Marseille et l'environnement. Bilan, qualité et enjeux
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Vue sur la mer : les grandes métropoles du littoral
Texte intégral
1Plus de 60 % de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres d’un littoral. Une part importante des plus grandes villes du monde sont des villes installées en bord de mer. Par ailleurs, les océans étant les exutoires des continents, les littoraux sont un passage obligé, notamment au droit des grands fleuves. On peut ajouter à cela que nombre de grandes villes littorales sont aussi au bord d’un grand cours d’eau. Cette double réalité physiographique et démographique a conduit à des pressions considérables sur ces zones à l’interface entre les continents et les océans, que ce soit en termes de pollutions ou d’aménagements. À cela s’ajoutent encore le changement climatique et la montée du niveau marin qui l’accompagne. Les pressions ne manquent pas et elles sont telles que, à l’instar des villes en général, les scientifiques regardent le littoral comme un nouveau biome. Les grandes métropoles maritimes se trouvent ainsi à la croisée des deux biomes anthropiques : biome urbain et biome littoral. À ce titre, elles méritent une attention toute particulière de la part des scientifiques, des aménageurs et des politiques.
2Les ports existent depuis la plus haute Antiquité, ils sont des lieux de passage, d’échanges et, pour ce faire, de construction d’infrastructures qui ont pris de plus en plus d’ampleur au fil des siècles. Les emprises spatiales portuaires sont aujourd’hui considérables ; la zone portuaire de Marseille couvre plus de 100 km². Les volumes qui y transitent sont gigantesques : 1,4 million de conteneurs représentant 80 millions de tonnes. Les passagers qui foulent les terminaux marseillais se comptent en millions. Cette forte activité économique s’accompagne de pressions environnementales tout aussi prégnantes : pollutions des eaux, pollution de l’air (les bateaux qui accostent à Marseille émettent plus de dioxyde d’azote que toute la circulation automobile de la métropole)… Mais surtout, plus spécifiquement, les ports sont les points d’entrée privilégiés d’espèces exotiques potentiellement invasives : en premier lieu des espèces marines souvent transportées sous forme de larves ou de propagules dans les eaux de ballast des bateaux, mais aussi des espèces continentales qui ont survécu au trajet dans les conteneurs et qui vont poursuivre leur chemin vers l’intérieur des terres via les routes ou les canaux.
3Les métropoles adossées aux grands ports sont, par nature, implantées sur les littoraux, donc sur des zones étroites où les interactions terre-mer sont maximales. À ce titre, leur impact peut se révéler proportionnellement plus important que celui de métropoles équivalentes mais éloignées de la mer. Cela est le plus souvent amplifié par la tentation d’utiliser la mer, si vaste, comme un exutoire commode pour toute sorte d’effluents plus ou moins toxiques, sans compter le vent souvent présent en bord de mer, lui aussi commode pour évacuer les pollutions aériennes vers le large. Marseille a été la dernière grande ville française à se doter d’une station d’épuration. Je me souviens aussi d’une réponse que m’avait faite un ingénieur pétrolier de la raffinerie de Fos à propos de la pollution : « Ici nous avons le Mistral qui nettoie notre atmosphère ! » Vision très locale, autocentrée, car cette pollution est souvent rabattue vers Marseille, alternant ainsi avec celle due aux grands bateaux de croisière dont les fumées envahissent la ville lorsque souffle la brise marine. Comme quoi le régime des vents, donc le climat, joue un rôle majeur sur l’environnement urbain, avec des effets variables selon les moments et les circonstances.
4Marseille et sa région sont un excellent terrain pour aborder et illustrer toutes ces questions relatives à la fragilité des littoraux, à leur contribution essentielle dans les grands cycles régulateurs de la planète. Cela tient à la taille de la métropole phocéenne, à sa position entre le delta du Rhône et le littoral préservé des calanques, à la nature de son arrière-pays escarpé et calcaire – ce qui induit un trajet rapide des eaux pluviales vers la mer –, à des fonds diversifiés entre l’ouest de la baie de Marseille et le parc national des Calanques à l’est, et aux caractéristiques de la Méditerranée : mer quasi fermée, une des plus polluées au monde dont l’oxygénation repose sur une inversion thermique entre eaux de surface et eaux profondes, dont la biodiversité remarquable est à la fois celle d’un biome (entité écologique) et d’un biote (entité historique issue de la même histoire).
5Mis bout à bout, ces constats de tous ordres font de la région marseillaise une mosaïque complexe dont chaque élément pris isolément soulève des questions spécifiques. Néanmoins, tout cela fonctionne comme un système hautement intégré, dans lequel chaque élément interagit avec les autres, constituant un socio-écosystème qui ne peut être abordé que de manière holistique en combinant de multiples approches. Et c’est bien l’objectif de cet ouvrage que de proposer une analyse transversale qui intègre à la fois le cadre géologique et climatique de la région – qui impose un niveau d’aléa – les facteurs liés à la biodiversité et tout ce qui touche aux emprises anthropiques. Les résultats scientifiques qu’il apporte dépassent largement le cas de Marseille et ils fournissent des pistes de réflexion et d’action exportables vers bien d’autres contextes. Ce faisant, l’ouvrage fournit une synthèse exemplaire d’un ensemble cohérent où l’homme est considéré comme un élément fondateur de nouveaux équilibres, justifiant pleinement que Marseille, à l’instar de toutes les grandes métropoles littorales, soit regardée comme un nouveau biome.
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