Les métiers à Constantinople
Un élément du contrôle social et politique de la ville
p. 431-449
Texte intégral
1Les empereurs ont toujours cherché à établir solidement leur pouvoir à Constantinople. Dès lors, le contrôle politique et social de la population est vital pour assurer l’établissement d’une dynastie. Nombre de tentatives d’usurpation échouent à cause du soutien apporté par « la Ville » à l’empereur en place1. À ce jeu-là, les Macédoniens démontrent tout leur savoir-faire en contrôlant progressivement la population de la ville. À la lecture des chroniqueurs, nous assistons à la formation de liens forts entre cette dynastie et la ville : à la famille impériale le soutien sans faille des habitants, à la ville, une politique qui assure en premier lieu l’approvisionnement et en second lieu l’enrichissement de la population constantinopolitaine.
2L’épisode de mai 1042, maintes fois mentionné et analysé en est la parfaite illustration. La famille paphlagonienne est parvenue au pouvoir en s’appuyant sur les élites économiques de la ville et cette famille exerce la réalité du pouvoir au nom de la dynastie macédonienne2. Pour une grande partie de la population, cette situation est supportable, cependant lorsque Michel V cherche à supplanter, puis à éliminer les princesses macédoniennes, cela devient inacceptable pour les Constantinopolitains3. Dans le même ordre d’idées, mais à un niveau moindre, Jean Skylitzès décrit les épisodes qui montrent l’opposition de la population à Nicéphore II Phokas. Les « gens de la Ville » font de Nicéphore Phokas un anti-Basile Ier et ce refus s’accompagne d’un attachement accru aux porphyrogénètes Basile et Constantin4.
3Toute la question est donc de savoir, comment la dynastie macédonienne a gagné le soutien de la ville et de sa population, qui de surcroît est en plein essor démographique5. Elle a su utiliser plusieurs leviers pour agir : d’abord, elle a favorisé le maintien des élites en place avant 865, ensuite elle a développé des liens personnels avec l’aristocratie provinciale et enfin elle a mis en place une politique en faveur des métiers/corporations de Constantinople6.
4Sur la place des métiers dans la politique des Macédoniens, le questionnement a été renouvelé par deux ouvrages récents. Gilbert Dagron montre que les dèmes et les corporations se partagent la représentation de la population, indiquant que les sources distinguent « en dehors des clercs et des gens des bureaux et des dignitaires », les catégories suivantes : les officiers et soldats de l’armée centrale de Constantinople ou des régions proches (τὰ τάγματα), les deux factions des Bleus et des Verts (τὰ δύο μέρη τῶν Βενέτων καὶ τῶν Πράσινων) et les membres de l’administration urbaine (πολίτευμα, πολιτικόν, πολιτική) avec les corporations (τὰ συστήματα7). Cependant, la problématique sur les corporations doit être la même que celle sur les dèmes : comment peut-on imaginer un instant que les métiers de Constantinople soient toujours pensés et organisés au xie siècle sur le modèle romain du ive siècle ? Il est évident que nous devons chercher ce qu’il y a de « médiéval » dans leur fonctionnement et considérer qu’ils ont changé. Dans son dernier ouvrage, Evelyne Patlagean oblige les byzantinistes à regarder un peu à l’ouest en particulier vers les villes italiennes en plein développement pour se poser la question du parallélisme des évolutions politiques et sociales8
5 Ainsi l’étude portera sur la mise en place d’un contrôle multiforme de la population de Constantinople par l’empereur, les métiers étant un des éléments de ce contrôle comme les dèmes, l’administration, les confréries, les structures religieuses.
Les métiers fossilisés
6Faire l’histoire des corporations avant 912 est assez ardu à cause de la faiblesse des sources. En effet, il faut résister à la tentation de plaquer les réalités des ive et ve siècles sur celles des viiie et ixe siècles. En partant de ce qui a été établi par d’autres, on doit admettre que la crise du viie siècle, ici comme ailleurs, a sonné le glas du système de la première Constantinople. Le système fondé sur un contrôle par l’État du fonctionnement des corporations a volé en éclat à cause principalement de l’effondrement démographique de la ville9.
7Cependant, les métiers existent toujours dans la « petite » Constantinople du début du viie siècle, les sources l’attestent. Ainsi, la Doctrina Jacobi décrit le fonctionnement du système de patronage à l’intérieur d’un métier de commerce10. Les sources mentionnent également l’existence des ergasteriakoi, les « gens des ateliers », à trois moments politiques distincts des Dark Ages : ils accompagnent Héraclius en 623 lorsqu’il rencontre le khagan des Avars avec les autres corps constitués, les dignitaires (οἱ ἄρχοντες), les propriétaires (οἱ κτήτορες), les clercs (οἱ κλερίκοι), les représentants des métiers (οἱ ἐργαστηριακοί) et les démotes (δημόται ἐξ ἐκαστέρους μὲρους11). En 711, Justinien II les oblige à participer avec les sénateurs à l’armement d’une flotte contre Kherson12. Enfin, en 776, Léon IV exige d’eux un serment de fidélité, et les chroniqueurs les citent parmi d’autres « institutions13 ». Il s’agit bien d’un corps politique identifié avec les autres et, selon Michel Psellos, pour bien gouverner, l’empereur doit s’appuyer sur ce corps politique, comme il s’appuie sur les aristocratikoi, les politikoi et les dèmotikoi14. Il est difficile de bien percevoir pour cette période de l’histoire byzantine, ce que les auteurs byzantins mettent sous cette simple mention. Parfois, comme l’indique Gilbert Dagron, cela ressemble à une énumération quasi-classique dans sa forme qui ne reflète plus le système contraignant du ve siècle15. Les métiers sont désormais des associations professionnelles qui par l’intermédiaire de leurs représentants ont des relations avec les pouvoirs publics, principalement l’éparque. Cette association professionnelle est probablement vue par le pouvoir comme l’équivalent urbain de la communauté rurale et l’administration lui confie/délègue certaines fonctions comme la répartition des impôts. De plus, le métier (συστήμα) est doté d’une personnalité juridique qui lui permet de gérer les fonds qui lui sont propres, sinon comment expliquer la mention d’une boutique confisquée et attribuée au métier16 ? Enfin, les conditions et l’environnement économique ont radicalement changé : en effet, si l’on estime que vers 750, la population de Constantinople s’élève à 40 000 habitants, soit dix fois moins qu’en 550, alors les besoins en infrastructures commerciales sont bien évidemment dix fois moindres. Cet affaiblissement démographique explique en partie que la « mort » des anciennes corporations, largement surdimensionnées, n’ait déclenché aucune crise dans la ville, aucun émoi chez les chroniqueurs.
Les métiers au moment du redémarrage
8Le Livre de l’Éparque est probablement la meilleure preuve, a contrario, de l’adaptation de la structure des corporations et de son maintien sous une forme différente. La genèse du texte montre bien que les services de l’Éparque ont collationné les différents statuts et règlements préexistants des métiers. Dans les dix-neuf chapitres, cohabitent des termes différents pour une même réalité, des structures variables d’un métier à l’autre. Le pouvoir n’a pas cherché à mettre en place une organisation unique avec les mêmes noms, les mêmes fonctions, les mêmes règles d’entrée dans le métier, les mêmes régimes de convivialité. Cela s’explique par le souci de maintenir en place ce qui existe déjà. De plus, les membres des corporations sont sûrement attachés à leurs spécificités qui inscrivent leurs différences et leurs places dans la hiérarchie sociale de la ville17. La mise en œuvre du Livre de l’Éparque se situe également en plein cœur de la phase de réorganisation de la capitale par les Macédoniens. À l’instar de la remise en ordre idéologique et juridique élaborée par Basile Ier, Léon VI le Sage, son fils, poursuit son œuvre de « révision » pour reprendre le terme fréquemment utilisé dans les Novelles18.
9Dans le domaine économique, le besoin de réorganisation se fait d’autant plus sentir que la capitale connaît depuis plus d’un demi-siècle, un redémarrage économique indéniable. Les métiers « fossilisés » ne répondent plus à l’attente du pouvoir impérial qui a besoin de structures fiables, solides et efficaces pour régler les problèmes sensibles et en particulier le contrôle du commerce des produits stratégiques (métaux précieux, soie et blé), ainsi que tout ce qui touche à l’approvisionnement de la ville qui doit faire face à l’essor démographique19.
10Comme indiqué plus haut, la famille du meurtrier Basile Ier doit également assurer la pérennité de son pouvoir et le choix politique a été fait rapidement. La politique de Basile Ier, illustrée par les nombreuses constructions et rénovations décrites par la Vita Basilii et Jean Skylitzès, cherche à assurer la prospérité économique de la ville. De cette manière, les Macédoniens veulent faire naître un attachement de la population à la famille macédonienne20.
11En effet, si jamais des empereurs byzantins ont eu une politique économique, ce n’est jamais en tant que telle. Derrière une décision économique, les historiens trouvent toujours un motif politique. Le système fiscal est ainsi organisé autour de deux objectifs : assurer le financement de l’armée et de l’administration par un prélèvement annuel des ressources des campagnes, assurer l’approvisionnement de la capitale à bas prix pour garantir la paix sociale21. La mise en œuvre de cette politique n’est possible que si elle s’appuie sur des élites qui permettent le fonctionnement de l’administration fiscale dans les campagnes byzantines. Les familles de l’aristocratie assurent ces missions car elles en retirent des profits énormes qu’elles réinvestissent dans l’achat de nouvelles terres22. Léon VI le Sage reprend les mêmes recettes lorsqu’il s’intéresse aux bénéfices du commerce avec la Bulgarie. Il en confie la gestion et une partie des bénéfices à ses proches23. Pourquoi, dès lors, changer de mode de fonctionnement quand il s’agit de l’organisation des métiers à Constantinople ? Léon VI, encore lui, utilise les mêmes recettes : agir avec les élites pour organiser la production et contrôler les bienfaits de cette politique. Par conséquent, nous retrouvons naturellement dans le Livre de l’Éparque les élites économiques urbaines (notaires, banquiers, orfèvres et les métiers de la soie). Ils sont tous plus ou moins intéressés au fonctionnement de la machine impériale24. Il s’y trouve un second groupe, certes moins prestigieux, mais bien plus nombreux : ce sont les métiers de bouche. En effet, il existe peu de rapports entre le notaire ou le métaxoprate et l’épicier ou le boulanger. Cependant, ces derniers représentent le modèle du Constantinopolitain moyen si l’on en croit les historiens. Ces métiers de bouche sont ceux qui assurent, en collaboration avec l’administration de l’éparque, un tarif le plus bas possible pour les aliments de base de la population. La politique tarifaire est orientée à la baisse car les métiers ne contrôlent presque rien : le blé arrive à Constantinople venant de zones de production où la grande propriété domine de plus en plus. C’est donc l’aristocratie foncière qui est la principale bénéficiaire du commerce vers Constantinople pour le blé mais également pour le poisson. L’État intervient pour limiter les abus en fixant une marge maximale25. Enfin, la sous administration chronique de l’empire et donc de Constantinople permet tous les détournements ou contournements possibles, cela va des pratiques aristocratiques de l’oikos, réutilisées par les monastères ou les petits trafics des paysans thraces26.
12Nous avons donc un système organisé autour d’objectifs politiques : d’une part l’approvisionnement et le calme politique, d’autre part la participation des élites, indispensable au bon fonctionnement. Pour ce faire, les corporations du Livre de l’Éparque doivent collaborer avec le pouvoir à des degrés divers. Parallèlement, la croissance économique remarquable des années 850-1050 assure le parfait fonctionnement du système : la ville est calme, la population peut se nourrir sans trop de difficultés car les crises frumentaires sont rares27 et les systèmes d’approvisionnement parallèles officiels ou officieux maintiennent les prix bas28. Une partie des élites économiques marchandes de Constantinople profitent du système en s’enrichissant et parviennent en petit nombre à s’intégrer dans l’aristocratie urbaine des ixe et xe siècles29.
13Restent des incertitudes : quid de certaines professions qui ne sont pas dans le Livre de l’Éparque et pour quelles raisons ? Le manque d’intérêt stratégique peut expliquer en partie cette absence : ainsi les métiers de la construction ne sont pas dans le Livre de l’Éparque car la construction ne concerne que l’acheteur et le vendeur et en aucun cas l’État. Cette absence est plus gênante dans le cas des commerçants au long cours. Ce commerce étant extrêmement lucratif, il est possible qu’il n’obéisse pas au système mis en place par le Livre de l’Éparque pour les raisons suivantes : d’une part, la législation sur le prêt à intérêt suffit, d’autre part, cette activité concerne les élites aristocratiques qui investissent les capitaux issus du service de l’État dans le commerce. Nous avons à Constantinople, comme en Italie, la formation d’une classe de financiers marchands qui investissent leurs revenus dans ce commerce lucratif et comme ils appartiennent également aux élites politiques, ils ne supporteraient pas un contrôle tatillon de l’administration30.
14Premier bilan, au tournant du xe siècle, le pouvoir macédonien fonctionne sur des principes clairs et bien établis : l’empereur gouverne avec une bureaucratie et une armée dirigées par les aristokratikoi. La ville de Constantinople est dominée par les élites urbaines : sugklètikoi kai ergasteriakoi qui assurent le calme social par des fonctions de patronage.
Les « gens de la ville »
15La question de l’encadrement de la société urbaine se renouvelle peu à peu au cours des xe et xie siècles. Passée la phase de l’encadrement du redémarrage économique au cours des règnes de Basile Ier et Léon VI, le xe siècle correspond à une période d’expansion économique et les problèmes se règlent au fur et à mesure. Si au xe siècle, les mentions de tensions urbaines sont rares, c’est à partir de la fin de ce siècle que la population commence à prendre part à la vie politique : les mentions de la participation des « gens de la Ville » aux événements politiques se multiplient de la fin du xe siècle jusqu’à la fin du xie siècle31. Reste à savoir ce qui se cache derrière cette expression « les gens de la ville », traduction moderne la plus courante du terme byzantin οἱ πολιταὶ32. Les auteurs ne sont pas très explicites dans leurs expressions, que ce soit Jean Skylitzès, Michel Psellos, Michel Attaleiatès ou leurs contemporains. Il est tentant de voir derrière les « gens de la ville », les corps de métiers organisés.
16Cette expression désigne une population dont certains caractères l’opposent à la foule inorganisée. Les descriptions des événements opposent toujours dans leur déroulement la participation tumultueuse de la foule à celle ordonnée et organisée des « gens de la Ville ». Ainsi, ce sont « gens de la Ville » qui dans le récit de Jean Skylitzès s’adressent à Nicéphore II pour lui rappeler la politique de Basile Ier contre la cherté des grains33. C’est à eux que s’adresse l’éparque en avril 104234. Enfin, ce sont eux que Constantin IX Monomaque cherche à gagner en 1047 au moment de la rébellion de Tornikios35. En fait, les « gens de la Ville » représentent le versant institutionnel de la population de Constantinople par opposition à la foule inorganisée et surtout incontrôlable qui agit quand les événements s’emballent36.
17Peut-on, dès lors, assimiler les « gens de la Ville » aux métiers ? Probablement parce qu’au xie siècle, ils forment la seule institution en état de marche. En effet, les dèmes sont fossilisés et en déclin comme le montre la révolte d’avril 1042 : c’est l’éparque que l’on envoie calmer l’émeute naissante parce que c’est à lui de s’adresser aux « gens de la ville », l’empereur, quant à lui, s’adresse à l’ensemble de la population. On retrouve la même attitude du pouvoir quand Zoé s’adresse à la foule à la fin de ces deux journées37. À la limite, il s’agit avant tout de la version organisée de la population, qu’elle le soit par les dèmes, les métiers, les confréries, les organisations militaires, peu importe : ce que veut le pouvoir ce sont des corps intermédiaires qui peuvent servir de relais à la parole impériale. La comparaison s’impose avec la situation des villes italiennes de la même époque où une nébuleuse de réseaux enserrent et insèrent les populations dans des corps sociaux. L’imbrication de ces réseaux assure une cohésion à la population urbaine et le pouvoir peut toujours, d’une manière ou d’une autre, s’adresser à elle38.
Contrôler les « gens de la ville »
18Ensuite le second problème consiste à étudier comment les gouvernants tentent de gagner ou de conserver le soutien des métiers. Le cas de Nicéphore II Phokas montre que la tentation de gouverner sans est assez illusoire. Certes, les historiens doivent se méfier de l’image de cet empereur car Jean Skylitzès en fait un portrait à charge, transformant toute rumeur en vérité et il parvient à imposer sa description de la politique de Nicéphore39.
19Il est tentant d’opposer à ce portrait celui de Jean Ier Tzimiskès, non pas sur ses actions ou ses conquêtes militaires mais sur un court passage de l’œuvre de Jean Skylitzès : « Jean épousa Théodora, sœur de Romain, fille de Constantin Porphyrogénète. Par ce geste, il combla d’une grande joie les gens de la Ville (τοὺς πολίτας) parce qu’il faisait en sorte que le pouvoir impérial restât dans la même famille40 ». C’est cet attachement à la famille macédonienne chez les « gens de la Ville » qu’il faut analyser. Il est évident que c’est à la politique des Macédoniens que les habitants de Constantinople sont attachés. C’est celle qui est illustrée par l’historiette rapportée par Jean Skylitzès à propos de Basile Ier. Il y décrit l’empereur prenant soin de recevoir les doléances des « gens de la Ville » qui le préviennent de la situation de famine de Constantinople41. Plus tard, le règne glorieux de Basile II assure le bien-être de sa ville et sa petite-fille Zoé y fait référence lors de son discours de 1042. C’est pour cette politique que les politai refusent de suivre Bardas Phokas en 987 car, sans une flotte efficace, il est incapable de mettre à mal le ravitaillement de Constantinople42. De plus, reprenant la tradition d’évergétisme de Basile Ier, son descendant Basile II s’empresse de reconstruire les églises détruites par les catastrophes de 986 et de 101043. On a donc avec les deux empereurs Basile, les bases de cette politique macédonienne : approvisionnement et constructions évergétiques. Les « gens de la Ville », c’est-à-dire les métiers, agissent dès qu’ils perçoivent la possibilité d’un changement de politique, ils agissent principalement pour éviter le retour d’une politique trop défavorable à leurs intérêts comme sous Nicéphore II Phokas. Ces interventions sont résumées dans le tableau ci-après.
Principales mentions de l’intervention des « Gens de la Ville » dans les sources du xie siècle-début xiie siècle44
Printemps 987 | Ils repoussent les propositions de Bardas Phokas | Jean Skylitzès, p. 332-338 ; Léon le Diacre, p. 173-4, Michel Psellos a, I, p. 7-11. |
Nov. 1028 | Ils font le choix de Constantin Dalassènos | Jean Skylitzès, p. 373-374, Michel Psellos a, I, p. 122, Zônaras, p. 572. |
Nov. 1034 | Ils accueillent favorablement l’annonce de la mort de Romain III Argyros | Michel Psellos a, I, p. 54. |
Été 1040 | Ils soutiennent Michel Cérulaire contre Michel IV | Jean Skylitzès, p. 412, Michel Psellos b, p. 313-318. |
Avril 1042 | Ils éliminent Michel V puis choisissent Zoé contre Théodora | Jean Skylitzès, p. 418-420 ; Michel Psellos a, I, p. 101-115, Zônaras, p. 609-612 ; Michel Attaleiatès, p. 19-28 |
Juillet 1042 | Ils accueillent favorablement Constantin IX Monomaque | Jean Skylitzès, p. 423 ; Zônaras, p. 616 ; Michel Psellos a, I, p. 124-127. |
Mars 1044 | Ils grondent contre la Sklèraina | Jean Skylitzès, p. 434. |
Fin 1047 | Ils choisissent Constantin IX Monomaque contre Léon Tornikios | Jean Mauropous, Discours n° 186 ; Jean Skylitzès, p. 439-442 ; Zônaras, p. 625-631 ; Michel Attaleiatès, p. 39-51, Michel Psellos a, II, p. 14-30. |
1054 | Ils soutiennent Michel Cérulaire contre Constantin IX Monomaque | Acta et Scripta, p. 150-15244. |
Fin août 1056 | Soutien à Théodose Monomaque contre Michel VI | Jean Skylitzès, p. 481-2 ; Zônaras, p. 655-6. |
1057 | Ils soutiennent Isaac Comnène contre Michel VI | Jean Skylitzès, p. 497-8 ; Skylitzès Continué, p. 103 ; Michel Attaleiatès, p. 95-107 ; Michel Psellos a, II, p. 85-109 ; Zônaras, 657-66. |
Nov. 1058 | Soutien à Michel Cérulaire contre Isaac Comnène | Skylitzès Continué, p. 104-5 ; Zônaras, p. 669 ; Michel Attaleiatès, p. 113-117. |
Nov. 1060 | Complot contre Constantin X | Michel Attaleiatès, p. 131-138 ; Michel Psellos a, II, p. 148-9. |
Oct. 1071 - juin 1072 | Soutien à Romain IV Diogénès contre Michel VII Doukas | Michel Attaleiatès, p. 305-325 ; Zônaras, p. 704-6 ; Skylitzès Continué, p. 153-4 ; Michel Psellos a, II, p. 167-172. |
1073-1074 | Soutien à Jean Doukas | Michel Attaleiatès, p. 345-351 ; Nicéphore Bryennios, p. 176-80. |
Printemps 1079 | Opposition à Konstantios Doukas | Michel Attaleiatès, p. 559-563 ; Skylitzès Continué, p. 185 ; Zônaras, p. 724. |
Fév. - avril 1081 | Opposition à Alexis Ier Comnène | Anne Comnène, p. 69-108 ; Nicéphore Bryennios, p. 63-67 ; Zônaras, p. 727-730. |
20Dans cette énumération, deux événements sont à étudier de manière plus précise et pour une fois cela ne sera pas 1042, mais ceux plus tardif de 1047 et 1057 : en 1047, la révolte de Léon Tornikios reçoit un écho favorable dans les provinces européennes de l’Empire, il lui reste à parachever son œuvre par la prise de Constantinople. Jean Skylitzès décrit les tentatives de Léon Tornikios de gagner à sa cause les « gens de la ville » mais sans nous donner les raisons de son échec, indiquant seulement que la défense de la Ville est assurée par des éléments épars de l’armée et surtout « par les gens de la Ville et du peuple45 ». Michel Psellos, pour une fois plus précis, donne quelques arguments de Tornikios :
Et puis, ils pensaient que les gens de la Ville ne prendraient pas parti pour l’empereur et ne leur feraient aucune opposition, pour la raison qu’ils étaient pleins de colère contre le prince – n’avait-il pas commencé à prendre contre eux des mesures inouïes ? – qu’ils supportaient avec peine son immobilisme46 et qu’ils voulaient voir comme empereur un militaire capable de se jeter pour eux dans les dangers et de refouler les incursions des barbares47.
21On regrette toutefois que ces actions inouïes ne soient pas précisées. Un peu plus loin, Psellos indique clairement que la mise en place des armées de Léon Tornikios pour l’assaut favorise le ralliement des « gens de la Ville » à Constantin IX Monomaque. L’empereur emporte leur adhésion en promettant des prix « comme pour les jeux48 ». Dans le même temps, Léon Tornikios envoie des prisonniers essayer de gagner la population, prisonniers qui font « des récits dramatiques des maux qui venaient de notre empereur à nous, ajoutant que, bien que dans les débuts, il eût porté haut les espérances de la Ville, il les avait ensuite du haut des nues précipitées dans un abîme49 ». Tout cela indique que la politique des Macédoniens de conciliation des élites urbaines avait été abandonnée. Constantin a eu tendance à écouter les tenants d’une politique plus aristocratique, autour de la Sklèraina, prenant sous son influence les « mesures inouïes » dont parle Psellos. En 1044, la population avait déjà manifesté son rejet d’une telle politique, trois ans plus tard, Constantin doit réorienter sa politique pour satisfaire les élites de la Ville50. Enfin, pour montrer qu’en 1047, le soutien de la Ville est primordial, Jean Mauropous indique que pendant le siège le peuple ordinairement déraisonnable s’est montré mesuré et que les premiers citoyens ont parcouru la ville pour assurer le salut de l’empereur. Il précise l’action de l’empereur qui a encouragé les habitants par des dons et des promotions51.
22En 1057, le coup d’État d’Isaac Ier Comnène montre l’action politique des métiers et correspond à un autre moment crucial dans la vie politique de Constantinople. En effet, le soutien des « gens de la Ville » est à gagner car désormais, il n’y a plus de légitimité macédonienne et les corps de métiers sont à la recherche de garanties. De plus, l’enrichissement et la politique d’ouverture du Sénat ont quelque peu brouillé les lignes. En effet, depuis Constantin IX Monomaque, de manière certaine, les gens des métiers ont accès aux dignités sénatoriales ce que déplore, une fois de plus, Michel Psellos lorsqu’il décrit les émeutiers de Constantinople : « il s’agit précisément de ceux dont nous savons comme tout le monde qu’ils se sont faufilés dans le Sénat52 ». Néanmoins, sénateurs ou non, les « gens de la Ville » ont les mêmes préoccupations que leurs ancêtres : obtenir une politique favorable à leurs intérêts économiques. Ainsi la décision d’Isaac Ier Comnène de licencier son armée est une des décisions qui favorise encore plus leur acceptation de sa prise du pouvoir53.
23Pour ce conservateur qu’est Michel Psellos, la situation de l’Empire à ce moment est dramatique à cause de la confusion qui désormais préside à l’organisation de la société : ici, il critique la politique qui a amené l’agora au Sénat et compte sur Isaac pour amputer l’État de ses dépenses nouvelles, c’est ce qu’il explique dans un long passage de la Chronographie où il revient sur la politique des empereurs depuis Basile II54 : il les accable tous, sauf Michel IV, pour n’avoir pas su maintenir en l’état l’héritage et
d’avoir fait de la plupart des gens des bêtes au lieu d’êtres humains, et les avoir engraissés au point de nécessiter force remèdes purificateurs, réclamait l’autre série de traitements, je veux dire l’amputation, la cautérisation et la purgation ; cette circonstance, dis-je, était donc revenue elle-aussi, et Isaac Comnène, ceint du diadème, monta sur le char romain. Pour l’envisager, lui aussi, à la lumière de l’allégorie, plaçons-le tantôt parmi les cochers, et tantôt rangeons-le au nombre des médecins55.
24Clairement pour Michel Psellos, la confusion dans la société de Constantinople, issue de la politique d’ouverture du Sénat a affaibli l’État. Il espère qu’Isaac prendra les mesures qu’il a toujours souhaitées : il faut remettre de l’ordre et que chacun des éléments de Constantinople retrouve sa place pour permettre le fonctionnement de l’État56. Il redoute que désormais certains éléments des « gens de la Ville » puissent s’appuyer sur leur puissance économique mais également sur le poids politique qu’ils ont obtenu avec leurs dignités de sénateurs. Si Jean Skylitzès mentionne des « amateurs de révolutions » dans le camp des révoltés de 1057, il décrit également des gens avisés et des sénateurs que Michel VI n’a pas su se concilier mais que les Cérulaire amènent à Isaac57. En 1042, la césure entre les deux camps était nette et si pendant l’émeute, on trouvait côte-à-côte, la foule, les citoyens et les sénateurs, chacun soutenait un camp. En 1057, ils sont tous derrière Isaac Comnène comme le montre l’accueil triomphal organisé de main de maître par le patriarche Michel Cérulaire qui utilise encore une fois les relais dont il dispose dans la population de Constantinople et dont il s’est déjà servi dès 1040 et plus efficacement en 105458. Michel VI en est conscient, selon Jean Skylitzès, puisqu’il renonce à l’empire parce que les « gens de la Ville » (πολιταὶ encore une fois) l’ont abandonné, parvenant à faire ce que les morts de la bataille de Nicée n’avaient pas réussi à faire59.
25Une fois cette période trouble passée, les « gens de la Ville » sont moins présents dans les sources et/ou jouent un rôle plus effacé. Désormais, gens des métiers, sénateurs et citoyens sont plus difficilement identifiables dans les sources. Pour les compétiteurs au trône impérial, le contrôle de la Ville passe par les nouvelles élites économiques enrichies par le commerce mais les organisations des métiers passent au second plan, d’autres structures d’encadrement ont pris leur place : « nouveaux sénateurs », aristocrates implantés en ville. Seulement, les familles aristocratiques en compétition pour le pouvoir ne parviennent pas à s’attacher durablement le soutien de la population de Constantinople. Ainsi, les Doukas, traditionnellement présentés comme les plus favorables à la population de Constantinople doivent faire face à l’opposition de la population de la ville. Ainsi, en 1060, les comploteurs parviennent tout de même à attirer une partie, mais une partie seulement, de la population contre Constantin X Doukas ; de même, en 1071-1072 une partie du palais est plutôt favorable à la négociation et à un partage du pouvoir entre Romain III Diogène et Michel VII Doukas, enfin en 1079, Konstantios Doukas doit faire face à l’opposition du Sénat et du peuple de Constantinople60.
26Enfin, en 1081, la prise de pouvoir d’Alexis Ier Comnène et les dégâts et pillages qu’elle occasionne rappellent le schéma de 963 à la différence qu’il ne s’agit pas de reproduire la politique de Phokas, mais d’établir un changement politique qui rétablit l’ordre ancien de séparation des élites économiques des élites politiques. Ainsi la décision, très commentée, d’Alexis Ier Comnène à propos d’Anne Pédianitissa montre bien qu’il est nécessaire de clarifier la position. Les oncles de la plaignante doivent choisir : soit ils sont des sénateurs et doivent renoncer à leurs activités économiques, soit ils sont des marchands et doivent renoncer aux privilèges des sénateurs61. En fait, le programme attendu par Michel Psellos se produit à partir de 1081, mais il ne se fait pas au profit des anciennes élites de Constantinople mais au profit de la famille, des proches et des familiers des Comnène.
27Les corps de métiers représentent donc pour les empereurs macédoniens le meilleur moyen d’atteindre et de contrôler la population de Constantinople. Ils décident de s’appuyer sur ces « gens de la Ville » car ils représentent un levier supplémentaire pour assurer la pérennité de la dynastie. Le compromis macédonien trouve ici une déclinaison supplémentaire : pour les aristocrates, les empereurs favorisaient en même temps l’eugeneia et la méritocratie, pour Constantinople, ils font une place aux élites économiques à côté des élites de la ville que sont les familles de la bureaucratie traditionnelle. Cela devient la marque de la dynastie et, après la mort de Théodora, les successeurs reprennent cette politique d’ouverture du sénat et la mettent en avant : ce que les Macédoniens font depuis 150 ans, Constantin IX et Constantin X le proclament et le font proclamer62.
Bibliographie
Bibliographie
Sources
Acta et scripta quae de controversiis ecclesiae graecae et latinae saeculo undecimo composita extant, éd. C. Will, Leipzig, 1861.
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Notes de bas de page
1 Cf. la description de l’échec de Tornikios dans Michel Psellos, Chronographie, II, 6-XLIX-CXXIV ou celle de Nicéphore Bryennios dans Nicéphore Bryennios, Histoire, p. 214-236 ; sur le rôle de Constantinople, cf. A. Ducellier, Constantinople 1054-1261, Tête de la Chrétienté, proie des Latins, capitale grecque, Paris, Éditions Autrement, coll. « Mémoires », n° 40, 1996, p. 41-46. A. Kaldellis, The Byzantine Republic, People and Power in New Rome, Harvard University Press, 2015, p. 118-164 principalement p. 133-135, propose de réévaluer la place du peuple dans la vie politique byzantine.
2 On attend encore l’étude sur la famille Paphlagonienne qui permette d’y voir plus clair et de mieux préciser son positionnement social et politique : quels liens avec les métiers ? Quels liens avec la Paphlagonie ? Quels liens avec les autres familles aristocratiques et en particulier la famille Comnène ? M. Angold, « The Byzantine State on the Eve of the Battle of Mantzikert », Byzantinischen Forschungen 16, 1991, p. 21-22, n. 48 faisant référence à une donation d’Isaac Comnène pour honorer la mémoire de Jean l’Orphanotrophe.
3 Sur 1042, J.-C. Cheynet, 1996, fiche documentaire n° 56, p. 54-56 avec la bibliographie antérieure et depuis : T. C. Lounghis, « The Byzantine historians on Politics and People from 1042 to 1081 », Byzantion 72/2, 2002, p. 387-388 ; L. Garland, Byzantine Empresses, Women and Power in Byzantium ad 527-1204, Londres, 1999, p. 140-144 et 161-163 ; É. Limousin, 2014a, p. 72-74 ; J.-C. Cheynet, « La colère du peuple à Byzance (xe-xiie s.) », Histoire Urbaine 3, 2001, p. 25-38.
4 Jean Skylitzès, p. 276-278 (trad. p. 232-234) sur l’épisode de la famine à Constantinople. Sur Jean Skylitzès et Phokas : R. Morris, « The two faces of Nikephoros Phokas », Byzantine and Modern Greek Studies 12, 1988, p. 83-115.
5 Sur la démographie de la ville, A. E. Laiou, « The Human Resources », Economic History of Byzantium, vol. 1, Washington, 2002, p. 47-55 ; M. Kaplan, « La population de Constantinople du vie siècle à l’époque des Paléologues », in S. Flogatis et A. Pantelis, éd., L’Empire Romain d’Orient et la genèse de l’idée d’État en Europe, Londres, p. 73-82, (European Public Law Series/ Bibliothèque de Droit Public Européen 80) (Reprint in M. Kaplan, Villes et campagnes, Paris, 2006, p. 308-314), 2005, p. 73-82.
6 Sur le règne fondateur de Léon VI le Sage, voir S. Tougher, The Reign of Leo VI (886-912). Politics and People, Leyde (The Medieval Mediterranean, 15), 1997.
7 G. Dagron, L’hippodrome de Constantinople, jeux, peuple et politiques, Paris, 2011, traite des corporations principalement aux pages 137-139 et 146-150 avec les références au Livre des Cérémonies, I, 53 [44], Bonn, p. 226 et II, 21, p. 617 et 619.
8 E. Patlagean, Le Moyen Âge grec, Byzance ixe-xvesiècle, Paris, « Évolution de l’Humanité », 2007, p. 17-18.
9 G. Dagron, « Ainsi rien n’échappera à la réglementation, État, Église, corporations, confréries : à propos des inhumations à Constantinople (ive-xesiècles) », in V. Kravari, J. Lefort, C. Morrisson, éd., Hommes et richesses dans l’Empire byzantin, t. II, Paris, p. 155-182, reprint dans G. Dagron, Idées byzantines, vol. 2, Paris, ACHByz, 2012, p. 563-601 ; id., « Les corporations de Constantinople », Idées byzantines, op. cit., p. 652-685, version française de G. Dagron, « The Urban Economy, Seventh-Twelfth Centuries », Economic History of Byzantium, A. E. Laiou, éd., Dumbarton Oaks, 2002, p. 393-461 (Dumbarton Oaks Studies XXXIX).
10 Doctrina Jacobi nuper baptizati, I, 40-41, v. 20, trad. V. Deroche et G. Dagron, éd., Juifs et Chrétiens dans l’Orient du viie siècle, Travaux et Mémoires XI, 1991, p. 47-273 et 214-219, en résumé, Jacob, juif de Ptolémaïs, monte vers 603 à Constantinople pour y mener une vie de « casseur ». Peu intéressé par les causes, il se passionne pour les troubles factionnels du règne de Phokas, passant son temps dans les quartiers chauds de Constantinople et faisant le coup de poing. Après quelques années, il s’assagit, trouve un métier dans le monde hiérarchisé du commerce avec un προστατὴς (supérieur), lui-même protégé par un πατρῶν (probablement un dignitaire). Il achève son entrée dans la πολιτεία en se convertissant à Carthage en 632.
11 Chronicon Paschale, p. 712.
12 Théophane, p. 377.
13 Théophane, p. 449.
14 Voir par exemple, le discours adressé à Théodora, Michel Psellos, Orationes Panegyricæ, n° 11, p. 12062-12176 ; sur ce discours, voir É. Limousin, « La rhétorique au secours du patrimoine, Psellos, les impératrices et les monastères », in L. Theis, M. Mullet, M. Grünbart, dir., Female Founders in Byzantium and Beyond, Vienne, 2014a, p. 167-172.
15 G. Dagron, op. cit., 2011, p. 148-150.
16 G. Dagron, op. cit., 2012, p. 652, l’auteur intègre les principaux travaux de G. C. Maniatis, « Organization, Market Structure, and Modus Operandi of the Private Silk Industry in Tenth-Century Byzantium », Dumbarton Oaks Papers 53, 1999, p. 263-332 ; id., « The Domain of Private Guilds in the Byzantine Economy, Tenth to Fifteenth Centuries », Dumbarton Oaks Papers 55, 2001, p. 339-369. Il ne faut pas oublier l’article plus ancien de S. Vryonis, « Byzantine Dèmokratia and the Guilds in the xith Century », Dumbarton Oaks Papers 17, 1963, p. 289-313. G. C. Maniatis insiste sur la différence essentielle entre les métiers (συστήματα) et les associations professionnelles libres (σωματεῖα) sans emporter l’adhésion de G. Dagron.
17 Sur les notaires, H. Saradi, Le notariat byzantin du ixe au xve siècles, Université d’Athènes, n° 86, 312 p. (« Bibliothèque Sophia N. Saripolou »), 1991.
18 Sur le Livre de l’Éparque, nous disposons de l’édition Das Eparchenbuch Leons des Weisen, trad. allemande de J. Koder. La traduction française de J. Nicole, Le Livre du Préfet ou l’édit de l’empereur Léon le Sage sur les corporations de Constantinople, doit être remplacée par les extraits présents dans les manuels parus pour la question de concours 2007-2008, par exemple : S. Métivier, Économie et société à Byzance (viiie-xiie siècle), Textes et documents, Paris. 2007, p. 152-156 et 162. Pour l’esprit des Novelles de Léon VI, sous-titrées : αἱ τῶν νομῶν ἐπανορθώτικαι ἀνακάθαρσεις que Noailles et Dain traduisent par : « Révision et correction des lois » voir l’introduction, Les novelles de Léon VI le Sage, p. xiii-xvii, avec une autre problématique, A. Kaldellis, op. cit., 2015, p. 9-14, développe ces aspects.
19 A. Harvey, Economic Expansion in the Byzantine Empire 900-1200, Cambridge University Press, 1989, p. 169-170 ; P. Magdalino, Constantinople médiévale, Études sur l’évolution des structures urbaines, Paris, 1996, p. 51-90.
20 Sur les constructions de Basile Ier, Chronographiae a, Chronographiae quae Theophanis continuati nomine fertur Liber quo vita Basilii imperatoris amplectitur, éd. et trad. I. Sevcenko, Berlin, 2011 (CFHB 42), p. 272-304 ; Jean Skylitzès, p. 161-166 (trad. 135-138), sur cet épisode, P. Magdalino, op. cit., 1996, p. 27-28, R. Ousterhout, Reconstructing ninth-century Constantinople, in L. Brubaker, éd., Byzantium in the Ninth Century : Dead or Alive, Ashgate, 1998, p. 115-124.
21 Sur le rôle de l’État dans l’économie : N. Oikonomides, « The Role of Byzantine State in the Economy », Economic History of Byzantium, vol. 3, Washington, 2002, p. 965-1050 ; sur l’approvisionnement de la Ville : M. Kaplan, « Le ventre de l’Empire », in A. Ducellier, éd., 1996, p. 86-103.
22 Les terres klasmatiques forment la base de cette nouvelle fortune aristocratique : A. Harvey, op. cit., 1989, p. 57-58 ; J. Lefort, « L’économie rurale à Byzance (viie-xiie siècle) », Société rurale et histoire du paysage à Byzance, Paris, 2006, p. 439, 447-448 et 454. Il s’agit de la version française de J. Lefort, « The Rural Economy, seventh-twelfth Centuries, » Economic History of Byzantium I, Washington, 2002, p. 231-310.
23 Sur le règne de Léon VI, voir Sh. Tougher, op. cit., 1997, p. 96-97 et J.-C. Cheynet, « Le rôle de la “Bourgeoisie” constantinopolitaine », Zbornik Radova Vizantološkog Instituta 46, 2009, p. 100-101.
24 Il s’agit ici de l’utilisation politique des kekolyména (soie, or voire le blé) : paiement des rogai, dons aux ambassadeurs etc. cf. G. Dagron, op. cit., 2012, p. 667-670 ; M. Kaplan, « Du cocon au vêtement de soie : concurrence et concentration dans l’artisanat de la soie à Constantinople aux xe-xie siècles », Eupsychia, Mélanges offerts à Hélène Ahrweiler, Paris, Byzantina Sorbonensia, n° 16, 1999, p. 315-319.
25 M. Kaplan, op. cit., 1996, p. 86-103 ; M. Kaplan, « Les artisans dans la société de Constantinople aux viie-xiie siècles », in N. Necipoglou, éd., Byzantine Constantinople, Monuments, Topography and Everyday life, Leyde-Boston-Cologne, 2001, p. 245-263 ; pour les pêcheries, cf. G. Dagron, op. cit., 2012, p. 690-698.
26 G. Dagron, op. cit., 2012, p. 643-652 ; Smyrlis K., La fortune des grands monastères byzantins (fin du xe-milieu du xive siècle), Paris, ACHCByz, 2006, p. 219-225.
27 Les sources mentionnent quelques exemples, la plus célèbre est celle de 927-928 où Romain Ier Lécapène montre l’exemple de la charité impériale (Jean Skylitzès, p. 225, trad. p. 189-190) ; en 960, le parakoimôménos Joseph Bringas lutte contre la hausse des prix en multipliant les sources d’approvisionnement et en interdisant le stockage privé (Syméon Magistre, p. 75912-16). Nicéphore II Phokas est accusé de favoriser la spéculation organisée par des amis de son frère (Jean Skylitzès, p. 277-278 ; trad. 233-234). Enfin, en 1037, Jean l’Orphanotrophe fait également venir du blé d’Hellade et du Péloponnèse tout en organisant des processions (Jean Skylitzès, p. 400 ; trad. p. 332).
28 L’oikos du Myrélaion a pour mission de mettre en place un approvisionnement en pain, assurant ainsi la mission charitable de l’empereur, sur le Myrélaion : R. Janin, « Notes d’histoire et de topographie, II : le monastère du Myrélaion », Revue des Études Byzantines, 26, 1968, p. 180 ; P. Magdalino, op. cit., 1996, p. 24-25 utilisant Jean Skylitzès, p. 231.
29 Sur l’origine des aristocraties urbaines, le ixe siècle est primordial puisqu’il correspond à l’instar de la situation dans les provinces à l’élaboration du groupe dominant qui vient s’agréger peu à peu aux vieilles familles sénatoriales voir l’article fondamental de J.-C. Cheynet, « L’aristocratie byzantine (viiie-xiiie siècle) », Journal des Savants, 2000, 2, p. 281-322.
30 La 10e vexation de Nicéphore Ier qui établit un prêt forcé pour les armateurs à 16,66 % d’intérêt, montre que ceux-ci pouvaient le supporter sans trop de difficultés grâce à des profits encore plus importants. La mauvaise réputation de cette politique, d’après les écrits de Théophane, illustre très bien ce refus de l’intervention de la fiscalité impériale dans les affaires commerciales de l’aristocratie (Théophane, p. 486-487). De même, l’historiette relatant la colère de Théophile apprenant la participation de sa femme au commerce constantinopolitain, atteste bien que les aristocrates investissent leurs capitaux dans cette activité lucrative (Jean Skylitzès, p. 51, trad. p. 49 ; Chronographiae b, Chronographiae quae Theophanis continuati nomine fertur Libri I-IV, éd. et trad. M. Feathersone et J. Signes-Codoner, Berlin, 2015, CFHB 53, p. 128-130). Il reste une question mentionnée par Kaplan dans une note : qui assure la production ? L’investissement des capitaux aristocratiques favorise également l’émergence d’un groupe social capable d’assurer la navigation et les échanges commerciaux, car les aristocrates n’agissent pas directement, M. Kaplan, op. cit., 1999, p. 321, n. 54.
31 À l’époque de Léon VI, les complots concernent avant tout l’entourage de l’empereur comme le montre la relation de ce règne par Jean Skylitzès :
– 886 : autour de Photios et Sandarabènos, Jean Skylitzès, p. 171-174 (trad. p. 143-146) ;
– 886 : autour de Léon Zaoutzès, idem, p. 178-179 (trad. p. 150) ;
– peu après : autour de Basile, l’épiktès, idem, p. 179-180 (trad. p. 151) ;
– 903 : attentat de Saint-Môkios, idem, p. 181-182 (trad. p. 153) ;
– 908 : complot de Samonas, idem, p. 190-191 (trad. p. 160-161).
32 Voir par exemple : idem, p. 274-279 (trad. 230-234) : dans tout le paragraphe décrivant l’opposition de la population de Constantinople à Nicéphore II Phokas, ce sont les πολιταὶ qui s’expriment et les traducteurs alternent entre « citoyens » (27617), « gens de la Ville » (27853 et68), voire citoyens de la ville (27749).
33 Jean Skylitzès, p. 27737-27864 (trad. 233-234).
34 Idem, p. 41817-31 (trad. 346-347) ; Michel Psellos, Chronographie, I, 5-XXV, p. 10218 ; « les gens des ateliers » par opposition à la populace (idem, XXVI, p. 1021). La traduction de Renauld est un peu brutale pour le deuxième terme, τὸ δ᾽ἀγοραῖον γένος peut se rendre plus simplement par les « gens du marché ».
35 Jean Skylitzès, p. 44015 (trad. p. 366) ; Michel Psellos, Chronographie, II, 6-CXVII, p. 256-8.
36 Sur mon analyse de 1042, É. Limousin, 2014b, p. 72-74 ; voir également A. Kaldellis, op. cit., 2015, p. 90-94 et 105-106.
37 Jean Skylitzès, p. 41944-46 (trad. p. 347) et p. 42079-81 (trad. p. 348).
38 C’est ce que montre le discours de Jean Mauropous en 1047 lorsqu’il décrit le rôle des premiers de la ville qui assurent, pour une fois, leur rôle. Les discours de Jean Mauropous sur l’année 1047, difficilement accessible dans l’édition de P. Lagarde, ont été analysés par J. Lefort, « Rhétorique et politique : trois discours de Jean Mauropous en 1047 », Travaux et Mémoires VI, 1976, p. 268-270. Sur les villes italiennes, P. Boucheron, Les villes d’Italie (v. 1150-v. 1340), Paris, Berlin, 2004, p. 117-120, fournit un rapide résumé de l’historiographie sur la question.
39 Jean Skylitzès, p. 273-275, (trad. 230-231) énumère ainsi l’action de l’armée contre les habitants, la loi contre les évêques, le tétartéron, la construction du mur du palais et l’agiotage. Léon le Diacre, p. 6516-18 (trad. 102-103) fait lui aussi la distinction entre les citoyens (ἀστικῶν) et la foule sans ordre (ἀτάκτου λαοῦ).
40 Sur Théodora, voir Jean Skylitzès, p. 29494-97 (trad. p. 247) ; Léon le Diacre, p. 127 (trad. p. 160) ne reprend pas cette idée, passant rapidement sur les qualités morales de cette femme et insistant sur le fait qu’il « se montrait affable et agréable envers ses sujets, débordant aisément de compassion envers ceux qui le sollicitaient. Mais à cette époque-là plus précisément, comblant le peuple de festins et de spectacles à l’Hippodrome ».
41 Jean Skylitzès, p. 27737-27864 (trad. 233-234).
42 Jean Skylitzès, p. 336 (trad. 280-281) ; Léon le Diacre, p. 173-4 (trad. 202-203), Michel Psellos, Chronographie, I, 1-XII, p. 8-9.
43 Jean Skylitzès, p. 331-332 (trad. 277) lorsqu’un tremblement de terre atteint Sainte-Sophie ; idem, p. 347-348 (trad. 291), en 1010, un tremblement de terre détruit les coupoles de l’église des 40 martyrs et de celle de Tous-les-Saints, dédiée à Théophanô la femme de Léon VI.
44 Sur la chronologie de l’événement, voir M. Kaplan, « Le schisme de 1054, éléments de chronologie », Byzantinoslavica, 56, p. 147-157 (Mélanges Vavrinek), 1995, p. 155-157. Sur l’émeute, pour l’auteur, le départ et l’excommunication des légats suffisent à calmer la foule. Tout en se demandant jusqu’à quel point la foule a manifesté sa colère, il y voit une préfiguration de l’émeute de 1057 contre Michel VI.
45 Jean Skylitzès, p. 438-441, spécialement p. 44015-19 (trad. p. 366) ; A. Kaldellis, op. cit., 2015, p. 118-164 principalement p. 133-135.
46 J.-C. Riedinger propose de corriger προεδρίαν par προσεδρίαν et donc de traduire par « immobilisme » plutôt que par « domination », J.-C. Riedinger, « Remarques sur le texte de la Chronographie de Michel Psellos (2) », Revue des Études Byzantines, 64, 2006, 73, p. 205-253.
47 Michel Psellos, Chronographie, II, 6a-CIV, p. 1810-29.
48 Idem, II, 6a-CXVII, p. 256-8.
49 Idem, II, 6a-CXVII, p. 2624-26.
50 Sur l’analyse du rôle de la Sklèraina, É. Limousin, 2014b, p. 78-79.
51 Jean Mauropous, Discours, n° 186, § 54-55 sur l’année 1047. Le discours de Michel Psellos c, n° 1 est peu explicite, voir S. Luthi, Michel Psellos Panégyrique 1 : traduction princeps et commentaire, Byzantion, 77, 2007, p. 501-565.
52 Michel Psellos, Chronographie, II, 7-XXXVI, p. 10610 ; sur la politique d’ouverture du Sénat, P. Lemerle, « Byzance au tournant de son destin (1025-1118) », in Cinq Études sur le xie siècle, Paris, 1977, p. 287-293. Un bilan est disponible dans V. Déroche, Le monde byzantin 750-1204 : économie et société, Paris, 2007, p. 288-298. (« Clefs concours ») mais surtout J.-C. Cheynet, op. cit., 2009, p. 93-97.
53 Michel Psellos, Chronographie, II, 7-XLV, p. 111. Il poursuit dans le paragraphe suivant de manière plus explicite : « Quand la capitale eut été débarrassée de l’insupportable présence de ces gens, on demeura ainsi saisi d’admiration devant l’empereur et on lui prédit les choses les plus magnifiques », idem, II, 7-XLVI, p. 1111-3.
54 Idem, II, p. 115-118 et 119-120 ; Psellos reprend ici une thématique qu’il développe souvent : celui du corps malade de l’empire. Ici ce sont les « nouveaux » sénateurs, ailleurs ce sont les moines, encore ailleurs les militaires.
55 Idem, II, 7-1-LVII ; p. 118.
56 É. Limousin, « L’entourage de l’empereur ou comment obtenir l’autorité du prince à Byzance aux ixe-xe siècles », in J. Quaghebeur, J.-M. Picard, dir., Le Prince, son peuple et le Bien Commun de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge, Rennes, PUR, p. 233-253 (Acte du Colloque de Lorient, septembre 2007), 2013, p. 244-251.
57 Jean Skylitzès, p. 49835-49954 (trad. 409-410) ; Michel Attaleiatès, p. 9414-16) indique que Michel VI a fait l’erreur de réserver les bénéfices du service de l’État à ses seuls proches, créant de nombreux déçus dans la population de Constantinople.
58 Sur l’action politique de Michel Cérulaire : M. D. Spadaro, « La deposizione de Michele VI : un episodio di Concordia discors fra Chiesa et militari ? », Jahrbuch Österreichischen Byzantinistik, 37, 1987, p. 153-171 et J.-C. Cheynet, « Le patriarche “tyrannos” : le cas Cérulaire », in M.-Th. Fögen, éd., Ordnung und Aufruhr im Mittelhalter, Francfort, 1995, p. 1-16.
59 Jean Skylitzès, p. 50077-83 (trad. 411).
60 Pour 1060, Michel Attaleiatès, The History, p. 1305-1347) ; en 1071-1072, Michel Psellos, Chronographie, II, 7d-XXXV, p. 1682-5 ; Michel Attaleiatès, The History, p. 306-308, mentionnent que le césar distribue largement les honneurs à des sénateurs pour les convaincre ; pour 1079, Michel Attaleiatès, The History, p. 560.
61 J.-C. Cheynet, op. cit., 2009, p. 101-104, l’auteur minimise la rupture que représenterait la politique d’Alexis Ier Comnène.
62 Un travail en cours cherche à identifier dès 950 ces éléments dans la politique des Macédoniens. La vénalité des charges, la multiplication des nouvelles familles en sont les premiers résultats, cf. É. Limousin, op. cit., 2013, p. 250-251.
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