Les masques à l’œuvre

p. 102


Texte intégral

1Saisis d’abord comme les leviers d’un système envisagé notamment dans ses incidences génériques, les masques désormais vont être étudiés au plus près, dans la singularité de leurs surgissements respectifs comme dans les liens tensifs qu’ils entretiennent avec la figure tutélaire du Poète, archi-énonciateur et donc régisseur de la parole telle qu’elle est instanciée ou distribuée. De fait, il s’agira pour chacun de questionner les modalités d’une présence en premier lieu microstructurale au poème, d’en pointer les conséquences stylistiques sans jamais perdre de vue l’économie macrostructurale des Œuvres complètes ; c’est dans cet aller et retour constant, de l’analyse d’un syntagme prépositionnel ou d’un tiroir verbal à l’étude d’échos parfois très éloignés dans la tresse des poèmes, que s’esquisse le portrait du sujet lyrique souverain, depuis le geste créateur jusqu’à son apparaître, depuis le rêve du poème jusqu’à « son corps, cette moitié de l’esprit1 ».

2Afin de mieux cerner les composantes et le fonctionnement général de ce système figural, nous ferons graviter les masques autour d’archimasques centraux qui en cristallisent les attributs respectifs et dont, en retour, ils élargissent le champ d’action ou affinent les traits. Au sein d’une vaste paratopie2, ces archimasques jouent le rôle d’embrayeurs paratopiques : ils participent à la fois de la situation à travers laquelle se définit le poète, du monde représenté dans son oeuvre et des procédés de mise en scène du Poète. Loin de satisfaire à un quelconque ou impérieux goût du nouveau ou du complexe, le néologisme « archimasque3 » nous permettra surtout de référer au statut double qui est le sien, à la fois noyau de sens auquel s’alimentent les masques qui lui sont affiliés et source, matrice d’une série de renvois à l’intérieur de leur caractérisations respectives. Sans les assimiler préalablement, l’archimasque opère ainsi autour de lui un regroupement sélectif dont les critères, qu’ils soient thématiques ou actanciels, fédèrent un certain nombre d’invariants dont nous tenterons de circonscrire les contours et les effets pragmatiques. Enfin nous garderons à l’esprit, avant d’assembler plus loin les traits d’un portrait encore ici diffracté, que le masque en tant qu’objet, et d’autant plus qu’il est textuel, « existe dans l’univers » du Poète mais que « les ensembles n’existent qu’en nous-mêmes4 ».

Notes de bas de page

1 Y. Bonnefoy, Notre besoin de Rimbaud, Paris, Seuil, 2009, p. 41.

2 Utilisé par les analystes du discours, la paratopie désigne la production d’un énoncé qui construit lui-même les conditions de sa production. Nous reviendrons plus loin sur l’importance de cette notion.

3 L’étymon grec arkhi-, lui-même dérivé de árkhô, signifie « commencer, mener, gouverner ».

4 G. Van Hout, Mathématique moderne, langage du futur, 2e éd., Louvain, Nauwelaerts, 1971, p. 35.


Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.