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La mort du prince

 | 
Jérémie Foa
, 
Élisabeth Malamut
, 
Charles Zaremba

Rituels

La mort du tyran et de l’usurpateur aux IVe et Ve siècles

Traditions, nouvelles pratiques et nouveaux discours

The death of tyrants and usurpers in the fourth and fifth centuries

Bruno Pottier

Résumé

Sous le principat, les usurpateurs étaient le plus souvent décapités pour maiestas. Toutefois, la violence de la plèbe romaine à l’encontre des tyrans ou de leurs cadavres était aussi tolérée en tant qu’expression de violence légitime. Ces rituels de violence ont été maintenus au ive siècle dans les capitales impériales, comme l’attestent les cas de Maxence à Rome en 312 et de Rufin à Constantinople en 395. L’historiographie chrétienne a aussi introduit un nouveau thème : le châtiment divin pour les tyrans ayant persécuté l’Église, par exemple Valens. Cependant, à la fin du ive siècle, un nouveau discours est apparu, notamment dans l’Historia Augusta, distinguant d’une part les usurpateurs involontaires ou utiles pouvant être pardonnés, et d’autre part les tyrans comparables aux voleurs professionnels (latrones) méritant les tristement célèbres summa supplicia. Le traitement fait par le panégyriste Pacatus de la mort de Maxime en 388 juxtapose tous ces discours différents et contradictoires, illustrant la perplexité croissante du pouvoir impérial dans sa relation avec l’opinion publique. Cela explique l’émergence de solutions alternatives vis-à-vis des usurpateurs au ve siècle, comme par exemple l’exil et la mutilation d’Attale en 416, ou l’ordination dans l’Église qui est devenue emblématique de la période byzantine.

Texte intégral

  • 1 Histoire Auguste, Pesc. Niger, I, 2.
  • 2 Sozomène, H. E., IX, 16, probablement inspiré d’Olympiodore.

1La mort du tyran, sujet pittoresque évoquant les incertitudes de la fortune, constituait un passage obligé des œuvres historiques de l’époque impériale. Comme le remarque l’auteur de l’Histoire Auguste, les historiens se sont peu intéressés aux usurpateurs, à l’exception des circonstances de leur prise de pouvoir, de leur défaite militaire et du châtiment (poena) qu’ils avaient reçu1. Même un auteur chrétien du ve siècle comme Sozomène regrette, en s’excusant de ne pas avoir la place suffisante, de ne pouvoir présenter en détail la mort de certains usurpateurs occidentaux des années 406-4132. Ce type de récit ne trouvait cependant pas forcément sa place dans le genre historique nouveau auquel appartenait son œuvre, l’histoire ecclésiastique. La mort de l’usurpateur ou du tyran pouvait faire l’objet de présages, répertoriés avec soin. Elle était surtout prétexte à un développement d’ordre moral, mettant en scène leur juste châtiment qui résumait et donnait un sens à leur parodie de règne.

  • 3 La mort de Séjan en 31 en constitue la première occurrence : Juvénal, Sat., X, 66-69 ; 85-88. Cf. J (...)
  • 4 Histoire Auguste, Elag., XVI-XVII.
  • 5 Voir par exemple le cas de Vitellius en 70. Cf. J. Scheid, « La mort du tyran. Chronique de quelque (...)
  • 6 Histoire Auguste, Maxim., XXVI, 3.
  • 7 Aurelius Victor, Caes., 33, 31.

2Le tyran et l’usurpateur se rendaient coupables de maiestas contre l’État, un crime puni par la décapitation pour les honestiores. Cependant, un rituel d’exécration populaire du tyran s’est mis en place dès le début du principat qui constituait une sorte de complément à la peine officielle. Il reprenait certains éléments des procédures d’exécution des hostes publici sous la République3. Ce rituel subsiste au iiie siècle. Ainsi le corps d’Elagabal a été mis en pièce par la foule et traîné jusqu’au Tibre, le tyran n’étant pas supposé recevoir de sépulture4. La plèbe de Rome et les soldats pouvaient éventuellement être acteurs de la mort du tyran, véritable monstrum sur lequel une légitime vengeance devait s’exercer5. L’acharnement sur son corps permettait de supprimer toute trace de sa présence sur terre. Elle était donc fortement liée à sa damnatio memoriae. Un auteur de la fin du ive siècle a inventé un faux senatus consultum condamnant Maximin le Thrace en 238 à la privation de sépulture et à la damnatio memoriae6. Cette invention était crédible. Le Sénat s’inspirait encore au milieu du iiie siècle du modèle républicain de punition des ennemis de l’État. Il aurait ainsi condamné les proches et satellites de Gallien en 268 à être précipité aux Gémonies7.

  • 8 Considérations générales dans J. Szidat, Usurpator tanti nominis : Kaiser und Usurpator in der Spät (...)
  • 9 V. Neri, « L’usurpatore come tiranno nel lessico politico della tarda antichità » dans F. Paschoud, (...)
  • 10 Pauli Sententiae, V, 29, 1 ; CTh., IX, 14, 3 (397). Une loi de 413 évoque la décapitation de l’usur (...)
  • 11 D. Grodzynski, « Tortures mortelles et catégories sociales. Les summa supplicia dans le droit romai (...)

3La recrudescence des usurpations entre le iiie et le ve siècle pose la question du traitement des vaincus après leur défaite8. Ces personnages encombrant représentaient un véritable danger politique. Or, à partir de l’époque de Constantin, les usurpateurs ont été systématiquement assimilés par la propagande impériale à des tyrans, à tel point que ces deux termes sont devenus synonymes9. La décapitation constituait toujours au ive siècle la peine relative au crime de maiestas. Elle est rappelée par une loi de 39710. Cependant, le droit du ive siècle a généralisé l’emploi des summa supplicia comme châtiment pour de nombreux crimes11. L’État pouvait être tenté de les appliquer aussi sur les usurpateurs.

La permanence d’un rituel impérial

  • 12 Pan. Lat., IX, 18, 3. Information confirmée par Zosime (H. N., II, 17, 1).
  • 13 Ibid., IX, 19, 1 : Sed qui ego hucusque iocularia ?
  • 14 Lactance (De la mort des persécuteurs, XLIV, 7-8) évoque une émeute à Rome contre Maxence en 312 le (...)

4Après la bataille du pont Milvius le 28 octobre 312, la mise en scène du châtiment de Maxence constitue la dernière occurrence à Rome du rituel d’exécration populaire du tyran défini au Haut Empire. Un panégyriste anonyme de Constantin en 313 rapporte que le cadavre de Maxence découvert le lendemain a été immédiatement mutilé. Constantin a ainsi appliqué post mortem à cet empereur le châtiment pour crime de maiestas, la décapitation. Sa tête a été promenée dans la ville fichée sur une pique. Le peuple aurait alors exprimé sa haine du tyran en la couvrant d’outrages et de quolibets12. Le panégyriste de 313 affecte de ne pas donner trop d’importance à cet épisode, qu’il désigne comme étant une bouffonnerie13. La vengeance du peuple envers le tyran, prenant des formes carnavalesques, était admise en tant qu’expression de la volonté populaire mais ne pouvait être totalement assumée par le pouvoir impérial lui-même. Elle était supposée sanctionner l’échec politique de Maxence, dernier empereur à avoir pris Rome pour capitale et pourtant condamné par la plèbe de cette ville elle-même14. Cette présentation concordait avec le caractère « républicain » de la prise de Rome par Constantin souligné par la propagande impériale.

  • 15 Pan. Lat., X, 31, 4.
  • 16 Ibid., IX, 18, 3.
  • 17 Ibid., XII, 41, 2.
  • 18 Pan. Lat., X, 32, 6-7. Cf. J. L. Voisin, « Les romains coupeurs de têtes » dans Du châtiment dans l (...)

5Un autre panégyriste de Constantin plus tardif, Nazarius, a affirmé en 321 que la tête de Maxence avait même été incluse dans le cortège triomphal de Constantin lorsque cet empereur est entré dans Rome le lendemain de la bataille15. Constantin n’a pas hésité à intégrer le corps supplicié du tyran au sein d’un rituel impérial, l’adventus triomphal, sans doute comme une concession à la plèbe de Rome. Il s’agit en fait d’une parodie du triomphe que Maxence aurait organisé à Rome s’il avait été victorieux. Comme le remarque le panégyriste anonyme de 313, les moqueries du peuple envers le tyran déchu correspondaient d’une certaine façon aux quolibets traditionnels prononcés lors du triomphe envers le général vainqueur16. Selon Nazarius, la tête de Maxence aurait gardé une expression de brutalité, prouvant que Maxence était bien un tyran, comme le présentait la propagande de Constantin. Maxence était ainsi d’une certaine façon supposé encore vivant lors de son « triomphe » parodique dans les rues de Rome. De même, un panégyriste de Théodose suppose que celui-ci n’avait comme désir après la défaite de l’usurpateur Maxime que de recevoir la tête de celui-ci encore palpitante, dont les yeux seraient restés ouverts17. L’usurpateur était ainsi supposé survivre un moment pour pouvoir observer sa propre humiliation. La pratique de promener la tête du tyran sur une pique était fréquente au iie et au iiie siècle. Elle n’empêchait pas un éventuel ensevelissement du corps. La tête de Maxence, envoyée par la suite à Carthage, aurait occasionnée des manifestations de joie populaire comparables à celles de Rome. Maxence avait en effet mené une dure répression en 310 contre un usurpateur africain, Domitius Alexander18.

  • 19 Claudien, In Rufinum, II, 382-383 ; 450. Rufin aurait été assimilé par les soldats présents aux tyr (...)
  • 20 Ibid., II, 434-439. Le peuple a relayé les militaires (II, 427).
  • 21 Jérôme, Ep., 60, 16 (396) ; Marcellin, Chron., s. a. 395 ; Zosime, H. N., V, 7, 6.
  • 22 Claudien, In Rufinum, II, 435.
  • 23 Pan. Lat., XII, 38, 5.

6La description par le poète Claudien de la mort du préfet du prétoire d’Orient Rufin en novembre 395 constitue la valorisation la plus affirmée que l’on peut trouver dans l’Antiquité tardive d’un rituel de justice populaire contre un tyran. Celui-ci est cependant transposé de Rome à Constantinople, nouvelle capitale impériale. Claudien a tenté de présenter Rufin comme un véritable usurpateur, qui aurait imposé à Arcadius de proclamer qu’il partageait avec lui la fonction impériale précisément le jour où il a été mis à mort publiquement19. Rufin a été exécuté par un détachement militaire qu’il inspectait à l’Hebdomon, à quatre kilomètres hors les murs de la capitale orientale, puis littéralement mis en pièces par la foule rassemblée à l’occasion. Les participants se seraient acharnés sur chacun de ses organes. Sa tête, plantée sur une pique, et sa main aurait été promenées dans toute la ville de Constantinople20. L’exécution par les soldats, représentant l’État, pour crime de maiestas semble avoir été distincte de la vengeance populaire sur le corps du tyran, prenant la forme d’une émeute tolérée, conformément au rituel impérial. Cette mort a beaucoup frappé les contemporains, qui citent fréquemment le détail de la main coupée21. Celle-ci, symbole de son avidité légendaire, a été menée de maison en maison, comme si Rufin mendiait encore de l’argent. Or, Claudien évoque la dimension ritualisée de cette procession dans les rues de Constantinople en la désignant par le terme pompa22. Le même terme est utilisé par Pacatus, panégyriste de Théodose, pour évoquer l’exécution de l’usurpateur Maxime par des soldats en 38823. La mort du tyran constituait donc bien une cérémonie à part entière.

  • 24 Claudien, In Rufinum, II, 418-420.
  • 25 Ibid., II, 429-434.
  • 26 Tertullien, Adv. Valent., XIV, 4 ; Apulée, Met., X, 29-34.
  • 27 Claudien, In Rufinum, II, 394-399.
  • 28 Ibid., II, 451. Rufin n’a donc pu utiliser le splendide mausolée qu’il s’était préparé, tel un empe (...)

7Claudien, poète païen, a donné une lecture mythologique de cet épisode, en évoquant l’exécution et le démembrement de Penthée par les ménades24. Il a en effet insisté sur le rôle des femmes de tous âges dans la mise à mort de Rufin25. Ceci rappelle les exécutions de condamnés travesties en spectacles mythologiques pratiquées fréquemment au Haut Empire à Rome et dans les provinces26. Il a aussi proposé un autre parallèle, la mort d’Actéon déchiré par ses chiens, comme si Rufin, véritable monstrum, avait été condamné ad bestias. Il n’a pas hésité d’autre part de manière symétrique à animaliser Rufin lui-même qui est représenté comme une bête traquée prise au piège dans l’amphithéâtre et chassée à coup d’épieux27. Les restes de son corps laissé sans sépulture étaient supposés dévolus aux oiseaux, comme pour le châtiment de crucifixion pratiqué communément au Haut-Empire28. L’imaginaire des summa supplicia était donc mobilisé par Claudien. Rufin était ainsi représenté comme une bête féroce légitimement dévorée par d’autres bêtes féroces.

  • 29 Claudien, In Rufinum, II, 424-427.

8Claudien a présenté cette interprétation de la mort de Rufin devant la cour d’Honorius durant l’été 397, donnant reconnaissance officielle à ce rituel de vengeance populaire. Il s’agissait d’une sorte d’avertissement pour tous ceux qui pourraient entraver la volonté de son patron Stilichon de placer les deux frères Honorius et Arcadius, et donc les deux parties de l’Empire sous son influence. Chaque partie du cadavre de Rufin était supposée correspondre à une province que ce tyran avait pillée29. Les cas de Maxence et de Rufin marquent la persistance des privilèges politiques des plèbes des capitales impériales, qui se réclamaient le droit de juger puis de punir corporellement tyrans et usurpateurs. L’exemple de Rufin montre que l’appropriation par la plèbe de Constantinople, nouvelle capitale impériale, de ces pratiques tolérées a été très rapide.

Un nouveau discours chrétien sur la mort du tyran

  • 30 Ammien Marcellin, Hist., XXXI, 13, 12-16.
  • 31 Ibid., XXXI, 1, 12 : vivus ardeat Valens.
  • 32 Ibid., XXXI, 13, 17 : nec Valenti sepulturam (qui supremitatis honor est) contigisse.
  • 33 Rufin, H. E., II, 13 ; Sozomène, H. E., VI, 40, 3-5 ; Théodoret de Cyr, H. E., IV, 36, 1-2 ; Orose, (...)

9L’émergence d’une historiographie chrétienne au ive siècle a permis l’apparition d’un nouveau thème dans le discours politique contemporain, la punition divine du tyran persécuteur. Valens est mort lors de la bataille d’Andrinople en 378. Selon Ammien Marcellin, il aurait été soit tué lors des combats, soit brûlé vif par les Goths victorieux dans une maison dans laquelle il s’était réfugié30. Ammien semble privilégier la seconde version. Il rapporte en effet un épisode qui constituait probablement pour lui un présage de sa mort. La population d’Antioche, fortement hostile à Valens, aurait en effet exigé qu’il soit brûlé vif31. Ammien insiste aussi sur la disparition du corps de Valens resté sans sépulture, ce qui constituait une humiliation suprême pour un empereur32. Les historiens ecclésiastiques d’obédience nicéenne, comme Rufin d’Aquilée, Orose, Théodoret de Cyr et Jordanès, ont aussi privilégié la seconde version qu’ils ont interprétée comme étant un châtiment divin33. Valens persécutait en effet les chrétiens nicéens. L’assimilation du persécuteur au tyran est systématique dans les sources ecclésiastiques.

  • 34 CTh., IX, 16, 1 ; XVI, 5, 9 (382). Les manichéens et les sorciers avaient déjà été condamnés à la c (...)
  • 35 Orose, Hist., VII, 33, 19.
  • 36 Sozomène, H. E., VI, 14.
  • 37 Lactance, De la mort des persécuteurs, 33. Voir H. Inglebert, « La mort des empereurs persécuteurs (...)
  • 38 Lactance, De la mort des persécuteurs, 21.

10Les historiens ecclésiastiques d’obédience nicéenne évoquant Valens ont pu s’inspirer d’innovations juridiques du ive siècle. La peine de crémation sanctionnait en effet à cette époque certains délits religieux, tels la pratique de l’haruspicine, ainsi que la participation aux hérésies des Encratites et des Saccophores proches du manichéisme34. Orose affirme même que les Goths avaient justement infligé la peine de crémation à Valens puisque celui-ci, ayant œuvré à leur conversion à l’hérésie arienne, les avaient justement condamnés aux flammes de l’enfer35. Une autre explication peut cependant être proposée. La mort de Valens pourrait être perçue comme une application du principe du talion. Valens n’avait pas en effet hésité à brûler vif des chrétiens nicéens36. Pour certains écrivains nicéens, il était donc normal qu’un tyran et persécuteur soit puni par Dieu d’un châtiment relevant des summa supplicia. Lactance a évoqué la maladie horrible du persécuteur Galère, qui aurait été dévoré par les vers qu’il sécrétait lui-même peu avant sa mort en 31137. Cette forme de mort avait des précédents bibliques. Cependant, elle peut aussi être interprétée comme une sorte de condamnation ad bestias, un châtiment couramment employé par Galère contre des chrétiens38. Le traitement par les auteurs ecclésiastiques de la mort du persécuteur s’inspirait du thème de la mort du tyran dans la littérature païenne, tout en attribuant la responsabilité de la peine à Dieu, et non à l’État ou au peuple.

  • 39 PLRE, I, Procopius, p. 742 ; Ammien Marcellin, Hist., XXVI, 9, 9. Philostorge (H. E., IX, 5) évoque (...)
  • 40 Socrate, H. E., IV, 5 ; Sozomène, H. E., VI, 8, repris par les historiens byzantins Jean d’Antioche (...)
  • 41 Philostorge (H. E., IX, 5).
  • 42 Ammien Marcellin, Hist., XXVI, 10, 5. Ammien (XXVI, 10, 3) a douté de la réalité de cette usurpatio (...)

11Valens était d’ailleurs aussi caractérisé par Sozomène et Socrate comme un tyran traditionnel, qui n’exerçait pas sa cruauté contre les seuls nicéens. En 365, Procope, membre de la dynastie constantinienne, s’est proclamé empereur à Constantinople. Il a été vaincu l’année suivante par l’empereur Valens, qui, selon Ammien Marcellin, l’aurait décapité39. Deux historiens ecclésiastiques, Sozomène et Socrate, offrent une version différente. Procope aurait été attaché à deux arbres courbés et aurait été démembré par leur traction40. La version du contemporain Ammien doit être retenue. Socrate et Sozomène ont sans doute donné foi à des histoires orales, très défavorable à Valens, circulant sur la mort de Procope. Cependant, Philostorge, pourtant arien, affirme que Valens aurait brûlé vif un partisan de Procope, Florentius41. Selon Ammien Marcellin lui-même, Marcellus, un proche de Procope qui semble avoir usurpé l’empire juste après sa mort, a été torturé avant d’être mis à mort42. Valens avait donc une réputation de cruauté largement diffusée.

  • 43 Rapporté notamment par Diodore de Sicile (IV, 59, 3). Voir A. Chastagnol, « Le supplice de l’écartè (...)
  • 44 Ainsi la cruauté de Galère, dirigée d’abord contre les chrétiens, se serait étendue à l’ensemble de (...)
  • 45 Socrate, H. E., IV, 6.

12Les violences contre le corps d’un usurpateur ou d’un tyran devaient rester l’apanage du peuple. Un empereur qui s’acharnait sur la personne ou le corps d’un usurpateur ne pouvait être perçu que comme un tyran. Le supplice de l’écartèlement par des arbres avait un archétype mythologique, l’exécution du brigand Sinis par Thésée, héros civilisateur43. Il avait pour intérêt de faire disparaître toute trace du corps de la victime, tout en lui infligeant une intense souffrance. Valens était ainsi identifié aux tyrans grecs de légende, comme Phalaris ou Mézence. Des historiens ecclésiastiques pouvaient ainsi reprendre les stéréotypes littéraires classiques sur les tyrans. La cruauté des empereurs persécuteurs était d’ailleurs supposée non seulement s’exercer contre des chrétiens mais aussi contre l’ensemble de leurs sujets44. Selon Socrate, liant les deux événements, cet empereur arien aurait lancé un ordre de conversion général dès la mort de l’usurpateur Procope45.

Un nouveau thème : l’usurpateur brigand et les summa supplicia

  • 46 A. Chastagnol (éd.), Histoire Auguste, Paris, 1994, p. CII-CV ; p. XXXIII-XXXIV ; XCVII-XCIX.
  • 47 Notamment pour le cas d’Avidius Cassius (Av. Cass., XII-XIII).
  • 48 Histoire Auguste, Quad., V, 2 ; XV, 2. Voir J. L. Voisin, « Pendus, crucifiés et oscilla dans la Ro (...)

13L’Histoire Auguste, œuvre historique rédigée vers 400, marque l’émergence d’un nouveau discours sur le châtiment des usurpateurs46. L’auteur de cette œuvre, qui propose une vision généralement positive des usurpateurs du IIe et du iiie siècle, défend une politique de pardon et de modération envers eux47. Pourtant, cet auteur n’hésite pas à justifier l’emploi de châtiments corporels dans certains cas. Il propose deux versions, reposant sur des sources différentes, de la mort d’un usurpateur inventé, Firmus, qui se serait opposé à l’empereur Aurélien entre 270 et 275. Selon certains historiens non précisés, il se serait suicidé par pendaison. Cette forme de mort, supposée interdire toute sépulture au défunt, était fortement dévalorisée. Dans l’Histoire Auguste, elle est réservée à certains usurpateurs tout aussi ridicules que Firmus, comme Bonosus48.

  • 49 Ibid., V, 2 : Multi dicunt laqueo eum vitam finisse ; 3 : fugavimus, cruciavimus et occidimus.
  • 50 Histoire Auguste, Aurel., XXXII, 2.
  • 51 Voir A. Chastagnol, Recherches sur l’H. A., Bonn, 1970, p. 89-91 ; F. Paschoud, Histoire Auguste V  (...)
  • 52 Ammien Marcellin, Hist., XXIX, 5, 22 ; 31.
  • 53 Ibid., XXIX, 5, 54 : de clavo parieti affixo suspendit, ubi collo inserto, animam absque mortis cru (...)
  • 54 Claudien, Gild., 414. Cf. PLRE, I, Gildo, p. 395-396. L’étranglement de Gildon, condamné comme host (...)
  • 55 Ammien Marcellin, Hist., XXIX, 5, 20 ; Zosime, H. N., V, 11, 2.
  • 56 Histoire Auguste, Quad., II. Voir F. Paschoud, « Le tyran fantasmé : variations de l’Histoire Augus (...)
  • 57 Dig., 48, 19, 28, 15. Cette tendance a été observée par R. MacMullen, « The Roman Concept Robber-Pr (...)

14Cependant, Aurélien aurait affirmé lui-même dans un édit qu’il avait torturé puis exécuté Firmus49. Son principal crime aurait été de vouloir séparer l’Égypte du reste de l’Empire, comme s’il s’agissait d’un état libre50. Or, le portrait de Firmus semble être une évocation ironique de la figure de deux rebelles africains du ive siècle, l’homonyme Firmus en 372-373 et son frère Gildon en 397-39851. Firmus a été forcé, après plusieurs défaites militaires, de se suicider par pendaison pour éviter la mort douloureuse que lui préparait le général Théodose l’Ancien. Celui-ci n’a pas hésité à faire preuve d’une extrême sévérité envers les partisans de Firmus, allant jusqu’à soit faire brûler vif soit amputer les mains de déserteurs l’ayant rejoint52. Le vocabulaire employé par Ammien Marcellin, principale source sur cette révolte, ressemble beaucoup à celui employé par Aurélien selon l’Histoire Auguste pour décrire sa seconde version de la mort de Firmus53. Gildon, après sa défaite en 398, a été étranglé avec un lacet. Cette forme de mort infamante, proche de la pendaison, était supposée réservée aux femmes54. Firmus et Gildon n’ont jamais tenté d’usurper l’Empire. Gildon s’est limité à placer l’Afrique du Nord sous la tutelle de l’Orient55. Or, l’auteur de l’Histoire Auguste introduit justement un débat simulé entre érudits relatif au statut de l’usurpateur Firmus de l’époque d’Aurélien, véritable usurpateur ou un simple brigand (latro) quel que le définissait l’édit d’Aurélien56. Cet auteur dénonçait aussi dans le même passage l’usage des empereurs victorieux de dévaloriser leurs compétiteurs vaincus en tant que latrones, simples criminels de droit commun57. Ceux-ci pouvaient donc logiquement être punis par les peines qui leur étaient infligées, la crucifixion ou la crémation.

  • 58 V. Allard, « La crudelitas d’Aurélien », dans M. H. Quet (éd.), La « crise » de l’Empire romain de (...)
  • 59 Histoire Auguste, Aurel., VII, 4.
  • 60 J.-P. Callu, « Le jardin des supplices au Bas-Empire », dans Du châtiment dans la cité. Supplices c (...)

15L’Histoire Auguste offre un portrait très positif d’Aurélien, optimus princeps, dont la severitas ne confinait jamais à la crudelitas58. Il accepte ainsi de manière implicite le châtiment que cet empereur aurait réservé à Firmus. Il loue d’autre part Aurélien pour avoir fréquemment employé les summa supplicia pour punir des crimes graves commis par des soldats ou des fonctionnaires. L’empereur Aurélien, alors qu’il était un simple tribun au milieu du iiie siècle, aurait ainsi condamné des soldats qui s’étaient rendus coupables d’adultère à être écartelés par des arbres, le supplice que Valens aurait infligé à l’usurpateur Procope59. L’Histoire Auguste, pourtant d’inspiration sénatoriale, marquait donc une aggravation de la perception des crimes commis par des fonctionnaires contre l’État, inventant ainsi une sorte de « code militaire » particulièrement rigoureux s’inspirant des peines attribuées habituellement aux latrones60.

  • 61 Aurelius Victor, Caes., 41, 11-12. Cf. PLRE, I, Calocerus, p. 177.
  • 62 L’Histoire Auguste évoque significativement plusieurs usurpations involontaires similaires : Quad., (...)

16Un exemple concret montre qu’il ne s’agit pas uniquement d’un modèle littéraire. Un certain Calocerus, qui avait tenté de prendre le contrôle de l’île de Chypre en 334, a été crucifié ou brûlé vif par Constantin à la façon des esclaves et des latrones. Aurelius Victor insiste sur le caractère juste de cette peine61. La fonction occupée par ce personnage, magister pecoris camelorum, indique peut-être une origine servile. Aucune source n’affirme explicitement qu’il ait usurpé l’empire. Le parallèle avec l’usurpateur Firmus de l’Histoire Auguste, lui aussi lancé dans une aventure séparatiste, semble éclairant. D’une manière paradoxale, prendre la pourpre semble avoir protégé des summa supplicia. Ceci expliquerait peut-être la fréquence des usurpations désespérées lancées par des hauts fonctionnaires acculés, tel Silvanus en 35562.

Maxime, Eugène et le traitement des usurpations militaires

  • 63 Jérôme, Ep., 60, 15 ; Claudien, IV cos. Hon., 81-90.
  • 64 Peine de décapitation pour maiestas : Pauli Sententiae, V, 29, 1 ; CTh., IX, 14, 3 (397). Une loi d (...)
  • 65 Orose, Hist., VII, 35, 9 ; 18.
  • 66 Claudien, IV cos. Honor., 95-97.

17Ces tendances expliquent que le traitement des deux usurpateurs de l’époque théodosienne, Maxime en 388 et Eugène en 394, aient reçu un traitement complexe tant de la part des contemporains que de la propagande impériale. Jérôme de Stridon dès 396 et le poète Claudien en 398 ont insisté sur la modération du châtiment qui leur a été imposé. Ils se sont aussi moqués des spectacles humiliants offerts par ces deux usurpateurs dépouillés de leurs insignes impériaux demandant humblement leur pardon à Théodose63. Ceux-ci n’étaient plus que des sujets, devenus esclaves de leur peine, qui étaient jugés pour un crime de droit commun par leur empereur légitime. L’empereur ne pouvait logiquement que les faire décapiter pour maiestas64. En se soumettant à ce jugement sans tenter d’y échapper par le suicide, Maxime et Eugène reconnaissaient implicitement sa légitimité. Le chrétien Orose évoque d’ailleurs le caractère non sanglant des combats du pieux Théodose contre Maxime et Eugène, réduisant ces guerres civiles au simple châtiment d’un condamné de droit commun65. Cependant, Claudien conçoit aussi la mort des usurpateurs Maxime et Eugène comme un sacrifice funéraires accompli par Théodose, leur vengeur, aux mânes des empereurs qu’ils étaient supposés avoir tué, respectivement Gratien et Valentinien II66.

  • 67 Pan. Lat., XII, 42, 1 ; 44, 1.
  • 68 Ibid., XII, 25-29.
  • 69 Ibid., XII, 31, 1 ; 45, 4.
  • 70 Les lamellae constituaient un supplice prisé par Verrès, notamment pour des esclaves délinquants (C (...)
  • 71 Pan. Lat., XII, 12, 2 : publici parricidae ; 30, 3 ; 42, 1.
  • 72 CTh., IX, 15, 1 (318).
  • 73 Pan. Lat., XII, 41, 2.
  • 74 A. Chastagnol (éd.), Histoire Auguste, Paris, 1994, p. LXXXIII ; XCI-XCII.
  • 75 R. Syme, Ammianus and the Historia Augusta, Oxford, 1968, p. 76-77.

18Pacatus, auteur d’un panégyrique de Théodose en 389, offre une image très complexe, voire contradictoire, du traitement de Maxime, qui montre une certaine hésitation de la part de la propagande impériale elle-même concernant le traitement que devait subir un usurpateur. En effet, il répète à deux reprises que celui-ci aurait mérité de subir les divers summa supplicia, dont la crémation, la croix, les lamelles de plomb et le culleus, la peine des parricides67. Ces peines extrêmes s’expliquent parce que Maxime aurait été une sorte de brigand avide, qui aurait commis de nombreux meurtres en Gaule dans le but de s’approprier des patrimoines68. Le parallèle avec Firmus, l’usurpateur assimilé à un brigand de l’Histoire Auguste, est donc particulièrement éclairant. D’autre part, Maxime était supposé être un ancien esclave rebelle de Théodose, une sorte de nouveau Spartacus69. La mention de la crucifixion et des lamelles de plomb avait un aspect archaïsant et républicain70. L’accusation de parricide, mentionnée à trois reprises, est plus étonnante71. Elle ne peut faire référence qu’à l’exécution de l’empereur Gratien par Maxime lors de son usurpation en 383. Théodose, nommé ou régularisé empereur par Gratien en 379, ne pouvait qu’être présenté comme étant son vengeur. Pacatus, sans doute influencé par le titre de pater patriae pris par les empereurs du Haut Empire, concevait donc le meurtre d’un empereur légitime comme un parricide. Il n’a pas hésité à évoquer la peine afférente du culleus, l’enfermement dans un sac en compagnie de quatre animaux, qui était toujours d’actualité au ive siècle72. D’autre part, Maxime, en raison de ses mensonges, aurait mérité d’avoir la langue arrachée73. Pacatus légitimait donc en théorie l’emploi des summa supplicia ou de mutilations pour un usurpateur. Ses analyses peuvent avoir inspiré celles de peu postérieures de l’auteur de l’Histoire Auguste, notamment dans le chapitre des quatre tyrans. Celui-ci semble d’ailleurs avoir lu le panégyrique de Théodose écrit par Pacatus74. Maxime peut avoir inspiré Bonosus, un des usurpateurs du quadrige des tyrans75.

  • 76 Pan. Lat., XII, 44, 2.
  • 77 Ibid., XII, 38, 5.
  • 78 Pan. Lat., XII, 44, 3. De même, Constantin est supposé avoir été forcé de mettre à mort Licinius en (...)
  • 79 Pan. Lat., XII, 42, 3.

19Maxime, tel un condamné de droit commun, aurait ainsi avoué publiquement ses mensonges. Cependant, ce seraient les soldats eux-mêmes qui auraient spontanément mis à mort Maxime, Théodose restant indécis. Les milites, de manière implicite plutôt ceux de sa propre armée, se seraient vengés de l’usurpateur qui les avaient abusés par ses mensonges. Maxime aurait notamment affirmé que Théodose avait été partie prenante dans son usurpation et avait joué un rôle dans la mort de Gratien en 383. Pacatus n’a pas hésité à affirmer, de manière surprenante, qu’il était préférable dans ce cas que le pouvoir de l’empereur ne soit pas absolu, selon une conception du pouvoir impérial remontant au principat76. Les soldats ne représentaient pas dans ce cas le peuple exerçant sa juste vengeance contre un tyran. Pacatus évoque une affaire strictement militaire, un général factieux devant être jugé par ses soldats trahis. Il utilise le terme pompa pour désigner le caractère rituel de cette exécution, pendant de la digne pompa funebris des bons empereurs77. Il affirme d’ailleurs ne pas vouloir évoquer précisément cette mise à mort, à laquelle Théodose n’aurait d’ailleurs même pas assisté78. La mort du tyran, loin d’être exemplaire, n’était ici pas vraiment assumée. Elle gênait même l’empereur. D’autre part, Pacatus a remarqué que la mort de Maxime ne pouvait se dérouler avant qu’il ne soit dépouillé des insignes de son pouvoir pour ne pas souiller la pourpre impériale79.

  • 80 Ibid., XII, 42, 3 ; 44, 2.
  • 81 Epit. De Caes., XLVIII, 9 ; 12 ; Pan. Lat., XII, 46, 1-2.
  • 82 Pan. Lat., XII, 43, 1-3. En réalité, Théodose avait déjà fait mettre à mort Victor, le fils de Maxi (...)

20Pacatus affirme en fait de manière surprenante que Théodose aurait voulu pardonner Maxime80. Cet empereur, en effet, a placé au centre de sa propagande sa clémence envers les rebelles et les usurpateurs, démontrant le contrôle qu’il exerçait sur lui-même. Selon Pacatus et un historien païen de la fin du ive siècle ou du début du ve siècle, Théodose, féru d’histoire romaine, aurait voulu se démarquer de Marius, Cinna et Sylla, coupables d’avoir organisé de véritables proscriptions81. Selon Pacatus, seule la confession par Maxime de ses mensonges sur une possible complicité dans l’usurpation de 383 aurait incité Théodose à la sévérité82.

  • 83 Voir H. Sivan, « Was Theodosius I a Usurper ? », Klio, 78, 1996, p. 198-211.
  • 84 Orose, Hist., VII, 34, 9 ; Sulpice Sévère, Dial., II, 6.
  • 85 Constance II lui a permis de vivre six ans comme simple particulier à Pruse en bénéficiant même d’u (...)

21Le parallélisme entre Théodose et Maxime, deux empereurs anciens officiers d’origine espagnole, l’usurpateur ayant même appartenu à la familia de Théodose, était en effet frappant et Pacatus devait dissiper toute rumeur de complicité entre eux. Théodose a d’ailleurs peut-être lui-même usurpé l’empire en 379, avant d’être régularisé par le senior Augustus, Gratien83. Or, des auteurs chrétiens, comme Orose et Sulpice Sévère, n’ont pas hésité à présenter Maxime comme un bon empereur dont l’usurpation aurait été en grande partie involontaire84. Le ive siècle a été marqué par une démultiplication de la fonction impériale, associée à une régionalisation du pouvoir. Maxime, qui a régné sur la Gaule, l’Espagne et la Bretagne, pouvait être perçu comme un empereur utile dans une époque de crise militaire, remplaçant le faible Gratien. Porté au trône par les soldats de ces régions, il pouvait se prévaloir d’une certaine légitimité locale même si son ascension contredisait le principe dynastique. Chaque armée régionale pouvait être tentée de définir son empereur. Le cas de Maxime peut être rapproché d’une certaine manière de celui de Vetranio qui a usurpé l’Empire en Illyrie en 350 à l’occasion de la vacance de pouvoir causée par l’usurpation de Magnence en Gaule. Constance II lui a pardonné85. Ceci explique l’insistance de Pacatus à présenter le jugement de Maxime par ses propres soldats. Le traitement du cas de Maxime par Pacatus semble donc juxtaposer de manière contradictoire des divers discours existant au ive siècle sur les usurpateurs, en dramatisant sa responsabilité tout en mettant en avant le nécessaire pardon impérial. Cette hésitation peut s’expliquer par la nécessité de Théodose de se justifier, notament auprès des élites sénatoriales romaines.

  • 86 Pan. Lat., XII, 41, 4 ; 42, 2.
  • 87 J.-L. Voisin, « L’empereur qui se tue », dans B. Boissavit-Camus, F. Chausson et H. Inglebert (dir. (...)
  • 88 Sozomène, H. E., IX, 13. Cet auteur avait une bonne opinion de cet empereur, qui dérive probablemen (...)
  • 89 Epitome de Caes., 42, 6.
  • 90 Claudien, III cos. Hon., 103-105. Voir aussi IV cos. Hon., 91. Cf. PLRE, I, Arbogast, p. 95-96.

22Pacatus s’est moqué de Maxime qui n’aurait pas eu le courage de trouver une mort digne au combat ou par le suicide, lui permettant d’échapper à une exécution déshonorante86. L’affirmation de Jean-Louis Voisin, selon lequel la mort volontaire, valorisée pour les empereurs au Haut Empire, aurait été à partir du second siècle connoté de manière négative par les auteurs chrétiens et païens doit donc être nuancée87. Un usurpateur pouvait toujours justifier de ses qualités morales, et donc de sa légitimité passée, par une mort honorable. Un auteur chrétien comme Sozomène n’a curieusement pas hésité à valoriser la mort de l’usurpateur Gerontius en 411, qui, assiégé dans sa maison, aurait tué sa femme, pour la protéger de tout outrage, avant de se suicider88. Cependant, le suicide de certains usurpateurs est souvent représenté comme une aberration providentielle. Ceux-ci, intériorisant leur culpabilité, se seraient infligés à eux-mêmes par anticipation la peine capitale qu’ils devaient encourir. L’Epitome de Caesaribus évoque de même la violence avec laquelle Magnence, d’ascendance franque, aurait mutilé en 353 son propre visage en se tuant89. Ainsi Claudien s’est moqué de la fureur barbare du franc Arbogast, l’instigateur de l’usurpation d’Eugène en 392, révélée par l’utilisation de deux épées pour se suicider90.

Une innovation du début du Ve siècle : la mutilation de l’usurpateur vaincu

  • 91 PLRE, II, Priscus Attalus, p. 180-181. Sur les deux usurpations d’Attale, voir V. Sirago, Galla Pla (...)
  • 92 Prosper, Chron., 1254.
  • 93 Prosper, Chron., 1263 : Honorius Romam cum triumpho ingreditur pareeunte currum eius Attalo ; Orose (...)
  • 94 Olympiodore, frg. 13 ; 26, 2 ; Philostorge, H. E., XII, 5 (inspiré d’Olympiodore) ; Prosper, Chron.(...)
  • 95 Orose, Hist., VII, 42, 9 : truncate manu vitae relictus est ; Marcellinus comes, Chron., s. a. 412.
  • 96 Olympiodore, frg. 13. Sozomène (H. E., IX, 8, 5) ne mentionne pas la proposition de Jovius. Les aut (...)

23Le cas d’Attale au début du ve siècle représente une rupture majeure, au confluent des innovations du ive siècle. Pour la première fois, un usurpateur a été mutilé. Attale a été proclamé empereur par le sénat en 409 alors qu’il était préfet urbain. Il s’est allié au goth Alaric qui menaçait à ce moment de prendre d’assaut la ville de Rome. Alaric l’a déposé l’année suivante lorsqu’il s’est rapproché d’Honorius91. Attale a été de nouveau proclamé empereur en 414 par les Goths qu’il avait suivi dans leur migration en Gaule92. Abandonné par eux une nouvelle fois l’année suivante, Attale a été capturé par Honorius et forcé de participer en position humiliante, marchant devant le char de l’empereur, à son triomphe à Rome probablement en 41693. Attale a été mutilé d’une ou de ses deux mains, peu avant ou peu après le triomphe, puis exilé sur l’île Lipari94. Ce châtiment original a beaucoup frappé les contemporains95. Or, cette peine avait d’abord été proposée en 409 par l’entourage d’Attale pour Honorius lui-même. Cet empereur alors aux abois, menacé par Alaric, avait proposé un partage du pouvoir à Attale. Celui-ci ne lui avait promis que de conserver la vie sauve s’il déposait les insignes impériaux et acceptait de s’exiler dans une île. Cependant, Jovius, préfet du prétoire d’Honorius secrètement rallié à Attale, l’avait incité à exiger un châtiment supplémentaire pour Honorius, l’amputation d’un de ses membres. Attale aurait refusé cette demande comme étant une innovation contraire à la majesté impériale. Honorius n’a pas donné suite à cette proposition d’exil96.

  • 97 Prosper d’Aquitaine (Chron., 1263), qui est le seul à évoquer la participation d’Attale au triomphe (...)
  • 98 La tête de l’usurpateur Constantin III a ainsi été exposée à Ravenne en 411 (Cons. Const., s. a., 4 (...)

24Honorius s’est vengé d’Attale en lui appliquant le traitement que celui-ci prévoyait contre lui en 409, augmenté de la mutilation proposée par Jovius. L’amputation d’un membre avait bien évidemment pour objectif d’empêcher qu’un empereur déchu, Honorius ou Attale, ne reprenne le pouvoir. La mutilation d’Attale n’a probablement pas été réalisée publiquement mais peut avoir été antérieure au triomphe97. Ses mains pouvaient symboliser son pouvoir de commandement. Cette mutilation avait donc un aspect recognitif et symbolique, remplaçant la décapitation habituelle du cadavre toujours pratiquée à cette époque98.

  • 99 Lactance, De la mort des persécuteurs, 36.
  • 100 Ammien Marcellin, Hist., XXIX, 5, 22, 31.
  • 101 Augustin, Ep., 133, 1 ; 134, 2. Cf. PCBE, I, Innocentius 8, p. 603.
  • 102 Passio Maximiani et Isaac, 8, 59-61.

25Le châtiment d’Attale constituait une rupture significative. Le droit pénal du ive et du ve siècle, tel qu’il est conservé dans le Code Théodosien, ne connaît pas de peine d’amputation. Les mutilations étaient pratiquées de manière très occasionnelle et justifiées comme des mesures de clémence ou de substitution pour des cas relevant des summa supplicia. Maximin Daia aurait ainsi mutilé jusqu’en 313 des chrétiens du nez, des mains, des yeux, des pieds ou des oreilles au lieu de les exécuter99. Théodose l’Ancien aurait coupé vers 372-373 les mains de soldats déserteurs et rebelles qu’il ne condamnait pas à la crémation100. Des mutilations apparaissent aussi dans certaines violences religieuses contemporaines. Des circoncellions donatistes ont coupé un doigt et crevé l’œil d’un prêtre catholique en Afrique du Nord vers 411 pour lui empêcher d’exercer son ministère101. Un martyr donatiste emprisonné en 347, Isaac, aurait fait un rêve dans lequel il aurait combattu l’empereur persécuteur Constant et lui aurait crevé un œil, démontrant ainsi qu’il était aveugle à la vraie foi102.

  • 103 Orose, Hist., VII, 42, 7 : Quid de infelicissimo Attalo loquar, cui occidi inter tyrannos honor et (...)
  • 104 Zosime, H. N., VI, 7, 3.
  • 105 Orose, Hist., VII, 42, 1-15.

26Attale a été considéré par les contemporains comme un usurpateur quasiment involontaire, devenu par un concours de circonstance une marionnette des rois goths. Même un auteur chrétien militant comme Orose montre une certaine compassion envers cet usurpateur païen ridicule, simple acteur dépassé par son rôle. Pour lui, Attale n’était d’ailleurs même pas digne d’être exécuté comme l’ont été les autres usurpateurs des années 406-413103. En le faisant figurer dans son triomphe à Rome, Honorius a humilié le Sénat qui l’avait proclamé empereur en 409 et dont il aurait voulu restaurer le pouvoir104. Ce triomphe proclamait la fin d’une époque de troubles de dix années marquée par de nombreuses usurpations et invasions germaniques, comme le remarque lui-même Orose105. Il s’agit de la première cérémonie de ce type incluant un usurpateur depuis la participation de Tetricus et de Zénobie à celle d’Aurélien en 274.

  • 106 Eutrope, IX, 13, 2 ; Aurelius Victor, Caes., 35, 5. Selon l’Histoire Auguste (Claud., IV, 4), les s (...)
  • 107 J. Matthews, Western aristocraties and Imperial Court A. D. 364 - 425, Oxford, 1975, p. 352-360.

27Le cas d’Attale peut en effet être rapproché de celui de Tetricus, archétype de l’usurpateur involontaire, dont la prise de pouvoir pouvait être expliquée par une crise du pouvoir impérial et de multiples invasions barbares. Tetricus bénéficiait d’une image très positive dans l’historiographie sénatoriale du ive siècle, mais aussi dans l’Histoire Auguste écrite vers 400, qui le dédouanaient de toute culpabilité dans sa prise de pouvoir. Ce parfait représentant de l’ordre sénatorial a été forcé par ses troupes de devenir empereur en Gaule en 271 lors d’une période de crise politique et d’invasions germaniques et a volontairement remis son pouvoir entre les mains d’Aurélien qui lui a pardonné et permis de continuer une carrière administrative106. La modération d’Honorius envers Attale s’explique sans doute par la diffusion réussie dans les milieux sénatoriaux de l’idée de pardon défendue par l’auteur de l’Histoire Auguste. Honorius et son patrice Constance ont d’ailleurs confié des postes de premier plan à des sénateurs païens entre 412 et 418107.

  • 108 Olympiodore, frg. 16. Attale, abandonné par les Goths (Prosper, Chron., 1256), n’avait pas de raiso (...)
  • 109 Sozomène, H. E., IX, 8 confirmé par CTh., IX, 38, 11.
  • 110 Tels Abundantius et Timasius en 396 pour la partie orientale de l’Empire (Zosime, H. N., V, 9-10 ; (...)

28Attale a lui-même déposé volontairement les insignes impériaux et demandé le pardon de l’empereur en 410, et peut-être aussi en 415108. Honorius, pour conserver le soutien des sénateurs, se devait d’offrir à Attale en 416 un pardon relatif, assorti d’un châtiment mesuré. Il a amnistié dès 410 les fonctionnaires d’Attale qui exprimaient une simple repentance109. La relégation, notamment dans une île, était une peine fréquemment imposée à de hauts fonctionnaires punis pour trahison à la fin du ive siècle110. Attale, préfet de la ville lors de son usurpation, se voyait ainsi réduit à l’état de simple fonctionnaire factieux puni d’exil. Honorius se montrait aussi l’héritier de la politique supposée de clémence de son père Théodose, telle que l’avait présentée Pacatus. Le châtiment d’Attale semble donc réaliser une synthèse d’évolutions perceptibles à la fin du ive siècle, telles le thème du pardon et l’usage potentiel des summa supplicia, tout en conservant le traditionnel caractère public du châtiment.

  • 111 PLRE, II, Ioannes, p. 316-317. Sur l’usurpation de Jean, voir V. Sirago, op. cit., p. 250-253 ; J. (...)
  • 112 Procope, B. Vand., I, 3, 4-9. Ce passage dérive très probablement d’Olympiodore (voir frg. 46). Pro (...)
  • 113 P. Schmitt-Pantel, « L’âne, l’adultère et la cité » dans J. Le Goff, J. Cl. Schmitt, Le Charivari, (...)
  • 114 Philostorge, H. E., XII, 14.

29Le cas de l’usurpateur Jean, neuf années plus tard, montre que cette forme de mutilation n’avait pas forcément pour seul but d’empêcher un usurpateur déchu de retourner au pouvoir. Ce haut fonctionnaire, primicier des notaires, a été proclamé empereur par le Sénat après la mort d’Honorius en 423111. Théodose II, empereur de la partie orientale, a soutenu les droits de son cousin Valentinien III et a envoyé une armée sous le commandement du général alain Aspar qui a facilement capturé Jean à Ravenne en 425. Selon Procope, Jean a été conduit en parade dans l’hippodrome d’Aquilée juché sur un âne, sa main droite ayant été coupée, en présence de Valentinien III et de sa mère Galla Placidia. Après avoir été humilié et frappé par des acteurs, Jean a été décapité dans cet hippodrome112. Le châtiment de cet usurpateur est mis en scène comme un spectacle dans un lieu participant au cérémonial impérial. Sa mise à mort marque la naissance d’un nouveau rituel politique, donnant une élaboration officielle du thème de vengeance spontanée du peuple, représenté en l’occurrence par des comédiens, contre le tyran déchu. Ce rituel semble inspiré par les pratiques de charivari fréquentes dans les cités grecques et romaines113. L’ablation de la main, qui fait double emploi avec l’exécution publique, est sûrement inspirée du châtiment d’Attale. Jean représentait, à la différence d’Attale en 416, une véritable menace politique, puisqu’un général qui lui était fidèle, Aetius, avait rassemblé une large armée de Huns pour le secourir114. La force du sentiment dynastique en Orient, la famille de Théodose étant au pouvoir depuis 379, explique sans doute le mépris d’Aspar envers cet usurpateur et le sénat de Rome qui l’avait désigné. Tout comme Attale, Jean pouvait apparaître comme un empereur dérisoire, marionnette des généraux qui le soutenait.

  • 115 Theophanes, A. M., 6133.
  • 116 Ibid., 6187.
  • 117 E. Patlagean, « Byzance et le blason pénal du corps » dans Du châtiment dans la cité. Supplices cor (...)

30La pratique de mutiler et d’humilier publiquement, tout en le maintenant en vie, un empereur déchu ou un usurpateur s’est diffusée dans l’empire byzantin au viie siècle. Ainsi, Heraclonas, déposé en 641, a été mutilé du nez tandis que sa mère Martine eut la langue coupée avant d’être déportée à Rhodes115. Le nez de Justinien II a été coupé publiquement à l’hippodrome de Constantinople en 695 après que celui-ci a été forcé de le parcourir juché sur un âne, comme l’usurpateur Jean en 425116. L’empereur, image de Dieu sur terre, devait conserver son intégrité physique. Ces mutilations n’étaient pas d’origine « orientale ». L’influence du châtiment d’Attale et celui de Jean, qui a été opéré par Aspar, un général venu de Constantinople et narré par un historien byzantin du vie siècle, Procope, semble perceptible. La généralisation à partir de Justinien des mutilations corporelles comme châtiment de crimes de droit commun a pu aussi favoriser ces pratiques117.

  • 118 Victor de Tunnana, Chron., s. a. 455 : Ricimirus patricius Avitum superat, cuius innocentiae parcen (...)
  • 119 Jordanès, Rom., 338 ; Jean d’Antioche, frg., 209, 2. Le comte Marcellin (Chron., s. a. 474) et l’an (...)
  • 120 Selon Malchus (Photius, frg. 78), Glycerius aurait même joué un rôle dans la mort de Nepos en Dalma (...)
  • 121 Sozomène, H. E., IX, 15. Cf. PLRE, II, Constantinus, p. 316-317.

31Une solution originale pour éviter de mettre à mort un empereur jugé illégitime est apparue en Occident dans la seconde moitié du ve siècle. Avitus a été vaincu à Plaisance en 455, a volontairement abandonné la pourpre et a été contraint de devenir évêque de cette cité. Ce changement de statut étonnant est mis en rapport avec ses qualités morales118. Glycerius, éphémère empereur d’Occident entre 473 et 474, a été déposé par son successeur Julius Nepos à Ostie et intronisé immédiatement évêque de Salone119. Rien ne prédisposait ces deux personnages, qui avaient suivi des carrières administratives ou militaires, à devenir hommes d’Église. Après la mort de Valentinien III en 455, dernier représentant de la dynastie théodosienne, la légitimité des empereurs en Occident était devenue très discutable. Il devenait possible de pardonner à un concurrent tout en l’éloignant de la fonction impériale en le faisant entrer dans l’Église. L’usurpateur pouvait ainsi garder un statut social privilégié et une certaine influence politique. Julius Nepos n’a pas hésité à confier à son concurrent Glycerius l’évêché de Salone, capitale de la Dalmatie qui constituait la base de son pouvoir120. Il existait un précédent, mais dans ce cas volontaire, de passage d’un usurpateur dans l’Église. Constantin III, qui s’est proclamé empereur en Gaule en 406 et a été assiégé à Arles par les forces d’Honorius en 411, a en effet tenté d’échapper sans succès à la peine capitale en se faisant ordonner prêtre121. Constantin III espérait bénéficier du droit d’asile ecclésial, protégeant à plus forte raison les membres du clergé.

32En dépit du caractère hétérogène des divers contextes politiques, la mort des usurpateurs durant l’Antiquité tardive présente des éléments de continuité avec la mise en scène de l’exécution rituelle du tyran au Haut-Empire. Elle oscille entre deux pôles, la nécessité d’une peine raisonnée de la part de l’empereur se disant légitime et l’explosion de la violence populaire anarchique mais pourtant valorisée. La christianisation du pouvoir impérial à partir de Constantin ne semble pas avoir eu d’influence immédiate sur ces pratiques. Cependant, à partir du début ve siècle, plusieurs traitements alternatifs des usurpateurs déchus sont apparus, comme l’exil associé à une mutilation ou l’ordination comme évêque. La mort de certains usurpateurs, perçus comme involontaires ou ridicules, n’a plus été jugée forcément nécessaire, sans doute parce que ceux-ci, humiliés, n’étaient plus supposés représenter une véritable menace pour la majesté des vainqueurs. Ceci a donné naissance à un nouveau rituel, fondé sur la mutilation, qui est devenu emblématique de l’époque byzantine.

Notes

1 Histoire Auguste, Pesc. Niger, I, 2.

2 Sozomène, H. E., IX, 16, probablement inspiré d’Olympiodore.

3 La mort de Séjan en 31 en constitue la première occurrence : Juvénal, Sat., X, 66-69 ; 85-88. Cf. J.-M. David, « Du comitium à la roche Tarpéienne. Sur certains rituels d’exécution capitale sous la République, les règnes d’Auguste et de Tibère », dans Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Actes de la table ronde (Rome, 9-11 novembre 1982), CEFR 79, 1984, p. 167-176.

4 Histoire Auguste, Elag., XVI-XVII.

5 Voir par exemple le cas de Vitellius en 70. Cf. J. Scheid, « La mort du tyran. Chronique de quelques morts programmées » dans Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Actes de la table ronde (Rome, 9-11 novembre 1982), CEFR 79, 1984, p. 177-192.

6 Histoire Auguste, Maxim., XXVI, 3.

7 Aurelius Victor, Caes., 33, 31.

8 Considérations générales dans J. Szidat, Usurpator tanti nominis : Kaiser und Usurpator in der Spätantike (337-476 n. Chr.), Stuttgart, 2010, p. 322-328 ; 339-340.

9 V. Neri, « L’usurpatore come tiranno nel lessico politico della tarda antichità » dans F. Paschoud, J. Szidat (éd.), Usurpationen in der Spätantike, Stuttgart, 1997, p. 71-86 ; T. D. Barnes, « Oppressor, Persecutor, Usurper : the Meaning of Tyrannus in the Fourth Century », dans G. Bonamente, M. Mayer, Historiae Augustae Colloquium Barcinonense, n. s. 4, Bari, 1996, p. 55-65.

10 Pauli Sententiae, V, 29, 1 ; CTh., IX, 14, 3 (397). Une loi de 413 évoque la décapitation de l’usurpateur Heraclianus, condamné comme hostis publicus (CTh., IX, 40, 21).

11 D. Grodzynski, « Tortures mortelles et catégories sociales. Les summa supplicia dans le droit romain au iiie et au ive siècle » dans Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Actes de la table ronde (Rome, 9-11 novembre 1982), CEFR 79, 1984, p. 361-403.

12 Pan. Lat., IX, 18, 3. Information confirmée par Zosime (H. N., II, 17, 1).

13 Ibid., IX, 19, 1 : Sed qui ego hucusque iocularia ?

14 Lactance (De la mort des persécuteurs, XLIV, 7-8) évoque une émeute à Rome contre Maxence en 312 le jour de son dies natalis. Cf. H. Ménard, Maintenir l’ordre à Rome (iie-ive siècle ap. J.-C.), Paris, 2004, p. 95-99.

15 Pan. Lat., X, 31, 4.

16 Ibid., IX, 18, 3.

17 Ibid., XII, 41, 2.

18 Pan. Lat., X, 32, 6-7. Cf. J. L. Voisin, « Les romains coupeurs de têtes » dans Du châtiment dans la cité, op. cit., p. 241-293.

19 Claudien, In Rufinum, II, 382-383 ; 450. Rufin aurait été assimilé par les soldats présents aux tyrans Maxime et Eugène que Théodose, père d’Arcadius, avait vaincus (II, 389-390).

20 Ibid., II, 434-439. Le peuple a relayé les militaires (II, 427).

21 Jérôme, Ep., 60, 16 (396) ; Marcellin, Chron., s. a. 395 ; Zosime, H. N., V, 7, 6.

22 Claudien, In Rufinum, II, 435.

23 Pan. Lat., XII, 38, 5.

24 Claudien, In Rufinum, II, 418-420.

25 Ibid., II, 429-434.

26 Tertullien, Adv. Valent., XIV, 4 ; Apulée, Met., X, 29-34.

27 Claudien, In Rufinum, II, 394-399.

28 Ibid., II, 451. Rufin n’a donc pu utiliser le splendide mausolée qu’il s’était préparé, tel un empereur (446-450). Voir Apulée, Met., VI, 32, 1.

29 Claudien, In Rufinum, II, 424-427.

30 Ammien Marcellin, Hist., XXXI, 13, 12-16.

31 Ibid., XXXI, 1, 12 : vivus ardeat Valens.

32 Ibid., XXXI, 13, 17 : nec Valenti sepulturam (qui supremitatis honor est) contigisse.

33 Rufin, H. E., II, 13 ; Sozomène, H. E., VI, 40, 3-5 ; Théodoret de Cyr, H. E., IV, 36, 1-2 ; Orose, Hist., VII, 33, 15-19 ; Jordanès, Get., 138. Socrate (H. E., IV, 38) propose cependant, comme Ammien, deux versions de la mort de Valens. Voir N. Lenski, « Initium mali Romano Imperio : Contemporary reactions to the Battle of Adrianople », TAPhA, 127, 1997, p. 129-168.

34 CTh., IX, 16, 1 ; XVI, 5, 9 (382). Les manichéens et les sorciers avaient déjà été condamnés à la crémation par Dioclétien (Coll. Mos., XV, 3, 6, 7).

35 Orose, Hist., VII, 33, 19.

36 Sozomène, H. E., VI, 14.

37 Lactance, De la mort des persécuteurs, 33. Voir H. Inglebert, « La mort des empereurs persécuteurs dans les sources chrétiennes des iiie-ve siècles », dans B. Boissavit-Camus, F. Chausson et H. Inglebert (éd.), La mort du souverain entre Antiquité et haut Moyen Âge, Paris, 2006, p. 139-153, spécialement p. 150-152.

38 Lactance, De la mort des persécuteurs, 21.

39 PLRE, I, Procopius, p. 742 ; Ammien Marcellin, Hist., XXVI, 9, 9. Philostorge (H. E., IX, 5) évoque lui aussi sa décapitation.

40 Socrate, H. E., IV, 5 ; Sozomène, H. E., VI, 8, repris par les historiens byzantins Jean d’Antioche (frg. 184), Zonaras (XIII, 16) et Théophane (AM 5859).

41 Philostorge (H. E., IX, 5).

42 Ammien Marcellin, Hist., XXVI, 10, 5. Ammien (XXVI, 10, 3) a douté de la réalité de cette usurpation.

43 Rapporté notamment par Diodore de Sicile (IV, 59, 3). Voir A. Chastagnol, « Le supplice de l’écartèlement dans les arbres (à propos d’Hist. Aug., Vita Aureliani 7, 4) » dans Aspects de l’antiquité tardive, Rome, 1994, p. 241-258.

44 Ainsi la cruauté de Galère, dirigée d’abord contre les chrétiens, se serait étendue à l’ensemble de la société (Lactance, De la mort des persécuteurs, 22-23).

45 Socrate, H. E., IV, 6.

46 A. Chastagnol (éd.), Histoire Auguste, Paris, 1994, p. CII-CV ; p. XXXIII-XXXIV ; XCVII-XCIX.

47 Notamment pour le cas d’Avidius Cassius (Av. Cass., XII-XIII).

48 Histoire Auguste, Quad., V, 2 ; XV, 2. Voir J. L. Voisin, « Pendus, crucifiés et oscilla dans la Rome païenne », Latomus, 38, 1979, p. 422-450.

49 Ibid., V, 2 : Multi dicunt laqueo eum vitam finisse ; 3 : fugavimus, cruciavimus et occidimus.

50 Histoire Auguste, Aurel., XXXII, 2.

51 Voir A. Chastagnol, Recherches sur l’H. A., Bonn, 1970, p. 89-91 ; F. Paschoud, Histoire Auguste V 2. Vies de Probus, Firmus, Saturnin, Proculus et Bonose, Carus, Numérien et Carin, Paris, CUF, 2001, p. 211-213.

52 Ammien Marcellin, Hist., XXIX, 5, 22 ; 31.

53 Ibid., XXIX, 5, 54 : de clavo parieti affixo suspendit, ubi collo inserto, animam absque mortis crucialibus exhalavit.

54 Claudien, Gild., 414. Cf. PLRE, I, Gildo, p. 395-396. L’étranglement de Gildon, condamné comme hostis publicus par le Sénat en 397, peut éventuellement constituer une forme d’archaïsme républicain (étranglement des complices de Catilina : Salluste, Cat., LV). Voir aussi la dénonciation par Pacatus de la strangulation de Vallio en 383 par Maxime, en tant que châtiment humiliant pour un guerrier illustre (Pan. Lat., XII, 28, 4).

55 Ammien Marcellin, Hist., XXIX, 5, 20 ; Zosime, H. N., V, 11, 2.

56 Histoire Auguste, Quad., II. Voir F. Paschoud, « Le tyran fantasmé : variations de l’Histoire Auguste sur le thème de l’usurpation » dans F. Paschoud, J. Szidat (éd.), Usurpationen in der Spätantike, Stuttgart, 1997, p. 88-91.

57 Dig., 48, 19, 28, 15. Cette tendance a été observée par R. MacMullen, « The Roman Concept Robber-Pretender », RIDA, 10, 1963, p. 221-225.

58 V. Allard, « La crudelitas d’Aurélien », dans M. H. Quet (éd.), La « crise » de l’Empire romain de Marc-Aurèle à Constantin. Mutations, continuités, ruptures, Paris, 2006, p. 173-183.

59 Histoire Auguste, Aurel., VII, 4.

60 J.-P. Callu, « Le jardin des supplices au Bas-Empire », dans Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Actes de la table ronde (Rome, 9-11 novembre 1982), CEFR 79, 1984, p. 313-359.

61 Aurelius Victor, Caes., 41, 11-12. Cf. PLRE, I, Calocerus, p. 177.

62 L’Histoire Auguste évoque significativement plusieurs usurpations involontaires similaires : Quad., IX, 1-3 (Saturninus) ; XV, 1 (Bonosus).

63 Jérôme, Ep., 60, 15 ; Claudien, IV cos. Hon., 81-90.

64 Peine de décapitation pour maiestas : Pauli Sententiae, V, 29, 1 ; CTh., IX, 14, 3 (397). Une loi de 413 évoque la décapitation de l’usurpateur Heraclianus, condamné comme hostis publicus (CTh., IX, 40, 21).

65 Orose, Hist., VII, 35, 9 ; 18.

66 Claudien, IV cos. Honor., 95-97.

67 Pan. Lat., XII, 42, 1 ; 44, 1.

68 Ibid., XII, 25-29.

69 Ibid., XII, 31, 1 ; 45, 4.

70 Les lamellae constituaient un supplice prisé par Verrès, notamment pour des esclaves délinquants (Cicéron, De suppl., V, 163).

71 Pan. Lat., XII, 12, 2 : publici parricidae ; 30, 3 ; 42, 1.

72 CTh., IX, 15, 1 (318).

73 Pan. Lat., XII, 41, 2.

74 A. Chastagnol (éd.), Histoire Auguste, Paris, 1994, p. LXXXIII ; XCI-XCII.

75 R. Syme, Ammianus and the Historia Augusta, Oxford, 1968, p. 76-77.

76 Pan. Lat., XII, 44, 2.

77 Ibid., XII, 38, 5.

78 Pan. Lat., XII, 44, 3. De même, Constantin est supposé avoir été forcé de mettre à mort Licinius en 325 sous la pression de ses soldats (Origo Const., V, 29).

79 Pan. Lat., XII, 42, 3.

80 Ibid., XII, 42, 3 ; 44, 2.

81 Epit. De Caes., XLVIII, 9 ; 12 ; Pan. Lat., XII, 46, 1-2.

82 Pan. Lat., XII, 43, 1-3. En réalité, Théodose avait déjà fait mettre à mort Victor, le fils de Maxime qui l’avait associé à son pouvoir (Zosime, H. N., IV, 47). L’exécution de Maxime était inévitable.

83 Voir H. Sivan, « Was Theodosius I a Usurper ? », Klio, 78, 1996, p. 198-211.

84 Orose, Hist., VII, 34, 9 ; Sulpice Sévère, Dial., II, 6.

85 Constance II lui a permis de vivre six ans comme simple particulier à Pruse en bénéficiant même d’une pension impériale. Cf. PLRE, I, Vetranio, p. 954

86 Pan. Lat., XII, 41, 4 ; 42, 2.

87 J.-L. Voisin, « L’empereur qui se tue », dans B. Boissavit-Camus, F. Chausson et H. Inglebert (dir.), La mort du souverain entre Antiquité et haut Moyen Âge, Paris, 2006, p. 127-138 ; A.Karpozilos, « Suicide in Byzantium », Hellenika, 57, 1, 2007, p. 83-84.

88 Sozomène, H. E., IX, 13. Cet auteur avait une bonne opinion de cet empereur, qui dérive probablement d’Olympiodore (frg. 17, 1). Voir aussi Orose, Hist., VII, 42, 4. Cf. PLRE, II, Gerontius 5, p. 508.

89 Epitome de Caes., 42, 6.

90 Claudien, III cos. Hon., 103-105. Voir aussi IV cos. Hon., 91. Cf. PLRE, I, Arbogast, p. 95-96.

91 PLRE, II, Priscus Attalus, p. 180-181. Sur les deux usurpations d’Attale, voir V. Sirago, Galla Placidia e la trasformazione politica dell’occidente, Louvain, 1961, p. 100-106 ; 164-166 ; J. F. Matthews, Western aristocraties and Imperial Court, AD 364-425, Oxford, 1975, p. 284-306.

92 Prosper, Chron., 1254.

93 Prosper, Chron., 1263 : Honorius Romam cum triumpho ingreditur pareeunte currum eius Attalo ; Orose, Hist., VII, 42, 9. Des jeux théâtraux et des courses de chars ont été organisés à Constantinople le 8 juillet 416 (Chronicon Paschale, p. 572.8-12 Dindorf). Le triomphe romain s’est déroulé un 28 juin probablement en 416. Cette coïncidence pourrait illustrer la concorde existant entre les deux cours impériales théodosiennes d’Occident et d’Orient. Cependant, selon G. Cecconi, la date de ce triomphe serait incertaine, entre 416 et 418. Cf. G. Cecconi, « Gruppi di potere, indirizzi politici, rapporti tra Goti e Romani : la vicenda di Prisco Attalo », dans I. Baldini, S. Cosentino, Potere et politicia nell’età della famiglia teodosiana (395-455), Bari, 2013, p. 141-162, spécialement p. 147 note 24.

94 Olympiodore, frg. 13 ; 26, 2 ; Philostorge, H. E., XII, 5 (inspiré d’Olympiodore) ; Prosper, Chron., 1263 (Lipari).

95 Orose, Hist., VII, 42, 9 : truncate manu vitae relictus est ; Marcellinus comes, Chron., s. a. 412.

96 Olympiodore, frg. 13. Sozomène (H. E., IX, 8, 5) ne mentionne pas la proposition de Jovius. Les autres historiens qui évoquent cet épisode, qui se sont tous inspirés d’Olympiodore, ont déformé ses propos. Selon Zosime (H. N., VI, 6, 1-2), Jovius, au nom d’Attale, aurait proposé à Honorius l’exil assorti d’une mutilation, ce qui aurait été perçu comme une forme d’insolence déplacée envers la majesté impériale. Selon Philostorge (H. E., XII, 3), c’est Attale lui-même qui aurait transmis cette proposition à Honorius.

97 Prosper d’Aquitaine (Chron., 1263), qui est le seul à évoquer la participation d’Attale au triomphe d’Honorius, constitue aussi l’unique source qui ne mentionne pas l’amputation d’une main. L’ordre des événements est donc difficile à reconstituer.

98 La tête de l’usurpateur Constantin III a ainsi été exposée à Ravenne en 411 (Cons. Const., s. a., 411).

99 Lactance, De la mort des persécuteurs, 36.

100 Ammien Marcellin, Hist., XXIX, 5, 22, 31.

101 Augustin, Ep., 133, 1 ; 134, 2. Cf. PCBE, I, Innocentius 8, p. 603.

102 Passio Maximiani et Isaac, 8, 59-61.

103 Orose, Hist., VII, 42, 7 : Quid de infelicissimo Attalo loquar, cui occidi inter tyrannos honor et mori lucrum fuisset ?

104 Zosime, H. N., VI, 7, 3.

105 Orose, Hist., VII, 42, 1-15.

106 Eutrope, IX, 13, 2 ; Aurelius Victor, Caes., 35, 5. Selon l’Histoire Auguste (Claud., IV, 4), les sénateurs se seraient écriés lors d’une séance en présence de l’empereur Claude II : Tetricus nihil fecit. Il s’agit d’un anachronisme volontaire, puisque Tetricus est parvenu au pouvoir en 271, après la mort de Claude II.

107 J. Matthews, Western aristocraties and Imperial Court A. D. 364 - 425, Oxford, 1975, p. 352-360.

108 Olympiodore, frg. 16. Attale, abandonné par les Goths (Prosper, Chron., 1256), n’avait pas de raison de garder les insignes impériaux.

109 Sozomène, H. E., IX, 8 confirmé par CTh., IX, 38, 11.

110 Tels Abundantius et Timasius en 396 pour la partie orientale de l’Empire (Zosime, H. N., V, 9-10 ; Jérôme, Ep., 60, 16).

111 PLRE, II, Ioannes, p. 316-317. Sur l’usurpation de Jean, voir V. Sirago, op. cit., p. 250-253 ; J. F. Matthews, op. cit., p. 379-381.

112 Procope, B. Vand., I, 3, 4-9. Ce passage dérive très probablement d’Olympiodore (voir frg. 46). Procope, en détaillant cette fin sordide, peut éventuellement avoir voulu critiquer cette humiliation publique. Il offre en effet un portrait plutôt positif de cet usurpateur. Ce portrait est sans doute inspiré d’Olympiodore, favorable au Sénat de Rome, même si l’œuvre de ce dernier était dédiée à Théodose II. Voir J. F. Matthews, op. cit., p. 377-388.

113 P. Schmitt-Pantel, « L’âne, l’adultère et la cité » dans J. Le Goff, J. Cl. Schmitt, Le Charivari, Paris-La Haye-New York, 1981, p. 117-122.

114 Philostorge, H. E., XII, 14.

115 Theophanes, A. M., 6133.

116 Ibid., 6187.

117 E. Patlagean, « Byzance et le blason pénal du corps » dans Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Actes de la table ronde (Rome, 9-11 novembre 1982), CEFR 79, 1984, p. 411-412 ; A. Paradiso, « Mutilations par voie de justice à Byzance. L’ablation du nez dans l’Eklogê de Léon III l’Isaurien » dans J.-M. Bertrand, La violence dans les mondes grec et romain, Paris, 2005, p. 307-320, spécialement p. 313-314.

118 Victor de Tunnana, Chron., s. a. 455 : Ricimirus patricius Avitum superat, cuius innocentiae parcens Placentiae civitatis episcopum facit ; Grégoire de Tours, H. F., II, 11 ; Jordanès, Get., 240.

119 Jordanès, Rom., 338 ; Jean d’Antioche, frg., 209, 2. Le comte Marcellin (Chron., s. a. 474) et l’anonyme de Valois (VII, 36) mentionnent l’ordination de Glycerius comme évêque sans mentionner son siège. Selon Jordanès (Get., 241), Glycerius aurait été ordonné évêque à Ostie dès sa déposition. Cf. PLRE, II, Glycerius, p. 514.

120 Selon Malchus (Photius, frg. 78), Glycerius aurait même joué un rôle dans la mort de Nepos en Dalmatie en 480.

121 Sozomène, H. E., IX, 15. Cf. PLRE, II, Constantinus, p. 316-317.

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