Le tour de la Méditerranée en bateau à vapeur
Arrêt sur image
p. 241-253
Texte intégral
1Le 31 mai 1836, le Phocéen, premier navire à vapeur construit à La Ciotat par l’armateur et industriel Louis Benet, quitte le port de Marseille pour s’engager dans un tour de la Méditerranée de trois mois qui doit le conduire successivement – c’est ce qu’annoncent les prospectus parus dans la presse quelques semaines auparavant – à Alger, Tunis, Malte, Navarin, Smyrne, Constantinople et Athènes, avant de rentrer en France par Palerme, Naples, Rome, Livourne et Gênes1. « Tour du monde classique », « promenade historique » ou « nouvelle mode de la belle saison » réservée à « l’aristocratie opulente et voyageuse de l’Europe », l’entreprise est avant tout présentée comme une initiative purement touristique, notamment par le poète et journaliste marseillais Louis Méry :
Chemin faisant, le Phocéen saluera toutes les cités à grandes et poétiques appellations qui bordent les rivages, couronnent les promontoires, dominent les archipels. En trois mois, quel magnifique cours d’histoire ancienne, professé sur la mer d’Alexandre, de Scipion et d’Annibal […]. Sur les tablettes du premier voyage, bien des notabilités sont inscrites déjà ; l’Europe entière est dans le secret ; c’est une sorte de croisade, avec les dangers en moins et les plaisirs en plus. En trois jours, la poste vous jette à Marseille à bord du Phocéen, hôtel garni et flottant ; on se promène sur mer quelques mois ; on embrasse toute l’antiquité, et l’on s’en revient à l’automne, parler de Stamboul, de Troyes et de Carthage dans une loge de l’Opéra ou des Italiens2.
2La publication de travaux en l’honneur de Gilbert Buti, dont chacun connaît la passion et la compétence pour les questions maritimes méditerranéennes, est pour nous l’occasion de revenir sur un événement qui, au-delà des représentations véhiculées par la presse de l’époque, s’inscrit aussi dans un contexte particulier : celui de l’essor de l’énergie vapeur au sein de l’économie marseillaise avec une temporalité méditerranéenne marquée par un regain d’intérêt des Européens pour l’Orient, la conquête de l’Algérie et une ambiance intellectuelle où les thèses du saint-simonien Michel Chevalier – appelant à ce que la Méditerranée devienne un « vaste forum » de paix et de prospérité entre l’Orient et l’Occident grâce au développement concomitant des moyens de transport et de l’industrie – commencent à se diffuser parmi les élites occidentales3. S’il est prévu que la « croisière s’amuse », elle n’en est pas moins révélatrice d’enjeux commerciaux, industriels et politiques que nous proposons de mettre en lumière et d’analyser.
L’émergence d’un nouveau marché
3Les années 1830-1836 se caractérisent en effet par une plus grande réceptivité de l’économie marseillaise à l’énergie vapeur, que ce soit dans les activités de transformation ou dans le transport maritime. Non pas que les entrepreneurs de la ville prennent soudainement conscience du potentiel et des avantages inhérents à la nouvelle énergie motrice. Ceux-ci sont connus depuis plusieurs décennies, mais les milieux économiques locaux hésitent à franchir le pas, particulièrement dans la navigation4. En 1830, aucun armateur marseillais n’a encore jugé opportun d’exploiter ce type de navire, contrairement à leurs concurrents napolitains ou génois.
4Un premier vapeur – le Ferdinando 1° – est pourtant entré dans le port de Marseille en 1818. Construit et affrété par la Compania privilegiata per la navigazione a vapore Pierre Andriel & Cie5, il a réussi à impressionner favorablement les élites locales spécialement invitées à bord pour assister à différentes manœuvres :
Le bateau à vapeur est entré dans le port de Marseille le 2 novembre, ayant à la remorque une bombarde chargée de bois, qui ne pouvait entrer en raison du vent contraire. Le 7, ce bâtiment fit une promenade par un vent assez fort et une grosse mer : il avait à son bord plusieurs fonctionnaires publics et un nouveau concours de MM les négociants de cette ville. Le 11, ce bâtiment fit une seconde promenade par un calme parfait ; il fit le tour du château d’If. Il exécuta différente manœuvres qui excitèrent l’admiration et l’étonnement de la brillante société qui le montait. On croit qu’il pouvait y avoir 500 personnes à bord. Le 23, ce bâtiment est parti chargé pour se rendre à Gênes ; il avait en outre à son bord 15 passagers. Les assurances ont été faites au même cours que sur tous les autres navires, et ne pourront qu’aller en diminuant, vu la brièveté des risques. Nous pensons que cette navigation, une fois bien connue, sera de la plus haute importance pour les négociants, pour le commerce en général. MM. Les entrepreneurs de roulage surtout doivent voir, avec grand plaisir, la suite assurée de leurs transports à jours fixes6.
5Malgré cet engouement apparent et les espoirs placés dans ce nouveau système de transport maritime, les armateurs marseillais tardent à investir dans l’achat de navires à vapeur, laissant un temps le champ libre aux compagnies faisant naviguer leur flotte sous pavillons napolitains, génois ou sardes : Auguste Viollier, Delucchi & Rubattino, Dufour & Mille, Société anonyme de Gênes. Compte tenu de l’importance des activités maritimes pour Marseille, cet attentisme peut surprendre. Il a pourtant ses raisons. Au-delà des avantages procurés par l’introduction de l’énergie vapeur – affranchissement des contraintes naturelles liées à l’absence de vent ou aux vents contraires, gain de temps, régularité des voyages –, la viabilité économique de l’exploitation de tels navires dans le cadre d’une économie privée et concurrentielle – ce qui n’est pas toujours le cas des compagnies italiennes déjà citées – suscite encore bien des interrogations7. Avec leur coût d’achat et d’entretien, les avaries fréquentes, leur grande consommation en charbon – qui présente le double inconvénient de coûter cher et d’encombrer les cales du navire –, avec enfin la nécessité d’établir tout un réseau d’entrepôts de charbon à travers le bassin méditerranéen, les premiers vapeurs à aubes apparaissent mal adaptés au transport des marchandises et d’une rentabilité incertaine. Tout au plus peuvent-ils convenir, lorsque la technique n’est pas défaillante, au transport des voyageurs fortunés et des colis à forte valeur marchande sur de courtes distances. Sauf cas particulier, cette prudence est donc aussi le fruit d’une lecture fine du marché et de l’attente du « moment optimal », au regard du contexte économique et sociétal dans lequel les armateurs marseillais évoluent, pour pouvoir réaliser un investissement estimé, tout de même, à plusieurs centaines de milliers de francs.
6C’est ce qui se produit en 1830, lorsque les Bazin, probablement encouragés par le succès des navires italiens, annoncent la création d’une société en commandite par actions de 800 000 francs – Charles & Auguste Bazin8 – pour exploiter une ligne régulière de vapeurs entre Marseille et Naples, à la grande satisfaction du Sémaphore de Marseille qui espère ainsi rattraper le retard pris sur les ports italiens, renforcer le rôle de la ville comme « entrepôt général des productions de la Méditerranée et de l’Océan » et stimuler l’activité du seul chantier naval provençal capable de construire des navires à vapeur, celui de l’américain Edward Church fondé en 1818 à La Seyne-sur-Mer :
On sait que, depuis douze ans, cet habile constructeur a établi une trentaine de bateaux à vapeur qui naviguent, avec le plus grand succès, sur nos côtes et sur nos fleuves […]. M. Church, avec qui nous avons eu l’honneur de conférer, nous a dit que les machines destinées aux deux bateaux marseillais, sortiront des ateliers des plus fameux fabricants de Londres ; qu’elles seront entièrement à l’abri de tout accident, et exécutées dans la dernière perfection. Il doit livrer dans le courant du mois d’octobre ces paquebots qui, outre les qualités désirables pour un pareil service, ne le céderont en rien pour le luxe à ceux sortis des chantiers anglais ou américains les plus renommés9.
7La livraison du Henri IV, puis celle de son sistership le Sully, permettent à Charles & Auguste Bazin d’inaugurer son service en direction de Naples le 26 mars 183110. Les débuts sont toutefois difficiles. Les départs ne s’effectuent pas toujours aux dates annoncées dans la presse, le nombre des dépôts de charbon est insuffisant et les autorités napolitaines, soucieuses de préserver les intérêts des compagnies locales, tentent d’entraver la bonne marche de la ligne en refusant d’autoriser les vapeurs marseillais à organiser des promenades dans les îles du golfe de Naples (Ischia, Capri) ou en leur imposant des quarantaines plus longues11. La qualité du service est surtout loin de satisfaire la clientèle aisée habituée, jusque-là, aux prestations des vapeurs italiens. Les récriminations contre les capitaines du Henri IV et du Sully si sont fréquentes, qu’Henry Beyle – Stendhal –, consul de France à Civitavecchia, alerte les Bazin :
Le service de vos bateaux à vapeur excite des plaintes unanimes […]. Les passeports des voyageurs sont égarés ou ne sont pas revêtus des visas nécessaires. Le manque d’égards des capitaines est extrême. On force les voyageurs à payer tout en francs et l’on ne prend leurs écus romains qu’à une valeur inférieure au cours12.
8Pour couronner le tout, le 12 décembre 1834 le Henry IV s’échoue sur un haut-fond au large de Porto Ercole avec 18 passagers et 20 hommes d’équipage à son bord13. Malgré ces déconvenues et la concurrence très vive des armements napolitains, la ligne dégage des bénéfices. En 1833, le fonctionnement de l’agence de Civitavecchia a coûté 26 341 francs tandis que le seul trafic des passagers lui rapportait 33 120 francs14 ; l’année suivante, l’exploitation des navires donne un rapport de 30 % et le bénéfice net d’un seul voyage atteint, en moyenne, 20 000 francs15. Ces chiffres confirment que le marché du transport maritime des voyageurs par navires à vapeur est rentable – y compris en dehors de toute protection – et prometteur.
Intervention étatique et opportunisme marseillais
9Peu de temps après ces initiatives privées, exclusivement consacrées aux échanges avec l’Italie, l’État entre en scène et accélère le réveil des ambitions marseillaises. Le 2 août 1834, Charles Duchâtel, ministre du Commerce du gouvernement Gérard, annonce à Alexis Rostand, ancien maire de Marseille et président de la Chambre de commerce, l’arrivée prochaine du directeur général des Postes – M. Conte – pour étudier la possibilité de créer un service régulier de navires à vapeur entre Marseille et le Levant16. Depuis 1830, l’Angleterre emploie plusieurs vapeurs sur la ligne postale Falmouth-Corfou17 et l’administration française considère qu’il est désormais temps que la France se préoccupe à son tour de cette question. Très au fait des échanges avec la Méditerranée orientale – son frère, Bruno Rostand, a commencé sa carrière commerciale à Constantinople avant de la poursuivre à Alep, puis à Smyrne –, Alexis Rostand entrevoit immédiatement tous les avantages d’une « opération sûre et lucrative » qui « donnera un vaste développement au commerce de la Méditerranée et à la civilisation des peuples qui habitent ses bords »18 et propose la mise en place de deux grandes lignes :
Pour obtenir tous les avantages que je viens d’énumérer, les bateaux à vapeur devraient être établis de manière à aller de Marseille à Malte, à Navarin, à Syra s’il était possible, à Smyrne et à Constantinople ; un embranchement à ce service devrait venir communiquer avec cette ligne et établir entre Malte ou Navarin une communication avec Alexandrie, Baruth et Chypre. Le point de liaison des deux lignes devrait être établi de préférence à Malte (...) ou Navarin. Il faudrait trois départs par mois. Quatre bateaux entre Marseille et Constantinople ; deux, entre un point intermédiaire et la Syrie, pourraient faire le service ; deux bateaux de plus seraient nécessaires pour obvier aux cas de retards et de réparations19.
10Malte, Smyrne, Constantinople, Chypre, Beyrouth, Alexandrie : le Levant, rien que le Levant. Or, tous les négociants marseillais – et plus particulièrement Jean Luce, porte-parole du Comité pour la colonisation d’Alger20 – ne sont pas favorables à ce projet trop exclusivement tourné vers la Méditerranée orientale. Pourquoi ne pas profiter des bonnes dispositions de l’administration des Postes pour dépasser le cadre du Levant et concevoir un véritable réseau méditerranéen qui engloberait les rivages du bassin occidental et, notamment, ceux de l’Algérie ? Au moment où la France s’interroge encore sur les formes à donner à sa présence à Alger, ne serait-ce pas le moyen de peser sur la décision finale du gouvernement dans le sens souhaité par les partisans d’une colonisation complète ? Ne serait-ce pas aussi l’occasion de court-circuiter la ligne postale Toulon-Alger fondée en 1833 à la suite d’une très vive polémique avec les Marseillais ? Soucieux de ne pas compromettre le recentrage en cours des intérêts marseillais en Méditerranée, Alexis Rostand modifie donc son projet et annonce, en décembre 1834, la constitution prochaine, sous sa présidence, de la Compagnie marseillaise pour l’établissement de bateaux à vapeur perfectionnés dans toute la Méditerranée, une société en commandite par actions de 6 millions de francs :
La Compagnie marseillaise ne se bornera point à communiquer avec quelques points isolés de la Méditerranée ; ses nombreux paquebots les mettront tous en rapport avec Marseille, l’Espagne, l’Italie, Malte, la Grèce, Constantinople, Smyrne, Alexandrie, Tunis, Alger, Tripoli […]. Les trois premiers paquebots, le Duc d’Orléans, le Marseillais et l’Algérien, seront dirigés sur Alger, dont ils contribueront à développer rapidement les richesses et les ressources. MM. Benet, armateurs, sont chargés de la construction des navires ; celle des machines est acquise à M. Charles Hamond, maintenant fixé à La Ciotat, à qui l’on doit le premier bateau à vapeur qui ait paru en 1818 (le Ferdinando 1er), six années avant tout autre, dans la Méditerranée […]. Firino, receveur général, Luce, Julliany, Fraissinet, Roux, Folsch, Lacrouts & Cie d’Alger, etc., etc., sont au nombre des principaux actionnaires et plusieurs maisons françaises et étrangères se sont déjà empressées de souscrire ; Paris et nos grandes villes s’associeront sans doute à une entreprise éminemment nationale qui, en liant intimement les intérêts de notre commerce avec les peuples de la Méditerranée, fera de celle-ci comme un lac français, suivant la pensée de Napoléon21.
11Si l’Orient demeure le but ultime de la ligne, il n’est plus qu’un objectif secondaire, une sorte de paravent destiné à masquer le véritable objectif des Marseillais : l’Algérie. Le choix de l’itinéraire est révélateur :
La Compagnie a voulu diriger d’abord ses paquebots sur Alger afin de consolider davantage notre belle conquête et de jeter comme un chemin de fer entre elle et Marseille. Le départ des paquebots aura lieu toutes les semaines ; l’un d’eux sera affecté exclusivement à la correspondance entre Alger et les autres villes importantes de la côte22.
12En choisissant de se rendre dans le Levant par la route du Maghreb, plus longue et moins sûre que la voie italienne, Alexis Rostand et ses associés, dont on aura relevé les accents saint-simoniens et le lien fait avec les projets méditerranéens napoléoniens23, espèrent pérenniser la présence française en Algérie. Le Levant n’est qu’un prétexte.
13Reste, tout de même, deux obstacles de taille : les aspects financier et technologique de l’affaire. Non seulement les capitaux nécessaires à la future compagnie sont loin d’être réunis, mais Charles Hamond, célèbre fabricant anglais de machines marines cité par Alexis Rostand pour la construction des machines marines, n’est pas installé à La Ciotat et ne semble pas disposé à le faire24. Par ailleurs, Toussaint et Louis Benet père et fils, retenus pour la construction des bateaux de la future compagnie, n’ont encore jamais fait réaliser de tels navires dans le chantier naval de La Ciotat où ils ont l’habitude de commander leurs bricks ou leurs trois-mâts. Ils sont avant tout connus comme armateurs – Toussaint Benet a été un des pionniers marseillais de la pêche à la baleine25 – ou fabricants de voiles marines et n’ont aucune compétence particulière en matière de steamer. Depuis 1833, Louis Benet s’est toutefois lancé dans la métallurgie en ouvrant à Marseille une « fonderie de fer et autres métaux » sous la raison sociale Louis Benet & Cie, avec le concours des frères Falque, « entrepreneurs en bâtisses », et les maîtres forgerons Martiny père et fils26. Mais de là à construire des navires à vapeur…
Le projet Phocéen
14C’est justement pour crédibiliser le projet en cours et réussir à attirer les commandes potentielles de l’État, que la famille Benet décide de se lancer tout de même dans la construction d’un vapeur, coque et machine : en janvier 1835, Louis Benet parle ainsi « avantageusement » avec Joseph Laurent Vence, responsable du chantier naval de La Ciotat, « d’un prétendu établissement que l’on créerait pour la construction des machines à vapeur et des navires ici »27 ; en février 1835, Joseph Édouard Vence, fils de Joseph Laurent, indique encore dans son journal qu’« on parle sérieusement d’un établissement pour la construction de machines et de bateaux à vapeur qui aurait lieu ici à La Ciotat »28 ; début mars, Louis Benet achète les premiers terrains devant accueillir le futur site industriel29. Le gouvernement n’entend pourtant pas dévier de son projet initial. En mars 1835, au moment de demander aux députés l’ouverture d’un crédit de 5 940 000 francs pour la construction des premiers navires, Jean Humann, ministre des Finances du ministère de Broglie, rappelle :
Lier la France à l’Orient, ouvrir des communications directes, rapides et périodiques avec Constantinople d’une part, Alexandrie de l’autre ; tel est, Messieurs, le but que nous nous proposons. Pour l’atteindre, le service qu’il s’agit d’établir s’effectuerait sur deux lignes : l’une partant de Marseille, toucherait successivement à Livourne, Civita-Vecchia, Naples, Messine, Malte, Syra, Smyrne et Constantinople ; l’autre lierait les villes d’Alexandrie, de Syra et d’Athènes. Le port de Syra serait choisi, en raison de sa position et de son importance […] comme point d’intersection des deux lignes30.
15Le Levant reste la priorité politique du moment au sein du gouvernement. Non seulement la route directe – celle de l’Italie – est maintenue, mais l’État n’envisage pas de céder l’exploitation de ce service à une entreprise privée, ni même la construction des navires réservée à la Marine royale31. Le lobbying des Marseillais auprès des pouvoirs publics a échoué.
16Dès lors, que faire ? Renoncer ? Malgré les décisions prises par l’État, Louis Benet choisit de poursuivre son projet. Il est vrai que les perspectives du marché restent favorables. Par ailleurs, si l’État ne lui a pas concédé la construction des dix paquebots de la future ligne postale du Levant au départ de Marseille, les machines de ces navires auront besoin d’être régulièrement entretenues ou réparées et il y a là un marché potentiel à prendre. En mai 1835, Louis Benet décide donc d’engager au chantier de La Ciotat la construction d’un bateau à vapeur pour son propre compte32. N’ayant aucune expérience en la matière, les plans du navire et le système de propulsion sont directement importés d’Angleterre :
10 août 1835 : nous attendons des plans d’Angleterre pour commencer le bateau à vapeur ; […] 29 août 1835 : les ouvriers inoccupés se languissent d’apprendre que les plans attendus d’Angleterre soient arrivés ; […] 20 septembre 1835 : le constructeur anglais porteur du plan du bateau à vapeur que nous attendions arrive. Je fais pour la salle à tracer des règles graduées en pieds anglais, pour servir au plan et autres que nous aurons à suivre ; […] 20 octobre 1835 : nous commençons à mettre les membres sur la quille du bateau à vapeur ; […] 14 novembre 1835 : M. Curet de La Seyne est chargé pour le compte de M. Benet de faire les aménagements du bateau à vapeur en construction. Le constructeur Evans va souvent à Toulon ou à Marseille. Pendant son absence, je garde son neveu à la maison ; […] 7 février 1836 : monsieur Benet vient nous visiter avec le capitaine Auzet destiné à prendre le commandement du bateau à vapeur en construction le Phocéen ; […] 3 mars 1836 : un brick anglais porteur des machines pour le Phocéen arrive dans la matinée. Nous y allons à bord, MM. Raynaud et Evans ; 8 mars 1836 : arrivée du mécanicien pour le montage et la conduite de la machine du Phocéen. On se prépare pour le débarquement ; 20 mars 1836 : je dîne chez Evans en compagnie d’Auguste Benet qui parle anglais, le mécanicien, le capitaine et le second du brick33.
17La construction de la coque en bois doublé de cuivre et la pose du système de propulsion – une machine marine à balancier de 140 chevaux achetée 110 000 francs au constructeur Miller & Ravenhil34 – sont réalisées par les Vence père et fils, sous la direction attentive d’un des frères Evans qui avait déjà supervisé en 1830-1831 la réalisation du Henry IVet du Sully au chantier d’Edward Church, à La Seyne-sur-Mer.
18La mise à l’eau du Phocéen approchant, Louis Benet officialise son projet de chantier naval en créant le 23 mars 1836 une société en commandite simple de 300 000 francs – toujours sous la raison sociale Louis Benet & Cie – avec l’aide de Jean Luce35, du banquier Jacques Fraissinet, d’Antoine Benet et de Toussaint Benet fils. Chaque associé investit 60 000 francs dans l’affaire. La nouvelle entreprise, dont le siège social est fixé à La Ciotat, est spécialement formée pour « la fabrication des machines à vapeur et de toutes autres mécaniques, l’établissement d’un ou plusieurs ateliers de fonderie et la construction de bateaux à vapeur et navires de guerre36 ». L’aspect technique restant le point faible de l’entreprise projetée – aucun des associés n’a la compétence technique requise –, la société est réorganisée le 16 novembre 1836. Les frères Schneider entrent dans le capital de l’affaire et le fonds social est porté à 450 000 francs37. Le siège demeure à La Ciotat, mais l’objet de l’entreprise est légèrement modifié :
La société est formée pour l’établissement d’un ou plusieurs ateliers – un à Marseille (quartier des Catalans) et l’autre à La Ciotat – pour la réparation des bateaux à vapeur de la Méditerranée, la construction des machines ou mécaniques que pourront faire lesdits ateliers et les constructions navales38.
19Après l’initiative d’Edward Church en 1818, le littoral provençal se dote ainsi de deux nouveaux sites de construction de navires à vapeur39.
Un défi au service d’un pari industriel
20À l’approche de la fin des travaux, Louis Benet et ses associés décident de donner une grande publicité à la construction du Phocéen pour mieux faire connaître leur société et essayer d’attirer les premières commandes. Ils se fixent aussi un objectif ambitieux, également destiné à marquer les esprits : faire le tour de la Méditerranée en navire à vapeur, ce qui n’a encore jamais été réalisé. Les 18 et 19 mars 1836, plusieurs quotidiens marseillais publient un prospectus annonçant le projet :
Ce beau bateau à vapeur […] a été construit dans le but spécial de faciliter aux classes aisées les voyages dans les villes principales de l’Afrique, de l’Asie-Mineure et de l’Archipel ; aussi son inspection prouvera-t-elle qu’après avoir épuisé à son bord tout ce que réclamait la commodité des voyageurs, on y a introduit jusqu’à des objets de pur luxe, parce qu’on a compris que dans un voyage qui devait durer plusieurs mois, le superflu était en quelque sorte chose nécessaire […]. Les chambres meublées avec goût sont isolées et fermées. Dans une grande salle commune, on a placé un piano avec une collection de musique et une bibliothèque avec un choix de livres. Il existe huit chambres exclusivement consacrées aux dames. Enfin, tout-à-fait à l’arrière du navire, se trouve un appartement complet à huit lits entièrement distincts des autres et meublés avec la plus grande élégance. Il est destiné à recevoir une ou plusieurs familles ; ou à défaut, une réunion particulière de personnes qui s’entendent pour l’occuper40.
21Tout en affirmant que ce projet n’a aucun caractère commercial et qu’il a été uniquement conçu dans « un but de plaisir », Le Sémaphore de Marseille suggère toutefois qu’à l’avenir les croisières du Phocéen pourraient servir à parfaire l’éducation des futurs négociants de la place par la découverte « des hommes, des choses et des institutions » d’un Orient amené à être de plus en plus présent dans les affaires marseillaises41. L’initiative est même saluée par la Revue des deux mondes, avec des accents très saint-simoniens sur les progrès d’une navigation à vapeur symbole des « liens nouveaux de la Sainte-Alliance des peuples42 ». Concrètement, Louis Benet et ses associés prévoient une navigation de 94 jours – compte tenu des quarantaines et des jours réservés à la visite des sites antiques – avec un trajet passant par Alger, Tunis, Malte, Navarin, Smyrne, Constantinople, Athènes, puis retour par Malte, Palerme, Naples, Rome, Livourne, Gênes et Marseille. Le tour de la Méditerranée débutera donc par Alger, nouvelle conquête de la France. On retrouve là une des préoccupations de Jean Luce, actionnaire de l’entreprise. Le prix de la croisière est fixé à 3 000 francs, nourriture comprise, l’équivalent de plus de 6 ans de salaire d’un journalier ou de trois ans de salaire d’un ouvrier employé dans une savonnerie marseillaise43. Les repas servis à bord seront composés d’un déjeuner « à la fourchette », d’un dîner et d’un thé le soir. Chaque voyageur pourra amener ses domestiques, un logement spécial leur étant réservé à l’avant du navire. Le prix de leur voyage ne sera que de 1 000 francs. Un médecin est également prévu pendant toute la durée du séjour « avec les médicaments convenables44 ».
22En attendant le départ de la croisière, il faut procéder à la mise à l’eau du navire et aux derniers ajustements. Celle-ci a lieu le dimanche 10 avril. Elle est conçue comme un véritable événement médiatique. Le Pharamond, troisième vapeur de Charles et Auguste Bazin, spécialement affrété pour transporter les principales personnalités de Marseille qui souhaitent y assister, emmène à La Ciotat près de 250 passagers45. De nombreux articles sont aussi publiés dans Le Sémaphore de Marseille, La Gazette du Midi, Le Garde national ou Le Moniteur universel et donnent lieu à d’incroyables débordements d’enthousiasme, la palme revenant, une fois encore, à Louis Méry :
Quand le Phocéen, dégagé de ses épontilles, est apparu, libre et prêt à quitter la terre, un silence religieux a dominé la foule haletante. Alors un vieillard, en cheveux blancs, simplement vêtu, sur lequel tous les yeux étaient tournés, a donné d’une voix émue le dernier signal. Dans ce moment solennel deux grosses larmes coulaient le long de ses joues vénérables ; à sa voix, le dernier coup de maillet retentit ; un long cri de joie électrique s’échappe au sein de la multitude ; le navire s’ébranle, glisse sur son berceau et creuse avec majesté son premier sillon dans la mer écumante. Ce vieillard, objet des plus grands empressements, a plus de trente vaisseaux sur la mer ; La Ciotat lui devra une vie nouvelle ; il élève des établissements de haute industrie ; Marseille recevra peut-être de lui le plus beau de ses monuments. Ses deux fils, confidents de ses pensées, porteront dignement son nom et perpétueront longtemps sa noble activité. C’est le chef de l’honorable famille Benet46.
23Après différents réglages, le Phocéen se rend à Marseille le 27 mai pour préparer son tour de la Méditerranée et reçoit la visite d’environ 40 000 personnes en attendant le départ annoncé au 31 mai47. L’équipage rassemblé, auquel on a versé deux mois d’avance, comprend le capitaine Auzet, le second capitaine Charles Raynaud, de La Ciotat ; un lieutenant, un ingénieur mécanicien anglais (Charles Halton), un maître d’équipage, six matelots, un mousse, un novice, un serrurier, un menuisier, six chauffeurs, un premier et un second maître d’hôtel, un premier et un second maître cuisinier, six domestiques, un coiffeur. Mais contrairement à ce qui était indiqué dans les prospectus publiés dans la presse mi-mars, pas de médecin. L’itinéraire aussi a changé : Louis Benet et ses associés avaient annoncé une première escale à Alger et c’est par l’Italie que commence la croisière : le port de Civita-Vecchia est atteint le 14 juin ; Livourne le 15 ; Malte le 23 ; arrivée à Constantinople le 7 juillet où il reste jusqu’au 23 ; Malte à nouveau le 25 juillet ; Alger le 2 septembre ; Mahon le 10 septembre ; Barcelone le 17 et Marseille le 18 septembre48. Le défi du tour de la Méditerranée en navire vapeur, à l’envers, plus long et plus complet que celui initialement prévu, est relevé.
24Quel bilan pouvons-nous dresser de cette initiative ? À court terme, l’opération se solde par un cuisant échec financier. Cette première croisière méditerranéenne du Phocéen est aussi la dernière. La mise en service de la ligne postale du Levant, effective à partir du 1er mai 1837, rend l’initiative caduque. Plus puissants que le Phocéen – 160 chevaux au lieu de 140 –, plus rapides – le trajet Marseille Constantinople s’effectue en un peu moins de 14 jours contre cinq semaines –, aménagés tout aussi luxueusement, desservis par un équipage d’une quarantaine d’hommes, moins chers – le prix de la traversée entre Marseille et Constantinople, non compris la nourriture, est de 540 francs en chambre et de 325 francs dans l’entrepont –, les navires à vapeur de la ligne postale sont plus concurrentiels49. Par ailleurs, le concept de croisière d’agrément, lente, à une époque où les voyageurs qui font le choix de la navigation à vapeur en direction de ces rivages méditerranéens visent avant tout à raccourcir le temps des trajets, n’était peut-être pas en adéquation avec les attentes du marché. Quoi qu’il en soit, le 22 septembre 1836, Louis Benet revend le Phocéen pour 479 000 francs à l’armement Théophile Périer & Cie qui l’affecte au cabotage entre Marseille Port-Vendres et Barcelone50. Le Phocéen change à nouveau de propriétaire en 1838 pour devenir navire ottoman sous le nom de Peiky-Chewquet, contribuant ainsi à nourrir les transferts technologiques vers le bassin oriental de la Méditerranée51. Du point de vue industriel, le bilan est plus positif. La construction du Phocéen et la réussite du tour de la Méditerranée permettent à Louis Benet de prouver les capacités de son entreprise et de recevoir des commandes de plusieurs armements récents. Entre 1836 et 1839, date à laquelle le capital de la société est remanié – retrait des Schneider et arrivée du baron James de Rothschild, principal représentant du réseau des Grands’Combiens52 – pour élargir progressivement ses activités à la construction de locomotives, les sept vapeurs construits par Louis Benet & Cie à La Ciotat et Marseille (aux Catalans) sont destinés à des compagnies locales : Théophile Périer & Cie, Simon Thérond & Cie53, la Compagnie de navigation à vapeur sur le Rhône54, Fraissinet & Cie55. Même si le système propulseur des navires est toujours importé de Grande-Bretagne56, la société n’en a pas moins réussi à pérenniser son activité et à accompagner la conversion des armements marseillais à l’énergie vapeur. Elle contribue aussi à renforcer l’importance technologique du littoral provençal au sein d’une Méditerranée entrant à pas feutrés, mais résolus, dans le monde des transports modernes57.
Notes de bas de page
1 Le Garde national, 18 mars 1836 ; Le Sémaphore de Marseille, 19 mars 1836. Voir aussi : Dr Alezais, « La croisière du Phocéen en 1836 », Bulletin officiel du Musée du Vieux Marseille, août-oct. 1936, p. 134-142 ; Gilles Millot, « Quand Marseille respirait au rythme des vapeurs », Chasse-Marée, n° 97, avril 1996, p. 12-25.
2 Le Sémaphore de Marseille, 28 avril 1836. Voir aussi Le Garde national du lendemain.
3 Michel Chevalier, « Système de la Méditerranée », Le Globe, 20 et 31 janvier 1832, 5 et 12 février 1832 ; Émile Temime, Un rêve méditerranéen. Des saint-simoniens aux intellectuels des années trente, Arles, Actes Sud, 2002, p. 33-51 ; Nathalie Coilly, Philippe Réguier, dir., Le siècle des saint-simoniens. Du nouveau christianisme au canal de Suez, Paris, BnF, 2006.
4 Xavier Daumalin, Olivier Raveux, « Marseille (1831-1865) : une Révolution industrielle entre Europe du Nord et Méditerranée », Annales Histoire, Sciences sociales, janvier-février 2001, n° 1, p. 153-176.
5 Société en commandite par actions napolitaine de 200 000 ducats. Ancien officier de marine natif de Montpellier, Pierre Andriel a d’abord été engagé en 1815 par le lieutenant-général Pajol pour aller acheter en Angleterre des navires à vapeur destinés à la navigation sur la Seine. La société Pajol & Cie ayant ensuite rapidement fait faillite, Pierre Andriel s’est rendu à Naples où il a obtenu du roi Ferdinand 1er, le 14 janvier 1817, la concession d’un monopole de 15 ans pour la navigation à vapeur dans le Royaume des Deux-Siciles (Pierre Andriel, Coup d’œil historique sur l’utilité des bâtiments à vapeur dans le Royaume des Deux-Siciles, Naples, 1817 ; Achille Salzano, La Marina Borbonica. Storia, critica, politica marinara, Napoli, 1924, p. 27-54 ; Tomaso Gropallo, Navi a vapore ed armamenti italiani dal 1818 ai giorni nostri, Cuneo, Instituto graphico bertello, 1958).
6 Journal de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 25 novembre 1818.
7 Ces compagnies de navigation à vapeur sont souvent subventionnées par des État soucieux d’attirer les dernières nouveautés technologiques, que ce soit par une réelle volonté de développement économique ou dans le cadre d’une politique de prestige, les deux aspects n’étant d’ailleurs pas nécessairement antinomiques. C’est le cas, par exemple, de la Compania privilegiata per la navigazione a vapore Pierre Andriel & Cie largement subventionnée et protégée par le roi Ferdinand 1er.
8 AD BdR, 548 U 2. Les cousins Charles et Auguste Bazin sont les fils respectifs du banquier Charles-Samuel Bazin et de l’importateur en cuirs Jean-Auguste Bazin. En 1927, Charles-Samuel Bazin a créé la Compagnie pour l’exploitation des houillères sur les côtes de Provence, une société de 600 000 francs créée en association avec William Haldimand, banquier à Londres, Étienne Cagniard, banquier à Toulon, et Jean-Gabriel Eynard, de Genève.
9 Le Sémaphore de Marseille, 25 février 1830. Très occupé par des affaires qui le conduisent à faire de nombreux déplacements en Europe, Edward Church délègue la gestion quotidienne du chantier de La Seyne-sur-Mer aux ingénieurs britanniques Henry et Charles Evans. Ce sont eux qui supervisent la construction du Henry IV et du Sully, deux navires à coque en bois doublée de cuivre. Les machines à vapeur ont été commandées à la société londonienne Barnes & Miller (Olivier Raveux, Marseille, ville des métaux et de la vapeur au xixe siècle, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 58 ; id., « Les ingénieurs anglais de la Provence maritime sous la monarchie de Juillet », Provence historique, t. 44, 1994, p. 301-320).
10 Pierre Labarre, Les premiers vapeurs inscrits au port de Marseille, 1831-1848, Marseille, 1938, p. 23.
11 Archives du ministère des Affaires étrangères, correspondance politique, Naples, 155, 1831.
12 Lettre à Bazin, 16 novembre 1831, Stendhal, Correspondance, Paris, Gallimard, 1967, t. II, p. 365-366. Voir aussi, Roland Caty, Éliane Richard, « S’embarquer à Marseille au xixe siècle », Marseille, n° 158, février 1991, p. 46-53.
13 Lettre au comte de Rigny, 17 décembre 1834, Stendhal, Correspondance, Paris, Gallimard, 1967, t. II, p. 754.
14 Lettre au duc de Broglie, 20 février 1836, id., t. III, p. 173.
15 Lettre au comte de Rigny, 3 septembre 1834, id., t. II, p. 686.
16 La paternité du projet revient en réalité à Jean Gautier d’Arc, consul de France à Nauplie (1829- 1831), qui a remis un mémoire sur ce sujet dès juillet 1830 (M. Barak, « Intérêts régionaux, haute banque parisienne et pouvoir d’État », Revue historique, avril-juin 1974, n° 501, p. 333).
17 9 paquebots étaient affectés au service de cette ligne et des dépôts de charbon installés à Gibraltar, Malte et Corfou assuraient leur ravitaillement tout au long du parcours (Denis Miège, « De la navigation à vapeur dans la Méditerranée », Annales maritimes et coloniales, 1833, t. I, p. 263-293).
18 Archives Chambre de commerce de Marseille, MR 3.2.3, note du 19 août 1834.
19 Ibid.
20 Négociant et armateur, Jean Luce a fait fortune dans le commerce des blés de Russie avant de devenir un des plus grands propriétaires terriens d’Algérie (Pierre Guiral, Marseille et l’Algérie, Gap, Ophrys, 1956, p. 116-117 ; Roland Caty, Éliane Richard, Pierre Échinard, Les patrons du Second Empire. Marseille, Le Mans, Picard Éditeur/Éditions Cenomane, 1999, p. 195-197).
21 Le Sémaphore de Marseille, 19 mars 1835 ; « Fabrique de machines à vapeur de La Ciotat », Le Mémorial encyclopédique, n° 52, avril 1835, p. 210.
22 La Gazette du Midi, 3 mars 1835 ; Pierre Guiral, Marseille et l’Algérie…, op. cit., p. 124.
23 « À la rencontre de l’Orient musulman », Nathalie Coilly, Philippe Réguier, dir., Le siècle des saint-simoniens. Du nouveau christianisme au canal de Suez, Paris, BNF, 2006, p. 100-101.
24 Il préfère finalement reprendre les Forges et Fonderies de Charenton, près de Paris, en 1837 (La France industrielle, manufacturière, agricole et commerciale, n° 38, 21 décembre 1837).
25 Jean Reynaud, Marseille, port baleinier, Marseille, 1931 ; Louis Lacroix, Les Derniers baleiniers français, 1938, p. 200 ; Archives de la Chambre de commerce de Marseille, MR 4.5.4.1.3, Lettre du capitaine Hiriart, 13 avril 1837.
26 AD BdR, 548 U 3 ; id., 14 M 12/71. Comme beaucoup de jeunes gens de son milieu, Louis Benet est entré relativement tôt dans la vie active puisqu’en 1827, à 22 ans, il dirigeait déjà les 150 ouvriers de la filature familiale implantée à La Ciotat. S’il ne semble pas avoir fait d’études particulières, son père a quand même pris soin de l’envoyer quelques mois en Angleterre pour qu’il se familiarise avec les nouveautés de l’époque. Il en serait revenu fortement impressionné par les chantiers navals de Buckley, dans la baie de Liverpool, où étaient assemblés les premiers vapeurs.
27 Journal de Joseph Édouard Vence, 24 janvier 1835. Conservé au Musée de La Ciotat, ce journal a été entièrement publié par Yves Laget et l’association Joseph Édouard Vence : Notre histoire de la construction navale à La Ciotat. Des origines à 1855, La Ciotat, Nota Bene, 2012.
28 Journal de Joseph Édouard Vence, 2 février 1835.
29 Journal de Joseph Édouard Vence, 4 mars 1835.
30 Le Moniteur universel, 24 mars 1835. L’île de Syros a été placée sous protection française après l’indépendance de la Grèce, notamment car sa population compte de nombreux catholiques.
31 Certains systèmes de propulsion sont néanmoins commandés en Grande-Bretagne.
32 Journal de Joseph Édouard Vence, 31 mai 1835.
33 Journal de Joseph Édouard Vence, août 1835-mars 1836.
34 Olivier Raveux, Marseille, ville des métaux et de la vapeur au XIXe siècle, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 152.
35 Jean Luce, déjà cité, appartient au cercle familial. En 1824, il a épousé la cousine de Louis Benet, Anne-Marie Benet, fille de Jean-François Xavier Benet (François Lantelme, Trois familles provençales. Les Vincent, les Giraud, les Benet, Marseille, 1988, p. 331-340).
36 AD BdR, 548 U 3.
37 Ces derniers voient dans cette création la possibilité de nouveaux débouchés pour les tôles et les pièces de forge qu’ils fabriquent dans leurs usines du Creusot (Olivier Raveux, Marseille, ville des métaux et de la vapeur au xixe siècle, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 134).
38 AD BdR, 548 U 3 ; id., 373 E 435.
39 N’oublions pas non plus l’initiative de Philip Taylor, même si, à cette date, celui-ci ne construit pas encore de navires à vapeur. Originaire de Norwich, il est arrivé à Marseille en 1834 pour installer des machines à vapeur dans une minoterie, avant d’ouvrir en 1835 un atelier de construction de machines à vapeur fixes et marines dans le quartier de Menpenti. En 1845, Philip Taylor crée à son tour un chantier de construction de navires à vapeur à La Seyne-sur-Mer (Olivier Raveux, « Un technicien britannique en Europe méridionale : Philip Taylor (1786-1870) », Histoire, Économie et Société, 2000/2, p. 253-266).
40 Le Sémaphore de Marseille, 19 mars 1836.
41 Le Sémaphore de Marseille, 23-25 mars 1836.
42 Revue des mondes, 1836, t. 6, p. 372-373.
43 Compte rendu des travaux de la société de statistique de Marseille, 1840, vol. 4, p. 52-53.
44 Le Sémaphore de Marseille, 19 mars 1836.
45 Journal de Joseph Édouard Vence, 10 avril 1836.
46 Le Garde national, 14 avril 1836.
47 Le Sémaphore de Marseille, 29-30 mai 1836.
48 Dr Alezais, « La croisière du Phocéen en 1836 », Bulletin officiel du Musée du Vieux Marseille, août-oct. 1936, p. 134-142.
49 Le Garde national, 2 août 1836.
50 Société en commandite par actions de 900 000 francs. La compagnie exploitera six vapeurs – le Phocéen (1836), le Phénicien (1838), le Saphir (1840), le Rubis (1841), le Phocéen II (1841) et le Golo (1845) –, avant d’être reprise en 1846 par Charles et Auguste Bazin (AD BdR, 548 U 3 ; Paul Bois, Armements marseillais. Compagnies de navigation et navires à vapeur (1831-1988), Marseille, CCIM, 1988, p. 14 ; Notre histoire de la construction navale à La Ciotat. Des origines à 1855, La Ciotat, Nota Bene, 2012, p. 168).
51 Le Sémaphore de Marseille, 5 septembre 1838.
52 Xavier Daumalin, « L’atelier de construction ferroviaire Louis Benet & Cie à La Ciotat (1839- 1848) », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 28-29, 2003, p. 27-43.
53 Société en commandite par actions de 450 000 francs. En 1837, elle absorbe l’armement Chancel avant d’être à son tour reprise, en 1843, par Marc Constantin Fraissinet (Paul Bois, Armements marseillais. Compagnies de navigation et navires à vapeur (1831-1988), Marseille, CCIM, 1988, p. 16).
54 Fondée en 1830 par Edward Church avec un capital de 1,6 million de francs.
55 Marc-Constantin Fraissinet se tourne vers l’armement à vapeur en 1836 en prenant la direction de Thérond & Cie spécialisée dans le cabotage avec le Languedoc. L’affaire est modeste – elle ne compte que deux vapeurs : le Rhône et l’Hérault –, mais dégage des bénéfices qui sont investis dès l’année suivante dans le rachat d’un armement se livrant au même type d’activité, la compagnie Chancel frères & Cie. L’ensemble est ensuite repris par Marc-Constantin Fraissinet.
56 Son intégration au réseau des Grand’Combiens lui permet justement de franchir ce seuil technologique en recrutant John Barnes, filleul de James Watt, spécialiste reconnu dans la mécanique marine. Les chantiers de La Ciotat construisent leur premier navire complet – coque et machine – en 1841, et lancent en 1845 la fabrication du Bonaparte, premier paquebot méditerranéen muni d’une coque en fer et d’une hélice. En 1846, toujours grâce à John Barnes, Louis Benet prend son premier brevet dans la mécanique marine avec un type d’appareil spécialement adapté à la propulsion par hélice. Son entreprise est désormais à la pointe de la technologie navale (Xavier Daumalin, Olivier Raveux, « Aux origines de l’industrie moderne marseillaise : l’œuvre de Louis Benet et de Philip Taylor (1830-1850), Rives méditerranéennes, 2013, n° 45, p. 19-35).
57 Une étude parallèle de l’implantation des chemins de fer dans ce même espace permettrait probablement d’affiner et de confirmer cette chronologie, la géographie des diffusions et la similitude des voies technologiques empruntées.
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