L’isard le « cousin gênant » partageant l’écosystème montagnard du bouquetin
p. 32
Texte intégral
1L’isard (ou chamois des Pyrénées) fait partie du grand ensemble des chamois, rupicaprinés de la famille des bovidés, tous classés dans le genre Rupicapra (ou chèvre des rochers). Largement répartis en Europe – même à basse altitude – ceux-ci se réfugièrent ensuite dans les massifs montagneux, en noyaux de distribution séparés notamment lors de la dernière période glaciaire du Quaternaire (Stades isotopiques 2 à 5 c.-à-d., 110 000 à 10 000 BP).
2Comme le bouquetin, l’isard peut occuper toutes les strates altitudinales des hauts coteaux à la limite supérieure de la forêt. Au cours des périodes historiques, l’anthropisation du milieu, l’expansion du pastoralisme et la chasse le refoulèrent aux reliefs difficiles boisés et aux hauts pâturages non arborés de la montagne.
3Plus élancé et plus léger que le chamois (Rupicapra rupicapra L) et plus encore que le bouquetin, l’isard présente un corps élégant et musclé soutenu par des membres graciles, de type « sauteur ».Toisant environ 70 cm au garrot, il présente un dimorphisme sexuel modéré (25 à 40 kg pour le mâle appelé « bouc », 20 à 30 kg pour la femelle appelée « chèvre »). Les deux sexes présentent des cornes verticales, recourbées vers l’arrière au sommet et terminées à leur extrémité par un crochet.
4Les pieds donnent à l’isard une polyvalence d’adaptation à tous types de terrains : leur particularité réside dans les bords externes des onglons, saillants et aiguisés (permettant l’adhésion au rocher), dans le talon (ou éponge) permettant l’amortissement des chocs lors de sauts et dans la présence d’une membrane interdigitale. Cette dernière évite l’écartement excessif des onglons et permet au sabot de disposer d’une « petite raquette », assurant une meilleure portance sur la neige.
5Au terme d’une gestation de 5 mois, la chèvre met bas un seul chevreau (gémellité très rare).
6Comme le bouquetin, l’isard vit en hardes à structure de type matriarcal mais est par contre particulièrement sédentaire (déplacements réduits, pas d’erratisme sauf chez les jeunes mâles). L’isard prise peu la cohabitation tant avec les populations domestiques (ovins) que sauvages (chevreuil en forêt, bouquetin dans les strates supérieures).
7À l’inverse du bouquetin, si l’isard a été rarement représenté dans l’art pariétal préhistorique (La Pasiega, Candamo, Ker de Massat), il est plus fréquemment rencontré dans l’art mobilier. Par contre, durant les périodes médiévales, il règne parfois dans certains écrits et représentations, une certaine confusion entre les deux espèces. Cette confusion vient du fait que très souvent, les mâles de chaque espèce sont désignés sous le terme « boucs » sans distinction et qu’il s’agit dans les deux cas d’espèces très prisées à la chasse, évoluant dans le même milieu montagnard et coexistant dans les forêts. Le Livre de la Chasse de Gaston Fébus les évoque dans le récit, avec des figurations mettant en scène côte à côte bouquetins et isards mais parfois avec des représentations ambiguës, quasi-chimères qui rendent la diagnose d’espèce difficile.
Vues de face et de profil de « boucs » de l’espèce isard dans les Pyrénées ariégeoises
L’allure générale est plus gracile que celle d’un bouquetin.
Photos J. Canet
Auteur
Docteur-Vétérinaire, ancien directeur du Laboratoire Vétérinaire Départemental de l’Ariège. 09008 Foix CDIS, France – veterinaire.tilleuls[at]hotmail.fr
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