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Pierre Giot, un capitaine marin arlésien « dans la tourmente »

 | 
Patricia Payn-Echalier
, 
Philippe Rigaud

Le contexte géopolitique

Full text

La ville, la société arlésienne et les marins

1Rappelons brièvement qu’Arles, au débouché du Rhône, possède un vaste territoire qui a fait sa richesse. L’économie agricole est centrée autour de deux activités rendues possibles par les vastes étendues disponibles : la culture céréalière extensive d’une part, l’élevage du bétail, d’autre part.

2Autre pôle de l’économie de la ville, l’activité portuaire qui prend son essor dans la première moitié du xviie siècle, essor amplifié lors de l’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans ; dès lors les marins d’Arles sont essentiels pour le transport des denrées arrivant par le fleuve en direction des arsenaux de Marseille et de Toulon. Ils effectuent, à bord de leurs allèges, dans des conditions de navigation souvent très difficiles, un cabotage vers ces deux ports. Outre le transport pour la Marine, les patrons arlésiens amènent du blé et des pondéreux à Marseille où ils trouvent du fret à distribuer dans les ports voisins.

  • 154 Voir la localisation de la Roquette et du quartier rive droite de Trinquetaille sur le plan d’Arles (...)

3La ville possède un quartier maritime bipartite, de part et d’autre du Rhône. Le point d’ancrage traditionnel dès le Moyen Âge de cette population de marins et de pêcheurs est le quartier de la Roquette. Sur la rive droite, les activités maritimes se sont développées plus tard, à partir du xviie siècle, et sont liées au transport du bois arrivé par flottage sur le fleuve154.

Les événements qui précèdent la prise d’écriture dans le Journal, le 26 mars 1792

  • 155 L’étude de la Révolution dans la cité arlésienne a fait l’objet de nombreux travaux récents : Paul (...)

4La Révolution arlésienne a été longuement étudiée155 et nous ne chercherons pas ici à refaire ce qui a déjà été si bien fait. Nous relèverons seulement que, dans l’alternance des prises de pouvoirs successives par les deux partis en présence, les événements qui bouleversèrent la ville entre juin 1791 et août 1793 sont les plus révélateurs du climat social particulier de la ville. Après 1793, Arles vit davantage au rythme des grands changements politiques qui secouent la capitale et le pays.

  • 156 Aristocrate vivant dans la Roquette, célèbre pour ses idées révolutionnaires qu’il expose dans son (...)

5Dans la seconde moitié du xviiie siècle déjà, la tension sociale était lourde dans la ville. En effet, depuis 1740, les artisans et commerçants, exclus du conseil municipal par l’aristocratie et la bourgeoisie, nourrissaient une sourde rancœur à leur égard et œuvraient pour abroger cette mesure. Ils eurent gain de cause le 4 août 1789, dans les tout premiers temps de la révolution municipale. Le pouvoir échappant au Consulat urbain dès l’abrogation du règlement de 1740, les élections municipales qui suivirent virent la victoire des artisans et commerçants qui élirent comme maire le chevalier d’Antonelle156.

  • 157 Paul Allard, « Les gens de métiers… . », op. cit., p. 22.
  • 158 Tout d’abord, giffonistes du nom du chanoine dans la maison duquel ils se réunissaient, le nom se t (...)

6Dans ce contexte, l’opposition à la politique anticléricale nationale et, plus encore, locale menée par le maire Antonelle conduit à la « rupture du corps social arlésien157 ». Elle se manifeste en premier au sein de la Garde Nationale dont l’une des compagnies, issue de la Roquette et portant le nom de Monnaie (du nom d’une rue du quartier), se révèle très patriote alors que les autres compagnies qui se réunissent dans le quartier des Arènes le sont beaucoup moins. Les patriotes porteront le nom de monnaidiers. Les autres se reconnaîtront sous celui de chiffonistes158.

7Ces derniers, excédés par l’oppression que fait peser la Société des Amis de la Constitution, réussissent un coup de force en juin 1791 contre Antonelle et ses amis. La violence se déchaîne et les monnaidiers fuient vers les villes voisines. Devant l’urgence d’arrêter les troubles, l’Assemblée charge, en mars 1792, les commissaires Rebecqui et Bertin de réduire Arles ; pour ce, ils mettent sur pied une expédition révolutionnaire composée de 4 000 hommes et de six bâtiments armés en guerre. Partis de Marseille, ceux-ci sont sous les murs d’Arles le 25 mars. Ici commence le récit de Pierre Giot.

Notes

154 Voir la localisation de la Roquette et du quartier rive droite de Trinquetaille sur le plan d’Arles (carte 1).

155 L’étude de la Révolution dans la cité arlésienne a fait l’objet de nombreux travaux récents : Paul Allard « La politisation de l’espace arlésien au temps de la Révolution », L’espace et le temps reconstruits, Publications de l’Université de Provence, Aix-en-Provence, 1990, actes du colloque sur la Révolution française organisé par le « Centre Méridional d’Histoire Sociale des mentalités et des cultures » à Marseille du 22 au 24 février 1989 ; Paul Allard, « Les gens de métiers durant la Révolution arlésienne », Bulletin des Archives Municipales, n° 6 [Arles], 1990-1991 ; Fabio Sampoli, Politics and Society in Revolutionnary : Arles, Chiffonistes and Monnaidiers, Yale University, Philadelphie, 1982 ; Pierre Serna, « La Révolution arlésienne », Arles, histoire, …, op. cit., p. 791-812.
Auparavant, contemporain des événements, Pierre Véran a longuement relaté cette période ; s’inspirant des écrits de ce dernier, Émile Fassin a repris le récit des bouleversements durables qui affectèrent fortement la cité. La personnalité du maire Antonelle, magistralement étudiée par Pierre Serna, la scansion des affrontements successifs et de l’alternance au pouvoir entre monnaidiers et chiffonistes sont largement connus. Nous nous contenterons ici de situer le Journal de Pierre Giot dans le contexte de la révolution arlésienne.

156 Aristocrate vivant dans la Roquette, célèbre pour ses idées révolutionnaires qu’il expose dans son ouvrage Catéchisme du Tiers-État, paru en 1788. Soutenu par les artisans et les commerçants, il est élu maire de la ville en février 1790. Pour une plus ample connaissance de ce personnage, voir Pierre Serna, Antonelle, aristocrate révolutionnaire, 1747-1817, Paris, Éditions du Félin, 1997.

157 Paul Allard, « Les gens de métiers… . », op. cit., p. 22.

158 Tout d’abord, giffonistes du nom du chanoine dans la maison duquel ils se réunissaient, le nom se transforma peu à peu en chiffonistes.

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