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Délinquances, police, justice

 | 
Laurent Mucchielli
, 
Émilie Raquet

Délinquances et contextes sociaux en région PACA

Un test à partir des statistiques de police1

Laurent Mucchielli, Émilie Raquet et Claire Saladino

Texte intégral

  • 1 Ce texte a été écrit à la fin de l’année 2011. Depuis cette date, la question des « statistiques de (...)
  • 2 L. Mucchielli, « Les techniques et les enjeux de la mesure de la délinquance », Savoir-Agir, 2010, (...)

1Ah les chiffres… Que ne leur fait-on pas dire ! Dans le débat public, les statistiques relatives aux phénomènes de délinquance ne sont en général pas expliquées ni analysées, elles servent surtout d’arguments d’autorité. Elles sont convoquées pour prouver le bienfondé de l’action d’un gouvernement, ou son échec selon ses opposants. Cela donne des « batailles de chiffres » auxquelles le citoyen ne comprend souvent pas grand-chose, qui n’éclairent guère le débat et surtout qui permettent rarement d’évaluer tant l’état des problèmes que l’efficacité des politiques publiques. La démarche menée à l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux (ORDCS) est toute différente. Nous allons au contraire nous efforcer de rendre les choses les plus transparentes possibles, de donner le niveau de détails le plus fin possible et expliquer le plus pédagogiquement possible comment les chiffres doivent être lus, ce qu’ils disent et ce qu’ils ne disent pas. En toutes circonstances, nous appliquerons ce que l’on peut appeler « les trois règles d’or de l’analyse statistique2 » :

21) On ne peut rien dire d’un chiffre si l’on ignore comment il a été fabriqué.

32) Un seul chiffre ne saurait permettre de décrire ni mesurer un phénomène social complexe.

43) Les chiffres ne « parlent » pas « d’eux-mêmes », c’est nous qui les faisons parler.

Problèmes dans la publication et l’usage actuels des statistiques policières

« La » délinquance n’existe pas

  • 3 Ainsi ce sont les victimes que l’on compte dans le cas des homicides, des violences sexuelles et de (...)

5Nous ne parlerons jamais d’une délinquance qui aurait augmenté ou baissé de x %. Parler de la délinquance, c’est parler de quelque chose qui n’existe pas. Il existe en effet des délinquances, des centaines d’infractions, qui n’ont pas les mêmes auteurs, qui ne font pas les mêmes victimes, qui ne surviennent pas pour les mêmes raisons, ni dans les mêmes contextes sociaux, qui ne sont pas connues ou révélées de la même façon, qui ne sont pas comptées de la même façon et qui ne sont pas traitées de la même façon par les autorités publiques. Qu’y a-t-il de commun entre un meurtre conjugal, un braquage de banque, un vol à l’arraché de téléphone portable, une escroquerie à la carte bancaire, une dégradation de véhicule, un tag, une consommation de joints, un défaut de permis de construire, un « outrage » à enseignant ou à policier, un travail clandestin, une fraude fiscale, une conduite en état alcoolique, une corruption de fonctionnaire, et caetera ? Du reste, l’unité de compte n’est même pas constante, ce qui signifie que les statistiques de police et de gendarmerie ne comptabilisent pas la même chose à chaque fois : tantôt les auteurs, tantôt les victimes, tantôt les « plaignants » (qui ne sont pas forcément les victimes), tantôt les infractions et tantôt les procédures3. Dès lors, mettre tout cela dans un même chapeau, le secouer et en sortir « le chiffre de la délinquance », est un raisonnement statistique qui n’a rigoureusement aucun sens. Et prétendre en faire une évaluation de l’état de la délinquance au niveau national ou au niveau local, est au mieux une erreur, au pire une tromperie. En aucun cas, nous ne nous y prêterons. Nous ne parlerons que de choses précises, nous expliquerons comment elles sont comptées, l’intérêt qu’elles présentent ainsi que leurs limites incontournables. Il ne s’agit donc pas de renoncer à l’analyse des statistiques de police et de gendarmerie, mais de renoncer à leur faire dire ce qu’elles ne peuvent pas dire et d’arrêter d’induire en erreur tant les journalistes, les élus locaux que l’ensemble de nos concitoyens.

Des données de plus en plus défaillantes

6Depuis 2002, derrière une avalanche de déclarations, de communiqués, de conférences de presse et de publications statistiques en tous genres, le ministère de l’Intérieur et l’Observatoire national de la délinquance (OND, devenu ONDRP) n’ont pas favorisé la transparence des données qu’ils produisent. Disons les choses comme elles sont. La lisibilité des données nationales est de moins en moins avérée. Et la qualité des données locales disponibles ne s’est pas améliorée ces dernières années, elle s’est même au contraire plutôt détériorée.

7Jusqu’en 2007, chacun pouvait s’informer dans une sorte de livre publié chaque année, en deux tomes, qui donnait les statistiques de police et de gendarmerie au plan national, au plan régional, au plan départemental et enfin à celui des circonscriptions de police et des compagnies de gendarmerie (tome 1 national, tome 2 local). Ce recueil était fabriqué par la direction centrale de la Police judiciaire du ministère de l’Intérieur, en collaboration avec le ministère de la Défense pour le pendant gendarmerie. Il était édité par La Documentation française, l’éditeur officiel des données et des rapports publics. Les statistiques de police et de gendarmerie (le fameux « état 4001 ») étaient présentées toujours de la même manière et dans le même niveau de détail, même si deux modifications partielles de la nomenclature étaient intervenues en 1988 et 1995, modifications que la publication annuelle explicitait. Ceci a fonctionné de 1972 jusqu’à 2007 inclus. À partir de 2008, les données nationales ne sont plus diffusées en détail que par l’ONDRP. La publication de La Documentation française s’est limitée d’abord à un seul volume qui supprimait sans explication le détail des données régionales et départementales. Mais en faisant quelques additions, l’on pouvait encore les reconstituer. La chose est toutefois devenue impossible à partir de 2010. Depuis cette année, c’est la présentation des statistiques qui a changé, les regroupements ne sont plus les mêmes et il n’y a pas d’explication sur la façon dont ces regroupements sont opérés, ce qui fait que l’on ne peut plus comparer avec les années antérieures. D’abord, nous avons deux nomenclatures différentes, d’un côté une pour les départements (qui sont donc revenus en partie), de l’autre une pour les circonscriptions de police et les compagnies de gendarmerie. Ensuite, certaines catégories sont moins détaillées que les années précédentes, par exemple les vols à main armée et les vols liés à l’automobile et aux deux roues, ce qui est très gênant car ce sont des types d’infractions importants.

8En outre, l’on trouve désormais certaines infractions répétées dans plusieurs grandes catégories, par exemple les vols à main armée se retrouvent dans la catégorie « atteintes volontaires à l’intégrité physique » et « atteintes aux biens », de sorte que l’on créé un double comptage. Comment s’y retrouver et construire une série temporelle ? Nous voilà bien embarrassés.

9Enfin, l’on constate que de nouveaux groupes d’infractions ont été créés comme « phénomènes de type urbain » (qui contient une nouvelle catégorie : « violences entre bandes »), ou encore « interventions pour différents familiaux ». L’impression qui dominait alors était qu’une sorte de jeu à trois mettait aux prises les services statistiques de la DCPJ probablement soucieux de garder le thermomètre, le cabinet du ministre réclamant simplement des « bons chiffres » pour servir sa communication politique et l’ONDRP qui cherchait sans doute à avoir le monopole de la diffusion des chiffres et à imposer ses propres catégories et regroupements.

  • 4 A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 2006.

10À propos de ces regroupements, et pour finir sur ce point, il faut signaler une autre bizarrerie, celle qui consiste pour l’ONDRP à avoir recréé la catégorie de « délinquance crapuleuse » qui, en réalité, n’est pas du tout nouvelle. En effet, il s’agit de la catégorie qui ordonnait la présentation des statistiques policières dans les tout premiers volumes (années 1970 et début 1980). Et si elle avait été abandonnée, c’est peut-être parce que son usage était parfois problématique. On le constate du reste à nouveau avec ces indicateurs de l’ONDRP qui distinguent les « violences physiques crapuleuses », des « violences physiques non crapuleuses » et des vols, tout en précisant que les « vols avec violence » figurent du coup à la fois dans les vols et dans les « violences physiques crapuleuses ». Où finit le voleur et où commence la crapule ? Quelle est exactement la définition d’une crapule et d’un acte crapuleux ? Dans le Dictionnaire historique de la langue française4, on apprend que le mot « crapule » qui désignait à l’origine l’ivrognerie a pris son sens moderne d’« individu malhonnête » ou « sans moralité » vers le milieu du xixe siècle, la signification de l’adjectif suivant la même évolution. Dès lors, on se demande pourquoi le qualificatif de « crapule » ne désignerait que certains délinquants et non tous. Dans quelques dictionnaires actuels, l’adjectif accolé au mot « crime » désigne il est vrai de façon plus restrictive le fait d’agir par « cupidité » c’est-à-dire dans le but de s’enrichir. Mais, dès lors, l’on ne voit pas pourquoi la délinquance économique et financière ne ferait pas partie intégrante de la « délinquance crapuleuse ». En réalité, tout ce qui n’est pas motivé principalement par des antagonismes, des passions ou des pathologies individuels, ou bien par des motivations idéologiques (politiques, religieuses, racistes, etc.) pourrait relever de la délinquance crapuleuse, et l’on ne voit pas l’intérêt scientifique – ni du reste policier et judiciaire – de cette dénomination. Nous pouvons donc nous en passer.

Des problèmes de transparence récurrents

11L’information étant une des clefs du pouvoir, ceux qui cherchent le pouvoir tendent ainsi fatalement à faire de la rétention d’informations. À l’inverse, la démarche de service public devrait obliger à réaliser la transparence la plus totale et à viser l’accessibilité et la compréhension les plus grandes. Or, de ce point de vue, il y a beaucoup à dire sur la difficulté croissante d’accès aux données du ministère de l’Intérieur et sur la lisibilité de moins en moins grande des publications statistiques de l’ONDRP. Deux exemples concrets évidents, en plus de ceux déjà donnés.

12D’abord, interrogeons le site « Cartocrime » (ouvert en fanfare par l’ONDRP en 2009) et cette idée – qui séduit la plupart – de pouvoir cartographier la délinquance. À l’usage, il apparaît en réalité que l’on ne peut obtenir sur ce site aucune donnée locale, l’échelle la plus fine qui est proposée étant l’échelle départementale, qui n’a pourtant aucun intérêt opérationnel.

13Ensuite, au risque de paraître presque un peu boutiquier ou pointilliste, force est de relever les problèmes de lisibilité des bulletins statistiques mensuels et annuels de l’ONDRP. Lorsque l’on accumule des centaines de chiffres et des commentaires descriptifs sur ces chiffres durant des dizaines et des dizaines de pages, à quoi cela rime-t-il ? Comment distinguer l’important de l’accessoire ? Le solide du fragile ? Le significatif du non-significatif ? Du reste, qui lit réellement le détail de ces bulletins ? Très peu de personnes assurément. Et n’est-ce pas au moins en partie parce que ces compilations de chiffres sont à la limite du lisible sur le fond, mais aussi sur la forme ? Nous ne pouvons ici passer sous silence ces tableaux et ces courbes de couleurs différentes, parfois en orange ou en jaune, avec des fichiers images dont le niveau de résolution est trop faible pour donner des images nettes à l’écran ou sur impression. Il serait urgent de revoir tout ce système de publication.

Conditions d’un usage raisonné de ces données

Utiliser correctement les statistiques de police et de gendarmerie

  • 5 J.-H. Matelly, C. Mouhanna, Police : des chiffres et des doutes, Paris, Michalon, 2007.
  • 6 D. Monjardet, « Comment apprécier une politique policière ? Le ministère Sarkozy (7 mai 2002-30 mar (...)

14Contrairement à ce qui a pu parfois être évoqué dans la presse ces dernières années, il ne faut pas supprimer la diffusion des statistiques de police et de gendarmerie mais simplement cesser de leur faire dire ce qu’elles ne peuvent pas dire, cesser d’en faire l’outil par excellence de mesure des délinquances et cesser d’en faire le cœur de l’évaluation de l’activité des policiers et des gendarmes, au point de développer une sorte de traumatisme dans tous les services dont l’inquiétude n’est plus de savoir s’ils maîtrisent les problèmes de délinquance dont ils ont la charge mais de savoir si, à la fin de l’exercice en cours, ils auront les « bons chiffres » à transmettre à l’échelon hiérarchique supérieur5. Ceci est désastreux à tous points de vue. À cet égard, le comble a été atteint tout au long de ces dernières années, lorsque – à partir de mai 2002 – le ministre de l’Intérieur a pris cette singulière habitude de convoquer les responsables de police et de gendarmerie dont les circonscriptions enregistraient le plus de faits de délinquance pour leur expliquer qu’ils faisaient mal leur travail6. Ceci est parfois un contresens. Il serait facile de retourner le problème : sachant que ces statistiques comptent non pas l’ensemble des actes de délinquance réellement commis sur le territoire donné mais le nombre de procédures réalisées par ces fonctionnaires et ces militaires, ne devrait-on pas au contraire féliciter ces responsables dont les statistiques suggèrent que leurs services ont été particulièrement actifs ?

  • 7 B., Aubusson de Cavarlay « Les statistiques de police : méthodes de production et conditions d’inte (...)

15Cessons donc de faire dire à ces statistiques ce qu’elles ne peuvent pas dire. Cessons également de diffuser ces chiffres à travers des agrégats qui ne veulent rien dire. Raisonnons au contraire de façon empirique en inversant la démarche : partons du détail, partons du terrain, et montons progressivement en généralité. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé. Nous sommes donc partis des infractions enregistrées dans le fameux « état 4001 », ce que l’on y appelle les faits constatés, c’est-à-dire les procès-verbaux dressés par les fonctionnaires et les militaires à la suite des plaintes des victimes ou de leurs propres constatations (flagrants délits, opérations de police judiciaire), en assumant pleinement le fait qu’il ne s’agit pas d’un recensement de la délinquance, que l’on y compte que ce qui a été procéduralisé, qu’en sont exclues les contraventions (donc la plupart des « incivilités ») ainsi que l’ensemble du contentieux routier, de même qu’une partie des contentieux gérés par d’autres administrations, par exemple le fisc7. Nous utiliserons ici ces chiffres parce que ce sont les seuls indicateurs qui existent actuellement au niveau local et parce qu’il est possible de les utiliser intelligemment malgré tout. Mais leur limite est bien connue des chercheurs, de même qu’est bien établie la nécessité de compléter ces données par la réalisation d’enquêtes en population générale, en particulier d’enquêtes de victimation.

Faire des regroupements qui ont du sens

16« Atteintes aux biens », « atteintes aux personnes », « violences urbaines », « infractions révélées par l’initiative des services »... tous ces agrégats administratifs n’ont guère de sens, ils mélangent des infractions qui n’ont pas nécessairement les mêmes auteurs, les mêmes victimes, les mêmes lieux et les mêmes causes. En réalité, au sein d’un seul et même intitulé d’infraction parmi les 107 de l’« état 4001 », peuvent se trouver saisies des affaires de nature très différente. Prenons deux exemples. En matière d’atteintes aux personnes, une seule infraction occupe à elle seule la grande majorité des affaires, c’est l’index n° 6 : les « coups et blessures volontaires criminels ou correctionnels ». Or on y trouve aussi bien les violences conjugales que les bagarres entre collégiens ou lycéens, les affrontements entre bandes, les querelles d’automobilistes, les bagarres d’adultes alcoolisés à la sortie de bars ou durant les fêtes, spectacles et autres bals populaires, les violences entre supporters d’un match de foot, ou bien entre colleurs d’affiches pendant les campagnes électorales, etcetera. Examinons ensuite le cas de l’index n° 10, les « séquestrations ». On peut y trouver aussi bien le cas d’une femme empêchée de sortir par un mari jaloux que celui d’enfants retenus par un père qui ne veut pas les rendre à son ex-femme après le week-end, que le cas d’un chef d’entreprise retenu par des syndicalistes dans son bureau ou encore le cas de l’enlèvement contre rançon d’un riche industriel par un groupe de délinquants organisés.

17Comment sortir de ce problème et construire des agrégats qui aient un peu d’homogénéité au regard des phénomènes de délinquance ? Pour aller plus loin, il fallait innover, expérimenter. Nous avons ainsi constitué un petit groupe de travail informel, constitué d’un procureur de la République, d’un commandant de gendarmerie, d’un capitaine de police et de deux brigadiers-chefs de police. Avec chacun d’entre eux, ont été discutés un à un les 107 index de l’état 4001, afin de déterminer s’il y avait un peu, beaucoup ou pas du tout de cohérence à la fois dans les comportements délinquants poursuivis à travers tel index et dans les logiques d’action policière conduisant à la verbalisation de ces comportements. Au final, nous avons écarté 42 des 102 infractions (4 index sont vierges et le 107e est intitulé « autres ») contenues dans l’« état 4001 », soit une petite moitié. Nous avons ensuite discuté de la signification des 60 index conservés et des agrégats que l’on pouvait éventuellement reconstituer avec eux. Et nous en avons établi cinq, en choisissant des intitulés qui leur donnent donc l’allure de catégories sociologiques et non juridiques, assumant encore une fois le caractère approximatif, indicatif et expérimental de cet exercice.

18La « petite et moyenne délinquance économique ». C’est au fond l’ensemble des vols et des cambriolages. Parler de délinquance « économique » vise à rappeler quelle est la motivation de ces comportements délinquants : l’argent. Et nous la qualifions de « petite et moyenne » car il est impossible à ce stade de distinguer la délinquance d’opportunité vraiment amatrice (comme peuvent l’être un vol à l’étalage ou un vol à la tire, mais pas toujours) de la délinquance déjà plus aguerrie (comme peuvent l’être le cambriolage ou le vol avec violence, mais pas toujours). Ajoutons que ces infractions constatées sont aussi à peu près homogènes dans leur mode de signalement : sauf exceptions (quelques cas de flagrants délits) elles proviennent des plaintes des victimes.

  • 8 Notez que nous disons « discriminante » et non « discriminatoire », pour entériner un constat - sur (...)
  • 9 Sur ce point, voir notamment V. Le Goaziou, L. Mucchielli, La violence des jeunes en question. Nîme (...)
  • 10 M-D Barré, « La répression de l’usage de produits illicites : état des lieux », CESDIP, Études et d (...)
  • 11 À l’instar des membres du Conseil scientifique qui l’ont relevé lors de la réunion du 13 décembre 2 (...)

19L’« indicateur de conflits sociaux ». Nous faisons ici le raisonnement sociologique suivant : puisque les procédures faites pour « simple usage de stupéfiants », « outrages » et « rébellions » ou « violences » à « personnes dépositaires de l’autorité publique », « destructions-dégradations de biens publics », « destructions et dégradations de véhicules privés », concernent principalement les habitants des quartiers populaires, alors la signification sociale de ces infractions doit être assumée. L’on aurait pu parler plutôt de « délinquances d’ordre public », mais le caractère socialement discriminant du maintien de cet ordre public est trop évident pour ne pas être considéré comme l’information prioritaire. Ces comportements soit sont déjà par eux-mêmes la traduction de conflits sociaux, soit résultent d’une pression policière et judiciaire s’exerçant de façon clairement discriminante8 sur les habitants de ces quartiers. Ces affirmations peuvent surprendre, elles sont pourtant des constats de la recherche sociologique9. Les enquêtes en population générale indiquent qu’un grand nombre de jeunes consomment de la drogue (essentiellement du hachisch) et ce dans tous les milieux sociaux, dans des proportions au moins égales sinon supérieures dans les classes moyennes et les classes supérieures. Or les dépouillements de dossiers policiers et judiciaires montrent que la très grande majorité des procédures concernent des jeunes de classes populaires10. Assumons ce constat et appelons un chat un chat. C’est donc un indicateur de « conflits sociaux » que nous avons conçu11. Ajoutons qu’à l’exception d’une partie des destructions et dégradations de véhicules privés, ces infractions constatées procèdent – au contraire de la catégorie précédente – des initiatives policières et non des plaintes de victimes.

20La « délinquance organisée » constitue le troisième indicateur. Bien entendu, là encore, il s’agit d’une approximation. Mais nous avons retenu comme entrant dans cette catégorie les « règlements de compte entre malfaiteurs », les « prises d’otages à l’occasion de vols », les « vols à main armée contre des établissements financiers », les « vols à main armée contre des entreprises de transports de fonds », le « proxénétisme », les « trafics et reventes sans usage de stupéfiants », les « attentats à l’explosif », les « faux documents d’identité » et la « fausse monnaie »

  • 12 E. Sutherland, « La criminalité en col blanc est-elle une forme de criminalité ? » (1937), traduit (...)

21La « délinquance en col blanc » est notre quatrième catégorie. Nous avons repris cette vieille expression du pionnier de la sociologie du crime, l’américain Edwin Sutherland (« white collar crime »), qui ne désigne ni un type de délinquance, ni une motivation (c’est le même appât du gain que dans le premier type de délinquance), mais le niveau social des délinquants : c’est la délinquance des élites économiques et politiques de la société12. Nous y avons regroupé de façon imparfaite mais dominante les « faux en écriture publique et authentique », les « contrefaçons et fraudes industrielles et commerciales », l’« emploi d’étrangers sans titre de travail », le « marchandage-prêt de main-d’œuvre », les « banqueroutes, abus de biens sociaux et autres délits de société » de même que les « prix illicites, publicité fausse et infractions aux règles de la concurrence ».

  • 13 L. Mucchielli, L’invention de la violence. Des peurs, des chiffres, des faits, Paris, Fayard, 2011.

22Les « violences interpersonnelles » constituent la dernière de nos cinq grandes catégories. Nous y avons regroupé l’ensemble des violences physiques, sexuelles et verbales à l’exclusion donc des violences à personnes dépositaires de l’autorité publique (entrant dans l’indicateur de conflits sociaux). Et nous l’avons fait en sachant toutefois que cette catégorie est globalement un fourre-tout dont il est peu probable que nous pourrons faire quoi que ce soit au plan statistique13.

23Dans la suite de ce travail, nous nous concentrerons sur la « petite et moyenne délinquance économique » ainsi que sur l’« indicateur de conflits sociaux », qui occupent dans la période actuelle le cœur des enregistrements statistiques policiers.

Calculer et raisonner en taux et non en chiffres bruts

  • 14 Le choix de ces années a trois motivations. La première est la nécessité de regrouper plusieurs ann (...)

24La première règle de calcul que nous appliquons consiste naturellement à rapporter le nombre d’infractions constatées à des populations, autrement dit de raisonner en taux et non en chiffres bruts. Comparer par exemple tel ou tel type d’infractions constatées à Paris et à Marseille n’a aucun sens puisque la première est deux fois et demie plus peuplée que la seconde. Comparons donc les niveaux de délinquance enregistrée (construits – comme les suivantes dans tout ce texte – à partir des données relatives aux années 2005, 2006 et 200714), selon que l’on produit les chiffres bruts ou les taux.

Différence entre les classements (effectifs / taux)

Différence entre les classements (effectifs / taux)

25Sur le premier tableau, qui donne simplement les nombres d’infractions constatées enregistrées par circonscriptions de sécurité publique (CSP) et compagnies de gendarmerie, l’on constate évidemment la concentration marseillaise bien connue et qui semble justifier cette réputation de Marseille la violente. Suivent les trois plus grosses CSP de la Région : Nice, Toulon et Aix-en-Provence. Sur le seconde tableau, nous avons simplement calculé des taux en fonction de la population résidente. Et une première surprise apparaît alors. Ce n’est plus la CSP de Marseille qui arrive en tête mais celle de Cannes (qui inclut les villes de Cannes et Mandelieu). Cannes, sa croisette, son Palais des festivals... Et à propos de festival, la seconde place du classement n’est plus la CSP de Nice mais celle d’Avignon. Comment comprendre cette différence au regard du détail des infractions prises en compte ?

  • 15 P. Robert, M-L Pottier, « Les préoccupations sécuritaires : une mutation ? », Revue française de so (...)

26L’exemple de la CSP de Cannes. Si l’on compare la CSP de Cannes à celle de Marseille, l’on constate une différence importante sur la « petite et moyenne délinquance économique » et en particulier sur les « cambriolages de résidences secondaires » puis de « résidences principales » (la CSP de Cannes détient le record régional des « cambriolages de résidences secondaires » juste après la compagnie de gendarmerie de Gassin-Saint Tropez). On constate ensuite une différence assez importante dans les « violences interpersonnelles », surtout dans les « violences verbales » (« menaces ou chantages dans un autre but » et « atteintes à la dignité et à la personnalité »). Ce qui fait écho à une question que pose régulièrement notre collègue Philippe Robert15 dans ses analyses des enquêtes de victimation et du sentiment d’insécurité lorsqu’il constate que les milieux sociaux aisés déclarent davantage de violences verbales au cours des années 2000 : s’agit-il d’une hausse de l’agressivité dans les relations sociales ou bien d’une sensibilité et d’une intolérance de plus en plus grande de ces milieux favorisés ? Ou bien les deux à la fois ? Nous ne pouvons à ce stade que soulever la question et encourager un approfondissement des travaux d’analyse du comportement de plainte des victimes, afin de vérifier d’une part si, à infraction égale, le taux de plainte varie selon les milieux sociaux, d’autre part si le taux de plainte dans les milieux aisés tend à augmenter avec le temps. On constate enfin que notre « indicateur de conflits sociaux » est également significativement plus important dans la CSP de Cannes qu’à Marseille, notamment sur les « destructions et dégradations de véhicules privés ». On voit que tout ici nous amène à poser la question des conséquences en terme de délinquances du fait que, sur certains territoires, se côtoient des milieux très défavorisés et les plus grandes richesses. Et nous verrons tout à l’heure que cette question reçoit d’autres arguments et d’autres références sociologiques classiques. Notons aussi qu’à plusieurs égards, la situation de la CSP de Nice pourrait s’analyser un peu de la même manière que celle de Cannes.

27L’exemple de la CSP d’Avignon. Comparons à présent la CSP d’Avignon à celle de Marseille. Ici, pas de différence sur l’indicateur « violences interpersonnelles », ni sur l’indicateur « petite et moyenne délinquance économique ». En revanche, il y a à nouveau une différence significative sur l’« indicateur de conflits sociaux », notamment sur les « destructions et dégradations de véhicules privés ». Ceci nous rappelle là aussi l’importance de raisonner en taux et non en effectifs. Les quartiers pauvres de Marseille sont très peuplés et en situation très difficile. Mais ramenés à la taille de la ville, certains quartiers populaires d’autres villes sont sans doute dans une situation au moins aussi difficile.

  • 16 Observatoire régional du tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur (2004-2010), Bilans (annuels) de fr (...)

28Ceci étant dit, même en calculant des taux à partir des populations officielles des communes (données du recensement rénové de la population de l’INSEE), l’on risque fort de demeurer encore assez éloigné de la réalité sociale. En effet, le nombre de personnes circulant réellement sur le territoire d’une commune peut être beaucoup plus élevé que le nombre de personnes y résidant. Ceci peut être vrai de manière permanente ou saisonnière, en raison notamment de l’activité commerciale située sur la commune, de ses équipements en transport collectif (présence ou non d’un aéroport, d’une gare, d’une sortie d’autoroute, etc.), de ses hébergements collectifs spécialisés (présence de foyers d’accueil de jeunes en difficulté, de bases de loisirs, etc.), ou encore de son attractivité touristique qui peut multiplier par cinq, dix ou plus le nombre de personnes résidant dans une commune en saison16. Il est donc nécessaire de réfléchir à l’introduction dans le calcul des taux d’indicateurs de flux de population et non simplement de population résidante. À notre connaissance, ceci n’a jamais été testé en France en matière de délinquance.

Le calcul des flux touristiques et la notion de « bassin de vie »

Méthodologie

  • 17 C. Terrier, « Flux et afflux de touristes : les instruments de mesure, la géomathématique des flux  (...)

29La première personne à avoir travaillé sur les flux touristiques dans le sens qui nous intéresse est probablement Christophe Terrier à l’INSEE, en collaboration avec la direction du Tourisme et un institut de sondages17. Son travail s’est situé au niveau des départements, sur des données de l’année 2005, avec une estimation des flux au jour le jour. La notion de population résidente (issue du recensement) étant insatisfaisante, il a introduit celle de « population présente », incluant donc les flux touristiques, en d’autres termes les flux entrant et sortant du département. Est considérée comme touriste, toute personne dormant hors de son département de résidence INSEE au moins une nuit. Empiriquement, C. Terrier s’est basé sur une enquête de la Sofres commandée par le ministère du Tourisme pour compter les touristes français (entrants et sortants), et sur deux enquêtes pour compter les touristes étrangers (enquête aux frontières de 1996 et enquêtes mensuelles de fréquentation hôtels et campings).

  • 18 B. Baccaïni, « Observation et concepts en matière de migrations internes », in G. Caselli, J. Valli (...)

30Le travail de Christophe Terrier a ensuite été repris à l’INSEE par l’équipe de Brigitte Baccaïni18. À leur tour, les statisticiens ont cherché à estimer mensuellement la population présente mais à un niveau plus fin : le « bassin de vie ». L’INSEE en donne la définition suivante : Le bassin de vie est le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements de la vie courante et à l’emploi. Les services et équipements de la vie courante servant à définir les bassins de vie comportent quatre catégories : les équipements concurrentiels (supermarchés, grande surface non alimentaire, magasins, banques, etc.), les équipements non concurrentiels (gendarmerie, perception, Pôle Emploi, maison de retraite, bureau de poste, crèche, etc.), les équipements de santé et les établissements scolaires. Sur ces bases, l’on recense 90 bassins de vie dans la région PACA.

  • 19 Le recensement rénové de la population a été mis en place avec la loi du 27 février 2002, relative (...)

31En se fondant toujours sur des données de l’INSEE et de la direction du Tourisme, ces chercheurs ont estimé la population présente à partir des emplois touristiques (c’est-à-dire les emplois générés par le tourisme que ce soit dans les hôtels mais également dans les supermarchés, les banques…). Cette méthode permet d’appréhender le solde de flux touristiques, c’est-à-dire la différence entre les touristiques entrants et les sortants19.

32Pour notre part, soucieux de pouvoir travailler à l’échelle la plus fine possible, nous sommes repartis des travaux de l’INSEE sur les bassins de vie. Les sources que nous avons utilisées sont :

  • le recensement rénové de la population 200619 ;
  • l’estimation de la population avec les flux touristiques par bassin de vie en 2006 ;
  • la capacité d’hébergement touristique des communes, soit le nombre de lits des hôtels et le nombre d’emplacements des campings, à partir de l’enquête Tourisme réalisée tous les ans par l’INSEE et la direction générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services ;
  • le nombre de résidences secondaires (recensement rénové 2006).
  • 20 B. Baccaïni, « Observation et concepts en matière de migrations internes », op. cit. ; B. Baccaïni, (...)

33Nous avons d’abord observé la différence entre la population du recensement rénové (RRP) et l’estimation de la population incluant les flux touristiques au niveau des bassins de vie (méthode Baccaïni20). Deux cas se sont alors posés : soit la population du recensement était supérieure à la population estimée (ce qui signifie qu’il y a plus de sortants que d’entrants), soit la population du recensement était inférieure (il y a plus d’entrants que de sortants). Dans le premier cas, nous avons soustrait la population que l’on trouvait en surnuméraire dans le recensement en fonction du poids de la commune dans le bassin de vie correspondant. Dans le second cas, nous nous sommes servis de l’offre d’hébergement des communes et nous avons multiplié cette offre par le nombre de personnes pouvant être accueillies. Dans ce calcul, nous avons fait un choix de barème pour chaque type d’hébergement : deux personnes par lit d’hôtel en moyenne, trois personnes par emplacement de campings et deux personnes et demi par résidence secondaire. Par exemple, une commune avec 10 lits d’hôtels, 5 emplacements de campings et 2 résidences secondaires pourrait théoriquement accueillir 40 personnes (10 x 2 + 5 x 3 + 2 x 2.5). Nous avons ainsi obtenu, ce que nous avons appelé, une « capacité d’accueil théorique » par commune.

34Ensuite, nous avons réparti la différence entre la population du recensement des différentes communes et la « capacité d’accueil théorique » par communes. Nous avons ainsi obtenu une estimation communale de la population corrigée avec les flux touristiques. Enfin, nous avons regroupé les communes par zones de police et de gendarmerie.

Premiers résultats

35Pour plus de 8 bassins de vie sur 10, c’est au mois d’août que l’on constate le plus de différence entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques (carte n° 1). Ceci y compris dans les zones montagneuses, notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence.

36Nous avons également réalisé deux cartes pour mesurer le poids de cet écart, une sur le mois d’août (carte n° 2) et une autre sur la moyenne de l’année 2006 (carte n° 3). Ceci nous permet de mettre en évidence les bassins de vie où les écarts sont les plus importants.

Carte 1. Mois où l’on compte le plus d’écart entre le recensement de la population et la population corrigée avec les flux touristiques, 2006

Carte 1. Mois où l’on compte le plus d’écart entre le recensement de la population et la population corrigée avec les flux touristiques, 2006

Carte 2. Écart entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques, août 2006

Carte 2. Écart entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques, août 2006

Carte 3. Écart entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques, moyenne annuelle 2006

Carte 3. Écart entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques, moyenne annuelle 2006

37Un pic est atteint en février avec près de douze fois plus de personnes (19 000 personnes) que dans le recensement.

38– Même chose sur le bassin de vie de Saint-Jean-Saint-Nicolas, où l’on compte en moyenne trois fois plus de personnes que ce qui est comptabilisé dans le recensement rénové (7 300 personnes avec les flux touristiques contre 2 072 dans le recensement). Un pic est atteint toujours en février avec près de six fois plus de personnes (13 650 personnes) que dans le recensement.

39Concernant à présent les bassins de vie des grandes villes :

  • Le bassin de vie de Marseille Aix-en-Provence (qui rassemble 56 communes) amène au contraire à réduire la population du recensement : on compte en moyenne 3 % de personnes en moins avec un pic en août (- 7,3 %).
  • Même chose pour le bassin de vie d’Avignon (qui rassemble 50 communes) : on compte en moyenne 1,3 % de personnes en moins avec un pic en août (- 2,7 %).
  • C’est l’inverse pour le bassin de vie de Nice (qui rassemble 121 communes) qui est plus touristique et moins industrieux : on compte en moyenne 3 % de personnes en plus avec un pic en août (+ 7 %).
  • Même chose pour le bassin de vie de Toulon (qui rassemble 28 communes) : on compte en moyenne 4 % de personnes en plus avec un pic encore plus important en août (+ 18 %).

40Au final, les cartes font ressortir les territoires connaissant les plus fortes augmentations de population au mois d’août. On y voit certes apparaître des communes du Var comme Cavalaire-sur-Mer et Le Lavandou, mais on y voit surtout que le phénomène concerne encore plus l’arrière-pays montagneux, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes.

Qu’est-ce que cela change ?

Ces nouveaux calculs changent peu de choses en ce qui concerne les grandes villes, comme l’indique le tableau ci-dessous.

Ces nouveaux calculs changent peu de choses en ce qui concerne les grandes villes, comme l’indique le tableau ci-dessous.

41En revanche, pour d’autres territoires, les choses changent fortement :

  • la compagnie de gendarmerie de Gassin-Saint-Tropez passe de la 8e position (selon le taux calculé à partir de recensement) à la 24e place (selon le taux calculé avec la population corrigée par les flux touristiques).
  • la CSP de Fréjus passe de la 13e position à la 22e.
  • la compagnie de gendarmerie de Fréjus passe de la 34e position à la 44e.
  • la CSP de Briançon passe de la 28e position à la 47e.
  • la compagnie de gendarmerie de Briançon passe de la 45e position à la 57e.

Éléments de cartographie et d’analyse statistique

42Nous allons à présent – et pour finir – nous livrer à un exercice cartographique et statistique. Ce travail a consisté d’abord à superposer des cartes d’indicateurs variés, à partir d’hypothèses générales que l’on peut légitimement faire. Ensuite, nous avons procédé à une analyse statistique poussée (voir ci-dessous l’encadré méthodologique) afin de rechercher les relations significatives existant entre d’une part les données policières et gendarmiques et d’autre part les variables de contextes démographique et socio-économique, principalement des données INSEE. Afin d’avoir un nombre d’effectifs suffisant, nous avons réalisé nos calculs sur le taux d’infractions constatées, d’abord pour le total des 107 postes puis, dans la mesure où cet indicateur global n’a pas vraiment de sens, sur l’indicateur de « petite et moyenne délinquance économique » ainsi que sur l’« indicateur de conflits sociaux », ces taux incluant les flux touristiques. Nous avons également testé l’indicateur de « violences interpersonnelles » mais la faiblesse des effectifs n’a pas permis d’aller aussi loin dans les calculs statistiques que pour les autres indicateurs.

Encadré méthodologique : rappel de la signification des notions employées
Le test du Khi 2 permet de tester l’existence d’une liaison statistiquement significative entre deux variables (en rappelant bien qu’une liaison entre deux variables ne signifie pas qu’elles entretiennent une relation de cause à effet, elles peuvent par exemple être toutes les deux les effets d’une troisième variable). On dira d’une relation statistique qu’elle est significative au seuil p (appelé « seuil de significativité ») si la probabilité de se tromper en faisant l’hypothèse d’un lien entre les deux variables est inférieure ou égale à p. Dans notre étude, les effectifs n’étant pas très importants, nous avons placé le seuil de significativité à 3 %.
La régression permet de dépasser le stade simple de la liaison entre deux variables en tenant compte dans l’analyse de plusieurs variables et de leurs forces explicatives. L’intérêt de cette technique est de quantifier la force de l’association entre chaque variable en tenant compte de l’effet des autres variables intégrées dans le modèle. C’est ce qui permet le fameux raisonnement « toutes choses égales par ailleurs ».
L’analyse multidimensionnelle est une autre technique statistique complexe, qui permet d’analyser simultanément plusieurs variables. Plusieurs types d’analyses peuvent être utilisés selon la nature des variables. Pour simplifier, l’analyse multidimensionnelle vise à rassembler la quasi-totalité de l’information initiale en s’attachant aux correspondances entre les caractères et permet ainsi d’obtenir une représentation graphique des tableaux de contingence.

La jeunesse n’est qu’un mot

43Nous avons construit un indicateur de jeunesse (voir la carte n° 4 « La part des 13-18 ans dans la population, en 2008 ») et nous l’avons comparé avec les taux d’infractions constatées par les services, que ce soit l’ensemble des index, la « petite et moyenne délinquance économique » (carte 5) ou l’« indicateur de conflits sociaux ». Et la conclusion qui en ressort est qu’il n’y a pas de corrélation globale entre les taux d’infractions constatées et la jeunesse. Même si on note sur les cartes une part importante de jeunes dans les CSP associées à des grandes villes (Marseille, Orange, Carpentras, Tarascon) avec des taux importants d’infractions (CSP de Marseille : 2e taux de « petite et moyenne délinquance économique » ; CSP de Tarascon : 2e taux d’ » indicateur de conflits sociaux »), le lien taux d’infractions constatées/jeunesse n’est absolument pas systématique. Certains territoires comportent une part très importante de jeunes (compagnies de gendarmerie de Barcelonnette et de Brignoles) tout en ayant des taux d’infractions très peu élevés. Par ailleurs, la CSP de Cannes, qui détient les taux maximums que nous avons déjà vus, abrite une proportion de jeunes de 13-18 ans beaucoup plus faible.

44Les calculs statistiques confirment cette comparaison cartographique à savoir qu’il n’y a pas de relation entre le poids de la jeunesse dans l’ensemble de la population et les taux d’infractions excepté pour l’« indicateur de conflits sociaux », mais cette dernière relation n’est pas un lien de cause à effet.

  • 21 Rappelons que le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la population active (actifs o (...)

45En analysant les cartes, il ne semble pas y avoir de lien évident entre les zones où le taux de chômage des jeunes est important (c’est-à-dire supérieur à 30 %) et les zones où l’on constate un taux important de « petite et moyenne délinquance économique21 ». En revanche, on note une similitude cartographique entre les zones de chômage important et l’« indicateur de conflits sociaux » : c’est le cas des CSP de Tarascon, Avignon, Arles et Marseille. Mais, ce lien ne se vérifie pas partout : par exemple dans les CSP de la Côte d’Azur (Cannes, Fréjus, Nice et Antibes) qui ont un « indicateur de conflits sociaux » élevé mais un taux de chômage proche de la moyenne PACA.

  • 22 D. Fougere, F. Kramarz, J. Pouget, « L’analyse économétrique de la délinquance : une synthèse de ré (...)

46Les calculs statistiques nous permettent d’approfondir l’analyse et révèlent finalement un lien significatif entre le taux de chômage des jeunes et notre indicateur de « petite et moyenne délinquance économique ». Ceci corrobore en partie les résultats des deux précédentes études statistiques menées sur les liens entre chômage des jeunes et délinquance à partir des données policières françaises22.

47Nous avons également analysé la part des jeunes de 15 à 24 ans sortis du système scolaire sans aucun diplôme (carte 7 « Part des 15-24 ans non scolarisés sortis sans diplôme, en 2008 »). Et nous avons constaté, en superposant les cartes, un lien partiel mais non univoque et systématique. En effet, des zones avec des taux importants de « petite et moyenne délinquance économique » sont également des zones dans lesquelles on trouve une part importante de jeunes sortis sans diplôme. C’est le cas de la CSP de Marseille, Marignane, Avignon, Tarascon, Cavaillon, Cannes et Nice. Mais ce lien ne se vérifie pas partout, d’autres territoires ont beaucoup de jeunes sans diplôme tout en ayant moins d’infractions constatées. C’est notamment le cas des CSP d’Arles et d’Orange, ainsi que des compagnies de gendarmerie d’Avignon et du centre Var.

48Enfin, notons que l’on constate à nouveau des similitudes entre la carte de l’« indicateur de conflits sociaux » et la part de jeunes sans diplôme pour les CSP d’Avignon, Cavaillon et Tarascon. Néanmoins, ce constat n’est pas vérifié avec le test du Khi2.

  • 23 Pour un portrait de la jeunesse et de ses difficultés d’intégration en région PACA, cf. N. Jourdan, (...)

49Concluons à présent sur cette première série de test concernant la jeunesse. Si certains liens ont pu être mis en évidence entre les données sur la jeunesse et les taux d’infractions constatées, ces liens ne sont pas des relations de cause à effet. Plus que la jeunesse, c’est la jeunesse en situation de marginalisation sociale qui est liée à la fréquence des infractions23. Il ne suffit donc pas d’être jeune pour être délinquant, on le souligne volontiers compte tenu des fréquents discours entendus dans l’espace public et sans doute caractéristiques d’une société vieillissante et apeurée.

  • 24 Sur les ZUS : C. Chevalier, F. Lebeaupin, « La population des zones urbaines sensibles », INSEE Pre (...)

50Les variables explicatives sont à aller chercher dans d’autres données contextuelles. Les ZUS (Zones urbaines sensibles) apparaissent ainsi comme une variable importante pour les taux d’infractions constatées des 107 index et surtout une variable essentielle de l’« indicateur de conflits sociaux24 ». Les régressions montrent que les zones avec ZUS ont 3,75 fois plus de chance d’avoir un taux global d’infractions constatées important (supérieur à 660 pour 10 000) par rapport aux zones sans ZUS ; et surtout 18 fois plus de chance d’avoir un « indicateur de conflits sociaux » important (supérieur à 112 pour 10 000).

  • 25 P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1984.

51« La jeunesse n’est qu’un mot » : la célèbre formule de Pierre Bourdieu25 semble ici des mieux adaptées. La variable « jeunesse » disparaît en effet totalement derrière d’autres, de type socio-économique.

L’importance des variables socio-économiques

52Les analyses statistiques nous permettent de mettre en évidence un certain nombre de variables corrélées aux taux d’infractions, ces variables étant par ailleurs liées entre elles : l’importance du taux de chômage et notamment le chômage des jeunes, l’importance de la part des familles monoparentales et surtout la part de celles dont le parent n’est pas actif, l’importance de la part des familles nombreuses (4 enfants et plus), la densité de population qui traduit le type d’espace (espace urbain / espace rural) et l’importance de la part de la population résidant dans une ZUS. Cependant, ces variables n’apparaissent comme des variables explicatives que pour certains de nos indicateurs. Ainsi, pour l’« indicateur de conflits sociaux », le fait pour les territoires d’abriter ou non une ZUS apparaît comme la variable explicative la plus forte, suivie par le taux de chômage, la densité de population et dans une moindre mesure la part des familles nombreuses.

53Mais, pour la « petite et moyenne délinquance économique » et pour les « violences interpersonnelles », aucun lien de cause à effet n’a pu être vérifié statistiquement avec ces variables contextuelles. Ce sont donc d’autres variables qui expliquent que les taux de ces indicateurs sont plus ou moins élevés. Pour la « petite et moyenne délinquance économique », nous allons voir que l’on peut émettre l’hypothèse selon laquelle la variable sur les inégalités de revenus est une variable explicative forte mais que le manque de données plus complètes ne nous permet pas de vérifier statistiquement ce lien. Pour les « violences interpersonnelles », le côté « fourre-tout » de la catégorie que nous avons déjà souligné ne nous permet pas de formuler une hypothèse précise à ce stade.

  • 26 Pour un portrait statistique des populations immigrées en région PACA : C. Pillet, « Les population (...)

54Précisons pour terminer que nous avons systématiquement testé la variable « importance des immigrés dans la population du territoire » et que celle-ci s’est révélée soit non significative au test du Khi2 (c’est le cas pour la « petite et moyenne délinquance économique »), soit significative à ce test mais non explicative au terme des régressions (c’est le cas pour le taux global d’infractions constatées et pour l’« indicateur de conflits sociaux »)26. Il s’agit donc d’une variable que le sens commun érige parfois en explication alors même qu’elle n’explique rien en elle-même, ce sont bien les variables socio-économiques qui sont les véritables facteurs explicatifs.

Indicateur de jeunesse : la part des 13-18 ans dans la population en 2008

Indicateur de jeunesse : la part des 13-18 ans dans la population en 2008

Carte 5. Part des 15-24 ans non scolarisés sortis sans diplôme en 2008

Carte 5. Part des 15-24 ans non scolarisés sortis sans diplôme en 2008

Carte 6. Taux de chômage auto-déclaré des 15-24 ans en 2008

Carte 6. Taux de chômage auto-déclaré des 15-24 ans en 2008

Carte 7. Taux de petite et moyenne délinquance économique (moyenne 2005-2006-2007) en PACA selon la population corrigée avec les flux touristiques

Carte 7. Taux de petite et moyenne délinquance économique (moyenne 2005-2006-2007) en PACA selon la population corrigée avec les flux touristiques

Carte 8. Part de la population en ZUS en 2006

Carte 8. Part de la population en ZUS en 2006

55Nous venons de voir que, de tous les calculs effectués, le résultat le plus déterminant était l’explication du niveau de l’« indicateur de conflits sociaux » par la présence ou non d’une ZUS sur le territoire concerné, ce critère jouant aussi sur l’ensemble de la délinquance enregistrée. Autour de cette « variable ZUS », nous avons vu aussi que gravitaient logiquement des variables pointant des fragilités familiales, sociales et économiques classiques – à commencer par le taux de chômage –, dont la plupart participent du reste à la définition même des ZUS selon l’INSEE. Que la présence d’enclaves de pauvreté et d’exclusion ait un lien essentiel avec certaines formes de délinquance constitue ainsi un résultat incontestable de l’analyse statistique.

  • 27 C. Crover, Crime and inequality. London, Willan Publishing, 2008 ; J. Hagan, R. Peterson, Crime and (...)

56Cela étant, pour qu’il y ait un vol, il ne suffit pas qu’il y ait un voleur potentiel, il faut aussi qu’il y ait quelque chose à voler. C’est un constat fait par la sociologie américaine du crime depuis plusieurs décennies27. Le niveau des infractions constatées (en particulier de vols et de cambriolages) n’est généralement pas le plus important là où la pauvreté est la plus forte et où les pauvres vivent entre eux. Il est souvent le plus fort là où les écarts de richesse sont les plus importants et où les pauvres côtoient tous les jours les plus riches. Comment tester cette hypothèse ici ? Au plan statistique, nous disposons d’un indicateur classique et synthétique pour mesurer les inégalités de revenus fiscaux, c’est l’« indice de Gini ». Nous l’avons donc testé au plan cartographique (carte 11 « Indicateur d’inégalités de revenus fiscaux en 2009 pour les communes de plus de 2 000 habitants, l’indice de Gini »). Mais comme il n’est calculable que pour les communes de plus de 2 000 habitants (soit à peu près un tiers des communes de la Région), nous n’avons pas pu aller plus loin dans l’analyse statistique. Force est donc de se contenter pour le moment des rapprochements suivants :

57Sur le taux d’infractions constatées des 107, les CSP de Nice, Cannes, Marseille, Aix et Avignon ont les taux les plus forts et un indice de Gini supérieur à 0,40, traduisant des inégalités importantes de revenus.

58– Pour la « petite et moyenne délinquance économique », on note également des hypothèses de corrélations fortes pour les CSP de Cannes, Nice, Marseille, Aix, Avignon, Vitrolles et la compagnie de gendarmerie de Gassin.

59– Même chose pour l’« indicateur de conflits sociaux » pour les CSP de Cannes, Avignon, Tarascon et Cavaillon.

60Au final, nous pouvons dire que cet « indicateur de contextes sociaux » est celui qui entretient le plus de liens apparents (superposition cartographique) avec les infractions constatées. Ceci autorise une hypothèse selon laquelle les inégalités de revenus pourraient contribuer à expliquer les taux d’infractions élevés des territoires concernés. Mais les données ne permettent hélas pas de mettre à l’épreuve cette hypothèse.

Carte 9. Indicateur d’inégalités de revenus fiscaux en 2009 pour les communes de plus de 2 000 habitants : l’indice de Gini

Carte 9. Indicateur d’inégalités de revenus fiscaux en 2009 pour les communes de plus de 2 000 habitants : l’indice de Gini

Notes

1 Ce texte a été écrit à la fin de l’année 2011. Depuis cette date, la question des « statistiques de la délinquance » a évolué. D’abord, en juin 2013, les inspections générales de l’INSEE, de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale ont publié un Rapport sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure particulièrement accablant quant aux conséquences de la « politique du chiffre » des années Sarkozy sur la qualité des statistiques de police et de gendarmerie (cf. infra note 33). Ensuite, en novembre de la même année, le premier ministre de l’époque (J.-M. Ayrault) annonçait la mise en place d’un nouveau service statistique au sein du ministère de l’Intérieur. Ce dernier, baptisé Interstat sera crée par le décret du 8 octobre 2014. Enfin, entre 2012 et 2014, la gendarmerie puis la police ont mis en place un nouveau « logiciel de rédaction des procédures », qui rend quasiment impossible les comparaisons rétrospectives ainsi que les évaluations d’ensemble sur ces trois années. Ceci n’a pourtant pas empêché le gouvernement et la hiérarchie policière de continuer à faire de la communication à tout va sur ces chiffres, notamment à Marseille où ont été annoncées régulièrement en 2015 des « baisses de la délinquance » aussi spectaculaires que peu crédibles.

2 L. Mucchielli, « Les techniques et les enjeux de la mesure de la délinquance », Savoir-Agir, 2010, 1, p. 93-101.

3 Ainsi ce sont les victimes que l’on compte dans le cas des homicides, des violences sexuelles et des vols contre particuliers, ce sont les « plaignants » que l’on compte dans le cas des violences physiques et verbales comme dans le cas des destructions-dégradations de biens privés, mais ce sont les auteurs que l’on compte dans le cas des usages de stupéfiants, ce sont les infractions que l’on compte dans le cas des vols à main armée, des vols avec violence ou encore des cambriolages, ce sont les procédures que l’on compte dans le cas de la police des étrangers, des séquestrations, du proxénétisme, du trafic de drogue ou encore de la délinquance économique et financière... Et tout ceci sans que l’on puisse toujours comprendre les raisons de telles règles de comptabilité. La nomenclature des infractions et les unités de compte retenues étaient traditionnellement publiées dans le volume annuel des statistiques de police à la Documentation française. Depuis 2008, les données nationales sont publiées par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et l’annexe méthodologique du bilan annuel proposé par cet organisme ne fait plus apparaître ces unités de compte, ce qui constitue une régression dans la qualité de l’information statistique publiée.

4 A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 2006.

5 J.-H. Matelly, C. Mouhanna, Police : des chiffres et des doutes, Paris, Michalon, 2007.

6 D. Monjardet, « Comment apprécier une politique policière ? Le ministère Sarkozy (7 mai 2002-30 mars 2004) », Sociologie du travail, 2006, 48 (2), 188-208 ; et L. Mucchielli, « Le nouveau management de la sécurité’ à l’épreuve : délinquance et activité policière sous le ministère Sarkozy (2002-2007) », Champ pénal/Penal field [En ligne], vol. V | 2008, http://champpenal.revues.org/document3663.html.

7 B., Aubusson de Cavarlay « Les statistiques de police : méthodes de production et conditions d’interprétation », Mathématiques, informatique et sciences humaines, 1996, 136, p. 39-61.

8 Notez que nous disons « discriminante » et non « discriminatoire », pour entériner un constat - sur qui s’exercent le plus les contrôles d’identité par exemple - mais sans présumer des intentions des acteurs.

9 Sur ce point, voir notamment V. Le Goaziou, L. Mucchielli, La violence des jeunes en question. Nîmes, Champ social, 2009 ; D. Fassin, La force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers. Paris, Seuil, 2011 ; M. Boucher, dir., Casquettes contre képis. Enquête sur la police de rue et l’usage de la force dans les quartiers populaires, Paris, L’Harmattan, 2013.

10 M-D Barré, « La répression de l’usage de produits illicites : état des lieux », CESDIP, Études et données pénales, n° 105, 2008.

11 À l’instar des membres du Conseil scientifique qui l’ont relevé lors de la réunion du 13 décembre 2011, nous ne sommes pas pleinement satisfaits par cette expression « conflits sociaux », mais nous n’avons pas trouvé un substitut satisfaisant.

12 E. Sutherland, « La criminalité en col blanc est-elle une forme de criminalité ? » (1937), traduit dans Les cahiers de la sécurité intérieure, 1999, 36, p. 187-209. Sur le sujet, cf. P. Lascoumes, C. Nagels, Sociologie des élites délinquantes. De la criminalité en col blanc à la corruption politique, Paris, Armand Colin, 2014.

13 L. Mucchielli, L’invention de la violence. Des peurs, des chiffres, des faits, Paris, Fayard, 2011.

14 Le choix de ces années a trois motivations. La première est la nécessité de regrouper plusieurs années pour obtenir des effectifs plus importants et permettre des calculs plus précis. La seconde est de se situer autour du recensement complet de la population française en 2006 afin de travailler sur les indicateurs (ici ceux de l’INSEE) les plus solides. La troisième est de nous situer dans une période de stabilité relative sur le plan économique, par opposition à la période de crise ouverte fin 2008 (du fait notamment des agissements délinquants de responsables du secteur bancaire occidental).

15 P. Robert, M-L Pottier, « Les préoccupations sécuritaires : une mutation ? », Revue française de sociologie, 2004, 2, p. 211-242 ; cf. aussi P. Robert, dir., Mesurer la délinquance en Europe. Comparer statistiques officielles et enquêtes, Paris, l’Harmattan, 2009.

16 Observatoire régional du tourisme en Provence-Alpes-Côte d’Azur (2004-2010), Bilans (annuels) de fréquentation (http://www.chiffres-tourisme-paca.fr/) ; C. Terrier, M. Sylvander, A. Khiati, « En haute saison touristique, la population présente double dans certains départements », INSEE Première, 2005, n° 1050.

17 C. Terrier, « Flux et afflux de touristes : les instruments de mesure, la géomathématique des flux », Flux. Cahiers scientifiques internationaux, 2006, n° 65, p. 47-62 ; et C. Terrier, « Distinguer la population présente de la population résidente », Courrier des statistiques, 2009, n° 128, p. 63-70.

18 B. Baccaïni, « Observation et concepts en matière de migrations internes », in G. Caselli, J. Vallin., G. Wunsch, dir., Démographie : analyse et synthèse, vol. VIII : Observation, méthodes auxiliaires, enseignement et histoire de la discipline, Paris, Ined, p. 65-88, 2006 ; J. Philippe, J. Pougnard, « Les bassins de vie, au cœur de la vie des bourgs et petites villes », INSEE Première, 2004, no 953.

19 Le recensement rénové de la population a été mis en place avec la loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité. Depuis janvier 2004, l’INSEE procède à des enquêtes de recensement annuelles selon deux cas de figure : 1) pour les communes de moins de 10 000 habitants, les personnes sont recensées exhaustivement une fois tous les 5 ans, 2) pour les communes de plus de 10 000 habitants, une enquête annuelle auprès d’un échantillon de 8 % de la population est réalisée chaque année. Au bout de 5 ans, des résultats du recensement sont calculés à partir de cet échantillon de 40 % de leur population ainsi constitué (8 % x 5ans = 40 %). Les enquêtes du recensement rénové s’étalent donc sur 5 ans, mais sont référencées une année donnée. Par exemple, les enquêtes de 2006 à 2010 ont pour année de référence 2008 et correspondent donc à la population légale au 1er janvier 2008 (et ils ont été publiés par l’INSEE fin 2010).

20 B. Baccaïni, « Observation et concepts en matière de migrations internes », op. cit. ; B. Baccaïni, G. Thomas, A. Khiati, « L’emploi salarié dans le tourisme : une nouvelle estimation », INSEE Première, 2006, n° 1099.

21 Rappelons que le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la population active (actifs occupés + chômeurs). Au sens du recensement de l’INSEE, est chômeur toute personne de 15 ans ou plus qui s’est déclarée « chômeur » (indépendamment d’une éventuelle inscription auprès du Pôle emploi). La définition du chômage au sens du recensement diffère donc de celles du Bureau international du travail (BIT) et du Pôle emploi. Il est plus proche de la réalité (carte 6, « Taux de chômage auto-déclaré des 15-24 ans, en 2008 »).

22 D. Fougere, F. Kramarz, J. Pouget, « L’analyse économétrique de la délinquance : une synthèse de résultats récents », Revue française d’économie, 2005, 19 (3), p. 3-55 et H. Lagrange, « Crime et conjoncture socio-économique », Revue française de sociologie, 2001 42 (1), p. 57-79.

23 Pour un portrait de la jeunesse et de ses difficultés d’intégration en région PACA, cf. N. Jourdan, J. Timotéo, « Recensement de la population, portrait de la jeunesse de Provence-Alpes-Côte d’Azur », Sud INSEE, 2010, n° 138.

24 Sur les ZUS : C. Chevalier, F. Lebeaupin, « La population des zones urbaines sensibles », INSEE Première, 2010, n° 1328. Pour un focus sur les Alpes-Maritimes : B. Duplouy, N. Jourdan », Politique de la ville dans les Alpes-Maritimes : une nouvelle approche cartographique de la précarité », INSEE Études, Dossier PACA, 2011, n° 3.

25 P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1984.

26 Pour un portrait statistique des populations immigrées en région PACA : C. Pillet, « Les populations immigrées en Provence-Alpes-Côte d’Azur », INSEE Études, Dossier PACA, 2004.

27 C. Crover, Crime and inequality. London, Willan Publishing, 2008 ; J. Hagan, R. Peterson, Crime and inequality, Stanford, Stanford University Press, 1995.

Table des illustrations

Titre Différence entre les classements (effectifs / taux)
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Titre Carte 1. Mois où l’on compte le plus d’écart entre le recensement de la population et la population corrigée avec les flux touristiques, 2006
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Titre Carte 2. Écart entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques, août 2006
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Titre Carte 3. Écart entre la population du recensement et la population corrigée avec les flux touristiques, moyenne annuelle 2006
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Titre Ces nouveaux calculs changent peu de choses en ce qui concerne les grandes villes, comme l’indique le tableau ci-dessous.
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Titre Indicateur de jeunesse : la part des 13-18 ans dans la population en 2008
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Titre Carte 5. Part des 15-24 ans non scolarisés sortis sans diplôme en 2008
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Titre Carte 6. Taux de chômage auto-déclaré des 15-24 ans en 2008
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Titre Carte 7. Taux de petite et moyenne délinquance économique (moyenne 2005-2006-2007) en PACA selon la population corrigée avec les flux touristiques
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Titre Carte 8. Part de la population en ZUS en 2006
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Titre Carte 9. Indicateur d’inégalités de revenus fiscaux en 2009 pour les communes de plus de 2 000 habitants : l’indice de Gini
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