ensuite débité par sciage. Les perles obtiennent ainsi leur forme définitive. Elles sont ensuite perforées à partir des deux faces. Dans la deuxième hypothèse le support polyédrique est d’abord scié. Les ébauches sont alors perforées. Elles sont ensuite abrasées ensemble (par exemple enfilées sur un lien) ou séparément afin d’acquérir leur forme discoïde. Dans les deux cas, les perles ont peut-être été polies dans le cadre de finitions.
191Le schéma d’utilisation est plus difficile à déterminer. De manière générale, les perles de la structure 527 sont peu usées. Les perforations ne sont pas déformées par une échancrure ou un sillon, mais sur certaines perles, les stries sur les parois de leur perforation ont disparu (fig. 180, g). Les émoussés des paliers de jonction entre les cônes et les contours de quelques perforations renforcent l’hypothèse d’une utilisation des perles enfilées librement sur un lien (fig. 180, h). Le poli marqué et couvrant l’ensemble des perles n’est probablement pas un stigmate d’utilisation (fig. 180, i). Il est possible que ce poli soit le résultat d’une exposition des perles à une forte chaleur, comme le suggère le fait qu’il recouvre le plan de fracture des deux perles cassées (n° 9 et 13 ; fig. 180, j). Une étude plus approfondie des différents polis (finition, usure, post-dépositionnels) et des conséquences du feu sur ces objets de parure en jais/ lignite permettraient d’apporter de nouveaux éléments de réflexion.
Restitution du mode de dépôt
192Il s’agit d’un dépôt secondaire de crémation en vase ossuaire. Le cadavre, accompagné de quelques objets, a été brûlé à forte température. Le lieu de la crémation est inconnu. Après la crémation, plusieurs éléments ont été prélevés sur le bûcher et déposés dans le vase : quelques ossements et fragments d’outils lithiques, 14 perles en jais/lignite ainsi que, peut-être, une partie d’une assiette à marli et une lame de hache. Il n’y aucune trace de cendres, de résidus de bûcher et/ou de fragments de charbon de bois dans le vase. Soit les éléments prélevés ont été soigneusement nettoyés avant d’être déposés dans le vase ossuaire, soit le résidu éventuellement ramassé avec les ossements (s’il s’agit d’une poignée par exemple et pas d’un ramassage précis os par os) n’a pas résisté aux conditions taphonomiques particulières qui règnent sur le site (voir § 3.5). Les deux lames de silex ont été ajoutées au mobilier sans qu’elles soient passées par le bûcher (mobilier secondaire).
193Les fragments osseux sont de très petite taille, comparable à celle observée dans le cas des dépôts 51 et 54. La faible quantité d’ossements ramassée est notable, mais ne peut être mise sur le compte des destructions occasionnées par le creusement du fossé C, circonscrites au tiers ouest de la structure. L’essentiel du remplissage contenant les ossements brûlés a été préservé, scellée par la partie supérieure du vase ossuaire.
194Ce dernier (ou l’ensemble de la fosse) était fermé par un couvercle ou un système obturateur en matière périssable permettant de conserver l’espace vide dans son volume de telle sorte qu’il a pu s’effondrer sur lui-même, ou plutôt dans lui-même. Ceci n’exclut pas qu’il ait été le réceptacle d’éléments périssables (nourriture par exemple) qui se seraient décomposés bien avant l’effondrement du vase. À la condition qu’ils fassent bien partie du dépôt funéraire, les fragments de l’assiette à marli auraient été ramassés sur le dispositif crématoire puis dissociés des ossements brûlés pour être finalement déposés à côté du vase ossuaire.
195Il est malheureusement impossible de dire si le vase ossuaire était partiellement ou complètement enterré. Par contre, un grand fragment de panse se trouvant hors du volume initial du vase, on peut envisager que l’ensemble (le vase ossuaire et les fragments de l’assiette à marli) se trouvait dans un espace encore vide (creusement ou structure en matériau périssable doté d’une couverture) au moment de l’effondrement du vase.
Datation
196Le remplissage n’ayant livré aucun matériau datable, les seuls indications relatives à la datation de cet ensemble proviennent du mobilier. Comme cela a été mentionné ci-dessus, le vase ossuaire a de bons parallèles dans le Néolithique moyen de type Chassey. C’est également le cas de l’assiette à marli, dont l’association avec le dépôt funéraire est probable. Les perles en jais/lignite sont également intéressantes dans la mesure où de tels objets sont bien attestés dans les nécropoles en ciste de la région lémanique : sépulture 1984-4 de la nécropole de Chamblandes (Pully, Vaud ; 1 exemplaire ; Moinat 2007), sépulture 1 de Crettaz-Pollet (Sembrancher, Valais ; plusieurs exemplaires ; Rohrer-Wermus et al. 1986), sépultures 1, 4, 5, 7 et 20 de la nécropole d’En Seyton (Corseaux, Vaud ; respectivement huit, 28, 75, 131 et six exemplaires ; Baudais & Kramar 1990) et sépulture 1277 de la nécropole de Genevray (Thonon, Savoie ; plusieurs exemplaires ; Baudais 2007, Gatto 2007). Plus au nord, les sépultures 4, 5, 8, 13 et 14 de la nécropole en ciste de Lenzburg-Goffersberg (Argovie ; Wyss 1998, de Capitani 2007), datées de la seconde moitié du Ve millénaire, en ont livré plusieurs exemplaires. En Auvergne, les sépultures 2008 (datée de la deuxième moitié du Ve millénaire avant notre ère) et 2028 de la nécropole de la Roussille (Vertaizon, Puy-de-Dôme ; Saintot & Thomson 2017) ont livré respectivement 2 et 44 perles noires aux formes et dimensions comparables à celles de la structure 527, mais qui sont, quant à elles, en micaschiste. Tous ces éléments convergent vers une datation du dépôt 527 des Bagnoles dans la seconde moitié du Ve millénaire avant notre ère.
La structure 833
197Il s’agit d’un creusement subcirculaire d’un diamètre d’environ 60 cm pour une profondeur maximale de 40 cm (fig. 182-183). Le remplissage aux limites indistinctes est constitué d’un sédiment argilo-limoneux jaunâtre à gris mêlés d’esquilles d’os de couleur blanche et noire et de plusieurs fragments de céramique sans que l’on puisse constater la présence de véritable concentration. Le poids total des ossements est de 59 g. Deux fragments sont déterminés comme étant humains (apophyse de vertèbre cervicale et diaphyse d’avant-bras d’au moins un individu de taille adulte). Le mobilier archéologique (fig. 184) est constitué par une coupe à bourrelet interne et préhension jumelée, une bitroncature géométrique brûlée ainsi qu’un fragment de lame, un éclat et neuf débris.
182. Vue de la structure 833

183. Plan et coupe de la structure 833

184. Mobilier de la structure 833 ; céramique

1 : coupe à épaississement interne et préhensions jumelées ; 2 : bitroncature géométrique brûlée (BG32a).
6.2.2.2 Catégories B – les cuvettes brûlées indéterminés et mobilier potentiellement funéraire
198Cette catégorie regroupe quatre structures.
La dépression 760/762/763
199Les travaux réalisés en 2015 ont conduit à la mise au jour dans la partie sud du décapage d’une zone riche en mobilier archéologique et galets d’approximativement cinq mètres sur six (structure 760/762/763). Le décapage manuel de l’ensemble de cette zone a permis de constater que cet ensemble était en fait constitué de quatre structures distinctes (fig. 185) : une concentration de mobilier (un cuilleron de louche et deux lames de hache ; ensemble A), un épandage de galets (ensemble B), une concentration de mobilier archéologique (essentiellement céramique ; ensemble C) et un épandage de mobilier archéologique (céramique, outillage lithique et blocs calcaires ; ensemble D) qui recouvrait en partie l’ensemble B. Le rapport stratigraphique entre les ensembles B et C ne peut être précisé. Le tout était préservé dans une dépression d’environ 5 à 10 cm de profondeur.
185. Plan de la structure 760/62/63 et des structures voisines

200Ensemble A : cette première concentration se présentait sous la forme d’une petite accumulation de mobilier archéologique aux contours indistincts (fig. 186) constituée de deux lames de hache et d’une louche en céramique.
186. Vue de l’ensemble A de la structure 760/62/63

201Cette dernière est constituée d’un cuilleron hémisphérique qui présente encore l’amorce d’un manche à section plate (fig. 187, 1). Une des deux lames de hache est une petite (6,5 x 3,9 x 1,5 cm) lame polie triangulaire isocèle à talon brut, section biconvexe à côtés dressés, brillante sur la zone emmanchée (fig. 187, 2). Elle présente plusieurs stigmates de taille avec un piquetage partiel. Elle a été réalisée dans une roche à grain fin (densité : 66,02 – 46,64 = 3,40±0,01) un peu saccharoïde, vert moyen à vert foncé, lumineux, un peu translucide, une omphacitite jadéitique proche du type Viso Bulè. L’autre (fig. 187, 3), qui correspond au type Chelles présente une section ovalaire moyenne, un talon et des côtés bouchardés et stigmates de taille (9,6 x 4,3 x 1,8 cm). Elle est réalisée dans une roche à grain moyen, de couleur gris vert moyen terne (éclogite probable, type Beigua, avec aiguilles scintillantes ; densité : 138,84 – 98,31 = 3,42±0,01). Le tamisage du sédiment situé autour de ces trois objets a livré quelques esquilles d’os calcinés (8,2 g) de couleur blanche et noire.
187. Mobilier de l’ensemble A de la structure 760/62/63

1 : cuilleron de louche ; 2-3 : outillage poli.
202Ensemble B : Il s’agit d’un empierrement peu dense aux contours irréguliers (fig. 188) constitué de galets, blocs calcaires ainsi que de fragments de meules et molettes fragmentés et de quelques rares fragments de céramique.
188. Vue de l’ensemble B de la structure 760/62/63

203Ensemble C : Situé à l’ouest de l’empierrement (ensemble B), il se présente sous la forme d’une concentration de céramique et d’ossements calcinés d’extension limitée (de l’ordre de 1 m de diamètre ; fig. 189). Sur le plan de la céramique (fig. 190), on retiendra la présence de plusieurs coupes à bourrelet interne, d’une louche, d’un fragment de manche de louche à extrémité enroulée et de plusieurs fragments d’une assiette à marli et aile rectiligne large décorée. L’ensemble a été conservé, piégé dans la partie la plus profonde de la dépression 760/762/763. Il n’est donc pas exclu qu’il ait eu à l’origine une plus grande extension. Tous les éléments recueillis font référence au Néolithique moyen de type Chassey. Une dizaine d’esquilles d’os calcinés (1,5 g) de couleur noire et blanche se trouvaient mêlées au mobilier céramique.
189. Vue de l’ensemble C de la structure 760/62/63

Les esquilles d’os brûlés sont indiquées par les flèches blanches, on y voit également un cuilleron (C) et les fragments d’une assiette à marli (AM).
190. Mobilier de l’ensemble C de la structure 760/62/63

1-3 : cuilleron et manche de louche (la partie supérieure de ce dernier est enroulée sur elle-même et présente deux perforations) ; 4-5 : fragments de vases profonds ; 6 : une assiette à marli et aile rectiligne large décorée ; 7-8 : préhensions ; 9-14 : plusieurs fragments de coupes à bourrelet interne ; 15 : bord à épaississement externe ; 16-18 : formes indéterminées.
204Ensemble D : Il était constitué par un épandage de fragments de céramique et d’éléments lithiques qui recouvraient en partie l’empierrement B (fig. 191). Le mobilier céramique (fig. 192) est très fragmenté et les éléments diagnostiques sont rares de telle sorte qu’il est difficile de proposer une attribution culturelle pour cet ensemble. Le fragment d’une jatte à carène basse et col concave ouvert fait référence au début du IVe millénaire avant notre ère. Parmi le mobilier lithique, on notera la présence de 24 lames, 3 nucléus et deux outils (un grattoir sur éclat et une bitroncature géométrique à troncatures inverses et à retouches rasantes). Les techniques de débitage des lames ne sont lisibles que sur très peu d’éléments, la percussion indirecte et la pression sont toutes deux présentes.
191. Vue de l’ensemble D de la structure 760/62/63 (au centre)

On aperçoit en bas quelques-uns des galets situés au sommet de l’ensemble B.
192. Mobilier de l’ensemble D de la structure 760/62/63

1 : bord de vase orné de cannelures ; 2-3 : fragments de jattes ( ?) carénées ; 4 : fragment de panse muni d’une languette ; 5 : bitroncature géométrique en silex brûlé ; 6 : nucléus à débitage d’éclat unidirectionnel en silex bédoulien.
205Les ensembles A et C ont livré des ossements brûlés dans des quantités certes modestes, mais tout à fait comparables à celles recueillies dans certains dépôts funéraires avérés (la structure 527 par exemple). Malheureusement, aucun fragment provenant de ces deux ensembles n’a pu être déterminé comme étant faunique ou humain. Le mobilier archéologique associé aux ossements brûlés présente quelques particularités.
206Dans le cas de l’ensemble A, il s’agit d’un cuilleron de louche et de deux lames de hache. Ces deux types d’objet ne sont pas courants sur le site. La partie nord du décapage a certes livré de nombreux fragments de manches plats, mais aucun cuilleron complet. L’autre cuilleron du site provient de l’ensemble C, qui a également livré des ossements brûlés. Les lames de hache sont également rares. Hormis les deux exemplaires dont il est question ici, seul sept exemplaires ont été découverts sur le site : un talon réutilisé comme boucharde dans la structure 13 du diagnostic (Sargiano et al. 2010, fig. 4,7), trois lames et un fragment de tranchant découverts hors structure, un fragment de tranchant dans la structure 768, une petite lame dans la structure 904 et, pour finir, une lame dans le dépôt de crémation en vase ossuaire (structure 527). La combinaison lames de hache et louche attire donc l’attention, d’autant plus qu’on la retrouve (associée avec des assiettes à marli et une assiette à socle) dans un dépôt de crémation secondaire découvert sur le site de Bellegarde (Bovagne et al. en préparation ; voir ci- dessous § 8.4). L’hypothèse d’un dépôt funéraire est donc recevable.
207Le cas de l’ensemble C est sensiblement différent. Il s’agit en effet d’une concentration relativement peu dense de mobilier et d’os brûlés indéterminés, préservée au fond d’une grande dépression (la structure 760/762/763) et non pas du remplissage d’un creusement anthropique. Cependant, cet ensemble se singularise par l’association de plusieurs fragments jointifs d’une assiette à marli au décor partiellement effacé et d’un cuilleron de louche intact. Ici encore, en l’absence d’ossements humains avérés, il est difficile de se prononcer sur la nature de cette structure, mais l’hypothèse funéraire/sépulcrale est valable.
Structures 768
208Elle se présentait sous la forme d’un creusement ovale perturbé par trois trous de poteau (768B, 769 et 770) de l’alignement 5 d’époque antique ou médiévale (fig. 193) et a livré plusieurs ossements brûlés indéterminés associés à des éléments attribuables au Néolithique moyen de type Chassey (les fragments d’une assiette marli et aile décorée, de deux coupes à épaississement interne et d’un bandeau multiforé décoré de losanges concentriques incisés ; fig. 193, 1-6) et de type La Roberte (trois fragments de vases à épaulement ; fig. 193, 11-13). Il s’agit donc d’un assemblage issu du remaniement de différents ensembles. Cette structure a également livré un éclat de tranchant d’une hache polie en glaucophanite.
193. Plan et mobilier de la structure 768

1 : fragment d’assiette à marli et aile décorée ; 2-3 : coupes à bourrelet interne ; 4 : fragment de bord à épaississement externe ; 5 : bandeau multiforé orné de losanges concentriques incisés ; 7-9 : bords de vases profonds, 11-13 : fragments de vases à carène et épaulement ; 14 : fragment de lame de hache.
Structure 469
209Ce même type d’assemblage (plusieurs ossements brûlés non identifiés, céramique décorée très fragmentée, indices de remaniements postérieurs) se retrouve dans la structure 469 située dans le même secteur.
210Dans ces deux derniers cas, il est possible que nous ayons affaire aux restes remaniés de dépôt de crémation et de leur mobilier. Ici encore, il est impossible d’aller au-delà de l’hypothèse en l’absence de détermination des restes osseux.
6.2.2.3 Catégorie C – les structures à ossements brûlés indéterminés sans mobilier particulier
211Cette catégorie regroupe neuf structures.
La structure 774
212Il s’agit d’une structure ovale aux contours diffus d’environ un mètre de diamètre maximum pour 50 cm de profondeur (fig. 194-195). Le remplissage est constitué d’un sédiment argilo-limoneux brun clair tacheté de brun foncé dans sa moitié nord, gris dans sa moitié sud. C’est de cette dernière que provient l’essentiel du mobilier parmi lesquels quatre fragments de bord correspondant à trois vases distincts : une assiette à marli et aile inornée et deux vases à bord droit (fig. 196). Ce petit ensemble est attribué au Néolithique moyen de type Chassey sur la base de l’assiette à marli. Une petite concentration d’esquilles (16,1 g) de couleur blanche et noire (fig. 197) se trouvait approximativement au centre de la structure.
194. Vue de la structure 774

On peut distinguer une petite concentration d’ossements brûlés au centre de la structure.
195. Plan et coupe de la structure 774

196. Mobilier de la structure 774

1 : fragment d’assiette à marli et aile inornée ; 2-3 : deux bords de vases à bord légèrement éversés.
197. Détail de la concentration d’os brûlés située au centre de la structure 774

213Ici encore, l’absence de fragments déterminables ne permet pas de dire s’il s’agit d’ossements animaux ou humains.
214Pour finir, huit autres structures (9, 68, 219, 250, 267, 411, 438 et 470) renfermaient quelques ossements brûlés indéterminés accompagnés dans deux cas (68 et 250) par des ossements brûlés déterminés comme étant des restes fauniques.
6.2.2.4 Bilan et interprétation des données de terrain
215Sur les 21 structures qui ont livré des ossements calcinés (fig. 198), huit structures correspondent donc à la catégorie A (47-2006, 48-2006, 51, 54, 200, 201, 527 et 833), quatre à la catégorie B (760/762/763-ens. A et C, 768) et neuf à la catégorie C (9, 68, 219, 250, 267, 411, 438, 470 et 774). Comment interpréter ces trois catégories ?
198. Récapitulatif des structures qui ont livré des ossements brûlés humains ou indéterminés et proposition d’interprétation

Catégorie A : dépôts secondaires de crémation et structures funéraires accessoires
Structures 47 (2006), 48 (2006), 51, 527, 54, 200, 201 et 833
216Ces structures partagent quelques caractéristiques : il s’agit de petites cuvettes peu profondes de moins d’un mètre de diamètre sans aménagement particulier dont le volume est adapté au dépôt. Celui-ci est constitué d’une partie du résidu de crémation (résidus strict ou un prélèvement avec nettoyage des ossements) ainsi que d’objets brûlés (mobilier primaire) qui peuvent présenter un agencement particulier (cf. structure 51). La structure 527 fait figure d’exception puisque une partie des ossements crémés et du mobilier ont été déposés dans un grand vase à col lui-même déposé dans un espace vide (fosse ou structure en matériau périssable doté d’une couverture). On peut proposer d’interpréter les structures de la catégorie A comme étant des structures funéraires : sépultures à proprement parler ou structures funéraires accessoires (cf. § 6.2.1).
217La nature sépulcrale de quatre structures fait peu de doutes. (47 et 48 de 2006, 51 et 527). Bien que la restitution du dépôt initial des structures 47 et 48 de 2006 ne soit pas possible, l’association des restes humains brûlés avec plusieurs vases fragmentés, mais subcomplets permet d’émettre l’hypothèse d’une séquence de funérailles visant à enfouir définitivement une partie du défunt. Le vase ossuaire de la structure 527 ainsi que la présence de mobilier primaire et secondaire invite également à y voir une sépulture. Le soin apporté au dépôt de la structure 51 ainsi que la nature du mobilier vont dans le même sens. Le cas de la structure 54 est moins clair. Une partie du résidu de crémation a été versée dans une fosse, toutefois les quatre armatures brûlées semblent avoir été ramassées volontairement sur le bûcher ce qui peut conduire à classer cet ensemble également dans les sépultures.
218Les structures 200 et 201 sont très incomplètes, il est de ce fait difficile d’en proposer une interprétation (sépulture ou structure funéraire accessoire). Tout au plus est-il possible de dire qu’elles témoignent d’une translation volontaire d’ossements brûlés et de mobilier dans une fosse. Leur proximité avec quatre sépultures est le seul argument qui incite à y voir des vestiges incomplets de sépulture.
219Il est difficile de considérer la structure 833 comme une vidange de résidus de bûcher dans la mesure où le sédiment n’en a pas les caractéristiques. Il est tout de même malaisé de préciser s’il s’agit d’une structure funéraire accessoire ou d’une sépulture.
Types de structure
220Les deux dépôts secondaires de crémation découverts à l’occasion du diagnostic de 2006 n’ont été identifiés comme tels qu’a posteriori. Les restes humains n’ont été prélevés que partiellement et les informations dont nous disposons à leur sujet sont lacunaires. D’après les observations de terrains faites à l’époque, elles se présentaient sous la forme de petits creusements d’environ 80 cm de diamètre pour une profondeur conservée comprise entre 15 et 20 cm (Sargiano et al. 2010 :203). Cela correspond globalement aux informations recueillies à l’occasion de la fouille manuelle des quatre structures découvertes dans le même secteur en 2012 et 2013 (structures 51, 54, 200 et 201).
221Comme cela a été évoqué, la structure 527 représente un cas particulier dans la mesure où les restes partiels du défunt ont été placés dans un vase ossuaire déposé dans un espace vide. Connu dans d’autres régions dès le Néolithique ancien (Stratouli et al. 2010), les dépôts de crémation en vase étaient jusqu’à présent inconnus au Néolithique moyen en France méditerranéenne. Ce type de dépôt funéraire n’est pas sans évoquer la fosse 22 du site de Jacques Cœur à Montpellier (Jallot et al. 2000) attribuable, elle aussi, au Néolithique moyen de type Chassey. Une jarre contenait des esquilles d’os brûlés (de la faune dans ce cas) ainsi que plusieurs artefacts (des vases incomplets, une hache, de l’outillage lithique brûlé). Cette structure a été interprétée comme un dépôt d’objets, peut- être en relation avec l’inhumation 18 située à proximité.
Les restes humains
222Les restes humains sont en majorité calcinés. Leur couleur varie du noir au blanc, indiquant une crémation non uniforme entre carbonisation et calcination, une situation qui est observée dans le cas des crémations sur bûcher en Inde et au Népal (Grévin 2004). Par ailleurs, les défunts ont été crémés à l’état de cadavre ou décharnés. La fragmentation, commune à tous les dépôts, est très importante. Elle peut être liée à la conduction de la crémation et/ou à son extinction. Il est possible également qu’elle soit le résultat d’un traitement post-crématoire volontaire, tel qu’un écrasement au pilon (Pautreau 1994).
223Le poids total des restes humains est, dans tous les cas, nettement inférieur à la moyenne théorique attendue pour un individu adulte. Si le mode de combustion et la fragmentation semble être proche d’une structure à l’autre, la quantité d’ossements ramassés varie. Pour mémoire, les dépôts 51 et 54 contenaient entre 200 et 300 g d’ossements brûlés. Dans la structure 527, seule une petite poignée d’esquilles a été versée dans le vase ossuaire. Il semblerait que chaque dépôt corresponde à un seul sujet de taille adulte. Toutefois, l’identification de plusieurs individus est très aléatoire en raison de l’extrême fragmentation des ossements.
Le mobilier
224Le mobilier est constitué de céramique et, selon les cas, d’outillage de mouture (structure 51), d’outillage lithique taillé (armatures ; structure 54) ou poli (lame de hache ; dépôt 527), d’outillage osseux (structure 51). La céramique (de 1 à 8 vases) est peu fragmentée, les récipients sont brûlés et ne sont jamais complets. L’outillage lithique et osseux est également brûlé (à l’exception des deux lames de la structure 527), fragmenté et souvent incomplet. La présence de faune n’est attestée que pour la structure 51, mais l’état de fragmentation des restes osseux est tel que l’on ne peut exclure la présence de faune dans les autres dépôts.
225Les défunts étaient brûlés avec des objets. Ces derniers ne semblent toutefois pas avoir subi des températures aussi élevées que les ossements et pourraient, de ce fait, avoir été déposés à la périphérie du bûcher. Seule la tombe 527 témoigne de dépôt secondaire de mobilier. Outre les objets brûlés sur le bûcher et ramassés avec une poignée d’ossements (14 perles en jais, plusieurs lames en silex et peut-être une lame de hache et les fragments d’une assiette à marli), deux lames en silex non brûlées ont été ajoutées dans le vase. Le statut de ces objets est donc différent de ceux qui ont subi l’action du feu, ils apparaissent dans une autre étape du rituel.
226La fonction des vases, dont certains étaient probablement complets à l’origine, a pu être multiple : vaisselles à boire et à manger ayant pour but de fournir des viatiques pour l’au-delà ou objets liés à des rituels exclusivement funéraires. Les armatures de flèches peuvent être considérées comme les seuls éléments restant d’un carquois et accompagnaient peut-être un arc. Certains objets comme l’outillage de mouture et l’assiette à marli de la sépulture 54 présentent des traces d’utilisation et de réparation.
Restitution des pratiques funéraires
227Sur le site des Bagnoles, les aires de crémation et les éventuelles structures de crémation n’ont pu être localisées soit parce qu’elles étaient hors de l’emprise du décapage, soit parce qu’elles ne nécessitaient pas de creusements et qu’elles ont été victimes de l’érosion. En ce qui concerne le traitement post-crématoire des restes humains et du mobilier, il consiste en un ramassage partiel soit du résidu de bûcher, soit d’os et d’objets triés. Seule une partie des restes du défunt rejoint la sépulture. Rappelons à ce sujet que le vase ossuaire en contenait le moins, alors même que son contenu était protégé par les pans du vase effondré dans son propre volume. Nous avons également noté un taux de fragmentation élevé suggérant qu’il s’agit d’un acte volontaire pendant et/ou après la crémation. Suite à ces dépôts secondaires, les fosses ne sont peut-être pas comblées immédiatement. Une structure aérienne complétait peut-être ces dispositifs comme cela a été proposé pour l’âge du Bronze (Le Goff & Billand 2012).
Datation
228Le mobilier céramique permet de dater cinq sépultures (47 et 48 de 2006, 51, 527 et 833) dans le dernier tiers du Ve millénaire avant notre ère. Selon les datations radiocarbone disponibles, le dépôt 51 pourrait être attribuable à la fin du ve millénaire avant notre ère. En raison de l’imprécision de ces datations, il est impossible de dire si les deux zones funéraires ont fonctionné simultanément et d’aborder la question de la durée qu’elles représentent.
229Il est impossible d’évaluer le nombre originel de dépôts. L’état de conservation, et en particulier la faible profondeur des structures 200 et 201, suggèrent qu’un certain nombre d’entre eux a pu disparaître.
Catégories B et C : problème de détermination des restes osseux
230Les catégories B et C correspondent aux structures qui ont livré des pièces osseuses dont la taille, le fort degré de calcination et les atteintes taphonomiques (érosion, desquamation de l’os cortical) ne permettent pas d’identifier morphoscopiquement le taxon. L’attribution taxinomique étant primordiale, une étude histomorphométrique a été menée sur six structures (cf. § 6.2.1) : 68, 250, 774, 760/62/63 A, B et C. Cette analyse montre que les lames minces des esquilles issues de la structure 774 n’étaient pas exploitables, car elles se sont révélées illisibles en raison du degré élevé de la combustion couplé à une érosion des périostes. Une partie des ossements des structures 68 et 250 ne sont assurément pas humain. Il existe en revanche un doute pour les autres structures (dont la dépression 760/62/63), les résultats obtenus différant selon les méthodes appliquées.
Catégorie B : des structures funéraires ?
Structures 760/762/763-ens. A et C, 768 et 469
231La nature funéraire des ensembles A et C de la dépression 760/762/763 et des structures 768 et 469 est difficile à discuter en l’absence d’ossements humains avérés. La difficulté est double pour ces structures : identifier le taxon et discuter la fonction des structures. Sans la première information, l’écheveau d’hypothèse peut se révéler abscons pour ce qui est du second point.
232Les ensembles A et C de la dépression 760/62/63 sont ambigus, car ils ont livré une association de mobilier attesté en contexte funéraire (plusieurs fragments d’une assiette à marli et aile décorée, un cuilleron de louche pour l’ensemble C, un cuilleron de louche et deux lames de hache pour l’ensemble A) et de restes calcinés. Dans le cas de l’ensemble C, ces restes n’ont pas été enfouis. Il peut s’agir dans ce cas d’un ensemble lié à la crémation tel que des résidus de bûcher en position secondaire. L’ensemble A est, quant à lui, par sa forme et son contenu, comparable aux structures de la catégorie A. Dans ce cas, nous pourrions donc avoir affaire à un dépôt sépulcral secondaire à crémation.
233À titre d’hypothèse, les structures 768 et 469B peuvent être des restes de sépultures à dépôt (secondaire) de crémation ou des vidanges de résidus de crémation remaniées au début du IVe millénaire. L’absence d’informations sur le dépôt initial ne permet pas de trancher.
Catégorie C – des structures domestiques ?
Structures 9, 68, 219, 250, 267, 411, 438, 470 et 774
234D’ordinaire, la présence de quelques esquilles d’os calcinés indéterminés ne retient pas l’attention. L’existence sur le site des Bagnoles de dépôts de crémation secondaire parfois très partiels nous a toutefois contraints à les intégrer dans la réflexion sur le fait funéraire. Cette « focalisation » sur ces quelques esquilles calcinées a été renforcée par le fait que les ossements non calcinés sont mal conservés et peu abondants sur le site (voir § 3.5). La question est maintenant de savoir s’ils sont le résultat d’activités domestiques ou funéraires.
235Neuf structures attribuées au Néolithique moyen de type Chassey ont également livré des esquilles d’os brûlés indéterminées, mais aucun dépôts d’objets comparables à ceux attestés en contexte funéraire : 9, 68, 219, 250, 267, 411, 438, 470 et 774. Il s’agit d’un puits (250), de cuvettes (68, 219, 470), d’une fosse cylindrique (267), de dépressions (411, 438) et d’un silo (9) dont le remplissage est par ailleurs constitué de rejets domestiques. Leur présence peut donc être liée soit à des activités domestiques (combustion accidentelle, utilisation d’ossements de faune comme combustible ou à des fins artisanales ; Costa 2016, Théry-Parisot & Costamagno 2005, Costamagno et al. 2010, Joly et al. 2005), soit aux activités crématoires attestées sur le site. Cette deuxième source ne peut être écartée d’emblée. En effet, la présence sporadique de résidus de crémation sur un site où la crémation est pratiquée n’aurait rien de surprenant. Elle serait d’autant moins étonnante que manifestement seule une infime partie des défunts était prélevé sur la structure ou l’aire crématoire pour être déposée dans les sépultures. Nous n’avons par contre pas la moindre idée de ce qui advient du reste des corps. Ces ossements peuvent rester sur place, être évacués vers des zones de rejet à l’air libre (Pautreau & Mornais 2005) ou encore vers les cours d’eau. Une partie d’entre eux a pu être déposée volontairement dans des structures pour vidange ou accidentellement par des agents naturels.
236Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que certains animaux ont pu faire l’objet de rituels impliquant une combustion à haute température. On connaît, dès le Néolithique moyen 1 (Chemin de Barjols ; Cockin & Furestier 2009) et pour les périodes postérieures, des inhumations de chiens en fosses circulaires qui se situent à proximité des structures ayant livré des restes humains (Le Crès et Le Pirou ; Loison & Schmitt 2009, Gleize et al. 2018) ou associés au sein du même dépôt. Ils jouissent donc d’un traitement particulier et ne sont pas consommés. Un dépôt secondaire de restes de chien crémés a été observé au Camp del Ginèbre (Caramany, structure D2’ ; Vignaud sous presse). La structure 22 de Jacques Cœur (Montpellier ; Jallot et al. 2000) contenait un vase incluant du mobilier et quelques esquilles de faune calcinées. On ne peut donc exclure que certains taxons aient pu être l’objet central de rituels impliquant la calcination. Leur fonction nous échappe toutefois. Que ce soit des structures rituelles ou des résidus de vidanges issus de ces rituels, des restes de faune peuvent au même titre que les crémations humaines être découvertes dans des fosses domestiques. Elles n’auront pourtant rien à voir avec des activités artisanales ou à des réductions de déchets culinaires.
237En l’absence d’informations relatives à la nature des ossements (humains ou fauniques) et aux facteurs (anthropogènes ou naturels) qui ont conduit à leur dépôt, il est impossible de préciser le statut funéraire, rituel (hors humain) ou domestique des structures de notre catégorie C.
Répartition spatiale des catégories A-C (fig. 199)
199. Localisation des différentes catégories de structures à ossements calcinés au sein de la zone décapée entre 2012 et 2015

La ligne grise marque la limite de la répartition des structures attribuées au Néolithique moyen de type Chassey.
238Les différentes catégories se répartissent de manière inégale au sein de la zone décapée. Six sépultures de crémations secondaires sont localisées au nord du site. Elles présentent globalement les mêmes caractères : cuvettes de petites dimensions (entre 50 et 80 cm de diamètre), remplissage constitué d’un sédiment charbonneux ou cendreux auquel sont mêlés des ossements brûlés et du mobilier archéologique. Il est difficile de juger de l’intégrité de ces dépôts. Si les structures 200 et 201 semblent être fortement érodées, le dépôt de la structure 51 pourrait être en grande partie conservé puisqu’il était encore recouvert de sédiments stériles issus de l’encaissant. Quatre des six sépultures de cet ensemble funéraire sont attribuées au Néolithique moyen de type Chassey. Les deux autres peuvent être contemporaines.
239La situation est plus nuancée dans la partie sud du décapage. On y trouve une sépulture à dépôt secondaire de crémation dans un grand vase. Le cas de la structure 833 est moins clair, mais la présence conjointe d’un mobilier particulier (armature) et d’ossements humains permet de supposer qu’il s’agit là d’une sépulture. Dans ce cas, nous n’avons toutefois pas tranché. Pour deux autres (760/62/63 ensembles A et C), il n’est malheureusement pas possible de dire si les ossements brûlés qui en proviennent correspondent à des restes fauniques ou humains. Les modes de dépôt et la présence de mobilier particulier indiquent qu’il pourrait s’agir de dépôts de crémation (sépultures ou structures funéraires accessoires). Deux autres structures (469B et 768), ont livré les restes qui pourraient correspondre à des dépôts funéraires remaniés au début du IVe millénaire.
240Pour finir, sept structures à ossements calcinés (pour lesquelles il n’existe aucun argument en faveur d’un lien quel qu’il soit avec le traitement de corps humains) sont localisées dans la partie nord-est, trois dans la partie sud du décapage.
Y-a-t-il eu des inhumations de corps non crémés sur le site des Bagnoles ?
241Une question importante concerne l’exclusivité de la pratique de la crémation sur le site des Bagnoles. Dans la mesure où les restes osseux sont (à l’exception des puits et de la structure 68) mal conservés sur le site (cf. § 3.5), il est difficile d’exclure la présence d’inhumations de corps non crémés. Toutefois l’absence de structures aménagées correspondant aux types de tombes reconnues dans le Néolithique moyen méditerranéen (fosses à logette, cistes, coffres) va à l’encontre d’une telle hypothèse. De même, le site des Bagnoles n’a livré aucune grande fosse circulaire comparable aux structures qui, sur le site du Crès, notamment (Béziers, Hérault ; Loison & Schmitt 2009), renfermaient des inhumations individuelles et plurielles. Vu leur profondeur, ces types de structures auraient eu de réelles chance d’avoir été conservés en dépit des travaux agricoles qui ont touché une partie du site. La présence d’inhumations de corps non crémés sur le site des Bagnoles est donc peu probable.
6.2.3 Conclusions
242Les différentes opérations effectuées sur le site des Bagnoles ont permis de fouiller huit structures funéraires qui renfermaient des restes humains calcinés. Dans sept cas, il s’agit de petites cuvettes circulaires qui contenaient les ossements calcinés mêlés à du mobilier brûlé et fragmenté au sein d’un sédiment parfois cendreux. Dans un cas, les ossements crémés et une partie du mobilier étaient contenus dans un grand vase. Dans ces huit cas, nous sommes en présence de dépôts secondaires de crémation.
243Quatre autres structures ont livré à la fois des ossements calcinés indéterminés et des objets brûlés, souvent attestés en contexte funéraire (céramique décorée, armatures, lames de hache). L’ensemble A de la structure 760/762/763 pourrait être un dépôt secondaire de crémation, l’ensemble B de la même structure un dépôt de résidus de crémation. Les structures 469B et 768 renfermaient du mobilier décoré fortement fragmenté attribuable au Néolithique moyen de type Chassey. Dans ces deux cas, la présence de quelques éléments de type La Roberte suggère que ces ensembles (funéraires ?) ont été remaniés au début du ive millénaire avant notre ère. En l’absence de restes humains avérés, le lien entre ces quatre structures et le domaine mortuaire/funéraire est hypothétique.
244Aucun reste susceptible d’être interprété comme vestiges de bûcher funéraire et aucun indice de crémation primaire n’ont été mis en évidence sur le site. Il est impossible de dire s’il s’agit là des effets de l’érosion ou si ces types de structures étaient situés en dehors de l’aire explorée.
245Les restes humains ont été soumis à des températures de l’ordre de 500 à plus de 1000°C et sont très fragmentés. Dans tous les cas observés aux Bagnoles, seule une petite partie des restes a été prélevée sur le bûcher pour être déposée dans la structure funéraire.
246Les huit dépôts secondaires de crémation avérés présentent les caractéristiques suivantes :
le poids de restes humains est compris entre 6 et 300 g. Il ne représente donc pas la totalité des restes crémés. La fragmentation des ossements est forte et semble être le résultat d’un traitement particulier. Elle n’a pas permis de dénombrer les individus, d’en relever les données biologiques (sexe et âge) et de travailler sur l’ostéologie quantitative.
tous les dépôts sont associés à du mobilier archéologique. Celui-ci est constitué selon les cas de céramique, outillage lithique taillé, outillage poli, outillage de mouture, outillage osseux et parure. À de rares exceptions près, il s’agit de mobilier fragmenté et qui a subi de fortes températures.
la présence de faune n’est attestée que dans un cas (51), mais, difficile à détecter dans les contextes de dépôts de crémation, elle peut avoir été plus fréquente.
la céramique (de un à huit vases, dans un cas avec des traces de réparation) est associée à tous les dépôts. Il s’agit de formes communes (vases tulipiformes, coupes, vases profonds à inflexion basse). On trouve néanmoins également des objets rares, voire exceptionnels en contextes domestiques : assiettes à marli et aile décorée, vases à corps cubique, cuillerons de louche, vases peints.
l’industrie lithique taillée est présente dans quatre dépôts : bitroncatures géométriques à troncatures inverses (54 et 833), lames et fragments de lames (54 et 527), éclat retouché (47).
l’outillage lithique poli n’est attesté que dans le dépôt 527. Deux autres lames de hache proviennent de l’ensemble A de la dépression 760/62/63, un dépôt de crémation possible. Ces trois lames de hache sont de taille modeste (7 à 11 cm).
l’outillage osseux est attesté (51), mais il est probablement sous-évalué.
l’outillage de mouture est présent dans les dépôts 47 (un fragment de meule) et 51. Dans ce dernier cas, il est composé de plusieurs fragments de meule/molette et d’un broyon. Les fragments de meule/molette correspondent à un ou plusieurs objets très usés.
la parure n’est représentée que par 14 petites perles discoïdes en jais/lignite déposées dans le vase ossuaire de la crémation 527. Elles sont peu usées, mais ont été portées comme le montre l’effacement partiel des stries de perforation.
247À quelques exceptions près (les deux lames de la structure 527 et l’éclat de la structure 47), le mobilier associé aux crémations présente des stigmates plus ou moins marqués d’exposition à de fortes températures, ce qui explique la forte fragmentation en particulier de la céramique et de l’outillage lithique. Ce traitement par le feu peut également expliquer la rareté de la faune et de l’outillage en matières dures animales, trop altérés pour être identifiés. À l’instar des restes humains crémés, seule une partie (parfois infime) du mobilier fragmenté a été déposé dans les structures funéraires.
248Les huit dépôts de crémation constituent deux groupes situés l’un dans la partie nord (47, 48, 51, 54, 200 et 201), l’autre dans la partie sud (527 et 833) du décapage.
249Les ossements ayant été crémés à haute température, nous avons choisi de ne pas réaliser de mesures radiocarbone sur les restes humains12. Dans un cas (51), trois datations radiocarbone ont été réalisées sur des microcharbons issus du remplissage de la fosse funéraire. L’attribution culturelle des huit dépôts de crémation repose donc essentiellement sur les caractères typologiques du mobilier céramique des structures 47, 48, 51, 54, 527 et 833. Les données issues de la typologie céramique et des datations radiocarbone permettent de proposer une datation des dépôts de crémation dans le dernier tiers du ve millénaire. Les structures 200 et 201, localisées à proximité de crémations datées par la céramique, ont été attribuées à la même période.
6.3 Le Néolithique moyen de type Chassey : conclusions
B. Röder, A Schmitt, S. van Willigen, F. Antolín, M. Bader, A. D’Anna, C. Delefosse, M. Errera, F. Follmann, S. Jacomet, A. Jesus, M. Kühn, P. Pétrequin, M. Schäfer, J. Schibler, A. Reggio, W. Schoch, L. Viel
250L’occupation du Néolithique moyen de type Chassey est concentrée dans la partie nord du décapage et dans une moindre mesure à sa limite sud, sur une surface qui présente une légère déclivité du sud vers le nord (fig. 200). Située dans un milieu de plaine d’inondation active (voir § 3) elle est limitée au nord par une zone basse qui est sous l’influence de forts courants de crue, comme le montre la présence de nombreux bancs et lentilles de petits galets (fig. 26).
200. Localisation des différents types de structures attribuées aux occupations du Néolithique moyen de type Chassey (+ les structures à galets chauffés non datées)

La présence d’indices d’occupations dans la tranchée nord, à environ 80 m du groupe nord de sépultures correspond peut-être à une autre occupation attribuable au même groupe culturel.
251Les activités humaines sont matérialisées par des épandages de mobilier archéologique préservés dans de grandes dépressions peu profondes. Ce mobilier est relativement abondant, bien conservé et faiblement fragmenté. Les structures anthropiques, peu nombreuses, sont représentées par quelques creusements en forme de cuvettes, des structures à galets chauffés, un puits à eau et les structures funéraires et mortuaires. Aucun indice de la présence de bâtiments ni de zone de stockage n’a été détecté.
252Les structures funéraires sont représentées par sept sépultures à dépôt secondaire de crémation avérées et une structure funéraire accessoire (voir § 6.2.1, Questions de terminologie), regroupées dans notre catégorie A, et quatre autres structures funéraires probables (catégorie B). La plupart des structures de la catégorie A (sépultures avérées et structure funéraire accessoire) renferme un mobilier abondant composé de céramique, outillage lithique taillé, lames de hache et parures. Elles forment deux groupes situés en limite nord-ouest et sud de la zone de répartition du mobilier de type Chassey et ne sont pas associées à des structures à vocation domestique, à l’exception d’une structure de type silo dont la datation est cependant sujette à caution. De plus, neuf structures à ossements brûlés indéterminés sans mobilier particulier pourraient être liées à une fonction mortuaire (catégorie C).
253D’autres structures attirent l’attention (fig. 200).
254Le puits 250 est la seule structure qui représente un certain investissement. Privée de cuvelage, il peut s’agir d’un creusement à vie courte réalisé ad hoc pour pallier à un besoin d’eau momentané. Le volume de mobilier est important. Les résidus de battage de céréales et les restes de faunes montrent clairement que des activités liées à la préparation et à la consommation d’aliments ont été exercées dans les environs immédiats des structures fouillées.
255La structure 68 est une grande cuvette remplie de galets rubéfiés et d’un abondant mobilier archéologique : céramique, restes fauniques de probablement trois à cinq bœufs et de plusieurs ovicaprinés. Elle se distingue des structures à galets chauffés « classiques » (voir Vaquer et al. 2003) sur plusieurs points : absence d’indices de combustion in situ, profondeur relativement importante, mobilier archéologique abondant. Il semblerait qu’il s’agisse, non pas d’une structure de combustion, mais des reliquats d’activités en lien avec la préparation et la consommation de viande, déposés dans une cuvette creusée à cet effet.
256Treize structures à galets chauffés se concentrent dans le nord-ouest et dans le sud de la zone décapée. À l’instar des structures de ce type, elles sont peu profondes et pauvres en mobilier archéologique et n’ont, de ce fait, pour la plupart pas pu être attribuées à une des occupations du site. Deux d’entre elles ont toutefois livré quelques éléments céramiques attribuables au type Chassey.
257On notera pour finir la rareté du macro-outillage lithique et de l’outillage de mouture sur l’ensemble du secteur de l’occupation du Néolithique moyen de type Chassey, à l’exception d’un dépôt non daté de meules partiellement brûlées et intentionnellement fragmentées en bordure de la dépression 438 (structure 438a ; fig. 24 et 200). Elle contraste avec l’abondance relative de la céramique et de l’industrie lithique taillée.
258La question de la durée représentée par l’ensemble de ces structures est difficile à traiter. En raison de la rareté et de la mauvaise conservation des restes organiques, seules deux structures ont pu être datées par le radiocarbone : le puits 250 (six datations sur matériaux à vie brève) et la sépulture 51 (deux datations sur microcharbons de bois). La durée maximale représentée par l’ensemble des vestiges attribués au Néolithique moyen de type Chassey correspond donc à la durée maximum de ce groupe culturel, évaluée à environ trois siècles (§ 8.2.3).
259Il est difficile de proposer une interprétation de cet ensemble, étant donnés les biais taphonomiques et les nombreuses incertitudes. La présence de deux groupes de sépultures est incontestable. L’absence de bâtiment et de zone de stockage, quant à elle, peut être liée à des facteurs taphonomiques ou à des techniques de constructions qui ne laissent que peu de traces (sablières basses pour les bâtiments, structures de stockage aérien). Certains indices vont cependant à l’encontre de la présence de bâtiments dans l’emprise du décapage : la faible fragmentation du mobilier qui constituait les épandages est à nos yeux l’indice d’une fréquentation peu intense. Les traces de plusieurs crues relevées dans la partie nord du décapage suggèrent un lieu peu propice à des habitations. À partir de ces informations, il est possible de proposer trois scénarios distincts quant à la fonction du site.
Scénario 1 : un palimpseste formé au gré d’occupations successives
260Il n’existe pas de lien entre les structures mortuaires/ funéraires et les vestiges non mortuaires. L’ensemble des restes mis au jour correspond à différentes occupations successives et indépendantes les unes des autres. Dans ce cas de figure, l’espace exploré peut avoir été dédié à des activités diverses puis avoir revêtu une fonction funéraire/ mortuaire (ou inversement). L’ensemble constitué par les différentes structures (mortuaires/funéraires et non mortuaires) est le résultat du hasard. C’est un palimpseste qui s’est formé au gré des occupations du secteur par de petits groupes ou peut-être même par quelques individus.
Scénario 2 : deux espaces mortuaires et des zones d’activités en périphérie d’un habitat situé en dehors de l’aire décapée
261Dans ce cas les structures non mortuaires peuvent être interprétées comme les vestiges d’activités diverses exercées à proximité d’un habitat présumé qui serait situé en dehors de la zone fouillée. Le puits 250 a été creusé pendant une période de sécheresse pour subvenir aux besoins du cheptel et des habitants ou pour y déposer des objets. Le contenu de son remplissage reflète entre autres des activités liées à la préparation et à la consommation d’aliments. Les structures à galets chauffés, tout comme la structure 68, sont les reliquats d’activités en lien avec la préparation et la consommation de viande. Les épandages de mobilier correspondent, eux aussi, à des déchets domestiques au sens large. Les bâtiments présumés sont situés en dehors de l’aire décapée, mais en sont proches. Dans ce cas de figure, les structures non mortuaires sont les restes d’une aire d’activité située à la périphérie d’un hameau. Les morts sont relégués à l’extérieur de l’habitat.
Scénario 3 : deux espaces mortuaires constitués de sépultures et de zones d’activités rituelles
262Les espaces mortuaires et les pratiques rituelles qui leurs sont liées conditionnent l’organisation de l’espace. Ces espaces mortuaires sont constitués par des structures funéraires et mortuaires ainsi que par des vestiges de pratiques rituelles. Ce scénario peut paraître surprenant mais il ne faut pas oublier que les sépultures sont rares dans le Néolithique moyen méditerranéen et que certaines d’entre elles pourraient être réservées à des individus au statut particulier (Schmitt & van Willigen 2016 et § 8.5). Dans le cas des Bagnoles, cette impression est renforcée par la complexité du traitement des corps et par la richesse du mobilier funéraire : dépôts de plusieurs vases, formes et décors céramiques inédits dans la région (céramique peinte, vases à corps cubique faisant référence à des régions éloignées ; Sargiano et al. 2010), parures. La présence de telles sépultures dans ce lieu ne peut pas avoir été anodine. On peut imaginer qu’elles ont motivé l’exercice d’activités en liaison directe avec les funérailles elles-mêmes, c’est-à-dire des cérémonies incluant des banquets (les « feastings » de l’archéologie anglophone : voir par exemple Hayden 2014, O’Connor 2015) mais également sur le long terme avec le culte des morts et la célébration de rituels commémoratifs. Dans ce contexte, on peut alors proposer une interprétation funéraire/ rituelle des vestiges d’activités situés à proximité.
263Les structures à galets chauffés, pour lesquelles une fonction sociale collective a déjà été envisagée (Beeching 2016), correspondraient à des préparations culinaires en liaison avec les funérailles et/ou à des rituels exercés dans cet espace. Le contenu de la structure 68 pourrait représenter les restes « inhumés » d’un banquet. Le puits pourrait avoir servi soit à subvenir aux besoins (profanes et rituels) des personnes conviés et du bétail sacrifié et consommé, soit à recevoir des objets utilisés dans les rituels exercés sur place. On ne peut exclure que le puits lui-même faisait partie d’une pratique rituelle comme le suggèrent certains puits du Rubané (Brozio et al. 2014 :149 ss.). Son remplissage présente de fait quelques singularités : présence de plantes psychoactives (pavot, jusquiame noire), de squelettes de fœtus et de cochon de lait (qui, soit dit en passant, indiquent le printemps ou le début de l’été), abondance du mobilier archéologique et présence de quelques formes céramiques attestées en contexte funéraire (assiettes à marli, assiette à socle, nombreuses louches), des fragments de meules. Les restes de battage ne contredisent pas cette interprétation puisqu’ils peuvent être, eux aussi, perçus dans un contexte rituel. Les meules partiellement brûlées et fragmentées en bordure de la dépression 438 sont le résultat d’une fragmentation intentionnelle dans le contexte d’une pratique rituelle (Chapman 2000). Cette interprétation d’une aire fréquentée occasionnellement, dans un cadre mortuaire/funéraire et plus largement rituel est également conciliable avec l’abondance relative et la faible fragmentation du mobilier. Vu de la sorte, nous aurions affaire à un type de site inédit, un espace mortuaire dédié aux funérailles et à des pratiques rituelles liées au culte des morts ou à des cérémonies commémoratives.
264Il est naturellement impossible, en l’état actuel des connaissances, de privilégier l’une de ces pistes. Il nous a tout de même semblé utile de rappeler que la présence de sépultures en un lieu peut induire des manifestations en lien direct avec celles-ci (Beeching & Crubézy 1998, Beeching 2003). Il serait souhaitable de dépasser la seule perspective sépulcrale pour se pencher sur l’identification des pratiques liées aux funérailles ainsi qu’à d’autres rituels dans le domaine des morts. Ces aspects sont bien documentés dans la littérature ethnographique (par exemple Trigger 1969, Volkman 1985, Kan 2016) et, en archéologie (Mäder 2008) dans des contextes plus récents que le nôtre, mais peinent encore à s’imposer dans la recherche francophone sur le Néolithique.
Notes de bas de page
1 Il s’agit ici d’une catégorie analytique qui ne préjuge pas du rôle qu’ont pu jouer certaines de ces structures non-mortuaires (telles que les structures à galets chauffés) dans un rituel funéraire.
2 Dans ce dernier cas, nous supposons qu’il s’agit d’une plante cultivée sans pouvoir toutefois exclure le pavot sauvage puisque son aire de répartition atteint le midi de la France. En l’état actuel des connaissances, ces deux taxons ne peuvent être différenciés sur le plan morphologique. Nos travaux en cours visent à différencier ces deux sub espèces d’un point de vue biométrique à partir de données géométriques et morphométriques (Salavert et al. 2018).
3 Les numéros de prélèvement sont reportés sur la figure 119.
4 Dans ce cas, une bonne partie des restes osseux, extrêmement fragiles et fragmentés, ont été prélevés en bloc et consolidés. Ils n’ont de ce fait pas été pesés (voir § 6.1.1.1).
5 Pour un historique de la discipline voir Zemour 2016.
6 Nous parlons ici de l’endo-cannibalisme qui est un rituel funéraire (Boulestin 2014).
7 Lors de la fouille du site des Bagnoles, le remplissage des structures qui ont livrés des ossements brûlés a été systématiquement soumis à un tamisage archéobiologique (wash-over et tamisage par mailles de 1 mm et de 0,35 mm ; cf. chapitre 4).
8 Catégories d’objets récurrentes dans les sépultures du Néolithique moyen méditerranéen : parures, dépôt de céramiques, armatures, outillage de mouture, lames de hache, test de mollusques (cf. ci-dessous § 8.4).
9 La forme de ces deux vases à corps cubique et embouchure circulaire fait, quant à elle, référence à la Sardaigne, l’Italie et les Balkans (Sargiano et al. 2010).
10 Son poids est de 2 g.
11 Les mesures de densité par double pesée hydrostatique doivent se lire de la manière suivante : masse dans l’air, masse dans l’eau donnent, après calcul, densité ± erreur sur la mesure de la densité (Errera 2012).
12 Les ossements issus de crémation peuvent être datés à partir de la bioapatite osseuse (Lanting et al 2001 ; Naysmith et al. 2007). Toutefois, les échantillons sont susceptibles d’être contaminés par des dépôts secondaires de carbonates (voir à ce sujet van Strydonck et al. 2009).
Auteurs
IPNA, Université de Bâle, carpologie
UMR 7268 ADES, archéo-anthropologie, responsable-adjointe
Musée national suisse, conservation-restauration
LAMPEA, mise en place des campagnes successives
LAMPEA
Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique et Cité de la Préhistoire, Orgnac, pétrographie de l’outillage poli
IPNA, Université de Bâle, carpologie
IPNA, Université de Bâle, carpologie
Unibas - University of Basel
IPNA, Université de Bäle, carpologie
MSHE C.N, Aix-Marseille Université, prospections géomagnétiques
LAMPEA, outillage lithique, responsable adjoint
Fachbereich Ur- und Frühgeschichtliche und Provinzialrömische Archälogie, Université de Bâle, archéologie, responsable adjointe
IPNA, Université de Bäle, archéozoologie
IPNA, Université de Bâle, archéozoologie
Woodanatomy, Zurich, anthracologie
LAMPEA, parures
LAMPEA
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fonctions, utilisations et représentations de l’espace dans les sépultures monumentales du Néolithique européen
Guillaume Robin, André D'Anna, Aurore Schmitt et al. (dir.)
2016
Bouquetins et Pyrénées
I – De la Préhistoire à nos jours : offert à Jean Clottes, conservateur général du Patrimoine honoraire
Aline Averbouh, Valérie Feruglio, Frédéric Plassard et al. (dir.)
2021
Journey of a committed paleodemographer
Farewell to Jean-Pierre Bocquet-Appel
Anna Degioanni, Estelle Herrscher et Stephan Naji (dir.)
2021
Le dolmen du Villard, Lauzet-Ubaye (04) et le contexte funéraire au Néolithique dans les Alpes méridionales
Réflexions sur le mobilier et les pratiques funéraires au Campaniforme en Provence
Gérard Sauzade et Aurore Schmitt (dir.)
2020
Les Bagnoles à L’Isle-sur-la-Sorgue
Un site majeur du Néolithique moyen en Vaucluse
Samuel van Willigen, Maxence Bailly, Brigitte Röder et al. (dir.)
2020
Bouquetins et Pyrénées
II - Inventaire des représentations du Paléolithique pyrénéen Offert à Jean Clottes, conservateur général du Patrimoine honoraire
Aline Averbouh, Valérie Feruglio, Frédéric Plassard et al. (dir.)
2022