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    Plan détaillé Texte intégral Les trois logiques françaises : celle de l’entreprise Renault, celle des sidérurgistes et celle des gouvernements Renault et Völklingen Les nouvelles positions du gouvernement français par rapport à Völklingen et de Renault par rapport à l’Europe Notes de bas de page Auteur

    Industrie entre Méditerranée et Europe

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    Table des matières

    La France et le devenir de la plus grande aciérie sarroise après la Libération

    Patrick Fridenson

    p. 161-179

    Texte intégral Les trois logiques françaises : celle de l’entreprise Renault, celle des sidérurgistes et celle des gouvernements La perspective de Renault Les incertitudes des sidérurgistes La vision différente des gouvernements français Renault et Völklingen Le premier projet du gouvernement français L’accord résigné du PDG de Renault L’intervention des sidérurgistes privés Le débat entre les administrateurs de Renault Les nouvelles positions du gouvernement français par rapport à Völklingen et de Renault par rapport à l’Europe La multiplication des grains de sable L’abandon du projet de société de gestion et ses conséquences Les choix de Renault Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1L’acier a été d’emblée reconnu comme une clé de la croissance et de la modernisation de l’Europe occidentale de l’après-guerre1. Dans ce cadre, deux thématiques de recherche se sont développées chez les historiens de façon simultanée et à vrai dire totalement indépendante. La première a porté sur ce que pouvait être à cet égard, « entre politique et économie », le rôle de la Sarre, placée sous le contrôle de la France comme après la Première Guerre mondiale (même si alors c’était officiellement sous la tutelle de la Société des nations et par la propriété française des mines de la Sarre et non, comme après 1945, par la mise sous séquestre d’entreprises). Le livre d’Armin Heinen a été sur ce sujet pionnier et fondamental2. Pourtant ce n’est pas diminuer son apport que de reconnaître, vingt-deux ans plus tard, qu’il n’a pas épuisé le sujet : ni l’histoire des entreprises ni celle de l’aciérie Röchling n’étaient sa spécialité et, côté allemand comme côté français, beaucoup d’archives n’étaient pas encore accessibles. La seconde thématique a porté sur les origines, la signification et le premier développement de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Le livre de Matthias Kipping, augmenté pour l’édition française de 2002 par rapport à l’édition allemande de 1996, a eu, lui aussi, un rôle pionnier et fondamental en montrant les relations précoces, complexes et profondes entre le débat au sein des entreprises françaises et le débat au sein des milieux politiques et administratifs français sur le devenir de l’Allemagne, deux débats qui ont peu à peu débouché sur la perspective d’un marché unique du charbon et de l’acier3. Pourtant on peut reconnaître aujourd’hui qu’il a sans doute minimisé l’intérêt des discussions spécifiques au sein des autorités et entreprises françaises sur les différents aspects de la « question sarroise » comme étape vers une conception proprement européenne.

    2À peu près au même moment le nom de l’entreprise automobile française Renault est apparu sur ce sujet parmi des recherches françaises d’histoire des entreprises. L’historien Jean-Louis Loubet, grâce au recours cette fois à des archives privées, celle du constructeur automobile Renault, nationalisé le 16 janvier 1945, a brièvement signalé dans un livre général sur l’histoire des stratégies des constructeurs automobiles français paru initialement en 1995 ce qu’il appelle alors « l’échec des négociations [de la Régie Renault] avec les pouvoirs publics pour récupérer une aciérie sarroise, à Völklingen », en soulignant qu’en mars 1949 « la sidérurgie et les matières premières représentent 40 à 50 % du prix de revient de la 4 CV », la nouvelle voiture populaire sur laquelle la Régie Renault a décidé de jouer son avenir4. Cet auteur a donné un peu plus de détails sur ce sujet dans son livre suivant, publié en 1998 à l’occasion du centenaire de Renault, où il évoque ainsi l’action du PDG de l’entreprise : « durant toute l’année 1948, Pierre Lefaucheux négocie pour récupérer une aciérie à Völklingen, près de Sarrebruck. Malheureusement sans succès5 ». Et de citer sa source : les procès-verbaux du Conseil d’administration de la Régie Renault des 23 mars et 22 juin 1948 et le rapport annuel de gestion pour l’exercice 1950.

    3Sur cette dernière base, et n’ayant pas trouvé de trace dans ses propres sources, l’historien français Jean-François Eck dans le livre tiré de son habilitation qui porte sur un sujet beaucoup plus large : les entreprises françaises et l’Allemagne de 1945 à 1969 avait écrit avec une grande prudence :

    Quoi qu’il en soit, le gouvernement français a le choix, pour le statut définitif des Aciéries Röchling, entre plusieurs solutions. Dès 1948, une reprise par la Régie Renault semble avoir été envisagée, qui n’est pas sans évoquer le précédent historique de l’UCPMI (Union des consommateurs de produits métallurgiques et industriels), fondée en 1919 à l’instigation de Louis Renault pour reprendre l’aciérie d’Hagondange, dans l’ancienne Lorraine annexée6.

    4Pour ma part, lors de la visite de la partie la plus ancienne de la Völklinger Hütte – devenue huit ans après sa fermeture site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (1994)7 – que j’avais effectuée en 2000 sous la conduite de mon collègue Rainer Hudemann, j’avais demandé s’il y avait des documents en Sarre sur cette implication de Renault dans la sidérurgie sarroise. Après enquête, en l’absence de sources sarroises Rainer Hudemann avait conclu par la négative.

    5L’originalité de cet article est donc triple. Il montre grâce à l’appel à d’autres archives françaises que l’interprétation de Jean-Louis Loubet n’était pas fondée : c’est le gouvernement français qui a souhaité impliquer Renault et ce parmi d’autres entreprises, Renault ayant en outre traîné les pieds. Il suggère qu’à la complexité juridique et internationale (pas seulement franco-sarroise et franco-allemande) du procès d’Hermann Röchling, que le recours aux archives du ministère français de la Justice (série BB 36) a récemment permis de mieux éclairer8, il est utile d’ajouter une histoire des déplacements des positions des multiples acteurs français concernés. Enfin il apporte une explication supplémentaire à la fois à l’histoire de la Völklinger Hütte et aux origines de l’Europe unie.

    Les trois logiques françaises : celle de l’entreprise Renault, celle des sidérurgistes et celle des gouvernements

    6Sur la question de l’acier sarrois à partir de 1945 trois perspectives différentes émergent des sources et des travaux disponibles : celle de Renault qui a des intérêts de longue durée comme entreprise consommatrice d’acier, celle des sidérurgistes, fort incertains, et celle, variable et hétérogène, des gouvernements français qui recherchent le bénéfice maximum de la victoire des Alliés au terme de la guerre mondiale.

    La perspective de Renault

    7À partir de la formidable croissance qui a été la sienne comme fournisseur d’armements pendant la guerre de 1914-1918 l’entreprise Renault s’est rendu compte qu’il y avait un écart entre ses besoins et les prix, les quantités et les qualités qu’elle pouvait obtenir des entreprises sidérurgiques françaises. Les ententes et les cartels de l’acier ne lui laissent aucun espoir durable de satisfaction.

    8La victoire sur l’Allemagne en 1918 lui offre une première solution. Le retour de la Lorraine à la France attire son attention sur une usine Thyssen de construction récente (1911), dont la localisation a été déterminée par la sécurité en matière d’approvisionnement en minerai de fer, qui avait subi des déconvenues à cause des mines et dont les coûts de fabrication « commençaient à devenir intéressants » quand la guerre a éclaté9. Ses dirigeants la considèrent comme l’usine sidérurgique « la plus moderne d’Europe10 ». Renault, grâce à son expérience de création d’une entreprise reposant sur la coopération entre des firmes ayant un besoin commun – la Société pour l’équipement électrique des véhicules (SEV, fondée en 1912) – et grâce à ses liens au sein de l’État, constitue en 1919 avec de nombreux partenaires l’Union de consommateurs des produits métallurgiques et industriels (UCPMI) et obtient pour elle la dévolution de l’usine Thyssen d’Hagondange. L’UCPMI est une réussite. Mais cette usine ne suffit bientôt plus par rapport à la mutation quantitative et qualitative de la demande11. Donc en 1931, en pleine crise mondiale, Renault seul inaugure sur le même site une usine spécialisée dans les aciers fins : la Société des aciers fins de l’Est (SAFE).

    9Pendant l’Occupation les deux usines d’Hagondange passent sous autorité allemande. Les dirigeants français de ces usines, sous la présidence du baron Charles Petiet, continuent néanmoins à se réunir à Paris chaque semaine pour faire le point et tenter de préparer l’avenir12.

    10Peu après la libération de la France, dès 1945, comme les travaux de Matthias Kipping l’ont montré les premiers à partir du début des années 1990, Renault, devenue entreprise nationalisée, reprend et remet au goût du jour la politique de rénovation du marché et de la production de l’acier menée depuis la fin de la guerre de 1914 par l’ancienne direction privée. Elle passe cette fois par le soutien à des investissements en France en matière de trains à bandes, ce qui est désormais le nec plus ultra en matière d’aciers plats13. En juin 1945 le nouveau P-DG Pierre Lefaucheux14 demande ainsi au ministère de la Production industrielle (dirigé par le socialiste Robert Lacoste) l’autorisation de construire un train à bandes à Hagondange dans sa filiale la SAFE.

    11Cependant les trains à bandes modernes sont un objectif non seulement pour le constructeur automobile Renault, mais encore pour les sidérurgistes eux-mêmes. Le 27 juillet 1945, Alexis Aron, alors directeur de l’Office professionnel de la sidérurgie, propose de créer une société par actions commune à tous les sidérurgistes afin d’acheter, construire et gérer deux trains à bandes (dont un pour les tôles). Renault obtiendrait 5,44 % du capital plus sa part dans l’UCPMI. La Chambre syndicale de la sidérurgie française accepte la proposition. Le 9 août la réponse du ministère de la Production industrielle arrive. Il refuse cette solution. Il n’est d’accord que pour un train à bandes et entend créer une société d’économie mixte dans laquelle l’État aura la majorité et dont la gestion sera confiée à la SAFE. Tollé dans la profession : ce serait une « négation du droit de propriété15 ». Finalement le ministère doit abandonner son projet. Cependant il refuse la demande de Renault, estimant que la Régie n’a pas les capacités sidérurgiques pour alimenter le grand train dont elle rêve. Il n’y autorise que les aciéristes du Nord de la France qui se rapprochent et qui vont constituer, le 21 juin 1948, Usinor16. Renault revient à la charge dans une note du 15 mars 1947, où Lefaucheux critique avec vigueur les lenteurs et le conservatisme technique de la majorité des sidérurgistes français. Il reprend ici à la fois les positions classiques de Renault et celles des mouvements et des structures de la Résistance dont il a fait partie à l’égard des bastions traditionnels du pouvoir économique en France. Finalement, après un revirement complet de François de Wendel17 en septembre 1947 (il donne son accord à « une coopérative sous la direction de sa maison », alors qu’il le refusait en juillet 1946, craignant pour la survie de son usine de Saint-Jacques), le ministère de la Production industrielle accepte en octobre 1947 la création d’un second train à bandes par une association de firmes sidérurgiques de Lorraine créée à cette fin et dominée par le groupe de Wendel. Ce sera le 13 décembre 1948 la Sollac (Société lorraine de laminage continu), dont les usines d’Hagondange sous le contrôle direct ou indirect de Renault sont partie prenante18. Mais il n’obtient pas l’institution de deux commissaires du gouvernement auprès de la Sollac, signe de l’érosion du dirigisme d’État par rapport à la sidérurgie.

    Les incertitudes des sidérurgistes

    12Les sidérurgistes, eux, regroupés dans la Chambre syndicale de la Sidérurgie française à partir du 22 décembre 1944, avaient posé la question de la Sarre et précisément de l’aciérie Röchling de Völklingen dès le 30 janvier 194519. « Le compte rendu d’une réunion qui se tient au Comité d’organisation de la Sidérurgie (CORSID), […], sous la présidence d’Alexis Aron », retrace toutefois leurs hésitations. Théodore Laurent, président de La Marine-Homécourt, s’y interroge sur le régime futur de la Sarre, montrant qu’il détermine le sort des participations détenues par les groupes sidérurgiques français :

    Deviendra-t-elle purement et simplement un département français ? Ou sera-t-elle un pays sous mandat français ou international ? Il faudrait être fixé sur le régime des parts allemandes dans les affaires mixtes. Les 40 % de Dilling qui représentaient la part allemande reviendront-ils à l’État français ou resteront-ils au groupe allemand ? De même, dans une affaire comme Völklingen, laissera-t-on une part aux Allemands ou la totalité reviendra-t-elle aux Français20 ?

    13François de Wendel apparaît quant à lui résolu, plaçant l’intérêt national avant celui des sidérurgistes qui, comme après 1919, redoutent l’engorgement du marché de l’acier si s’ajoute à la production intérieure celle du territoire sarrois. Souhaitant que l’on « fa[sse] du définitif », il adjure ses collègues de « ne pas s’opposer à l’annexion pure et simple de la Sarre sous prétexte que ses deux millions de tonnes annuelles d’acier pourraient faire concurrence à l’industrie française » et se déclare même prêt à accepter « à la rigueur la nationalisation de Völklingen et des Mines domaniales, sous réserve que ce danger soit écarté pour la sidérurgie française et qu’il soit limité à ces deux cas ». Mais plusieurs de ses collègues, notamment René Fould, le patron des Aciéries de Pompey, ont un point de vue opposé et repoussent catégoriquement toute idée de nationalisation, « même à titre d’exemple ». Annotant le texte, Henri Cavallier, alors président du conseil d’administration de Pont-à-Mousson, s’interroge à son tour : « Je ne sais pas si, au point de vue français, ce serait une bonne chose de consentir à une annexion. Une annexion exige en effet une main de fer et une politique cohérente. Nous n’en sommes pas là. Il faudra trouver autre chose ». Les Aciéries de Longwy, qui ont dû céder à Röchling « en 1943 leur société commerciale, la Société lorraine minière et métallurgique, rebaptisée Eisen und Stahlwerke Carlhütte », aimeraient, elles, « prendre leur revanche21 ». Ce débat entre sidérurgistes met en évidence d’une part chez beaucoup d’entre eux la crainte de la concurrence et de « l’engorgement du marché », précisément les caractéristiques que Renault critique, et d’autre part un mélange de dépendance à l’égard du gouvernement et de doute sur sa fermeté.

    La vision différente des gouvernements français

    14Le magnat sarrois de l’acier Hermann Röchling a été d’emblée dans le collimateur des gouvernements français d’après-guerre : en raison de la taille de son entreprise, en raison de sa nomination par le Reich pendant la guerre à la tête de la réunion des sidérurgistes allemands, et peut-être en raison des perspectives expansionnistes pour la sidérurgie sarroise qu’il a cherché à réaliser dans cette période : l’historien allemand Hans-Christian Herrmann a montré que Röchling a demandé en 1940 l’annexion du Luxembourg, du département de la Moselle et du département de Meurthe-et-Moselle et leur rattachement au Gau Westmark afin de renforcer l’industrie du fer et de l’acier de la Sarre22.

    15Tout ceci explique qu’en « juillet 1945, le général Koenig, commandant en chef de la zone d’occupation française en Allemagne et chargé de l’administration de tous les biens relatifs à cette zone », nomme Georges Thédrel, sidérurgiste, ancien directeur d’une filiale tchèque de Schneider et Cie, puis des usines de Neuves-Maisons de 1936 à 194423, « comme séquestre des forges et aciéries Röchling, avec une mission conservatoire et une mission de gestion de l’affaire en place des actionnaires qui sont suspendus de leurs droits. Cette gestion a lieu sous le contrôle d’un conseil de surveillance qui relève désormais du haut-commissaire de la République française en Sarre (Sarrebruck), depuis le rattachement de la Sarre à la France. Thédrel a été autorisé à étendre son domaine d’action aux biens de la société sis en Allemagne. Il a ainsi remis en activité les filiales commerciales de l’entreprise en Allemagne, en France et à l’étranger et a établi des liens avec les sociétés allemandes dans lesquelles la firme possède des participations24 ». Début juillet 1946, la France prend une position de principe en faveur de procès internationaux contre des industriels allemands, les Alliés pensant tous que « le nombre des accusés […] doit être limité ». Un seul nom est alors prononcé par la France : Hermann Röchling. La délégation française à Nuremberg relève la contradiction entre la volonté d’obtenir « la remise de Roechling aux autorités françaises comme criminel de guerre » et l’inscription de celui-ci sur la liste des accusés, qui empêcherait cette remise25. Dès lors apparaît une caractéristique du processus qui est enclenché : le ministère des Affaires étrangères est plus préoccupé du procès lui-même et, ensuite, des multiples demandes de grâce de Hermann Röchling que des aspects industriels et financiers, bien qu’il ait en son sein une direction des Affaires économiques, dirigée par Hervé Alphand. Au-delà de la condamnation recherchée, ce qui est visé, c’est une confiscation. La France estime qu’elle a des droits sur les usines sarroises de Völklingen et de Neunkirchen du fait des accords de Potsdam (1er août 1945) et de la conférence de Paris sur les Réparations (21 décembre 1945). Lorsqu’en 1947 est mise en place l’Union économique franco-sarroise, il revient aux ministères de la Production industrielle et des Finances de trouver une solution qui puisse prendre la suite du séquestre.

    Renault et Völklingen

    16Si les usines Röchling de Völklingen deviennent une question pour la Régie Renault, ce n’est donc pas du fait de ses dirigeants. La lecture précise de la série des conseils d’administration mensuels de Renault du 1er semestre 1948 prouve qu’il s’agit d’une initiative de l’État, et qui pose de nombreux problèmes au fil du temps. Il faut donc examiner le premier projet du gouvernement français, l’accord résigné du patron de Renault, l’intervention des sidérurgistes privés et le débat entre les administrateurs de Renault.

    Le premier projet du gouvernement français

    17La séance du Conseil d’administration de Renault le 24 février 1948 contient un exposé de la genèse de ce projet26. En novembre 1947 le gouvernement, par la voix d’Albert Bureau, ingénieur du Corps des Mines, devenu dirigeant régional de la SNCF, et depuis 1945 directeur de la Sidérurgie au ministère de la Production industrielle puis de l’Industrie et du Commerce27, principal ministère de référence de l’entreprise nationalisée, informe le PDG de Renault, Pierre Lefaucheux, d’un « projet gouvernemental » visant à « mettre à la disposition de la France les Aciéries Röchling dont les usines principales sont à Völklingen » et qui sont « actuellement sous séquestre français » car le gérant, Hermann Röchling, est incarcéré « et en attente de passer devant un tribunal pour crimes de guerre ». Le gouvernement propose, au titre de la dénazification, de confier « immédiatement » les Aciéries Röchling à une société par actions de droit allemand qui prendrait en location les usines et assurerait l’exploitation. Son capital serait « de l’ordre de 200 millions de francs ». Il serait réparti entre des industriels sarrois à raison de 24 % et des groupes français pour 76 %. Ceux-ci comprendraient les Mines Domaniales de la Sarre (environ 20 %), des entreprises publiques françaises : la SNCF, les Mines de potasse d’Alsace, la Régie Renault, et enfin des entreprises privées françaises consommatrices de produits métallurgiques. Fives-Lille a accepté mais les constructeurs privés d’automobiles Citroën et Peugeot se sont récusés. Albert Bureau conclut qu’il s’agit de « faire une espèce de coopérative de consommateurs », formule qui reprend la justification de l’UCPMI en 1919 et qui est aussi destinée à capter la bienveillance de la direction de Renault.

    18Albert Bureau insiste sur l’urgence : l’entretien se situe « quelques semaines avant le rattachement économique de la Sarre à la France » et il serait « préférable » de constituer la société de gestion auparavant.

    L’accord résigné du PDG de Renault

    19Mais le Renault de 1947 n’est pas le Renault demandeur de 1919. Lefaucheux répond immédiatement à Bureau que Renault n’a « aucun intérêt particulier à prendre une telle participation ». Ni comme consommateur de produits métallurgiques, déclarant de manière plus que diplomatique : « ses besoins propres sont actuellement convenablement assurés par la sidérurgie française, à laquelle la Régie est […] intimement liée dans certaines de ses usines ». Ni comme sidérurgiste : « la Régie a précisément des intérêts majeurs dans la SAFE, producteur d’aciers fins », ce qui est aussi une activité de Röchling, donc ce dernier serait un « concurrent éventuel ». Toutefois le PDG de Renault affirme une fois de plus sa loyauté et son sens de la discipline vis-à-vis de son actionnaire public28 et il souligne un enjeu traditionnel pour Renault, qu’il habille de la théorie de l’entreprise témoin née en 1840 qui a été une des justifications de la décision de 1944 de nationaliser Renault : « la sidérurgie sarroise peut servir d’entreprise témoin qui pourrait amener la sidérurgie française à baisser ses prix ». Lefaucheux donne donc un accord de principe sous réserve de l’accord de son Conseil d’administration et des « conditions financières à étudier29 ».

    L’intervention des sidérurgistes privés

    20Le rattachement économique de la Sarre se réalise sans que le projet soit au point. Le mois de décembre 1947 est consacré par les « hauts fonctionnaires intéressés (Commissariat général aux affaires allemandes et autrichiennes, gouvernement de la Sarre, [ministère des] Finances, etc.) » à mettre au point un projet de statuts de la société et un projet de convention entre cette société et le séquestre. On trouve désormais des versions de ces textes dans les archives de la direction du Trésor du ministère des Finances30. Le cours du projet est alors perturbé par un acteur majeur, dont nous avons montré les divisions initiales en janvier 1945 et que Lefaucheux avait naturellement évoqué en novembre : la Chambre syndicale de la sidérurgie française, présidée par Jules Aubrun (directeur général de Schneider et Cie jusqu’en 1929, puis ingénieur-conseil de la Banque Lazard jusqu’en 1939 et depuis 1940 président « indépendant » du Comité d’organisation de la sidérurgie et à sa suite de la Chambre syndicale31). Celle-ci demande au gouvernement de « prendre elle-même l’affaire en mains ». Le gouvernement refuse cette transformation radicale du projet, mais fait un geste : il offre une participation au capital « à quelques sidérurgistes n’ayant pas collaboré ». On peut supposer que cette petite pique sur la période de l’Occupation est due à Albert Bureau, auteur d’un projet de loi de nationalisation de la sidérurgie32. En réponse, la Chambre syndicale estime cette participation, qui est de 26 %, « insuffisante ».

    21Pour améliorer la position de l’État vis-à-vis des sidérurgistes, Albert Bureau réunit le 17 février 1948 les 4 entreprises publiques ralliées au projet et Fives-Lille. Ces 5 actionnaires potentiels expriment leur souhait de la présence de firmes sidérurgiques en raison de leur « compétence professionnelle précieuse » et demandent que la conclusion des pourparlers ait lieu « extrêmement rapidement ». Albert Bureau les réunit à nouveau le 21 février. Il leur donne alors lecture d’une lettre du ministre des Affaires étrangères du gouvernement Schuman, le MRP Georges Bidault, qui confirme l’engagement de l’État. Il est indiqué qu’« après des entretiens entre des actionnaires éventuels et » la Chambre, cette dernière ne demande plus que 40 % et renonce à la majorité. Un accord public-privé apparaît donc possible.

    Le débat entre les administrateurs de Renault

    22Le Conseil d’administration de la régie Renault se réunit le 24 février 1948. Il a un débat dont le procès-verbal restitue les détails. Le PDG indique que le capital prévu a été ramené à 100 millions et que la participation de Renault sera d’environ 12 à 15 %. « Mais il n’est pas question de prendre une responsabilité quelconque. […] Le financement devra être assuré par l’État ». Völklingen sous la gestion de l’administrateur-séquestre français Georges Thédrel « gagne de l’argent ». Le « plan financier est étudié par » Walter, « chargé de l’étude des problèmes que pose le rattachement financier de la Sarre à la France ». Lefaucheux conclut qu’il « s’agit en somme d’une gestion provisoire de 3 à 5 ans dont l’intention est de déposséder M. Röchling ». En réponse à un administrateur représentant les cadres CGC33, il précise : « Le gouvernement est parti de cette idée qu’il ne fallait pas faire mourir la sidérurgie sarroise, qu’il ne pouvait pas confier l’affaire à la sidérurgie française, et que par conséquent il allait faire appel à des entreprises nationalisées ».

    23Le débat se centre sur la mise de fonds demandée à la Régie Renault. Il est frappant de voir que ce sont des représentants de l’État qui renâclent. Ainsi Étienne Audibert, ingénieur général des Mines, président de Charbonnages de France34, un des deux représentants du ministre de la Production Industrielle, vice-président du Conseil d’administration : « C’est une affaire qui au point de vue commercial et au point de vue politique est très justifiée, mais nous n’avons pas d’argent […] et c’est vexant de mettre de l’argent comme cela ». Il ajoute un peu plus tard : « si le régime dirigé nous laissait faire quelques bénéfices, nous serions très contents de les investir dans cette affaire ». Ainsi Didier Gregh, inspecteur des Finances, directeur du Budget : « il votera suivant sa conscience mais peut-être pas dans le sens désiré par le ministre, [car] il trouve anormal de venir demander [de l’argent à Renault] dans l’état actuel de ses finances ». Le PDG Pierre Lefaucheux propose dans ces conditions de donner un accord de principe « subordonnant la réalisation de cet accord à la solution des difficultés financières de la Régie ». D’autres représentants de l’État estimant que ce serait aller trop loin, un vote a lieu sur le principe de la participation de la Régie Renault à la société gérante de Völklingen. Le vote est majoritaire de justesse : 7 pour, 4 contre, 2 abstentions. On trouve des représentants de l’État dans les contre et les abstentions. Le débat reprend sur l’opportunité de verser le chiffre demandé : au moins 12 millions. Deux positions se dégagent. Pierre Dreyfus, l’autre représentant du ministère de Production industrielle, est pour donner l’accord, mais « il faut que les pouvoirs publics s’adressent à d’autres entreprises nationalisées de façon à tâcher de diminuer la position de chacun ». Didier Gregh, lui, souhaite préciser que le CA demande « que ce chiffre soit réduit à 5 millions, par exemple ». La formule de P. Dreyfus obtient 5 voix, celle de D. Gregh 2 voix, et 5 administrateurs s’abstiennent. À nouveau les représentants de l’État se sont divisés. L’engagement à Völklingen ne suscite pas l’enthousiasme.

    24Cette dernière discussion a porté quelques fruits puisqu’au Conseil suivant, le 23 mars 1948. P. Dreyfus indique que le CA a été partiellement entendu, car l’État a trouvé un nouveau participant nationalisé : la Banque nationale du commerce et de l’industrie. D’où abattement de la part de chacun à 10 % du capital. Renault a « demandé à descendre au-dessous de 10, mais il nous a été répondu que dans ce cas nous n’aurions pas de siège au Conseil ». Toutefois un nouveau rebondissement au sein de l’État intervient : « l’Économie nationale préférerait un capital de 500 millions » pour que la future société ait la garantie des biens matériels dont elle aura la gestion. Il est alors indiqué que les futurs actionnaires ne pourraient suivre une telle augmentation, en particulier les deux plus gros : la SNCF et Renault. « La position de la Régie est 10 millions maintenant et rien de plus dans l’avenir ». Enfin « le ministère des Affaires étrangères confirme la dévolution à la France du matériel des Aciéries de Völklingen », ce qui implique que ce matériel « sera amodié par l’État à la société de gestion ».

    25Le Conseil du 23 juin 1948 donne au PDG les pouvoirs demandés par le notaire sarrois chargé de la constitution de la société de gestion en question.

    26Après cette réunion les procès-verbaux du Conseil ne contiennent plus rien au sujet de Völklingen35. On devrait, ce que je n’ai pas encore fait, dépouiller les comptes rendus de la « réunion de courrier » quotidienne qui rassemble les principaux directeurs de Renault autour du PDG. Mais on peut d’ores et déjà présumer que le fait que le Conseil d’administration de la Régie Renault ne soit plus saisi du sujet est un indice fort. Mais un indice de quoi et quel rapport avec la question toujours brûlante du devenir de la Völklinger Hütte ?

    Les nouvelles positions du gouvernement français par rapport à Völklingen et de Renault par rapport à l’Europe

    27Il faut donc changer d’archives principales pour comprendre ce qui est en train de se passer et pour le relier à ce que fait Renault par rapport à l’acier et à l’Europe. Sur ce point l’ouverture de nouveaux fonds d’archives au sein du très riche Centre d’archives du ministère des Affaires étrangères est décisive36. Grâce à elle nous pouvons éclairer trois mouvements successifs et connexes : la multiplication des grains de sable au sein de la machine étatique, l’abandon de la société de gestion à dominante publique pour la Völklinger Hütte, le cap mis sur l’Europe par Renault.

    La multiplication des grains de sable

    28Lors du jugement du procès Röchling le 30 juin 1948, « la fortune [du magnat et de son gendre et bras droit] n’a pas été confisquée », regrette le Quai d’Orsay. Le 4 octobre 1948, lorsque Lebègue, membre du cabinet de Robert Schuman, écrit à Michel Debré, secrétaire général du Commissariat général aux affaires allemandes et autrichiennes37, il s’agit toujours d’« insister pour que la confiscation des biens des Röchling soit prononcée lors du procès de révision ». Le 6 octobre Gilbert Grandval, qui de gouverneur militaire des forces françaises d’occupation est passé haut-commissaire, envoie un télégramme inquiet au Quai d’Orsay. Les Finances estiment la valeur de ces installations à 3,3 milliards.

    Je ne vois pas bien qui en dehors du Trésor pourrait fournir une pareille somme ou tout au moins l’acompte qui devrait être versé d’une façon immédiate à l’agence interalliée des Réparations. Je ne pense pas (par ailleurs) qu’en l’état actuel de la trésorerie le ministre des Finances puisse accepter cette solution. Il […] y a un risque que nous soyons obligés de renoncer à la dévolution des installations transférables de l’affaire Röchling.

    29Il demande une réunion des différents départements ministériels intéressés sous la présidence du ministère des Affaires étrangères, à laquelle il « désire participer personnellement » et avec « la présence personnelle de [Jacques] Rueff », qui préside la conférence des Réparations. Si Hervé Alphand estime « qu’il n’y a pas lieu de […] demander la confiscation des biens de l’accusé », le cabinet Schuman tranche prudemment en sens inverse : « Je crois qu’il y a lieu de sauvegarder tous nos droits et de maintenir notre demande de confiscation ». On trouve dans le carton une note non datée et non signée « sur la gestion des usines Röchling à Völklingen » qui précise le caractère « définitif » du projet que nous avons révélé et en stabilise la composition :

    La solution envisagée par le ministre des Affaires étrangères et par le ministre de la Production industrielle [donc Robert Schuman et Robert Lacoste] pour le mode d’exploitation définitif des usines Röchling a été la création d’une société de gestion.

    30En voici désormais la répartition : 51 % « 5 affaires nationalisées » [dont Renault] ; 23 % « diverses sociétés sarroises consommatrices des produits sidérurgiques » ; 26 % « les sidérurgistes français ».

    31La note ajoute comme en décembre 1947, dix mois plus tôt : « Il serait désirable que cette société de gestion pût se former rapidement et assurer l’exploitation des usines Röchling à la place du séquestre ». Mais dès le milieu de cette note un grain de sable apparaît, qui est à la fois interne au gouvernement français et impliquant les acteurs internationaux :

    Toutefois le ministre des Affaires étrangères a mis une condition à cette prise de gestion dont la réalisation s’avère laborieuse. Il demande que la partie transférable de l’usine Röchling au titre des réparations [dues à la France, ceci pour ne pas avoir à injecter de l’argent frais] soit au préalable demandée par la France et remise à celle-ci par les trois délégations alliées chargées de ces opérations.

    32Très vite d’autres grainsdesable surgissent. Le 3 novembre1948Hervé Alphand écrit à Robert Mischlich, magistrat détaché au cabinet de Robert Schuman : « Il n’y a pas, à première vue, de raison valable pour présumer que la juridiction d’appel se prononcera différemment. […] À défaut d’une décision formelle du Conseil de contrôle [interallié] l’État sarrois pourrait revendiquer les biens confisqués ».

    33La thèse de doctorat de Françoise Berger, qui ici s’appuie sur des archives des Finances (carton B 8815), permet d’apercevoir de nouveaux grains de sable38. Le 28 février 1949 l’administrateur séquestre Georges Thédrel écrit au ministère des Finances pour dire que plutôt que de « maintenir la propriété des usines à la famille Röchling en confiant l’exploitation à une société de gestion » il vaudrait mieux « donner la gestion réelle de la société à la France, en inscrivant ce fait dans les statuts de la société ». Le ministre des Finances prend son temps pour répondre. Le 8 avril, il se prononce pour l’entrée d’une majorité de capitaux français dans l’affaire et demande à Thédrel de rechercher un groupe français et de négocier avec la famille Röchling « pour réduire leur droit de gestion à la minorité ». Le 16 mai il demande l’avis du ministre de l’Industrie. En réponse, le directeur de la Sidérurgie, Albert Bureau, radicalise sa position. Toujours en mai 1949 il propose « une expropriation totale » de la famille Röchling et la remise par l’État de ses parts « à des entreprises nationales », s’attirant à ce sujet l’opposition de l’inspecteur des Finances et inspecteur général de l’Économie nationale François Turquet39, donc celle du ministère des Finances.

    34L’État se trouve ainsi confronté non seulement à ses obligations internationales, mais à sa propre hétérogénéité et à ses rapports avec le privé40. Il va donc devoir trancher.

    L’abandon du projet de société de gestion et ses conséquences

    35Le carton d’archives du Quai d’Orsay passe directement de novembre 1948 au compte rendu pour le ministre d’une réunion du 7 juillet 1949 tenue rue de Rivoli, ce qui est significatif, entre le directeur du Trésor, François Bloch-Lainé, un représentant du Quai d’Orsay, un autre du ministre de l’Industrie et du Commerce et un expert « chargé de procéder à l’évaluation des installations attribuées à la France dans les usines sarroises par l’Agence interalliée des Réparations ». Cette note du 9 juillet montre que la France est progressivement entrée dans une autre vision des choses. La direction d’Europe du Quai d’Orsay y précise :

    Il est apparu au cours de la discussion que le ministre de l’Industrie et du Commerce était animé à présent de dispositions beaucoup plus conciliantes que celles dont la direction de la Sidérurgie avait témoigné dans le passé et qu’aucune divergence de principe ne séparait plus les conceptions des trois ministères directement intéressés.

    36Cette phrase suggère une explication d’une part par les dispositions économes de la direction du Trésor et d’autre part par les changements de politique et de dirigeants au sein du ministère de la Production industrielle.

    37De fait, cette même année 1949, Albert Bureau, qui avait cherché à contrôler la sidérurgie par le biais du financement de ses emprunts et dont nous avons vu les propositions radicales sur Völklingen au mois de mai, quitte la direction, qui devient un service au sein d’une direction des Mines et de la Sidérurgie. Bureau « n’était pas disposé à jouer les seconds rôles et se fit muter dans la zone d’occupation ouest-allemande, où il prit la direction de la partie française du Groupe de contrôle de l’acier institué par les Alliés41 ». Dans ces nouvelles fonctions il ne changera pas d’opinion, comme le montrent trois notes conservées à Luxembourg42. Le 2 juin 1950, évoquant, en tant que président du Groupe de contrôle de l’acier en République fédérale d’Allemagne, « le pool charbon-acier tel qu’esquissé dans la déclaration Schuman, il écrit à André François-Poncet, haut-commissaire de la République française en Allemagne, pour dénoncer les risques d’une renaissance des grands combinats industriels dans la Ruhr ». Le 2 avril 1951, sous le titre « Le plan Schuman et la Lorraine », il rédige une note « expliquant les raisons pour lesquelles le développement des industries charbonnière et sidérurgique de la Lorraine en contrepoids au bassin de la Ruhr constitue une des conditions politiques du succès du plan Schuman ». Le 28 juin 1951, il écrit un rapport détaillé soulignant avec force les enjeux de « la déconcentration de la sidérurgie allemande dans le bassin industriel de la Ruhr » (et où, logiquement, il n’est pas question de la Sarre). Puis il passe dans le secteur privé et, dans un retournement analogue à celui d’Alexis Aron, deviendra aussi, ironie de l’histoire, un des responsables de la Chambre syndicale de la sidérurgie43.

    38Le service de la Sidérurgie est confié à la mi-1949 à Albert Denis, lui aussi membre du Corps des Mines, qui a été auparavant sous-directeur de l’Industrie lourde au gouvernement militaire de la zone d’occupation française en Allemagne (1945-1947), puis directeur de la Production industrielle de la Sarre occupée en 1947-1949. Il est manifestement plus souple sur le dossier sarrois. Il réussira à avoir une longévité remarquable au ministère, devenant directeur et exerçant ses fonctions jusqu’en 196844.

    39Les décisions prises au cours de la réunion interministérielle du 7 juillet 1949 illustrent ces « dispositions beaucoup plus conciliantes ». Il s’agit dorénavant de trouver auprès de « la famille Röchling » les moyens d’ouvrir une « négociation avec les représentants des intérêts français ». Ceux-ci devront « s’efforcer en premier lieu d’obtenir des Roechling que ceux-ci renoncent à tout pouvoir dans la société réorganisée. Si, comme cela est très vraisemblable, une solution aussi radicale ne peut être obtenue, l’on admettra que les Roechling demeurent actionnaires de la société à condition [de ne pas] dépasser 24 % », taux choisi en fonction de la législation sarroise sur les sociétés, « de manière à priver les Roechling de toute ingérence réelle dans la marche de l’entreprise ». Mais la ligne est désormais à la souplesse : on envisage même le cas où il conviendrait « d’envisager une participation accrue des anciens actionnaires ». La société de gestion à dominante publique est discrètement enterrée :

    Lorsqu’un accord aura été conclu avec les Roechling, les modalités de la réorganisation financière de la Société seront mises au point. Le représentant de M. Lacoste a fait savoir que son ministre n’insisterait pas pour que l’État prenne dans la nouvelle société une participation majoritaire, ni même une participation minoritaire.

    40Les raisons de ce désengagement ne sont pas explicitées, sauf qu’elles font des sidérurgistes privés français le pivot d’une éventuelle solution. Confirmation de l’analyse de Matthias Kipping sur le passage d’un « dirigisme d’État » à un « dirigisme professionnel ».

    41La suite de l’histoire est connue notamment par les travaux de Armin Heinen, Hans-Christian Herrmann, Rainer Hudemann, Françoise Berger et Jean-François Eck. Les péripéties et rebondissements qu’ils retracent – dont au début 1951 un inattendu et bref retour de la solution étatique concocté par le Quai d’Orsay et l’I ndustrie et mis en échec par les Finances (voir la thèse de Françoise Berger), et dont surtout les interventions du gouvernement Adenauer45 – expliquent qu’en 1955, lorsque la Sarre revient dans le giron de l’Allemagne, la question de la propriété de la Völklinger Hütte n’est pas toujours pas réglée puis que le 28 novembre 1956 l’entreprise est « rendue » à la famille Röchling. Le dossier du Quai d’Orsay apporte seulement deux précisions utiles. On y voit défiler en mars 1951 le syndicaliste Léon Jouhaux qui prône un accord avec l’État sarrois pour faire une société mixte et peu après en avril 1951 « le groupe américain qui a obtenu de la famille Roechling une option de négociations » au profit de la Chambre Syndicale de la Sidérurgie Française.

    Les choix de Renault

    42Vis-à-vis des sidérurgistes français précisément, la Régie Renault ne se contente pas d’accentuer la pression en matière de train à bandes pour disposer de davantage de tôles, le produit plat par excellence46. Elle en vient à une vision globale : sur l’importance de disposer de coke à meilleur marché, et d’accéder aussi à des livraisons des producteurs allemands d’acier, dont pourtant depuis la fin de la guerre la majorité des Alliés occidentaux avaient eu tendance à limiter la production, car l’objectif est d’obtenir un « nivellement des prix de l’acier ». En effet, comme nous l’avons souligné, le changement de position du ministère de la Production industrielle avait rendu aux sidérurgistes le pouvoir de fixer leurs prix et les quantités allouées. En 1949, Renault devient donc de son propre chef par l’énergie de son PDG Pierre Lefaucheux, en compagnie du fort actif délégué général du Syndicat général des industries mécaniques Jean Constant (dont le rôle a été repéré en 1965 par l’historien américain F. Roy Willis47 puis a été justement mis au premier plan par les travaux de Matthias Kipping) et également de l’économiste, député et ministre socialiste André Philip, l’un des trois grands piliers soutenant le Commissaire au Plan Jean Monnet et le ministre MRP Robert Schuman, dans leur action en vue d’un espace sans frontières pour le charbon et l’acier européens, idée qui va donner, grâce à ses soutiens allemands et français, le Plan Schuman du 9 mai 1950 puis la première Communauté européenne, celle du charbon et de l’acier (CECA)48.

    43Grâce surtout à des archives jusqu’ici peu ou pas utilisées (et encore n’ai-je pas vu l’énorme fonds des archives de l’Occupation française en Allemagne – rapatrié de Colmar à La Courneuve, avec un classement très complexe, dans lequel il y a forcément des documents sur l’affaire Röchling), notre recherche a ainsi apporté des éléments assez nouveaux sur le versant sidérurgique de l’occupation française de la Sarre après la Seconde Guerre mondiale. La volonté du gouvernement français d’évincer Hermann Röchling de la Völklinger Hütte avait déjà été étudiée par les historiens, et ceux-ci avaient montré que le gouvernement français n’avait cessé de bricoler à cette fin des solutions qui se heurtaient à des obstacles internationaux et nationaux successifs, obstacles juridiques, économiques, financiers et bien sûr politiques. Ce que notre enquête menée dans une perspective d’histoire des entreprises a mis en valeur, ce sont la multiplicité des tensions franco-françaises, les divergences entre ministères et les positions changeantes de ceux-ci, l’intérêt limité des entreprises publiques sollicitées par l’État faute de ressources financières suffisantes et en revanche l’appétit sans ambition des sidérurgistes privés (donc sans projet de développement industriel), ainsi que les contraintes budgétaires qui limitent les appétits de l’État lui-même et les contraintes exercées par le droit des sociétés. Notre enquête a aussi souligné le fait que, notamment à la SNCF et à la Régie Renault, les conseils d’administration des entreprises publiques ne sont pas dans cette période des chambres d’enregistrement et qu’on y vote même sur des points sensibles.

    44Avec ces éléments nouveaux notre recherche apporte trois confirmations supplémentaires à l’historiographie récente : le contrôle français sur la Sarre a été une source de difficultés sans nom49 ; l’occupation française de la Sarre a été surtout « ancrée dans des considérations militaires et de sécurité et n’a pas pour but une exploitation économique à long terme » (Matthias Kipping) ; l’entreprise nationalisée Renault a joué un rôle spécifique en matière européenne, inspiré à la fois par la position européenne de son président, affichée dès son premier discours au personnel le 10 novembre 194450, et par les intérêts technologiques et commerciaux d’une entreprise française consommatrice de produits sidérurgiques, ayant en cela une expérience différente des relations entre consommateurs et producteurs de ces produits qui sont tendanciellement moins tendues en Allemagne51.

    45Le devenir de la Völklinger Hütte n’est donc pas seulement fonction de l’évolution des relations internationales dans le monde de l’après-guerre et de l’affirmation des volontés de la population sarroise. Il illustre aussi la place spécifique de la question sarroise dans la marche vers la construction européenne52. Enfin il fait se déployer la dynamique complexe des relations public-privé dans une France qui n’est pas riche, où certains membres des Comités d’organisation ayant réfléchi dès Vichy à un nouvel ordre industriel sont encore influents53 et qui est amenée à s’insérer dans l’Europe.

    46Les nombreuses discussions entre Français dans l’affaire Röchling ont, à mon avis, contribué à créer un réseau de relations et un capital de connaissances sur l’industrie sidérurgique qui ont été utiles au cheminement de l’intégration européenne. L’expérience française en Sarre avec le procès Röchling, puis l’impossibilité avérée d’une solution française pour la Völklinger Hütte, la réussite économique persistante de la Völklinger Hütte malgré les limites imposées par les autorités françaises, le maintien de la vision industrielle et politique de la Régie Renault et les leçons que les sidérurgistes tirent progressivement de cette expérience et du problème des cartels allemands orientent une partie des décideurs soucieux de la compétitivité et de la croissance de l’économie française et attentifs à leurs contacts en Allemagne vers un cadre européen.

    Notes de bas de page

    1 Philippe Mioche et Denis Woronoff, dir., L’acier en France. Produits et marchés de la fin du xviiie siècle à nos jours, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2006. Luc-André Brunet, Forging Europe : Industrial Organisation in France, 1940-1952, Londres, Palgrave Macmillan, 2017, qui a retrouvé les comptes rendus mensuels des réunions du Comité d’organisation de la Sidérurgie.
    Je remercie pour leur aide et leurs indications archivistiques mes collègues Françoise Berger, Rainer Hudemann, Hervé Joly, Claire Mouradian, Cyrille Sardais et Marie Laperdrix, directrice du Centre des Archives Économiques et Financières (CAEF). Une première version de ce texte est parue en allemand : “Renault und die Stahlindustrie in der Nachkriegszeit : eine Verbindung mit Völklingen ?“, in Meinrad Maria Grewenig (Hg.), Die Röchlings und die Völklinger Hütte, Völklingen, Edition Völklinger Hütte, 2016, p. 141-157.

    2 Armin Heinen, Saarjahre. Politik und Wirtschaft im Saarland 1945-1955, Stuttgart, Steiner Verlag, 1996.

    3 Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union européenne, 1944-1952. Intégration économique et compétitivité internationale, Paris, CHEFF, 2002.

    4 Cité ici d’après Jean-Louis Loubet, Citroën, Peugeot, Renault et les autres… Histoire de stratégies d’entreprises, 2e édition partiellement revue, Boulogne-Billancourt, ETAI, 1999, p. 44.

    5 Cité ici d’après Jean-Louis Loubet, Renault. Histoire d’une entreprise, Boulogne-Billancourt, ETAI, 2e édition partiellement revue, 2000, p. 109 et note p. 389.

    6 Jean-François Eck, Les entreprises françaises face à l’Allemagne de 1945 à la fin des années 1960, Paris, CHEFF, 2003, chapitre IV.

    7 En français voir Margaret Manale, « Les usines Völklingen, patrimoine sans mémoire ? », L’Homme et la société, no 192, avril-juin 2014, p. 31-48.

    8 Françoise Berger und Hervé Joly, « ‘’Fall 13’’ : Das Rastatter Röchling-Verfahren », in Kim C. Priemel und Alex Stiller (Hg.), NMT. Die Nürnberger Militärtribunale zwischen Geschichte, Gerechtigkeit und Rechtschöpfung, Hambourg, Hamburger Edition, 2013, p. 464-490. Margaret Manale, « Industrie de guerre et patrimoine : les usines Röchling face à l’histoire », Les Temps Modernes, no 673, avril-juin 2014, p. 76-106.

    9 Markus Nievelstein, Der Zug nach der Minette. Deutsche Unternehmen in Lothringen 1871-1918, Bochum, Universitätsverlag Dr. N. Brockmeyer, 1993 ; Jeffrey R. Fear, Organizing Control : August Thyssen and the Construction of German Corporate Management, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2009, p. 289-290.

    10 Manfred Rasch und Gerald D. Feldman, August Thyssen und Hugo Stinnes : ein Briefwechsel 1898-1922, Munich, C. H. Beck, 2003, p. 54 et 532.

    11 Jacques Bariéty, « Les conséquences pour l’économie française du retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1919 », Francia, no 3, 1975, p. 548-553. Michel Prosic, L’usine créatrice. L’usine de Hagondange : naissance de la vie ouvrière (1910-1938), Hagondange, Ville de Hagondange, 1996.

    12 Voir mon entretien avec le regretté Bernard Langlois-Meurinne (1903-1992) en juin 1989.

    13 Matthias Kipping, La France et la construction de l’Union Européenne, op. cit. Et, depuis, les travaux de Jonathan Aylen, synthétisés en français dans « Les logiques d’adaptation des techniques de métallurgie américaines en Europe (années 1930-1950) », in Serge Benoit et Alain Michel, dir., Le monde du génie industriel au xxe siècle. Autour de Pierre Bézier et des machines-outils, Sévenans, Pôle éditorial de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 2015, p. 75-92.

    14 Cyrille Sardais, Patron de Renault. Pierre Lefaucheux 1944-1955, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

    15 Philippe Mioche, « Du marché à l’État. La maison de Wendel dans la sidérurgie des Trente Glorieuses (1945-1975) », in Philippe Mioche, dir., La sidérurgie française et la maison de Wendel pendant les Trente Glorieuses 1945-1975, Aix-en-Provence, PUP, 2015, ici p. 23-25. Il s’appuie sur de nouvelles sources provenant des Archives De Wendel et Pont-à-Mousson.

    16 Éric Godelier, Usinor-Arcelor. Du local au global…, Paris, Hermès, 2006.

    17 Jean-Noël Jeanneney, François de Wendel en République. L’argent et le pouvoir 1914-1940, 2e éd., Paris, Perrin, 2004.

    18 Matthias Kipping, op. cit. ; Philippe Mioche, « Du marché à l’État », op. cit. p. 24-25 ; Éric Godelier, « Usinor-de Wendel. Une course fratricide durant les Trente Glorieuses ? », in Philippe Mioche, dir., op. cit., p. 50-52.

    19 Nous suivons ici Jean-François Eck, op. cit.

    20 Archives Pont-à-Mousson, PAM 70 689, Intervention de T. Laurent à la réunion du 30 janvier 1945 au CORSID, compte rendu de la réunion établi par Francois de Villepin et adressé à André Grandpierre et Henri Cavallier, 30 janvier 1945.

    21 Ibid.

    22 Hans-Christian Herrmann, “Plante Hermann Röchling 1940 ein zusammenhingendes Montanrevier Saar-Lor-Lux ?“, Zeitschrift für die Geschichte der Saargegend, 1994, p. 214-224. Margaret Manale, « Hermann Röchling : un baron de fer allemand en Lorraine (1914-1944) », Les Temps Modernes, no 679, juillet-septembre 2014, p. 214-244.

    23 Jean-François Eck, Les entreprises françaises, op. cit.

    24 Françoise Berger, La France, l’Allemagne et l’acier (1932-1952). De la stratégie des cartels à l’élaboration de la CECA, thèse de doctorat d’histoire, Université Paris I, 2000, p. 1033.

    25 Dépêche de M. Lalouette, représentant du ministère des Affaires étrangères à la délégation française près le Tribunal militaire international, à M. Bidault, ministre des Affaires étrangères, Documents diplomatiques français, 1946-2, no 3, Bruxelles, Peter Lang, 2004, p. 14-16. Les documents français de l’époque francisent le nom de Röchling.

    26 Archives de Renault Histoire, Boulogne-Billancourt, fonds Pierre Lefaucheux.

    27 « Albert Gabriel Bureau (1909-1991) » http://www.annales.org/archives/x/bureau.html (consulté le 23 janvier 2016) et Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor. Un héritier des maîtres de forges, Paris, Éditions du CNRS, 1988. Voir aussi les éléments nouveaux sur son action apportés dans Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union Européenne, op. cit., première partie.

    28 Cf. Cyrille Sardais, « La naissance d’une institution : Pierre Lefaucheux et la Régie Renault », Revue Française de Gestion, no 159, 2005, p. 83-107 (voir la première partie).

    29 Ces déclarations de Pierre Lefaucheux sont dans le procès-verbal du Conseil d’administration de la Régie Renault du 24 février 1948 déjà cité.

    30 Centre des Archives Économiques et Financières, Savigny-le-Temple, B 00061324/1, séquestre du groupe Röchling.

    31 Alexis Aron, « Jules Aubrun », La Jaune et la Rouge, février 1960 (en ligne). Danièle Fraboulet, Quand les patrons s’organisent. Stratégies et pratiques de l’Union des industries métallurgiques et minières 1901-1950, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, p. 69-70 ; Roger-André Brunet, op. cit., p. 57, 65, 67.

    32 Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor, op. cit.

    33 Témoignage sur cette personnalité de Jean K., « Les mésaventures d’un jeune ingénieur », octobre 2011, sur le site louisrenault.com http://louisrenault.com/2011/12/07/les-mesaventures-dun-jeune-ingenieur-par-jean-k-ancien-deporte-ingenieur-a-la-regie-nationale-des-usines-renault-1947-1948-octobre-2011/.

    34 Lambert Blum-Picard et Roger Loison, « Étienne Audibert », Annales des Mines, novembre 1955 (en ligne).

    35 Contrairement à ce qu’écrit Jean-Louis Loubet, il n’y a rien dans le CA du 22 mars 1949.

    36 Archives diplomatiques, La Courneuve, 7QO/60, fonds du Cabinet Robert Schuman (1948-1953). Les documents cités dans la section suivante de cet article sont conservés dans ce carton.

    37 Cf. Michel Debré, Trois républiques pour une France, t. II : 1946-1958, Paris, Albin Michel, 1988, p. 56.

    38 Françoise Berger, La France, l’Allemagne et l’acier (1932-1952), op. cit., p. 1033-1034.

    39 Ibid., p. 1034. Sur François Turquet (1897-1976), cf. son dossier administratif au CAEF, 1C-0034851/1, et sa notice dans Fabien Cardoni et alii., dir., Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances 1801-2009, Paris, CHEFF, 2012, p. 956-957.

    40 Cf. Gerald Berk, Dennis C. Galvan, Victoria Hattam (eds.), Political Creativity. Reconfiguring Institutional Order and Change, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2013.

    41 Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union européenne, op. cit.

    42 Archives en ligne du Centre Virtuel de Connaissance de l’Europe (CVCE), Luxembourg.

    43 Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor, op. cit.

    44 « Albert Étienne Jean Denis (1914-2010) » http://www.annales.org/archives/x/denis.html (consulté le 26 janvier 2016). Voir aussi Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor, op. cit., Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union Européenne, op. cit., et Jean-Louis Marquet, « Albert Denis (1914-2010) », Les Sioux, no 214, septembre 2010.

    45 Voir par exemple Herbert Elzer, Konrad Adenauer, Jacob Kaiser und die kleine Wiedervereinigung, Sankt Ingbert, Röhrig Universitätsverlag, 2008.

    46 Ce qui est le point mentionné par Jean-Louis Loubet, Histoire de Renault, op. cit.

    47 F. Roy Willis, France, Germany, and the New Europe, 1945-1963, Stanford, Stanford University Press, 1965, p. 94.

    48 Matthias Kipping, « Les tôles avant les casseroles. La compétitivité de l’industrie française et les origines de la construction européenne », Entreprises et Histoire, no 5, juin 1994, p. 73-94 et La France et les débuts de l’Union Européenne, op. cit., IIIe partie. Christian Chevandier et Gilles Morin, dir., André Philip, socialiste, patriote, chrétien, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005.

    49 Bronson Long, No Easy Occupation : French Control of the German Saar, 1944-1957, Rochester, Camden House, 2015, notamment p. 199.

    50 Pierre Lefaucheux, « Discours du 10 novembre 1944 », De Renault Frères constructeurs d’automobiles à Renault Régie Nationale, no 15, décembre 1977.

    51 Matthias Kipping, “Inter-Firm Relations and Industrial Policy : The French and German Steel Producers and Users in the Twentieth Century”, Business History 38 (1), January 1996, p. 1-25.

    52 Rainer Hudemann, “Der Weg zur EWG. Europa-Politik 1945/50-1958-59“, in Meinrad Maria Grewenig (Hg.), Die Röchlings und die Völklinger Hütte, op. cit., p. 159-171.

    53 Roger-André Brunet, op. cit., p. 177-253.

    Auteur

    • Patrick Fridenson

      École des Hautes Études en Sciences Sociales

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    1 Philippe Mioche et Denis Woronoff, dir., L’acier en France. Produits et marchés de la fin du xviiie siècle à nos jours, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2006. Luc-André Brunet, Forging Europe : Industrial Organisation in France, 1940-1952, Londres, Palgrave Macmillan, 2017, qui a retrouvé les comptes rendus mensuels des réunions du Comité d’organisation de la Sidérurgie.
    Je remercie pour leur aide et leurs indications archivistiques mes collègues Françoise Berger, Rainer Hudemann, Hervé Joly, Claire Mouradian, Cyrille Sardais et Marie Laperdrix, directrice du Centre des Archives Économiques et Financières (CAEF). Une première version de ce texte est parue en allemand : “Renault und die Stahlindustrie in der Nachkriegszeit : eine Verbindung mit Völklingen ?“, in Meinrad Maria Grewenig (Hg.), Die Röchlings und die Völklinger Hütte, Völklingen, Edition Völklinger Hütte, 2016, p. 141-157.

    2 Armin Heinen, Saarjahre. Politik und Wirtschaft im Saarland 1945-1955, Stuttgart, Steiner Verlag, 1996.

    3 Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union européenne, 1944-1952. Intégration économique et compétitivité internationale, Paris, CHEFF, 2002.

    4 Cité ici d’après Jean-Louis Loubet, Citroën, Peugeot, Renault et les autres… Histoire de stratégies d’entreprises, 2e édition partiellement revue, Boulogne-Billancourt, ETAI, 1999, p. 44.

    5 Cité ici d’après Jean-Louis Loubet, Renault. Histoire d’une entreprise, Boulogne-Billancourt, ETAI, 2e édition partiellement revue, 2000, p. 109 et note p. 389.

    6 Jean-François Eck, Les entreprises françaises face à l’Allemagne de 1945 à la fin des années 1960, Paris, CHEFF, 2003, chapitre IV.

    7 En français voir Margaret Manale, « Les usines Völklingen, patrimoine sans mémoire ? », L’Homme et la société, no 192, avril-juin 2014, p. 31-48.

    8 Françoise Berger und Hervé Joly, « ‘’Fall 13’’ : Das Rastatter Röchling-Verfahren », in Kim C. Priemel und Alex Stiller (Hg.), NMT. Die Nürnberger Militärtribunale zwischen Geschichte, Gerechtigkeit und Rechtschöpfung, Hambourg, Hamburger Edition, 2013, p. 464-490. Margaret Manale, « Industrie de guerre et patrimoine : les usines Röchling face à l’histoire », Les Temps Modernes, no 673, avril-juin 2014, p. 76-106.

    9 Markus Nievelstein, Der Zug nach der Minette. Deutsche Unternehmen in Lothringen 1871-1918, Bochum, Universitätsverlag Dr. N. Brockmeyer, 1993 ; Jeffrey R. Fear, Organizing Control : August Thyssen and the Construction of German Corporate Management, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2009, p. 289-290.

    10 Manfred Rasch und Gerald D. Feldman, August Thyssen und Hugo Stinnes : ein Briefwechsel 1898-1922, Munich, C. H. Beck, 2003, p. 54 et 532.

    11 Jacques Bariéty, « Les conséquences pour l’économie française du retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1919 », Francia, no 3, 1975, p. 548-553. Michel Prosic, L’usine créatrice. L’usine de Hagondange : naissance de la vie ouvrière (1910-1938), Hagondange, Ville de Hagondange, 1996.

    12 Voir mon entretien avec le regretté Bernard Langlois-Meurinne (1903-1992) en juin 1989.

    13 Matthias Kipping, La France et la construction de l’Union Européenne, op. cit. Et, depuis, les travaux de Jonathan Aylen, synthétisés en français dans « Les logiques d’adaptation des techniques de métallurgie américaines en Europe (années 1930-1950) », in Serge Benoit et Alain Michel, dir., Le monde du génie industriel au xxe siècle. Autour de Pierre Bézier et des machines-outils, Sévenans, Pôle éditorial de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 2015, p. 75-92.

    14 Cyrille Sardais, Patron de Renault. Pierre Lefaucheux 1944-1955, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

    15 Philippe Mioche, « Du marché à l’État. La maison de Wendel dans la sidérurgie des Trente Glorieuses (1945-1975) », in Philippe Mioche, dir., La sidérurgie française et la maison de Wendel pendant les Trente Glorieuses 1945-1975, Aix-en-Provence, PUP, 2015, ici p. 23-25. Il s’appuie sur de nouvelles sources provenant des Archives De Wendel et Pont-à-Mousson.

    16 Éric Godelier, Usinor-Arcelor. Du local au global…, Paris, Hermès, 2006.

    17 Jean-Noël Jeanneney, François de Wendel en République. L’argent et le pouvoir 1914-1940, 2e éd., Paris, Perrin, 2004.

    18 Matthias Kipping, op. cit. ; Philippe Mioche, « Du marché à l’État », op. cit. p. 24-25 ; Éric Godelier, « Usinor-de Wendel. Une course fratricide durant les Trente Glorieuses ? », in Philippe Mioche, dir., op. cit., p. 50-52.

    19 Nous suivons ici Jean-François Eck, op. cit.

    20 Archives Pont-à-Mousson, PAM 70 689, Intervention de T. Laurent à la réunion du 30 janvier 1945 au CORSID, compte rendu de la réunion établi par Francois de Villepin et adressé à André Grandpierre et Henri Cavallier, 30 janvier 1945.

    21 Ibid.

    22 Hans-Christian Herrmann, “Plante Hermann Röchling 1940 ein zusammenhingendes Montanrevier Saar-Lor-Lux ?“, Zeitschrift für die Geschichte der Saargegend, 1994, p. 214-224. Margaret Manale, « Hermann Röchling : un baron de fer allemand en Lorraine (1914-1944) », Les Temps Modernes, no 679, juillet-septembre 2014, p. 214-244.

    23 Jean-François Eck, Les entreprises françaises, op. cit.

    24 Françoise Berger, La France, l’Allemagne et l’acier (1932-1952). De la stratégie des cartels à l’élaboration de la CECA, thèse de doctorat d’histoire, Université Paris I, 2000, p. 1033.

    25 Dépêche de M. Lalouette, représentant du ministère des Affaires étrangères à la délégation française près le Tribunal militaire international, à M. Bidault, ministre des Affaires étrangères, Documents diplomatiques français, 1946-2, no 3, Bruxelles, Peter Lang, 2004, p. 14-16. Les documents français de l’époque francisent le nom de Röchling.

    26 Archives de Renault Histoire, Boulogne-Billancourt, fonds Pierre Lefaucheux.

    27 « Albert Gabriel Bureau (1909-1991) » http://www.annales.org/archives/x/bureau.html (consulté le 23 janvier 2016) et Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor. Un héritier des maîtres de forges, Paris, Éditions du CNRS, 1988. Voir aussi les éléments nouveaux sur son action apportés dans Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union Européenne, op. cit., première partie.

    28 Cf. Cyrille Sardais, « La naissance d’une institution : Pierre Lefaucheux et la Régie Renault », Revue Française de Gestion, no 159, 2005, p. 83-107 (voir la première partie).

    29 Ces déclarations de Pierre Lefaucheux sont dans le procès-verbal du Conseil d’administration de la Régie Renault du 24 février 1948 déjà cité.

    30 Centre des Archives Économiques et Financières, Savigny-le-Temple, B 00061324/1, séquestre du groupe Röchling.

    31 Alexis Aron, « Jules Aubrun », La Jaune et la Rouge, février 1960 (en ligne). Danièle Fraboulet, Quand les patrons s’organisent. Stratégies et pratiques de l’Union des industries métallurgiques et minières 1901-1950, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, p. 69-70 ; Roger-André Brunet, op. cit., p. 57, 65, 67.

    32 Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor, op. cit.

    33 Témoignage sur cette personnalité de Jean K., « Les mésaventures d’un jeune ingénieur », octobre 2011, sur le site louisrenault.com http://louisrenault.com/2011/12/07/les-mesaventures-dun-jeune-ingenieur-par-jean-k-ancien-deporte-ingenieur-a-la-regie-nationale-des-usines-renault-1947-1948-octobre-2011/.

    34 Lambert Blum-Picard et Roger Loison, « Étienne Audibert », Annales des Mines, novembre 1955 (en ligne).

    35 Contrairement à ce qu’écrit Jean-Louis Loubet, il n’y a rien dans le CA du 22 mars 1949.

    36 Archives diplomatiques, La Courneuve, 7QO/60, fonds du Cabinet Robert Schuman (1948-1953). Les documents cités dans la section suivante de cet article sont conservés dans ce carton.

    37 Cf. Michel Debré, Trois républiques pour une France, t. II : 1946-1958, Paris, Albin Michel, 1988, p. 56.

    38 Françoise Berger, La France, l’Allemagne et l’acier (1932-1952), op. cit., p. 1033-1034.

    39 Ibid., p. 1034. Sur François Turquet (1897-1976), cf. son dossier administratif au CAEF, 1C-0034851/1, et sa notice dans Fabien Cardoni et alii., dir., Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances 1801-2009, Paris, CHEFF, 2012, p. 956-957.

    40 Cf. Gerald Berk, Dennis C. Galvan, Victoria Hattam (eds.), Political Creativity. Reconfiguring Institutional Order and Change, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2013.

    41 Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union européenne, op. cit.

    42 Archives en ligne du Centre Virtuel de Connaissance de l’Europe (CVCE), Luxembourg.

    43 Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor, op. cit.

    44 « Albert Étienne Jean Denis (1914-2010) » http://www.annales.org/archives/x/denis.html (consulté le 26 janvier 2016). Voir aussi Philippe Mioche et Jacques Roux, Henri Malcor, op. cit., Matthias Kipping, La France et les origines de l’Union Européenne, op. cit., et Jean-Louis Marquet, « Albert Denis (1914-2010) », Les Sioux, no 214, septembre 2010.

    45 Voir par exemple Herbert Elzer, Konrad Adenauer, Jacob Kaiser und die kleine Wiedervereinigung, Sankt Ingbert, Röhrig Universitätsverlag, 2008.

    46 Ce qui est le point mentionné par Jean-Louis Loubet, Histoire de Renault, op. cit.

    47 F. Roy Willis, France, Germany, and the New Europe, 1945-1963, Stanford, Stanford University Press, 1965, p. 94.

    48 Matthias Kipping, « Les tôles avant les casseroles. La compétitivité de l’industrie française et les origines de la construction européenne », Entreprises et Histoire, no 5, juin 1994, p. 73-94 et La France et les débuts de l’Union Européenne, op. cit., IIIe partie. Christian Chevandier et Gilles Morin, dir., André Philip, socialiste, patriote, chrétien, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005.

    49 Bronson Long, No Easy Occupation : French Control of the German Saar, 1944-1957, Rochester, Camden House, 2015, notamment p. 199.

    50 Pierre Lefaucheux, « Discours du 10 novembre 1944 », De Renault Frères constructeurs d’automobiles à Renault Régie Nationale, no 15, décembre 1977.

    51 Matthias Kipping, “Inter-Firm Relations and Industrial Policy : The French and German Steel Producers and Users in the Twentieth Century”, Business History 38 (1), January 1996, p. 1-25.

    52 Rainer Hudemann, “Der Weg zur EWG. Europa-Politik 1945/50-1958-59“, in Meinrad Maria Grewenig (Hg.), Die Röchlings und die Völklinger Hütte, op. cit., p. 159-171.

    53 Roger-André Brunet, op. cit., p. 177-253.

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    • Sussman, Sarah. (2020) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 43. DOI: 10.1215/00161071-8018539

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