Conclusion
p. 299-300
Texte intégral
1Logisticiens industriels, logisticiens académiques… Comment tisser les liens entre nos deux communautés ? Comment bâtir des ponts pour le bénéfice mutuel de nos organisations… Voici quelques idées provenant de mon expérience au sein de Renault !
2Tout d’abord, nous devons reconnaitre nos différences. Même si nous traitons des mêmes problématiques, les échelles de temps, les angles de vue, nos langages ne sont pas les mêmes ! En tant qu’industriels, notre préoccupation première est « run the business ». Même si nous avons de nombreuses idées d’amélioration, d’études pour demain, notre premier objectif est d’approvisionner le client interne et satisfaire le client externe. Nous y sommes immédiatement ramenés si le moindre grain de sable menace de gripper un rouage de notre Supply Chain. Il y a 25 ans, un de mes patrons me disait « tant que tu n’as pas assuré la disponibilité produit, oublie tes projets pour réduire les coûts ou préserver le cash, ils ne servent à rien ! » et encore aujourd’hui chez Renault, le point quotidien du matin rythme la vie de nos équipes opérationnelles. Par contre, dans les laboratoires, l’horizon de travail est différent. Il se mesure en semestres, en années !
3D’autre part nos approches semblent opposées. Nous, industriels, aurions tendance à aller du général au particulier. Comment en regardant ce qui se passe à l’extérieur, pourrions-nous en tirer des leçons pour notre logistique automobile ? Nous sommes par nature centrés sur nos problématiques d’aujourd’hui et de demain. Par contre, j’ai ressenti dans le monde académique, une volonté d’aller du particulier vers le général… Comment à partir d’un exemple concret, pouvez-vous en tirer des concepts théoriques, des outils mathématiques qui vont éclairer la communauté des logisticiens.
4Enfin, nos langues sont différentes. Chez Renault, nous évoluons dans un mélange de vocabulaire logistique interne, mâtiné d’apports du monde automobile et de notre histoire au sein de l’Alliance Renault/Nissan/Mitsubishi. Le monde académique a aussi son langage propre beaucoup plus conceptuel que le nôtre ! Pour faciliter notre rapprochement, nous avons pris le parti d’aller vers le standard APICS en formant nos managers. Cette formation doit faciliter les échanges entre Renault et les réseaux professionnels et académiques.
5Si maintenant nous regardons le contexte : comment nos relations industrie-université se positionnent-elles ? Force est de constater que le monde de la logistique a considérablement évolué. Le lien Renault-Universités qui était « nice to have » pour la Supply Chain est devenu important pour conserver une avance technique. La donne a radicalement changé au cours de ces 20 dernières années. Dans les années 1990, le monde automobile pouvait être considéré comme le leader majeur de la logistique industrielle. Chez Renault, les moyens et les cas d’usage nous permettaient de développer, de façon performante, nos outils. Aujourd’hui, la Supply Chain est une discipline beaucoup plus partagée au sein de l’industrie et des services. Nous avons intérêt à nous inspirer de pratiques venant de secteurs variés (reverse supply chain, logistique de l’urgence…). Le monde académique, par son ouverture, peut nous apporter des passerelles intéressantes. Mais il faut changer nos habitudes !
6Comment donc dans ce contexte et malgré nos différences, pouvons-nous mettre en place le lien entre l’entreprise et le monde universitaire ? Il me semble clé que cette relation soit structurée avec des objectifs précis. Chez Renault, cette relation s’inscrit dans notre axe stratégique : « prepare the future ». Ensuite, nous avons décidé de prioriser nos actions. Nous sommes partis du principe qu’il valait plutôt faire peu et bien, avancer progressivement mais sûrement… Nous avons dédié des ressources limitées mais clairement identifiées pour gérer la relation.
7La relation s’établit à plusieurs niveaux. À chaque fois, nous mettons en lien direct les équipes métier de Renault avec le monde académique. Les équipes opérationnelles Renault sont les clients de cette relation. C’est crucial pour que la greffe prenne ! J’assure un rôle particulier d’interface, pour établir la relation et m’assurer qu’il n’y a pas d’incompréhensions ou d’insatisfaction.
8Et pour être efficace, nous essayons de promouvoir une variété de moyens :
- Des études ad hoc confiées à des groupes d’étudiants sur des périodes de quelques mois ;
- Des formations ou des aides ponctuelles apportées par les chercheurs, professeurs ;
- Des thèses CIFRE dans le cadre de recherches stratégiques ;
- Des partenariats laboratoire/multi-entreprises pour travailler en commun des problématiques transverses.
9Je retrouve dans les chroniques du CRET-LOG des sujets qui nous intéressent et nous pousseraient à nous connecter encore plus avec le monde académique. Mais comme en amour « Qui trop embrasse, mal étreint » ! Et notre challenge est d’inscrire cette démarche dans la durée. Pour pérenniser les liens, nous devons obtenir des résultats positifs, et donc ne pas nous disperser. Et comme toute relation humaine, l’enjeu est de la garder vivante et enrichissante !
Auteur
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Aimé-Frédéric Rosenzweig
Est expert leader au sein de la Supply Chain de Renault. Il coordonne à ce titre les échanges entre sa direction et les réseaux académiques. Ingénieur civil des Ponts & Chaussées, il a effectué la majorité de sa carrière dans des fonctions Supply Chain. Il a notamment travaillé pour Procter & Gamble et Renault. Au cours de sa carrière, il a animé des équipes usines, filiales et corporate dans les domaines opérationnels, ingénieries et projets.
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