Aux origines des cimetières contemporains
| ,Impact et diffusion de la législation funéraire française en Europe
Chapitre 16. D’autres modèles ? Les cimetières anglo-saxons
Texte intégral
1Suivant, dès le premier tiers du xixe siècle, l’exportation de la figure du Père-Lachaise vers les États-Unis, l’histoire de mentalités a confirmé la domination progressive d’un modèle particulier, le cimetière parc, dans lequel s’opère une certaine disparition du monument funéraire. Si cette prédominance existe, nous tenterons de montrer qu’elle relève aussi d’une position critique spécifique par rapport à cet héritage et qu’elle se prolonge, au milieu du xixe, par un transfert des références américaines vers l’Europe anglo-saxonne. Dans cette perspective, il s’agira d’associer politique urbaine et politique de la mort en analysant les approches matérielles des lieux de sépulture dans leurs traductions à la fois théoriques et pratiques.
2À Paris, la réforme de l’espace funéraire semble achevée dans ses principes à partir de 1830. Avec le décret de prairial, les lieux de sépultures peuvent désormais être répartis et redéfinis. Ils sont inscrits dans une logique garantissant et dictant leur isolement, leur contrôle et leur économie, celle de l’équipement, et sont soumis à une loi consensuelle et une typologie qui tend à se stabiliser, le lotissement. L’intérêt public et l’intérêt privé parviennent dès lors à se combiner sinon à s’équilibrer. L’État reconnaît et gère dans de grandes nécropoles une idéologie de la conservation qui s’est constituée, malgré lui et malgré l’Église, au fil des réformes. Les morts forment une communauté vénérée, plongée dans un sommeil éternel sous l’accumulation protectrice du linceul, du cercueil, du caveau et du monument. C’est au pied de celui-ci, de cette ultime propriété, que s’opère la distinction des statuts et des fonctions. Le domaine privé et sa représentation, comme le domaine public et sa mission de distribution, de surveillance des biens et des personnes sont clairement inscrits dans le tracé des voies et le découpage parcellaire.
Le temps des critiques franco-anglaises
- 1 Ministère de l’Intérieur, administration départementale et communale, 2e section, 1er bureau, circu (...)
- 2 Henri Janniard, « Rapport sur les sépultures », in Revue générale de l’architecture et des travaux (...)
3Cet équilibre ne se maintient pas sans heurts et de nombreuses critiques s’élèvent contre l’attitude des pouvoirs publics et les paradoxes sous-tendus par le fantasme de conservation lié aux concessions privées. En 1835, le ministre secrétaire d’État au Département de l’Intérieur, T. Duchâtel, interroge déjà le Préfet sur l’éventualité de « supprimer, pour l’avenir, les concessions perpétuelles, et d’y substituer le mode des concessions emphytéotiques avec faculté de renouvellement indéfini, moyennant redevance1 ». En 1843, l’architecte Janniard publie un long article dans la Revue Générale de l’Architecture et des Travaux Publics où il considère, comme Duchâtel, que ces nécropoles ne seront bientôt qu’un amas de ruines sans que l’administration de la Ville ne puisse y remédier. Mais alors que pour le secrétaire d’État cette dégradation découle d’une reconnaissance abusive des concessions perpétuelles, Janniard y voit un manque de contrôle de l’autorité publique. L’édilité spécule sur la tendresse et la vanité humaine alors que sa « magnificence » devrait être « au niveau de celle de la masse des citoyens dans ces enceintes funèbres»2. La ville doit donc investir davantage dans l’ensemble des espaces publics comme dans les directives à imposer aux constructeurs de tombeaux.
4Cette double réflexion sur le caractère du lieu et la gestion contrôlée de son aménagement est développée à la même époque en Angleterre, tant au plan des dispositions internes que de leur articulation avec les grands centres urbains en mutation. Si la réforme des sépultures n’est effective à Londres qu’après les violentes épidémies de choléra de 1848 et 1849, celle-ci est déjà largement théorisée par le célèbre paysagiste John Claudius Loudon. Très tôt il s’oppose à toute inhumation dans l’enceinte des villes et à l’emploi des fosses communes. Pour Loudon, le cimetière doit répondre à des critères d’hygiène précis. Eloigné du séjour des vivants, il doit être établi sur un site élevé et aéré exposé de préférence au sud et composé de sable ou de calcaire. Ardent défenseur des sépultures individuelles, il prêche aussi l’union du corps et de la terre et rejette sans appel les cercueils de plomb.
5Le paysagiste écossais considère la plupart des cimetières de son époque comme « choquants », car la disposition des plantations, leurs variétés même en font des jardins d’agrément. Si comme beaucoup de ses contemporains il admire le Père-Lachaise, il ne peut toutefois s’empêcher de critiquer son manque d’économie dans la gestion du sol et des parcours, son absence de tracé systématique et de drainage. Pour devenir un lieu de visite « source d’amélioration et d’instruction » morale et artistique, apte à élever toutes les couches sociales, la nécropole idéale est
- 3 Curl James Stevens, A Celebration of Death, an introduction to some of the buildings, monuments, an (...)
clairement dessinée, ornée de tombes, plantée d’arbres, d’arbustes et de plantes herbacées, toutes nommées. Cet ensemble, bien entretenu, pourra devenir une école pour l’instruction de l’architecture, de la sculpture, de l’art des jardins, de l’arboriculture, de la botanique […] de la simplicité, de l’ordre et de l’harmonie3.
La scène américaine
- 4 Mentionnant la construction, vers 1853, de Llewellyn Park à Orange, N.J., œuvre d’Alexander Jackson (...)
- 5 Manfredo Tafuri, Projet et utopie, Paris, Dunod, 1979, p. 22 et 26. (édition originale : Rome-Bari, (...)
- 6 Philippe Gresset, « De l’acclimatation des formes urbaines en Amérique. Les projets de Bermuda (172 (...)
6Le projet originel du Père-Lachaise parvient pourtant à se maintenir, malgré les agrandissements successifs, jusqu’en 1850. Dans les années 1830, ce grand parc boisé, aux allées sinueuses abritant des monuments noyés par la végétation est à l’origine de la création des grandes nécropoles urbaines d’Amérique du Nord. Dans une perspective architecturale et urbaine, les raisons de cette adoption paraissent multiples. Alors que la tradition européenne conçoit la ville comme un milieu artificiel opposé à la campagne, l’influence du « pittoresque » anglais, sensible dès le xviiie siècle en Amérique, et la philosophie transcendantaliste font de la nature un garant de la civilisation. F. Dal Co souligne par ailleurs la « profonde influence » jouée, dans les années 1850, par « la réalisation des rural cemeteries – véritables espaces publics de type romantique, situés à la périphérie des villes comme ceux de Mount Auburn à Cambridge et de Greenwood à Brooklyn4 ». L’exploration de différentes sources (les concours d’émulation lancés par l’Académie à la fin du xviiie siècle pour de grandes assemblées populaires, colisées..., le néo-palladianisme, l’ordre architectural, la coupole...) semble aussi naturelle pour dessiner l’enveloppe symbolique dans laquelle doit s’inscrire la jeune démocratie américaine. Une approche pragmatique conduit à adopter des modèles prêts à l’emploi, adaptés, voire détournés de leur sens5. Ces explorations restent marquées par la recherche d’une « acclimatation des formes urbaines » dans laquelle une certaine image du Père-Lachaise tient une place importante6.
7Considéré comme un espace public le cimetière n’est plus défini comme un programme autonome mais comme une des pièces d’une question urbaine plus large à laquelle il doit être soumis. Le cimetière, comme le parc urbain, relève d’un acte de création purement artificiel. Cet acte suppose une connaissance et une grande maîtrise de la forme, toute lacune en ce domaine ayant des répercussions économiques directes. Le meilleur sol, comme l’avait déjà établi le xixe siècle, est léger et sablonneux mais doit aussi être facile à travailler lors du creusement de la tombe et suffisamment riche pour la plantation d’arbres, de buissons et d’une pelouse de qualité.
La définition du cimetière moderne
8La définition du cimetière type est un exercice auquel se livrent, avec une certaine délectation, de nombreux techniciens au fil de congrès et de publications de revues et de manuels spécialisés. Les ouvrages collectifs comme le cemetery hand book ou le modern park cemeteries de H. E. Weeds largement diffusés, sont alors destinés à la formation des administrateurs de cimetières à des méthodes modernes de gestion. La critique porte sur les acteurs historiquement impliqués dans la réalisation de ces plans dans lesquels les défenseurs du cimetière moderne américain ne lisent que de l’obscurantisme et une absence de gestion. Le cimetière moderne est d’abord une affaire de professionnels. À la platitude et à la reproduction invariable des plans conçus par les ingénieurs civils s’oppose l’étude spécifique des besoins par des architectes paysagistes. Celle-ci porte aussi bien sur l’adaptation des effets paysagers à la topographie de chaque site que sur la variété de surface des concessions pour répondre aux attentes spécifiques des différents acquéreurs. Le caractère commercial de l’entreprise est clairement affiché.
- 7 Hare et Hare, Landscape Architects and City planners, Kansas City, Missouri, « Développement comple (...)
Dans des circonstances favorables, un cimetière peut devenir un investissement aussi légitime qu’avantageux pour le capital privé, dans le même ordre d’idées que des travaux d’électricité, des autobus et autres entreprises d’utilité publique. Toute personne donnera la préférence et paiera un prix plus élevé pour un lot dans un cimetière privé, bien administré, que pour un lot dans un cimetière mal agencé et géré par un contrôle public7.
9La topographie idéale, à rechercher ou à créer, est en définitive celle qui offre de douces ondulations propices à un certain type d’effets paysagers et met en œuvre un tracé de voies curvilignes. Dépassant progressivement les seules raisons hygiéniques, la végétation, comme l’eau, sous forme de lacs et de rivières, sont de plus en plus appelées à jouer un rôle majeur. Mais si les manuels américains accordent un rôle considérable aux plantations, ils relèguent souvent le dessein symbolique derrière des visées plus économiques et pratiques. La composition quant à elle est cantonnée à une technique esthétique qui assigne pour chaque élément (entrée, voies, sections...) un périmètre d’effacement ou de représentation de la mort et du monument. L’entrée qui doit produire une impression plaisante sur le visiteur est dédiée aux pelouses et aux massifs sans qu’aucun découpage ne soit opéré sur un périmètre de plusieurs centaines de pieds. Mais la codification de la dimension et de la localisation des lots reste sans doute le révélateur privilégié pour décrypter la nature ambiguë de ce paysage. Elle illustre la rationalité particulière du découpage, son caractère spéculatif, mais aussi une entreprise de dissimulation de la mort et la mise en place d’une véritable topographie sociale à l’échelle du site. Dans les cas courants, les lots proches des voies sont aussi grands que possible (20 à 30 pieds) pour éloigner les monuments et les lots en retrait doivent être les plus petits. Une re-division est encore effectuée à proximité des grandes concessions pour éviter une uniformité de dimension et une densité minérale trop forte dans le paysage. Ces lots, trop petits pour être construits, isolent les monuments et garantissent le cadre de sa représentation. Cette disposition ne se réduit pourtant pas à la mise en scène des plus hautes classes de concessions. Elle introduit une variété qui relève moins d’une mixité sociale que d’une régulation de l’offre.
- 8 Werner Hegemann and Elbert Peets, The American Vitruvius : an architects’ handbook of Civic Art, Pr (...)
10La lecture du théoricien allemand Werner Hegemann, qui œuvra beaucoup sur le plan architectural et urbain aux échanges entre l’Europe et les États-Unis, est profondément différente de celle des techniciens américains qui s’appuient sur les grandes figures du rural cemetery pour théoriser les principes du modern cemetery. Puisant comme eux dans une certaine tradition locale, il rapproche la tradition des cimetières réguliers de l’époque coloniale des grandes références de l’architecture classique européenne. L’analyse du cimetière, dans des temps et des civilisations différentes, est à la fois un préalable à la définition d’un cimetière moderne et un instrument susceptible de critiquer l’argumentaire des tenants de la tradition pittoresque. Une partie de son diagnostic, concluant à la décadence du cimetière, est commune aux spécialistes de la question au début du xxe siècle. Alors que le respect d’un ordre strict devrait faire de la beauté et de l’harmonie une règle, le cimetière est soumis à un « individualisme impitoyable » dans le développement des sépultures, individualisme relayé, d’après Hegemann, par « l’irrégularité sauvage du dessin des voies ». C’est donc pour remédier à ces deux dérives fondamentales qu’il en appelle à l’exemplarité de l’époque coloniale dont « la noble simplicité des pierres tombales est en accord avec les exemples de beaux cimetières de la Renaissance, dont certains sont aujourd’hui l’objet de pèlerinages esthétiques8 ».
Le cimetière, une valeur symbolique et sociale ?
- 9 Citation de Olmsted extraite de l’ouvrage Charles E. de Beveridge and Paul Rocheleau, Frederick Law (...)
- 10 Cette étude peut être approfondie à partir de l’œuvre du paysagiste Adolph Strauch. David Charles S (...)
11C’est toutefois la référence à l’œuvre du grand paysagiste américain F. L. Olmsted qui peut aider à cerner et nuancer la variété des approches à l’œuvre sur le territoire américain. Olmsted concevait le cimetière comme un « lieu pour notre douleur commune, nos espoirs communs et notre foi commune ; lieu où l’on peut voir et sentir notre compassion de l’un avec l’autre ». Cet objectif assigne aux sépultures une place et un rôle particulier qui dépassent la seule question technique ou esthétique pour atteindre une dimension symbolique et sociale qui rend indissociable le mort et le monument qui le commémore, à l’instar des préceptes que César Daly défend dans ses traités d’architecture funéraire au xixe siècle. Pourtant, Olmsted ne se limite plus à l’objet lui-même, mais aborde sa représentation dans le contexte élargi d’un cimetière conçu comme une expression de la société des morts, pendant du lotissement comme expression de la société des vivants. Ce déplacement peut expliquer ses critiques envers la masse des monuments qui « brisaient l’ampleur des effets paysagers et détruisaient le sentiment de quiétude »9. Olmsted remet ainsi en question la multiplication tapageuse des tombes et la capacité de la formule du cimetière parc à les accueillir. En parvenant à mettre en œuvre ses conceptions en Californie, il se place en marge des conflits d’écoles opposant compositions régulières et paysagères. Passant du lotissement au cimetière, il maintient l’idée d’une représentation de la collectivité sans la figer dans une composition préétablie10.
12Il faut pourtant souligner le caractère socialement limité du cimetière modèle américain. Si la création des rural cemeteries, avec comme référence majeure Mount Auburn (1831), procède des mêmes inquiétudes que celles qui ont traversé la France depuis la fin du xviiie siècle (indécence des lieux et critères hygiéniques), elle s’en distingue par ses modalités de gestion. Le rural cemetery devient progressivement une réponse privée aux cimetières publics, alors que le cimetière français, caractérisé par un élargissement considérable du contrôle de l’État sur la mort, est une réponse publique aux cimetières contrôlés par l’Église. Le rural cemetery se transforme avec la théorisation du modern cemetery. Il devient, au xxe siècle, le lawn cemetery puis le modern park cemetery avant de trouver une « autre » expression dans le memorial park. Dans tous les cas, ces figures se distinguent des potter fields municipaux le plus souvent réservés aux pauvres et à la population noire. Ces trois figures paysagères sont aussi indissociables de l’évolution d’autres figures d’exclusion présentent dans les suburbs américains. D.C. Sloane a clairement tracé les lignes de cette évolution conjointe. Le memorial park n’est plus un poumon de verdure, ni une issue possible pour les pauvres. S’il maintient la nature c’est en privilégiant les ambiances d’hospitalité et de confort qu’elle reflète. Cette nature n’est donc plus celle des premiers concepteurs du rural ou du lawn park cemetery, elle est une toile de fond qui, pour reprendre l’expression de Sloane, a perdu toute « naïveté ».
L’Europe germanique
13Alors que l’Amérique fascine de plus en plus avec ses nouvelles villes, ses nouveaux bâtiments et ses densités, c’est par un repli arcadien qu’elle explore les cimetières, les parcs et les communautés urbaines de faibles densités. La fascination qu’exerce sur l’Europe le monde outre-atlantique et ses métropoles conduit pourtant à engager une réforme de la ville dans laquelle la densité n’exclura pas systématiquement la présence de la mort. En marge des propositions et des publications spécialisées sur les questions funéraires, les lieux de sépulture trouvent ainsi une place « naturelle » dans les ouvrages ou expositions traitant de la réforme de la ville germanique.
- 11 Paul Wolf (Stadtbaurat u. senator in Hannover), « Der Friedhof », Städtebau. Das Formproblem der St (...)
14Les conditions requises pour l’établissement d’un cimetière – emprise suffisante, bonnes conditions géologiques et hydrologiques, facilité d’accès aux transports en commun, intégration de la structure végétale au plan général de l’agglomération... – justifient une politique municipale volontaire et la création de réserves foncières accordées aux plans d’extension de la ville. Cette localisation est aussi fonction des échelles urbaines : pour un simple village la proximité de l’église doit être maintenue voire recherchée ; pour les petites et moyennes agglomérations le cimetière périphérique est nécessaire ; indispensable pour les grandes villes il doit prendre la forme de plusieurs unités convenablement réparties sur des sites offrant « une atmosphère de paix absolue11 ». Le cimetière ne s’efface pas sous le parc utile, mais devient un indicateur et un instrument d’une gestion urbaine contrôlée.
Du Kirchhof au Friedhof
15Au début du xxe siècle, l’architecte Hugo Koch considère le cimetière comme l’expression la plus pure des sentiments, de la pensée et de la création d’une époque. Mieux que toute autre réalisation publique, il témoigne d’un art populaire véritable que la période contemporaine, marquée par un effritement des conceptions religieuses et spirituelles, impose de refonder. C’est le sens profond des mots désignant les cimetières d’autrefois, Friedhof (cour de la paix) et Gottesacker (champ de Dieu), qui doit désormais être reconsidéré. Koch s’y attache en tentant une traduction formelle idéale de ces termes. L’église et le cimetière, reliés par une grande avenue plantée, sont articulés par deux espaces libres : le jardin de l’église, où a lieu la fête des morts, et l’esplanade du cimetière.
- 12 « La caractéristique principale du beau cimetière est une communauté de sentiment, et une uniformit (...)
16En 1927, P. Freye s’attache à son tour à la redécouverte de figures nationales exemplaires, comme le cimetière Saint Jean à Nuremberg. Synthétisant les approches antérieures, il achève la prise de distance avec les modèles américains. Pour Freye, comme pour Hegemann, la qualité des anciens cimetières révèle que la forme paysagère, aussi romantique soit-elle, « est une beauté accessoire ». L’exemplarité passe du jardin au monument dans la mesure où l’analyse des cimetières anciens se fonde sur la tombe considérée comme « l’âme du cimetière » et l’expression symbolique « d’une communauté du sentiment12 ».
- 13 Dr. Johannes Schweizer, Krichhof und Friedhof. Eine Darstellung des beiden Haupttypen europäischer (...)
17Les précisions terminologiques établies par le Dr. Johannes Schweizer13 synthétisent la construction de cette pensée. Elles témoignent au milieu du xxe siècle des déplacements sémantiques induits par les tentatives de réformes engagées depuis la fin du xixe siècle. Schweizer distingue Kirchhof et Friedhof. Implanté autour de l’église, le Kirchhof est intégré depuis des siècles dans la ville. C’est un champ de Dieu (Gottes Acker) circonscrit destiné aux morts et étroitement lié à la vie quotidienne. Il constitue une sorte d’archétype de la cité et représente pour les vivants une mémoire individuelle et locale, un lien, un signe d’appartenance à une communauté. Conçu selon des critères esthétiques, emprunt de dignité et de calme, le Friedhof est en revanche un lieu de paix, un champ de morts (Totenacker). Du point de vue de l’urbaniste, le Friedhof est une surface non bâtie, implantée dans la ceinture verte de la ville. Il relève d’une conception moderne de la nature et du paysage, liée à l’idée de détente. Le choix du site dépend alors de considérations esthétiques et techniques. Prenant acte de cette rupture historique, Schweizer cherche à poursuivre les efforts accomplis en assumant les spécificités du Friedhof et en tentant de lui conférer certaines qualités du Kirchhof par une réflexion sur le marquage de centralités spatiales et spirituelles (transzendentaler Mittelpunkt).
La critique du cimetière central et du cimetière parc
18Le décret napoléonien de 1804, prescrivant la localisation des cimetières à l’extérieur des zones habitées, est encore en vigueur en Allemagne à la fin du xixe siècle. Son adaptation à de nouvelles stratégies urbaines s’est d’abord traduite par des débats et des réalisations souvent opposés dans leurs objectifs. Dans un premier temps, la solution jugée la plus appropriée, aussi bien à Paris qu’à Londres ou dans les grandes villes germaniques, est celle du cimetière central (Zentralfriedhof). Elle marque par son ampleur l’aboutissement d’une laïcisation amorcée depuis plusieurs années. De telles nécropoles ne peuvent relever que de l’administration municipale et non plus des paroisses. Si la solution du cimetière central est débattue très tôt et opposée à celle des cimetières périphériques, elle trouve pourtant plusieurs applications dans les grandes villes allemandes. Simultanément les réflexions se multiplient quant au choix de la composition la plus adaptée à la réalisation de ce nouveau programme. Deux types principaux, qui n’excluent pas l’existence de figures mixtes, peuvent être identifiés : le cimetière régulier et le cimetière parc. Ils renvoient aux débats qui traversent les États-Unis à la même époque et sont portés, là encore, par un regard critique sur le quadrillage uniforme dicté par la seule rationalité d’exploitation.
- 14 Réalisé à 12 km. du centre ville le Ohlsdorfer Friedhof, achevé pour l’Exposition universelle, couv (...)
- 15 H. Pietzner conclu son ouvrage par la présentation de très grandes planches consacrées au cimetière (...)
- 16 Ibid., p. 75.
- 17 Ibid.
19Lorsque les architectes et paysagistes dressent dans les années 1920 un bilan critique de l’influence des nouveaux cimetières réalisés en Allemagne, ils font du Ohlsdorfer Friedhof (1875) le premier essai remarquable de réforme. De son côté Hegemann se charge de défendre, en 1922, les qualités architecturales du plan d’ensemble du cimetière central de Vienne (réalisé par Karl Mylius et Alfred Bluntschli en 1873). P. Wolf et P. Freye considèrent Johann Cordes comme l’importateur en Allemagne du cimetière-parc et reconnaissent à son œuvre, le Ohlsdorfer Friedhof, le mérite d’avoir apporté une amélioration sensible au chaos funéraire14. Dès 1904, Hans Pietzner a déjà fait de cette nécropole une œuvre marquant l’aboutissement d’une première phase de réalisations encore hésitantes entre plusieurs influences et modes de composition15. Mais selon Freye et Wolf, cette formule trouve rapidement des limites que seul le contexte de l’époque rend admissible. « Une acceptation trop intégrale de l’idée du parc, qui était indispensable à Cordes pour cacher la misère des tombeaux, fut considérée, par une erreur de ses disciples, comme ayant une importance primordiale16. » À l’issue de la première guerre mondiale, le cimetière-parc apparaît donc comme une étape transitoire nécessaire, mais reste une imitation n’apportant aucune « formule technique » nouvelle susceptible d’harmoniser les éléments spécifiques du cimetière. Surtout il introduit un contraste si fort entre « la perfection du cadre du jardin et celui du tableau mélancolique – les misérables champs mortuaires des indigents – qui l’entourait17 » qu’un revirement s’est imposé naturellement. La critique sociale, étrangère aux manuels américains, conduit à abandonner le cimetière parc.
La nécropole moderne comme œuvre d’art
- 18 Paul Wolf (Stadtbaurat, Dresden), « Der Friedhof als städtebauliches und architektonisches Problem (...)
20Des idées et des formules nouvelles restent donc à explorer. L’organisation des voies et des aires d’inhumations doit dépasser l’« immuable raideur » de la rationalité technique et atteindre la dimension d’une œuvre d’art achevée. C’est à Munich, à la fin du xixe siècle, que s’opère un renversement notable en matière de programmation et de composition. En 1893, Karl Henrici abandonne le projet de cimetière central dans son plan d’extension de la ville et propose quatre cimetières répartis selon les points cardinaux à 6 km du centre. Il est soutenu par Hans Graessel, architecte-conseil responsable des institutions funéraires, qui compose sur un tracé régulier les cimetières de l’Est (1893-1900), du Nord (1896-1899) et de l’Ouest (1897-1902). Mais la grande nouveauté est introduite par la création du premier cimetière forestier. Avec le Waldfriedhof, construit en 1905 dans une forêt de pin, Graessel atteint une renommée internationale. Inauguré en 1907, le Waldfriedhof est l’aboutissement de la lutte contre le modèle dominant du cimetière central et d’une recherche paysagère engagée avec les trois premiers cimetières. « Ici la forêt offerte par la nature forme un beau cadre auquel toutes les œuvres de sculpture et d’architecture peuvent facilement s’adapter18. »
- 19 Freye est très clair à ce sujet lorsqu’il explique que Gräessel, comme Cordes, sont trahis par leur (...)
- 20 Dans le texte de Freye, comme dans ceux de ses contemporains, aucune mention n’est faite du projet (...)
- 21 Wolf, Städtebau... op. cit., p. 6 et « Der Friedhof als städtebauliches... », op. cit., p. 53.
- 22 Wolf, « Der Friedhof als städtebauliches... », op. cit., p. 57.
- 23 Ibid.
- 24 Ibid.
21Plus de vingt villes allemandes suivront l’exemple que les publications de Graessel contribuent à populariser. Le modèle s’exporte aussi en Europe. L’intérêt principal de cette proposition est d’adapter les qualités d’un paysage hérité à cette destination particulière19. Si Freye salue, comme le fait H. Koch dès 1921, les propositions de cimetière forestier pour Francfort, par Max Bromme, ou pour Stockholm, par Harry Maaß20, c’est parce que le caractère sauvage de la forêt est préservé sans dépendance excessive et que les effets spatiaux sont maîtrisés tout en offrant des solutions économiques. Pour P. Wolf, les autres cimetières, « enfants oubliés aux portes de nos villes », doivent à leur tour redevenir « un jardin artistique où la persistance de la végétation forme un cadre naturel pour des œuvres variées d’architecture et de sculptures21 ». Mais il importe que les particularités de chaque paysage soient intégrées, comme par le passé, pour ordonner la composition de l’ensemble. Une plaine, un marécage ou un champ de bruyère peuvent offrir, au même titre que la forêt, un cadre naturel au cimetière. En 1919, puis en 1927, Wolf vante donc avec le même enthousiasme les recherches du paysagiste Leberrecht Migge et « le splendide nouveau cimetière de Brême, créé par P. Freye et Franz Seech, où grâce à un travail technique de construction de canaux pour évacuer l’eau des marécages, ils ont obtenu une grande surface de terrain particulièrement indiquée pour un travail d’ensemble magnifique22 ». Freye ira même jusqu’à radicaliser sa démarche en proposant de définir des règles de composition indépendantes de la quête d’un site idéal. En s’attachant à exploiter au mieux le site le plus ordinaire qui soit, « un terrain absolument plat, dépourvu de toute végétation dans une région pauvre et triste23 », il offre un contrepoint aux travaux récents conduits en Allemagne, comme aux théories américaines très contraintes par cette question. Il ne s’agit pas de planter « par magie » une forêt, « entreprise ridicule ! », ni de créer un cimetière parc, « spéculation également dépourvue de bon sens »24. Ce sont les capacités créatrices de « l’artiste du cimetière » qui doivent pouvoir s’exprimer. C’est avec un certain ascétisme et la recherche d’une économie de moyen que Freye tente donc de refonder la conception du cimetière moderne. Sa puissance doit émaner d’une idée et de son adéquation au site.
- 25 Hugo Koch, « Der heilige Hain. Deutschlands Nationaldenkmal für seine Gefallenen », in Gartenkunst, (...)
22Le dimension sociale et économique, omniprésente dans les théories allemandes, conduira Freye à placer son propos sous l’angle des conditions particulières d’une Allemagne appauvrie et vaincue. Transcendance de l’idée, égalité devant la mort, économie de moyens, conformation au site, conditions particulière du pays... sont autant d’éléments qui trouvent leur plus pure expression dans un programme nouveau dont la réforme du cimetière civil allemand va dépendre tant après 1918 qu’après 1945 : le cimetière militaire. La valeur morale du monument aux morts rejoint alors celle des lieux d’éducation physique pour la jeunesse dans « l’exaltation et la consolation » jusqu’à atteindre une « unification de la culture physique et spirituelle grandissant chez le peuple comme une grande, profonde conscience »25.
23La diffusion de la commémoration militaire, et particulièrement sa place dans le cimetière civil, doit permettre d’engager de l’intérieur un nouveau processus de réforme. Alors que les premières réalisations sont opérées dans les régions dévastées par la guerre, la leçon de l’effacement de la mémoire individuelle devant la mémoire collective se diffuse dans la ville et le cimetière. Dans les nécropoles, la victoire contre la tombe individuelle doit être gagnée grâce à la leçon morale du cimetière militaire. S’appuyant sur ce nouveau modèle, Wolf espère que le monument-type uniforme sera adopté à l’avenir pour le cimetière civil, arguant que la qualité artistique de la composition végétale préservera de toute monotonie. En ce sens, il opère un renversement de l’état existant, remplaçant la diversité des monuments par celle de la végétation tout en marquant un écart par rapport au modèle militaire souvent dominé par une grande unité du traitement végétal.
L’éducation du public
- 26 Hermann van Bergeijk, op. cit., p. 79.
24La réussite de Graessel est aussi d’avoir mobilisé l’opinion publique pour défendre son programme, faisant valoir que les proches du défunt ne pourraient accomplir leurs devoirs moraux qu’en prenant une part active dans l’entretien des tombes, recevant aussi, par la même, l’opportunité de développer leur propre « éducation éthico-artistique26 ».
25H. Koch, poursuivra cette réflexion en considérant que l’entretien de la tombe doit rester une affaire privée qui participe d’un travail de remémoration individuelle des ancêtres. Toute rémunération pour de tels services se traduit par une perte d’âme « épouvantable » pour les proches qui voient leurs tombes cultivées par des employés. Cette question ne relève donc pas de l’esthétique mais de l’éducation et de la formation d’une culture collective dont les classes populaires ne doivent pas être exclues. La culture de chacun, l’expression d’une culture artistique funéraire véritable et la civilisation d’un peuple en dépendent. Alors seulement peut être trouvé un lien étroit entre la communauté des morts et celle des vivants que l’éloignement des cimetières ne permet pas.
- 27 Freye, op. cit., p. 80.
26Le décor végétal, conçu comme une toile de fond valorisant le monument funéraire doit aussi « harmoniser le tableau d’ensemble » et « fixer le goût du public pour le choix du monument funéraire »27. Cette préoccupation, qui envisage la mise en scène des monuments au service d’une éducation artistique du public, traverse en France la fin du xviiie et le xixe siècle. Il s’agit désormais d’enrayer la décadence artistique de la production funéraire. La création de compositions saisissantes doit frapper les visiteurs et, en éduquant leur goût, les guider dans la voie d’un renouveau de l’architecture et de la sculpture funéraire.
27Le caractère des champs de tombes, éléments essentiels du cimetière, résulte non pas de la tombe isolée mais de la somme des tombes individuelles. Ces dernières forment l’élément premier dont dépend le caractère du champ funéraire. Le cimetière moderne est la composition des tombes et des champs des morts dans un tout. Les parallèles avec la formation de la ville sont évidents. Ces champs expriment simultanément les relations entre les morts et reflètent des idéalités politiques et sociales, selon que l’accent est mis sur l’individualité ou sur l’égalité des représentations. Pourtant, à la fin du xixe siècle, une contradiction s’est développée. L’arbitraire de l’individualisme s’opposant aux visées rationnelles, les cimetières ressemblent de plus en plus à un dépôt de pierres tombales. Dans les grands cimetières, une tentative de classement selon les différentes catégories a été engagée : tombes d’enfants, urnes, tombes privées, tombes militaires. La réforme doit être poursuivie en réglementant les aires des tombes en série. Les monuments sont regroupés selon des critères de taille, de forme et de matériaux, chaque tombe étant tenue de s’adapter à son environnement. Avantageuse pour l’industrie des pierres tombales, la reproduction en série d’un même monument pour tous exprime aussi, au-delà de la valeur économique, une valeur éthique, une expression de la collectivité. L’aire des tombes en série, organisée en rangées, forme la base rationnelle du cimetière moderne dont la dignité ne résulte pas des fortunes, mais de l’esprit collectif.
28Le renouveau de l’espace funéraire ne se limite pourtant pas à la composition du cimetière et à la réglementation de ses monuments, il est indissociable d’une réforme en profondeur de ses équipements. H. Graessel avait déjà tracé la voie en repensant les chapelles publiques et surtout les dépôts mortuaires. Mais, le développement de la crémation, en confrontant les architectes au double problème de la forme bâtie et du rituel, reste une pièce majeure de la redéfinition des espaces. La difficulté de la crémation est bien qu’elle pose la question d’un partage entre la recherche de formules nouvelles et la conservation de pratiques existantes. Rejetant la violence des discours idéologiques, Paul Wolf marque sa volonté d’intégrer la révolution technique de l’ère crématiste dans une formule nouvelle du cimetière qui puise ses racines dans la tradition antique et germanique. Ce propos est bien différent de celui des crématistes français qui militent dès l’origine pour un retour au monde des vivants des terrains stérilisés par l’inhumation.
29À partir de la fin du xixe siècle, la scène urbaine apparaît donc comme le cadre idéal des réformes architecturales et paysagères. Si dans le cas des cimetières, la végétation garde des raisons pratiques (accélération de la décomposition des corps et purification de l’air) récurrentes au xviiie et au xixe siècle, cette dimension est le plus souvent évacuée des textes américains et allemands du premier tiers du xxe siècle. Au-delà d’une réforme hygiénique, c’est une réforme urbaine, métropolitaine, diffuse qui s’opère, dans laquelle la nature est le matériau à la fois constitutif et constructif, harmonieux et perpétuellement changeant. Cet élargissement de la réflexion induit l’abandon de solutions stéréotypées et puise dans des références qui relèvent aussi bien de l’art que de la variété des identités et des cultures locales.
- 28 Sur ces questions voir Schweizer, Krichhof und Friedhof, op. cit., p. 251.
30La valeur moderne de la composition végétale réside dans sa capacité à traduire de nouvelles ambiances (Stimmungen) liées à la nature, particulièrement dans l’expression d’une sensation « d’être uni à la nature », la quête d’un nouveau pantheismus. La végétation assure le rôle symbolique autrefois exprimé par les pierres tombales. Le paysagiste reprend le rôle du tailleur de pierre, on passe du « langage des symboles au langage des arbres ». Le déclin de l’art religieux génère de nouveaux éléments dans l’architecture des cimetières28.
Notes
1 Ministère de l’Intérieur, administration départementale et communale, 2e section, 1er bureau, circulaire n° 32, 10 février 1835, coll. Husson, arch. de la Seine. Duchâtel annonce ainsi l’ordonnance de 1843 qui instaure trois classes de concessions pour sépultures privées : perpétuelles, trentenaires, temporaires. Voir chapitre 5.
2 Henri Janniard, « Rapport sur les sépultures », in Revue générale de l’architecture et des travaux publics, Paris, 1843, p. 242.
3 Curl James Stevens, A Celebration of Death, an introduction to some of the buildings, monuments, and settings of funerary architecture in the Western European tradition, New York, C. Scribner’s sons, 1980, p. 250. Pour Loudon, le cimetière doit être divisé en secteurs clairement identifiables et toutes les tombes facilement accessibles pour les visites et l’entretien. Il recommande le tracé des pelouses en bandes d’épaisseur double séparées par un sentier pour simplifier l’accès et le drainage des surfaces. Il insiste aussi sur la nécessité d’un marquage cohérent des parcelles (secteur, lot, etc.) qui facilite la gestion du terrain et les enregistrements. Enfin, les chapelles et autres monuments sont situés bien en évidence aux intersections les plus importantes pour servir de points de repère. J.-C. Loudon est sans doute le premier à avoir entrepris une codification complète des essences auxquelles il assigne une place parfaitement définie dans les nouvelles nécropoles.
4 Mentionnant la construction, vers 1853, de Llewellyn Park à Orange, N.J., œuvre d’Alexander Jackson Davis, Dal Co précise : « il s’agit d’un faubourg romantique de cottages noyés dans la verdure qui anticipe, en combinant idéologies naturalistes et nostalgies communautaires, les recherches des décennies suivantes et qui transforme en “espaces pour la vie” ce qui dans les rural cemeteries, était réservé à la contemplation sereine de la mort ». Francesco Dal Co, « La formation de la culture urbaine dans l’Amérique du xixe siècle », in Manfredo Tafuri et Francesco Dal Co, Architecture contemporaine, Paris, Berger-Levrault, 1982 (ed. or. Electra, 1976), p. 20. Comme le précisent Michel Vovelle et Régis Bertrand, « Ces cimetières n’ont rien de rural, mais il est vrai qu’ils s’inscrivent en continuité avec le paysage du churchyard à l’anglaise, sinon par leur contiguïté avec le lieu du culte, du moins par le tapis de gazon continu, ou presque, sur lequel s’égrènent les sépultures, en majorité fidèles à la tradition de la lame verticale, telle qu’on la rencontrait dès le xviiie voire le xviie siècle » ; Michel Vovelle et Régis Bertrand, La ville des morts. Essai sur l’imaginaire urbain contemporain d’après les cimetières provençaux, Paris, Éditions du CNRS, 1983, p. 16.
5 Manfredo Tafuri, Projet et utopie, Paris, Dunod, 1979, p. 22 et 26. (édition originale : Rome-Bari, Gius Laterza et Filgi Spa, 1973).
6 Philippe Gresset, « De l’acclimatation des formes urbaines en Amérique. Les projets de Bermuda (1725) et d’Hygeia (1827) », in Jean-Louis Cohen et Hubert Damisch dir., Américanisme et modernité. L’idéal américain dans l’architecture, Paris, EHESS-Flammarion, 1993 p. 40-42.
7 Hare et Hare, Landscape Architects and City planners, Kansas City, Missouri, « Développement complet du cimetière moderne », The cemetery hand book. A Manuel of useful information on cemetery development and management, Madison Wisconsin, Park and Cemetery Publishing Co., n.d. (premier tiers du xxe siècle), p. 202.
8 Werner Hegemann and Elbert Peets, The American Vitruvius : an architects’ handbook of Civic Art, Princeton Architectural Press, New York, 1988 (édition originale by The Architectural Book Publishing Company, New York, 1922), p. 224.
9 Citation de Olmsted extraite de l’ouvrage Charles E. de Beveridge and Paul Rocheleau, Frederick Law Olmste. Designing the american Landscape, New York, Edited and designed by David Larkin, Rizzoli, 1995, p. 218.
10 Cette étude peut être approfondie à partir de l’œuvre du paysagiste Adolph Strauch. David Charles Sloane souligne son influence sur la conception du cimetière défendue par Olmsted. Voir David Charles Sloane, The last great necessity. Cemeteries in american history, Baltimore and London, The Johns Hopkins University Press, 1991, p. 99-127.
11 Paul Wolf (Stadtbaurat u. senator in Hannover), « Der Friedhof », Städtebau. Das Formproblem der Stadt in Vergangenheit und Zukunft, Leipzig, Verlag Klinkhardt & Biermann, 1919, p. 4.
12 « La caractéristique principale du beau cimetière est une communauté de sentiment, et une uniformité harmonieuse des monuments funéraires qui dure depuis des siècles. Ce rythme est si puissant, qu’il fait reculer au deuxième plan les divergences de styles, ce qui fait ressortir de manière frappante l’idée de l’âme du cimetière et de l’esprit de communauté. Cet esprit de communauté qui a disparu à notre époque, devrait être reconquis. Il faut encore se pénétrer du fait que toutes les parties du cimetière doivent être soumises à cette idée et que la technique et l’art doivent avoir pour objet unique de la servir » : P. Freye, directeur des jardins de Brême, « Die gartenkünstlerische Gestaltung von Friedhofsanlagen », in Dr. Stephan Ing. Hirzel dir., Grab und Friedhof der Gegenwart, München, Verlag Georg D. W. Callwey, 1927, p. 75-76.
13 Dr. Johannes Schweizer, Krichhof und Friedhof. Eine Darstellung des beiden Haupttypen europäischer Begräbnisstätten, Oberösterreichischer Landesverlag Linz an der Donau, 1956, p. 232 à 239.
14 Réalisé à 12 km. du centre ville le Ohlsdorfer Friedhof, achevé pour l’Exposition universelle, couvre à l’origine 130 ha. Il appartient à la catégorie du cimetière parc influencée par les théories américaines diffusées notamment par Friedrich von Bodenstedt (voir à ce sujet : Hermann van Bergeijk, « Nécropolis, métropolis. Development of funerary institutions in Germany 1871-1918 », Lotus international, n° 38 (Lotus funebre), 1983, p. 79). La nouvelle ère de réforme engagée par Cordes justifie la diffusion de ce modèle en Allemagne tout comme sa présentation à l’Exposition universelle de Paris en 1900. Le cimetière de Hambourg, après de nombreuses extensions, est aujourd’hui, avec ses 400 hectares, l’un des plus grands cimetières du monde.
15 H. Pietzner conclu son ouvrage par la présentation de très grandes planches consacrées au cimetière de Hambourg. La place qu’il accorde aux nombreuses illustrations ponctuant son texte témoigne de l’impact de cette réalisation. Hans Pietzner (paysagiste à Breslau), Lanshftliche Friedhöfe. Ihre anlage, Verwaltung und Unterhaltung, Leipzig, Carl Scholtze (W. Junghans), 1904.
16 Ibid., p. 75.
17 Ibid.
18 Paul Wolf (Stadtbaurat, Dresden), « Der Friedhof als städtebauliches und architektonisches Problem », in Stephan Hirzel (dir.), Grab und Friedhof der Gegenwart, München, Verlag Georg D. W. Callwey, 1927, p. 57.
19 Freye est très clair à ce sujet lorsqu’il explique que Gräessel, comme Cordes, sont trahis par leurs imitateurs : « le beau modèle d’un artiste d’un goût sûr, fut rabaissé à un schéma sans vie, la clarté de la pensée qui s’était inspirée d’une forme nouvelle grâce à des circonstances favorables fut faussement interprétée, on avait cru à la découverte d’une formule universelle avec le cimetière forestier » : Freye, op. cit., p. 76.
20 Dans le texte de Freye, comme dans ceux de ses contemporains, aucune mention n’est faite du projet lauréat de E.-G. Asplund et S. Lewerentz qui réalisent le plus magnifique cimetière du xxe siècle.
21 Wolf, Städtebau... op. cit., p. 6 et « Der Friedhof als städtebauliches... », op. cit., p. 53.
22 Wolf, « Der Friedhof als städtebauliches... », op. cit., p. 57.
23 Ibid.
24 Ibid.
25 Hugo Koch, « Der heilige Hain. Deutschlands Nationaldenkmal für seine Gefallenen », in Gartenkunst, n° 2, 1926, p. 54-58. Article cité par Marco de Michelis in « The red and the green. Park and city in Weimar Germany », Lotus international, n° 30, 1981, p. 111. Voir aussi Hugo Koch, « Der Friedhof », Gartenkunst im stadtebau, Berlin, Verlag Ernst Wasmuth, 1921, p. 317.
26 Hermann van Bergeijk, op. cit., p. 79.
27 Freye, op. cit., p. 80.
28 Sur ces questions voir Schweizer, Krichhof und Friedhof, op. cit., p. 251.
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