« Je vis M. Fabre au milieu de son musée… »
p. 239-261
Texte intégral
1… écrit Stendhal en mai 1838 à Marseille1, quelques jours après un bref passage à Montpellier et une visite au musée qui contribue depuis bientôt dix ans à la renommée de la ville. Le peintre François-Xavier Fabre, fondateur et premier directeur de cet établissement2, est mort en mars de l’année précédente, laissant un legs important qui complète sa donation de 1825 ; mais l’écrivain se remémore une première visite, qui dut se situer en 1828 ou 18293. Fabre était alors bien vivant, « honoré comme un dieu par le patriotisme de localité », « humble au milieu de tant de gloire », pour continuer à citer les remarques acerbes de M. Beyle, de fort mauvaise humeur ce jour-là à cause d’un vent glacial et d’un thé servi froid dans un café de l’Esplanade, et peu porté à l’indulgence. Sans adopter ce parti pris, nous devrons toutefois nous demander ce qui peut justifier cet agacement. Mais d’abord, essayons de voir M. Fabre dans son musée, tel qu’il l’avait voulu et conçu, et de pénétrer dans ce lieu que le temps a modifié. Car c’est par son apparence concrète qu’il peut le mieux nous éclairer sur la personnalité et les motivations du collectionneur-donateur-directeur que fut Fabre, dont, au même titre que ses peintures, il fut la création4.
2Le rang éminent que tient celui-ci parmi les musées de province est bien connu, surtout depuis sa réouverture en février 2007 après une grande campagne d’agrandissement et de rénovation. On sait qu’il doit sa richesse à d’importants et nombreux donateurs dont, au xixe siècle, pour ne citer qu’eux, Antoine Valedau et Alfred Bruyas5. Mais c’est à la donation Fabre de 1825 qu’il doit son existence. À cette date, la ville ne possède plus que quelques bribes de la collection qu’avait tenté de constituer la Société des beaux-arts, groupement d’amateurs qui, de 1779 à 1787, encouragea l’enseignement et la création artistiques6 ; la quasi-totalité des œuvres confisquées à la Révolution a été restituée ; seul ensemble digne d’intérêt, une trentaine de grands tableaux officiels, morceaux de réception à l’Académie pour la plupart, envoyés par l’État en 1802 et 1803. Le bâtiment qui avait abrité les collections, les écoles et les expositions de la Société des beaux-arts, puis le premier Muséum du département et l’enseignement artistique, et qui n’est autre que l’ancien collège des Jésuites, est devenu lycée impérial en 1806, puis collège royal à la Restauration. L’enseignement du dessin est assuré par des artistes locaux dans une école municipale, rue des Étuves, tandis que la mairie, alors à l’hôtel de Belleval, place de la Canourgue, abrite seulement une cinquantaine de tableaux. À cette pauvreté et à cette dispersion, la donation Fabre va remédier de façon nette et volontariste : la collection doit être réunie à ce que possède déjà la ville, dans un même bâtiment, « sous le nom de Musée7 » ; ce local comprendra impérativement la riche bibliothèque, partie essentielle de la donation et, si possible, des écoles gratuites de dessin. Telles sont les conditions du donateur, sur le détail desquelles nous reviendrons plusieurs fois.
3L’homme lui-même va avoir 59 ans quand il offre ses biens les plus précieux à la ville qui l’a vu naître en 1766. Formé aux écoles de la Société des beaux-arts et chez le peintre Jean Coustou, protégé par Philippe-Laurent de Joubert, trésorier de la Bourse des états du Languedoc, et probablement par les Pénitents Bleus, il a été à Paris l’élève de David avant d’obtenir en 1787 le Grand Prix de peinture qui lui vaudra quatre ans de pension à Rome. Des débuts prometteurs, l’amorce d’une carrière brillante, puis la Révolution qui modifiera radicalement son existence et sa carrière : d’opinion royaliste et de tempérament prudent, Fabre se fixera à Florence où, soutenu par le salon de la comtesse d’Albany, compagne du poète Alfieri, il peindra pour une clientèle aristocratique et cosmopolite, renonçant en partie à sa vocation de peintre d’histoire pour le portrait et, également, le paysage. Bien qu’à l’écart de Paris et loin des innovations picturales qui, d’ailleurs, ne le tentent pas, sa carrière aura un incontestable éclat et lui vaudra fortune et considération. En même temps, il se constituera une importante collection d’œuvres d’art, célèbre et admirée par les visiteurs de passage, sur laquelle, à partir de 1812 environ, il tendra à se replier, en raison de crises de goutte de plus en plus fréquentes. On sait qu’il hérita de la comtesse d’Albany quand elle mourut en 1824 et recueillit de ce fait l’héritage d’Alfieri, disparu en 1803. Mais, ce qu’il possède, il le doit au premier chef à lui-même : il l’a gagné par son pinceau et accru par des placements judicieux, ainsi que par son activité de marchand et de courtier en œuvres d’art qui lui a permis, tout en augmentant son capital, de gérer sa collection. Celle de Mme d’Albany, manifestement constituée sur ses conseils, est plutôt modeste, et la richesse d’Alfieri et de sa compagne résidait essentiellement dans leur bibliothèque. Ces précisions s’imposent parce que, comme les relations qu’entretint le peintre avec ses deux amis, la fortune de Fabre a donné lieu aux interprétations les plus malveillantes. En 1900, Léon-Gabriel Pélissier pensait que la raison de son initiative était « le sentiment un peu amer de l’indignité de son enrichissement8 ». Nous pouvons être sûrs qu’il n’en est rien et que l’homme qui, dans les premiers jours de 1825, adresse sa proposition au maire de Montpellier, a parfaitement bonne conscience. En témoignent la clarté et la précision de ses stipulations, formulées « pour agir réciproquement en toute connaissance de cause » et en s’entourant de toutes les garanties.
4Il est arrivé de Florence au début de l’automne précédent, après avoir réglé la succession de la comtesse d’Albany, décédée le 29 janvier 1824. La donation, ils l’ont décidée ensemble et commencé à la préparer dès septembre 1822, date d’un bref séjour à Montpellier au retour d’un voyage à Paris. Elle se concrétisera rapidement : lettre officielle au maire, le marquis Dax d’Axat, le 5 janvier 1825 ; acceptation, le 7, en conseil municipal extraordinaire, des collections et des conditions de Fabre ; le 10 mars, ordonnance royale autorisant la création du musée et l’achat du local propre à l’abriter ; le 2 avril, acte de donation passé devant notaire entre Fabre et le maire ; achat par la ville le 23 avril de l’hôtel de Massilian, déjà visité et expertisé le 3 janvier par les architectes municipaux. Le devis des travaux d’aménagement est dressé le 15 septembre et ils commenceront en janvier 1826, tandis que Fabre est retourné à Florence pour veiller au déménagement de sa collection ; ils se termineront en novembre 1828. L’inauguration solennelle se tiendra le 2 décembre et l’ouverture au public aura lieu le 3, jour de la saint François-Xavier9. Montpellier possède un musée, et il est fort riche. La valeur totale de la donation se monte à 398 558 francs, soit 215 326 pour les tableaux – au nombre de 250, en comptant 26 dessins encadrés –, 13 232 francs pour les objets d’art, 25 000 francs pour la totalité des estampes – qu’elles soient « encadrées, en portefeuille ou reliées » – et 145 000 francs pour les livres10. Quant au donateur, maintenant directeur à vie, il est conseiller municipal, chevalier de la Légion d’honneur, et a été fait baron par Charles X11.
5 Comment peut-on, désormais, voir « M. Fabre au milieu de son musée » ? Après les cinq premiers jours, où le public y a été admis de onze à trois heures, prévenu par voie d’affiche de venir en habits décents, de n’amener ni chiens ni enfants en bas âge et de laisser à l’entrée cannes, manteaux et parapluies12, on n’y peut entrer que les dimanches et jours fériés, aux mêmes heures et mêmes conditions. Ou alors, il faut être un élève de l’école des beaux-arts, ou un artiste autorisé à copier, ou une personnalité locale ou, mieux encore, un visiteur de marque. Si l’étranger de passage est recommandé par le maire, par le préfet, par un artiste parisien ancien condisciple de Fabre, par une ancienne amie de la comtesse d’Albany, s’il a déjà rencontré le peintre à Florence, il sera reçu et aura souvent la chance d’être guidé par le directeur en personne. À coup sûr, s’il est lui-même illustre, comme la duchesse de Berry et les souverains des Deux-Siciles en 1829, le maréchal Soult la même année ou le duc d’Orléans en 1832, Fabre ne manquera pas de lui faire les honneurs de son domaine et lui offrira peut-être un exemplaire de la médaille en bronze frappée par la Monnaie de Paris en 182813. Dans tous les cas, il pourra se procurer à l’entrée, pour un franc s’il fait partie du vulgaire, la Notice des tableaux et autres objets d’art exposés au Musée Fabre de Montpellier, où il trouvera la description des tableaux et des sculptures de marbre, soit 347 numéros pour la dernière édition, celle de 183014.
6Si le visiteur vient de la Comédie en suivant l’Esplanade, il ne peut manquer le musée, dont le jardin occupe l’angle formé par la rue Henri IV (ou Montpelliéret) au sud et, à l’est, la Grande Route Royale (ou Grand Chemin de Nîmes), sur laquelle donne, immédiatement après, le Collège royal15. Peut-être est-il, comme le furent les architectes de la ville, séduit par « sa belle position, son exposition, son isolement […], son voisinage d’un autre établissement royal16 ». Tout cela est conforme aux vœux de Fabre qui, dans sa lettre au maire, souhaitait que le local qui abriterait le musée fût « très aéré » et donc situé « sur une place de l’intérieur de la ville, ou sur les boulevards, ou enfin sur l’Esplanade ». Tout près de celle-ci, un bâtiment bas, rez-de-chaussée couronné d’un attique, longe la route sur toute la longueur de la parcelle ; sa façade, sobre et élégante, est ornée de moulures et de pilastres et terminée par un entablement dorique : c’est l’école des beaux-arts, construite en 1829 sur l’emplacement de la vieille orangerie de l’hôtel de Massilian.
7Une fois tourné le coin de la rue Montpelliéret, le visiteur longe d’abord le haut mur du jardin et peut sans doute distinguer, à travers les arbres, les étages supérieurs d’une belle et austère façade en pierre de taille, terminée par une corniche. Il passe devant une petite porte pratiquée dans le mur et se trouve enfin à l’entrée du musée, bordé à main gauche par une étroite impasse, dite cul-de-sac du collège. Peut-être a-t-il envie d’en avoir une vue d’ensemble. Il lui faut, pour cela, prendre un peu de recul, ce qui n’est guère aisé, en raison de l’étroitesse de la rue. Mais il apprécie, on peut le supposer, la parfaite symétrie de la façade, bâtie à neuf en pierre de taille provenant des carrières locales (Saint-Geniès, Vendargues, Saint-Jean-de-Védas). Un corps central, presque entièrement, au rez-de-chaussée, occupé par la porte monumentale, est flanqué de deux corps latéraux à peine plus étroits, traités en pavillons et coiffés de toits en pente. Le tout repose sur un socle de 1,50 m de haut terminé par un « cordon », ou forte moulure, lui-même interrompu par les corniches d’appui des deux fenêtres du rez-de-chaussée. Les pavillons sont unis par une balustrade d’ordre toscan qui surmonte une sorte d’attique percé de trois « jours en demi-lune » ou « vitraux cintrés » symétriquement disposés au-dessus de la porte et des deux fenêtres. Si notre visiteur a connu l’ancien hôtel de la famille de Massilian, qui l’a acheté en 1746 aux Girard, il regrettera peut-être la « belle porte de noyer » qui donnait alors sur la rue. Elle a disparu, de même que les voûtes du rez-de-chaussée. Cette aile sud et l’aile ouest, à gauche, ont été rasées pour assurer la solidité des fondations. Formées d’un ensemble de corps de logis disparates, sans doute bas et dissymétriques, elles correspondaient aux parties les plus anciennes de l’édifice primitif. Que les auteurs officiels de ces modifications soient Fovis, architecte de la ville, et son adjoint Boué, ne doit pas faire illusion. Tardieu, membre du conseil des bâtiments civils, auquel les plans de cet édifice public ont dû être soumis, ne suggère que timidement quelques modifications, sachant bien qu’il faudra se conformer aux volontés de Fabre : « C’est sous sa direction qu’ils ont été dressés et il désire que le projet soit exécuté selon ses vues. » L’architecte parisien aurait souhaité une façade plus ornée, avec des bustes dans des niches et des statues sur la balustrade, mais Fovis lui a répondu :
Quant au décor de la façade, j’aurai l’honneur de vous faire observer que son dessin fut fait sur les idées de M. Fabre. […] Relativement à la porte d’entrée, M. Fabre avait lui-même indiqué par une esquisse envoyée de Florence la manière dont elle devait être exécutée17.
8Elle mesure 3,80 mètres de haut sur 2,60 de large et ouvre à deux battants ses panneaux de noyer entourés de moulures et ornés de rosaces. Elle est surmontée d’une copie monumentale de la tête de la Minerve dite « Giustiniani », propriété de Fabre18, et de l’inscription en lettres d’or « musee fabre », votée par le conseil municipal du 7 janvier 1825. Fabre avait bien stipulé que c’était « d’accord avec » lui que la ville devait choisir le local. L’état de celui-ci l’a entraîné plus loin et, jusque dans ses moindres détails, le musée peut être considéré comme son œuvre. La conception de la façade fait preuve d’une ingéniosité certaine : elle n’est en réalité qu’un trompe-l’œil, plaqué sur des bâtiments partie nouveaux, partie préexistants, dont elle unifie l’accès. L’impression qu’elle donne, haut rez-de-chaussée, petit étage, s’inverse exactement dès qu’on entre dans l’édifice : le premier étage commence en réalité juste au-dessus des ouvertures du rez-de-chaussée ; à l’ouest et au sud, il englobe le pseudo-attique ; à l’est, le coin du pavillon dissimule l’extrémité sud de l’aile est, conservée. L’absence de recul est bien le seul défaut de cette façade qui montre l’influence de l’architecture toscane de la Renaissance (grand appareil régulier, ouvertures fortement soulignées), allégée par certains motifs palladiens (balustrade, ouvertures demi-circulaires).
9On pénètre ensuite dans un vestibule dallé orné de quatre colonnes toscanes et de quatre pilastres doriques qui lui donnent « une disposition plus régulière et plus architecturale » que celle de l’entrée voûtée de l’hôtel primitif. Le visiteur se trouve alors placé entre deux portes majestueuses qui se font face. Celle de gauche conduit à l’« École de dessin », logée dans quatre pièces en enfilade qui prennent jour, par de nombreuses fenêtres, sur l’impasse à l’ouest. Cette présence de l’enseignement, Fabre, nous l’avons vu, la souhaitait en 1825, « si l’espace le permet sans nuire à l’établissement principal ». À partir de décembre 1829, l’école des beaux-arts proprement dite pourra jouir d’un local mieux éclairé, donnant à la fois sur l’Esplanade et sur le jardin, laissant dans l’hôtel les classes d’architecture et de géométrie pratique. La porte de droite, encadrée par la « garde-robe » et le « dépôt des cannes », donne accès à la bibliothèque, élément essentiel de l’établissement, que Fabre a citée en premier dans sa lettre au maire :
Ma bibliothèque particulière contient ce qui a été publié de plus important sur les arts, les monuments antiques, musées, galeries publiques et particulières, voyages pittoresques, etc. ; une donation faite entre vifs par S. A. Madame la comtesse d’Albany née princesse de Stolberg m’a rendu libre propriétaire de sa propre bibliothèque et de celle du célèbre comte Alfieri da Asti : cette dernière réunit ce qu’il y a de plus remarquable dans la littérature grecque, latine et italienne ; celle de Mme la comtesse d’Albany est particulièrement constituée des meilleurs livres français, anglais et allemands. La réunion de ces trois bibliothèques peut se monter par approximation à neuf mille volumes ; j’ai toujours désiré que cette collection ne fût point désunie et j’ai pensé que le meilleur moyen d’assurer son intégrité serait de la consacrer à l’utilité publique.
10Ce prestigieux ensemble est donc logé dans l’aile est de l’hôtel de Massilian, que Fabre va conserver quasiment intacte : elle a en effet été remaniée et « rhabillée » vers 1775 pour constituer le corps de logis principal. Elle développe une belle façade de 38 mètres de long, avec trois étages percés chacun de dix fenêtres, tandis que le rez-de-chaussée s’ouvre sur le jardin par dix portes vitrées, situation agréable, mais non sans inconvénients : en 1832, la bibliothèque sera inondée19, et quand, après la mort de Fabre, on construira un nouveau bâtiment pour l’abriter, on prendra soin de la mettre à l’étage20. Dans l’immédiat, elle se compose d’une enfilade de cinq pièces de surface différente, dont un petit cabinet dévolu au « bibliothécaire-adjoint ». À l’arrière se trouvent des escaliers dérobés et d’étroits réduits, dont l’un sera une réserve et l’autre le logement du portier. Ces belles pièces, avant l’achat par la ville, étaient, comme celles qui leur correspondent au premier, louées à une compagnie de commerce – le chevalier de Massilian, probablement désargenté, se contentant d’un logement au deuxième étage. D’autres locataires occupaient les autres corps de bâtiment, moins prestigieux, autour de la cour.
11Celle-ci se situe dans l’axe de la porte d’entrée sur la rue Henri IV. « Cour à ciel ouvert, pour faciliter le remisage des voitures, l’entrée des écuries et des cuisines », elle a été conservée, simplement pavée et aménagée pour faciliter l’écoulement des eaux, et le bâtiment qui la ferme au nord, adossé au mur du collège, n’a pas subi de modification majeure ; il sera, lui aussi, réservé au service. C’est à l’ouest, où il n’y avait qu’un étage surmonté d’un galetas, que va prendre place la partie essentielle du musée, au-dessus de l’école de dessin. La façade qui donne sur le cul-de-sac du collège, entièrement nouvelle, est construite en maçonnerie de moellons ; portes et fenêtres sont encadrées de pierres de taille ; une corniche, à la même hauteur que celle de la façade sud, court sous des jours en demi-lune, au nombre de sept. Au rez-de-chaussée, on a quatorze ouvertures dont, à l’extrémité nord, l’entrée de service de l’établissement ; à l’étage, six fenêtres rectangulaires. La façade sur la cour présente un socle en pierre de taille ; on a, en bas, quatre fenêtres disposées symétriquement autour de la porte, qui donne accès à la plus grande des salles ; à l’étage, trois fenêtres rectangulaires et cinq jours vitrés en demi-lune éclairent la grande « Galerie des tableaux ».
12Là, tout – hauteur des plafonds, abondance des ouvertures, hautes portes aux chambranles moulurés – sera conçu pour créer un cadre majestueux, de même que dans l’aile sud. Mais revenons au vestibule d’entrée ; il se poursuit par un assez ample dégagement d’où part l’escalier principal, dont la rampe en fer forgé a été exécutée d’après un dessin de Fabre21. Du palier, éclairé par une fenêtre donnant sur la cour, on pénètre dans ce que le plan désigne comme la « salle des tableaux et des gravures » et la Notice comme la « Galerie des statues ». Elle mesure 17,34 mètres sur 7,34, dans ses plus grandes dimensions, car sa forme, apparemment rectangulaire, est en fait celle d’un quadrilatère irrégulier22. Elle est éclairée, au sud, par deux des ouvertures cintrées de la façade et, à l’ouest, par une fenêtre rectangulaire et un autre « jour en demi-lune ». À cette extrémité-là s’ouvre, perpendiculairement, un petit vestibule, très clair, puisque possédant une fenêtre rectangulaire et un jour vitré. Lui fait suite, de plain-pied, la grande « Galerie des tableaux », qui s’étend jusqu’à l’extrémité nord : elle s’ouvre sur la cour par les ouvertures citées plus haut et a, de surcroît, dix fenêtres et jours cintrés sur la ruelle. À l’extrémité nord-est s’ouvrent deux portes que le visiteur ne va pas franchir, car elles communiquent avec les appartements de Fabre. Il lui faut donc revenir sur ses pas pour découvrir les deux dernières salles (à moins, bien sûr, qu’il n’ait commencé par elles sa visite). On y accède par la première salle en prenant, à gauche, la porte qui mène à la salle des gravures, éclairée à l’est par une croisée donnant sur le jardin. De là, on peut passer dans la salle des dessins, qui a deux croisées sur le jardin. Les plans désignent ces pièces respectivement comme l’« atelier » et l’« avant-salle », mais leur destination finale est attestée par d’autres documents – ainsi la description d’Eugène Thomas dans son Essai historique et descriptif sur Montpellier, publié en 183623, tandis que l’inventaire après décès de Fabre prouve qu’il établit son atelier au deuxième étage de l’hôtel, bien éclairé et jouissant d’une belle vue sur le jardin et l’Esplanade.
13Car le directeur réside dans le musée. « Logement de fonction » ? Plus que cela : conséquence directe de la première des conditions énoncées par Fabre. Car, s’il exige « pour première condition que cette collection de tableaux, livres, estampes, dessins et autres objets d’art doivent appartenir à perpétuité à la commune de Montpellier, réunis dans un seul et même local et qu’on puisse jamais rien en soustraire sous aucun prétexte », il ajoute : « je m’en réserve la jouissance entière pour tout le reste de mes jours ». Le bâtiment à aménager devra donc comprendre « un local convenable pour mon habitation. Ce logement me sera destiné et réservé pour tout le cours de ma vie et si, dans l’emplacement où devra être fondé ce musée, il existe un jardin qui en dépende, la jouissance entière m’en sera également réservée ». Prudent, soucieux de tout préciser point par point et d’éviter toute contestation, Fabre entre dans le détail des questions matérielles. Les frais de transport depuis Florence incomberont à la commune, de même que les droits de douane. Il conseille donc à la ville de demander au gouvernement français l’entrée en franchise de la collection, ce qui sera accordé, « et dans cette permission à obtenir du gouvernement, on n’oubliera point de préciser les bordures des tableaux, estampes et dessins, ainsi que mon argenterie, linge, porcelaine, cristaux, bronzes dorés, vins et autres objets à mon usage que je devrai introduire à Montpellier ; et si cette permission n’était point accordée, les frais d’introduction pour les objets ci-dessus seront pareillement à la charge de la commune ». Et, en toute logique, l’aménagement de l’appartement se fera en même temps, par les soins des mêmes artisans, que celui des galeries du musée. Fabre a la liberté d’y modifier « parois, cloisons, plafonds et enduits ». Aussi y fera-t-on des travaux de peinture décorative et y posera-t-on, comme dans les salles d’exposition, une plinthe de noyer d’un mètre de haut environ, qui ne subsiste plus que dans l’ancien « cabinet » de Fabre, petite pièce située juste au-dessus du bureau du bibliothécaire adjoint. L’appartement est assez modeste : du sud au nord, deux « salons de compagnie » en enfilade, le cabinet, une chambre avec alcôve et un second cabinet, plus intime. De là, un escalier extérieur, adossé au mur de clôture du collège, permet d’accéder directement au jardin. Nul doute que Fabre ait apprécié cette particularité, lui qui, dans sa correspondance tardive, évoque à plusieurs reprises son jardin24. Au nord se trouvent la cuisine, la dépense, le « garde-meuble » et un petit « salon à manger ». Les chambres des deux domestiques sont au deuxième étage, près de l’atelier et d’un petit « salon de peinture ». Au premier, un couloir, éclairé par quatre fenêtres sur la cour, borde les appartements ; il doit faciliter le service tout en préservant l’intimité du directeur. Quatre escaliers en colimaçon font communiquer tous les étages de cette aile, dans laquelle Fabre conserve au sol les grandes dalles de pierre de l’hôtel de Massilian.
14Tous les documents dont nous disposons témoignent du soin extrême avec lequel fut aménagé le musée. Les devis montrent une remarquable minutie et une grande exigence de qualité : bois du Nord ou du Dauphiné pour la charpente, bois de Bourgogne pour les planchers, sans nœuds ni autres défauts, vitres neuves, « du premier choix, saines et claires sans ondes ni rayures », croisées bien assemblées et pourvues de « rejets d’eau » de cinq centimètres au moins. Toiture et ferblanterie reçoivent une attention particulière, pour que soit assuré le bon écoulement des eaux de pluie. Bref, rien n’est négligé pour la solidité du local et la sécurité de son contenu. Mais il faut aussi le doter d’un décor digne de la collection et en harmonie avec elle. Ce sera d’abord, pour les nouvelles salles, un pavement richement coloré, « pavé de marbre à la vénitienne […] avec trois bandes », que le marbrier montpelliérain Grimes fait exécuter par « le sieur Louis Mora, vénitien », lequel s’engage à employer « de bonnes matières et beau marbre […] au choix de M. le Chevalier Fabre ». Ce dernier se met alors en quête, en 1827, d’un peintre décorateur capable de peindre « des ornements de bon goût comme dessin et d’une certaine harmonie comme couleur25 », qu’il n’exclut pas de faire venir de Florence. Sur la recommandation de l’artiste arlésien Réattu, ce sera Tommaso Baroffio, Suisse-Italien de 35 ans établi à Marseille26, qui touchera la somme importante de 4 000 francs pour des travaux dont nous ne pouvons encore définir l’étendue exacte. Il a travaillé dans la salle au sud, dans le passage vers la grande galerie (pièces où des vestiges illisibles de fresques ont été retrouvés lors de la rénovation du musée), dans la salle des gravures et probablement dans les appartements de Fabre27. Seule demeure la décoration de la grande galerie28, qui a retenu tous ses soins : au sommet des murs se répètent de grands griffons vert bronze sur fond ocre, assis, entre les jours en demi-lune des longs côtés, ou debout, sur les murs sud et nord ; ils encadrent des candélabres monumentaux sur lesquels ils posent la patte. Au-dessus de la corniche, le peintre a simulé une base de marbre gris et fait courir au-dessus des griffons une guirlande blanche nouée de rubans. Choisi sans doute par Fabre, le motif, emprunté à une planche de Vignole ou au Recueil des décorations intérieures de Percier et Fontaine, reflète bien son goût, et pour l’antique, et pour Poussin, qui en orna le trône de son Jugement de Salomon29. Leurs tons, éteints naguère par les ans, ont retrouvé leur éclat primitif, celui que critiquait Stendhal qui, en 1838, jugeait ces « grands sphinx nigauds de couleur trop brillante30 ». Ce qui ne l’empêchera pas d’apprécier ces « jolies salles bien éclairées », et même trop à son goût car « le jour double » qui frappe plusieurs des tableaux produit un reflet sur le vernis. Ce témoignage nous confirme que le premier musée Fabre était très clair, très plaisant et, nous pouvons l’ajouter, très raffiné dans le moindre détail : les portes, croisées et volets sont peints en gris, bronze ou vert olive ; toutes les fenêtres ont des rideaux, verts sans doute, comme le sont les portières ; les vitraux cintrés ont reçu des stores de percale blanche ; les tringles ont la forme de « thyrses », longs bâtons terminés par des pommes de pin ; les plafonds sont blanchis à la chaux, mais un faux marbre a été simulé sur la plinthe de bois et sur la corniche ; une balustrade de fer travaillé empêche le visiteur d’approcher à moins d’un mètre des tableaux ; on accède à cette galerie par un portique orné de deux pilastres réunis par une archivolte richement décorée ; au fond lui répond une fausse porte cintrée et vitrée, à vingt-six carreaux, qui, par un effet de trompe-l’œil, double la profondeur de cette salle, déjà imposante avec ses 26,5 mètres de long et ses 12 mètres de haut31. La salle des gravures et celle des dessins donnent, elles, sur le jardin ; Stendhal s’y sentira « l’âme rafraîchie […] par le feuillage d’un grand arbre taillé ». Fabre l’avait ainsi décrit à l’architecte italien Cambray-Digny : « J’ai de l’eau courante excellente et en assez grande quantité, un beau soleil et les soins assidus d’un bon jardinier et avec cela je peux dire que mon jardin est le plus frais et le plus soigné de la ville32. » D’une superficie de presque 1 400 mètres carrés, il est agrémenté d’un bassin et d’une « belle cascade de rocaille ».
15Plaisante demeure sans aucun doute, et charmant écrin, aménagé avec amour, pour une collection réunie avec le même amour tout au long d’une vie. Elle est assez connue, ayant depuis vingt ans bénéficié de bonnes publications, globales ou plus spécialisées33, pour que nous ne l’évoquions que rapidement. La donation de 1825 est surtout riche en tableaux italiens des xvie et xviie siècles, dont beaucoup ont subi une juste réévaluation – ainsi le Portrait de jeune homme attribué à Raphaël, estimé 40 000 francs en 1825 et rendu depuis 1907 par Berenson à Andrea del Brescianino –, mais dont d’autres restent des chefs-d’œuvre incontestés – ainsi la Vierge au lys, du Florentin Carlo Dolci, signée et datée de 1641 ; d’autres encore ont perdu leur attribution prestigieuse, comme la Mort de sainte Cécile, que Fabre attribuait à Poussin, beau tableau qui n’a pas encore à ce jour retrouvé son véritable auteur, tandis que les spécialistes s’accordent maintenant à donner au Poussin de la première période romaine les Amours de Vénus et Adonis. On connaît la richesse du fonds néoclassique, œuvres de Fabre lui-même et de ses contemporains, et il faut souligner la place importante des paysages, de tous siècles et de toutes écoles, à forte coloration italianisante en général. Après son retour, Fabre s’attachera à compléter sa collection par des achats d’œuvres françaises et nordiques, bien représentées dans les cabinets de la région, achetant ainsi au marquis de Masclary, dès le printemps 182534, un lot de sept tableaux où se distinguent le Petit Paresseux de Greuze et trois œuvres hollandaises du xviie siècle de grande qualité : une Nature morte de Cornelis de Heem, la Poule blanche de Melchior de Hondecoeter et la très curieuse Tige de chardon d’Otto Marseus van Schrieck, allégorie de l’âme menacée par les forces du mal. Un goût très sûr, traditionnel et ouvert à la fois, caractérise Fabre, goût qu’il serait injuste de juger étroit parce que le collectionneur, comme le peintre, refuse obstinément l’évolution de la peinture de son temps35.
16Cette collection, il va non seulement continuer à en jouir après la donation, mais aussi à l’augmenter. Il entame même dès son arrivée à Montpellier en 1824 une importante campagne d’achats qu’il continuera au cours de son dernier séjour à Florence, achetant ainsi au marquis Gerini deux chefs-d’œuvre : le Mariage mystique de sainte Catherine de Véronèse et la Sainte Marie l’Égyptienne de Ribera. Ces œuvres, comme les tableaux Masclary et bien d’autres encore (il y en aura 93, légués à la ville en 1837), sont sa propriété personnelle, mais n’en sont pas moins exposés dans les galeries du musée, confirmant ainsi le statut ambigu de l’établissement. Revenons donc à ce qui est l’apanage du directeur, « la manière de disposer et arranger les tableaux, livres, estampes, etc. », dont la lettre de donation exige qu’elle lui soit « réservée spécialement ».
17La Notice des œuvres exposées nous donne des indications précieuses. Ce petit livret rédigé, à n’en pas douter, par Fabre lui-même, connaîtra deux éditions seulement, en 1828 et 1830. L’inventaire après décès viendra le compléter et nous révélera la présence dans les galeries de 19 tableaux absents de la Notice de 1830. À cette date, 74 tableaux appartenant en propre à Fabre sont exposés dans le musée sans que rien ne les distingue des autres. Le directeur, en revanche, conserve chez lui des œuvres données en 1825 – ainsi les portraits de ses proches, son père, son frère, Mme d’Albany et Alfieri36. Un système ingénieux permet au lecteur du livret de distinguer les tableaux qui « étaient placés dans les salles de la Mairie ou qui ont été acquis depuis peu par la Ville » (ils sont marqués d’une croix) de ceux qui, donnés ou non en 1825, « forment la collection de M. Fabre ». Celle-ci est donc pensée comme un tout par son ancien (et actuel) propriétaire. De plus, un astérisque signale les tableaux situés dans la première salle (89 en 1830), ce qui permet, à 19 exceptions près, de connaître la répartition des peintures. Quelques indications supplémentaires précisent encore notre vision des lieux : ainsi savons-nous que le passage entre les deux salles principales est dévolu aux plus importantes des sculptures en marbre : quelques antiques ou copies d’antiques, le buste d’Alfieri exécuté en 1798 par Barthélemy Corneille, ami de Fabre37, et surtout l’Été et l’Hiver de Houdon, statues offertes peu avant l’ouverture du musée par le préfet Augustin Creuzé de Lesser38. À l’extrémité de la galerie, c’est-à-dire près de la fausse porte vitrée, nous trouvons une Tête de Muse par Canova, qui appartenait à Mme d’Albany et le buste de Fabre, œuvre du sculpteur florentin Emilio Santarelli39. En 1838, Stendhal nous apprendra que le dernier autoportrait du peintre, exécuté deux ans avant sa mort, est accroché tout près de ce buste. Deux précieuses statuettes, une version en bronze du Mercure de Gianbologna et un Neptune en cire, attribué à Ammanati, œuvre préparatoire à la statue colossale de la fontaine de la place de la Seigneurie, rappellent cette Florence à laquelle le musée doit tant.
18La première salle est appelée « galerie des statues » et pourtant une seule œuvre de sculpture y est signalée : un fragment de frise antique placé sous l’appui de la fenêtre, à l’ouest. C’est que les plâtres ne figurent pas dans la Notice. On peut toutefois les imaginer d’après l’État estimatif de 1825 : on n’a pas moins de vingt moulages de bustes antiques, plus ceux de Raphaël, Michel-Ange et Annibal Carrache – hommage aux grands artistes que le peintre admirait –, un torse antique et les reproductions grandeur nature de statues célèbres – la Vénus Médicis, l’Apollino ou Apollon Saurochtone, et une statue désignée comme l’Idole étrusque, que nous pensons être l’Idolino, statue d’éphèbe en bronze depuis longtemps dans les collections grand-ducales florentines –, plus deux grandes figures « modernes », Mercure et Argus, offertes par leur auteur, le sculpteur De Bay40. C’est beaucoup pour une seule salle et, après la mort de Fabre, alors que fleuriront dans la presse locale suggestions et critiques, un lecteur se plaindra que les statues empêchent de voir les tableaux41. Ce n’est d’ailleurs guère aisé. Un document figuré en témoigne : la lithographie d’un élève de Fabre, Fortuné Férogio, représentant Le Musée Fabre un dimanche42. Passons sur la vision caricaturale de la foule composite qui se presse pour voir les tableaux ; ce qui nous intéresse est leur disposition, cadre contre cadre, couvrant entièrement la surface du mur, de la plinthe à la corniche. Ceux que nous pouvons identifier montrent que leur emplacement n’obéit à aucun classement, chronologique ou par école, ce que confirment d’ailleurs les astérisques de la Notice. Nous reconnaissons facilement une copie ancienne du Saint Michel archange de Raphaël, envoi de l’État ; de Fabre, sa Mort d’Abel (1790), sa Sainte Famille (1801) et une grande étude de Tête de lion (vers 1807) ; un grand Saint Jean-Baptiste de Vien, saisie révolutionnaire, une Vierge avec des saints, alors attribuée à Van Dyck et, parmi les nombreux paysages que l’on devine, celui d’un Hollandais italianisant, Moucheron, que Fabre donnait alors à Pynacker. Quant à l’endroit précis représenté, il se situe, à notre avis, à l’extrémité nord-est de la grande galerie, les ouvertures cachées par des portières ne pouvant être que les portes qui mènent au quartier nord de l’appartement de Fabre.
19Cet accrochage peu commode (Stendhal se plaindra que beaucoup de tableaux soient placés trop haut) est dû en partie au manque de place, dont le musée souffrira dès son ouverture. Il rappelle celui des galeries privées des xviie et xviiie siècles, telles que tableaux et gravures nous permettent de les connaître et telles qu’elles subsistent encore dans certains palais italiens, ou encore celui des « Salons » du Louvre. Il contredit les intentions pédagogiques de la Notice, conçue avec beaucoup de soin : les artistes sont classés par ordre alphabétique, avec un système de renvois lorsque le peintre est connu sous un surnom (« Barbieri, voir Guerchin »). Leurs dates extrêmes et le nom de leur maître sont toujours indiqués, ainsi que l’école à laquelle ils appartiennent. Le sujet du tableau est toujours expliqué, longuement s’il est peu connu ou difficile43, les modèles des portraits identifiés dans la mesure du possible, les paysages sommairement décrits. Parfois, l’attention du visiteur est attirée sur une particularité (« Le Christ au tombeau, effet de flambeau ») ou sur un détail propre à mettre l’œuvre en valeur : celui des portraits d’Alfieri qui est exposé a été peint « six mois avant sa mort en 180344 », son second « Raphaël », un portrait de Laurent de Médicis, a été cité par Vasari45… Les tableaux portent des numéros qui correspondent à ceux de la Notice, mais leur présentation anarchique ne doit certes pas faciliter la consultation de celle-ci.
20Aucune indication ne s’y trouve, en revanche, sur les dessins et les gravures : « Les noms des auteurs des gravures et des dessins se trouvant désignés sur chacun de leurs ouvrages, on a jugé inutile de les répéter ici », annonce la première ligne du livret. Ce sont les inventaires46 qui en fournissent la liste. Fabre a donné 182 gravures encadrées environ, d’après Poussin, Raphaël, Le Lorrain, le Dominiquin, le Guide, bref, toujours les grands exemples du passé classique ; ce chiffre élevé laisse penser qu’il avait, dans sa demeure florentine, une « galerie » ou un « cabinet » de gravures ; il n’en gardera que peu dans son appartement et en léguera quatorze de plus, ce qui porte le chiffre des estampes exposées de son vivant à près de 200, couvrant donc, c’est évident, toute la surface des murs de la salle qui leur est dévolue. Même conclusion pour les dessins : là, Fabre semble avoir fait encadrer plusieurs de ceux qu’il possédait en portefeuille pour les ajouter aux vingt-six dessins encadrés qui, en 1825, sont inventoriés avec les tableaux, parmi lesquels sept grands paysages à la sépia de l’Allemand Hackert47, ou le dessin pour le mausolée d’Alfieri par Canova48, ou encore le portrait, dessiné par Roslin, du premier protecteur de Fabre, M. de Joubert49. En 1837, on en inventoriera soixante-trois de plus, parmi lesquels un dessin préparatoire à la Pénitence de Poussin, acheté au peintre local Matet50. Eux non plus ne sont pas forcément faciles à admirer, pas même la célèbre étude de Raphaël pour une figure de la Dispute du Saint Sacrement. Écoutons encore Stendhal : « Admirable collection de dessins ; un dessin de Raphaël : c’est un jeune homme qui s’appuie sur une fenêtre pour regarder de côté. J’ai compté sur ce dessin seize lignes qui semblent de l’écriture de Raphaël et le brouillon d’un poème ; mais on a eu la gaucherie ou la prudence de placer ce dessin à huit pieds de haut ; il devrait être vis-à-vis l’œil du spectateur. Rien de facile, au reste, comme de faire un faux de l’écriture de Raphaël… » Doutes justifiés quant au sonnet, pense la critique moderne, mais le dessin lui-même est authentique51.
21Un musée riche, donc, trop même pour sa capacité d’exposition, et qui se veut complet. Un édifice aménagé avec un soin scrupuleux, qui correspond au caractère réaliste, positif, pratique de son créateur. Un décor et une présentation qui, malgré les défauts de celle-ci, révèle un homme de goût et de culture. Culture remarquable, qu’elle soit artistique ou littéraire, que nous avons plusieurs fois soulignée dans nos publications52. Culture discrète toutefois. En 1829, l’imprimeur Seguin lui suggérera d’orner les portes des différentes salles de la bibliothèque de citations appropriées à leur fonction, empruntées à Euripide, Cicéron, Virgile, Ovide, La Fontaine, projet dont on ne sait ce qu’il pensa, mais auquel il ne donna pas suite53. Car Fabre est, au musée, comme à la bibliothèque, comme à l’école des beaux-arts, seul à décider : des règlements et des jours d’ouverture au public, comme il était spécifié dans la lettre de donation, mais aussi des achats, qui ne se font jamais sans son accord, même s’ils sont conclus au nom de la ville, comme celui du célèbre Homme aux rubans noirs de Bourdon, acquis en 1836 de la veuve du peintre Borély, ou, provenant de la collection de Fontanel, une Tête de fillette, boudeuse, et une Tête de jeune fille dite Le Désir, œuvres de Greuze achetées à son fils en 1828, et une splendide Chasse au sanglier du Hollandais Hondius, acquise en 1835.
22Car, on le voit, le directeur reste actif et ce n’est nullement pour y couler une retraite paisible qu’il s’est fait offrir et aménager par la commune un bel hôtel particulier. Il enrichit le musée, mais aussi l’administre et a la haute main sur le personnel. C’est lui qui se charge de demander à la mairie le paiement d’un jardinier, d’un custode, d’un modèle pour l’école de peinture54. À la bibliothèque, il a un adjoint, Guillaume Renaud les tout premiers temps, puis, après son décès, Paulin Blanc. Dans la correspondance administrative qui la concerne, il se montre soucieux de son bon fonctionnement et ne cesse de l’augmenter, en veillant à l’exactitude du paiement et au bon emploi des deniers publics. C’est à la Notice du musée, fait significatif, qu’il confie le soin d’annoncer que « la bibliothèque du Musée-Fabre est ouverte au public tous les jours, depuis dix heures du matin jusqu’à deux de l’après-midi, excepté les mercredis, les dimanches, les jours de fête et les mois de septembre et d’octobre ». L’emprunt à domicile est interdit, ainsi que l’usage de l’encre, et Fabre restera toujours opposé, à cause des risques d’incendie, à une ouverture le soir (ce sera l’une des premières victoires de ses ennemis, après sa mort, que d’obtenir l’abrogation de cette dernière disposition)55. En revanche, il pensera que deux mois de fermeture, c’est trop, et, en 1833, il invoquera les vœux de « plusieurs fidèles habitués » et sa propre « aversion invincible pour tout ce qui peut faire perdre du temps » pour demander au maire de ne la fermer qu’en octobre, « époque où je fais battre soigneusement tous les livres, opération que je crois indispensable pour leur conservation56 ». On est loin de l’image d’un Fabre paresseux que, sans raison valable, ont contribué à répandre des auteurs comme Delécluze, Gonse ou Gillet57. Plusieurs notes éparses montrent aussi que ce grand érudit continua jusqu’à la fin de ses jours ses recherches bibliographiques.
23Pourquoi, pour qui, cet établissement et cette activité ? La lettre de janvier 1825 annonce seulement l’intention de « faire hommage » de la collection « à la commune de Montpellier, ma ville natale » et « de la consacrer à l’utilité publique ». L’acte officiel du 2 avril sera plus explicite : « Fut présent : Monsieur François Xavier Fabre peintre, membre correspondant de l’Institut Royal de France demeurant ordinairement à Florence en Italie, de présent à Montpellier, lequel voulant donner à la ville de Montpellier dans laquelle il a pris naissance et reçu les premières instructions de son art des preuves de son affection et lui assurer l’établissement d’un musée propre à encourager les talents… »« Encourager les talents », n’est-ce pas là le but principal ? N’est-ce pas ce qu’exprime le maire Dax d’Axat lors de la cérémonie d’inauguration du musée : « Une nouvelle école va prendre naissance, les pinceaux de Bourdon et de Vien vont être ressaisis58… » ? Que disait d’autre Fontanel, en novembre 1778, cinquante ans avant presque jour pour jour, à deux amateurs qui l’interrogeaient sur l’état du « goût des arts », sinon que, pour le développer, « il manquait à la ville de Montpellier une école de dessein59 », celle dont il a conçu le projet, en même temps que celui de la Société des beaux-arts ? C’est dans cette continuité que s’inscrit Fabre et cela bien avant 1825. Un document découvert à Modène par Mme Clara Domenici, spécialiste d’Alfieri, en témoigne : dans un billet non signé et adressé à un personnage inconnu, sans doute un Montpelliérain de passage, il s’inquiète de ce qu’est devenu l’enseignement artistique à Montpellier : la société existe-t-elle encore, dans quel local la commune ou le gouvernement l’entretiennent-ils ? « L’enseignement est-il borné seulement aux principes du dessin, ou bien y a-t-il aussi un professeur de peinture et quel est, à peu près, le nombre des élèves qui fréquentent son école ? Y a-t-il des concours et des prix annuels et en quoi consistent-ils ? Y a-t-il des modèles pour dessiner le nu et de bons plâtres de statues antiques ? Enfin le local est-il susceptible de recevoir une bibliothèque composée, environ, de 2 500 volumes relatifs aux arts, etc. etc. » Il se désigne seulement comme un ancien élève de cette « naissante Académie », où il « a reçu les premiers principes d’un art qui fait le bonheur de sa vie » et se déclare prêt à lui consacrer une partie de sa fortune60… Nous datons cette note de 1817 environ, date à laquelle, après la mort de son frère Henri l’année précédente, Fabre commence à penser à ses dispositions futures. Ses projets, alors modestes, prendront une tout autre dimension, mais l’intention est claire : terminer ce qu’ont entrepris ses anciens bienfaiteurs. Il sait ce qu’il leur doit : « presque entièrement ce que je suis et ce que je possède », ainsi qu’il l’écrit au dos du portrait dessiné de Joubert qu’il acquiert en 182061.
24L’école est donc un élément essentiel de l’établissement culturel complet qu’il a le devoir d’apporter à sa ville. Et il va s’y investir pleinement ; c’est sur elle qu’il compte, écrit-il à ses amis, pour « réveiller les arts ». « Il dort bien profondément, ce goût des arts », se plaint-il à Guérin en 182562. C’est aux élèves que sont prioritairement destinés le musée et la bibliothèque et il est significatif que la surface réservée aux écoles soit approximativement égale à celle des salles d’exposition. Malgré tous ses efforts, elles lui donneront peu de satisfaction mais, même lorsque, après la révolution de 1830, désavoué et découragé, il envisagera d’abandonner ses fonctions, il écrira à Férogio : « Je m’occuperai toujours des arts comme directeur des écoles, c’est mon véritable rôle63. » Il a pourtant été, dès le début, sans grande illusion : « Je l’éveillerai peut-être quelques instants, mais il finira par se rendormir par l’autre oreille […]. J’ai fait ce qui dépend de moi, nous en verrons l’issue. Ainsi soit-il. »
25On ne retrouve pas en cet homme le vieillard « gascon » (le mot est de Stendhal64) montrant avec vanité son musée aux visiteurs de marque. Certes Fabre, aigri par la goutte, la solitude, les événements politiques qui entraîneront des critiques contre le musée dans la presse et une brouille avec la première municipalité de la monarchie de Juillet65, a laissé à Montpellier, dans ses vieux jours, une image peu aimable qui a fait oublier le talent du peintre et la dimension intellectuelle et sociale de l’homme. Certes, il a régné en maître sur le musée, ne s’est pas ouvert à l’art de son temps, a voulu préserver l’unité de sa collection en n’encourageant pas les dépôts de l’État et en accueillant probablement avec méfiance, peu avant sa mort, l’annonce du legs Valedau66. Jusqu’à son dernier jour, il a laissé subsister l’ambiguïté inhérente à la donation : collection privée ou collection municipale, hôtel particulier ou établissement public ? Il a surtout terni son image, trois semaines avant sa mort, en obligeant par codicille la ville à nommer directeur à vie le très réactionnaire comte de Nattes, sous peine de la révocation du legs de toutes les œuvres d’art acquises par lui depuis 1825, cela afin de préserver son œuvre67. Mais il a aussi légué à Montpellier 30 000 francs pour agrandir le musée, et le legs de 1837 est, lui aussi, d’une grande valeur totale.
26Il est étrange qu’on ne puisse encore, à Montpellier, parler de Fabre sans se sentir tenu de défendre l’homme et son œuvre et de combattre plusieurs idées reçues. Il est le seul donateur dans ce cas. Valedau vit à Paris, jouit de sa collection jusqu’à sa mort, la lègue sans condition aucune : on peut donc sans réserve louer sa générosité. Mais Bruyas, en 1868, exigera lui aussi d’être conservateur à vie de sa collection, présentée dans des salles à part et classée par ses soins68. Il montrera le même désir de pérennité, d’éternité, illusion commune à tant de donateurs qui pensent se survivre à travers leur collection, en exigeant que ses tableaux soient à tout jamais présentés dans l’ordre qu’il leur a assigné. Et il le fera bien plus explicitement que Fabre ! Mais sa personnalité romantique, pathologique à bien des égards, suscite, sans doute du fait de son goût de la modernité, une indulgence que l’on refuse au vieux légitimiste bourru, obstinément fidèle à ses idées politiques et à ses principes esthétiques. Homme du xviiie siècle, produit du mécénat d’Ancien Régime, Fabre a su s’adapter à son temps, celui des musées publics, dont l’idée avait, d’ailleurs, germé avant la Révolution. Il l’a fait à sa façon, autoritaire et élitiste il est vrai, et non sans égoïsme, mais aussi avec son sérieux, sa rigueur, son sens des responsabilités. Surtout, il a doté la ville d’une structure qui, à travers l’enrichissement des collections et l’augmentation de la surface du musée, a permis les avancées du xixe siècle, du xxe siècle et du nôtre. Ce n’est qu’en 1954 que l’école des beaux-arts a quitté les locaux du vieux musée ; ce n’est qu’en 2000 que la bibliothèque municipale a émigré vers un autre quartier et un bâtiment neuf, permettant d’achever la réalisation d’un des plus grands musées de province. Et sait-on que, durant tout le xixe siècle, Montpelliérains et étrangers ont pu admirer séparément, dans des salles distinctes, parlant de celui qui les avait constituées, les collections de Fabre, Valedau et Bruyas et peut-être sentir, mieux que nous ne le faisons à travers un classement par écoles et par siècles69, les mystérieux rapports entre l’individuel et le collectif, entre la délectation personnelle et la vocation du partage, entre l’affirmation de soi et la conscience de ce dont on peut enrichir une identité locale ? « Le Lez après l’Arno ! », raillait Pélissier en 190070. Eh oui, précisément, le Lez après l’Arno, pour apporter à Montpellier, afin de lui permettre d’être elle-même, un peu de l’élégance et de l’éclat de la cité des Médicis.
Notes de bas de page
1 Voyage dans le midi de la France, in Stendhal, Voyages en France, textes établis, présentés et annotés par Victor del Litto, Paris, Gallimard, « N.R.F. », 1992, p. 698. Nos citations sont extraites de cette édition, p. 697-703, qui opère la distinction entre les Mémoires d’un touriste, seule partie des Voyages à avoir été publiée du vivant de l’auteur, en 1838, le Voyage en France, laissé inachevé et que Romain Colomb, cousin et exécuteur testamentaire de Stendhal, publia en 1854 à la suite des Mémoires, sans harmoniser les textes, et le Journal de voyage dans le midi de la France. L’écrivain résida à Montpellier du 1er au 3 mai 1838, prit des notes sur la Notice du musée Fabre (opuscule que nous évoquons plus bas) et les mit au propre le 14 mai à Marseille. Conservée à la bibliothèque Sormani de Milan (fonds Bucci, n° 486), cette notice et les annotations qu’elle porte, reproduites par del Litto (op. cit., p. 835-842), ont été analysées par notre étudiant Guy Boisson (Stendhal, visiteur du Musée Fabre, 1er-3 mai 1838, mémoire de maîtrise, 2002).
2 L’artiste a fait l’objet de notre thèse de doctorat d’État, Le peintre François-Xavier Fabre (1766-1837), sous la direction de Jacques Thuillier, Université Paris-IV, 1982, non publiée mais complétée par plusieurs publications dont certaines seront citées plus loin. Relevons notre catalogue de l’exposition François-Xavier Fabre, Spolète, Palazzo Racani-Arroni / Florence, Galerie des Offices / Sala delle Reggie Poste, 1988. En 2000, nous avons publié, avec Michel Hilaire, directeur du musée Fabre, François-Xavier Fabre, peintre et collectionneur, hors-série de L’objet d’art, Dijon, Éditions Faton, 2000. Enfin, en 2007, toujours en collaboration avec M. Hilaire, nous avons été commissaire de la grande rétrospective François-Xavier Fabre de Florence à Montpellier (Montpellier, musée Fabre, puis Turin, Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea) et co-rédactrice du catalogue paru en 2008 (Somogy, Éditions d’Art, 463 p., 220 numéros, chronologie et bibliographie complètes [désormais : Cat. expo. 2007-2008]). Cet ouvrage, le plus complet à ce jour, consacre la « résurrection » de Fabre, trop longtemps oublié en tant qu’artiste.
3 « Je le vis en 1828 », écrit Stendhal en note de ses commentaires (Voyage dans le midi de la France, op. cit., p. 698). D’après ses spécialistes, c’est plutôt en 1829 qu’il passa par Montpellier à l’occasion d’un voyage en Catalogne. Cette date nous paraît plus plausible en effet, le musée n’ayant été inauguré qu’en décembre 1828.
4 Cette contribution reprend l’essentiel d’un travail collectif sur les états successifs du musée Fabre, conduit avec les étudiants de notre séminaire de 1999 à 2002 et poursuivi ensuite à titre individuel. Communiqués aux responsables du musée, ses résultats ont été pris en compte dans le cadre des travaux que nous aurons plusieurs fois à évoquer.
5 Legs en 1836 par Antoine Valedau, agent de change parisien d’origine montpelliéraine, d’une collection riche en tableaux nordiques du xviie siècle, en peintures de Greuze (sept) et en dessins des années 1820 ; donation (1868) puis legs (1876) d’Alfred Bruyas, fils de banquier montpelliérain, épris de modernité (Delacroix, Courbet, etc.). Sur l’histoire des collections, voir les publications de M. Hilaire : Le Musée Fabre, Montpellier, Fondation Paribas / Éditions des Musées nationaux, 1995 ; « Fabre collectionneur et donateur », in Id., L. Pellicer, François-Xavier Fabre, peintre et collectionneur, op. cit., p. 78-95, et les préfaces des expositions évoquées infra, note 33.
6 Voir la contribution de Pascale André-Pons sur Abraham Fontanel, dans ce volume.
7 Lettre de Fabre au maire de Montpellier, 5 janvier 1825, Archives municipales, Musée Fabre. Dons et legs de F. X. Fabre, fondateur du musée, liasse R 2/3 (copie au musée, dossier Donation Fabre).
8 Le fonds Fabre-Albany à la Bibliothèque de Montpellier, Leipzig, Harrassowitz, 1900, p. 4. Pélissier, qui publia une grande partie de ce fonds entre 1896 et 1914, sans cacher son mépris pour le peintre et pour la comtesse, ajoute : « les collectivités, étant anonymes, peuvent se passer de certaines délicatesses ». Pour les insinuations malveillantes, l’une des premières et des plus connues est celle de Stendhal lui-même : « L’on disait que sa présence là [auprès de Mme d’Albany] avait fait mourir de chagrin le sombre Alfieri. Alfieri était fait pour mourir de chagrin de quelque chose, même quand son ancienne amie ne lui eût préféré personne. » Ce (faux) problème n’étant pas l’objet de cet article, nous renvoyons le lecteur à notre contribution « François-Xavier Fabre héritier de Vittorio Alfieri » dans les actes du colloque international Présence de Vittorio Alfieri à Montpellier (Montpellier III, 12-13 décembre 2003), Hambourg, DOBU Verlag, p. 9-28. La correspondance de Fabre est conservée dans le fonds ancien de la médiathèque centrale d’agglomération Émile Zola, sous l’appellation « Manuscrit 64 », ensemble divisé en liasses numérotées de F 2 à F 27 [désormais : BM Montpellier, ms. 64, F…], plus un carton dénommé « Papiers à trier » [désormais : P.A.T.].
9 Sur la fondation du musée et les dernières années de Fabre à Montpellier, voir notamment Louis-Jacques Thomas, Les fondateurs du Musée Fabre de Montpellier. Une femme, son roi, son poète et son peintre, Montpellier, Coulet, 1928, p. 71-103. Nous les évoquons aussi dans notre article « Des extraits aux originaux : nouveaux regards sur Antoine Valedau et François-Xavier Fabre », Liame. Bulletin du Centre d’histoire moderne et contemporaine de l’Europe méditerranéenne et de ses périphéries, numéro spécial « Testaments et inventaires après décès d’amateurs et de collectionneurs du midi de la France », n° 12, 2006, p. 157-231.
10 Estimations dues à Fabre lui-même qui annexe à sa lettre du 5 janvier un état chiffré de sa donation.
11 Fabre a reçu la Légion d’honneur en 1827. Il est fait baron le 15 septembre 1828 (L.-J. Thomas, Les fondateurs du Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., p. 83-85). Il ne s’occupera pas avant 1830 de retirer ses lettres patentes et de choisir ses armes. Sa correspondance avec l’homme de loi Gervais (BM Montpellier, ms. 64, F 18 bis, 3 à 4 bis) nous apprend qu’il opta pour « une enclume et un jeune laurier fécondé par le soleil » et la devise « Pour les arts », choix qu’il commente avec une lucidité un peu ironique : « Autant cela qu’autre chose ; au moins, c’est vrai. »
12 Instructions répétées en tête de la Notice que nous allons évoquer : « Avis. Cette Notice ne sera vendue qu’à la porte du Musée : on prévient que, pour la plus grande sûreté des objets que renferme cet établissement, on devra déposer à l’entrée les manteaux, cannes et parapluies, qui seront reçus par un préposé à cet effet. On ne laissera point entrer les enfans en bas âge, ni les personnes qui amèneraient des chiens. »
13 Sur cette médaille et ces visites, voir L.-J. Thomas, Les fondateurs du Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., p. 84-86 et p. 93. On trouve dans les « Papiers à trier » une liste, de la main de Fabre, des personnalités à qui la médaille a été offerte, où nous avons relevé la mention de « Mr le Maréchal Soult (avec une boîte), offerte au Musée le 29 7bre 1829 ».
14 Livret de 71 pages, édité en 1828 par l’imprimeur Auguste Ricard, réédité (et augmenté) en 1830. Ce sont les démêlés de Fabre avec la première municipalité de la Monarchie de Juillet (voir infra) qui expliquent que, malgré l’accroissement des collections, il n’y ait pas eu d’autre édition de son vivant. La suivante, qui inclura le legs Valedau, paraîtra en 1839.
15 Ancien collège des Jésuites, intégré au musée, partiellement, au début des années 1980, puis totalement, au cours de la campagne de travaux qui lui a donné sa dimension actuelle, de 2003 à 2007. La première étude du bâti a été réalisée sous notre direction par Danièle Catayée, Le Musée Fabre de Montpellier. Histoire d’un édifice, mémoire de maîtrise, 1978. Nous avons affiné ce travail, appuyé sur les documents conservés aux Archives municipales de Montpellier (M 4/6, Musée Fabre, 1806-1896), dans notre thèse (cf. supra, note 2), p. 209-225, et encore progressé lors de l’enquête citée supra, note 4. Les descriptions et analyses qui vont suivre se retrouvent en partie dans notre essai introductif, L’homme et ses secrets, au catalogue de la rétrospective de 2007-2008, p. 16-46.
16 Procès-verbal d’estimation dressé le 3 janvier 1825 par les architectes Jean Fovis et Mathieu Silvas, représentant respectivement la ville et le chevalier de Massilian, propriétaire (D. Catayée, Le Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., t. II, p. 23-25). Nous empruntons plusieurs citations à ce document, ainsi qu’au devis des travaux.
17 Ibid., t. I, p. 61.
18 Elle figurera dans son inventaire après décès sous le n° 795 et sera estimée 400 francs.
19 Lettre à Artaud, directeur du musée d’Avignon, juin 1832, BM Montpellier, ms. 64 F 22, 21 bis. Le directeur se plaint de l’indifférence de la municipalité et de son peu d’empressement à prévenir ce genre de dégâts.
20 La nouvelle bibliothèque sera édifiée par Boué entre 1839 et 1844 contre le mur nord du jardin (D. Catayée, Le Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., p. 104-108). Elle abritait au rez-de-chaussée la Faculté des Lettres, créée en 1838, et à l’étage la grande salle de lecture que nombre de Montpelliérains ont connue, la bibliothèque municipale ayant été transférée en 2000 seulement dans les locaux de la médiathèque centrale d’agglomération Émile Zola. Nous décrivons l’état ancien de ce bâtiment, très transformé par les travaux de réaménagement du musée, dans notre article « 1844. Paulin Blanc et la “nouvelle Bibliothèque municipale de Montpellier”. Projets, rêves et ambitions d’un bibliothécaire de province », in Jean-François Jacouty, dir., Mélanges en l’honneur du Professeur Roland Andréani : presse, politique, culture et société du xviiie au xxe siècle, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2007, p. 209-245.
21 Fabre n’exécuta pas moins de trois dessins successifs pour cette rampe, d’où un retard dont le maire s’excusera auprès de la Commission du Musée (P.A.T.). L’un de ces projets, non retenu, est conservé aux Archives municipales et reproduit dans D. Catayée, Le Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., t. II, doc. VIII.
22 Le mur du côté sud mesure 16,80 m et celui du côté ouest 6,37 m.
23 Essai historique et descriptif sur Montpellier, pour servir de guide dans cette ville et ses environs, s.l., Éditions du Bastion, 1987 [1836], p. 108 et suiv. « Le Musée proprement dit occupe quatre salles, ou galeries [l’auteur ne prend pas en compte le passage à l’ouest, réservé aux sculptures] : deux sont consacrées aux tableaux, aux statues, bustes, antiques, etc. ; une autre contient les meilleures épreuves des gravures de réputation ; la quatrième salle renferme les dessins de grands maîtres. »
24 Tous les jardins en bordure de l’Esplanade, dont celui du collège, occupaient l’emplacement des fossés des remparts rasés après la prise de Montpellier par Louis XIII en 1622. Voir plus bas la description qu’en fait Fabre lui-même. Dès 1827, il déclare y trouver « [sa] seule distraction et la joie de [son] âme » (BM Montpellier, ms. 64, F 25, 5 bis). En 1830, malade, il confie que ses seules distractions sont « de lire quand ma tête me le permet et de cultiver quelques fleurs, quand mes jambes peuvent me porter dans mon jardin » (ms. 64, F 22, 17 bis). En 1834, disant à son ancien camarade Garnier son désir de revoir Paris et l’Italie, il conclut : « je crains bien que je n’aurai jamais le courage de laisser mon gîte, mes fleurs, mes fruits, mes arbres » (F 18 ter, 14 bis). La surface de ce jardin a été considérablement réduite par les agrandissements successifs du musée au xixe siècle.
25 Lettre à Réattu, BM Montpellier, ms. 64, F 4, 18, minute ; réponse : F 4, 19. Sur Réattu, ancien condisciple de Fabre, voir l’ouvrage de Katrin Simons, Jacques Réattu (1760-1833), peintre de la Révolution française, Paris, Arthéna, 1985, ainsi que le catalogue de l’exposition tenue en 2000 à Vizille, Musée de la Révolution française, Jacques Réattu, sous le signe de la Révolution. En 1819, Réattu avait été chargé du décor du théâtre de Marseille : c’est à cette occasion qu’il eut Baroffio (voir infra) pour assistant.
26 Ce peintre, qui n’est guère qu’un nom dans les dictionnaires artistiques, a retrouvé son identité grâce à notre étudiant Richard Moreau (Tommaso Baroffio, peintre décorateur et les Griffons du musée Fabre, mémoire de maîtrise, 2004), qui a découvert des archives privées et un fonds de dessins et de projets à Mendrisio et à Bellinzona, dans le Tessin. Il travailla pour des particuliers, à Marseille, mais aussi à Narbonne, décora le Musée anatomique de la Faculté de médecine de Montpellier et la demeure du maréchal Soult à Saint-Amans-la-Bastide. Il n’y a en revanche aucune preuve à ce jour qu’il ait, comme l’affirme Bénézit (Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris, Gründ, 1960-1964, t. 1, p. 410), travaillé au théâtre de Montpellier et exécuté des fresques dans des églises de Marseille, Nîmes et Avignon.
27 Les trois pièces les mieux conservées présentent en effet, sous le plafond, des frises qui pourraient lui être attribuées : entrelacs de fleurs et de feuilles à dominante vert pomme dans l’un des salons, rinceaux sur fond gris-bleu dans l’autre, médaillons rouge étrusque sur fond vert d’eau dans le cabinet.
28 Trois côtés seulement sont d’origine, la fresque du côté nord ayant été détruite lors du percement du mur au début des années 1980, afin de faire communiquer le musée avec l’ancien collège. Elle a été refaite à l’identique. De plus, en 1939, le sol de cette galerie avait été rehaussé d’environ deux mètres, afin de gagner de la hauteur pour les salles du rez-de-chaussée, tandis qu’étaient supprimée la cour intérieure et murées les fenêtres qui prenaient jour sur elle. Les travaux que nous évoquons lui ont rendu sa hauteur primitive et dégagé l’espace de la cour.
29 Le motif figure dans un modèle d’entablement ionique proposé par Vignole (Règles des cinq ordres d’architecture de M. Jacques Barozzio de Vignole, Paris, Mariette, 1665, p. 32) et se retrouve dans le Cours d’Architecture de d’Aviler (Paris, Langlois, 1691, p. 47 et 19). Fabre vouait une grande admiration à Poussin, dont le Jugement de Salomon, peint en 1649, est conservé au Louvre.
30 « Les architectes de province, toujours ingénieux, n’ont pu se déterminer à placer ici une teinte plate, gris sale. C’est pourtant ce qu’il fallait sous peine d’éteindre les couleurs des tableaux », poursuit l’écrivain (op. cit., p. 688). Paul Valéry lui reprendra l’expression « grands sphinx un peu nigauds » quand il évoquera ses impressions de jeunesse dans les « salles hautes et généralement sombres », les « demi-ténèbres, toutes peuplées d’assez mornes ouvrages » du musée de Montpellier (préface du catalogue de l’exposition Les chefs-d’œuvre du Musée de Montpellier, Paris, Orangerie / Berne, Kunsthalle, 1939, p. 6 et 9).
31 Cette « grande porte feinte » est ainsi décrite par le devis : « la grande porte à vitre cintrée à l’extrémité de la galerie des tableaux sera ornée de glaces de la manufacture royale établies sur un parquet et solidement fixées aux vantaux de la dite porte et à la partie cintrée ». Elle comportait, pour les vantaux, seize glaces de 3 pouces sur 19 et, pour la partie cintrée, six glaces de 21 pouces sur 19 et quatre de 19 sur 17 (AD Hérault, 20 172 ; 13, 23, 125, 145, recherches de Matthieu Rondinet). Le pourtour de maçonnerie de cette porte a été dégagé lors des travaux, mais elle n’a pu être conservée.
32 BM Montpellier, ms. 64, F 25, 5 bis, juillet 1827.
33 Voir supra, notes 2 et 5. Citons, parmi les premières, les importants catalogues des expositions De la Nature. Paysages de Poussin à Courbet dans les collections du Musée Fabre, Montpellier, Musée Fabre, 1996, et Tableaux flamands et hollandais du Musée Fabre de Montpellier, Paris, Institut néerlandais / Montpellier, Musée Fabre, 1998. De plus, la fermeture du musée a été mise à profit pour présenter les collections dans plusieurs grands musées étrangers (à Canberra en 2003-2004, Madrid et Bilbao en 2005, plusieurs villes du Japon en 2005-2006, Lausanne en 2006).
34 BM Montpellier, P.A.T., reçu de 3 100 francs, daté du 8 mars 1825. Fabre achète en outre à Masclary un tableau attribué à Téniers, un paysage attribué à Bourdon et un trompe-l’œil de Sauvage, Bacchanale d’enfants. La collection Masclary, dispersée à Montpellier en 1870, reste mal connue.
35 Fabre rejette non seulement le romantisme, mais aussi la froideur et la stylisation de l’ingrisme, trop éloigné de la réalité. Significative à cet égard est sa lettre à son ancien camarade Léonor Mérimée lorsque, en janvier 1829, il cherche un directeur pour son école des beaux-arts : « Je ne le voudrais point classique exagéré mais encore moins romantique décidé ni surtout blasphémateur contre l’école de David. C’est un malheur qu’on en soit venu là ! Se donner tant de mal en France pour imiter la peinture anglaise quand nous avons des Poussin, des David, des Gérard, des Girodet, etc.… en vérité, c’est trop ridicule ! » (BM Montpellier, ms. 64, F 8, 1 bis).
36 Le docteur Fabre, frère du peintre, le rejoignit à Rome en 1791, date de son portrait. Joseph Fabre, leur père, émigra à son tour en 1792, date probable de son portrait en buste. Les deux portraits d’Alfieri et de sa compagne datent de 1796. Voir dans Cat. expo. 2007-2008 les nos 32, 67, 68, et fig. 2, p. 129. On retrouvera aussi chez lui, après sa mort, un grand nombre de livres, qui prendront le chemin de la bibliothèque.
37 Cet artiste peu connu (Marseille, vers 1760 – Florence, 1812) obtint en 1787 le Grand Prix de Sculpture. Comme Fabre, il choisit de faire carrière en Italie. Son buste d’Alfieri (marbre, 72 cm, signé et daté) appartenait à Mme d’Albany.
38 Le musée Fabre possède un ensemble remarquable d’œuvres de Houdon, dont certaines proviennent des collections de la Société des Beaux-Arts, et qui a été enrichi par la générosité de donateurs : Creuzé de Lesser en 1828, Auguste-César Fages, petit-fils de Fontanel, pour le fameux Voltaire assis en 1874. Voir les articles de Valérie Bajou, « Houdon in the Musée Fabre » (Apollo, janvier 1989, p. 23-29) et de Jean Claparède, le premier à avoir étudié ces œuvres, « Houdon et la Société des Beaux-Arts de Montpellier », article resté inédit jusqu’à sa publication par le regretté Jean Nougaret (Études sur l’Hérault, nouvelle série, 9, 1993, p. 39-48).
39 La Tête de Muse (marbre, 60 cm), datée de 1811, témoigne, comme le mausolée d’Alfieri (voir infra, note 48), des relations du célèbre sculpteur avec la comtesse et le peintre, qui fit de lui un splendide portrait (musée Fabre, 1812). Emilio Santarelli (1801-1886) était, officiellement, le fils de Giovanni Antonio Santarelli (1758-1826), célèbre graveur sur pierres fines, mais tout porte à croire qu’il était le fils adultérin de Fabre, qui fit de lui son légataire universel. Nous avons publié en 2007 la correspondance des deux artistes : « François-Xavier Fabre (1766-1837) et Emilio Santarelli (1801-1886) dans le fonds Piancastelli de la Biblioteca Communale de Forlì », Quaderni Piancastelli, 4, Bologne, Il Mulino, p. 11-164. Pour ce buste et l’Autoportrait cité plus bas, voir Cat. expo. 2007-2008, nos 219 et 220.
40 Notice des tableaux et autres objets d’art exposés au Musée Fabre de Montpellier, Montpellier, A. Ricard, 1830 [désormais : Notice 1830], nos 246 et 347, qui précise que le sculpteur « exécute dans ce moment la statue équestre de Louis XIV, qui doit être coulée en bronze pour la place du Peyrou » et venir remplacer la statue originale de Mazeline et Hurtrelle, détruite en 1792.
41 Courrier du Midi, 18 mai 1837, lettre signée « Un Visiteur habitué du Musée ».
42 BM Montpellier, fonds Fabre, n° 2228. Férogio (1805-1888), envoyé par Fabre en 1830 à Paris dans l’atelier de Gros, échoua trois fois au prix de Rome avant de se tourner vers la gravure d’illustration. Sa correspondance avec son ancien maître (BM Montpellier, ms. 64, F 18 ter) constitue un témoignage intéressant sur les dernières années de Fabre et sur son attitude face à l’évolution politique de la France.
43 Ainsi pour Le massacre des habitants d’Hippone, de Palma Vecchio, envoi de l’État (Notice 1830, n° 241) : « St Augustin prévoyant que sa patrie allait être envahie par l’ennemi, et certain de toutes les horreurs qu’on exercerait sur ses concitoyens, obtint du Ciel la grâce de mourir pour ne pas en être témoin : des Anges l’enlèvent en Paradis. Ce tableau, de grande dimension, est signé, et porte la date de 1593. »
44 Notice 1830, n° 129. Pour ce petit portrait intime (40,2 × 32,7 cm), voir Cat. expo. 2007-2008, n° 114.
45 Notice 1830, n° 270 : « Portrait de Laurent de Médicis, Duc d’Urbin et père de Catherine de Médicis, Reine de France ; son père était Piero de’ Medici, frère de Léon X [suit une description détaillée]. Ce tableau, de la dernière manière de Raphaël, est peint sur bois ; il est cité par Vasari, dans la vie de ce grand peintre : il en existe deux copies dans la galerie de Florence ; l’original a été égaré pendant plus de quatre siècles : il a été heureusement retrouvé à Florence il y a environ deux ans, et c’est la description de ce même tableau original que l’on vient de lire. » L’œuvre est maintenant considérée comme une bonne copie d’atelier. On constate que Fabre, selon le mot de Stendhal, « savait faire valoir la marchandise » (Mémoires d’un touriste, op. cit., p. 149).
46 « État estimatif » de 1825, complété par l’inventaire après décès (AD Hérault, 2 E 57/789, n° 142, copie au musée Fabre, dossier Donation Fabre). Ce dernier, dressé entre le 24 avril et le 15 mai 1837, nous apprendra que gravures et dessins ont été provisoirement entreposés au deuxième étage pour laisser place à la collection Valedau, arrivée entre-temps de Paris.
47 Jacob Philipp Hackert (1737-1807), paysagiste allemand établi à Florence, est très bien représenté dans la collection de Fabre qui, outre ces grandes vues des environs de Naples, possédait plusieurs dessins et études de sa main. Notons aussi, provenant de la collection de Mme d’Albany, un beau tableau, Le parc de l’Ariccia, près d’Albano (64 × 0,96 cm, signé et daté de 1804, reproduit in M. Hilaire, L. Pellicer, François-Xavier Fabre, peintre et collectionneur, op. cit., p. 87).
48 Érigé entre 1804 et 1810 dans l’église Santa Croce de Florence ; le dessin du musée Fabre est celui du premier projet, œuvre de Domenico del Frate, collaborateur de Canova (plume et encre de Chine, 0,51 × 0,35 cm).
49 Voir infra, note 60.
50 Plume, encre brune, lavis brun sur esquisse à la pierre noire, mis au carreau, 20,7 × 31,8 cm ; ce dessin, en rapport avec la deuxième série des Sacrements, dite « Chanteloup », a figuré, en 1994-1995, à l’exposition Nicolas Poussin, 1594-1665, Paris, Grand Palais, catalogue par Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat, Paris, Réunion des musées nationaux, 1994, n° 126, p. 332.
51 Reproduit in M. Hilaire, Le Musée Fabre, op. cit., p. 19, plume et encre brune, sur premier tracé à la mine de plomb, traits de stylet, pierre noire pour un croquis au verso.
52 Voir en particulier « Fabre et les sources littéraires antiques », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n° 4, décembre 1983, p. 378-379.
53 Lettre du 22 mars 1829, publiée vers 1900 par Pélissier dans l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux sous le titre « Un projet de décoration épigraphique pour la Bibliothèque-Musée Fabre », article connu par une coupure sans date (musée Fabre).
54 Ainsi que le prouvent plusieurs minutes, dans les « Papiers à trier ».
55 Renouvier s’en réjouira, mais déplorera que subsiste l’interdiction de l’encre. Assez vite après la mort de Fabre, le musée va être ouvert au public deux fois par semaine (cité dans D. Catayée, Le Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., t. I, p. 126-129).
56 BM Montpellier, P.A.T., lettre du 8 août 1833 (minute).
57 Le critique Étienne Delécluze, qui fréquenta Fabre à Florence en 1823, parle d’« une tendance naturelle à la paresse, augmentée encore par une affection goutteuse et les habitudes italiennes qu’il avait contractées » (Louis David, son école et son temps, Paris, Didier, 1855, p. 250). Accusation répétée en 1900 par Louis Gonse (Les chefs-d’œuvre des Musées de France. La peinture, Paris, May, p. 200). Louis Gillet, en 1934, entre autres affirmations gratuites, va gloser sur ce thème : « La vérité était que le bon Fabre, comme beaucoup de méridionaux, était né indolent. Il était paresseux, avec mille prétextes pour justifier sa paresse : fureteur, bricoleur, bref un paresseux occupé » (Le trésor des Musées de Province. Le musée de Montpellier, Paris, Firmin-Didot, 1934, p. 160). Notre fréquentation assidue de l’homme, de l’artiste et du collectionneur nous amène à la conclusion inverse : Fabre est un homme actif, volontaire, autoritaire, scrupuleux et enclin à l’anxiété et au pessimisme. Nous nous permettons de signaler, à qui voudrait découvrir l’homme « de l’intérieur », notre ouvrage de fiction paru en 2014 : Le silence d’Ephestion. Mémoires de François-Xavier Fabre. Roman, Montpellier, Éditions Chabot du Lez.
58 L.-J. Thomas, Les fondateurs du Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., p. 87.
59 Mémoire de Fontanel aux administrateurs du département de l’Hérault, 1796, reproduit par Dominique Larédo, « Un mémoire inédit d’Abraham Fontanel (1740-1819), premier conservateur du premier musée de Montpellier », Bulletin Historique de la Ville de Montpellier, n° 9, 1988, p. 5-10.
60 Modène, Biblioteca Estense, fonds Campori. Reproduite par Clara Domenici dans les actes du colloque François-Xavier Fabre en son temps, Montpellier, musée Fabre, 31 janvier – 1er février 2008, « Nuovi documenti sugli ultimi anni di F. X. Fabre », p. 121.
61 Œuvre du Suédois Alexandre Roslin (1718-1793), 21,2 × 17 cm, ovale. L’inscription dit : « Portrait de M. de Joubert, trésorier général des États du Languedoc en 1787. C’est à la protection bienveillante et généreuse qu’il m’a accordée pendant ma jeunesse que je dois presque entièrement ce que je suis et ce que je possède. Fr. X. Fabre. Florence, 29 nov. 1820. » Un an avant sa mort, Fabre a pu voir entrer au musée le portrait de Joubert par David, don de Jean-Pierre Collot, ancien directeur de la Monnaie de Paris. Le musée Fabre a acquis en 1999 un portrait de ce personnage, œuvre de jeunesse de Fabre (voir Cat. expo. 2007-2008, n° 4, p. 98-100, œuvres de David et Roslin reproduites p. 100, fig. 1 et 2).
62 BM Montpellier, ms. 64, F 4, 10 bis, réponse à une lettre du 11 juin. Fabre regrettera plusieurs fois de trouver « les arts engourdis », ajoutant, dans une lettre à la maréchale Clarke : « il y a beaucoup à faire pour les réveiller, même s’il ne faut pas un miracle pour les ressusciter » (juillet 1826, ms. 64, F 18, 32 bis).
63 BM Montpellier, ms. 64, F 18 ter, 1 bis. « J’espère qu’on voudra bien me le permettre », ajoute-t-il. Il démissionnera pourtant de son poste de directeur en 1831, après la révocation par le maire du concierge de l’École, et ne reprendra son poste qu’en janvier 1834, sur les instances du nouveau maire, Zoé Granier. Sur cet épisode, voir L.-J. Thomas, Les fondateurs du Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., p. 95-97. La lettre de Granier, datée du 8 janvier, et la minute de la réponse de Fabre, du 9, sont conservées dans les P.A.T.
64 Stendhal, Voyage dans le midi de la France, op. cit., p. 697 : « J’ai entrevu jadis ce personnage gascon chez Mme la comtesse d’Albany à Florence », se remémore Stendhal avant de commencer sa visite.
65 Le musée avait fait l’objet d’une critique particulièrement virulente dans le Courrier de l’Hérault du 23 juin 1832. L’auteur (anonyme) de l’article regrette les dépenses faites pour la création du musée, affirme l’inutilité de cet établissement dans une ville de province et conclut : « nous avons un autre emploi à faire de notre temps et de notre argent que celui d’acheter et de regarder des toiles peintes ». Toutes les lettres de Fabre, de 1830 à 1834, refléteront une grande amertume.
66 On trouvera ces critiques exposées avec une violence surprenante par Jules Renouvier en 1860 (cité in D. Catayée, Le Musée Fabre de Montpellier…, op. cit., p. 126-129) ; sans la moindre indulgence pour Fabre, il stigmatise son « esprit étroit, exclusif, ami du privilège et de l’absolutisme », affirme que « l’esprit de la donation de Fabre a été funeste à la propagation des arts dans la ville, au progrès des élèves », que « l’intérêt de l’art a été subordonné aux préjugés d’école », et reproche au directeur du musée de n’avoir pas acheté d’œuvres modernes ou antérieures au xvie siècle, et de ne s’être pas intéressé aux « fragments antiques ou gothiques », comme on l’a fait à Lyon, Toulouse et Avignon. L’annonce du legs de Valedau, décédé le 7 décembre 1836 à Paris, a sans doute déterminé Fabre à prendre les dispositions testamentaires que nous allons évoquer.
67 AD Hérault, 2 E 57/789, codicille du 22 février 1837. Fabre affirme son « désir formel, qui n’a d’autre but que la conservation et l’embellissement de ce Musée », d’avoir de Nattes comme successeur à vie. La municipalité acceptera de mauvaise grâce et tournera la difficulté en créant un poste de « conservateur » et en dépouillant, de fait, le directeur de tous ses pouvoirs. D’où une suite de conflits qui ne cessera qu’à la mort de de Nattes en 1881. Nous évoquons ce personnage dans « Des extraits aux originaux… », art. cit.
68 Conditions acceptées par le Conseil municipal le 22 octobre 1868. La collection Bruyas devait occuper trois salles ; les Archives municipales conservent, pour deux d’entre elles, le plan d’accrochage dessiné par Bruyas lui-même et la liste des œuvres de la troisième salle. Ce n’est qu’après la mort du collectionneur que l’on construisit pour ses tableaux une majestueuse galerie à colonnes dans le prolongement de la façade du musée primitif.
69 Instauré au musée par Georges d’Albenas, conservateur de 1902 à 1914 et auteur d’un catalogue des collections qui connut trois éditions (1904, 1910, 1914).
70 Le fonds Fabre-Albany à la Bibliothèque de Montpellier, op. cit., p. 57 : « On peut encore trouver du charme au Lez après le Rhône a dit Sainte-Beuve. Après le Rhône, soit ! mais après l’Arno […]. Après trente ans de séjour à Florence, Fabre eut le bourgeois héroïsme de la quitter. Et déjà cet exode nous autorise presque à lui dénier une âme d’artiste. » Ce jugement sans appel illustre bien l’incompréhension dont Fabre fut victime à Montpellier même et qui fut préjudiciable à son image certes, mais aussi à son musée.
Auteur
Université Montpellier III
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