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Construire la domination politique
Réseau de forteresses et contrôle des populations dans le royaume de Naples
p. 73-87
Texte intégral
1L’empereur Frédéric II avait fait de son réseau de forteresses, qui quadrillait tout le royaume de Sicile, une des sources de sa puissance. Celui-ci contribuait notamment à lui assurer la soumission de ses sujets. Pour des raisons politiques, ses successeurs n’ont pu le conserver dans son intégralité. Charles Ier hérite de ce réseau amoindri après sa conquête du royaume en 1266. Les nombreuses confiscations qui ont lieu suite à la défaite de Conradin en 1268 lui permettent de reconstituer un réseau puissant et de renforcer sa domination sur ses nouveaux sujets. Cependant, le souverain angevin adopte au cours des années suivantes une politique castrale très différente de celle de Frédéric II. Nous nous proposons d’étudier ici cette nouvelle politique, caractérisée à la fois par le souci de faire baisser les coûts de fonctionnement de cette administration et la volonté de ne recruter que des Ultramontains – c’est-à-dire des Provençaux et des Français – pour constituer les garnisons, ce qui donne à ces dernières une identité forte, généralement mal perçue par les populations qu’elles sont chargées de surveiller. Elle est de nouveau modifiée suite au déclenchement de la guerre des Vêpres (1282-1302) qui entraîne de profonds changements dans le royaume, tant dans les structures que dans les méthodes de gouvernement.
2Avec la destruction d’une partie des archives napolitaines survenue en septembre 1943, la plupart de nos connaissances sur l’administration castrale des Souabes et des Angevins sont tributaires des travaux d’Eduard Sthamer1. En effet, presque toutes les copies d’actes concernant les châteaux royaux dont nous disposons sont tirées de ses ouvrages ou de ses archives2. Nous voyons donc cette administration en grande partie à travers le prisme de Sthamer. Autre difficulté, ces données concernent presque exclusivement les règnes de Frédéric II et Charles Ier. Pour les règnes suivants, nous disposons d’informations éparses. Il faut nous contenter de séries de données concernant certaines localités qui ont fait l’objet de monographies (Lucera, Capri, Salerne, etc.)3. Il est alors plus difficile d’analyser à partir de ce corpus les évolutions qui s’opèrent dans l’administration castrale sous Charles II, et particulièrement pendant la guerre des Vêpres, période-clé dans l’histoire du royaume de Sicile.
La reprise des structures et des méthodes souabes
3Avec la conquête normande, de nombreux châteaux ont été édifiés, bien souvent à la marge des cités et des bourgs ruraux. Ces forteresses n’avaient en effet pas pour but de protéger ces communautés mais bien de les dominer. La monarchie normande a récupéré beaucoup de ces places fortes qu’elle a confiées à des châtelains4. Pendant la période de troubles qui s’ouvre avec la mort du roi Guillaume II (1189) et se termine avec le retour dans le royaume du jeune empereur Frédéric II (1220), les barons ont bien souvent bafoué les droits de la couronne et fait construire de nouveaux châteaux, sans autorisation royale.
4À son retour, Frédéric II reprend le royaume en main et met en place un puissant réseau de châteaux impériaux. Il commence par se faire remettre quelques places fortes détenues par des grands présents à son couronnement à Rome (22 novembre 1220), comme l’abbé du Mont-Cassin ou le comte de Fondi. Puis, lors de la diète qui se tient à Capoue à la fin de l’année 1220, il édicte des lois qui lui permettent de confisquer ou de détruire tous les châteaux construits depuis la mort de Guillaume II. Les deux années suivantes sont occupées à faire appliquer cette législation5. L’empereur prend, par la suite, bien garde de n’inféoder aucune de ses forteresses6. Enfin, pour compléter un réseau déjà impressionnant, il en fait édifier de nouvelles, comme à Rocca Ianula ou à Capoue7. Le résultat de cette politique est qu’à la fin de son règne, Frédéric II dispose de plusieurs centaines de châteaux dans le royaume : le Principat en compte 43, la Terre de Labour 42 et les Abruzzes 318. Il en confie la garde à des châtelains qui sont, pour la plupart, recrutés dans l’aristocratie féodale du royaume9. Ces officiers ont sous leurs ordres des garnisons composées principalement de sergents (servientes) régnicoles. Ces derniers doivent théoriquement être originaires d’une autre province, afin d’éviter qu’ils aient des liens avec les populations locales10. Les garnisons sont dans certains cas très importantes. En octobre 1239, celle du Castel Capuano, la forteresse qui domine la cité de Naples à l’est, comprend 210 hommes, parmi lesquels on dénombre 10 milites et 60 arbalétriers11. L’importance stratégique de la ville et la taille de sa population justifient le maintien de tels effectifs.
5Ce puissant réseau castral permet donc à l’empereur de contrôler plus étroitement ses sujets. Ces forteresses sont devenues le symbole du pouvoir de l’État souabe et cristallisent les haines à son encontre. Elles dominent des villes qui ont bien souvent été obligées de détruire leurs murailles après s’être rebellées contre l’empereur. C’est pourquoi elles font l’objet de violentes attaques de la part des populations révoltées après la mort de Frédéric II (1250)12. Les années suivantes, la lutte qui oppose la papauté aux héritiers de l’empereur défunt favorise la persistance de ces pratiques. En 1256, par exemple, les habitants de Castrogiovanni13 réussissent à démolir le château bâti par Frédéric II14. Son fils Manfred fait très rapidement reconstruire la forteresse considérant que « civitas ipsa nulla modo bene regi poterat sine castro15 ». Le règne du dernier souverain souabe ne semble pas apporter de grandes nouveautés dans le fonctionnement de l’administration castrale. Manfred est néanmoins obligé d’inféoder un grand nombre de châteaux pour récompenser les barons et autres puissants qui le soutiennent, et ainsi assurer leur fidélité à la cause des Hohenstaufen. Cependant, il se garde généralement de leur donner ceux qui ont une trop grande importance stratégique et leur accorde surtout de petites structures16.
6Comme pour le règne de Manfred, il est difficile d’établir, par manque de données, la composition exacte du réseau castral dans les premiers temps de la conquête angevine. La première liste des châteaux royaux dont on dispose date du 28 novembre 1269 et ne concerne que la partie continentale du royaume17. On y dénombre cent châteaux, dont la moitié se trouve logiquement dans les deux provinces limitrophes des États de l’Église : les Abruzzes (18) et la Terre de Labour (30)18. Le réseau est donc bien moins important que du temps de l’empereur Frédéric II, mais la ceinture de forteresses qui protège la seule frontière continentale du royaume reste remarquable, les leçons de la descente de Conradin n’ayant pas été perdues. En Terre de Labour, la Cour administre dans la zone frontalière quatorze forteresses qui constituent une première ligne de défense19. Il existe ensuite une deuxième ligne comprenant six châteaux, principalement concentrés autour des grandes voies de circulation, notamment celles est-ouest (la via Latina et la via Appia)20. Les autres forteresses sont presque toutes liées à des centres urbains comme Naples, Capoue, Aversa ou Teano. Si le nombre des châteaux royaux est nettement plus réduit que du temps de Frédéric II, il semble néanmoins qu’il soit beaucoup plus important que dans les derniers temps du règne de Manfred21. L’Angevin s’est en effet emparé de plusieurs forteresses appartenant à des partisans des Hohenstaufen.
7Comme sous les Souabes, les châteaux royaux permettent au pouvoir angevin de contrôler les populations alentours. Ainsi, les garnisons peuvent-elles être mises à contribution pour assurer le bon déroulement de la collecte des impôts. En avril 1269, Charles Ier donne des ordres en ce sens au châtelain de Sant’Agata di Puglia (Capitanate). Quelques-uns de ses 35 servientes doivent accompagner et protéger les collecteurs chargés de lever une taxe d’un montant de 59 onces 15 tarins auprès de l’universitas d’Ascoli. Il faut préciser que les habitants de cette ville refusaient de payer cet argent et avaient accueilli les collecteurs avec des bâtons et des pierres22. Une protection armée est donc nécessaire si la couronne veut que la somme soit acquittée. Parfois, le contrôle s’effectue aussi sur des populations n’appartenant pas aux universitates voisines des forteresses. En juillet 1269, par exemple, le châtelain de Trani reçoit des instructions concernant des hommes et des femmes de Foggia qui sont astreints à résider dans la cité portuaire apulienne. Comme plusieurs d’entre eux semblent avoir réussi à regagner leur patrie, le roi ordonne d’abord aux maîtres jurés et aux baiuli de Foggia de les faire immédiatement reconduire à Trani. Puis, pour les contrôler plus étroitement et éviter de nouvelles fuites, il exige que tous ces hommes et femmes se présentent chaque jour devant le châtelain qui peut ainsi vérifier leurs identités et le prévenir si l’un d’entre eux manquait à l’appel23.
8Si ces garnisons sont suffisantes pour contrôler les populations alentours, elles sont néanmoins trop faibles pour permettre de les dominer car elles dépassent rarement la vingtaine de servientes. La défense du Castel Capuano, qui était assurée par 210 hommes en 1239, n’en compte plus que neuf en 127024. Le rôle de ces garnisons est donc avant tout défensif. Lors d’une révolte urbaine, les soldats peuvent résister un certain temps à l’abri derrière les murs de leur forteresse, mais il est exclu qu’ils ramènent seuls l’ordre dans la ville25. Malgré tout, le châtelain et ses hommes disposent d’un pouvoir important sur les populations alentours. Afin qu’ils n’en abusent pas, les Angevins prennent des mesures pour limiter leurs interventions dans les affaires locales26.
Un réseau plus réduit mais d’une fidélité assurée
9À partir de 1270, la couronne réduit de manière notable le nombre des forteresses royales, avant tout pour des raisons financières. Le royaume semblant être pacifié, le maintien d’une structure aussi importante et coûteuse pour contrôler les populations se justifie moins27. C’est pourquoi plusieurs châteaux royaux sont inféodés au cours de la décennie28. Pour le Principat, seuls trois castra sur les dix que gérait la Cour en 1269 le sont encore en 128029. Le château de Sarno, par exemple, est donné en fief au sénéchal Galeran d’Ivry au printemps 127130. Les feudataires se substituent alors aux châtelains royaux dans leur rôle de contrôle des populations locales. L’autorité de ces nouveaux maîtres, bien souvent ultramontains, n’est pas forcément mieux acceptée que celle du roi. On relève plusieurs cas de révoltes populaires qui ont toutes les caractéristiques des soulèvements anti-français que connaît le royaume sous le règne du premier angevin et dont le plus célèbre est celui des Vêpres siciliennes. C’est ainsi qu’à l’automne 1276, les habitants d’Avellino prennent les armes contre des familiers de leur seigneur, le comte Bertrand des Baux31. Ce mouvement est vite réprimé, mais il est le signe d’un net rejet par la population des pratiques du comte et de ses hommes32.
10Ce désengagement de la couronne est cependant à nuancer. En cas de nécessité, elle peut utiliser les forteresses des feudataires dans une région où elle n’en dispose pas. En décembre 1269, Charles Ier mène une action vigoureuse contre les hérétiques qui infestent la zone montagneuse au sud d’Isernia. Il envoie sur place l’un de ses conseillers et familiers, Berardo di Raiano, chargé de diriger les opérations, et fait renforcer les défenses des châteaux de Roccamandolfi et de Castelpizzuto, qui dominent la région, afin que les hérétiques ne puissent trouver refuge en ces lieux33. Puis, quelques jours plus tard, il donne l’ordre d’arrêter tous les habitants de Roccamandolfi, « sicut publica infamia, sint et semper fuerint respersi heretica pravitate » et de les enfermer dans les geôles de Capoue34. Les deux châteaux, qui jusqu’alors n’étaient pas gérés par la Cour, servent donc de point d’appui dans la lutte contre les hérétiques35. Après cette action, le roi ordonne au justicier de Terre de Labour de faire entièrement démolir la forteresse de Roccamandolfi, qui ne lui est plus d’aucune utilité, et d’obliger les habitants qui ont pu revenir à s’installer au lieu-dit Casale36. Il semble donc que Charles Ier veuille éviter que le château puisse servir un jour de refuge à d’autres hérétiques. C’est pourquoi, un an plus tard, lorsqu’il inféode de nouveau Roccamandolfi à un seigneur provençal, Bérenger de Tarascon, il précise bien qu’il est interdit de reconstruire le château sans autorisation royale37.
11Dans les premiers temps de la conquête, le roi songe également à faire démolir quelques-unes de ses forteresses présentant un faible intérêt stratégique afin de réduire les coûts de fonctionnement de l’administration castrale. En février 1267, il institue une commission chargée d’enquêter sur les castra des Abruzzes notamment dans le but d’établir quels sont ceux susceptibles d’être rasés sans préjudice pour la Cour38. Nous ne disposons malheureusement d’aucun document évoquant les travaux de cette commission39. Elle a peut-être été tout simplement supprimée car, avec la descente de Conradin en Italie, la priorité n’est plus à la réduction du nombre des forteresses dans cette région frontière. Il faut attendre le déclenchement de la guerre des Vêpres siciliennes et les attaques contre la Terre Ferme pour que l’idée soit reprise et appliquée40.
12Ce mouvement de réduction du nombre des forteresses royales a pour conséquence une absence presque totale de nouvelles constructions. Les Angevins se contentent le plus souvent de renforcer ou de développer les structures existantes41. Parmi les quelques rares nouveaux châteaux édifiés à cette époque, il faut citer le Castel Nuovo, construit entre 1279 et 1284 au sud-ouest de Naples, et qui domine les faubourgs méridionaux de la cité ainsi que la zone du port42.
13En l’espace d’une décennie (1269-1280/1281), le nombre des châteaux royaux dans la partie continentale du royaume passe de 100 à 79, soit une diminution de 21 %. Cependant, la situation varie beaucoup en fonction des provinces. La baisse est spectaculaire dans certaines, comme la Terre de Labour (plus de 43 %) ou la Terre de Bari (plus de 66 %), alors que d’autres, comme les Abruzzes ou la Calabre, voient le nombre de leurs châteaux légèrement augmenter43. Dans le Principat, on passe de dix à sept châteaux entre 1269 et 127844. La Cour a conservé les castra de Salerne, Scala et Tramonti et a récupéré ceux de Pogerola, Atripalda, Monteforte Irpino et Capri. Le nouveau réseau ainsi constitué comprend une majorité de châteaux situés sur les côtes (5), ce qui est assez logique d’un point de vue militaire, mais n’est pas le seul facteur entré en ligne de compte. Sur ces cinq châteaux côtiers, trois d’entre eux (Scala, Pogerola et Tramonti) dominent la côte amalfitaine et le castrum Turris Maioris est au sommet d’une colline qui surplombe Salerne45. Les deux dernières forteresses du Principat, Atripalda et Monteforte Irpino, sont situées à l’intérieur des terres, de part et d’autre d’Avellino. Quatre de ces sept châteaux possèdent une garnison variant de quatre à vingt servientes46. Il est clair que toutes ces forteresses ont été gardées par la Cour dans le but de surveiller aussi bien que de protéger les trois cités les plus importantes de la province. D’autres intérêts s’y ajoutent et expliquent ces choix, notamment la centralité. D’un point de vue militaire, le château d’Atripalda n’occupe pas une position stratégique essentielle, comme celui de Capri ou de Salerne ; le conserver présente donc peu d’intérêt. Mais il est situé en plein centre de la province, dans la vallée du Sabato, et à quelques kilomètres à l’est d’Avellino. C’est pourquoi il est confié en plusieurs occasions au justicier du Principat pour qu’il en fasse sa résidence47. À partir de cette position centrale, l’officier peut facilement rayonner sur une grande partie de sa juridiction et, ainsi, mieux contrôler le territoire et ses habitants.
14Ces suppressions permettent de réduire de manière drastique les effectifs. On passe ainsi pour le Principat de 77 hommes armés (châtelains et servientes) en 1269 à 45 en 1280, soit une diminution de plus de 41 %48. Par ailleurs, le roi supprime des postes de servientes dans quelques forteresses, comme à Lucera, ce qui contribue à la baisse des effectifs49. Dans d’autres, il les augmente, mais ces cas sont extrêmement rares50. La plupart du temps, les forteresses qui demeurent dans le giron de la Cour conservent un nombre égal de servientes tout au long de la décennie. Lorsque la garnison demeure importante, elle peut exercer un contrôle efficace sur les populations alentours. Ce n’est bien sûr pas le cas lorsqu’elle est réduite à un seul homme. Or, toujours pour des raisons d’économie, le roi a confié dès 1269 un grand nombre de forteresses à des concierges, c’est-à-dire des châtelains qui assurent seuls la garde de leur château51. En décembre 1271, sur les vingt castra que compte la Terre de Labour, neuf sont entre les mains de concergii, soit près de la moitié. En revanche, dans les Abruzzes, on n’en compte qu’un sur les dix-neuf de la province52. La situation est donc très différente d’une région à l’autre. La Calabre, la Basilicate et surtout les Abruzzes sont épargnés par les restrictions que connaît l’administration castrale au cours de cette décennie et bénéficient même d’une augmentation d’effectifs. Selon Eduard Sthamer, les caractéristiques topographiques de ces provinces pourraient expliquer ce phénomène. Étant toutes trois très montagneuses, il serait plus difficile de les contrôler stratégiquement, ce qui aurait obligé le pouvoir angevin à y maintenir d’importantes forces53. En tout cas, l’argument de la défense des frontières terrestres ne peut être évoqué pour expliquer le traitement de faveur dont bénéficient les Abruzzes car, dans le même temps, la Terre de Labour, l’autre province frontalière, connaît une baisse notable de ses effectifs.
15Parallèlement à ce désengagement relatif, la couronne renforce le caractère gallican des garnisons. Désormais, seuls les Ultramontains sont admis à être nommés châtelains, sergents ou chapelains des châteaux royaux54. Charles Ier se méfie de ses nouveaux sujets, surtout depuis les révoltes de 1267-1268, et ne veut donc confier la garde de ses forteresses, points d’ancrage de son autorité dans le royaume, qu’à ses compatriotes ou à ses sujets provençaux, ceux-ci n’ayant aucune raison de pactiser avec les régnicoles, puisqu’ils sont eux-mêmes considérés comme étrangers.
16Ce phénomène d’ultramontisation stricte ne se rencontre pas dans les autres administrations de l’État angevin. Certes, les Français et les Provençaux y tiennent également une place prépondérante, mais aucun texte n’exclut le recrutement d’Italiens. Les juges et les notaires régnicoles sont même nombreux à la Magna Curia, tels Sparano de Bari, Bartolomeo de Reggio di Calabria ou Guglielmo Scillato de Salerne55. Autre fait remarquable, ces instructions sont bien appliquées, ce qui n’est pas toujours le cas des mandements royaux. Lorsqu’on examine l’ensemble des châtelains de l’époque, ils sont presque tous français ou provençaux56. Néanmoins des exceptions existent. Il y a d’abord quelques rares régnicoles, comme Giovanni de Lentino, frère de l’archevêque de Cosenza, qui est nommé à la tête du castrum d’Augusta en juillet 127157. Plus nombreux sont les castellani originaires du Nord de l’Italie, principalement du Piémont et de la Lombardie. Ansaldo Lavandario de Plaisance (Piacenza), par exemple, est capitaine et châtelain de Gaète pendant plus de quinze ans (avec quelques interruptions)58. Cependant, ces hommes, bien qu’ils ne soient pas ultramontains stricto sensu, sont considérés comme tels par les autorités angevines. Dans un mandement adressé au justicier des Abruzzes en avril 1280, Charles Ier lui demande de remplacer des servientes latini par des servientes ultramontani dans une forteresse située à la frontière de sa province59. Le document se termine par la liste des hommes envoyés par la Cour. Parmi eux, on trouve notamment un certain Dominicus Lombardus et Numbertus de Cuneo. Ces soldats sont donc bien considérés comme des Ultramontains aux yeux des Angevins. Il est vrai que Cuneo est proche du comté de Provence et que les deux territoires sont très liés60. Il n’est donc pas étonnant que ces hommes soient assimilés à des Provençaux. En dehors de cet exemple, nous n’avons pas à disposition de listes complètes énumérant les nomina et cognomina de l’ensemble des membres d’une garnison. Cependant, Paul Durrieu donne dans son ouvrage sur les archives angevines de Naples les noms de plusieurs centaines d’hommes d’armes français et provençaux, dont beaucoup furent affectés à la garde des châteaux royaux61. Il est donc certain que les instructions du roi concernant le recrutement des garnisons ont été respectées dans l’immense majorité des cas. Et même si l’ultramontisation des garnisons ne fut pas totale, dans l’esprit des populations locales tous ceux qui gardaient les forteresses royales étaient des Ultramontains.
17Pour éviter que des liens ne se tissent malgré tout entre leurs hommes et les populations alentours, les Angevins ont pris des mesures pour limiter les contacts. La plus symptomatique reste l’interdiction qui est faite aux châtelains et aux servientes de faire rentrer dans les châteaux et de garder avec eux leurs concubines ou toute autre femme, hormis leurs épouses légitimes62. Cette règle, édictée dès 1266, est appliquée avec difficulté. Elle est donc régulièrement rappelée, sans grand succès semble-t-il. En effet, Charles Ier écrit en juin 1278 au provisor castrorum des Abruzzes qu’il a appris que quelques châtelains et presque tous les servientes de la province vivaient dans les châteaux royaux avec des « concubinas latinas », c’est-à-dire régnicoles. Pour faire cesser ce scandale, qui peut être cause de désordres, il enjoint à l’officier de promptement mener une enquête dans les castra de sa juridiction et de chasser toutes ces femmes. De même, il lui demande d’établir une liste des épouses légitimes qui demeurent dans ces châteaux, et de s’informer si elles ont toujours été fidèles au roi, notamment aux temps des troubles63. Le souverain se méfie donc des femmes de ses soldats car elles pourraient les détourner de leur fidélité à son endroit. Comme peu d’entre eux sont venus dans le royaume avec une épouse ultramontaine, c’est effectivement là une faille dans le système mis en place par l’Angevin.
La guerre des Vêpres
18La révolte de l’île de Sicile au printemps 1282, puis les attaques menées par les forces siculo-aragonaises contre le reste du royaume, obligent les Angevins à renforcer les défenses de la Terre Ferme en augmentant le nombre des châteaux royaux et de leurs desservants. On passe ainsi en Terre de Labour de 17 à 20 castra entre 1280 et 1283, et surtout de 239 à 519 servientes (soit une augmentation de plus de 117 %)64. Les premiers renforts sont affectés aux garnisons dès l’été 128265. Les forteresses qui bénéficient des plus importantes dotations sont celles qui dominent les grandes cités. À Naples, le Castel dell’Ovo voit passer le nombre de ses servientes de 30 à 60, le Castel Capuano de 10 à 60 ; le Castel Nuovo, qui vient d’être édifié, est gardé par 86 hommes. Dans le Principat, seule la garnison du castrum Turris Maioris de Salerne est renforcée66. Le pouvoir angevin a donc décidé de se prémunir aussi contre toute grande révolte urbaine, comme cela s’est produit à Palerme ou à Messine. Cette précaution n’est pas inutile. Le 5 juin 1284, l’annonce de la capture du prince de Salerne et de plusieurs de ses chevaliers, advenue au cours d’une bataille navale devant Naples, déclenche le soulèvement du peuple napolitain. Plusieurs Français tombés entre les mains des insurgés sont massacrés, leurs demeures pillées67. Cependant, contrairement à ce qui s’était passé à Palerme le 30 mars 1282, les forces angevines résistent en s’appuyant sur les trois forteresses royales qui tiennent bon. L’action énergique de Gérard de Parme, légat du pape, permet de ramener le calme dans la ville avant même l’arrivée du roi, le 8 juin 128468.
19L’effort militaire perdure les années suivantes, malgré les difficultés que connaît la monarchie angevine. Par exemple, la défense du duché d’Amalfi, qui est l’objet d’attaques régulières de la flotte ennemie, est considérablement renforcée. En avril 1283, ce territoire était protégé par le seul château de Tramonti, gardé par un châtelain scutifer et quatre servientes69. Sept ans plus tard, on y dénombre cinq forteresses royales, défendues par cinq châtelains et 72 servientes70. En 1294, elles sont six, avec six châtelains et 95 servientes71. En l’espace de dix ans, les effectifs ont donc été multipliés par vingt. Le duché est devenu une véritable place forte, mais la situation l’exigeait car, entre temps, les ennemis se sont emparés de positions voisines, avec d’un côté Capri et de l’autre Castellabate, qui leur permettent de mener des raids destructeurs sur les côtes amalfitaines72. Pour les châteaux moins exposés aux attaques de l’ennemi, la Cour se contente bien souvent de maintenir les effectifs, voire de les diminuer lorsque tout danger est écarté. À Lucera, la garnison du vieux château, construit sous Frédéric II, reste de quarante servientes entre 1280 et 129673. Mais, en 1282, on leur adjoint dix autres servientes pour garder la porte de l’enceinte fortifiée, nouvellement construite, qui entoure le castrum vetus74. Il faut attendre les dernières années du conflit pour enregistrer une diminution : à l’été 1298, ils ne sont plus que vingt-cinq servientes à veiller sur le château et huit sur la porte75. Puis, après l’élimination des musulmans (août 1300) et la conclusion de la paix de Caltabellota (31 août 1302), Charles II réduit encore les effectifs qui passent à quinze servientes pour le castrum vetus et à quatre pour la garde de la porte76.
20Ces mesures représentent une lourde charge financière pour la couronne au moment où les dépenses militaires s’envolent et les rentrées fiscales s’effondrent. Pour limiter un peu ces dépenses, les Angevins ont recours à la destruction de quelques châteaux de faible importance stratégique dans les Abruzzes, la région la moins exposée aux attaques siculo-aragonaises, ce qui leur permet de redéployer les moyens et les hommes récupérés sur d’autres théâtres d’opérations. En janvier 1284, le prince de Salerne ordonne au justicier de la province de raser les castra de Petra Alta, Magnanella, Preturo, Antrodoco, Mareri, Rocca de Intromontibus, Roccacerro et Bertona77. Cette décision ayant été prise rapidement, il demande à l’officier de mettre en place une commission avec le provisor castrorum et trois « de melioribus fidelibus et discretioribus hominibus […] regionis » pour étudier le bien-fondé de ces suppressions78. On ne connaît pas le résultat de leurs travaux et aucun document n’atteste de la démolition d’un de ces huit châteaux, mais comme par la suite ces derniers n’apparaissent plus dans la documentation, on peut supposer que les ordres furent bien exécutés et les forteresses mises à bas79. Face aux difficultés grandissantes, le pouvoir angevin n’a d’autre choix que de recourir aux mêmes expédients l’année suivante80. En septembre 1285, Petrus de Suria et Nicola di Lupara, justiciers des Abruzzes citra et ultra, reçoivent de nouvelles instructions afin de réduire le nombre de châteaux dans la région : avec le concours du capitaine des Abruzzes, chacun doit mener une enquête dans sa province pour déterminer « de castris et fortelliciis omnibus que sunt et esse videntur utiliter et necessarie diruenda et que similiter custodienda necessaria pro curia reputantur81 ».
21Ces mesures concernent également les forteresses tenues par des feudataires. Au même moment, la Cour ordonne à Petrus de Suria de faire démolir le château de Pettorano sul Gizio, près de Sulmona, seule la demeure du seigneur du lieu devant être épargnée. Cette décision est prise sur les conseils de Rinaldo d’Avella, l’ancien capitaine des Abruzzes, qui, à ce titre, avait une bonne connaissance du terrain et des enjeux stratégiques82. Le but n’est donc pas d’abaisser tel ou tel feudataire, mais bien d’empêcher que l’ennemi ne profite d’une faiblesse dans le système de défense de la province. En effet, une forteresse mal défendue peut facilement être prise d’assaut par les troupes adverses qui s’en servent ensuite comme point d’appui pour attaquer ou piller les autres centres habités de la région, comme cela se passe dans le Cilento à la même époque83. De même, des rebelles ou des révoltés peuvent s’emparer d’un château gardé seulement par quelques hommes d’armes et s’y retrancher84. Ce type de mesures n’est, bien sûr, pas facilement accepté par les feudataires concernés. Le seigneur de Pettorano sul Gizio essaie par divers moyens d’empêcher la destruction de son château, ce qui oblige la Cour, trois semaines après l’envoi du premier mandement, à rappeler à l’ordre son justicier pour qu’il exécute enfin cette décision « non obstantibus domini ejusdem castri defensis allegationibus et appellationibus hujusmodi fraudis85 ». L’urgence militaire est telle qu’il est spécifié à l’officier que, s’il tarde encore à faire démolir cette forteresse, les habitants de Sulmona devront s’en charger.
22La Cour se préoccupe donc également de la capacité de résistance des châteaux inféodés et peut intervenir pour renforcer leurs défenses. À plusieurs reprises, elle apporte une aide à des feudataires qui ne sont plus en mesure de financer seuls l’approvisionnement ou l’entretien de leurs forteresses. C’est le cas en 1291 de Guglielmo di Marzano qui doit recevoir du capitaine ad guerram du Principat l’argent et les vivres nécessaires pour assurer la garde de ses deux châteaux de Novi et Gioi, situés sur la ligne de front86. Les mesures sont parfois plus radicales. Ainsi, en avril 1290, les justiciers de Terre de Labour et du Principat reçoivent l’ordre de faire garder les castra de Gui de Montfort « per bonos fideles et sufficientes viros87 ». En effet, le vicaire de Jean de Montfort, chargé de les administrer temporairement, s’était montré négligent dans l’exécution de cette tâche.
23Les mesures prises tout au long du règne de Charles Ier pour limiter les rapports entre les garnisons et les populations alentours se révèlent bien souvent insuffisantes et les rapprochements qui s’opèrent mettent en péril la fidélité que le roi pouvait attendre de ses troupes ultramontaines. C’est ainsi que les servientes des châteaux de Petrella, Frontinum, Antrodoco et Mareri sont soupçonnés d’avoir tissé des liens avec des partisans des Souabes qui s’étaient exilés après la défaite de Conradin et sont de retour dans le royaume après le déclenchement de la guerre des Vêpres. En novembre 1282, le roi ordonne au provisor castrorum des Abruzzes d’enquêter sur ces rumeurs et, si elles se révèlent exactes, de remplacer tous les hommes coupables ou suspects par des « servientes ultramontanos bonos, sufficientes idoneos et fideles88 ». Pour expliquer ce phénomène, le souverain met en avant le rôle des épouses et le fait que ces hommes étaient établis dans ces forteresses depuis longtemps.
24Les nécessités de la guerre mettent rapidement à mal le caractère ultramontain des garnisons royales. Les besoins en hommes étant trop importants, les Angevins doivent recourir à des régnicoles pour compléter les effectifs en constante augmentation. En août 1296, on dénombre parmi les défenseurs des châteaux de Campagna et d’Eboli plusieurs servientes venant du Principat, comme Manfredo de Capaccio ou Pietro di maestro Giovanni de Salerne89. Au cours des années 1290, on compte également de plus en plus de châtelains originaires du royaume. Adenolfo Pandone de Capoue est ainsi nommé à la tête de la forteresse de Castel Volturno, en avril 1293, avec 80 hommes sous ses ordres90. De même, après la reconquête de l’île en juillet 1299, les châtelains de Capri sont pour la plupart des hommes de la région (au mépris des règles en vigueur au temps de Frédéric II)91.
Conclusion
25Charles Ier a donc adopté une politique castrale très différente de celle de Frédéric II. À partir de 1270, il réduit le nombre des châteaux royaux et de leurs desservants, tout en limitant le recrutement des garnisons aux seuls Ultramontains. Les forteresses royales sont ainsi autant de relais de son autorité à travers tout le royaume. Elles lui permettent de contrôler en partie ses sujets grâce à des hommes ayant une identité forte, très éloignée de celle des populations qui les entourent. Pour le reste, la mission de contrôle des populations locales est déléguée aux seigneurs ultramontains à qui les Angevins inféodent de nombreux châteaux.
26Mais cette ultramontisation stricte des garnisons royales ne résiste pas à la guerre des Vêpres. Les besoins en hommes sont tels que la couronne ne peut éviter de recruter des régnicoles pour défendre ses forteresses. Ainsi donc, comme pour les autres corps de l’État angevin, le règne de Charles II marque une nette régnicolisation des garnisons royales. Après la fin du conflit, cette tendance ne fait que s’accentuer et, au début du xive siècle, les châtelains royaux et leurs hommes sont de plus en plus rarement des Ultramontains.
27Cette régnicolisation des garnisons et la protection qu’elles ont apportée aux populations locales durant la guerre des Vêpres face aux raids des Almogavares – par exemple dans le Cilento – expliquent certainement la diminution du nombre des attaques populaires contre les châteaux royaux que l’on constate en cette fin de xiiie siècle92. Ces forteresses sont alors certainement mieux perçues par les habitants du royaume qui ne voient plus en elles le symbole d’un pouvoir étranger tyrannique, comme c’était le cas dans les années 1270.
Notes de bas de page
1 E. Sthamer, Dokumente zur Geschichte der Kastellbauten Kaiser Friedrichs II. und Karls I. von Anjou, vol. I, Capitanata, vol. II, Apulien und Basilicata, Leipzig, Karl W. Hiersemann, 1912- 1926 ; E. Sthamer, H. Houben, Dokumente zur Geschichte der Kastellbauten Kaiser Friedrichs II. und Karls I. von Anjou, vol. III, Abruzzen, Kampanien, Kalabrien und Sizilien, Tübingen, Max Niemeyer, 2006 ; E. Sthamer, Die Verwaltung der Kastelle im Königreich Sizilien unter Kaiser Friedrich II. und Karl I. von Anjou, Leipzig, Karl W. Hiersemann, 1914. Une traduction de ce dernier ouvrage a été éditée en 1995 par Francesco Panarelli, Cosimo Damiano Fonseca et Hubert Houben sous le titre : L’amministrazione dei castelli nel Regno di Sicilia sotto Federico II e Carlo I d’Angiò (Bari, Mario Adda, 1995). Cette étude est désormais abrégée sous la forme : Sthamer 1995.
2 Les archives d’Eduard Sthamer sont conservées à l’Archivio di Stato de Naples et à l’Istituto Storico Germanico de Rome. Stefano Palmieri en fait une présentation au début du volume 42 des Registri della Cancelleria angioina (Naples, Arte Tipografica, 1995, p. IX-XIII). Les cinquante volumes de la collection, édités par les archivistes napolitains entre 1950 et 2010, seront désignés par le sigle RCA.
3 C. Carucci, Codice diplomatico salernitano del secolo xiii, 3 vols., Subiaco, Tip. dei Monasteri, 1931-1946 ; P. Egidi, Codice diplomatico dei Saraceni di Lucera, Naples, L. Pierro & figlio, 1917 ; G. Ruocco, Capri nella sua storia e nei suoi monumenti angioini, Naples, 1953.
4 J.-M. Martin, « I castelli federiciani nelle città del Mezzogiorno d’Italia », dans Francesco Panero, Giuliano Pinto, Castelli e fortezze nelle città e nei centri minori italiani (secoli xiii-xv), Cherasco, Centro internazionale di studi sugli insediamenti medievali, 2009, p. 256-257.
5 Sthamer 1995, p. 5-7.
6 Il n’existe aucun exemple connu de château impérial inféodé entre 1220 et 1250. J.-M. Martin, « I castelli federiciani… », art. cit., p. 255.
7 Entre 1230 et 1239, une forteresse impériale est édifiée à Rocca Ianula. Elle remplace celle démantelée en 1221 par l’abbé du Mont-Cassin, en application des constitutions édictées lors des Assises de Capoue. P. F. Pistilli, Castelli normanni e svevi in Terra di Lavoro. Insediamenti fortificati in un territorio di confine, San Casciano V.P. (FI), Libro Co. Italia, 2003, p. 110-111. Sur les deux tours construites à l’entrée du pont de Capoue, voir E. Bertaux, L’art dans l’Italie méridionale, t. II, Paris, Albert Fontemoing, 1903, p. 707-717 et t. V, Aggiornamento dell’opera di Émile Bertaux, Rome, École française de Rome, 1978, p. 923-928.
8 J.-M. Martin, « I castelli federiciani… », art. cit., p. 252 ; Sthamer 1995, p. 88-91.
9 J.-M. Martin, « I castelli federiciani… », art. cit., p. 262-263.
10 C. Carbonetti Venditelli (ed.), Il registro della cancelleria di Federico II del 1239-1240, vol. I, Rome, Istituto storico italiano per il medio evo, 2002, n° 251, p. 246.
11 Ibid., n° 37, p. 39.
12 J.-M. Martin, « I castelli federiciani… », art. cit., p. 269.
13 L’actuelle Enna, au centre de la Sicile.
14 J.-M. Martin, « L’organisation administrative et militaire du territoire », dans Potere, società e popolo nell’età sveva (1210-1266). Atti delle seste giornate normanno-sveve (Bari-Castel del Monte-Melfi, 17-20 ottobre 1983), Bari, Dedalo, 1985, p. 112.
15 Nicolò Jamsilla, De rebus gestis Friderici II imperatoris ejusque filiorum Conradi et Manfredi Apuliae et Siciliae regum (1210-1258), dans Giuseppe Del Re (ed.), Cronisti e scrittori sincroni napoletani, vol. II, Naples, Iride, 1868, p. 200.
16 R. Licinio, Castelli medievali. Puglia e Basilicata : dai Normanni a Federico II e Carlo I d’Angiò, Bari, Dedalo, 1994, p. 189-191.
17 RCA 5, n° 295, p. 170-176.
18 Dans le détail : Terre de Labour (30), Abruzzes (18), Principat (10), Calabre (11), Val di Crati et Terra Giordana (7), Basilicate (4), Capitanate (7), Terre de Bari (9), Terre d’Otrante (4).
19 Il s’agit de Torre S. Anastasia, Monticelli, Lenola, Vallecorsa, Pico, Aquaviva, Castrocielo, Rocca d’Arce, Fontana Liri, Arpino, Cività Falconieri, Isola del Liri, Rocca Sorella, Roccavivi. Sthamer 1995, p. 11-12.
20 Ces châteaux sont ceux de Gaète, Itri, Roccaguglielma, Rocca d’Evandro, Presenzano, Rocca Ianula. Les quatre derniers sont implantés tout autour du Mont-Cassin. Cette concentration de forteresses royales est un héritage de l’époque de Frédéric II.
21 Les comptes de la secretia de Terre de Labour pour la IXe indiction (du 01/09/1265 au 25/02/1 266) nous apprennent que douze châteaux étaient alors administrés par la Cour dans cette province. RCA 1, n° 5, p. 102.
22 RCA 1, n° 188, p. 234 ; RCA 2, n° 225, p. 63.
23 RCA 2, n° 586, p. 150-151.
24 RCA 3, n° 334, p. 166 ; RCA 7, n° 124, p. 30-31.
25 H. Bresc, F. Maurici, « I castelli demaniali della Sicilia (secoli xiii-xv) », dans Francesco Panero, Giuliano Pinto, Castelli e fortezze…, op. cit., p. 315.
26 Les exactions commises par les châtelains et leurs hommes restent cependant nombreuses. Sur cette question, voir R. Licinio R., Castelli medievali…, op. cit., p. 251-259.
27 La protection des frontières terrestres du royaume est également allégée. Parmi les forteresses de Terre de Labour dont se sépare la Cour entre novembre 1269 et décembre 1271, il y a quatre châteaux frontaliers : Vallecorsa, Arpino, Cività Falconieri et Roccavivi. Sthamer 1995, p. 60.
28 Sur les donations faites par Charles Ier à ses fidèles après la victoire de 1268, voir notamment S. Pollastri, « Le Liber donationum et la conquête angevine du royaume de Sicile (1268-1281) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, n° 116, 2004/2, p. 657-727.
29 Il s’agit des châteaux de Scala, Tramonti et Salerne. Sthamer 1995, p. 62.
30 RCA 2, n° 140, p. 270 ; A. Scotti, Syllabus membranarum ad Regiae Siclae Archivum pertinentium, vol. I, Naples, Regia typographia, 1824, p. 63-64.
31 Selon le comte, quelques chevaliers et écuyers de ses familiers avaient pris part aux danses qui se tenaient ce jour-là sur la place d’Avellino, sans offenser quiconque par une parole ou un geste déplacé, lorsque subitement des habitants de la cité s’étaient jetés sur eux en criant : « Aux armes ! Aux armes ! Qu’ils meurent ! Qu’ils meurent ! », leur causant de graves blessures. Puis, les agresseurs s’étaient organisés et avaient institué de leur propre autorité une taxe qu’ils comptaient lever. F. Scandone, « I comuni del Principato ultra all’inizio della dominazione angioina (1266-1295) », Samnium, n° 5, 1932, p. 99. Si le récit de Bertrand des Baux est fortement sujet à caution, le déroulement des événements rappelle par bien des points le début de la révolte des Vêpres siciliennes. Il est donc fort probable que, comme à Palerme, des hommes d’armes ultramontains se sont montrés particulièrement entreprenants vis-à-vis de femmes du cru, ce qui a déclenché la colère des maris et parents. Néanmoins, le soulèvement d’Avellino n’a pas eu l’ampleur, ni les conséquences, de celui de Palerme. Sur le déroulement des Vêpres siciliennes, voir F. Bérenger, « Moranu li Franchiski ! Les Vêpres siciliennes et leur traitement à travers les siècles », dans David El Kenz, Le massacre, objet d’histoire, Paris, Gallimard, 2005, p. 141-144.
32 F. Scandone, « I comuni del Principato… », art. cit., p. 100 (1277).
33 RCA 7, n° 79 et 80, p. 288.
34 RCA 7, n° 41 et 42, p. 278.
35 RCA 5, n° 92, p. 121. Ces deux châteaux n’apparaissent sur aucune des listes des châteaux royaux de la Terre de Labour. Sthamer 1995, p. 60.
36 RCA 5, n° 1, p. 4 (1270).
37 RCA 2, n° 75, p. 254 (1271).
38 RCA 1, n° 175, p. 68.
39 Sthamer 1995, p. 14.
40 RCA 50, n° 1128, p. 501-502 et n° 1175, p. 524-525 (1284).
41 R. Licinio, Castelli medievali…, op. cit., p. 205-217 ; Sthamer 1995, p. 21-23.
42 F. Aceto, « Le « castrum novum » angevin de Naples », dans Chantiers médiévaux, Paris, Zodiaque, 1996, p. 251-269 ; R. Filangieri, Rassegna critica delle fonti per la storia di Castel Nuovo, vol. I, Naples, R. Deputazione napoletana di storia patria, 1936, p. 7-18.
43 Entre 1269 et 1280, on passe de trente à dix-sept castra pour la Terre de Labour, de neuf à trois pour la Terre de Bari, et de dix-huit à vingt pour les Abruzzes (avec une pointe à vingt-et-un castra en 1278). La Calabre, quant à elle, compte onze châteaux en 1269, treize ou quatorze en 1281 (Crotone a été entre temps rattachée à la province). Sthamer 1995, p. 60-61, 63 et 65.
44 La Cour s’est séparée des châteaux de Capaccio, Sarno, Petra secca, Castellammare di Stabia, Roccapiemonte, Pietramaggiore et Nocera. Sthamer 1995, p. 62.
45 Le château de Tramonti permet également de contrôler tout l’arrière-pays du duché d’Amalfi.
46 Capri (4), Tramonti (4), Monteforte Irpino (10), Salerne (20). Sthamer 1995, p. 62.
47 RCA 8, n° 348, p. 159 (1272) ; RCA 22, n° 84, p. 120 ; RCA 23, n° 151, p. 120 (1280) ; RCA 24, n° 155, p. 168 ; RCA 25, n° 86, p. 22 (1281).
48 Sthamer 1995, p. 62.
49 On compte 100 servientes dans la forteresse de Lucera en 1269, 60 en 1278 et 40 en 1280. Ibid., p. 63.
50 On peut citer le cas du château de Civitella del Tronto dans les Abruzzes, qui voit le nombre de ses servientes doubler entre 1271 et 1278. Ibid., p. 61.
51 RCA 3, n° 834, p. 261 ; RCA 5, n° 12, p. 279 (1270).
52 Sthamer 1995, p. 61.
53 Ibid., p. 67.
54 Lorsque Charles Ier nomme Pierre de Corbières provisor castrorum de Terre de Labour et du Principat en septembre 1274, il lui précise bien que « in quibus castris nullum castellanum vel servientem aut cappellanum esse volumus, nisi ultramontanus existat ». RCA 12, n° 29, p. 166. On retrouve cette prescription dans d’autres lettres de nomination de provisores castrorum. Sthamer 1995, n. 13, p. 144 (1278) et n. 21, p. 154 (1281) ; RCA 23, n° 92, p. 205 (1280) ; RCA 31, n° 48, p. 89 (copie d’un acte de Charles Ier).
55 Pour ces trois juges, voir RCA 6, n° 837, p. 162 (1270) ; RCA 16, n° 396, p. 122 (1277) ; RCA 19, no 495, p. 253 (1278). Chez les notaires, se distingue la figure de maître Matteo Baraballus de Gaète qui fut notaire des actes de la Magna Curia pendant plus de vingt ans. RCA 8, n° 349, p. 159 (1272) ; RCA 27/1, n° 23, p. 8 (1283) ; RCA 44/2, n° 20, p. 530 (1293).
56 C’est le cas, par exemple, pour la Sicile. H. Bresc, F. Maurici, « I castelli demaniali... », art. cit., p. 311. De même, tous les châtelains de Terre de Labour, du Principat, des Abruzzes, de Calabre, de Val di Crati et Terra Giordana, qui sont cités dans les mandements envoyés aux trésoriers royaux en 1279, 1280 et 1283, sont des Français ou des Provençaux. A. De Boüard, Documents en français des Archives angevines de Naples (règne de Charles Ier), vol. I, Les mandements aux Trésoriers, Paris, E. de Boccard, 1933, n° 114, p. 126-130, n° 116, p. 131-133, n° 141, p. 151- 154, n° 161, p. 170 et n° 160, p. 169-170 ; vol. II, Les comptes des Trésoriers, Paris, E. de Boccard, 1935, n° 53, p. 91-93, n° 56, p. 98-100, n°58, p. 102-103 et n° 244, p. 257-258.
57 RCA 6, n° 1426, p. 263 (1271) ; RCA 16, n° 325, p. 95 (1277).
58 RCA 11, n° 34, p. 36 (1274) ; RCA 18, n° 261, p. 130-131 (1278) ; RCA 30, n° 20, p. 4 (1289) ; RCA 35, n° 331, p. 239 (1291).
59 Il s’agit du château de Monte Calvo (Mons Calvus) qui, comme plusieurs autres castra de la région, est revenu à la Cour à la mort de Bertoldus de Duce. RCA 50, n° 931, p. 382-383 et n° 976, p. 410-411. Dans un premier temps, le justicier en a confié la garde à dix servientes ultramontini et cinquante servientes latini, peut-être parce qu’il n’avait plus assez de soldats ultramontains à sa disposition. C’est pourquoi le roi lui envoie ces cinquante servientes ultramontani. RCA 50, n° 910, p. 366-368.
60 Sur ces liens, voir R. Comba, Gli Angiò nell’Italia nord-occidentale (1259-1382), Milan, Unicopli, 2006.
61 P. Durrieu, Les archives angevines de Naples. Études sur les registres du roi Charles Ier (1265-1285), t. II, Paris, Ernest Thorin, 1887, p. 268-400. On retrouve dans cette liste quelques-uns des servientes ultramontains envoyés au justicier des Abruzzes en avril 1280. Parmi eux, on peut citer Hugues de Brayna, Jean de Crespi, Michel de Paris ou Jean et Renaud de Antonio.
62 RCA 14, n° 329, p. 194 (1277). La lettre, adressée au nouveau justicier de Basilicate, cite des constitutions publiées par le souverain angevin le 2 décembre 1266.
63 RCA 19, n° 387, p. 226-227.
64 Sthamer 1995, p. 60.
65 RCA 26, n° 33, p. 255.
66 Elle passe de vingt à cinquante servientes. Sthamer 1995, p. 62.
67 RCA 27/2, n° 78, p. 486.
68 Sur ces événements, voir C. De Frede, « Da Carlo I d’Angiò a Giovanna I (1263-1372) », dans Storia di Napoli, vol. III, Naples, Società editrice Storia di Napoli, 1969, p. 75-80 ; A. Kiesewetter, Die Anfänge der Regierung König Karls II. von Anjou (1278-1295). Das Königreich Neapel, die Grafschaft Provence und der Mittelmeerraum zu Ausgang des 13. Jahrhunderts, Husum, Matthiesen, 1999, p. 152-157.
69 Sthamer 1995, p. 62.
70 RCA 32, n° 428, p. 213 (1290).
71 RCA 46, n° 377, p. 89.
72 Sur ces conquêtes, voir A. Kiesewetter, Die Anfänge der Regierung…, op. cit., p. 142-146. Lorsque le danger diminue, les effectifs baissent. En 1298, le duché est toujours protégé par les six forteresses royales, mais les servientes qui les défendent ne sont plus que 57. C. Carucci, Codice diplomatico…, op. cit., II, n° 447, p. 553-555.
73 Sthamer 1995, p. 63 ; P. Egidi, op. cit., n° 21, p. 7 (1289), n° 172, p. 63 et n° 213, p. 81 (1296). Sur la position stratégique qu’occupe Lucera, voir Sthamer 1995, p. 22.
74 Sur cette enceinte, voir L. Santoro, Castelli angioini e aragonesi nel regno di Napoli, Milan, Rusconi Immagini, 1982, p. 55-60.
75 P. Egidi, op. cit., n° 222, p. 88 (1298), n° 273, p. 107 (1299) et n° 403a, p. 190-191 (1300).
76 Ibid., n° 732, p. 364 et n° 742, p. 367 (1303).
77 RCA 50, n° 1128, p. 501-502. Selon Eduard Sthamer, Mareri était située au sud d’Antrodoco, Rocca de Intromontibus non loin de L’Aquila et Bertona à proximité de Penne. Sthamer 1995, p. 13. Nous n’avons aucune information permettant une localisation de Petra Alta. RCA 46, p. 378.
78 Le fait qu’on ait rapporté au roi, en novembre 1282, que les servientes des châteaux d’Antrodoco et de Mareri avaient noué des liens avec un groupe d’exilés, partisans des Souabes, a certainement joué lorsqu’il a été décidé de détruire ces deux forteresses. RCA 26, n° 190, p. 84-85.
79 Sthamer 1995, p. 14.
80 Selon Eduard Sthamer, la raison qui poussait la Cour à détruire ces forteresses, plutôt que de les inféoder, était qu’elle ne pouvait laisser passer trop de châteaux entre les mains des barons de crainte de perdre de son influence. Sthamer 1995, p. 67. Cette explication, même si l’argument a peut-être joué, ne peut suffire. En effet, on remarque qu’au début des années 1270 Charles Ier n’a pas hésité à donner à ses fidèles un grand nombre de châteaux en Campanie. Ce qui a retenu la couronne dans ce cas semble avant tout un problème de capacité ou de volonté des feudataires d’assurer une défense efficace de la forteresse qu’on leur confiait. On le voit dans le mandement du 14 janvier 1284 : le château de Bertona doit être détruit si le comte de Loreto refuse de le faire garder à ses propres frais. RCA 50, n° 1128, p. 501. La couronne fait donc démolir ces forteresses parce qu’elle n’a trouvé personne qui accepte de mettre les moyens nécessaires pour garantir une bonne défense face aux attaques ennemies.
81 S. Morelli, Le carte di Léon Cadier alla Bibliothèque nationale de France. Contributo alla ricostruzione della Cancelleria angioina, Rome, École française de Rome, 2005, n° 20 et 21, p. 232.
82 Ibid., n° 17, p. 230-231.
83 Sur l’occupation du Cilento par les troupes siculo-aragonaises et ses conséquences, voir V. Aversano, « Villaggi abbandonati e paralisi dello sviluppo per la guerra del Vespro in Campania e Basilicata », Studi e Ricerche di Geografia, n° 7/2, 1984, p. 174-201 ; F. Bérenger, « L’impossible retour à la normale ? La Campanie méridionale au lendemain de la guerre des Vêpres », dans François Pernot, Valérie Toureille, Lendemains de guerre… De l’Antiquité au monde contemporain : les hommes, l’espace et le récit, l’économie et le politique, Bruxelles, P. I.E. Peter Lang, 2010, p. 257-265.
84 En décembre 1282, Louis de Mons reçoit l’ordre de donner l’assaut contre le château de Castiglione, dans les Abruzzes, où se sont retranchés des traîtres à la couronne qui s’étaient exilés et qui ont profité des troubles pour revenir dans le royaume. RCA 26, n° 191, p. 85. L’attaque, si elle eut lieu, fut un échec puisque huit mois plus tard la forteresse rebelle résiste toujours aux attaques des troupes du justicier des Abruzzes et du capitaine de L’Aquila. RCA 26, n° 43, p. 94.
85 S. Morelli, Le carte di Léon Cadier…, op. cit., n° 22, p. 233.
86 RCA 35, n° 20, p. 293. Le royaume connaît alors une grave disette.
87 RCA 32, n° 67, p. 12 et n° 148, p. 29.
88 RCA 26, n° 190, p. 84.
89 Néanmoins, les Ultramontains restent très nombreux. C. Carucci, Codice diplomatico…, op. cit., II, n° 406, p. 513-515.
90 RCA 44/1, n° 110, p. 29 ; Paris, BnF, nouv. acq. fr. 10830, 2e rangée, fol. 1150 et 1151 (Fonds Cadier).
91 La charge est notamment occupée par Guglielmo Cavasilice de Salerne, Ligorio Cosse d’Ischia, Ugolino de Salerne et Sergio di Nicola de Capri. G. Ruocco, Capri nella sua storia…, op. cit., n° 78 et 80, p. 43-45 (1299), n° 84 et 87, p. 48-50 (1300), n° 99 et 101, p. 58-59 (1302), n° 103-105, p. 61-62 (1304) et n° 112, p. 68 (1307).
92 Mais les révoltes urbaines n’ont pas entièrement disparu. Par exemple, à la fin de l’année 1293, les habitants de L’Aquila, une ville épargnée par les combats entre Angevins et Siculo-Aragonais, se révoltent, se réunissent en parlement et décident d’attaquer les châteaux alentours, symbole du pouvoir royal. R. Licinio, Castelli medievali…, op. cit., p. 300.
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Identités angevines
Ce livre est cité par
- Boyer, Jean-Paul. (2017) Sancia par la grâce de Dieu reine de Jérusalem et de Sicile. Mélanges de l'École française de Rome. Moyen Âge. DOI: 10.4000/mefrm.3655
- Sussman, Sarah. (2017) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 40. DOI: 10.1215/00161071-3946540
Ce chapitre est cité par
- Harper, Alexander. (2018) The Rhetoric and Revelations of Scale at Lucera’s Fortress (1269–84): State Building in the Angevin Kingdom of Naples. Gesta, 57. DOI: 10.1086/698841
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Identités angevines
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