1Le placement en famille d’accueil en Allemagne se distingue dans une large mesure de celui des pays anglophones. Lors des comparaisons internationales, on constate que le nombre d’enfants et d’adolescents dans les familles d’accueil en Allemagne est plus important qu’aux États Unis et Grande-Bretagne, et significativement plus faible qu’au Canada et en France (Thoburn 2007). En Allemagne contrairement à d’autres pays, les enfants sont davantage accueillis en milieu institutionnel, qu’en famille d’accueil. Une autre caractéristique unique de ce pays est la durée du placement des enfants. En effet pour 80 % les relations d’accueil en Allemagne sont habituellement des relations à long terme en dehors de la famille élargie (Kindler et al., 2011, 131). Un faible pourcentage d’enfants vit avec des parents ou des amis de la famille (environ 20 %).

2On constate qu’au début d’une mesure d’accueil, la durée du placement n’est souvent pas établie, ni claire. On parle généralement de la possibilité d’un retour de l’enfant au sein de la famille biologique, mais dans les faits cela arrive rarement (Schäfer et al., 2015). On constate qu’après la fin officielle d’une mesure d’accueil, à la majorité des enfants notamment, les enfants ayant été confiés continuent souvent à vivre dans leur famille d’accueil de manière informelle, et donc sans aucun accompagnement professionnel de la part du service de protection de l’enfance (Reimer 2011).

3 À partir de ces constats, on peut dire que l’appartenance stable et les origines des enfants confiés, sont deux objectifs très importants pour un développement positif des enfants.

4Tout d’abord nous aborderons la question de l’appartenance stable comme un pilier central pour le bon développement de l’enfant, puis nous terminerons en évoquant la difficile tâche d’expliquer aux enfants placés leurs origines et leur histoire.

5La situation complexe, à laquelle sont confrontés les enfants, est l’accès à la connaissance de leurs origines. C’est une tâche délicate pour les familles d’accueil que d’aborder avec les enfants cette question et les éléments explicatifs de leur placement. Il est important que les familles ne soient pas seules face à cette démarche, et qu’elles aient le soutien des services sociaux pour les aider dans cette situation afin de prévoir les initiatives les plus adaptées.

Les observations introductives

6Que signifie pour un enfant avoir deux familles, une famille d’origine et une famille d’accueil ? Qu’est-ce que nous entendons quand nous parlons d’enfants confiés qui ont « deux familles » ? Il ne s’agit pas d’enfants privilégiés qui ont tout en double ; deux papas, deux mamans, deux grands-pères, deux grands-mères, deux maisons… Pour un enfant, avoir deux familles est quelque chose de très insolite, de très singulier. C’est une situation qui engendre beaucoup d’interrogations. Tout d’abord, il faut expliquer à l’enfant et aux autres personnes l’entourant, les raisons significatives de cette situation (Sinclair, Baker, Wilson, Gibbs, 2005).

7Même dans les familles recomposées, ce n’est pas toujours facile d’expliquer les raisons, les liens entre les différentes personnes. En recomposition familiale les enfants vivent le plus souvent avec leur mère de naissance et plus rarement avec leur père de naissance. En accueil familial c’est davantage complexe, puisque les enfants confiés vivent dans une famille sans aucun lien de filiation. On voit bien ainsi que le parent biologique, le parent social et le parent juridique peuvent être différenciés de plusieurs manières. Dans tous les cas, les enfants confiés font toujours partie de leur famille biologique même s’ils vivent ailleurs. Parfois ils se sentent encore faire partie de la famille malgré un certain éloignement, et cherchent un contact par exemple avec les frères et sœurs, avec les parents. Ils vérifient si à la maison il y a encore une place pour eux, si leur lit est encore à sa place, ils les nomment encore « papa et maman » quand ils s’adressent à leurs parents.

8On voit aussi que certains enfants confiés appellent « papa et maman » la famille d’accueil, et les considèrent comme leurs parents. Pour eux la relation centrale parents-enfants se déroulent dans la famille d’accueil. Mais d’une certaine façon les enfants font quand même partie de leur famille biologique, parce qu’il ne s’agit pas d’une adoption mais tout simplement d’un accueil.

9Le deuxième aspect de la double appartenance, est l’appartenance de l’enfant à sa famille d’accueil, nous avons ici différentes possibilités, qui va de la cohabitation provisoire lié au sentiment de se sentir un membre de second choix de la famille d’accueil, jusqu’à éprouver un profond sentiment de stabilité, celui de se sentir chez soi dans sa maison, comme les enfants de la famille d’accueil, et dans ce cas les enfants restent alors jusqu’à l’âge adulte. Ces différents sentiments d’appartenance peuvent changer à tout moment dans le parcours de prise en charge de l’enfant jusqu’à l’âge adulte.

10L’enfant peut se retrouver face à une double appartenance avec sa famille d’origine, liée à sa place dans la famille d’origine et sa place dans la famille d’accueil.

11Se retrouver entre deux familles signifie être partagé, c’est en tout cas le sentiment exprimé par des enfants confiés lors des recherches. Dans certaines périodes ils ne savent pas où aller, où se trouve le centre de leur vie, et ils ressentent une grande rivalité entre les deux familles, ne voulant perdre ni l’une, ni l’autre. Cette situation leur demande beaucoup d’énergie, une énergie qui leur manque ensuite pour investir d’autres domaines nécessaires pour leur développement.

12Face à ce conflit de loyauté l’enfant placé se retrouve à grandir entre deux foyers, entre deux cadres. Ces situations de conflits se manifestent souvent au moment des visites parentales, qui se déroulent mal, comme le montre les travaux de Neha Prasad (2011). Même quand les tensions entre les deux familles restent invisibles, on peut avoir des problèmes d’adaptation des enfants placés dans leur famille d’accueil (Leathers, 2003).

13Au contraire une coopération constructive entre les deux familles d’origine et d’accueil facilitent le développement de l’identité de l’enfant et favorise sa croissance (Gehres, Hildenbrand, 2008), comme l’a démontré les travaux de Bullock (1998). Le développement de l’enfant est extrêmement défavorable quand les deux familles sont en conflit, ou fortement rivales et que l’une prétend que l’enfant se détache de l’autre, l’enfant est mis dans l’obligation de faire un choix. Ces éléments sont à considérer pour la mise en œuvre d’une bonne pratique : il faut atténuer les rivalités et non les renforcer.

14Après avoir abordé ces éléments, traitons désormais des deux points principaux pour un bon développement de l’enfant. Le premier point abordé est l’assurance d’une continuité de l’accueil, le second point une confrontation constructive avec la famille d’origine.

L’assurance d’une continuité de l’accueil

15Il est incontestable que la durée d’un lien sécure est considéré dans la théorie de l’attachement comme un présupposé central pour la sécurité psychique de l’enfant, que ce soit d’un point vue théorique, comme d’un point de vue empirique. Il est montré dans la théorie de l’attachement et dans différentes recherches que les multiples changements de résidence des enfants, changements de familles d’accueil, interruptions de relations stables représentent un facteur de risque pour le bon développement de l’enfant et surtout une source de stress (Beek, Schofield, 2004). Il est aussi montré que les changements fréquents de résidence causent une haute probabilité de difficultés émotionnelles, développent des peurs, des sentiments dépressifs et chez les garçons des sentiments agressifs.

16On constate qu’il peut apparaitre de nouveaux problèmes comportementaux chez l’enfant accueilli lorsqu’il y a des changements de résidence qui surviennent, notamment quand l’enfant est accueilli dans une famille depuis très longtemps, et à laquelle il est très attaché. Ces éléments devraient être traités comme un signal d’alarme par les travailleurs sociaux. La discontinuité vient représentée un poids particulièrement lourd pour eux, et cela nuit aux enfants engendrant des répercussions sociales dans leur vie à longue échéance. Dans une instabilité persistante, il faut s’attendre à des processus de développement de l’enfant complètement perturbés. Le constat d’une instabilité persistante qui provoque des problèmes de comportement et de développement de l’enfant est largement documenté, en ce qui concerne les effets et les perturbations sur une longue période. Les multiples changements représentent un facteur négatif sur le bien-être et le développement de l’enfant, cela a été plusieurs fois démontré et rapporté.

17La stabilité du lieu de vie de l’enfant est un facteur qui influence de façon très positive le développement. Des relations stables sont importantes pour le développement de l’enfant. Des recherches sur cette question ont été discutées de façon scientifique, on rappelle notamment les travaux et les propositions excellentes dans ce sens de Nina Biehal (2010).

18La stabilité est la base pour développer des liens sécures (Horwitz, Balestracci, Simms, 2001). Mêmes les séparations progressives sont importantes pour l’enfant, par exemple une coupure nette avec la famille d’accueil est un facteur de stress supplémentaire. Quand les enfants perdent tout contact avec les personnes significatives pour eux, auxquelles ils font confiance et que du jour au lendemain, ils doivent vivre dans un nouveau lieu d’accueil ils ont la sensation, le sentiment d’arriver dans une terre étrangère ; des peurs et du stress surgissent. Un garçon a décrit le sentiment suivant « on se sent déchiré, arraché de notre monde et même si c’était terrible, on se retrouve propulsé dans un monde nouveau, et seul devant cette nouvelle réalité, et ça non ! Je pense qu’on ne devrait pas être faire ça aux enfants. » (Petri) La vie est faite de changements et de séparations, mais la continuité est un facteur important. Quand l’enfant le désire, des liens directs, et des contacts directs doivent être maintenus. Dans cette situation il faut avoir une attitude attentive, sensible pour maintenir des contacts avec les grands-parents, avec des personnes de référence les plus importantes, au-delà des parents. Même si la relation avec les parents est elle aussi importante, il ne faut pas négliger les autres figures autour de l’enfant, à l’intérieur et à l’extérieur de la famille.

19Les enfants envoient des signaux pour le maintien des liens, l’expression verbale et non verbale doit être considérée très sérieusement. Il est important que depuis son plus jeune âge, l’enfant participe aux décisions qui le concernent, aux choix importants faits pour lui, de façon à lui faire mieux comprendre ce qu’il vit, ce qui se passe dans son processus biographique (Reimer, Wolf, 2009). Nous pouvons ainsi reconnaitre les préoccupations des acteurs de l’enfance, non sous la forme d’intrusions mais de décisions, mêmes lorsque celles-ci doivent être prises à l’encontre du choix de l’enfant, dans ce cadre elles peuvent s’aménager dans une entente constructive.

20Les enfants vivent difficilement le fait de ne pas être certain de pouvoir rester vivre dans le lieu dans lequel ils se trouvent, notamment quand ils ont développé des racines avec des personnes significatives comme la famille d’accueil. Dans ce cas, ils ne devraient pas se sentir menacés, ni être déracinés de ce lieu. Ce sentiment est très négatif pour les enfants, la famille d’accueil et y compris pour les parents biologiques, cela créé des rivalités, des luttes et dans cette situation tout le monde perd quelque chose.

21Dans de nombreux pays, on réfléchit actuellement à mieux régulariser cet écart entre le droit des enfants et le droit des parents, pour assurer juridiquement continuité et stabilité au placement à long terme. Lors d’une dernière conférence en Autriche, nous avons réfléchi avec des chercheurs sur la possibilité de réduire cette tension. Une pratique orientée principalement sur l’intérêt de l’enfant, doit chercher à :

• Éviter la rupture des relations et le changement de résidence si ce n’est pas nécessaire ;
• Empêcher de longues phases d’insécurité dans les moments cruciaux de la vie de l’enfant (en bas âge notamment) ;
• Créer des conditions pour une relation constructive entre la famille d’origine et la famille d’accueil.

La question des origines

22Pour les enfants confiés, la connaissance de leurs origines reste très importante (Wolf, 2015). Une recherche de réponses aux questions sur leurs parents d’origine les travaillent dès l’enfance et jusqu’à l’âge adulte, et parfois ces informations jouent un rôle important dans la construction de leur identité et dans leur développement. Très souvent, nous avons observé que les jeunes femmes ayant été placées, se trouvaient en difficulté quand elles devaient prendre des décisions à l’égard de leur enfant. Si pour elles, leur mère était considérée comme maltraitante, elles se trouvaient confrontées à ce doute intérieur, ce qui remettait en question leurs propres capacités à s’occuper de leur enfant. Après un travail suivi de leur approche biographique, si les jeunes femmes arrivaient à voir leur mère plutôt comme une jeune femme victime d’une situation difficile, au point de devoir abandonner leur enfant par nécessité, la perspective d’un futur pouvait alors leur apparaître nettement moins oppressive. Le fait que leur mère n’ait pas pu ou pas voulu les garder, reflète l’image qu’elles ont d’elles-mêmes et influence leur futur. Ces questions et la recherche de réponse n’ont pas la même urgence dans les différentes phases de la vie, mais ont un rôle très important durant toute leur vie.

23En Suisse, Yvonne Gassmann (2010) a décrit l’importance pour les enfants confiés de connaître leurs frères et sœurs biologiques. La question des fratries biologiques à côté de la fraternité sociale développée avec les autres enfants dans la famille d’accueil, reste un point important. Cette recherche peut parfois durer toute une vie.

24Quand tout va bien la famille d’accueil a une fonction parentale très importante pour les enfants confiés, dans la vie quotidienne, dans l’éducation, dans la formation, et les parents d’accueil peuvent recourir à toutes les fonctions parentales. Malgré cela, les enfants confiés même à l’âge adulte gardent ce rapport fort et indissoluble avec leurs parents biologiques. La question de la connaissance des origines est fondamentale, y compris chez les enfants adoptés tout bébés.

25Voici un exemple : une dame de 60 ans a témoigné de cette recherche. Elle a attendu le décès de sa mère adoptive pour prendre contact avec sa mère biologique, parce qu’elle ne voulait pas le faire de son vivant par peur de blesser sa mère adoptive tant aimée. Ce n’est qu’après le décès de sa mère adoptive qu’elle s’est autorisée, se sentant libre, à rechercher sa mère biologique.

26On ne doit pas attendre d’un enfant confié le développement d’un détachement à l’égard de leurs parents biologiques et une prise de distance (Wolf, Reimer, 2008). S’il y a eu des injustices et des tords, ceux-ci ne doivent pas être cachés, mais doivent-être au contraire connus, ce qui ne signifie pas de repousser complétement les parents, car c’est trop douloureux pour les enfants, et ce n’est pas facile à accepter. Les services de protection de l’enfance peuvent aider les enfants, les parents, et la famille d’accueil à trouver un terrain d’entente à parcourir ensemble.

La collaboration des services sociaux

27Les services sociaux essaient de trouver des familles d’accueil qui peuvent prendre en charge des enfants dont les parents biologiques ne peuvent s’occuper de leurs enfants, afin qu’ils se grandissent dans des familles d’accueil de façon harmonieuse et positive. Dans cette situation, les familles d’accueil doivent pouvoir présenter des garanties satisfaisantes et les parents biologiques doivent pouvoir s’adapter à la séparation. Ces passages de vie sont compliqués pour les deux familles, qui ne peuvent les vivre seuls. Pour cela, nous avons besoin des services sociaux pour les accompagner dans ces situations particulières, des services qui les soutiennent et les accompagnent avec un véritable programme. Une volonté politique, une dotation et un bon programme d’accompagnement sont indispensables pour le placement des enfants en famille d’accueil.

28Avant d’exposer dans les détails certaines lignes d’orientation, je vais décrire les attitudes fondamentales que certains opérateurs de terrain doivent avoir dans l’approche d’accompagnement avec les enfants et les familles d’accueil. Tout d’abord il faut avoir conscience que nous exigeons des opérateurs sociaux quelque chose de complexe. En effet, les enfants vivent parfois des situations difficiles et les opérateurs doivent être préparés à cela et mettre à disposition des enfants les bons outils. Il est donc important d’avoir une relation de confiance.

29La question centrale n’est pas le contrôle, mais la collaboration basée sur la pleine confiance ! Il est nécessaire de respecter la vie privée des familles, et leur façon de faire, de manière à rendre possible l’expression des sentiments. Bien sûr, les éléments de contrôle doivent être gérés, structurés mais toujours dans une relation de confiance.

30Nous allons aborder de façon plus précise l’assurance de la continuité du placement.

Prospective et continuité

31Les services sociaux retirent l’enfant de sa famille d’origine et le placent dans une famille d’accueil. Parfois il est clair qu’après un certain temps, l’enfant peut et doit rentrer dans sa famille d’origine, ou bien il devient évident que l’enfant ne retournera pas dans sa famille d’origine parce que ses parents ne peuvent s’en occuper. Souvent, parce que cela n’est pas vraiment défini, il est difficile d’envisager la possibilité et le moment d’un retour pour l’enfant.

32En Allemagne, les services sociaux adoptent souvent cette façon de faire : « attendre et voir ce qui se passe » pour agir. Ils sont convaincus qu’une fois l’enfant mis à l’abri dans un lieu protégé, il n’y a plus d’urgence pour agir. Ils attendent donc une évolution possible de la famille d’origine pour pouvoir permettre le retour de l’enfant. L’éventualité d’un retour peut se présenter par contre après plusieurs années de vie dans la même famille d’accueil et la possibilité d’un retour peut être évoquée. Cette situation pose alors un problème important pour l’enfant.

33Les enfants craignent alors de perdre le lieu de vie sécurisant dans lequel ils vivent et pensent que le juge, les services sociaux peuvent encore intervenir dans leur vie.

34Souvent les enfants ressentent un sentiment d’insécurité, ressenti aussi par la famille d’accueil, lié aux aléas du climat décisionnel dépendant des services sociaux, ce qui engendre de l’insécurité pour les enfants rendant leur devenir incertain (Canali, Maluccio, Vecchiato, 2011).

35En Allemagne, actuellement on se questionne sur les possibilités de changer tout cela, en s’inspirant des travaux réalisés en Angleterre et aux États-Unis (Denby, Rindfleisch, Bean, 1999). Il s’agit au moment où l’enfant arrive dans la famille de réaliser une évaluation, en prévoyant un possible retour dans un bref délai ou bien opter un accueil de longue durée à temps plein.

Retour ou continuité dans la famille d’accueil ?

36Si le retour est possible, la famille d’origine doit être soutenue activement de façon à abattre les barrières empêchant ce retour. Si on veut maintenir le retour, les parents doivent exercer le plus de fonctions éducatives possibles à l’égard de leur enfant. Ceux qui exerçaient des fonctions parentales doivent continuer à le faire, si par exemple ils emmenaient les enfants aux rendez-vous médicaux ou à l’école, ils doivent continuer à le faire, même pendant la période de prise en charge de l’enfant. Pour cela, par contre il faut que les familles d’accueil puissent accepter cette situation particulière où les parents interviennent dans le cadre éducatif. Si le retour de l’enfant est possible, il doit se faire de façon rapide entre la première et deuxième année de l’accueil.

37Si un retour n’est pas réalisable, une continuité doit être assurée dans la famille d’accueil, qui doit prendre toute une place dans ce projet. Les parents d’origine doivent être soutenus pendant cette période d’éloignement et accompagnés dans cette phase de détachement.

38Il est très important de laisser de côté les accusations et les reproches. Les contacts avec l’enfant peuvent être possibles mais pas avec la promesse de retour, en évitant que l’enfant soit persuadé qu’il va rentrer dans sa famille d’origine.

39Si le retour n’est pas possible dans la période fixée entre la 1^re et 2^e année, les objectifs doivent être changés, il faut passer à une mesure de continuité de placement dans la famille d’accueil. Le prolongement de deux ans de la mesure dans un accueil temporaire me semble très problématique, car cela crée une reconduction de la mesure pour l’enfant et donc une insécurité répétée et permanente. Il faudrait qu’une mesure de placement soit posée comme un non- retour possible.

40Cette procédure, d’un retour possible ou non de l’enfant au domicile parental et des mesures prises dans ce sens dès les deux premières années de placement de l’enfant, permet de reconnaitre toute l’importance de la continuité de l’accueil de l’enfant dans sa famille d’accueil et de s’engager dans une relation constructive avec les parents, sans reproche ni accusation, mais aussi sans illusion d’un probable retour dans cette famille. Nous allons aborder les différentes formes de famille d’accueil.

Les différentes formes de famille d’accueil

41Jusqu’à présent le propos a été orienté vers une présentation de familles d’accueil qui reçoivent des enfants pour un temps prolongé en prenant en charge l’enfant dans toutes les tâches éducatives parentales, le plus souvent pour les plus petits enfants. C’est une forme de famille d’accueil mais ce n’est pas la seule. Il existe aussi des familles d’accueil qui sont recrutées pour soutenir des familles dans des moments de crise, pour un temps court. Ces familles assurent aussi les taches parentales mais prennent en compte les caractéristiques des familles des enfants.

42En Allemagne, nous recrutons aussi bien des familles monoparentales, que des familles homosexuelles et des familles issues de l’immigration. Les recherches internationales montrent que les enfants peuvent aussi bien se développer dans ce type de famille que dans une famille dite classique. Pour les parents c’est parfois plus facile de confier leur enfant à une ethnie proche de la leur ou qui ont les mêmes intérêts culturels et religieux. Quand les intérêts des familles se rencontrent, les relations entre les parents et la famille d’accueil sont plus faciles.

43On cherche et on trouve des familles d’accueil qui acceptent aussi d’accueillir des garçons réfugiés. G. Schofield a analysé les différentes catégories de familles d’accueil (Backe-Hansen, 2010).

44Deux catégories se dessinent, certains voient dans leur rôle celui du parent, d’autres celui d’un « pourvoyeur de soin », d’un « carer ».

45– Le « carer », est capable de travailler en collaboration avec les travailleurs sociaux, ils apprécient de recevoir des formations, ils collaborent positivement avec l’enfant, et tiennent un rôle collaboratif auprès des parents ;

46– Le « parent », ceux qui prennent ce rôle, sont très motivés à fonder une famille, ils mettent l’accent sur la normalité de la vie familiale, ils agissent comme un parent peut le faire, ils acceptent un soutien dans leur réseau.

47Les « carer » tout comme les « parents » s’occupent des enfants de la même manière, ils ont une certaine flexibilité, ils ont les mêmes capacités tout en ayant un rôle spécifique les renvoyant à leur propre catégorie (Iowa Foster and Adoptiv Parents Association, 2002). Les « carer » doivent de leur côté considérer l’enfant comme un membre de leur famille jusqu’à l’âge adulte, alors que pour les « parents », il est important d’accepter pour eux que ce sont aussi des professionnels, à qui une mission d’utilité publique a été confiée, accepter aussi que les opérateurs sociaux les considèrent comme des supports pour les enfants confiés.

48Si les rôles se raidissent, c’est-à-dire que si les « carer » refusent le versus parental et que les « parents » eux refusent le versus professionnel et leur rôle d’assistance, en s’opposant au système. Alors des difficultés vont naître, des conflits vont apparaître qui peuvent conduire à l’interruption de l’accueil de l’enfant dans la famille. Les services sociaux sont capables de trouver la famille d’accueil la plus adaptée pour l’enfant, en réalisant la meilleure correspondance entre la personnalité de l’enfant et les caractéristiques de la famille d’accueil. Les risques de rupture de placement diminuent car on est capable de faire coïncider les exigences des enfants, des familles d’accueil et d’origine.

Conclusion

49Pour finir, il est important de répéter que les familles d’accueil constituent une ressource importante pour la société civile. Parfois les enfants et les adultes se retrouvent dans des conditions de vie très difficiles, et pour cela ils ont besoin de services sociaux pour les soutenir de façon très efficace.