Les beautés « naturelles » méditerranéennes à l’épreuve des multinationales industrielles
L’affaire de la calanque de Port-Miou
p. 361-374
Texte intégral
1Marseille, 13 mars 1910, vers 7 h 40 : le hall de la gare Saint-Charles est envahi par 1 350 excursionnistes qui se pressent pour monter dans les deux trains du PLM en partance pour Cassis ; auparavant, à 7 heures, un vapeur spécialement affrété par la Société nautique de Marseille a quitté la ville en direction du même petit port provençal ; au Redon, d’autres excursionnistes, plus courageux, se sont mis en route dès 5 h 30 pour traverser à pied le col de la Gineste et rejoindre à leur tour Cassis, malgré un « ciel gris chargé de nuages qui menacent de crever à chaque instant »1. En ce dimanche matin de mars à ne pas mettre un citadin dehors, près de 2 000 personnes se rendent ainsi à Cassis dans le but de participer à ce qui est probablement une des premières grandes manifestations organisées en faveur de la défense d’une des beautés « naturelles » du littoral provençal contre les agressions de l’industrie : la calanque de Port-Miou2. Une fois sur place, à proximité de la carrière exploitée par la société belge Solvay & Cie3, les manifestants se rassemblent autour du Capoulié du Félibrige, Valère Bernard – peintre, poète et écrivain connu pour son roman Bagatóuni (1894) – et l’écoutent déclamer plusieurs strophes où il critique, dans la lignée de la pensée mistralienne ou d’un Victor Gélu4, les méfaits du progrès, de l’industrie
Que pèr cafi lei pocho en quauquei gros catau,
Destrus l’obro de naturo
L’obro de Dièu que nous empuro,
L’aubre, lei flour et la verduro
Benuranço dou paure en un monde brutau5 !
2D’autres orateurs prennent ensuite la parole, tantôt en provençal (Pfluger, président des Troubaïre Marsihés, le poète populaire Amable Richier), tantôt en français (Ardisson de Perdiguier, Paul Barlatier, directeur du Sémaphore de Marseille) et dénoncent à leur tour ces « actes de vandalisme6 », ce « véritable attentat à la beauté naturelle du pays7 » perpétré par la multinationale8. De retour à Marseille, les manifestants remettent au préfet une motion en deux points votée sur proposition de Dominique Piazza, président fondateur des Excursionnistes marseillais : limitation du front de taille de la carrière ; classement des calanques de Port-Miou, Port-Pin et En-Vau9.
3Comment en est-on arrivé là ? Après tout, ce n’est pas la première fois qu’une industrie s’implante dans les calanques du massif de Marseilleveyre, « ce flot de dentelle de pierre, si joliment étalé des Goudes au Cap Canaille10 ». Depuis 1810, plusieurs usines – bien plus dévastatrices et dangereuses que la carrière Solvay & Cie – ont été construites dans les calanques de Samena, de l’Escalette, aux Goudes, à Callelongue ou à proximité de celle de Sormiou pour produire du plomb, de la soude, de l’acide sulfurique, du soufre et du pétrole, sans que cela n’ait jamais soulevé de protestations aussi vives. Pourquoi donc une telle réaction en 1910, à propos de Port-Miou ? S’agit-il d’un site hors norme au regard des autres calanques ? Faut-il y voir la traduction d’une plus grande sensibilité des populations à la destruction physique des sites qu’à leur pollution ? Est-ce plutôt l’indice d’une évolution des mœurs et de la représentation d’un environnement « naturel » désormais davantage perçu – notamment depuis la loi de 190611 – comme un patrimoine culturel porteur de valeurs d’usages, « un spectacle, un sujet d’explorations, de contemplations et de nouveaux rituels », comme un site idéal d’excursion pour des Marseillais souhaitant « allier oxygénation, sérénité, développement du corps et de l’esprit, proximité12 » ? S’agit-il, plus prosaïquement, d’une réaction de rejet classique à l’égard d’une société étrangère – par ses dirigeants belges et ses ouvriers italiens – accusée de « s’arroger le droit de saccager ces œuvres d’art naturel » comme en pays conquis13 ? C’est ce que nous proposons d’analyser dans cet article choisi en hommage aux nombreuses recherches effectuées par Jean-Marie Guillon pour mieux comprendre et faire connaître l’histoire de cette Provence si chère à son cœur.
Intervention du Capoulié Valère Bernard lors de la manifestation du 13 mars à Port-Miou

Source : Coll. privée.
Le lancement de l’affaire
4L’affaire de la calanque de Port-Miou commence fin 1909. Le 12 novembre, Alphonse Cyprien-Fabre, avocat, président de la Société nautique de Marseille – haut lieu de sociabilité de la bourgeoisie d’affaires marseillaise – et fils de l’ancien armateur et président de la Chambre de commerce Cyprien Fabre, écrit au ministre de la Marine et des Travaux publics, au préfet des Bouches-du-Rhône, au Conseil général, au maire de Cassis, au Syndicat d’initiative de Provence et à d’autres associations pour dénoncer les « conséquences désastreuses » de l’élargissement du front de taille de la carrière Solvay & Cie en direction du fond de la calanque. Ses griefs portent sur trois points : les tirs de mines quotidiens empêchent le mouillage des navires, entravent la navigation et rendent partiellement inutilisable ce « port naturel de premier ordre » ; les mêmes tirs projettent à la mer « une quantité considérable de pierres » qui rehaussent le fond de la calanque et ne permettent plus aux torpilleurs de la Marine de venir y mouiller, comme ils le font généralement lorsqu’ils sont en manœuvre ; la présence même de la carrière « produit les effets les plus fâcheux au point de vue de l’esthétique » :
La calanque de Port-Miou constitue l’un des sites les plus remarquables de cette partie de la côte. On ne saurait sans protester laisser détruire le pittoresque de cette calanque et cela au moment même où les pouvoirs publics se préoccupent de la conservation des beautés naturelles de notre pays […]. En résumé, les agissements de la société Solvay & Cie sont contraires à l’intérêt de la navigation, à l’intérêt de la défense nationale qui exige le maintien du port naturel existant à Port-Miou et enfin à l’intérêt de la population de Cassis qui bénéficie du mouvement des visiteurs allant à Port-Miou ou en revenant. À ce triple point de vue notre société pense que vous ne sauriez, Monsieur le Préfet, vous désintéresser de cette question14.
5L’affaire se médiatise le 24 novembre 1909 lorsque le Petit marseillais, dont le directeur Jean-Baptiste Samat fils est aussi vice-président de la Société nautique de Marseille, décide de rendre public le contenu de la lettre envoyée aux pouvoirs publics. Le Petit marseillais relance le sujet le 22 janvier 1910 en annonçant à ses lecteurs qu’Alphonse Cyprien-Fabre a reçu le soutien de deux personnalités éminentes dont les réponses sont publiées in extenso dans le quotidien : Jules Charles-Roux, ex-député de Marseille, savonnier et homme d’affaires reconnu intégré aux conseils d’administration de nombreuses sociétés nationales et internationales15 ; Frédéric Mistral, fondateur et leader charismatique du Félibrige. Dans la lettre envoyée à Cyprien-Fabre depuis Maillane, Mistral dit son aversion pour « l’utilitarisme » et la « poussée des intérêts industriels » qui enlaidissent tout. Il rappelle que « la beauté du pays est le patrimoine de tous ses habitants »16 et précise surtout qu’il a dédié « à cette crique remarquable » tout un chant de son poème Calendau (1867) où le personnage central, jeune pêcheur de Cassis, représente la figure du jeune patriote sorti du peuple luttant avec succès pour libérer son pays17 :
Vers lou boucau de nostro rado,
I’ a’ no calanco retirado
Que ié dison Pormiéu : l’intrado
Fai orre, entre de baus rouiga per lou charpin
De la marino, que s’enfourno,
En s’esbroufant, dins si cafourno.
Se ressarron li baus tout-d’un-cop, e cresés
Que l’aspro gorgo aqui s’assouide…
Noun… tout-d’un-cop fai un recouide,
E, clar et blu, descato un ouide
Que s’estremo e s’alongo, alin tant que vesès18.
6La calanque de Port-Miou a trouvé son héros ; elle devient la calanco de Calendau19. Le symbole est fort et le coup médiatique bien joué. D’autant que la pétition lancée par la Société nautique de Marseille a su rallier Alexandre Gervais, maire de Cassis, et tous les pêcheurs. Dans un entretien accordé au légitimiste Soleil du Midi, également très en pointe dans cette polémique, Alphonse Cyprien-Fabre insiste sur les difficultés rencontrées par les pêcheurs de Cassis : avec la succession des tirs de mines, les algues du fond de la calanque ont été progressivement recouvertes de blocs calcaires et les crevettes destinées à l’escage des palangres ont disparu ; les filets au moulinet se remplissent de pierres et finissent par être crevés. D’autres pêches sont également affectées par les activités de la carrière Solvay & Cie :
La seinche, la pêche aux palamides, la pêche au pesquet, autrefois si fructueuses dans la calanque de Port-Miou, sont aujourd’hui à peu près abandonnées. Le poisson a fui, pourchassé par l’ébranlement des explosions se produisant sur le rivage et par la pluie de gravats dans les eaux jadis si paisible de la calanque20.
7La polémique enfle et les pétitionnaires peaufinent leur campagne. À l’issue de la réunion du 9 février 1910 au pavillon flottant de la Société nautique de Marseille, ils décident d’organiser le dimanche 13 mars une grande manifestation à Port-Miou21. Le programme de la journée est arrêté au cours de la réunion du 3 mars – toujours au pavillon flottant – où Alphonse Cyprien-Fabre reçoit le soutien officiel des représentants d’une cinquantaine de « sociétés excursionnistes, sportives, artistiques, littéraires, archéologiques, musicales etc.22 ».
8Au-delà des critiques et des préparatifs de la manifestation, que veulent les pétitionnaires ? Très peu de voix s’élèvent pour proposer un arrêt complet de la carrière. Il est vrai que sa fermeture pénaliserait les savonneries – la soude Solvay & Cie est plus pure et bien moins chère que la soude Leblanc produite par les usines chimiques locales23 – et mettrait en péril l’emploi de milliers d’ouvriers marseillais24. Alphonse Cyprien-Fabre suggère plutôt que l’administration contraigne Solvay & Cie à renoncer à l’élargissement de son front de taille en direction du fond de la calanque et que la société gagne en profondeur à partir du front existant ou alors qu’elle étende l’exploitation de sa carrière vers l’embouchure de la calanque25. Dans les deux cas, il faudrait que Solvay & Cie accepte de racheter de nouveaux terrains à l’industriel Paul boude et que celui-ci soit vendeur26.
Plan de la carrière Solvay & Cie à Port-Miou

Source : AD BdR, 236 J 415.
La riposte de Solvay & Cie
9Comment réagissent les dirigeants de l’usine Solvay & Cie de Salin-de-Giraud et du siège, à Bruxelles ? Dans un premier temps, ils sont surpris par la soudaineté et la violence de la charge, tout en n’y accordant pas une très grande importance. La société est sûre de son bon droit et la direction de Salin-de-Giraud pense que la campagne de presse
n’est due qu’à la mauvaise humeur de quelques propriétaires de bateaux de plaisance qui vont se promener dans la calanque de Port-Miou et qui trouvent désagréable de se déplacer au moment de l’explosion des mines27.
10Le siège est plus circonspect et prône la prudence « car dans le Midi on ne sait jamais jusqu’où peuvent aller les mouvements d’opinion »28. Mais face à l’aggravation de la polémique et à l’hostilité déclarée d’Alphonse Cyprien-Fabre – il fait stationner son yacht à proximité du lieu d’éclatement des mines pendant plusieurs mois et un procès-verbal est dressé à chaque fois qu’une pierre tombe sur le pont du bateau29 –, Pierre Tournayre, directeur de l’usine de Salin-de-Giraud, décide de le rencontrer pour essayer de dissiper les malentendus et tenter de trouver un arrangement. L’entrevue se passe très mal. Cyprien-Fabre se montre inflexible et identifie son combat à celui de Calendau, le héros de Mistral :
J’ai cru bon d’aller le voir et de lui demander courtoisement en quoi nous avions pu lui déplaire à ce point. J’ai rencontré un jeune homme (30-35 ans environ) qui m’a fait l’effet d’un fou inconscient. « C’est moi », dit-il, « moi seul qui ai créé cette affaire et j’ai agi ainsi par patriotisme. Comme Calendal, le héros de Mistral, je veux protéger nos beautés naturelles de la région de Cassis et je ne permettrai pas qu’une société étrangère vienne impunément détruire nos sites ! J’ai même reçu les encouragements du grand poète à ce sujet ! Je ne me fais pas d’illusion, d’ailleurs ; je sais bien que nous ne réussirons pas et que finalement vous aurez gain de cause ; car vous avez les bras longs, le roi Léopold est dans votre affaire et vous êtes assez riches pour pouvoir acheter qui vous voulez ! Mais je ne suis pas à vendre. Vous pouvez m’offrir un chèque, je le refuserai ! Donnez plutôt satisfaction à nos désirs ; au lieu d’exploiter, comme vous voulez le faire, jusqu’au fond de la calanque, exploitez en profondeur dans les limites de la trémie et du château. Pour nous montrer conciliants, nous accepterions même que vous exploitiez en aval de la pointe du jusqu’à l’entrée de la calanque30.
11Pierre Tournayre répond aussi longuement aux accusations lancées par la Société nautique de Marseille. Dans un rapport adressé aux services préfectoraux, il reprend un à un les points soulevés par Alphonse Cyprien-Fabre. Sans nier l’élargissement du front de taille en direction du fond de la calanque pour pouvoir répondre aux impératifs de production de l’usine de Salin-de-Giraud, il nie qu’à chaque explosion « une quantité considérable de pierres » soit précipitée à la mer, au point de ruiner la pêche, de rehausser les fonds et d’entraver la navigation :
Des torpilleurs sont allés récemment ces jours derniers jusqu’au fond de la calanque et ils n’ont pas eu d’observations à faire. D’ailleurs, n’est-il pas de notre propre intérêt de maintenir la calanque en parfait état ? Ne sont-ce pas nos propres bateaux Solvay no 1 (qui cale 3,75 m) et Espérance (3,10 m) qui circulent le plus dans la calanque ? Celle-ci a été approfondie par nous en 1901, au moyen de dérochements et de dragages jusqu’à hauteur de château environ et elle est encore aujourd’hui dans le même état qu’à cette date31.
12Reste la question esthétique, si souvent mise en avant par les associations. Pierre Tournayre reconnaît que « l’aspect artistique » de la calanque a été diminué, mais évacue aussitôt le problème en demandant à son interlocuteur si les intérêts de l’industrie valent d’être ainsi « sacrifiés à cette unique considération32 » ?
13Ses arguments sont bientôt corroborés par l’administration. Dans son rapport du 18 janvier 1910, l’ingénieur de l’administration préfectorale amené à se prononcer sur l’importance des chutes de blocs calcaires dans la calanque, relativise les projections. Il constate, après enquête sur le terrain, que la profondeur n’a pas varié depuis 1901 et que les algues sont toujours là, doutant, au passage, du bien-fondé des protestations des pêcheurs de Cassis :
La flore y est toujours très vivace et les pêcheurs de crevettes et d’oursins au filet traînant qui auraient été les premiers à jeter un cri d’alarme, si une atteinte avait été portée à leur industrie, ne sont nullement émus et continuent sans avarie pour leurs filets, l’exercice de leur profession33.
14Quant à la dégradation esthétique du site, « cette sorte de profanation », l’ingénieur la déplore tout en reconnaissant qu’il ne peut que s’incliner « et accepter le fait accompli »34. D’une part, parce que Solvay & Cie ne fait qu’user de son droit de propriétaire ; d’autre part, parce que Cassis profite de l’activité de la carrière. Les salaires versés aux ouvriers représentent alors une masse salariale annuelle de l’ordre de 90 000 francs, « dont les ¾ au moins profitent à la population de Cassis, sous la forme d’un bénéfice que l’on estime à 15 à 18 000 francs35 ». Il en conclut « que les préjudices causés […] par l’exploitation de la carrière de la société Solvay & Cie dans la calanque de Port-Miou sont illusoires36 ». Les considérations économiques prévalent.
15À l’approche de la manifestation du 13 mars, Solvay & Cie multiplie toutefois les initiatives pour essayer de fragiliser le front des mécontents. Ses efforts se concentrent sur Cassis où les commerçants n’acceptent pas de prendre position contre les exploitants de la carrière et critiquent l’attitude du maire. Début mars, le conseil municipal de Cassis reconsidère donc la question et refuse, finalement, de se joindre à la future manifestation37. Solvay & Cie essaye surtout d’obtenir un changement d’attitude des pêcheurs qui, jusque-là, n’avaient jamais formulé de critiques particulières à l’égard de la carrière. Les discussions engagées en janvier 1910 sont toutefois difficiles. Elles achoppent principalement sur des aspects financiers, les pêcheurs de Cassis essayant visiblement de profiter de l’effet d’aubaine créé par la polémique – et du poids réel et symbolique de leur positionnement dans le bras de fer engagé – pour obtenir les plus larges concessions possibles :
Le syndic nous disait que si nous nous décidons à consacrer une somme de 400 à 500 francs par an pour soulager les familles nombreuses et éprouvées, les pêcheurs changeraient probablement d’attitude à notre égard. Nous pensons que l’on pourrait peut-être faire le sacrifice de cette somme qui serait largement récupérée sur les frais d’exploitation, car si nous nous mettons à dos tous ces pêcheurs nous aurons de grandes difficultés pour exploiter et la Société nautique de Marseille pourrait peut-être arriver à nous faire limiter l’exploitation38.
16Un accord est finalement trouvé début mars, quelques jours seulement avant la manifestation. En témoignage « d’estime et d’intérêt aux pêcheurs de Cassis », Solvay & Cie s’engage à réduire au maximum les projections de pierres ; à retirer du fond de la calanque toutes celles qui pourraient provenir des tirs de mines ; à rétablir l’ancienne plage qui existait près de château pour permettre aux pêcheurs de tirer leurs bateaux à terre ; à construire en face du château, sur l’autre rive de la calanque, un quai de 20 à 30 mètres, avec plan incliné à chaque extrémité ; à construire une cabane, avec toiture cimentée, aux abords de ce quai où les pêcheurs pourront s’abriter le cas échéant ; à indemniser ceux dont les « engins de pêche » auraient été endommagés par les activités de la société ; à verser une somme exceptionnelle de 500 francs à l’occasion de la formation du syndicat des pêcheurs de Cassis et à augmenter de 100 à 500 francs la subvention annuelle versée par Solvay & Cie aux pêcheurs depuis 1896. C’est « un peu cher », concède Louis Montigneaux directeur de la carrière, mais en contrepartie les pêcheurs se sont engagés à abandonner « immédiatement toutes leurs revendications et nous ont promis de rester neutres dans tous les incidents qui pourraient se produire au cours de notre exploitation »39. Et, de fait, aucun pêcheur, ni aucun autre habitant de Cassis d’ailleurs, ne se joindra à la manifestation du 13 mars40. Par son poids économique et à sa puissance financière, Solvay & Cie a donc réussi à désolidariser les principaux concernés du reste des opposants et à affaiblir la légitimité du combat mené par ces derniers. La défense de la calanque de Port-Miou apparaît plus que jamais comme un mouvement de notables marseillais coupés des préoccupations des autochtones. Quoi qu’il en soit, la polémique ne disparaît pas au lendemain de la manifestation du 13 mars, même si elle tend tout de même à s’essouffler. Elle se poursuit pendant plusieurs mois jusqu’à ce que le directeur de la Marine à Marseille reçoive, le 22 octobre 1910, une dépêche du sous-secrétaire d’État à la Marine l’informant qu’il n’y a aucune suite à donner à la plainte de la Société nautique de Marseille. Certains de ses membres, comme Court-Picon, tentent encore de résister en faisant mouiller leur navire non loin du front de taille. Mais en août 1912 une note officielle lui intime l’ordre de ne plus laisser son yacht dans la calanque et l’homme d’affaires obtempère. L’affaire de la calanque de Port-Miou est alors terminée.
Au-delà du tohu-bohu médiatique
17Au-delà du tohu-bohu médiatique provoqué par cette affaire, quelles interprétations convient-il de privilégier pour restituer à cet événement exceptionnel sa dimension adéquate, que ce soit dans les raisons de son déclenchement ou dans la montée en puissance de son audience dans les journaux et au sein du monde associatif ? Plusieurs éléments semblent clairement établis. Concernant l’activité de la carrière de Port-Miou, tout d’abord. Son exploitation change bien d’échelle à partir de 1907. À cette date, le site emploie 70 à 80 ouvriers – uniquement des ouvriers italiens célibataires – et produit 40 000 tonnes de calcaire à un prix de moyen de 1,94 franc la tonne. Jugeant ce coût excessif, estimant surtout que la production ne satisfait plus les besoins grandissants de la soudière de Salin-de-Giraud dont les produits ne cessent de gagner des parts de marché parmi les savonneries marseillaises, le directeur Pierre Tournayre résilie le contrat du gérant Louis Caillol et décide d’exploiter directement le site41. Fin 1907, le prix de revient de la tonne de calcaire a déjà baissé de 24 %42. Le front de taille est ensuite élargi de 240 à 500 mètres – en direction du fond de la calanque – de manière à doubler la production annuelle dans les plus brefs délais. Dans la même logique, près de 21 000 francs sont investis dans la mécanisation partielle des opérations de production avec l’introduction de perforatrices à air comprimé Ingersoll Rand pour débiter plus rapidement les blocs qui ont été préalablement détachés du front de taille par les tirs de mines. Grâce à ces différentes initiatives, la production de la carrière atteint les 80 000 tonnes espérées dès 1909. Le ressenti des opposants n’est donc pas surfait.
18D’autres éléments ont aussi joué. On ne peut occulter, par exemple, l’importance de la sensibilité de la société de l’époque, ou d’une frange de cette société, à l’égard de la beauté des paysages provençaux magnifiée, entre autres, dans les œuvres de Mistral et par nombre de félibres ou d’excursionnistes inquiets de voir disparaître certains éléments paysagers jugés emblématiques sous l’action de la croissance industrielle43. Si au début du xixe les accents saint-simoniens sur les bienfaits économiques et sociaux de l’essor industriel semblent prédominer, les dernières décennies du siècle sont moins enthousiastes à ce sujet. Cette angoisse face à la perte irréversible d’un monument « naturel » se renforce et se complexifie en se mêlant à d’autres sentiments – ce qu’a très bien évoqué Marie-Françoise Attard-Maraninchi dans ses recherches sur les excursionnistes marseillais – où s’exprime un désir de rencontre avec une « nature sauvage » comme s’il s’agissait, pour les citadins qui la pratiquent, de se régénérer en renouant avec « la part la plus authentique d’eux-mêmes44 ». On ne peut ignorer non plus, ni même minimiser, le mécontentement et les frustrations ressenties par certains notables marseillais habitués, jusque-là, à jouir de la calanque de Port-Miou en toute quiétude. Plusieurs indices le montrent bien. Le dimanche 31 octobre 1909, quelques jours seulement avant qu’Alphonse Cyprien-Fabre ne déclenche la polémique, la Société nautique de Marseille avait organisé une excursion de plusieurs yachts dans la calanque de Port-Miou. Certains de ces bateaux s’étaient attardés jusqu’au mardi et avaient alors été contraints, non sans quelques heurts verbaux, de déplacer leur mouillage pour ne pas être exposés aux projections des tirs de mines. L’extension du front de taille vers le fond de la calanque remet aussi en cause certaines tolérances :
M. Paul Court-Picon fréquente depuis longtemps la calanque où il va en parties de plaisir. Il usait autrefois, avec l’autorisation de M. Montigneaux, du jardin du château et de l’annexe pour y déposer différents objets. Depuis l’agrandissement du front de taille de la carrière, M. Court ne peut plus jouir des mêmes facilités et il a dû reculer le mouillage de son bateau. D’où un très vif mécontentement qu’il a manifesté à différentes reprises d’une façon quelquefois grossière. M. Court-Picon (petit fils de M. Picon, l’inventeur de l’apéritif) est membre de la Société nautique45.
19Simple conflit d’usage donc ? En apparence seulement. La situation est en réalité plus complexe et il faut revenir quelques années en arrière pour mieux saisir les vrais enjeux de cette affaire orchestrée par la Société nautique de Marseille. La carrière de Port-Miou a été créée dans un terrain de 15 hectares acheté le 22 juillet 1896 par Solvay & Cie à Paul Boude, raffineur de soufre, pour 150 000 francs. Ce terrain a été détaché d’une propriété de 44 hectares achetée 12 675 francs le 13 juillet 1895 par le même Paul Boude à la mairie de Cassis46. Paul Boude a donc revendu 10 000 francs l’hectare acheté 288 francs un an auparavant… Et cela l’a mis en appétit. En 1907, au moment même où Solvay & Cie décide de doubler les capacités de production de sa carrière, Paul Boude propose à la société d’acheter la totalité des hectares qu’il possède autour du site. Solvay & Cie aurait ainsi
la facilité de pousser leur travaux dans le sens de la profondeur des terres et éviter de nouveaux travaux de trémies ou autres et de creusement onéreux des fonds de mer, travaux auxquels ils seront conduits à mesure que leur exploitation deviendra plus ancienne ou plus intense et gagnera vers l’extrémité de la calanque47.
20La similitude de cette proposition, avec la solution avancée par Alphonse Cyprien-Fabre lors de son entrevue houleuse avec Pierre Tournayre, amène ce dernier à s’interroger sur les vrais mobiles de l’affaire :
Sans qu’on puisse rien affirmer, il semble bien que si M. Fabre voulait faire le jeu de M. Boude, il ne s’y prendrait pas autrement. Que nous exploitions la carrière en profondeur dans les limites assignées, ou que nous voulions nous rendre en aval de notre propriété, nous tomberions chez M. Boude48.
21Autre fait troublant :
Très fréquemment, presque tous les dimanches nous dit M. Montigeaux, M. Boude se rend dans sa propriété de la Fontasse (celle qu’il veut nous vendre) en compagnie de M. Samat, vice-président de la Société nautique et directeur du journal Le Petit marseillais, qui a fait contre nous l’article que vous connaissez49.
22Des indices sérieux donc, mais pas de certitudes. Après la manifestation du 13 mars 1910, alors que tous les protagonistes sont dans l’attente d’une décision de l’État, Paul Boude revient à la charge par l’intermédiaire d’Hubert Giraud, administrateur directeur de la Société générale de transport maritime et membre de la Chambre de commerce de Marseille. De passage à Bruxelles au cours d’un voyage qui doit le conduire en Hollande, Hubert Giraud se rend au siège de Solvay & Cie et évoque à nouveau la possibilité d’une vente de la propriété Boude au prix de 10 000 francs l’hectare :
Nous avons laissé entendre que si M. Boude voulait nous céder à un prix raisonnable quelques hectares de terrain derrière notre propriété actuelle, nous achèterions volontiers de façon à reculer notre exploitation et à montrer bonne volonté en donnant de plein gré, et tout au moins partiellement, satisfactions aux plaintes de la Société nautique. C’est alors que M. Giraud nous a dit que la presqu’île de la Cacau venait d’être vendue par M. Boude à raison de 10 000 francs l’hectare. Nous lui avons dit catégoriquement que nous ne pouvions envisager un prix pareil […]. M. Giraud a dit alors qu’à l’occasion il en parlerait à M. Boude ; il n’a plus donné signe de vie depuis lors. Nous avons l’intention très nette que M. Giraud, d’accord avec M. Boude, chercherait à connaître nos intentions concernant l’achat éventuel de terrains50.
23Faut-il alors en déduire que le fond de cette polémique qui a mobilisé des dizaines d’associations et plusieurs centaines de personnes pendant des mois au nom de la sauvegarde des beautés « naturelles » du paysage provençal, se résume à une simple manipulation destinée à masquer une banale spéculation foncière ? Dans l’état actuel des recherches, la question ne peut pas être tranchée avec certitude, même si les présomptions sont fortes. Ce ne serait pas la première fois, en tout cas, que l’on assisterait en Provence à l’instrumentalisation d’un conflit environnemental – et de ceux, nombreux, qui y ont adhéré en toute bonne foi – pour des motifs purement économiques51.
24Que retenir, en dernière analyse, de la manifestation du 13 mars 1910 ? Elle pose, tout d’abord, la question de la juste mesure de la contestation et de la sensibilité de l’opinion. Ces protestations auraient-elles connu un tel effet structurant si, en coulisse, Alphonse Cyprien-Fabre n’avait pas à ce point mobilisé son réseau relationnel pour organiser et amplifier l’expression du mécontentement ? Il est évidemment bien difficile de répondre à une telle interrogation, mais les risques d’une surreprésentation de la sensibilité et de la combativité de l’opinion – ou des associations locales – à l’égard de la destruction de paysages jugés emblématiques, sont réels. Cette manifestation montre ensuite l’importance de l’engagement du Félibrige dans ce conflit de type environnemental, que ce soit par le support idéologique apporté – fortement relayé par la presse légitimiste52 – ou par l’implication directe de ses membres. La venue à Port Miou du chef du Félibrige en personne – le capoulié Valère Bernard – pour déclamer en provençal un chant dénonçant les effets destructeurs de « l’utilitarisme » sur cette calanque remarquée par Mistral, est le signe d’une forte intégration de la défense de l’environnement provençal – symbole réel ou supposé d’une certaine forme de mode de vie – dans celle, plus large, de la culture régionale. Enfin, même si elle échoue à modifier les projets d’extension de la carrière Solvay & Cie, et même si elle masque des objectifs moins avouables et présentables que ceux liés à la préservation des beautés « naturelles » du littoral provençal, la manifestation n’en demeure pas moins une étape importante dans l’histoire des conflits environnementaux du Midi méditerranéen. Elle marque durablement les esprits et son souvenir est régulièrement invoqué pour asseoir et légitimer les mobilisations du même type qui émaillent l’histoire de ce territoire jusqu’à la création du parc national des calanques en 201253. Par sa résonance médiatique et sa charge symbolique, la manifestation du 13 mars 1910 à Port-Miou peut donc être considérée comme la matrice des mobilisations associatives ultérieures en faveur de la protection du littoral provençal.
Notes de bas de page
1 « Le meeting de Port-Miou », Le Radical, 14 mars 1910.
2 La beauté « monumentale » de cette calanque a été évoquée par Paul Ruat en 1895, peu de temps avant l’ouverture de la carrière Solvay & Cie, dans un des fascicules édités pour les excursionnistes : « […] Mais le chemin cesse ici, et il faut, à travers les éboulis, se guider tant bien que mal pendant quelques minutes. Soudain, le sol semble s’affaisser, comme si quelque convulsion avait entrouvert la terre pour engloutir un Dathan ou un Abiron. Une fente géante est là, béante, sous nos pieds, et, entre les deux lèvres de calcaire de son abîme blanc, la mer calme silencieuse, caresse la paroi rocheuse et reflète dans son miroir de cristal les éboulis fantastiques : c’est la calanque de Port-Miou » (P. Ruat, Excursions en Provence, Marseille, Librairie Paul Ruat, 1895, p. 21).
3 La société Solvay & Cie, gérée par l’ingénieur Armand Solvay et l’avocat Fernand Van der Straten, s’est implantée en Provence en 1895 en construisant à Salin-de-Giraud une usine de carbonate de soude destinée à approvisionner les savonneries marseillaises. Ce carbonate de soude, indispensable à la fabrication du savon, est obtenu à partir de blocs calcaires extraits de la carrière de Port-Miou (X. Daumalin, O. Lambert, P. Mioche, Une aventure industrielle en Camargue. Histoire de l’établissement Solvay de Salin-de-Giraud (1895 à nos jours), Aix-en-Provence, REF.2C Éditions, 2012, p. 9).
4 Dans son poème L’Agazo (1839), Gélu évoque les méfaits des usines à gaz tant décriées par les pêcheurs marseillais.
5 « La manifestation de Port-Miou », Le Sémaphore de Marseille, 14 mars 1910. « Qui pour remplir les poches de quelques gros richards/Détruit l’œuvre de la nature/L’œuvre de Dieu qui nous enflamme/L’arbre, les fleurs et la verdure/Félicité du pauvre dans un monde brutal » (traduction fort aimablement assurée par Jean-Claude Bouvier).
6 « Pour sauver les calanques », Massilia, avril 1910, p. 5.
7 « La manifestation de Port-Miou », Le Sémaphore de Marseille, 14 mars 1910.
8 À cette date, Solvay & Cie possède une quinzaine d’usines en Belgique (1865), au Royaume-Uni (1873, 1874), en France (1874, 1895), en Allemagne (1880, 1883, 1885, 1895, 1907), en Russie (1883, 1892), en Autriche-Hongrie (1883), aux États-Unis (1884, 1897) et en Espagne depuis 1904. C’est une des premières multinationales industrielles (P. Mioche, « Ernest Solvay, de la création d’une multinationale à la conquête du marché français », dans J. Marseille, dir., Créateurs et créations d’entreprises de la révolution industrielles à nos jours, Paris, ADHE, 2000, p. 658-659).
9 « La manifestation de Port-Miou », Le Sémaphore de Marseille, 14 mars 1910.
10 « La défense de nos côtes », Le Bavard de Marseille, 22 janvier 1910.
11 La loi de 1906 permet de créer dans chaque département une commission des sites et monuments naturels de caractère artistique. Présidée par le préfet, elle a pour mission de dresser la liste des propriétés foncières dont la conservation peut avoir, au point de vue artistique ou pittoresque, un intérêt général (S. Héritier, S. Guichard-Anguis, « Le patrimoine « naturel » entre culture et ressource », Géographie et cultures, no 66, 2008, p. 3-10).
12 M.-F. Attard-Maraninchi, « Les photographies des excursionnistes marseillais, témoignage d’une « conquête » de la Provence (1897-1914) », Provence historique, t. 52, 2002, p. 323-335.
13 « La défense de nos côtes », Le Bavard de Marseille, 22 janvier 1910.
14 Lettre d’A. Cyprien-Fabre au préfet, 12 novembre 1909 (AD BdR, 236 J 415).
15 L. Américi, X. Daumalin, Les dynasties marseillaises de la Révolution à nos jours, Paris, Éditions Perrin, 2010, p. 98-102.
16 Dans une lettre de 1865 à son ami Bonaparte-Wyse, Mistral écrivait déjà son aversion pour le monde industriel : « C’est horreur des usines, fabriques, manufactures, bourses etc. » (citée par P. Martel, Les félibres et leurs temps. Renaissance d’oc et opinion (1850-1914), Bordeaux, PUB, 2010, p. 127).
17 P. Martel, Les félibres et leurs temps. Renaissance d’oc et opinion (1850-1914), Bordeaux, PUB, 2010, p. 247.
18 « La défense de Port-Miou », Le Petit marseillais, 22 janvier 1910. « Vers l’embouchure de notre rade/Est une crique retirée/Que l’on nomme Pormieu : l’entrée/En est horrible, au milieu d’escarpement rongés par la gratelle/De la mer qui s’engouffre/Avec des ébrouements dans les anfractuosités/Les falaises se resserrent tout à coup et vous croyez/Que l’âpre gorge finit là… /Non ! Tout à coup elle se coude/Et claire et bleue découvre une tranchée/Qui, à perte de vue, s’enferme et se prolonge » (traduction de Mistral, Calendal, Chant V, vers 39-49).
19 « La calanco de Calendau », Le Soleil du Midi, 14 mars 1910.
20 « La calanque de Port-Miou », Le Soleil du Midi, 24 janvier 1910.
21 « Nos sites provençaux. Pour la défense de la calanque de Port-Miou », Le Soleil du Midi, 10 février 1910 ; « Pour la défense de Port-Miou », Le Petit provençal, 11 février 1910.
22 Parmi ces sociétés citons : les Excursionnistes marseillais, la Fédération des excursionnistes, l’Excursio-club, les Excursionnistes de Provence, les Alpinistes marseillais, le Syndicat des capitaines au long cours de Marseille et de la Méditerranée, Prouvenço (alpinistes), le Syndicat d’initiative de Provence, le Guidon gaulois, l’Olympique de Marseille, Aurore provençale, le Club alpin (section Provence), les Artistes peintres marseillais, La Lucrèce, Le chêne, l’Automobile club de Marseille, l’Amical-touring, L’Avenir artistique, l’Association sportive d’Arenc, l’Aveyron-club, le Bijou-club, le Cyclo-club, le Calanquais de la vieille-chapelle, le Cercle photographique alpin, le Club taurin marseillais, les Cadets du Midi, les Cadets phocéens, le Club ascensionniste aubagnais, Escolo de la mar, les Excursionnistes toulonnais, les Excursionnistes arlésiens, les Excursionnistes aveyronnais, la Fédération des sociétés cyclistes du Midi, la Fédération des sociétés musicales et chorales, L’Écho de la Blancarde, le Footing-club, La Girelle, l’Harmonie de sainte-Cécile, Les Intrépides, Junior football-club, le Langhing-club, Marseille-vélo, Massilia, Moto-club, Marseille-Trotter, La Palette provençale, la Prud’homie de pêche de Cassis, Société d’études sur nature, Le Rouget, La Nature, la Société d’archéologie, la Société philharmonique du Prado, la Société nautique de La Ciotat, la Société Flammarion, la Société linnéenne de Provence, la Société pour la protection des paysages de France, le Sporting-club, Leï Troubaïre Marsiès, l’Union nautique marseillaise, Vélo-music, les Voltigeurs, le Syndicat professionnel des pêcheurs de Marseille-ville, le Syndicat de la presse (« La manifestation de Port-Miou », Le Sémaphore de Marseille, 14 mars 1910).
23 X. Daumalin, Le patronat marseillais et la deuxième industrialisation 1880-1930, Aix-en-Provence, PUP, 2014, p. 90-93.
24 Entretien d’Alphonse Cyprien-Fabre, « La calanque de Port-Miou », Le Soleil du Midi, 24 janvier 1910.
25 Arch. Solvay & Cie, Lettre de l’usine de Salin-de-Giraud au siège de la société à Bruxelles, 18 décembre 1909.
26 La carrière de Port-Miou a été ouverte dans un terrain de 15 hectares acheté par Solvay & Cie le 22 juillet 1896 à Paul Boude, raffineur de soufre, pour 150 000 francs. Comme on le constate sur ce plan, ce dernier possède encore de nombreux hectares tout autour de la parcelle vendue à Solvay & Cie.
27 Arch. Solvay & Cie, Lettre de l’usine de Salin-de-Giraud au siège, 30 novembre 1909.
28 Arch. Solvay & Cie, Lettre du siège à l’usine de Salin-de-Giraud, 29 novembre 1909.
29 Arch. Solvay & Cie, Lettre de l’usine de Salin-de-Giraud au siège, 27 janvier 1910.
30 Arch. Solvay & Cie, Lettre de l’usine de Salin-de-Giraud au siège, 18 décembre 1909.
31 Lettre de l’usine de Salin-de-Giraud à M. Guyot, ingénieur des Ponts et Chaussées, 17 décembre 1909 (AD BdR, 236 J 415).
32 Arch. Solvay & Cie, Lettre de l’usine de Salin-de-Giraud à M. Guyot, ingénieur des Ponts et Chaussées, 17 décembre 1909.
33 Rapport du subdivisionnaire des Ponts-et-Chaussées à l’ingénieur Guyot, 18 janvier 1910 (AD BdR, 6 S 1056).
34 Ibid.
35 Ibid.
36 Ibid.
37 Arch. Solvay & Cie, Lettre du directeur de la carrière de Port-Miou au directeur de l’usine de Salin-de-Giraud, 3 mars 1910.
38 Arch. Solvay & Cie, Lettre du directeur de la carrière de Port-Miou au directeur de l’usine de Salin-de-Giraud, 8 février 1910.
39 Arch. Solvay & Cie, Lettre du directeur de la carrière de Port-Miou au directeur de l’usine de Salin-de-Giraud, 2 mars 1910.
40 Arch. Solvay & Cie, Lettre du directeur de la carrière de Port-Miou au directeur de l’usine de Salin-de-Giraud, 13 mars 1910.
41 Contrat résilié le 19 février 1907 (Arch. Solvay & Cie Salin-de-Giraud, Rapport annuel de 1907).
42 Il est passé de 1,94 à 1,48 franc la tonne (Rapport annuel 1907, Arch. Solvay & Cie Salin-de-Giraud).
43 On retrouve le même sentiment de perte irrémédiable de ce qui définissait une certaine forme d’organisation sociale chez Charles Maurras, lui aussi félibre, lorsqu’en 1919 la Chambre de commerce de Marseille annexe le chenal de Caronte pour y développer l’industrie lourde au détriment des activités des pêcheurs de Martigues. Sur ce sujet, cf. M. Rautenberg, La rupture patrimoniale, Grenoble, À la Croisée Éditions, 2003.
44 M.-F. Attard-Maraninchi, « Les photographies des excursionnistes marseillais, témoignage d’une « conquête » de la Provence (1897-1914) », Provence historique, t. 52, 2002, p. 327. Voir aussi P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005 ; F. Walter, Les figures paysagères de la nation. Territoire et paysage en Europe (xvie-xxe siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 2004).
45 Note sur l’affaire Port-Miou, janvier 1910 (AD BdR, 236 J 415).
46 AD BdR, 373 E 655.
47 Note de Paul Boude, 14 janvier 1907 (AD BdR, 236 J 415).
48 Arch. Solvay & Cie, Lettre du directeur de l’usine de Salin-de-Giraud au siège, 18 décembre 1909.
49 Ibid.
50 Arch. Solvay & Cie, Lettre du siège au directeur de l’usine de Salin-de-Giraud, 7 juillet 1910.
51 X. Daumalin, « Le conflit environnemental entre instrumentalisation et arbitrage : les soudières marseillaises au début du xixe siècle », T. Le Roux, M. Letté, dir., Débordement industriels. Environnement, territoire et conflit (xviiie-xxie siècle), Rennes, PUR, 2013, p. 57-98.
52 Le Soleil du Midi et la Gazette du Midi suivent de près cette affaire et lui accordent le plus de place. Le Petit marseillais est davantage instrumentalisé par la Société nautique de Marseille et son vice-président Samat, directeur du quotidien.
53 C’est le cas en 1922, lorsque de nouvelles protestations font échouer un projet de carrière à En-Vau ; en 1923 quand une centaine d’associations se regroupe pour fonder le Comité de défense des calanques qui obtient le classement de la forêt La Gardiole en 1934, puis celui des calanques d’En-Vau et de Port-Pin en 1936 ; dans les années 1960, lorsque Paul Ricard s’oppose vainement à la création du sea line qui doit rejeter au large de la baie de Cassis les boues rouges de l’usine d’alumine de Gardanne (Pechiney) ; ou encore en 1992 pour rejeter le POS conçu par municipalité de Marseille (M. Goiffon, J.-N. Consales, « Le massif des Calanques (Marseille-Cassis) et la Pointe des châteaux (Saint-François, Guadeloupe). Périmètres d’intervention et mesures de protection sur deux grands sites littoraux périurbains », Méditerranée, no 105, 2005, p. 29-35).
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