URL originale : https://books.openedition.org/pup/39005

« Laver, restaurer, entretenir, remettre à point… »
L’entretien des vitraux, un souci permanent ?
p. 65-74
Résumés
Cet article propose de faire le point sur ce que recouvraient les concepts d’entretien et de restauration dans le domaine du vitrail au Moyen Âge et au début de l’époque moderne. La création de vitrail, plus prestigieuse, a jusqu’ici été davantage prise en compte, mais l’analyse croisée des œuvres conservées et des sources anciennes montre que l’entretien des vitraux constituait le quotidien d’un grand nombre de peintres-verriers. Les travaux effectués dans le cadre de l’entretien et de la restauration sont sensiblement les mêmes ; les différences se situent au niveau de l’importance de la surface traitée et surtout dans la mise en œuvre (adjudications, contrôle du travail effectué…). Le recours au remploi de matériaux, qui n’est pas spécifique au vitrail, s’accompagnait ici – outre les économies engendrées –, du souci de conserver et de préserver des éléments auxquels une certaine valeur (spirituelle, mémorielle, voire artistique) était attribuée.
This article aims to take a close look at the concepts of maintenance and restoration in stained glass in the Middle Ages and the early Modern Times. The creation of stained glass, more prestigious, was so far rather taken into account, but the cross analysis of preserved works and ancient sources shows that the maintenance of stained glass windows was the daily life of a large number of glass painters. The works carried out within the framework of maintenance and restoration are essentially the same; the main differences lie in the size of the treated surface and especially in the implementation (tenders, control of the work carried out...). The reuse of materials, which is not specific to stained glass, was also motivated – in addition to the savings generated – by a concern to preserve elements to which a certain value (spiritual, memorial, even artistic) was attributed.
Texte intégral
1Entretenir et restaurer sont des évidences dans le domaine du vitrail, verre et plomb étant soumis à de nombreuses agressions, insidieuses (corrosion, etc.) ou brutales. Ces activités, moins prestigieuses que la création, assuraient le quotidien de nombre de peintres-verriers des XVe-XVIIIe siècles. Du dépoussiérage annuel des vitraux à la réalisation de « campagnes de restauration » en passant par le remplacement ponctuel d’éléments abîmés, la gamme des travaux était vaste. L’entretien ordinaire a jusqu’ici peu retenu l’attention des historiens et des historiens de l’art en tant qu’objet historique, au contraire des « grandes campagnes de restauration »1. L’objectif de cette contribution est de s’intéresser à la distinction entre ces pratiques grâce à l’étude des sources médiévales et modernes disponibles (pour l’essentiel sources comptables des établissements religieux et actes de la pratique, mais aussi contrats notariés et législations du métier), de tenter de les définir et de comparer leur mise en œuvre aussi bien matérielle que financière.
2De nos jours, le Manuel de conservation, restauration et création de vitraux distingue restauration et entretien. La première est définie comme « l’ensemble ou partie des travaux tendant à mettre l’œuvre en valeur, et à faciliter sa compréhension tout en respectant ses caractéristiques esthétiques, historiques et physiques »2. L’entretien correspond aux « opérations effectuées sur place, sans dépose de panneaux, qui visent à prolonger un état de conservation jugé satisfaisant et à reporter une intervention plus lourde »3. Dès lors qu’il y a dépose, il s’agit d’une « restauration »4. La documentation ancienne conserve-t-elle cette distinction ? Comment et pourquoi les chercheurs ont-ils qualifié certaines réfections de « restaurations » ?
3L’analyse des sources montre que cette distinction est complexe et repose sur les circonstances et les causes des travaux, leur ampleur et leur durée, les modalités de leur réalisation, les moyens financiers mobilisés ainsi que le personnel embauché.
1. Entretenir et restaurer les vitraux dans les siècles passés : tentatives de définitions
4L’entretien, tel qu’il apparaît dans les sources, comprend tout d’abord le dépoussiérage et le lavage des vitraux, effectué par un peintre-verrier ou par un homme de main (valet, couvreur)5. On trouve aussi, mais plus rarement, mention de l’embauche d’une personne chargée de l’ouverture des vitraux6. Il fallait aussi remettre en plomb les panneaux le nécessitant, sans que cette opération revête un caractère systématique comme cela a pu être le cas au XIXe siècle7, remplacer des morceaux de verre avec du verre neuf ou « vieux » et refaire des peintures (visages, vêtements, décors, inscriptions). Au titre des opérations ponctuelles se trouvent également la réfection et le renforcement des éléments de serrurerie, avec, parfois, la pose ou la réparation d’un treillis de protection, souvent par des serruriers8.
5Cet entretien quotidien, « ordinaire », se démarque clairement, dans les sources, d’opérations « extraordinaires » de plus grande envergure que l’on peut qualifier de « campagnes de restauration » ou de « grandes réfections »9, lesquelles reposaient sur la mise en œuvre de moyens particuliers, qu’ils aient été matériels ou humains. Ces travaux se distinguent tout d’abord par une périodicité plus réduite.
6Ainsi, pour la cathédrale de Chartres, l’observation de trois verrières de la façade occidentale (Arbre de Jessé, Enfance du Christ et Passion), datées du milieu du XIIe siècle, a permis de déceler, en dépit de l’absence de sources écrites, qu’une première « restauration » avait eu lieu au cours du siècle suivant et une seconde au XVe siècle10. Pour la cathédrale de Troyes, aux XVe-XVIe siècles, de grandes campagnes qui affectaient différentes parties de l’édifice avaient lieu environ tous les vingt ans ; dans l’intervalle, on effectuait des réparations plus ponctuelles, souvent suite à des dégradations accidentelles (grêle, etc.)11. Notre analyse des comptes d’une église malheureusement disparue, qui avait été richement dotée en vitraux (Saint-André de Saint-Quentin dans l’Aisne), montre, pour les XVIe-XVIIe siècles, que de grandes révisions, généralement liées à des dommages sérieux, survenaient à peu près tous les dix ans, et que l’on entretenait aussi les vitraux tout au long de l’année, parfois par l’entremise d’un peintre-verrier attitré12.
7Au titre des préparatifs, on peut relever, pour la campagne de réfections menée dans la cathédrale de Troyes dans les années 1485-1487, l’achat, par la fabrique, de grandes quantités de matières premières au début des travaux, en particulier du verre13. Il en alla de même à Chartres lors de la campagne de 1415-141614 : les comptes montrent que cette entreprise mobilisa plusieurs peintres-verriers auxquels la fabrique fournit un lieu pour travailler, de l’outillage ainsi que certaines matières premières (verre, métal). On fit aussi poser des échafaudages pour faciliter l’accès aux baies. À la Sainte-Chapelle, la grande révision qui eut lieu au XVe siècle comprit la réfection d’un grand nombre de panneaux peints qui furent refaits dans un style proche de celui de l’époque de la création (XIIIe siècle), mais à l’aide de matériaux et de techniques typiques du XVe siècle15.
8Le vocabulaire utilisé dans les sources anciennes au moment de ces grandes réfections atteste que l’on veut remettre en état un ensemble important de verrières, mais rien ne le distingue du vocabulaire de l’entretien « courant » : il s’agit de « mectre à point », de « faire de neuf » des verrières16, termes en tous point similaires à ceux de l’entretien où l’on « racoustre », « remet à point », « lève des panneaux », « remet en plomb »... Dans l’ensemble, les travaux sont en effet sensiblement les mêmes, et au-delà de la différence liée à l’ampleur de la surface traitée, c’est plutôt dans la mise en œuvre que l’on trouve des divergences.
2. De l’entretien à la « restauration », des mises en œuvre différenciées
2.1. L’entretien courant
9L’entretien des vitraux, tel qu’il apparaît dans les « mises » des comptabilités de fabrique, était ponctuel, mais souvent régulier. Il pouvait avoir lieu chaque année ou tous les deux ou trois ans, à l’instar de l’entretien des autres parties de l’édifice. Y concouraient principalement le peintre-verrier, mais aussi des serruriers ainsi que des maçons. Dans de nombreux édifices, on ne faisait intervenir qu’un seul et même peintre-verrier durant plusieurs années, la durée de son intervention dépendant évidemment des circonstances (finances de la fabrique, disponibilité du peintre-verrier…). Les membres d’une même famille pouvaient se succéder dans cette mission, comme les Barbe pour la cathédrale de Rouen aux XVe-XVIe siècles17. Parfois, dans les édifices importants, une charge avait même été créée à cet effet. Cette pratique est avérée sur certains chantiers depuis le début de la période gothique, aussi bien en France qu’ailleurs18. L’un des exemples les plus connus est celui de l’abbé Suger qui avait créé un office destiné à l’entretien des vitraux qu’il avait commandés pour le chœur de la basilique Saint-Denis entre 1140 et 114419. Après des débuts chaotiques, cet office s’est maintenu avec une assez belle constance de la fin du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIe siècle20, ce qui correspond à peu près à la période où les charges liées à l’entretien des vitraux ont commencé à disparaître21.
10Si les sources comptables attestent l’existence de ces offices, leur formalisation ne semble pas être intervenue avant le milieu du XVIe siècle. À cette époque, le contrat était souvent passé pour six ou neuf ans, mais certaines mentions révèlent l’existence de contrats à vie ou de durée indéterminée : en 1575, Salomon Bos accepta d’entretenir, « sa vie durant, les verrières de la cathédrale, des églises de Sainte-Marie-Madeleine et Notre-Dame-de-Consolation [d’Aix-en-Provence] ainsi que la maison du chapitre » contre 45 florins par an22. Inversement, à Auxerre, lorsque les peintres-verriers Jean et Pierre Cornouaille s’engagèrent en 1581 à entretenir les verrières de l’église Saint-Germain « selon les coleurs des verrières, de plomp, plastre et des aultres choses nécessaires pour l’entretenement d’icelles » pour le prix de 10 écus d’or soleil par an, ils acceptèrent de dépendre du bon vouloir du chapitre quant à la durée de leur embauche23.
11Le salaire de ces peintres-verriers attitrés n’apparaît généralement pas dans la colonne des « gages » versés régulièrement par les fabriques, mais dans celui des « mises ordinaires ». En l’absence de contrats ou de quittances, on peine donc généralement à les identifier comme tels. La répétition de mentions de paiements à un même peintre-verrier des années durant est certes un indice, mais elle ne permet pas d’établir des statistiques dans ce domaine24. Ces offices étaient toutefois généralement assez bien suivis, en particulier à partir du milieu du XVe siècle, période qui vit l’essor de véritables dynasties familiales en charge de l’entretien des vitraux d’un édifice. Ce fut le cas des Barbe déjà évoqués ci-dessus pour la cathédrale de Rouen25, mais aussi des Le Caisne et des Violette dans les églises de Saint-Quentin (tableau). À côté de ces grandes familles de verriers, bon nombre de peintres-verriers d’origine locale, souvent de simples « vitriers », étaient également fréquemment sollicités pour ces petits travaux d’entretien26. Une partie d’entre eux semblent d’ailleurs s’être cantonnés à ce type de mission dans certains édifices (voir ci-dessous « Des artisans spécialisés ? »).

Exemples de peintres-verriers ayant entretenu les vitraux de deux églises de Saint-Quentin (Aisne) aux XVIe-XVIIe siècles.
(Sources : Arch. com. Saint-Quentin, église Saint-André : liasses 190-191 : comptes XVe-XVIIe siècles : 1424 à 1646 ; interruption pour les années 1430-1560, 1566-1570, 1622-1627 et 1631-1643. Liasse 195 : quittances. Église Saint-Jean : liasses 215-216 : comptes 1559-1611 ; interruption pour 1564-1579. Liasse 219 et 221 : quittances).
12Ces contrats restent assez flous quant aux opérations effectuées par les peintres-verriers : il fallait entretenir les vitraux « selon les coleurs des verrières, de plomp, plastre et des aultres choses nécessaires »27. On peut les compléter et les comparer avec les données fournies par les sources anciennes (comptables, figurées), voire par les vitraux eux-mêmes28. Les réglementations professionnelles qui encadraient la pratique des peintres-verriers nous livrent de leur côté quelques indications sur les techniques prohibées et celles qui étaient recommandées. Elles n’interdisaient par exemple pas le remploi du vieux plomb ou de vieux morceaux de verre, mais s’attachaient plutôt à condamner ce qui risquait de fragiliser les verrières, comme l’utilisation de deux morceaux de plomb sur le même côté d’une pièce de verre29 ainsi que la peinture à froid30.
13Durant les périodes médiévale et moderne, l’entretien des établissements religieux médiévaux et modernes se distinguait essentiellement par le caractère ponctuel mais régulier des interventions d’un peintre-verrier, allant parfois jusqu’à l’embauche d’un peintre-verrier attitré. Bien différents étaient les dispositifs mis en œuvre pour les grandes réfections.
2.2. Grands travaux
14Dans le cadre des grandes réfections, il s’agissait tout d’abord d’évaluer les travaux à effectuer, de les adjuger à moindre coût et, in fine, de les contrôler.
2.2.1. Évaluer les travaux
15Comme pour les autres organes architecturaux, l’évaluation des travaux à effectuer sur les vitraux était assez fréquente quand il s’agissait d’opérations de grande ampleur : un peintre-verrier, souvent d’origine locale, était chargé de dresser un inventaire des dégâts et des réparations à faire. Ainsi, lors de la visite de l’abbaye Saint-Pierre d’Avenay (Marne) effectuée le 1er juin 1568 par Nicolas Breheuille, peintre et verrier de Reims, et par son confrère d’Épernay Jehan Guin, les peintres-verriers visitèrent et « rapport[èr]ent par écrit les ruynes des vitres, naguères advenues en l’église, dortoir et autres bastiments de ladite abbaye par les gens des huguenots qui [avaie]nt mis le feu en ladite église et auxdits bastiments »31. Dans ce cas comme dans d’autres, l’inventaire des tâches à réaliser se faisait suivant une logique topographique, en passant d’une pièce à l’autre dans les bâtiments à expertiser. Les procès-verbaux de ces visites contiennent des instructions concernant les lieux où intervenir, les plombs à remplacer, les quantités de verre à changer, le type de verre à utiliser (blanc, de couleur, orné), éventuellement des indications iconographiques, chaque réparation étant évaluée en fonction des quantités de matières utilisées et de la « fasson »32. On pouvait aussi en profiter pour apporter des modifications : en 1492, lors de la deuxième campagne de réfection des vitraux de la cathédrale de Troyes, on remplaça le verre coloré par du verre blanc au bas des verrières de la chapelle de l’Annonciation afin d’augmenter la luminosité33.
16Ces procès-verbaux pouvaient être utiles lors de la mise aux enchères des travaux ou en fin de chantier, au moment des visites de contrôle.
2.2.2. Adjudication : faire jouer la concurrence ?
17Tout comme lors de la commande d’ensembles vitrés neufs, les modalités d’embauche au moment d’une « campagne de restauration » sortaient de l’ordinaire : un contrat était passé entre le commanditaire et le ou les peintres-verriers chargés des travaux, alors que cela ne se pratiquait pas toujours pour l’entretien ordinaire. Faute de sources, on mesure mal la fréquence et l’ampleur de cette pratique dont la trace est souvent conservée indirectement, par le biais de leur adjudication notamment. En effet, pour faire baisser les prix de ces grosses réparations, les fabriques disposaient de différents dispositifs : la mise en concurrence et l’adjudication au rabais.
18Ainsi, en 1560, pour des réparations assez importantes aux vitraux de la collégiale Saint-Urbain à Troyes, le chapitre demanda à deux peintres-verriers de dresser un procès-verbal des réparations à faire, sans dépasser la somme de 90 l. t. Le marché fut remporté par celui qui proposa de s’en charger pour 85 l. t.34.
19Le processus des adjudications, quant à lui, diffère de la mise en concurrence en ce que plusieurs peintres-verriers sont appelés pour faire des offres à partir d’un devis réalisé par un de leurs confrères. Le déroulement de ces adjudications est mal connu, mais un acte de 1613 concernant l’adjudication de travaux à faire sur les verrières de l’abbaye de Signy (Ardennes) permet de savoir que les commanditaires devaient faire une annonce publique au sujet des travaux à exécuter avant de les mettre à prix. Le « moins-disant » emportait l’enchère. À Signy, elle débuta à 500 l. t. et fut adjugée pour 450 l. t. à Nicolas Desrodé l’Aîné35.
20La concurrence semble parfois avoir été faussée. Dans l’exemple cité ci-dessus, Nicolas Desrodé l’Aîné précisa que l’adjudication était « tant pour luy que lesd. Desrodé le Jeune, Thierry et Jehan Labbé, aussi me peintre et vit trier […], lesquelz présents l’ont aussy accepté »36. Or, les peintres-verriers avec lesquels il prévoyait de s’associer étaient ceux-là mêmes qui avaient participé aux enchères. La procédure, peut-être un peu biaisée, permit cependant à l’abbaye de baisser le prix de 50 l. t.
2.2.3. Des artisans spécialisés ?
21À l’issue de ce processus, qui se voyait attribuer in fine les travaux de réfection des vitraux ? Étaient-ils confiés à des professionnels spécialisés dans ce domaine comme c’est le cas de nos jours ? Les données qui subsistent sont malheureusement insuffisantes pour pouvoir le prouver, mais l’analyse des carrières de peintres-verriers montre clairement qu’il existait différents profils, différentes manières d’exercer le métier, les compétences ainsi que le contexte ayant un rôle prépondérant : si certains œuvraient, dans les faits, bien plus dans le domaine de la peinture « ornementale » que dans celui du vitrail (ou vice versa), d’autres étaient plus tournés vers l’entretien que la création des vitraux37. Une partie des peintres-verriers chargés de l’entretien ne prenait en effet jamais part à la création de vitraux quand l’occasion se présentait. Ainsi, à la cathédrale de Troyes, durant la première moitié du XVIe siècle, les travaux de création étaient confiés à Jean Soudain alors que les réparations (pose de verre blanc, pour l’essentiel) furent accomplies par des peintres-verriers qui ne conçurent pas de vitraux pour cet édifice38. À l’inverse, certains verriers créateurs de vitraux pouvaient occasionnellement être sollicités pour des travaux d’entretien. Dans les années 1520-1530, les peintres-verriers Jean Verrat et Jean Soudain, qui posaient des vitraux neufs, furent aussi requis pour effectuer des réparations39.
22De manière plus générale, pour une ville comme Troyes, on observe qu’une partie des peintres-verriers qui assurait l’entretien et les restaurations dans les différents édifices de la ville n’exerçait que dans ce domaine. C’est par exemple le cas de Jean Cornuat, de Martin Lambert et de Pierre Marcassin40. Cela relevait-il d’un choix ? Ces artisans n’étaient pas forcément de simples vitriers peu qualifiés et peu fortunés, car ces chantiers, parfois importants, pouvaient être assez complexes (ils incluaient la remise en état de verrières de couleur, etc.) et bien rémunérés (parfois plusieurs centaines de livres).
23En outre, dans le cadre des grandes campagnes de réfections, contrairement à l’entretien quotidien pour lequel on faisait souvent appel à des artisans d’origine locale, un peintre-verrier d’origine extérieure pouvait être amené à intervenir, sans que l’on puisse toujours déterminer les raisons exactes de ce choix. On peut le voir à travers l’exemple de l’église Saint-André de Saint-Quentin (Aisne), l’une des plus importantes de la ville : ses vitraux ont toujours été entretenus, régulièrement, par des peintres-verriers « locaux » (les Le Caisne, les Viollette, mentionnés plus haut). Mais, en 1616, les vitraux ayant été endommagés par la grêle, c’est le peintre-verrier de Laon Rémy Placquier, connu dans sa ville d’origine pour des travaux d’entretien, qui entreprend la restauration des vitraux, pour la somme de 235 l.41. On ignore comment le chantier a été attribué (adjudication au rabais, etc.), si le peintre-verrier a travaillé seul ou s’il a éventuellement sous-traité une partie du travail à des confrères. Dans l’église Saint-Martin de Saint-Quentin, l’intervention, en 1586-1587, de deux peintres-verriers de Compiègne, François et Claude de la Cher Foerier, s’explique peut-être par leur polyvalence. Les deux peintres-verriers font faire puis peignent et dorent une table d’autel (100 écus), ils posent une verrière au-dessus de la porte du cimetière (30 écus), réparent l’ensemble des vitraux de l’église (5 écus) et réalisent d’« aultres ouvrages » (7 écus)42. À cette même époque, toujours à Saint-Quentin, François est aussi amené à effectuer, seul, des travaux de peinture ornementale pour l’église Notre-Dame-de-la-Créance. Leur activité n’a pas laissé de trace à Compiègne, mais on peut penser qu’ils étaient apparentés au peintre Augustin de la Chair, actif à la même période43.
24La disponibilité de la main-d’œuvre, la taille de l’atelier, le professionnalisme et la renommée du peintre-verrier entraient aussi certainement en ligne de compte au moment du recrutement.
2.2.4. Inspecter le travail : la visite de contre-expertise
25Les visites de contre-expertise, qui permettaient de contrôler la qualité des travaux, pouvaient avoir lieu pendant leur réalisation ou, le plus souvent, en fin de chantier et être demandées par le commanditaire ou le peintre-verrier. Cette pratique, qui concernait aussi bien la création de vitraux que leurs réparations, était répandue partout, que le métier ait été libre ou pas. Ces contrôles, dont la teneur est mal connue, visaient certainement à vérifier le respect des clauses des contrats ainsi que le métrage des verrières, dit « toisé ». Pour cela, on pouvait se servir des procès-verbaux des travaux à effectuer dressés avant l’adjudication. En région troyenne, ces visites étaient prévues dans le contrat ou décidées lorsqu’un peintre-verrier demandait une avance sur son salaire.
26Le « toisé », qui était à la charge du commanditaire, a laissé peu de traces manuscrites, sauf lorsqu’il était payé par la fabrique : il figurait alors dans les comptes et l’on en trouve en effet des traces dès le XIVe siècle pour la cathédrale de Troyes qui nommait des « maîtres ouvriers commis » chargés de ces vérifications. En 1378-1379, des maîtres condamnèrent des travaux du peintre-verrier Jean de Damery car « l’ouvrage n’estoit pas souffisant ne convenable ». Les vitraux furent démontés et les matériaux rachetés par le peintre-verrier et l’un de ses confrères44. L’examen des sources prouve que cette pratique de la visite est attestée sur le long terme : au XVIIe siècle, en 1616-1617, les importants travaux effectués dans l’église Saint-André de Saint-Quentin par « Remy Placquet, maître vitryer et paintre demourant à Laon » pour la somme de 235 l. t. furent « veues et visitées par François Viollette, me vitryer à St Quentin ». On ignore combien la visite lui fut payée45. Ces visites étaient confiées à des personnes possédant une certaine caution, des maîtres réputés dans les villes sans jurande ou les maîtres jurés dans les villes avec jurande. L’exemple évoqué ci-dessus illustre le premier cas : lorsqu’il inspecta les réparations menées par Remy Placquet à Saint-André, François Viollette I, qui avait débuté dans les années 1580 et œuvré dans de nombreuses églises de la ville, était déjà très expérimenté46.
27C’est donc surtout l’ampleur des travaux ainsi que la mise en œuvre de dispositifs particuliers (achat de matières premières, installation/utilisation d’échafaudages déjà en place, fourniture d’un local pour travailler ainsi que d’outils, établissement de « devis ») qui permettent de repérer l’existence de « campagnes de restaurations ». De nos jours, « restaurer » suppose une dépose des vitraux, la réalisation d’un dossier documentaire et de diagnostics sur les dégradations et les éléments nécessitant une intervention ainsi que la mise en place d’un certain nombre d’opérations visant à assurer la sûreté des vitraux sur le long terme (nettoyage, refixation des peintures, restauration des plombs, système de protection). Le fait d’avoir établi un bilan des dégradations ou mis un local à disposition des peintres-verriers pourrait permettre d’assimiler certaines opérations de réfections passées à des « restaurations » proches – dans l’esprit du moins –, des restaurations actuelles. Mais les textes anciens ne précisent qu’assez rarement s’il y a eu dépose ou si le peintre-verrier a travaillé in situ47.
3. Entretenir et restaurer, mais à quel coût ?
28L’entretien et les restaurations constituaient un poste de dépense parfois important pour les établissements religieux et les méthodes utilisées pour solliciter des fonds pour les vitraux sont similaires à celles employées pour n’importe quelle partie de l’édifice48. Pour ce qui relève des levées de fonds, entretien et restauration se distinguent moins par les procédures que par l’ampleur des sommes mobilisées.
3.1 Des financements différenciés mais complémentaires
29Les ressources habituelles, cens, rentes, aumônes, permettaient certainement de financer les travaux réguliers. S’il était modeste, le produit de la quête pouvait être cumulé sur plusieurs semaines afin de financer des travaux49. En revanche, la mobilisation de financements exceptionnels était selon toute vraisemblance nécessaire pour les grandes campagnes de réfection. Entre les deux, il existait d’autres dispositifs, similaires à ceux utilisés pour financer d’autres types de travaux : des particuliers donnaient, quelquefois, de leur propre chef, des sommes d’argent destinées aux vitraux. Les raisons de ces versements étaient parfois explicites : en 1578-1579, la veuve d’Anthoine Leschier versa 14 s. 7 d. à la fabrique de l’église Saint-Thomas de Saint-Quentin (Aisne) « à cause de rompture d’une verrière que avoient rompu ses enffans »50. On sait aussi que certains fondateurs ou donateurs, certainement mus par des motivations dévotionnelles et mémorielles, pouvaient affecter des revenus et des legs à l’entretien de vitraux auxquels ils tenaient51.
30Pour les grandes réfections, on lançait des appels à contribution à différents niveaux : en 1616-1617, les vitraux de l’église Saint-André à Saint-Quentin – dont certains avaient été réalisés par le célèbre Mathieu Bléville –, qui avaient reçu « un très notable dommage » et été « rompues par la grêle […], furent […] réparés au moyen des aumônes des paroissiens »52. Ces dons permirent de récolter près de 180 l.53, ce qui ne suffit certes pas à couvrir le montant total des travaux – estimé à 250 livres –, mais constitua un apport non négligeable puisque les 800-900 l. t. de revenus annuels de la fabrique, étaient généralement entièrement utilisés pour couvrir les frais courants54. Dans certains cas, un ou des noble(s), voire le roi lui-même, venaient au secours d’un édifice : lorsque la fabrique de la cathédrale de Soissons s’avéra incapable de financer les travaux liés aux dégâts provoqués par les Huguenots vers 1567, elle fit appel au roi qui lui accorda en 1616 un don royal pour la remise en état de son église considérée comme l’une des « plus belles du royaume ». Elle usa du même procédé à la suite d’un incendie survenu en 1669 et obtint 600 livres annuelles durant plusieurs années pour remettre la cathédrale en état et, en particulier, les vitraux55.
3.2. Faire baisser les coûts ?
31Comme pour tout poste de dépense récurrent, on tentait de faire baisser le coût des réparations par différents moyens.
3.2.1. Embaucher un peintre-verrier attitré
32Lorsqu’un peintre-verrier attitré était embauché pour assurer l’entretien, l’existence d’un contrat permettait-elle aux fabriques de faire des économies ? Bien entendu, le montant total des gages dépendait en partie de la taille de l’édifice, mais aussi d’autres facteurs, comme le fait que le prix des réparations soit inclus ou non dans le salaire56. Les missions du peintre-verrier pouvaient aussi différer. Quoi qu’il en soit, celui-ci devait assurer les réparations courantes, les dégradations extraordinaires (grêle…) étant normalement exclues du contrat57, ce qui contribue à considérer les premières comme de l’« entretien ». Cependant, certains contrats prévoyaient des clauses destinées à couvrir en partie le montant de réparations extraordinaires : dans le contrat passé en 1602 entre Sanson Rallut et le chapitre de la cathédrale de Sens, le peintre-verrier était tenu d’effectuer toutes les réparations si celles-ci n’excédaient pas le montant de trois écus. Si cette somme était dépassée, la charge en revenait au chapitre58. Le paiement se faisait souvent en numéraire, mais parfois aussi en nature.
33De manière générale, la comparaison entre les sommes déboursées pendant un an pour l’entretien courant des vitraux (hors serrurerie) et les salaires promis dans les contrats passés avec un peintre-verrier montre une économie assez minime (une livre en général), et ce, d’autant plus que le vitrier n’était généralement tenu qu’à l’entretien courant. Mais la fabrique et le peintre-verrier étaient gagnants : la première obtenait un léger rabais en échange d’un entretien assuré régulièrement pendant que le second s’assurait de recevoir un revenu fixe pendant une période donnée.
3.2.2. Se procurer certaines matières premières et les fournir au peintre-verrier
34Assez souvent, les commanditaires fournissaient les matières premières aux artisans, comme on l’a vu avec les travaux dirigés par l’Œuvre de la cathédrale de Chartres59, ceux de la cathédrale de Troyes et dans bon nombre de comptabilités de fabriques. On peut se demander si cette opération était financièrement intéressante pour le commanditaire, en particulier pour les achats. On peut en douter pour le verre : à Troyes, la fabrique de la cathédrale ne faisait a priori pas de bénéfice sur la revente du verre quand elle l’achetait en gros pour le confier à un peintre-verrier réalisant des vitraux pour son compte, le prix de revente du pied de verre ouvré par le peintre-verrier étant en effet assez élevé60. L’origine de cette pratique réside peut-être plutôt dans le fait que le peintre-verrier avait une trésorerie insuffisante pour procéder lui-même aux achats de matériaux et que le commanditaire pouvait ainsi contrôler la qualité des matières premières.
35En revanche, la réutilisation de matières premières et d’éléments ouvragés, très courante à l’époque, qui se retrouve aussi dans le vitrail, permettait de sérieuses économies. Nous n’évoquerons ici que celle du verre, des cartons de vitraux et des vitraux eux-mêmes, celle du métal ayant été traitée par ailleurs61. Ainsi, si le remploi de cartons était fréquent au sein d’un atelier pour la création de vitraux, on sait que certains commanditaires exigeaient de les récupérer, entre autres pour faciliter l’entretien de leurs vitraux sur le long terme62. Pour « boucher les trous » dans des vitraux, le verrier pouvait utiliser du vieux verre, des portions d’anciens vitraux ou des panneaux entiers. Cette pratique vraisemblablement ancienne, dite du « bouche-trou », devait être assez économique et était très répandue63. Quelques exemples sont consignés dans les sources troyennes publiées par D. Minois64 ou dans cette mention très explicite concernant la collégiale Notre-Dame de Mézières en 150765 : « A Petit Jehan Prin, pour avoir fait LXIII piedz de verrières des vielz voires qui estoient en lad. église au pris de VIII d. chacun pied, monte : XLII s. VIII d. ». Le prix du verre ancien récupéré était nettement inférieur au prix du verre neuf. On peut émettre l’hypothèse d’une utilisation de verre de récupération pour des travaux très faiblement rémunérés66. Cette pratique du remploi de portions de vitraux ou de verrières entières se serait développée au fil du temps, en particulier à l’époque moderne, au moment où la production de vitraux se raréfia. On utilisa ainsi beaucoup de vitraux civils pour les églises et, du fait de leur petite taille, ceux-ci sont quelquefois restés intacts67. Dans certains cas, la récupération de vitraux provenant de l’édifice même ou d’un autre permettait d’assurer une certaine continuité stylistique et patrimoniale68.
3.3. Esthétique et conscience patrimoniale
36La recherche d’économies, bien que certaine, n’explique pas toujours le recours à un peintre-verrier attitré ou à la fourniture de matériaux neufs ou de récupération lors de l’entretien ou de restaurations. Ces pratiques dénotent plus sûrement la volonté d’entretenir et donc de préserver et de conserver ce qui est manifestement déjà perçu comme une forme de « patrimoine » ainsi que la recherche d’une certaine esthétique et d’une certaine qualité69. L’observation de verrières restaurées anciennement a montré l’existence d’un souci de cohérence stylistique : dès le XIVe siècle au moins, les peintres-verriers ont tenté de se raccorder au dessin original lorsqu’ils devaient refaire des pièces pour restaurer des panneaux anciens70. Le fait d’insérer, dans des vitraux à réparer, des pièces prélevées sur des panneaux provenant d’origines et d’époques diverses allait dans le même sens.
37Chaque époque a été marquée par des soucis esthétiques et religieux différents, mais la recherche de la luminosité est une constante qui a pris différents aspects et dont le facteur économique n’est pas toujours absent : dès leurs origines, certaines parties des édifices étaient de préférence vitrées en blanc ou dotées de grisailles conférant une plus grande clarté. Il était aussi possible de ne vitrer qu’une partie d’une baie avec du verre blanc ou peint en grisaille, en un procédé dit « verrière mixte », que l’on rencontre dès le XIIIe siècle et qui est aussi souvent mentionné dans le deuxième tiers du XVIe siècle. Si, à cette époque, ce dispositif peut être interprété comme un compromis entre le goût pour la lumière ou l’exigence de luminosité propre à la Réforme catholique et l’ancienne mode du vitrail monumental peint, il peut aussi être considéré comme une solution moins onéreuse que la réfection intégrale et à l’identique de vitraux colorés. En effet, le verre coloré (peint ou de couleur) coûtait plus cher que le verre blanc, en particulier durant cette période. Or, à cette époque, de grosses réfections durent être menées suite aux dégâts causés par la « vague d’iconoclasme » survenue dans les années 1567. Réparer ces dommages coûtait très cher et le vitrail n’était qu’un des postes de dépenses, au côté des travaux liés aux charpentes, à la maçonnerie, aux toitures...71
38Il a d’ailleurs été prouvé que l’une des raisons de la baisse de la demande en vitrail coloré aux XVIIe-XVIIIe siècles était tout autant liée à des partis pris esthétiques qu’à des problèmes d’ordre économique comme la gestion des finances des fabriques72.
Conclusion
39Les sources anciennes ne permettent que difficilement de différencier entretien et restauration, en particulier pour ce qui relève des opérations effectuées et du vocabulaire utilisé, à tel point que les pratiques liées à l’entretien quotidien semblent parfois s’apparenter à nos « restaurations » contemporaines. Il y a toutefois eu des campagnes de « restauration », caractérisées par l’existence de préparatifs, l’ampleur des travaux et des moyens mis en œuvre ainsi que l’utilisation de procédures particulières pour faire effectuer le travail.
40Par les procédures et les moyens financiers mobilisés, l’entretien et la restauration des vitraux se distinguent peu des autres types de travaux effectués dans un édifice. L’aspect le plus spécifique est peut-être celui lié au remploi de matériaux, que l’on rencontre certes dans d’autres domaines. Mais, en ce qui concerne le vitrail, outre les économies engendrées, cela manifeste un besoin de conserver et de préserver des éléments auxquels une certaine valeur (spirituelle, mémorielle, voire artistique) était attribuée, témoin d’une certaine conscience patrimoniale proche de nos préoccupations actuelles. Chaque époque ayant laissé sa marque, l’analyse combinée des sources et l’observation des vitraux n’en sont que plus importantes avant toute entreprise de restauration des vitraux.
Notes de bas de page
1 Leur étude est en effet essentielle pour établir la « critique d’authenticité » d’un vitrail, laquelle « a pour objectif de déterminer quelles en sont les parties originales et les parties restaurées à différentes époques » ; cette critique d’authenticité est au cœur des publications du Corpus Vitrearum et constitue aujourd’hui le préalable à toute tentative de restauration (Pallot-Frossart 2015, 542-551 et Boulanger 2015).
2 Manuel 2006.
3 On ne peut nettoyer les vitraux qu’à l’eau, si l’état des traitements de surface (grisaille, etc.) le permet. Le repiquage ou le renforcement des mastics ne doivent concerner que de petites portions de vitraux. Il en va de même pour les réparations liées à l’armature, à la protection des vitraux, etc.
4 Manuel 2006, 91.
5 « A Jehan Bourgoignon, couvreur, pour avoir ramonné et nettoié les voulsures et vitres de lad. église, a esté payé : XL s. t. » (G 181, Arch. dép. Ardennes, comptes de la fabrique Notre-Dame de Mézières, 1581). Cette activité pouvait être aussi incluse dans les gages payés annuellement aux verriers : « À Pierre le Caisne, pour avoir entretenu et reffectionné les verrieres de lad. église durant l’an de ce compte, (…) » (1585-1586, Arch. Com. Saint-Quentin, église Saint-André, l. 191).
6 Ce fut le cas pour l’église Saint-Jean de Troyes en 1509-1510 ; le verrier Lyevin reçut 15 s. t. pour un an de ses gages (Minois 2005, 267). Mesure certainement destinée à éviter la condensation en face intérieure du vitrail.
7 On a longtemps pensé qu’il fallait refaire systématiquement les réseaux de plomb dans leur intégralité comme cela se faisait au XIXe siècle, suivant la croyance qui établissait qu’« une résille de plomb durerait cent ans ». Or, l’étude des sources écrites et des analyses effectuées sur des vitraux ont démontré que les peintres-verriers du Moyen Âge et de l’époque moderne pratiquaient des restaurations moins invasives et plus ponctuelles (Pinto 2005, 37-41), la remise en plomb totale étant occasionnelle. L’exemple suivant l’atteste : « A Jehan Soudain, verrier, (…) pour avoir levé et relavé quarente six paneaulx en la verriere qui est sur les grosses orgues (…) et aussi pour avoir souldé, relié et mis plusieurs pieces en ladite verriere » (Minois 2005, 387 : C290).
8 Blondel 2004, 384-385.
9 Pour le vitrail, le concept de « restauration » est fortement « connoté » de nos jours, de sorte que les historiens semblent mal à l’aise avec le vocabulaire à utiliser pour évoquer ces grandes campagnes de réfection. Si d’aucuns parlent de « campagne de restaurations », d’autres préfèrent parler de « campagnes de réparations » ou s’en tiennent aux termes présents dans les sources (« entretien extraordinaire », « raccomodage » général), mais dans l’ensemble, tous ou presque usent de ce terme pour les travaux effectués à partir du XIXe siècle.
10 Perrot 1977, 48-49.
11 Minois 2005, 97-105.
12 Arch. com. Saint-Quentin, église Saint-André, l. 190-196.
13 Minois 2005, 97.
14 Merlet 1889.
15 Leniaud, Perrot 2007, 182.
16 Termes utilisés lors de la campagne de « restauration » des vitraux de la cathédrale de Troyes en 1485-1487 (Minois 2005, 97 et 384 : C30).
17 Blondeau 2014. Le même phénomène existe dans la plupart des corps de métier (Cailleaux 1999, 422-423).
18 À Chartres, les noms des verriers chargés de l’entretien des verrières sont mentionnés dans les comptes dès le XIVe siècle (Delaporte 1926, tome II, 19-20 et 22). À Paris, Saint Louis affecta des revenus à cet effet pour la Sainte-Chapelle dès 1248 (Leniaud, Perrot 2007, 181). Pour l’Angleterre, on sait que Jean le Verrier et ses fils furent engagés pour l’entretien des vitraux de la cathédrale de Chichester à partir de 1240 (Lillich 1985 ; Brown, O’Connor 1992, 16).
19 Suger 1996, 150-151.
20 L’Héritier 2015, 144-145.
21 Il conviendrait de mener des investigations précises sur ce sujet.
22 Guidini-Raybaud 2003, 290.
23 « faire et continuer tant qu’il plaira ausd. sieurs de chappistre », cf. Drot 1900, fasc. 3, 237.
24 Ainsi, les paiements dus chaque année par la fabrique de Saint-André de Saint-Quentin (Aisne) à Lucas Le Caisne II apparaissent dans la rubrique des « mises » et non dans celle des « gages », mais des quittances confirment que le peintre-verrier avait bel et bien passé un contrat annuel avec la fabrique par lequel il s’engageait à entretenir tous les vitraux de l’église contre la somme de six écus (Arch. com. Saint-Quentin, église Saint-André, l. 195 : quittances du 19 janvier 1601, du 12 janvier et du 10 novembre 1605…).
25 Blondeau 2014.
26 Voir, par exemple, pour les édifices de Troyes, Minois 2005.
27 Voir note 23.
28 Quand leur observation directe le permet, ce qui est le cas lorsque des campagnes de restauration sont entreprises.
29 En effet, l’usage habituel consiste à enchâsser chaque côté d’une pièce de verre d’un seul plomb qui sera soudé avec les autres plombs cernant les autres côtés, généralement au niveau des angles. Utiliser deux morceaux de plomb pour un côté ajoutait un point de soudure et donc une faiblesse.
30 Il convenait de cuire les nouvelles couches de peinture afin de les durcir, car, sans cela, elles risquaient de se détériorer plus rapidement. Malheureusement, le risque de casse au cours de la cuisson était très grand, ce qui explique que les peintres-verriers aient couramment pratiqué la peinture à froid.
31 Paris 1879, t. 3, 209-211.
32 « Une aultre verriere de verre blanc et une aultre aussy de verre blanc, bordées de couleurs, qui contiennent 92 pieds, qui vallent à refaire comme elles estoient, six sols t. chacun pied, et chacun pied de bordure neuf sols tournois ; ce sont XXVII liv. XII s. t. […]. Audit coeur, y a cinq verrieres rompues en plusieurs endroicts de coups de picques, perches et pierres qu’il faut réparer, lesquelles vallent pour matériaux et fassons, 25 liv. t. » (Reproduction du « procès-verbal des peintres et vitriers Breheuville, de Reims, et Guin, d’Espernay », 1er juin 1568, dans Paris 1879, t. 3, 209-211).
33 Minois 2005, 98.
34 Ibid., 194.
35 Archives particulières non déposées. Brisset, notaire à Reims. Acte signalé par le généalogiste marnais J.-P. Denise.
36 Cf. note précédente.
37 Cela pouvait aussi se combiner : François Pothier exerça dans le domaine de l’entretien du vitrail et dans celui de la peinture ornementale (pour des entrées royales, etc., cf. Minois 2005, 340-343).
38 Tel fut le cas de Jacques Maçon (Ibid., 330).
39 Ibid., 104.
40 Ibid., notamment 335-37.
41 Arch. com. Saint-Quentin, église Saint-André, l. 191.
42 Arch. com. Saint-Quentin, église Saint-Martin, liasse 231.
43 Travaux de peinture pour la ville, Arch. com. de Compiègne, CC 53 : comptes de recettes et dépenses de la ville, 1582-1586.
44 Rondot 1887, 7-8. Cette pratique ne doit pas étonner : dans certains statuts de peintres-verriers figurait l’obligation de respecter les unités de mesure établies (Dijon : articles 8 et 9). Ces unités de mesure correspondaient à un étalon de référence utilisé pour vérifier les mesures des verrières. Le non-respect de cette unité était soumis à une amende assez élevée. Dans les villes non réglementées, la surveillance des poids et des mesures existait aussi, mais elle s’inscrivait dans un autre cadre.
45 En 1596-1597, François Viollette I avait reçu 20 s. t. pour la visite d’importants travaux menés dans cet édifice par le peintre-verrier habituellement chargé de l’entretien des vitraux, Lucas le Caisne II (Arch. com. Saint-Quentin, église Saint-André, l. 191).
46 Ibid.
47 Certaines mentions pourraient laisser le penser. « Je soubzsigné François Viollette, verrier demeurant à Sainct Quentin, … pour avoir démonté six paneaux de ver, maistre plusieurs careaux, à maistre du plon où il y en estoit besoing… » (Quittance du peintre-verrier François Viollette, Arch. com. Saint-Quentin, église Sainte-Catherine, l. 198, 1610).
48 Voir les travaux de D. Cailleaux sur Sens par exemple (Cailleaux 1999, 157-209).
49 Ainsi, à Andrezel (Seine-et-Marne), en 1498, le produit de « deux à trois quêtes dominicales » permit aux marguilliers de réunir les 9 s. p. destinés à la réfection d’une verrière (Arch. dép. Seine-et-Marne, église Saint-Jean-Baptiste, 59 G 27).
50 Arch. com. Saint-Quentin (Aisne), l. 256 : église Saint-Thomas.
51 On peut penser aux revenus que Louis IX affecta avant son départ pour la Terre Sainte, en août 1248, à l’entretien des vitraux de la Sainte-Chapelle de Paris (Leniaud, Perrot 2007, 181). Pour un exemple hors du domaine français, voir le don de Rombout van Mansdale pour l’entretien d’une verrière héraldique du chœur de la chapelle de Saint-Laurent de l’église de Saint-Grommaire de Lierre (Caen 2009, 318-319).
52 La Fons 1854, t. 2, 144.
53 Arch. com. Saint-Quentin (Aisne), église Saint-André, l. 191 : 1616-1617.
54 À cette époque, la fabrique consacrait chaque année environ 20 l. t. à l’entretien des vitraux, ce qui correspondait en grande partie au salaire versé au peintre-verrier chargé d’entretenir les vitraux.
55 Arch. dép. Aisne, G 784 : Inventaire analytique rédigé en 1775. Liasse 34 : réparations à l’église avant et après l’incendie de 1669, 693.
56 Ainsi à la cathédrale de Chichester, le prix des réparations était exclu du contrat conclu en 1240 par Jean le Verrier et ses héritiers (Brown, O’Connor 1992, 16).
57 On peut penser à la charge de « verrier de la cathédrale de Metz » : au XVIe siècle, celle-ci était rémunérée à hauteur de douze quartes de blé par an et n’engageait son titulaire qu’à des travaux de type « entretien courant » (Hérold 1987, 91). Voir aussi le contrat passé en 1664 par Jean Haran le Jeune avec la fabrique de l’église de Bazoches. Le peintre-verrier s’engageait à « entretenir [...] touctes les vistres d’icelle église en verre blancq seullement et les rendre […] en bon et suffisant estat, sinon en cas qu’il arrivoit par accident de fouldre ou par viollent degain de guerre qu’icelle vistre fasse […] metre ruine, en ce cas, ledit Haran n’y seroit tenu que pour les menues réparations et entretenement de verre et plonc seullement ; sera tenu ledit Haran tous les ans metre un paneau ou deux desdittes vistres en plonc neuf où il conviendra » (Arch. dép. Seine-et-Marne, 82 G 6 : Bazoches, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul : marchés et travaux (1594-1664)).
58 Marché de réparation et d’entretien des vitres de la cathédrale en 1602 (transcrit par Jacques Gyssels et communiqué par Mme Raimbault-Martin, directrice des Archives communales de Sens). Arch. dép. Yonne, 3 E 22/958, devant Me F. Morant le 5 mars 1602. Sur la question de l’entretien « ordinaire » et de l’entretien « extraordinaire » au XVIIIe siècle, voir Lours 2005.
59 Merlet 1889. La liste n’est pas exhaustive : on peut penser à la cathédrale de Sens (Cailleaux 1999), à celles de Rouen, Strasbourg...
60 Minois 2005, 261.
61 Dillmann, L’Héritier 2009.
62 Van Ruyven-Zeman 1996 ; 1999 ; 2002.
63 Perrot 2004.
64 Minois 2005.
65 Arch. dép. Ardennes, comptes de l’église Notre-Dame de Mézières, G 171.
66 Pierre Fagot l’aurait utilisé en 1505-1506 pour la maison des Quarreaulx car le paiement est très modeste (1 s. 8 d./pied) (Minois 2005, 263).
67 Le titre d’un article de Jean Lafond est explicite : « Le vitrail civil français à l’église et au musée » (Lafond 1956). Voir d’autres exemples dans Lafond 1988, 113-116.
68 Les exemples ne manquent pas. Voir Leniaud, Perrot 2007, 196 ainsi que Perrot 2004 et Lafond 1988, 73-156.
69 Sur les théories de la restauration des vitraux à des périodes plus récentes (XIXe-XXe siècles) voir, entre autres : Leniaud, Perrot 2007, 197-200 ; Pillet 2010 et Prez 2017.
70 Leniaud, Perrot 2007, 181-182 : cela est par exemple avéré pour Chartres dès le XIVe siècle et pour la Sainte-Chapelle au XVe siècle.
71 Des verrières « mixtes » furent ainsi prévues lors de la remise en état des vitraux de la cathédrale de Reims en 1613. À cette date, la fabrique avait déjà déboursé pas moins de 500 livres pour diverses réparations liées aux vitraux. Le procès-verbal de la visite des vitres effectuée par le peintre-verrier Nicolas Dérodé le Jeune contient plusieurs mentions de ces verrières « mixtes » et prévoyait en outre de réutiliser du « ver peind à demi-neuf », facturé moins cher que le verre peint neuf. Même si le souci de sauvegarde des anciens vitraux était réel, le facteur économique a assurément joué (Arch. com. Reims, FA C 804, l. 191, 5 février 1613).
72 Lours 2005.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Sarta Tecta
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Sarta Tecta
Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.
Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org
Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.
Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.
La syntaxe de l’email est incorrecte.
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3